Language of document : ECLI:EU:T:2021:593

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

15 septembre 2021 (*)

« Concours financier – Programme général “Droits fondamentaux et justice” pour la période 2007-2013 – Programme spécifique “Justice civile” – Recours en annulation – Décision formant titre exécutoire – Conventions de subvention – Recouvrement d’une partie de la contribution financière versée – Action déclaratoire – Clause compromissoire – Force majeure – Coûts éligibles – Proportionnalité – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑364/15,

ADR Center Srl, établie à Rome (Italie), représentée par Mes A. Guillerme et T. Bontinck, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Estrada de Solà et Mme M. Ilkova, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2015) 3117 final de la Commission, du 4 mai 2015, relative au recouvrement d’une partie de la contribution financière versée à la requérante en exécution des deux conventions de subvention conclues dans le cadre du programme spécifique « Justice civile », et, d’autre part, une demande visant à déclarer éligibles les coûts que la Commission a, dans cette décision, déclarés inéligibles,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. S. Frimodt Nielsen et C. Iliopoulos (rapporteur), juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 18 mars 2021,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        La requérante, ADR Center Srl, est une société établie en Italie fournissant des services dans le domaine du règlement extrajudiciaire des litiges.

2        Le 9 mai 2011, la requérante et l’Union européenne, représentée par la Commission européenne, ont conclu deux conventions de subvention portant, respectivement, les références JUST/2010/JCIV/AG/0031 et JUST/2010/JCIV/AG/0020 (ci-après, respectivement, la « convention de subvention “Orientations” » et la « convention de subvention “Juges” » et, collectivement, les « conventions de subvention ») dans le cadre de la mise en œuvre du programme spécifique établi par la décision no 1149/2007/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 septembre 2007, établissant pour 2007-2013 le programme spécifique « Justice civile » dans le cadre du programme général « Droits fondamentaux et justice » (JO 2007, L 257, p. 16).

3        La requérante a signé les conventions de subvention en tant que société par actions (SpA), dotée d’un capital social de 500 000 euros. Le 10 mai 2013, la requérante est devenue une société à responsabilité limitée (Srl) portant le même nom dont le capital social a été réduit à 60 000 euros, intégralement décaissés.

4        La convention de subvention « Orientations » concernait une action de la requérante intitulée « Orientations pour la directive : promotion de la médiation européenne par un programme de formation hors ligne et en ligne (Directions to the directive : promoting European mediation through off-line and on-line training programme) » (ci-après l’« action “Orientations” »). Cette action portait essentiellement sur la formation des avocats, en vue d’en faire des médiateurs dans des contextes tant nationaux que transfrontaliers, et sur l’élaboration du matériel nécessaire pour les futurs programmes de formation à la médiation.

5        La portée de l’action « Orientations » n’était pas limitée à l’Italie ou à un autre État membre spécifique, mais concernait 26 États membres de l’Union. La proposition de la requérante décrivait, entre autres actions, dix manifestations nationales en Espagne, en République tchèque, en Grèce, en Bulgarie, au Portugal, en Pologne, en Hongrie, en Lituanie, à Malte et en Roumanie ainsi que six événements régionaux qui « pourraient être organisés par la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Italie ». Cette proposition prévoyait également la mise en place d’un portail de médiation en ligne.

6        La convention de subvention « Juges » concernait une action de la requérante intitulée « Juges dans le [règlement extrajudiciaire des litiges] : améliorer les ressources et les formations en ligne pour le renvoi à la médiation judiciaire dans l’Union européenne (Judges in ADR : improving on-line resources and trainings for judicial referral to mediation in the EU) » (ci-après l’« action “Juges” »). Cette action visait à améliorer les ressources et la formation en ligne des juges pour les inciter à envisager davantage le recours à la médiation et au règlement extrajudiciaire des litiges dans l’Union.

7        La portée de l’action « Juges » n’était pas davantage limitée à l’Italie ou à un autre État membre spécifique, mais concernait tous les États membres de l’Union participants (à savoir l’Italie, la Slovénie, la Bulgarie et la Lettonie) avec des événements prévus dans différents États. À titre d’exemple, la proposition présentée par la requérante indiquait qu’« il y aura[it] [dix] événements de formation nationaux et extranationaux pour renforcer les compétences et les connaissances de chacun des stagiaires en droit ».

A.      Sur les conventions de subvention en cause

1.      Convention de subvention « Orientations »

8        La convention de subvention « Orientations » stipulait, à son article I.2.2, que l’action aurait une durée de 24 mois à compter de la dernière signature de la convention. Ladite convention a d’abord été signée par un agent de la Commission le 26 avril 2011 et, ensuite, le 9 mai 2011 par la requérante.

9        Il ressort des articles I.3.2 et I.3.3 de la convention de subvention « Orientations » que le montant total des coûts éligibles de l’action a été estimé à 496 400 euros et que la subvention a été fixée à un montant maximal de 395 900 euros, correspondant au taux de 79,75 % des coûts éligibles estimés. Un préfinancement d’un montant de 277 130 euros a été versé à la requérante.

2.      Convention de subvention « Juges »

10      La convention de subvention « Juges » stipulait, à son article I.2.2 que l’action avait une durée de 24 mois à partir du 12 septembre 2011.

11      Il ressort des articles I.3.2 et I.3.3 de la convention de subvention « Juges » que le montant total des coûts éligibles de l’action a été estimé à 363 000 euros et que la subvention a été fixée à un montant maximal de 285 000 euros, correspondant au taux de 78,51 % des coûts éligibles estimés. Un préfinancement d’un montant de 199 500 euros a été versé à la requérante.

3.      Structure et dispositions communes pertinentes des conventions de subvention

a)      Structure

12      Les conventions de subvention étaient toutes constituées de conditions spéciales, dont la numérotation des articles comprenait le chiffre latin I, de conditions générales, dont la numérotation des articles comprenait le chiffre latin II, et de trois annexes. Il était également précisé que les clauses contenues dans les conditions spéciales prévalaient sur le reste de la convention et que les clauses contenues dans les conditions générales prévalaient sur celles contenues dans les annexes.

b)      Remise des rapports et autres documents

13      Il ressort de la lecture combinée des articles I.5 et II.15.4 des conventions de subvention que la requérante devait remettre, dans un délai de trois mois suivant la clôture de l’action, premièrement, un rapport final sur l’exécution technique de l’action, deuxièmement, un décompte financier final des coûts éligibles réellement supportés suivant la structure du budget prévisionnel et utilisant la même description et, troisièmement, un décompte récapitulatif complet des recettes et des dépenses de l’action (ci-après, ces trois documents pris ensemble, le « rapport final »).

c)      Paiements de la Commission

14      L’article I.4 des conventions de subvention stipulait que la Commission octroyait un préfinancement au bénéficiaire et que le paiement du solde se faisait après la fin de l’action. La demande de paiement du solde devait être accompagnée notamment par le rapport final sur l’exécution technique de l’action et par le décompte financier final. La Commission disposait de 45 jours pour approuver ou rejeter le rapport sur l’exécution technique de l’action et payer le solde ou pour demander de la documentation et des informations additionnelles. Le bénéficiaire disposait de 30 jours pour soumettre des informations additionnelles ou un nouveau rapport sur l’exécution technique de l’action.

d)      Détermination de la subvention finale

15      Conformément à l’article II.17 des conventions de subvention, et sur la base du rapport final remis et approuvé par la Commission, cette dernière déterminait le montant du paiement final, qui tenait compte des paiements déjà effectués au titre du préfinancement. Lorsque le montant cumulé des paiements déjà effectués excédait le montant de la subvention finale, la Commission émettait un ordre de recouvrement pour le montant excédentaire.

16      Il ressort de l’article II.11.4 des conventions de subvention que, en cas de résiliation de la convention, les paiements de la Commission étaient limités aux coûts éligibles effectivement encourus dans le cadre du projet à la date effective de la résiliation, dans le respect des dispositions de l’article II.17. Les coûts liés aux engagements en cours, mais destinés à être exécutés après la résiliation, n’étaient pas pris en considération.

e)      Droit applicable et tribunaux compétents

17      L’article I.8 des conventions de subvention énonçait :

« La subvention est régie par les dispositions de la convention, par le droit de l’Union applicable et, de façon subsidiaire, par la législation belge en matière de subventions.

