Language of document : ECLI:EU:T:2024:142

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

29 février 2024 (*)

« Procédure – Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑235/18 DEP,

Qualcomm Inc., établie à San Diego, Californie (États-Unis), représentée par Mes M. Pinto de Lemos Fermiano Rato et M. Davilla, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. N. Khan, C. Urraca Caviedes et A. Dawes, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie),

composé de Mme A. Marcoulli (rapporteure), présidente, M. J. Schwarcz, Mme V. Tomljenović, MM. R. Norkus et W. Valasidis, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu l’arrêt du 15 juin 2022, Qualcomm/Commission (Qualcomm – paiements d’exclusivité) (T‑235/18, EU:T:2022:358),

rend la présente

Ordonnance

1        Par sa demande fondée sur l’article 170 du règlement de procédure du Tribunal, la requérante, Qualcomm Inc., demande au Tribunal de fixer à 12 041 755,80 euros le montant des dépens récupérables devant lui être payés par la Commission européenne, au titre des frais qu’elle a exposés dans le cadre de la procédure relative à l’affaire T‑235/18.

 Antécédents de la contestation

2        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 avril 2018 et enregistrée sous le numéro T‑235/18, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision C(2018) 240 final de la Commission, du 24 janvier 2018, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE [affaire AT.40220 – Qualcomm (paiements d’exclusivité)], par laquelle la Commission a constaté qu’elle avait abusé de sa position dominante du 25 février 2011 au 16 septembre 2016 et lui a infligé une amende d’un montant de 997 439 000 euros (ci-après la « décision attaquée »).

3        Par un arrêt du 15 juin 2022, Qualcomm/Commission (Qualcomm – paiements d’exclusivité) (T‑235/18, EU:T:2022:358), le Tribunal a fait droit à la demande de la requérante et a condamné la Commission à supporter les dépens exposés par la requérante.

4        Par lettre du 15 décembre 2022, la requérante a demandé à la Commission de lui rembourser la somme de 14 436 418,29 euros au titre des dépens.

5        Par lettre du 21 décembre 2022, la Commission a demandé à la requérante d’étayer davantage sa demande.

6        Par lettre du 1er mars 2023, après avoir réévalué sa demande, la requérante a demandé à la Commission de lui rembourser la somme de 12 041 755,80 euros au titre des dépens.

7        Par lettre du 6 mars 2023, la Commission a refusé de rembourser la somme réévaluée par la requérante.

8        Aucun accord n’est intervenu entre les parties sur le montant des dépens récupérables.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de fixer le montant des dépens récupérables au titre de la procédure principale, dont le remboursement incombe à la Commission, à 12 041 755,80 euros.

10      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de fixer le montant des dépens récupérables à 405 315 euros au titre de la procédure principale et ne pas adjuger de dépens au titre de la présente procédure de taxation des dépens.

 En droit

11      Aux termes de l’article 170, paragraphe 3, du règlement de procédure, s’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, après avoir mis la partie concernée par la demande en mesure de présenter ses observations.

12      Selon l’article 140, sous b), du règlement de procédure sont considérés comme dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ». Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et qui ont été indispensables à cette fin (voir ordonnance du 6 mars 2003, Nan Ya Plastics et Far Eastern Textiles/Conseil, T‑226/00 DEP et T‑227/00 DEP, EU:T:2003:61, point 33 et jurisprudence citée).

13      En l’espèce, la requérante demande le remboursement du montant total de 12 041 755,80 euros composé, selon ses indications, de 12 017 848,55 euros au titre des honoraires relatifs aux services de conseil juridique et économique et de 23 907,21 euros au titre des débours pour assister à l’audience.

14      Avant d’examiner la demande de remboursement de la requérante en relation avec les honoraires et les débours, il convient de formuler des observations liminaires sur la confidentialité de la demande et de ses annexes.

 Observations liminaires sur la confidentialité de la demande et de ses annexes

15      Il convient d’observer que si la requérante a inscrit sur chaque page de la demande la mention « confidentiel » ainsi que sur la quasi-totalité des pages du bordereau des annexes les mentions « confidentiel », « strictement confidentiel » ou « hautement confidentiel », elle n’a présenté devant le Tribunal aucune demande d’omission de certaines données envers le public, conformément aux articles 66 ou 66 bis du règlement de procédure. En effet, d’une part, en vertu de l’article 66 du règlement de procédure, une demande d’omission envers le public de données à caractère personnel des personnes physiques doit être présentée par acte séparé et, d’autre part, en vertu de l’article 66 bis du règlement de procédure, une demande d’omission envers le public de données autres que celles à caractère personnel des personnes physiques doit être motivée et présentée par acte séparé. Or, en l’espèce, en l’absence de toute demande d’omission (le cas échéant, motivée) présentée par acte séparé, la simple présence desdites mentions dans la demande de taxation de dépens et dans ses annexes ne saurait être interprétée comme constituant une demande d’omission de données envers le public.

16      En outre, le corps de la demande ne contient pas non plus davantage d’explications utiles à cet égard. D’une part, la requérante a indiqué avoir expurgé des annexes T.8 à T.13 les informations qui, selon elle, étaient couvertes par une confidentialité « entre avocat et client ». D’autre part, elle a indiqué que la production des factures, des résumés et des reçus figurant aux annexes T.8 à T.13 n’emportait pas « renonciation au privilège avocat-client ou à toute autre protection juridique relative à la confidentialité de ces documents, des communications sous-jacentes ou de tout autre document y étant annexé ».

17      Or, toutes ces indications sont dépourvues de clarté et de précision et ne sont donc pas de nature à permettre au Tribunal de comprendre si, hormis les informations déjà expurgées par la requérante elle-même des annexes en vertu d’une prétendue confidentialité « avocat-client » et qui n’ont pas été présentées devant le Tribunal, certaines informations ou données, lesquelles n’ont au demeurant pas été identifiées, figurant dans la demande ou ses annexes présenteraient, selon elle, un prétendu caractère confidentiel qui devrait être protégé à l’égard du public dans le cadre de la présente procédure de taxation de dépens.

18      Le Tribunal ne pouvant pas procéder par hypothèses ou pallier les éventuelles lacunes de la demande, il n’y a pas lieu de supposer que la requérante demande la protection de la confidentialité envers le public de certaines informations ou certaines données contenues dans la demande de taxation de dépens et ses annexes au titre des articles 66 ou 66 bis du règlement de procédure.