Les décisions de la Commission concernant l’application des stipulations de la convention ainsi que les modalités de sa mise en œuvre peuvent faire l’objet d’un recours de la part des bénéficiaires auprès du Tribunal de l’Union européenne et, en cas de pourvoi, de la Cour de justice de l’Union européenne. »

f)      Suspension

18      L’article II.7 des conventions de subvention précisait que le bénéficiaire pouvait suspendre la mise en œuvre de l’action si des circonstances exceptionnelles rendaient cette mise en œuvre impossible ou excessivement difficile, notamment en cas de force majeure. En outre, ledit article prévoyait que la durée de l’action était prolongée d’une durée équivalente à la période de suspension.

g)      Force majeure

19      L’article II.8 des conventions de subvention définissait la force majeure de la manière suivante :

« [T]oute situation ou tout événement imprévisible et exceptionnel, indépendant de la volonté des parties, qui empêche l’une des parties d’exécuter l’une de ses obligations conventionnelles, non imputable à une faute ou une négligence de l’une d’elles, et qui n’a pas pu être surmonté en dépit de toute la diligence déployée. Les défauts ou délais de mise à disposition d’équipement ou de matériel (dans la mesure où ils ne résultent pas d’un cas de force majeure), les conflits de travail, les grèves ou les difficultés financières ne pourront être invoqués comme cas de force majeure par la partie en défaut d’exécution […] Si l’une des parties à la convention est confrontée à un cas de force majeure, elle en avertit sans délai l’autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception ou équivalent en précisant la nature, la durée probable et les effets prévisibles de cet événement […] Aucune des parties ne sera considérée comme ayant manqué à l’une de ses obligations conventionnelles si elle est empêchée de les exécuter par un cas de force majeure. »

h)      Résiliation de la convention

20      L’article II.11.1 des conventions de subvention prévoyait ce qui suit :

« Dans des cas dûment justifiés, le bénéficiaire peut renoncer à la subvention et mettre un terme à la convention à tout moment moyennant un préavis écrit et motivé de 60 jours et sans être tenu à une quelconque indemnité à ce titre. En l’absence de motivation ou en cas de rejet par la Commission de la motivation présentée, la résiliation par le bénéficiaire sera jugée abusive avec les conséquences prévues au paragraphe 4, troisième alinéa, du présent article. »

i)      Avenants

21      Il ressortait de l’article II.13 des conventions de subvention que toute modification des conditions de la subvention devait faire l’objet d’un avenant écrit et que, lorsque la demande de modification émanait de la requérante, celle-ci devait l’adresser à la Commission en temps utile avant sa prise d’effet envisagée et, en tout état de cause, un mois avant la date de fin de l’action, sauf dans des cas dûment justifiés par le bénéficiaire et acceptés par la Commission.

j)      Coûts éligibles

22      L’article II.14 des conventions de subvention stipulait ce qui suit à propos des coûts éligibles :

« II.14.1.      Pour pouvoir être considérés comme des coûts éligibles de l’action, les coûts doivent répondre aux critères généraux suivants :

–        être en relation avec l’objet de la convention et être prévus dans le budget prévisionnel annexé à la convention ;

–        être nécessaires pour la réalisation de l’action faisant l’objet de la convention ;

–        être raisonnables et justifiés […] ;

–        être générés pendant la durée de l’action […] ;

–        être effectivement supportés par les bénéficiaires, être enregistrés dans leur comptabilité conformément aux principes comptables applicables et être déclarés conformément aux exigences de la législation fiscale et sociale applicable ;

–        être identifiables et vérifiables.

Les procédures de comptabilité et de contrôle internes des bénéficiaires doivent permettre un rapprochement direct entre les coûts et les recettes déclarés au titre de l’action et les états comptables et les pièces justificatives correspondants.

II.14.2.      Les coûts éligibles de l’action sont les coûts qui, dans le respect des conditions d’éligibilité définies à l’article II.14.1, peuvent être identifiés comme étant des coûts spécifiques de l’action directement liés à sa réalisation et pouvant dès lors faire l’objet d’une imputation directe […] »

k)      Décisions exécutoires

23      L’article II.18.5 des conventions de subvention était libellé comme suit :

« Le bénéficiaire est informé du fait qu[e, ]en vertu de l’article 299 [TFUE], la Commission peut formaliser la constatation d’une créance à charge de personnes autres que des États dans une décision qui forme titre exécutoire. Cette décision est susceptible de recours devant le Tribunal de l’Union européenne. »

B.      Sur la mise en œuvre des conventions de subvention et sur la révision par la Commission

24      Le 8 avril 2013, soit un mois avant la conclusion de l’action « Orientations », la requérante a demandé à la Commission de suspendre cette action pour quatre mois et de la prolonger de quatre mois supplémentaires. Elle a justifié cette demande en invoquant des circonstances prétendument imprévisibles, indépendantes de sa volonté qui compromettraient ses activités, à savoir, d’une part, les dissensions et les discussions qui avaient lieu en Italie depuis l’année 2010 en ce qui concernait la loi réglementant la médiation et qui ont entraîné des actions en justice, des grèves et des manifestations de professionnels et, d’autre part, un arrêt de la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle, Italie) du 6 décembre 2012 annulant la réglementation sur la médiation obligatoire, avant que celle-ci ne soit à nouveau adoptée, en juin 2013, par le nouveau gouvernement.

25      À cet égard, il convient de préciser que, en Italie, le 21 mars 2011, une nouvelle loi sur la médiation obligatoire était entrée en vigueur (décret législatif no 28 de 2010), ce qui avait amené la requérante, auparavant active dans le domaine de la médiation facultative, à élargir ses activités au domaine de la « médiation obligatoire ». Or, à la suite d’une saisine émanant du Tribunale amministrativo regionale del Lazio (tribunal administratif régional du Latium, Italie) le 12 avril 2011, la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle) a annoncé, le 24 octobre 2012, sa décision à venir, de déclarer la partie obligatoire de cette loi contraire à la Constitution italienne. À la fin de l’année 2013, le nouveau gouvernement italien a adopté un nouveau modèle modéré de médiation obligatoire qui imposait aux parties de participer seulement à une réunion d’information préliminaire pour un nombre limité de litiges en matière civile.

26      À la suite de l’arrêt de la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle), les activités de médiation de la requérante, récemment étendues, se sont réduites. Ainsi, à la fin de l’année 2012, la requérante a fermé une partie de ses bureaux et a réduit son équipe de 31 à 5 personnes.

27      Par courriel du 11 avril 2013, la Commission a informé la requérante qu’une prolongation de l’action à un mois seulement de la fin de validité de celle-ci n’était pas possible et a demandé une brève description de l’état d’avancement de l’action « Orientations ».

28      À la suite de la réception du courriel de la requérante du 16 avril 2013 illustrant la situation de l’action « Orientations », la Commission a réitéré, par lettre du 25 avril 2013, que la demande de prolongation de la requérante ne pouvait être acceptée. La lettre précisait que l’appel à propositions était plafonné à 24 mois et que la prolongation de l’action « Orientations » au-delà de cette durée serait contraire au principe d’égalité de traitement à moins d’être justifiée par des circonstances exceptionnelles (par exemple par un cas de force majeure). Cependant, la requérante n’aurait pas démontré l’existence de telles circonstances. Selon la Commission, les circonstances invoquées, bien qu’elles aient déjà été présentes dès le début de l’action en 2011, n’étaient présentées par la requérante que d’une manière tardive et ne concernaient, par ailleurs, que l’Italie. Par ailleurs, la mise en œuvre de l’action aurait été incomplète et tardive, même en ce qui concerne les activités non compromises par les circonstances invoquées par la requérante, telles que celles prévues en dehors de l’Italie. Par lettre du 5 juin 2013, la Commission a invité la requérante à transmettre le rapport final pour le 8 août 2013.

29      Le 10 juillet 2013, soit deux mois avant la conclusion de l’action « Juges », la requérante a adressé à la Commission une lettre demandant la résiliation de cette action conformément à l’article II.8 ou à l’article II.11.1 de la convention de subvention « Juges ». Plus particulièrement, dans cette lettre, la requérante a fait valoir un cas de force majeure l’empêchant de s’acquitter de ses obligations dans le délai établi. À l’appui de cette affirmation, la requérante faisait référence à la correspondance précédente avec la Commission concernant l’action « Orientations » (voir point 24 ci-dessus) et à la décision de la Commission de refuser la prolongation de cette dernière action.

30      Par lettre du 16 août 2013, la Commission a informé la requérante du refus de faire droit à sa demande de résiliation au titre de l’article II.8 de la convention de subvention « Juges » en raison de la communication tardive des prétendues circonstances imprévues ainsi que pour des raisons de fond, étant donné que les circonstances invoquées ne s’appliqueraient pas à tous les aspects de l’action. Toutefois, la Commission a accepté la demande subsidiaire de la requérante visant à résilier l’action au titre de l’article II.11.1 de la convention de subvention « Juges » à partir du 11 septembre 2013 et a rappelé à cette dernière l’obligation de transmettre le rapport final pour le 11 novembre 2013.

31      La requérante a présenté le rapport final sur l’exécution technique de l’action « Orientations » à la Commission le 12 septembre 2013, sans pourtant envoyer le décompte financier final qui était également dû.

32      Le décompte financier final a été transmis par la requérante le 6 janvier 2014. Cette dernière y a déclaré des coûts éligibles d’un montant de 146 905,44 euros pour la mise en œuvre de l’action « Orientations » initialement estimé à 496 400 euros.

33      Le 11 novembre 2013, la requérante a présenté le rapport final sur l’exécution technique de l’action « Juges » également sans le décompte financier final.

34      Le 21 janvier 2014, une réunion entre la requérante et les services compétents de la Commission a eu lieu aux fins de discuter des actions « Juges » et « Orientations ». La Commission a prolongé le délai pour la réception du décompte financier final de l’action « Juges », le repoussant au 5 février 2014. La requérante a finalement transmis le décompte financier final le 4 février 2014. Pour la mise en œuvre de l’action « Juges », cette dernière a déclaré des coûts éligibles de 99 245,85 euros sur les 363 000 euros prévus dans l’estimation initiale.

35      Le 24 mars 2014, à la suite de l’analyse du rapport final de l’action « Juges », la Commission – au moyen d’une « lettre de préinformation » – a fait savoir à la requérante que certains coûts de cette action ne seraient pas acceptés et que, par conséquent, elle établirait un ordre de recouvrement pour un montant de 155 507,97 euros, représentant la majorité du préfinancement qui s’élevait à la somme de 199 500 euros.

36      À la suite de l’analyse du rapport final de l’action « Orientations », le 7 mai 2014, la Commission a informé la requérante – également au moyen d’une « lettre de préinformation » – que, pour cette action, aucun coût ne serait accepté et, en conséquence, qu’elle émettrait un ordre de recouvrement pour l’intégralité du préfinancement, soit la somme de 277 130 euros.

37      À ses deux lettres de préinformation susmentionnées, la Commission a annexé des tableaux recensant les coûts rejetés et les motifs de ces rejets. Elle a également invité la requérante à fournir des informations complémentaires dans un délai de deux mois en cas de désaccord avec les conclusions de la Commission.

38      N’ayant pas reçu lesdites informations complémentaires de la part de la requérante, le 8 juillet 2014 et le 8 août 2014 respectivement pour les actions « Juges » et « Orientations », la Commission a émis deux notes de débit portant sur le recouvrement des montants de 155 507,97 euros pour l’action « Juges » et de 277 130 euros pour l’action « Orientations », accompagnées d’une invitation à payer dans un délai d’un mois, soit au plus tard le 22 août 2014 en ce qui concerne l’action « Juges » et au plus tard le 22 septembre 2014 s’agissant de l’action « Orientations ». Les notes de débit ont été suivies par deux lettres de rappel du 2 septembre et du 6 octobre 2014.

C.      Décision attaquée

39      Le 4 mai 2015, la Commission a adopté, sur le fondement de l’article 299 TFUE et de l’article 79, paragraphe 2, du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1), la décision C(2015) 3117 final, relative au recouvrement d’un montant total de 432 637,97 euros en capital dû par la requérante au titre des notes de débit en exécution des conventions de subvention, majoré d’un montant de 8 702,20 euros à titre d’intérêts de retard jusqu’au 31 mars 2015 et d’un montant supplémentaire de 43,25 euros pour chaque jour de retard à compter du 1er avril 2015 (ci-après la « décision attaquée »). La décision attaquée a été notifiée à la requérante le 6 mai 2015.

40      L’article 4 de la décision attaquée précisait, notamment, que cette dernière formait titre exécutoire au sens de l’article 299, premier alinéa, TFUE.

II.    Procédure et conclusions des parties

41      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 juillet 2015, la requérante a introduit le présent recours.

42      La phase écrite de la procédure a été clôturée avec la soumission de la duplique le 20 janvier 2016.

43      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 21 janvier 2016, la requérante a introduit une demande en référé. Par ordonnance du 22 janvier 2016, le président du Tribunal a ordonné, en vertu de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, le sursis provisoire de l’exécution forcée de la décision attaquée jusqu’à l’adoption de l’ordonnance statuant définitivement sur la demande de la requérante. Cette demande a été rejetée définitivement par ordonnance du 7 avril 2016 ADR Center/Commission (T‑364/15 R, non publiée, EU:T:2016:200) et les dépens ont été réservés.

44      Par décision du président du Tribunal du 18 avril 2016, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur, siégeant dans la troisième chambre.

45      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

46      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre), dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé par écrit, le 21 février 2017, des questions à la requérante auxquelles celle-ci a répondu dans le délai imparti. Le 3 avril 2017, la Commission a répondu ne pas avoir d’observations à formuler à l’égard de ces réponses.

47      Par décision du président de la quatrième chambre du Tribunal du 11 mai 2017, les parties entendues, la procédure a été, conformément à l’article 69, sous d), du règlement de procédure, suspendue jusqu’à la décision du Tribunal mettant fin à l’instance dans l’affaire T‑644/14, ADR Center/Commission.

48      Par décision du président de la quatrième chambre du Tribunal du 20 novembre 2017, les parties entendues, la procédure a de nouveau été, conformément à l’article 69, sous a), du règlement de procédure, suspendue jusqu’à la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans l’affaire C‑584/17 P, ADR Center/Commission.

49      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

50      Par arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission (C‑584/17 P, EU:C:2020:576), la Cour a mis fin à l’instance dans l’affaire C‑584/17 P.

51      Le 28 août 2020, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure prévue à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal (sixième chambre) a invité les parties à lui indiquer les conséquences qu’il y avait lieu de tirer, selon elles, de l’arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission (C‑584/17 P, EU:C:2020:576), au regard du présent recours. Les parties ont déféré à la mesure d’organisation de la procédure dans le délai imparti. Dans sa réponse du 22 septembre 2020, la requérante a indiqué ne pas maintenir le moyen tiré du défaut de compétence de la Commission pour adopter la décision attaquée et a présenté une demande de mesure d’organisation de la procédure, conformément à l’article 89, paragraphe 2, sous d), du règlement de procédure afin de parvenir à un règlement à l’amiable. La Commission, en réponse à cette mesure d’organisation de la procédure, a indiqué ne pas maintenir la fin de non-recevoir soulevée à l’égard du deuxième chef de conclusions de la requérante. En outre, par sa réponse du 16 octobre 2020, la Commission a indiqué qu’elle n’était pas disposée à résoudre le litige par la voie d’un règlement à l’amiable.

52      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé, le 11 janvier 2021, d’ouvrir la phase orale de la procédure.

53      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 18 mars 2021.

54      Lors de l’audience, la requérante a introduit, dans le cas où certains coûts seraient reconnus comme étant inéligibles, des conclusions supplémentaires visant à fixer à zéro le montant des intérêts de retard afférents à ces coûts.

55      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        déclarer éligibles tous les coûts déclarés inéligibles par la Commission ;

–        fixer à zéro le montant des intérêts de retard éventuellement dus pour la période courant entre la date de la décision exécutoire pertinente et celle du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire, ou, à titre subsidiaire, fixer ledit montant des intérêts de retard à zéro pour la période de la suspension de la présente affaire ;

–        condamner la Commission aux dépens.