19      Au demeurant, aucun élément au dossier ne permet de considérer que les informations et les données utilisées dans la présente ordonnance – concernant, notamment, les montants demandés, les noms des cabinets d’avocats et d’économistes, le nombre et les qualifications des avocats et des consultants, le nombre, les pages et les montants des factures, les volumes horaires et les taux horaires, les catégories de frais, les villes de voyage, les types de reçus, l’objet des reçus et leurs montants – devraient être considérées comme étant confidentielles à l’égard du public dans le cadre de la présente procédure et que le Tribunal devrait faire application d’office des articles 66 ou 66 bis du règlement de procédure.

 Sur les honoraires

20      La requérante demande le remboursement de la somme totale de 12 017 848,55 euros au titre des honoraires relatifs aux services de conseil juridique et économique, composé, selon ses indications, de 11 234 578,85 euros pour les services de conseil juridique prestés par le cabinet d’avocats Quinn Emanuel Urquhart & Sullivan (ci-après « Quinn Emanuel »), de 302 658,10 euros pour les services de conseil juridique prestés par le cabinet d’avocats Cravath Swaine & Moore (ci-après « Cravath ») et de 480 611,64 euros pour les services de conseil économique prestés par Compass Lexecon et FTI Consulting (ci-après « Compass Lexecon/FTI »).

 Sur les honoraires du cabinet d’avocats Cravath

21      La requérante demande le remboursement de la somme de 302 658,10 euros au titre des honoraires pour les services prestés par le cabinet d’avocats Cravath.

22      D’emblée, s’agissant de ces honoraires, force est de constater que, comme le précise la requérante, les services en cause ne concernent pas la procédure devant le Tribunal, mais des procédures menées aux États-Unis qui ont conduit à l’obtention de certains documents que la requérante a ensuite produits comme éléments de preuve dans la procédure devant le Tribunal par acte du 26 juillet 2019.

23      Or, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, par « procédure », l’article 140, sous b), du règlement de procédure ne vise que la procédure devant le Tribunal (ordonnances du 24 janvier 2002, Groupe Origny/Commission, T‑38/95 DEP, EU:T:2002:13, point 29 ; du 7 décembre 2004, Lagardère et Canal+/Commission, T‑251/00 DEP, EU:T:2004:353, point 22, et du 21 décembre 2010, Le Levant 015 e.a./Commission, T‑34/02 DEP, EU:T:2010:559, point 31). Ainsi, la notion de « dépens récupérables » aux fins de la procédure devant le Tribunal au sens de l’article 140, sous b), du règlement de procédure, sauf disposition contraire telle que celle figurant à l’article 190, paragraphe 2, du même règlement de procédure, ne saurait couvrir les dépens afférents à d’autres procédures juridictionnelles ou administratives menées auprès d’autres juridictions ou autorités nationales ou internationales (voir, en ce sens, ordonnance du 21 décembre 2010, Le Levant 015 e.a./Commission, T‑34/02 DEP, EU:T:2010:559, points 35 et 50), même lorsque de telles procédures visent, comme en l’espèce, à obtenir des informations ou des documents à travers lesquels la partie intéressée a l’intention d’étayer les moyens d’un recours devant le Tribunal.

24      En effet, toute question inhérente au remboursement des frais exposés pour les procédures menées auprès d’autres juridictions ou autorités nationales ou internationales est régie, le cas échéant, par les règles concernant celles-ci, et leur remboursement ne saurait être demandé devant le Tribunal au titre de dépens exposés « aux fins de la procédure » devant celui-ci.

25      Partant, la demande de remboursement de la somme de 302 658,10 euros pour les services de conseil juridique prestés par le cabinet d’avocats Cravath doit être rejetée.

 Sur les honoraires du cabinet d’avocats Quinn Emanuel

26      Il est de jurisprudence constante que le juge de l’Union européenne est habilité non à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces émoluments peuvent être récupérés auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils [voir ordonnance du 26 janvier 2017, Nurburgring/EUIPO – Biedermann (Nordschleife), T‑181/14 DEP, EU:T:2017:41, point 10 et jurisprudence citée].

27      Il convient également de rappeler que, à défaut de dispositions du droit de l’Union de nature tarifaire ou relatives au temps de travail nécessaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a présentés pour les parties (voir ordonnance du 26 janvier 2017, Nordschleife, T‑181/14 DEP, EU:T:2017:41, point 11 et jurisprudence citée).

28      C’est en fonction de ces considérations qu’il convient d’apprécier le montant des dépens récupérables demandé, en l’espèce, par la requérante au titre des honoraires du cabinet d’avocats Quinn Emanuel.

29      Il ressort de la demande que la somme de 11 234 578,85 euros, calculée par la requérante, correspond au remboursement des honoraires de 19 personnes, à savoir quatre avocats associés, deux avocats conseils (« of counsel »), dix avocats collaborateurs, deux stagiaires et un assistant juridique senior du cabinet d’avocats Quinn Emanuel, pour la période allant du 24 janvier 2018 au 15 juin 2022.

30      Afin de justifier cette somme, la requérante a produit certains éléments de calcul. Tout d’abord, à l’annexe T.5 de la demande, la requérante a produit un tableau de synthèse (préparé par elle) reprenant les taux horaires [en dollars des États-Unis (USD)], le nombre d’heures facturées annuellement par chacune desdites personnes entre 2018 et 2021 ainsi que les montants totaux (en euros) facturés par le cabinet d’avocats Quinn Emanuel pour chaque année (ci-après le « tableau de synthèse QE »). Ensuite, dans le corps de la demande, la requérante a présenté un tableau répartissant la somme demandée (en euros) au titre des honoraires cumulés du cabinet d’avocats Quinn Emanuel, du cabinet d’avocats Cravath et de Compass Lexecon/FTI en huit périodes correspondant, selon ses indications, à différentes phases de la procédure devant le Tribunal (ci-après le « tableau par périodes »). Enfin, à l’annexe T.8 de la demande, la requérante a produit 34 factures successives – couvrant des prestations effectuées entre le 2 janvier 2018 et le 30 juin 2021 – qui lui ont été adressées par le cabinet d’avocats Quinn Emanuel (totalisant cumulativement 613 pages dans le bordereau des annexes), indiquant notamment les heures enregistrées par chacune desdites 19 personnes et leurs taux horaires (en USD) (ci-après les « factures QE »).

31      En outre, dans le corps de la demande, la requérante a indiqué les raisons pour lesquelles, selon elle, la somme demandée était justifiée et raisonnable. En particulier, en plus des indications concernant la nature, l’importance et la complexité de l’affaire, la requérante s’est appuyée sur la quantité de travail effectué par ses représentants en se référant aux analyses et aux recherches menées ainsi qu’au nombre d’annexes produites dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, à savoir 73 annexes (totalisant 7 900 pages) dont 23 préparées par ses représentants aux fins de la procédure devant le Tribunal.