56      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante

57      La Commission a indiqué ne pas maintenir la fin de non-recevoir soulevée à l’égard du deuxième chef de conclusions de la requérante. Néanmoins, eu égard à la nature déclaratoire dudit chef de conclusions, il est nécessaire de vérifier si le juge de l’Union est compétent pour connaître de ce type d’action. En effet, s’agissant d’une question touchant à la compétence même du juge de l’Union, elle doit être relevée d’office par le juge alors même qu’aucune des parties ne lui a demandé de le faire (voir arrêt du 26 février 2015, Planet/Commission, C‑564/13 P, EU:C:2015:124, points 19 et 20 et jurisprudence citée).

58      Il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de son deuxième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal de déclarer éligibles tous les coûts déclarés inéligibles par la Commission. Dans le cadre de ses réponses à des questions écrites posées par le Tribunal, la requérante a, dans un premier temps, relevé que le présent recours devait être compris comme étant fondé non seulement sur l’article 263 TFUE, qui constituerait la base juridique du premier chef de conclusions, mais également sur l’article 272 TFUE, qui constituerait la base juridique du deuxième chef de conclusions, et a invoqué à l’appui de son allégation l’arrêt du 6 octobre 2015, Technion et Technion Research & Development Foundation/Commission (T‑216/12, EU:T:2015:746). Dans un deuxième temps, elle a précisé que, à son avis, au vu de l’arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission (C‑584/17 P, EU:C:2020:576), le Tribunal avait compétence pour connaître des moyens d’annulation fondés sur des éléments de fait et de droit résultant des relations contractuelles entre la Commission et elle-même. Elle a maintenu sa demande de requalification partielle du recours dans la mesure où cela était nécessaire. Dans un troisième temps, la requérante a précisé, lors de l’audience, que, selon elle, une requalification partielle du recours s’imposait dans la mesure où une requête fondée sur l’article 272 TFUE conférerait au Tribunal « un champ de compétence plus large ». À ce titre, elle a réitéré sa première réponse aux questions écrites posées par le Tribunal, en relevant que le présent recours devait être compris comme étant fondé non seulement sur l’article 263 TFUE, qui constituerait la base juridique du premier chef de conclusions, mais également sur l’article 272 TFUE, qui constituerait la base juridique du deuxième chef de conclusions.

59      À cet égard, il convient de relever que tant la fin de non-recevoir initialement soulevée par la Commission que la demande de requalification partielle du recours soumise initialement et lors de l’audience, par la requérante en conséquence de la fin de non-recevoir soulevée par la Commission, reposent sur la prémisse selon laquelle, dans le cadre d’un recours en annulation introduit sur le fondement de l’article 263 TFUE, le deuxième chef de conclusions serait irrecevable dans la mesure où, conformément à une jurisprudence constante, le juge de l’Union n’a pas compétence pour connaître des actions déclaratoires dans le cadre d’un tel recours en annulation fondé sur l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2015, Technion et Technion Research & Development Foundation/Commission, T‑216/12, EU:T:2015:746, point 57).

60      La Cour a eu l’occasion de juger que, afin de garantir une protection juridictionnelle effective visée par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), le juge de l’Union saisi, en application de l’article 263 TFUE, d’un recours en annulation contre une décision de la Commission formant titre exécutoire formalisant une créance contractuelle était appelé à connaître non seulement des moyens d’annulation fondés sur des éléments de fait et de droit résultant des agissements de la Commission en tant qu’autorité administrative, mais également des moyens d’annulation fondés sur des éléments de fait et de droit résultant des relations contractuelles liant la Commission au requérant. Elle a précisé que, dans la mesure où ledit recours comportait par ailleurs une demande reconventionnelle fondée sur l’exécution du contrat concerné, le juge de l’Union ne pouvait déclarer irrecevable une telle demande au motif que cette dernière constituait une injonction que le juge de l’annulation ne pouvait prononcer (arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 88).

61      Il s’ensuit que le juge de l’Union saisi, en application de l’article 263 TFUE, d’un recours en annulation contre une décision de la Commission formant titre exécutoire formalisant une créance contractuelle a compétence pour connaître des moyens fondés sur des éléments de fait et de droit résultant des relations contractuelles liant la Commission au requérant et visant à faire constater que la Commission ne détient pas la créance contractuelle litigieuse. Afin de garantir une protection juridictionnelle effective visée par l’article 47 de la Charte, cette compétence est indépendante de la nécessité de procéder à une requalification partielle du recours (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 84).

62      Il résulte de ce qui précède que le second chef de conclusions est recevable.

B.      Sur la recevabilité des conclusions supplémentaires de la requérante

63      Ainsi qu’il ressort des points 54 et 55 ci-dessus, lors de l’audience, la requérante a, à titre subsidiaire, introduit des conclusions supplémentaires visant à fixer à zéro le montant des intérêts de retard éventuellement dus à l’égard des coûts déclarés inéligibles par la Commission.

64      Ces conclusions supplémentaires sont manifestement irrecevables.

65      En effet, elles sont contraires aux prescriptions de l’article 76 du règlement de procédure. Aux termes de cette disposition, les parties ont l’obligation de définir l’objet du litige dans l’acte introductif d’instance. Même si l’article 86, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure permet, sous certaines conditions, une adaptation de la requête, notamment lorsqu’un acte dont l’annulation est demandée est remplacé ou modifié par un autre acte ayant le même objet, il convient de relever que les conditions de cette disposition ne sont pas remplies en l’espèce. Par conséquent, de nouvelles conclusions présentées pour la première fois lors de l’audience ne peuvent être admises sous peine de priver la partie défenderesse de la possibilité de préparer sa réponse et ainsi de violer les droits de la défense (voir, en ce sens, arrêts du 17 mars 2005, Commission/AMI Semiconductor Belgium e.a., C‑294/02, EU:C:2005:172, point 75 ; et du 15 février 1996, Ryan-Sheridan/FEACVT, T‑589/93, EU:T:1996:18, point 144).

C.      Sur le fond

66      Après avoir renoncé au moyen soulevé dans la requête, tiré du défaut de compétence de la Commission pour adopter la décision attaquée (voir point 51 ci-dessus), la requérante n’invoque plus que trois moyens tirés, premièrement, d’erreurs de fait et d’appréciation commises par la Commission qui auraient affecté les conclusions relatives à l’éligibilité des coûts déclarés par la requérante, deuxièmement, d’un détournement de pouvoir et de la violation du principe de proportionnalité par la Commission et, troisièmement, d’une violation de l’obligation de motivation.

1.      Sur le premier moyen, tiré derreurs de fait et d’appréciation prétendument commises par la Commission qui ont affecté les conclusions relatives à l’éligibilité des coûts déclarés par la requérante

67      La requérante fait valoir que la décision attaquée se fonde sur des erreurs de fait et d’appréciation, que la Commission a erronément indiqué que le travail technique réalisé dans le cadre des actions avait été mal exécuté et que cette institution a déclaré, à tort, inéligibles certains coûts. Dans ce contexte, elle soulève six griefs qu’il convient d’examiner successivement.

68      La Commission conteste ces griefs.

a)      Sur l’insuffisance de la mise en œuvre des actions

69      La requérante conteste le considérant 11 de la décision attaquée dans le cadre duquel la Commission a indiqué que le niveau et la qualité de la mise en œuvre des actions étaient insuffisants. Plus particulièrement, la requérante fait valoir que cette affirmation est fausse, que la Commission ne lui a jamais reproché de fournir un travail de faible qualité et que la décision attaquée est dépourvue de motivation et d’éléments de preuve à cet égard. Il serait, certes, vrai que l’exécution des actions était incomplète, mais cela résulterait du fait que la Commission avait refusé la suspension de l’action « Orientations » et, de cette façon, aurait privé la requérante de la possibilité de compléter cette action.

70      En outre, selon la requérante, le fait que son travail ait servi de base à une étude réalisée pour le Parlement européen et ait été à l’origine de demandes officielles de la part des ministères de la Justice bulgare et polonais démontrerait que la qualité dudit travail n’était pas insuffisante.

71      Il convient de rappeler que la Commission est tenue, aux termes de l’article 317 TFUE, de respecter le principe de bonne gestion financière. Elle veille également à la protection des intérêts financiers de l’Union dans l’exécution du budget de celle-ci. Il en est de même en matière contractuelle, dès lors que les subventions accordées par la Commission sont issues du budget de l’Union. Selon un principe fondamental régissant les concours financiers de l’Union, celle-ci ne peut subventionner que des dépenses effectivement engagées (voir arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 100 et jurisprudence citée).