32      En premier lieu, s’agissant de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union et des difficultés de la cause, il y a lieu de relever que l’affaire T‑235/18 soulevait des questions complexes en droit de la concurrence de l’Union, qui ont d’ailleurs conduit le Tribunal à décider de statuer en formation élargie, en application de l’article 28, paragraphe 1, du règlement de procédure. En particulier, ladite affaire portait sur une décision de la Commission relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE, adoptée après l’arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C‑413/14 P, EU:C:2017:632), dans lequel la Cour a précisé la jurisprudence préexistante. Par ailleurs, cette affaire concernait un domaine hautement technique, celui de la fourniture de chipsets de bande de base conformes à la norme LTE ainsi qu’aux normes UMTS et GSM à Apple Inc. pour les iPhones et les iPads, et soulevait de nombreuses questions complexes tant de fond que de procédure.

33      En deuxième lieu, s’agissant des intérêts économiques en jeu, l’affaire au principal concernait une décision de la Commission infligeant à la requérante une amende pour une prétendue violation de l’article 102 TFUE. Il s’agissait certes d’une amende importante en valeur absolue, avoisinant le milliard d’euros. Cependant, la demande de la requérante ne contient, en l’espèce, aucun élément permettant d’apprécier l’importance de ladite amende par rapport à sa situation économique. En outre, l’hypothèse évoquée par la requérante dans la demande selon laquelle la décision attaquée aurait pu servir de base juridique pour des actions en justice ultérieures contre celle-ci, en l’absence de toute autre précision, ne permet pas non plus d’évaluer les intérêts économiques que l’affaire au principal a présentés pour cette dernière à ce titre. Il en va de même pour l’allégation, également non étayée, suivant laquelle les conséquences financières globales supportées par la requérante auraient été nettement plus élevées que les dépens réclamés. Partant, s’il est possible de considérer que, au vu de l’amende en cause, ladite affaire avait une importance économique significative pour la requérante, aucun élément présenté devant le Tribunal ne permet de considérer que cet intérêt aurait été « énorme », comme elle le prétend.

34      En troisième lieu, en ce qui concerne l’ampleur du travail que la procédure a pu engendrer pour les représentants de la requérante, il importe de rappeler qu’il appartient au juge de l’Union de tenir principalement compte du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels les prestations effectuées ont pu être réparties (voir ordonnance du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192, point 30 et jurisprudence citée).

35      Il y a lieu de rappeler que, si, en principe, la rémunération d’un seul avocat est recouvrable, il se peut que, suivant les caractéristiques propres à chaque affaire, au premier rang desquelles figure sa complexité, la rémunération de plusieurs avocats puisse être considérée comme entrant dans la notion de « frais indispensables » au sens de l’article 140, sous b), du règlement de procédure (voir ordonnance du 15 septembre 2004, Fresh Marine/Commission, T‑178/98 DEP, EU:T:2004:265, point 35 et jurisprudence citée).

36      Pour procéder à la taxation des dépens dans ces circonstances, il incombe au Tribunal d’examiner dans quelle mesure les prestations effectuées par l’ensemble des avocats concernés étaient nécessaires pour le déroulement de la procédure judiciaire et de s’assurer que l’engagement de plusieurs avocats n’a pas entraîné une duplication inutile des frais (voir, par analogie, ordonnances du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192, point 44, et du 27 novembre 2020, Flabeg Deutschland/Commission, T‑103/15 DEP, non publiée, EU:T:2020:585, point 47).

37      Toutefois, il importe de souligner que les frais de coordination entre avocats d’une même partie ne peuvent pas être considérés comme des frais indispensables à prendre en compte afin de calculer le montant des dépens récupérables (voir ordonnance du 13 janvier 2017, Idromacchine e.a./Commission, T‑88/09 DEP, EU:T:2017:5, point 32 et jurisprudence citée).

38      En outre, lorsque les avocats d’une partie ont déjà assisté celle-ci au cours de procédures ou de démarches qui ont précédé le litige s’y rapportant, il convient de tenir compte du fait que ces avocats disposent d’une connaissance d’éléments pertinents pour le litige qui est de nature à avoir facilité leur travail et réduit le temps de préparation nécessaire pour la procédure contentieuse (voir ordonnance du 13 janvier 2006, IPK-München/Commission, T‑331/94 DEP, EU:T:2006:11, point 59 et jurisprudence citée).

39      À cet égard, force est de constater que, bien que, en l’espèce, le litige au principal ait pu effectivement demander aux avocats de la requérante un travail important compte tenu des éléments relevés aux points 32 et 33 ci-dessus, sa demande et les annexes à celle-ci, en particulier les factures QE, le tableau par périodes et le tableau de synthèse QE, ne permettent pas d’apprécier le volume de travail correspondant aux sommes demandées pour les honoraires du cabinet d’avocats Quinn Emanuel.

40      Premièrement, les 34 factures QE produites par la requérante devant le Tribunal ne contiennent aucune description des tâches effectuées. En effet, la requérante a fait le choix d’expurger toutes ces informations, en les noircissant, des documents déposés devant le Tribunal, en vertu d’une prétendue confidentialité « avocat-client » (voir point 16 ci-dessus), sur laquelle il n’appartient pas au Tribunal de se prononcer dans le cadre de la présente procédure. Il n’en demeure pas moins qu’un tel choix de la requérante implique que ces factures ne permettent pas de déterminer, par exemple, le nombre d’heures consacrées à la préparation de la requête, de la réplique, de chacun des autres actes déposés par cette dernière devant le Tribunal ou encore de l’audience. D’ailleurs, la requérante n’a fourni aucune indication ou estimation à cet égard dans le corps de la demande non plus.

41      Par ailleurs, la plupart des factures QE produites par la requérante ne portent pas uniquement sur des honoraires d’avocat, mais également sur des débours, sans que toutefois aucune distinction ait été faite à cet égard par elle dans sa demande. En outre, la première facture QE produite par la requérante semble également concerner des prestations effectuées à des dates antérieures à l’adoption de la décision attaquée. Enfin, la dernière facture QE produite par la requérante s’arrête au 30 juin 2021, alors que la requérante a déposé des observations devant le Tribunal le 20 juillet 2021.

42      Deuxièmement, non seulement le tableau par périodes présenté dans le corps de la demande ne concerne pas uniquement les honoraires du cabinet d’avocats Quinn Emanuel, celui-ci portant également sur les honoraires du cabinet d’avocats Cravath et de Compass Lexecon/FTI (voir point 30 ci-dessus), mais ne permet pas non plus d’apprécier le travail concrètement effectué en relation avec chaque période et en particulier le volume d’heures consacrées à la préparation des actes déposés devant le Tribunal ou pour l’audience.

43      En l’absence de telles indications, la répartition des sommes proposées par la requérante dans ce tableau non seulement n’est pas justifiée, mais apparaît également aboutir à des résultats manifestement excessifs dans la perspective de la présente procédure, comme, notamment, la somme d’environ 3 400 000 euros pour la préparation de la seule requête. En effet, une telle somme, à un taux horaire moyen hypothétique de 500 euros, correspondrait à 6 800 heures de travail, c’est-à-dire à 850 jours de travail à hauteur de 8 heures par jour pour la seule requête. Il en va de même, notamment, pour la somme d’environ 2 900 000 euros demandée pour la préparation de la réplique et pour celle d’environ 2 350 000 euros demandée pour la préparation de l’audience.

44      Troisièmement, de telles informations sur le travail concrètement effectué et sur le volume horaire y afférent ne ressortent pas non plus du tableau de synthèse QE annexé à la demande. Ce tableau permet uniquement au Tribunal de constater – bien qu’il ne lui incombe pas de rechercher et d’identifier dans les documents produits les éléments qui pourraient pallier l’absence d’informations précises et d’explications détaillées dans la demande elle-même (voir, en ce sens, ordonnance du 13 février 2008, Verizon Business Global/Commission, T‑310/00 DEP, non publiée, EU:T:2008:32, point 50) – que le cabinet d’avocats Quinn Emanuel a facturé un total de 16 422,6 heures à la requérante entre 2018 et 2021, et ce à des taux horaires allant de 315 à 1 515 USD.

45      Ainsi, en dépit du nombre important de documents et de données produits par la requérante, aucun de ceux-ci ne permet de déterminer à quelles tâches ce volume horaire total correspond, notamment le nombre d’heures correspondant, le cas échéant, à des tâches dupliquées ou à des tâches de coordination entre les 19 personnes reprises dans les factures, si lesdites heures de travail ont été prestées aux fins de la procédure devant le Tribunal ni si elles étaient indispensables à ces fins. En outre, ces documents ne permettent pas de déterminer précisément le taux horaire correspondant aux différentes tâches accomplies par les avocats, sachant que, en tout état de cause, dans la perspective de la présente procédure, des taux horaires se situant notamment entre 1 005 et 1 515 USD, tels que certains de ceux mentionnés dans les factures QE et dans le tableau de synthèse QE, seraient manifestement excessifs aux fins de la détermination des dépens récupérables au titre des honoraires en cause. En effet, si une partie est certes libre d’avoir recours à des avocats facturant à des taux horaires aussi élevés, le fait de s’attacher leurs services ne saurait être considéré comme étant indispensable au sens de la jurisprudence rappelée au point 12 ci-dessus (voir, en ce sens, ordonnances du 20 janvier 2014, Charron Inox et Almet/Conseil, T‑88/12 DEP, non publiée, EU:T:2014:43, point 24, et du 8 juillet 2020, Fastweb/Commission, T‑19/17 DEP, non publiée, EU:T:2020:331, point 51), d’autant plus lorsque, comme en l’espèce, ces taux ne sont pas présentés, dans la demande, en relation avec des tâches précises clairement identifiées.

46      Quatrièmement, l’indication de la requérante selon laquelle ses représentants auraient effectué de nombreuses recherches et analyses ou produit de nombreux documents devant le Tribunal n’est pas suffisante pour étayer les sommes demandées et le caractère indispensable du travail s’y rapportant. En effet, il convient de rappeler que, afin d’apprécier le caractère indispensable des frais exposés, des indications précises doivent être fournies par le demandeur (ordonnance du 8 juillet 2020, Fastweb/Commission, T‑19/17 DEP, non publiée, EU:T:2020:331, point 44). Par ailleurs, si la requérante se fonde sur la longueur des actes déposés ainsi que sur le nombre et la longueur des annexes y afférents, il convient de relever que le simple fait que des actes comptant de nombreuses pages et ayant de nombreuses annexes aient été déposés par les représentants de la requérante devant le Tribunal ne témoigne aucunement du caractère indispensable, aux fins de la procédure devant le Tribunal, des heures de travail, et donc des sommes réclamées qui s’y rapporteraient.

47      Il en découle que la demande de la requérante ne permet pas de déterminer les volumes d’heures correspondant aux différentes tâches effectuées par les avocats du cabinet d’avocats Quinn Emanuel pour la procédure devant le Tribunal ni le taux horaire correspondant à ces tâches.

48      Or, si l’absence de toute information sur les dépens effectivement exposés aux fins de la procédure, y compris notamment sur les taux horaires et le temps passé pour l’accomplissement de différentes tâches, ne fait pas obstacle à la fixation, par le Tribunal, sur la base d’une appréciation équitable, du montant des dépens récupérables, elle le place dans une situation d’appréciation nécessairement stricte en ce qui concerne les revendications de la partie requérante (ordonnance du 8 juillet 2020, Fastweb/Commission, T‑19/17 DEP, non publiée, EU:T:2020:331, points 44, 46 et 47).

49      En outre, s’agissant du taux horaire, il convient de rappeler que, en l’absence, dans l’état actuel du droit de l’Union, de barème à cet égard, ce n’est que dans l’hypothèse où le taux horaire moyen facturé apparaît manifestement excessif que le Tribunal peut s’en écarter et fixer ex æquo et bono le montant des honoraires d’avocat et des experts économistes récupérables (voir ordonnance du 19 janvier 2021, Romańska/Frontex, T‑212/18 DEP, non publiée, EU:T:2021:30, point 39 et jurisprudence citée).

50      En l’espèce, si la requérante n’a fourni aucune indication, ni même une estimation, du temps de travail correspondant aux différentes étapes de la procédure et du taux horaire moyen s’y rapportant, la Commission, dans ses observations sur la demande, a formulé les estimations suivantes du temps de travail que ces étapes auraient nécessité pour le cabinet d’avocats Quinn Emanuel :

–        500 heures pour la requête (88 pages avec 4 000 pages d’annexes) ;

–        200 heures pour la réplique (66 pages avec 600 pages d’annexes) ;

–        8 heures pour les observations du 20 juin 2019 (3 pages) ;

–        260 heures pour l’acte du 26 juillet 2019 (46 pages avec 3 300 pages d’annexes) ;

–        12 heures pour l’acte du 25 août 2020 (4 pages et demie) ;

–        4 heures pour l’acte du 9 novembre 2020 (2 pages) ;

–        50 heures pour la réponse du 20 novembre 2020 (18 pages) ;

–        2 heures pour les observations du 15 décembre 2020 (transmettant l’engagement de confidentialité signé) ;

–        4 heures pour les observations du 18 décembre 2020 (2 pages) ;

–        15 heures pour les observations du 26 janvier 2021 (6 pages) ;

–        6 heures pour la participation à la réunion informelle du 15 avril 2021 (pour 45 minutes) ;

–        250 heures pour la participation à l’audience du 4 au 6 mai 2021 (pour 3 jours) ;

–        8 heures pour les observations du 19 mai 2021 (4 pages) ;

–        et 20 heures pour les observations du 20 juillet 2021 (32 pages).