72      Par conséquent, la Commission ne peut, sans porter atteinte à ces principes établis par le traité FUE, approuver une dépense à charge du budget de l’Union sans fondement juridique. Or, s’agissant d’une subvention, c’est la convention de subvention qui régit les conditions d’octroi et d’utilisation de celle-ci et, plus particulièrement, les clauses relatives à la détermination du montant de cette subvention en fonction des coûts déclarés par le cocontractant de la Commission (voir arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 101 et jurisprudence citée).

73      Partant, si les coûts déclarés par le bénéficiaire de la subvention ne sont pas éligibles au titre de la convention de subvention concernée, parce qu’ils ont été considérés comme étant non vérifiables ou non fiables, la Commission n’a d’autre choix que de procéder au recouvrement de la subvention à concurrence des montants non justifiés, dès lors que, sur la base du fondement juridique que constitue cette convention de subvention, cette institution n’est autorisée à liquider, à charge du budget de l’Union, que des sommes dûment justifiées (voir arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 102 et jurisprudence citée).

74      Or, la Cour a eu l’occasion de juger qu’il ne suffisait pas pour le bénéficiaire de la subvention de démontrer qu’un projet avait été réalisé pour justifier l’octroi d’une subvention déterminée, mais que celui-ci devait apporter la preuve que les coûts déclarés avaient été supportés conformément aux conditions fixées pour l’octroi des subventions concernées (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 109).

75      Le principe rappelé aux points 71 et 74 ci-dessus est reflété dans les stipulations des conventions de subvention relatives aux modalités d’octroi du financement. Ainsi, en vertu des articles I.5 et II.15.4 desdites conventions, la requérante devait notamment remettre à la Commission, après la clôture de l’action, un décompte financier final des coûts éligibles réellement supportés et un décompte récapitulatif complet des recettes et des dépenses de l’action, la Commission pouvant, le cas échéant, solliciter la communication d’informations et de documents supplémentaires. L’obligation de la requérante de présenter des relevés de dépenses conformes aux exigences spécifiques stipulées à l’article II.14.1 des conventions de subvention constitue dès lors l’un de ses engagements essentiels, visant à permettre à la Commission de disposer des données nécessaires pour vérifier si les contributions en cause ont été employées en conformité avec les stipulations des contrats (voir, en ce sens, arrêt du 17 juin 2010, CEVA/Commission, T‑428/07 et T‑455/07, EU:T:2010:240, point 126). C’est sur la base des documents visés à l’article II.15.4 de ces conventions que la Commission détermine, conformément à l’article II.17 des mêmes conventions et sous réserve d’informations ultérieurement reçues, le montant définitif de la subvention (arrêt du 20 juillet 2017, ADR Center/Commission, T‑644/14, EU:T:2017:533, point 94).

76      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le moyen spécifique de la requérante relatif au rejet de certaines dépenses dans le cadre des actions visées par les conventions de subvention.

77      Il convient de rappeler que ni la qualité des différentes activités et réalisations des deux actions ni le caractère incomplet de leur exécution ne sont contestés entre les parties. En effet, c’est sur le fondement de ce travail incomplet que la Commission a conclu que le niveau et la qualité de la mise en œuvre des actions étaient insuffisants. Ce faisant, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la Commission n’a pas outrepassé sa marge d’appréciation, ni commis d’erreur d’appréciation.

78      Dans la mesure où la requérante fait valoir que la Commission ne lui aurait jamais reproché de fournir un travail de faible qualité, il y a lieu de relever que, indépendamment du fait que la Commission lui a envoyé les lettres de préinformation en ce qui concerne les deux actions (lettres auxquelles, ainsi que cela n’est pas contesté entre les parties, la requérante n’a pas réagi pour réfuter les reproches de la Commission), ainsi que les tableaux annexés aux deux lettres de préinformation fournissant une explication des raisons du rejet des coûts déclarés, la Commission se fonde, à cet égard, sur le caractère incomplet du travail accompli, facteur qui est connu de la requérante et, selon cette dernière, imputable au fait que la Commission a refusé de lui accorder la suspension demandée. Cette question sera traitée aux points 110 à 119 ci-après dans le cadre du deuxième moyen. En outre, en ce qui concerne la question du défaut de motivation, celle-ci sera traitée dans le cadre du troisième moyen. Il s’ensuit que la Commission n’a pas abordé dans la décision attaquée la question de la qualité des différentes activités et réalisations des deux actions, mais uniquement celle de leur mise en œuvre globale, dont la requérante a reconnu elle-même qu’elle était incomplète.

b)      Sur les erreurs de fait et d’appréciation relatives à l’inéligibilité des coûts déclarés par la requérante

79      La requérante soutient que l’appréciation de la Commission sur l’inéligibilité des coûts déclarés par elle pour les actions « Orientations » et « Juges » résulte d’une erreur d’appréciation des faits relatifs à ces coûts.

1)      Coûts de l’action « Orientations »

80      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la Commission a déclaré tous les coûts pour l’action « Orientations » comme inéligibles, soit 146 905,44 euros.

81      La requérante fait grief à la Commission d’avoir rejeté la totalité des coûts déclarés, étant donné que cela signifie qu’absolument aucun travail n’a été réalisé sur cette action, alors que les différents résultats des travaux effectués dans le cadre de cette action et annexés à la requête montrent que tel n’est pas le cas. Bien que tous les résultats n’aient pu être atteints, il ne ferait aucun doute que certains travaux auraient été réalisés pour mettre en œuvre les activités de l’action. Des factures et des justificatifs auraient été présentés pour tous les coûts déclarés, conformément aux conditions d’éligibilité. En revanche, les autres documents ou justificatifs demandés par la Commission ne seraient pas exigés par la convention de subvention.

82      L’argumentation de la requérante doit être rejetée eu égard au principe exposé aux points 71 et 74 ci-dessus, selon lequel il ne suffit pas pour le bénéficiaire de la subvention de démontrer qu’un projet a été réalisé pour justifier l’attribution de cette subvention. Le bénéficiaire doit, de surcroît, apporter la preuve qu’il a exposé les frais déclarés conformément aux conditions fixées pour l’octroi du concours concerné, seuls les frais dûment justifiés pouvant être considérés comme éligibles.

83      En l’espèce, la Commission a, dans le cadre du tableau joint à la lettre de préinformation (annexe A.26, annexe B.4), expliqué d’une manière détaillée de quel type de documentation elle avait besoin pour remplir sa tâche mentionnée aux points 71 à 73 ci-dessus. Sans que cela soit contesté par la requérante, la Commission fait valoir que celle-ci n’a fourni, que ce soit en réponse à la lettre de préinformation ou en annexe à la requête dans la présente affaire, aucun élément de preuve des coûts rejetés pour l’action « Orientations ». Or, l’affirmation générale de la requérante selon laquelle il ne ferait « aucun doute que “certains” travaux [auraient] été réalisés pour mettre en œuvre les activités [de l’action] » est insuffisante pour répondre à ces exigences et pour remplir la charge de la preuve qui lui incombe en vertu de la jurisprudence citée au point 74 ci-dessus et déclarer les coûts « identifiables et vérifiables » au sens de l’article II.14.1 de la convention de subvention. Il en va de même pour les deux pages de couverture que la requérante a soumises en tant qu’annexe A.29.

2)      Coûts de l’action « Juges »

i)      Coûts de la partie en ligne de l’action

84      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, dans l’état financier final de l’action, la requérante a déclaré 25 000 euros pour les 62,5 jours (sur 100 jours estimés) de travail réalisés par M. A, du 15 janvier 2011 au 15 janvier 2013, pour la « création de la partie en ligne [de l’action] ». La Commission a rejeté ces coûts au motif que ladite partie en ligne de l’action n’a pas été mise en place (annexe A.12, page 75, ligne no 5 du tableau).

85      La requérante fait grief à la Commission d’avoir rejeté la totalité des coûts déclarés au seul motif que la partie en ligne de l’action n’avait pas été mise en place. Après avoir reconnu que tel était en effet le cas, elle fait valoir que les coûts déclarés ne peuvent être rejetés sur ce seul fondement, dans la mesure où les règles de remboursement contenues dans la convention de subvention ne sont pas destinées à rembourser les réalisations d’une action, mais le coût des ressources mises en œuvre.

86      Eu égard au principe fondamental régissant les concours financiers de l’Union relatif à la charge de la preuve incombant au bénéficiaire d’une subvention de l’Union (voir point 74 ci-dessus), il convient de conclure qu’il appartenait à la requérante, confrontée aux constatations concrètes de la Commission, de soumettre des éléments probants démontrant la réalisation partielle de la partie en ligne de l’action « Juges » et des travaux prétendument effectués pendant 500 heures (soit 8 heures par jour durant 62,5 jours) par M. A.

87      Or, force est de constater que la requérante n’a soumis aucun élément probant à cet égard ni durant la procédure précontentieuse ni devant le Tribunal. Dans la mesure où de tels éléments de preuve font défaut, les conditions d’éligibilité, mentionnées à l’article II.14 de la convention de subvention, ne sont pas réunies étant donné que les frais déclarés ne sont pas « identifiables et vérifiables ».

ii)    Coûts de marketing, de promotion et de diffusion du matériel en rapport avec l’action

88      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, dans l’état financier final de l’action, la requérante a déclaré 18 424,80 euros de frais pour Mme B, qui est sa copropriétaire. Plus précisément, la requérante a déclaré 90 jours de travail à raison de 204,72 euros par jour, du 15 janvier 2011 au 15 janvier 2013, en qualité d’experte en communication pour organiser des conférences (voir annexe A.12, ligne 8).

89      La requérante fait grief à la Commission d’avoir commis une erreur de calcul des coûts éligibles au titre de cette activité de l’action en faisant valoir que, à hauteur de 7 896 euros, les coûts déclarés étaient inéligibles étant donné que, selon la Commission, se seraient déroulés trois événements au lieu des quatre initialement prévus. Or, selon la requérante et suivant la motivation de la Commission, les coûts acceptés devraient être équivalents à trois quarts du montant des frais, soit 13 818,60 euros, au lieu des 10 528 euros déclarés éligibles par la Commission.

90      Ce grief doit être rejeté, puisqu’il ne se fonde pas sur une présentation exacte des faits. En effet, la Commission a souligné, à juste titre, que la requérante avait prévu sept conférences au moins. Partant, l’erreur invoquée par la requérante est en réalité une simple erreur de plume commise par la Commission et qui était facilement identifiable par la requérante, la justification « étant donné que seuls [trois] événements ont eu lieu sur les [quatre] prévus, 3/7es des coûts ont été acceptés » étant en soi contradictoire. Partant, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la Commission aurait dû accepter, au titre des coûts éligibles, la somme de 13 818,60 euros.

iii) Coûts de création des programmes de formation et d’un calendrier de formation

91      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la requérante a déclaré 1 045,03 euros de frais pour Mme C, spécialiste néerlandaise de la médiation, en présentant deux factures en date du 13 septembre 2011.

92      La première facture (annexe B.6), d’un montant de 600 euros, est libellée comme suit : « Indemnités pour activités de préparation et de formation liées au cours sur le rôle du juge en ce qui concerne le renvoi à la médiation, organisées dans le cadre [de l’action] financé[e] par la C[ommission], “Juges dans le [règlement extrajudiciaire des litiges] : améliorer les ressources et les formations en ligne pour le renvoi à la médiation judiciaire dans l’Union européenne”. »

93      La seconde facture (annexe B.7), d’un montant de 445,03 euros, concernait les frais de déplacement et de séjour de Mme C en vue de sa participation, en tant que conférencière, à un cours. Mme C a reconnu la nécessité de justifier ces coûts en indiquant : « je déclare que je fournirai les preuves de paiement (facture d’hôtel et autres reçus, tels que billets d’avion [ou] de train, carte d’embarquement, etc.) dans un délai d’une semaine à compter de la date de la conférence ».

94      La Commission a rejeté ces coûts en indiquant que « la facture de 600 euros pour les “activités de formation” est datée du 13 [septembre 20]11, bien que la première formation ait eu lieu le 13 [octobre 20]11 », et qu’« il en va de même pour la facture de 445,03 euros qui, en outre, concerne des frais de déplacement et devrait figurer sous la rubrique B » (annexe A.12, ligne no 9 du tableau).

95      La requérante fait grief à la Commission d’avoir commis une erreur d’appréciation des coûts éligibles au titre de cette activité de l’action étant donné qu’elle a appuyé son rejet de ces coûts sur le fait que la facture de Mme C était datée du 13 septembre 2011 alors que la formation a eu lieu le 13 octobre 2011. En effet, l’activité aurait été décrite comme l’élaboration de programmes de formation et d’un calendrier de formation aisément réalisable et, par conséquent, ne correspondrait pas à la mise en œuvre effective des formations, qui constituerait une activité distincte de l’action. Il résulterait de la nature même de cet objectif de l’action que cette activité, qui correspondrait au travail préparatoire de la formation en tant que telle, interviendrait en amont de la formation.

96      Ce grief doit également être rejeté, étant donné que la Commission fait valoir, à juste titre, que les factures dont le remboursement est demandé par la requérante ne concernent pas des travaux préparatoires dépourvus de lien avec la formation elle-même, mais, au contraire, des activités de formation (Teaching activities) et les frais de déplacement et de séjour en vue de la participation de Mme C, en tant que conférencière, à cette formation (for the participation as speaker to the course « The role of the judge in mediation with reference to mediation referral »). En outre, en ce qui concerne les frais de déplacement et de séjour, il y a lieu de relever que la requérante n’a soumis aucun élément probant à cet égard ni durant la procédure précontentieuse ni devant le Tribunal. Dans la mesure où de tels éléments de preuve font défaut, les conditions d’éligibilité, mentionnées à l’article II.14 de la convention de subvention, ne sont pas réunies étant donné que les frais déclarés ne sont pas « identifiables et vérifiables ».

iv)    Coûts de l’impression et de la publication d’un manuel

97      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la requérante a déclaré 1 619,20 euros pour cette activité et a notamment présenté deux factures, l’une d’un montant de 909,20 euros datée du 20 juin 2011 (annexe B.9) et l’autre d’un montant de 710 euros datée du 6 juillet 2011 (annexe B.10). La Commission a rejeté ces coûts en précisant qu’ils ont été encourus en dehors de la période d’éligibilité, c’est-à-dire en dehors de la durée de l’action (annexe A.12, ligne no 19 du tableau).

98      La requérante conteste la conclusion de la Commission concernant l’inéligibilité de ces coûts en faisant valoir que l’exigence selon laquelle il existerait une période d’éligibilité ne figurerait ni dans la convention de subvention ni dans la correspondance à l’issue de laquelle l’ordre de recouvrement a été émis.

99      Ce grief doit être rejeté étant donné que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’article II.14.1 de la convention de subvention prévoit que, pour pouvoir être considérés comme des coûts éligibles de l’action, les coûts doivent être générés pendant la durée de l’action. Or, les factures datent du 20 juillet 2011 (annexe B.9) et du 6 juillet 2011 (annexe B.10), alors que le début de l’action était prévu pour le 12 septembre 2011.

100    Sur le fondement des appréciations qui précèdent, il convient de rejeter le présent moyen.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré d’un prétendu détournement de pouvoir et de la violation du principe de proportionnalité par la Commission

101    Premièrement, la requérante soutient que la Commission a indûment refusé de suspendre l’action « Orientations » à la lumière des circonstances exceptionnelles mentionnées dans sa lettre du 8 avril 2013 et que l’ordre de recouvrement serait le résultat de ce refus. Selon la requérante, l’arrêt du 6 décembre 2012 de la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle) aurait conduit à une perte de plus de 90 % de ses activités de médiation et de son personnel. Bien que les subventions de l’Union aient cofinancé l’action à hauteur de 80 %, elle n’aurait pas été en mesure de supporter les coûts correspondant aux 20 % restants jusqu’au mois d’avril 2013, période à partir de laquelle sa situation financière s’est stabilisée et a commencé à s’améliorer. La requérante conteste les motifs avancés par la Commission dans sa lettre du 25 avril 2013 pour refuser la suspension de l’action.

102    Deuxièmement, la requérante fait valoir que la Commission a adopté une interprétation trop restrictive de la période pendant laquelle une suspension ou une prolongation pouvait être demandée étant donné qu’elle a respecté les articles II.7 et II.13 de la convention de subvention selon lesquels une demande de suspension, qui constitue une demande de conclure un « accord écrit additionnel », peut être présentée par le bénéficiaire un mois avant la date de clôture de l’action.