51      Dans ses observations, la Commission a ainsi estimé que les différentes étapes de la procédure avaient nécessité un maximum de 1 339 heures de travail. En proposant de retenir un taux horaire moyen de 300 euros, la Commission a conclu, en substance, que la somme de 401 700 euros pouvait être récupérée au titre des honoraires du cabinet d’avocats Quinn Emanuel.

52      Toutefois, si la demande de la requérante est insuffisamment étayée et manifestement excessive en ce qui concerne tant les montants demandés que les volumes d’heures et les taux horaires y afférents, en tenant aussi compte du fait que les avocats ayant représenté la requérante devant le Tribunal l’avaient également assistée devant la Commission dans le cadre de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, la proposition de la Commission, tout en constituant une estimation utile, apparaît cependant en deçà d’une appréciation adéquate.

53      En particulier, l’estimation de la Commission conduirait notamment à envisager un volume de 960 heures de travail pour la préparation de la requête (500 heures), de la réplique (200 heures) et de l’acte du 26 juillet 2019 (260 heures). Or, compte tenu du nombre de moyens soulevés, de la difficulté des questions juridiques et factuelles posées, du nombre et de l’enchaînement desdits actes, des éléments de preuve produits en annexe à ceux-ci et présentés devant le Tribunal ainsi que du caractère progressivement plus ciblé et détaillé de l’argumentaire développé, une telle estimation n’apparaît pas correspondre à une appréciation adéquate du temps de travail objectivement indispensable pour la préparation de ces trois actes, appréciation adéquate qui, néanmoins, ne saurait dépasser un volume de 1 400 heures de travail pour ces mêmes actes.

54      En plus de ce nombre d’heures, d’une part, il convient également de prendre en compte un volume de 150 heures de travail pour la préparation des autres actes écrits déposés par la requérante devant le Tribunal, à savoir ceux déjà mentionnés au point 50 ci-dessus ainsi que certains autres actes qui ne figurent pas audit point (la demande du 16 janvier 2019, la demande du 10 décembre 2020 et son addendum du 18 décembre 2020, la demande du 21 janvier 2021, les observations du 29 mars 2021 et les observations du 3 mai 2021). D’autre part, il convient de prendre en compte un volume de 250 heures de travail pour la préparation et la participation à la réunion informelle du 15 avril 2021 et à l’audience de plaidoiries du 4 au 6 mai 2021.

55      Dans ces conditions, en prenant en considération toutes les circonstances de la présente affaire, un volume total de 1 800 heures de travail étant considéré comme équitable pour l’ensemble de la procédure devant le Tribunal dans l’affaire au principal, et ce indépendamment du nombre d’avocats concernés, il sera fait une juste appréciation ex æquo et bono de la somme à concurrence de laquelle les honoraires du cabinet d’avocats Quinn Emanuel peuvent être récupérés auprès de la Commission en la fixant à 750 000 euros.

56      Compte tenu de ce qui précède, il convient de fixer le montant des dépens récupérables au titre des honoraires du cabinet d’avocats Quinn Emanuel à 750 000 euros.

 Sur les frais afférents à l’intervention des consultants économiques de Compass Lexecon/FTI

57      La requérante demande le remboursement de la somme de 480 611,64 euros pour les services de conseil économique prestés par Compass Lexecon/FTI.

58      Il convient de rappeler que, compte tenu de la nature essentiellement économique de certaines affaires, l’intervention de conseils d’experts économiques en complément du travail des conseils juridiques peut parfois s’avérer indispensable dans les litiges concernant des décisions relevant de ces matières et entraîner ainsi des dépens susceptibles d’être récupérés en application de l’article 140, sous b), du règlement de procédure (voir, s’agissant d’une procédure d’aides d’État, ordonnance du 19 décembre 2006, WestLB/Commission, T‑228/99 DEP, non publiée, EU:T:2006:405, point 78 et jurisprudence citée, et, s’agissant d’une opération de concentration, ordonnance du 17 août 2020, United Parcel Service/Commission, T‑194/13 DEP II, non publiée, EU:T:2020:372, point 66 et jurisprudence citée).

59      Pour qu’il en soit ainsi, une telle participation de conseillers économiques doit être objectivement nécessaire aux fins de la procédure (voir ordonnance du 17 août 2020, United Parcel Service/Commission, T‑194/13 DEP II, non publiée, EU:T:2020:372, point 67 et jurisprudence citée).

60      Il ressort de la demande que la somme de 480 611,64 euros, calculée par la requérante, correspond au remboursement des honoraires de 9 consultants économiques de Compass Lexecon/FTI, pour la période allant du 24 janvier 2018 au 15 juin 2022.

61      Afin de justifier cette somme, la requérante a produit des éléments de calcul analogues à ceux mentionnés au point 30 ci-dessus, à savoir, tout d’abord, à l’annexe T.6 de la demande, un tableau de synthèse (préparé par elle) reprenant les taux horaires (en USD) et le nombres d’heures facturées annuellement par chacun desdits consultants entre 2018 et 2021 ainsi que les montants totaux (en euros) facturés par Compass Lexecon/FTI pour chaque année (ci-après le « tableau de synthèse CL »). Ensuite, dans le corps de la demande, la requérante s’est appuyée sur le même tableau par périodes mentionné aux points 30, 42 et 43 ci-dessus. Enfin, à l’annexe T.9 de la demande, la requérante a produit 10 factures – couvrant la période allant du 16 janvier 2018 au 6 mai 2021 – qui lui ont été adressées par Compass Lexecon/FTI indiquant les heures enregistrées par chacun des consultants concernés et leurs taux horaires (en USD) (ci-après les « factures CL »).

62      En outre, dans le corps de la demande, la requérante a indiqué que ses consultants économiques avaient préparé des rapports ou des mémoires économiques qui avaient été incorporés ou annexés à la requête et à la réplique, et que l’un de ses consultants avait assisté à l’audience pour fournir des éclaircissements. La requérante s’est également référée aux analyses économiques qu’elle avait présentées devant la Commission.