103    Troisièmement, la requérante avance que la Commission a fait preuve d’incohérence en acceptant les mêmes circonstances que celles présentées dans le cadre de la demande de suspension de l’action « Orientations » pour résilier l’action « Juges », alors qu’elle n’a pas accepté ces circonstances pour suspendre l’action « Orientations ». De l’avis de la requérante, il s’agissait d’une attitude « incohérente et irrationnelle », voire « schizophrénique », d’autant plus qu’elle aurait été manifestement confrontée à des difficultés bien plus importantes au mois d’avril 2013 qu’au mois d’août de cette même année. La Commission aurait précisément décidé, en août 2013, que les difficultés financières rencontrées par la requérante au cours de l’année 2013 étaient tellement importantes qu’elles rendaient l’exécution du contrat impossible ou excessivement difficile. Étant donné que les difficultés financières de cette dernière étaient plus importantes au mois d’avril 2013 qu’au mois d’août 2013, la Commission aurait, selon la requérante, logiquement dû en conclure que le critère relatif aux « circonstances exceptionnelles qui rendent l’exécution de l’action impossible ou très difficile » était rempli en avril 2013 et aurait dû accueillir la demande de suspension et de prolongation de l’action « Orientations ».

104    Quatrièmement, la requérante soutient que, contrairement à ce que fait valoir la Commission, ce moyen n’est pas irrecevable. Il serait, certes, vrai qu’il renvoie à la question de savoir si la Commission avait l’obligation d’accorder ou non une suspension et une prolongation de l’action, question qui porte sur l’exécution du contrat. Pourtant, l’ordre de recouvrement serait le résultat du refus de la Commission de prolonger et de suspendre la durée de l’action « Orientations ». Or, la Commission, lorsqu’elle décide d’accepter ou de rejeter une demande de suspension et de prolongation d’une convention de subvention, devrait se conformer aux obligations de droit public qui s’ajoutent aux obligations découlant du contrat ainsi qu’aux principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe de proportionnalité et l’interdiction de détournement de pouvoir. Le refus de la Commission de suspendre et de prolonger la durée de l’action « Orientations » devrait être examiné à la lumière de ces principes.

105    La Commission soutient que le présent moyen doit être rejeté.

a)      Sur la recevabilité du deuxième moyen

106    En ce qui concerne l’argument de la Commission selon lequel le présent litige porterait sur la légalité de la décision attaquée, tandis que la question de savoir si la Commission avait l’obligation d’accorder ou non une suspension ou une prolongation porterait sur l’exécution du contrat et serait, dès lors irrecevable dans le cadre d’un recours en annulation, il suffit de renvoyer aux points 59 à 61 ci-dessus. En effet, il a déjà été constaté que, afin de garantir une protection juridictionnelle effective visée par l’article 47 de la Charte, le juge de l’Union, saisi, en application de l’article 263 TFUE, d’un recours en annulation contre une décision de la Commission formant titre exécutoire formalisant une créance contractuelle, est appelé à connaître non seulement des moyens d’annulation fondés sur des éléments de fait et de droit résultant des agissements de la Commission en tant qu’autorité administrative, mais également des moyens d’annulation fondés sur des éléments de fait et de droit résultant des relations contractuelles liant la Commission à la requérante.

107    En outre, contrairement à ce que fait valoir la Commission, il ne peut pas être exclu que le refus de suspendre et de prolonger la durée de l’action « Orientations » ait une incidence sur le montant du recouvrement, en tout état de cause, en ce qui concerne le préfinancement non utilisé, étant donné que la requérante aurait très bien pu commencer ou continuer son travail sur cette action et, dans ce cadre, aurait dépensé davantage de fonds.

108    Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen est recevable.

b)      Sur le fond du deuxième moyen

109    Il y a lieu de relever, à titre liminaire, qu’il ressort de l’article I.8, premier alinéa, des conventions de subvention que le droit matériel applicable à celles-ci est, à titre principal, le droit de l’Union et, à titre subsidiaire, le droit belge relatif aux subventions. À ce dernier égard, il convient de noter que, dans la mesure où les subventions faisant l’objet des conventions de subvention sont des subventions financées par le budget de l’Union et octroyées par la Commission, elles échappent au champ d’application des règles spécifiques de droit belge encadrant les subventions octroyées par des entités administratives belges. Les règles supplétives applicables en l’espèce ne peuvent donc être que celles du droit commun des contrats et des obligations belges, qui ont vocation à pallier l’absence éventuelle de telles règles au niveau de l’Union (arrêt du 20 juillet 2017, ADR Center/Commission, T‑644/14, EU:T:2017:533, point 85). Les principes généraux relatifs à la gestion des projets par la Commission ressortent, par conséquent, du droit de l’Union ainsi que des conventions de subvention (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2013, Berliner Institut für Vergleichende Sozialforschung/Commission, T‑171/08, non publié, EU:T:2013:639, point 59).

110    En premier lieu, en ce qui concerne l’examen des éléments de fait et de droit résultant des relations contractuelles liant la Commission à la requérante, il convient de rappeler que la requérante a demandé la suspension et la prolongation de l’action « Orientations » en invoquant des circonstances imprévisibles, indépendantes de sa volonté, qui compromettraient ses activités et a, pour les mêmes raisons, demandé la résiliation de l’action « Juges » conformément à l’article II.8 de la convention de subvention « Juges » [A.17, A.6]. La Commission a rejeté ces demandes, en substance, en raison du fait que la requérante n’a pas démontré la présence de circonstances exceptionnelles (force majeure).

111    À cet égard, il y lieu de relever que, en vertu de l’article II.7.1 des conventions de subvention, la requérante peut suspendre la mise en œuvre de l’action si des circonstances exceptionnelles rendent cette mise en œuvre impossible ou excessivement difficile, notamment en cas de force majeure. En outre, l’article II.7.2 des conventions prévoit que la durée de l’action est prolongée d’une durée équivalente à la période de suspension. Or, force est de constater que la requérante n’a pas démontré qu’elle était confrontée à des « circonstances exceptionnelles » au sens de l’article II.7.1 des conventions de subvention qui ont rendu la mise en œuvre des actions impossibles ou excessivement difficiles, notamment en cas de force majeure au sens de l’article II.8 des conventions de subvention.

112    Premièrement, il convient de préciser que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, les difficultés financières que celle-ci invoque pour justifier ses demandes mentionnées au point 110 ci-dessus, à la suite de l’arrêt du 6 décembre 2012 de la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle), qui auraient conduit à une situation dans laquelle elle n’aurait pas été en mesure, jusqu’au mois d’avril 2013, de supporter la partie des coûts des projets non financée par l’Union, à savoir à hauteur de 20 %, ne sont pas indépendantes de sa volonté. En effet, les difficultés financières de la requérante au cours de l’année 2013 sont survenues à la suite de sa décision d’élargir ses activités et ne peuvent, par conséquent, être invoquées pour justifier un cas de force majeure. Elles résultent d’une décision économique de la part de la requérante, « sur la base [de la nouvelle loi sur la médiation obligatoire du 21 mars 2011] et des perspectives de croissance, [de commencer] à emprunter auprès des banques et à investir massivement en personnel et en locaux afin de profiter de sa position de leader sur un marché en plein essor en vue de consolider sa part de marché d’un milliard d’euros ». Il convient ainsi de considérer que le risque inhérent à cette décision entrepreneuriale, qui était fondée sur des « perspectives de croissance », qui concernait seulement les activités de la requérante dans le domaine de la médiation obligatoire en Italie et qui n’avait pas d’effet immédiat sur les activités prévues par les conventions de subvention, à savoir la médiation en général, notamment la médiation volontaire en Europe, s’est réalisé.

113    Dans la mesure où les difficultés financières de la requérante au cours de l’année 2013 n’étaient pas indépendantes de sa volonté, elles ne sauraient être invoquées pour justifier un cas de force majeure au sens de l’article II.8 des conventions de subvention et ne constituent pas non plus des circonstances exceptionnelles au sens de l’article II.7 desdites conventions (qui renvoie, à titre d’exemple, à la notion de « force majeure »).