63      Or, force est de constater que, bien que, en l’espèce, il y ait effectivement lieu de considérer que la participation de conseillers économiques était objectivement nécessaire aux fins de la procédure devant le Tribunal, la demande de la requérante et les annexes à celle-ci, en particulier les factures CL, le tableau par périodes et le tableau de synthèse CL, ne permettent pas d’apprécier le volume de travail correspondant aux sommes demandées pour les honoraires de Compass Lexecon/FTI pour ladite procédure devant le Tribunal.

64      En effet, tout d’abord, les factures CL produites par la requérante en annexe à la demande ne contiennent aucune description des tâches effectuées, la requérante ayant fait le choix d’expurger toutes ces informations, en les noircissant, des documents déposés devant le Tribunal (voir point 16 et, par analogie, point 40 ci-dessus). Ensuite, le tableau par périodes, présenté dans le corps de la demande, ne permet de procéder à aucune appréciation concrète (voir, par analogie, point 42 ci-dessus). Enfin, le tableau de synthèse CL annexé à la demande permet uniquement au Tribunal de constater – bien qu’il ne lui incombe pas de rechercher et d’identifier dans les annexes des éléments pour pallier l’absence d’informations et d’explications dans la demande (voir, en ce sens, point 44 ci-dessus) – que Compass Lexecon/FTI a facturé un total de 853,7 heures à la requérante entre 2018 et 2021, et ce à des taux horaires allant de 242 à 1 055 USD.

65      Ainsi, en dépit du nombre important de documents et de données produits par la requérante, aucun de ceux-ci ne permet de déterminer à quelles tâches ce volume horaire total correspond, notamment le nombre d’heures correspondant, le cas échéant, à des tâches dupliquées ou à des tâches de coordination entre les 9 personnes reprises dans les factures, si lesdites heures de travail ont été prestées aux fins de la procédure devant le Tribunal ni si elles étaient indispensables à ces fins. Par ailleurs, contrairement à ce qui semble être suggéré par la requérante, le travail se rapportant aux analyses économiques présentées devant la Commission est dépourvu de pertinence dans le cadre de la présente affaire, qui, conformément à la jurisprudence rappelée au point 23 ci-dessus, porte uniquement sur les frais exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal.

66      Il en découle que la demande de la requérante ne permet pas de déterminer le volume d’heures correspondant aux différentes tâches concrètement effectuées pour la procédure devant le Tribunal par les consultants économiques de Compass Lexecon/FTI, ni le taux horaire correspondant à ces différentes tâches.

67      Dans ces conditions, si, contrairement à ce qui est soutenu par la Commission, les frais afférents à l’intervention des consultants économiques de Compass Lexecon/FTI ne sauraient être entièrement rejetés, l’appréciation du Tribunal doit nécessairement être stricte, conformément à la jurisprudence rappelée au point 48 ci-dessus.

68      Or, d’une part, la requérante n’ayant fourni aucune indication concrète sur le volume de travail effectué par ses consultants économiques aux fins de la préparation des rapports et des mémoires incorporés ou annexés à la requête et à la réplique, il sera fait une juste appréciation ex æquo et bono de ce volume de travail en le fixant à 50 heures. D’autre part, ainsi qu’il ressort du procès-verbal de l’audience de plaidoiries, un consultant économique de la requérante a été autorisé à intervenir, en présence et sous la responsabilité des représentants de la requérante, lors des trois jours d’audience, afin de fournir des éclaircissements. Il convient de fixer le volume de travail correspondant à ces tâches à 24 heures. Par voie de conséquence, un volume de 74 heures de travail est considéré comme étant équitable pour l’ensemble de la procédure devant le Tribunal dans l’affaire au principal.

69      S’agissant du taux horaire, dès lors que la demande ne permet pas de déterminer précisément le taux horaire correspondant aux différentes tâches accomplies par les consultants économiques et que, en tout état de cause, un taux horaire de 1 055 USD, tel que l’un des taux mentionnés dans les factures CL et dans le tableau de synthèse CL, serait manifestement excessif aux fins de la détermination des dépens récupérables au titre des honoraires en cause, il sera fait une juste appréciation ex æquo et bono de la somme à concurrence de laquelle les honoraires de Compass Lexecon/FTI peuvent être récupérés auprès de la Commission en la fixant à 30 000 euros.

70      Compte tenu de ce qui précède, il convient de fixer le montant des dépens récupérables au titre des honoraires de Compass Lexecon/FTI à 30 000 euros.

 Conclusions sur les honoraires

71      Il convient donc de fixer les dépens récupérables au titre des honoraires relatifs aux services de conseil juridique et économique pour la procédure principale à un total de 780 000 euros.

 Sur les débours

72      Au titre des débours, la requérante demande le remboursement de la somme de 23 907,21 euros relative aux frais de voyage et d’hébergement des avocats du cabinet d’avocats Quinn Emanuel, du consultant économique de Compass Lexecon/FTI et de l’un de ses employés pour assister à l’audience.

73      C’est au demandeur qu’il appartient de produire des justificatifs de nature à établir la réalité et le montant des frais de déplacement et de séjour dont il demande le remboursement (ordonnance du 26 janvier 2017, Nordschleife, T‑181/14 DEP, EU:T:2017:41, point 34).

74      Il y a lieu de rappeler que les frais de déplacement et de séjour exposés par des personnes autres que les avocats ne sont récupérables que si la présence de ces personnes était indispensable aux fins de la procédure [voir ordonnances du 17 septembre 1998, Branco/Commission, T‑271/94 (92) EU:T:1998:222, point 20 et jurisprudence citée, et du 27 octobre 2017, Heli-Flight/AESA, T‑102/13 DEP, non publiée, EU:T:2017:769, point 49 et jurisprudence citée].

75      Sauf circonstances spécifiques, les frais d’un seul conseil peuvent être déclarés récupérables (voir, en ce sens, ordonnance du 8 octobre 2014, Coop Nord/Commission, T‑244/08 DEP, non publiée, EU:T:2014:899, point 33).

 Sur les frais de déplacement et de séjour des avocats du cabinet d’avocats Quinn Emanuel

76      La requérante demande le remboursement de la somme de 12 632,95 euros au titre des débours pour les frais de déplacement et de séjour des avocats du cabinet d’avocats Quinn Emanuel pour assister à l’audience.

77      Force est toutefois de constater que la demande ne contient, en elle-même, aucune indication sur la nature des frais réclamés ni aucune répartition par catégorie de frais. Néanmoins, afin de justifier ce montant, dans la demande, la requérante se réfère à une facture qui lui a été adressée par le cabinet d’avocats Quinn Emanuel (produite dans l’annexe T.8) ainsi qu’aux factures portant paiement de ces débours par ses avocats (produites à l’annexe T.11).

78      Il ressort de la trente-troisième facture du cabinet d’avocats Quinn Emanuel, produite par la requérante dans l’annexe T.8, que la somme en cause concerne, en substance, des frais de séjour à l’hôtel, de voyage et de location d’une salle. En effet, ces frais apparaissent ensuite être détaillés dans les deux autres factures (en euros) produites à l’annexe T.11 par la requérante, à savoir une facture d’un hôtel à Luxembourg et une facture d’un prestataire de services de transport à Bruxelles, sachant que la même annexe apparaît contenir des tableaux comptables reprenant sous une forme différente lesdits frais et quatre pages complètement expurgées de leur contenu. Le Tribunal ne peut donc procéder à l’appréciation de ces frais de déplacement et de séjour qu’à l’aune desdites deux factures d’hôtel et de transport. En revanche, certains autres débours mentionnés dans la trente-troisième facture du cabinet d’avocats Quinn Emanuel concernant des frais de reproduction de documents et des frais de justice ne sauraient être pris en considération, en l’absence de toute précision et de tout élément justificatif fournis par la requérante.

79      En premier lieu, il ressort de la liste des prestations mentionnées dans la facture de l’hôtel, d’un montant de 8 513 euros, que celle-ci couvre les frais pour des nuitées, pour des repas, pour la location d’une salle de réunion et de matériel ainsi que pour des « transferts ».

80      Premièrement, s’agissant des nuitées, la facture de l’hôtel fait état d’une somme totale de 5 630 euros pour quatre nuitées (du 3 au 7 mai 2021) pour cinq avocats. Or, d’une part, il convient de rappeler que l’audience dans l’affaire au principal s’est tenue du 4 au 6 mai 2021. Ainsi qu’il ressort du procès-verbal de l’audience, le 6 mai 2021, l’audience a été clôturée à environ 16 heures. Partant, la nuitée du 6 au 7 mai 2021 ne saurait être considérée comme étant indispensable aux fins de la procédure devant le Tribunal. De surcroît, il ressort de la facture du prestataire de services de transport que deux voyages en voiture de Luxembourg à Bruxelles pour six personnes ont eu lieu le 6 mai 2021. D’autre part, si dans les circonstances spécifiques de la présente affaire, l’audience s’étant déroulée sur trois jours, les frais afférents aux nuitées des trois avocats ayant représenté la requérante devant le Tribunal et ayant tous les trois plaidé devant celui-ci lors de ladite audience peuvent être considérés comme étant récupérables conformément à la jurisprudence rappelée au point 75 ci-dessus, il ne saurait en aller de même pour les deux autres avocats qui n’ont pas représenté la requérante devant le Tribunal. Il en découle que la somme récupérable au titre des trois nuitées d’hôtel pour trois avocats (289 euros par nuit) est de 2 601 euros.

81      Deuxièmement, s’agissant des repas, la facture de l’hôtel fait état d’une somme totale de 79 euros, laquelle doit être considérée comme étant récupérable, dès lors que cette somme est dûment justifiée et raisonnable.

82      Troisièmement, s’agissant de la location d’une salle de réunion et de matériel, la facture de l’hôtel fait état d’une somme totale de 2 250 euros. Certes, la demande et les pièces produites ne font apparaître ni la nature précise de ces frais de location ni dans quelle mesure ces locations auraient été indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal. Néanmoins, si les frais afférents à la location de matériel (750 euros pour une « imprimante ») doivent être rejetés en l’absence de toute précision fournie par la requérante, s’agissant des frais de location d’une salle de réunion (1 500 euros pour trois jours), il y a lieu de considérer que, dans les circonstances spécifiques de la présente affaire, l’audience de plaidoiries s’étant tenue sur trois jours et la requérante y étant représentée par trois avocats (voir point 80 ci-dessus), l’utilisation d’une salle de réunion auprès de l’hôtel de ces avocats peut être considérée comme étant effectivement indispensable. Cela étant, la portée de l’utilisation d’une telle salle de réunion n’ayant pas été précisée par la requérante, sa location pour trois journées complètes apparaît excessive en l’absence de précisions fournies par la requérante. Si l’absence de telles informations ne fait pas obstacle à la fixation par le Tribunal, sur la base d’une appréciation équitable, du montant des dépens récupérables à ce titre, elle le place néanmoins dans une situation d’appréciation nécessairement stricte en ce qui concerne les revendications du demandeur [voir, en ce sens, ordonnance du 21 mars 2018, K&K Group/EUIPO – Pret A Manger (Europe) (Pret A Diner), T‑2/16 DEP, non publiée, EU:T:2018:175, point 37]. Partant, la somme récupérable à ce titre est fixée ex æquo et bono à 750 euros.

83      Quatrièmement, s’agissant des « transferts », la facture fait état d’une somme totale de 554 euros en relation avec un autre hôtel. Dans la mesure où les informations présentées par la requérante ne permettent de déterminer ni l’objet même de ces frais ni a fortiori leur caractère indispensable aux fins de la procédure devant le Tribunal, ils doivent être rejetés.

84      En second lieu, il ressort de la facture du prestataire des services de transport à Bruxelles, d’un montant de 2 106,22 euros, que celle-ci couvre trois voyages en voiture de Bruxelles à Luxembourg le 3 mai 2021 (un voyage pour quatre personnes, un voyage pour deux personnes et un voyage pour un objet) et deux voyages en voiture de Luxembourg à Bruxelles le 6 mai 2021 (un voyage pour quatre personnes et un voyage pour deux personnes).

85      Or, à cet égard, il suffit de relever que, ainsi qu’il ressort du point 80 ci-dessus, seulement la présence des trois avocats ayant représenté la requérante devant le Tribunal et ayant plaidé devant celui-ci lors de l’audience peut être considérée comme étant indispensable aux fins de la procédure s’agissant des frais exposés pour la participation à ladite audience. Par conséquent, seule la somme correspondant au voyage de ces trois avocats peut être considérée comme étant récupérable. En l’espèce, compte tenu de la facture produite par la requérante, il convient de considérer qu’une telle somme correspond, en substance, au coût du voyage aller (380 euros) et du voyage retour (380 euros) pour quatre personnes, sans les suppléments facturés pour l’attente, pour un montant total de 760 euros.