114    Par ailleurs, à cet égard, il convient de préciser que l’article II.8 des conventions de subvention indique que « les difficultés financières ne pourront être invoqué[e]s comme cas de force majeure par la partie en défaut d’exécution ». Cette clause contractuelle, qui correspond au principe de la responsabilité patrimoniale illimitée selon lequel l’incapacité de payer ne libère pas de l’obligation de payer, exclut également l’invocation, par la requérante, de ses difficultés financières encourues en 2013.

115    Deuxièmement, comme le relève à juste titre la Commission, les circonstances avancées par la requérante n’étaient guère imprévisibles pour toute personne travaillant dans le secteur du règlement extrajudiciaire des litiges, a fortiori en Italie, étant donné que l’arrêt de la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle) du 6 décembre 2012 était le résultat d’une saisine par le Tribunale amministrativo regionale del Lazio (tribunal administratif régional du Latium) le 12 avril 2011, c’est-à-dire bien avant le lancement des actions avec la Commission. La requérante elle-même a reconnu qu’il y avait des discussions et des dissensions à cet égard en Italie depuis l’année 2010. Ces circonstances concernaient d’ailleurs seulement les activités de la requérante dans le domaine de la médiation obligatoire en Italie et n’ont pas empêché les activités prévues par les conventions de subvention, c’est-à-dire la médiation en général, notamment la médiation volontaire en Europe.

116    Troisièmement, la demande de la requérante n’étant pas fondée, il n’y a pas lieu d’examiner si cette demande, qui reposait sur des événements s’étant déroulés quatre mois auparavant et qui était présentée un mois avant la date de clôture de l’action, a manqué à l’obligation d’avertir sans délai l’autre partie d’un cas de force majeure (article II.8 de la convention de subvention) ou si elle était conforme aux articles II.7 et II.13 de la convention de subvention selon lesquels une demande de suspension, en tant que demande de conclure un « accord écrit additionnel », peut être présentée par le bénéficiaire un mois avant la date de clôture de l’action.

117    Il s’ensuit que le rejet, par la Commission, des demandes de la requérante telles que précisées au point 110 ci-dessus est conforme aux exigences contractuelles telles que prévues dans les conventions de subvention.

118    En second lieu, en ce qui concerne l’examen des éléments de fait et de droit résultant des agissements de la Commission en tant qu’autorité administrative, il n’y a pas lieu d’accueillir l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait fait preuve d’incohérence en acceptant les mêmes circonstances que celles présentées dans le cadre de la demande de suspension de l’action « Orientations » pour résilier l’action « Juges », alors qu’elle ne les aurait pas acceptées pour suspendre l’action « Orientations ». En effet, pour résilier l’action « Juges », la Commission n’a pas accepté les mêmes circonstances que celles que la requérante a présentées dans le cadre de la demande de suspension de l’action « Orientations ». Au contraire, elle a, par sa lettre du 16 août 2013 (annexe A.7), refusé de résilier l’action pour cause de « force majeure » et accepté la résiliation de l’action en vertu de l’article II.11.1 de la convention de subvention, qui ne nécessite pas de circonstances exceptionnelles ou imprévues, mais uniquement une demande justifiée mentionnant les motifs de la résiliation.

119    En outre, dans la mesure où la requérante invoque un détournement de pouvoir par la Commission ainsi qu’une violation du principe de proportionnalité, il y a lieu de relever que, au-delà des arguments examinés aux points 112 à 118 ci-dessus, la requérante n’a pas développé d’arguments au soutien de cette allégation. En effet, d’une part, il convient de relever que, conformément à une jurisprudence constante, il y a détournement de pouvoir lorsqu’une institution exerce ses compétences dans le but exclusif ou, tout au moins, déterminant d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, C‑506/13 P, EU:C:2015:562, points 94 et jurisprudence citée). Or, l’examen effectué ci-dessus ne permet de tirer aucune conclusion selon laquelle la Commission s’est comportée de manière abusive dans le cadre des relations contractuelles la liant à la requérante. D’autre part, il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par l’acte en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2006, Agrarproduktion Staebelow, C‑504/04, EU:C:2006:30, point 35 et jurisprudence citée). Dans la mesure où le rejet, par la Commission, des demandes de la requérante telles que précisées au point 110 ci-dessus est conforme aux exigences contractuelles telles que prévues dans les conventions de subvention, une violation du principe de proportionnalité par la Commission ne saurait être constatée. Au contraire, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 71 à 73 ci-dessus, la Commission est tenue, aux termes de l’article 317 TFUE, de respecter le principe de bonne gestion financière et veille également à la protection des intérêts financiers de l’Union dans l’exécution du budget de celle-ci, ce qui implique également le respect par la Commission desdites exigences contractuelles. La requérante reste en défaut de démontrer que la Commission aurait méconnu de telles exigences.

120    Sur le fondement des appréciations qui précèdent, il convient de rejeter le présent moyen.

3.      Sur le troisième moyen, tiré d’une prétendue violation de l’obligation de motivation par la Commission

121    La requérante allègue que la décision attaquée, malgré l’importance qu’elle revêtirait à son égard, ne serait pas suffisamment motivée et que même la correspondance antérieure à ladite décision n’indiquerait pas les raisons du recouvrement. Au contraire, cette décision se bornerait à constater que le niveau et la qualité de l’action et de son exécution seraient insuffisants sans pour autant étayer ce constat.

122    La Commission soutient que le présent moyen doit être rejeté.

123    Selon une jurisprudence constante, la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de façon à permettre, d’une part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité et, d’autre part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est bien fondée (voir arrêt du 6 octobre 2015, Technion et Technion Research & Development Foundation/Commission, T‑216/12, EU:T:2015:746, point 96 et jurisprudence citée).

124    La motivation ne doit pas nécessairement spécifier tous les éléments de fait et de droit pertinents, la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE devant être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi au regard de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu par l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 6 octobre 2015, Technion et Technion Research & Development Foundation/Commission, T‑216/12, EU:T:2015:746, point 97 et jurisprudence citée).

125    En l’espèce, il convient de souligner que la qualité des différentes activités et réalisations des deux actions ainsi que le fait que l’exécution de ces actions par la requérante était incomplète ne sont pas contestés entre les parties.

126    Or, d’une part, il y a lieu de relever que, au vu de ces circonstances connues de la requérante, une « illustration » supplémentaire du constat selon lequel le niveau et la qualité de l’action et de son exécution étaient insuffisants n’était pas nécessaire.

127    D’autre part, en ce qui concerne la facturation pour la réalisation partielle des actions, force est de constater que la décision attaquée renvoie aux deux lettres de préinformation envoyées à la requérante avec des tableaux annexés indiquant, pour chaque action et pour chaque élément de coût, en termes brefs, mais suffisants, les motifs du rejet qui ont permis à la requérante d’en contester la validité. En effet, la requérante n’avance aucun argument au soutien de son affirmation selon laquelle même la correspondance antérieure à la décision attaquée, qui d’ailleurs lui donnait la possibilité de fournir des informations complémentaires en cas de désaccord avec les conclusions de la Commission et qui lui conférait donc la faculté d’exprimer d’éventuelles difficultés de compréhension, n’indiquerait pas la raison du recouvrement. En outre, il convient de préciser que la requérante a été en mesure de contester utilement le bien-fondé des conclusions relatives à l’éligibilité des coûts déclarés, ce que démontre son argumentation exposée au soutien du premier moyen, tiré d’erreurs de faits et d’appréciation, dans le cadre duquel elle met en cause le bien-fondé des motifs invoqués par la Commission à son égard, y compris les explications issues des tableaux annexés aux deux lettres de préinformation.

128    Par conséquent, il y a lieu de considérer que la décision attaquée est intervenue dans un contexte connu par la requérante qui lui permettait d’en comprendre la portée. Il convient, dès lors, de conclure que cette décision est motivée à suffisance de droit et, partant, de rejeter le troisième moyen.

129    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que, les moyens dirigés contre la décision attaquée, y compris en tant qu’ils visent à remettre en cause l’inéligibilité des coûts constatée par la Commission et, partant, l’existence de la créance contractuelle objet de ladite décision, ayant été rejetés, il y a lieu de rejeter le premier et le deuxième chef de conclusions et, ainsi, le recours dans son ensemble.

IV.    Sur les dépens

130    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux exposés par les parties lors de la procédure de référé.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      ADR Center Srl supportera les dépens afférents à la procédure principale et à la procédure de référé.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 septembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.