86      Compte tenu de ce qui précède, il convient de fixer le montant total des dépens récupérables au titre des débours du cabinet d’avocats Quinn Emanuel à 4 190 euros.

 Sur les frais de déplacement et de séjour du consultant économique de Compass Lexecon/FTI

87      La requérante demande le remboursement de la somme de 2 749,08 euros au titre des débours pour les frais de déplacement et de séjour du consultant économique de Compass Lexecon/FTI pour assister à l’audience.

88      Force est toutefois de constater que la demande ne contient, en elle-même, aucune indication sur la nature des frais réclamés ni aucune répartition par catégorie de frais. Néanmoins, afin de justifier ce montant, dans la demande, la requérante se réfère à l’annexe T.12 contenant des factures et des reçus.

89      L’annexe T.12 produite par la requérante fait état, dans un tableau, de différentes catégories de frais, à savoir des frais :

–        pour trois voyages en taxi, pour des montants de 30 euros, de 42,09 euros et de 30 euros, soit un total de 102,09 euros ;

–        pour deux tests COVID‑19 d’un montant de 180 euros et 169 euros, correspondant à un total de 349 euros ;

–        pour des voyages en avion, pour un montant 948,45 euros ;

–        pour l’hôtel, pour un montant 1 220 euros.

90      Par ailleurs, l’annexe T.12 produite par la requérante contient également trois pages entièrement expurgées de leur contenu, une facture d’une agence de voyages et une page contenant une copie de plusieurs reçus et tickets de caisse. Le Tribunal ne peut donc procéder à l’appréciation de ces frais qu’à l’aune de ladite facture et desdits reçus et tickets.

91      Premièrement, s’agissant des voyages en taxi, la requérante a produit la copie de trois reçus concernant un voyage en taxi à Madrid le 3 mai 2021 (30 euros), un voyage en taxi au Luxembourg le 3 mai 2021 (42,09 euros) et un voyage en taxi à Madrid le 7 mai 2021 (30 euros). De tels frais, qui apparaissent liés au voyage de Madrid à Luxembourg du consultant économique de la requérante pour l’audience du 4 au 6 mai 2021, peuvent être considérés comme étant indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal. Partant, la somme récupérable au titre des voyages en taxi est fixée à 102,09 euros.

92      Deuxièmement, s’agissant des frais pour deux tests COVID‑19, il convient de relever que la requérante a produit uniquement la copie d’un ticket de carte bancaire qui semblerait avoir été émis à Madrid le 2 mai 2021 (180 euros). Toutefois, ce ticket n’indique ni la prestation concernée ni la personne concernée, le simple fait que ce ticket contient le mot espagnol « clinica » n’étant manifestement pas suffisant à cet égard. Aucun élément de preuve n’a en revanche été apporté s’agissant de l’autre montant (de 169 euros) réclamé au même titre. Le remboursement de ces frais doit donc être rejeté.

93      Troisièmement, s’agissant des voyages en avion, la requérante a produit une facture d’une agence de voyages faisant état d’une somme de 948,45 euros pour un voyage aller-retour de Madrid à Luxembourg pour le consultant économique de la requérante. Plus précisément, il apparaît ressortir de ladite facture que la somme réclamée comprend les sommes de 672 euros pour un billet d’avion aller-retour du 3 au 5 mai 2021, de 26,45 euros de taxes et de 250 euros de surcoût pour le changement du 5 au 7 mai 2021 de la date du billet retour.

94      Dès lors qu’aucune explication ne justifie le surcoût pour le changement de la date du billet retour, les dates d’audience ayant été notifiées aux parties le 29 janvier 2021 et n’ayant pas été modifiées, le remboursement de ces frais de modification doit être rejeté. Partant, la somme récupérable au titre des voyages en avion est fixée à la somme de 698,45 euros.

95      Quatrièmement, s’agissant de l’hôtel, la requérante a produit la copie d’un ticket de carte bancaire d’un hôtel à Luxembourg portant l’indication « réservation » pour une somme de 1 220 euros en date du 3 mai 2021. Ce ticket, toutefois, n’indique ni la prestation fournie ni la personne qui en a bénéficié. Au demeurant, les indications fournies ne permettent pas de déterminer s’il s’agit d’un ticket de paiement ou d’un ticket visant à bloquer une somme d’argent, comme notamment une caution. Dans ces conditions, dès lors qu’il s’agit du même hôtel que celui figurant dans la facture mentionnée au point 80 ci-dessus, il convient, par analogie, de fixer le montant des dépens récupérables à ce titre, pour une personne pour trois nuits, aucune précision n’ayant été fournie concernant la fixation et la modification de la date du vol retour du consultant économique (point 94 ci-dessus), à raison de 289 euros par nuit, à 867 euros.

96      Compte tenu de ce qui précède, il convient de fixer le montant des dépens récupérables au titre des débours pour le consultant économique de Compass Lexecon/FTI à la somme de 1 667,54 euros.

 Sur les frais de déplacement et de séjour d’un employé de la requérante

97      La requérante demande le remboursement de la somme de 8 525,18 euros au titre des débours pour les frais de déplacement et de séjour d’un de ses employés pour l’audience.

98      Or, la requérante n’a apporté aucun élément en vue de justifier en quoi la présence de son employé était indispensable aux fins de la procédure, conformément à la jurisprudence rappelée au point 74 ci-dessus, le simple fait que cet employé suivait l’affaire au sein de l’entreprise étant manifestement insuffisante à cet égard. Au demeurant, il ne ressort ni du dossier que sa présence ait été requise par le Tribunal, ni d’ailleurs du procès-verbal de l’audience que cet employé ait été invité par le Tribunal à prendre la parole au cours de celle-ci. Le remboursement de ces frais doit donc être rejeté.

 Conclusion sur les frais de déplacement et de séjour

99      Il convient donc de fixer les dépens récupérables au titre des frais de déplacement et de séjour pour la procédure principale à 5 857,54 euros.

 Conclusion sur les dépens récupérables

100    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables par la requérante au titre de la procédure principale en fixant leur montant à la somme totale 785 857,54 euros, lequel montant tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de l’adoption de la présente ordonnance.

101    La requérante n’ayant pas réclamé de dépens au titre de la présente procédure de taxation des dépens, il n’y a pas lieu pour le Tribunal de fixer un montant à cet égard.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

ordonne :

Le montant total des dépens à rembourser par la Commission européenne à Qualcomm Inc. est fixé à 785 857,54 euros.

Fait à Luxembourg, le 29 février 2024.

Le greffier

 

La présidente

V. Di Bucci

 

A. Marcoulli


*      Langue de procédure : l’anglais.