Language of document : ECLI:EU:T:2022:603

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

5 octobre 2022 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Congé de maladie – Absences injustifiées – Résiliation du contrat sans préavis – Article 16 du RAA – Article 48, sous b), du RAA – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑618/21,

WV, représenté par Mes L. Levi et A. Champetier, avocates,

partie requérante,

contre

Centre de traduction des organes de l’Union européenne (CdT), représenté par M. M. Garnier, en qualité d’agent, assisté de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. R. da Silva Passos, président, L. Truchot (rapporteur) et M. Sampol Pucurull, juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 7 juillet 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, WV, demande, d’une part, l’annulation de la décision du directeur du Centre de traduction des organes de l’Union européenne (CdT) du 26 novembre 2020 résiliant sans préavis son engagement à durée indéterminée (ci-après la « décision attaquée »), ainsi que, en tant que de besoin, de la décision du 17 juin 2021 rejetant sa réclamation (ci-après la « décision de rejet de la réclamation ») et, d’autre part, la réparation du préjudice qu’il aurait subi du fait de ces décisions.

 Antécédents du litige

2        Le requérant a été recruté par le CdT le 1er novembre 1997. Le 16 décembre 2004, il a signé un contrat à durée indéterminée. Du 23 juillet 2019 au 15 novembre 2019, le requérant a été placé en congé de maladie rémunéré. Son absence du 18 novembre 2019 au 7 février 2020 a été considérée par le CdT comme étant injustifiée. Ses absences du 8 février au 10 avril 2020 et du 29 avril au 4 mai 2020, ont, quant à elles, été acceptées par le CdT comme étant justifiées. À partir du 5 mai 2020, les absences du requérant ont été considérées comme étant injustifiées.

3        Après une téléconsultation qui s’est tenue, le 4 mai 2020, entre le requérant et le service médical de la Commission européenne, agissant pour le compte du CdT, ce service médical a conclu que le requérant était apte à reprendre ses fonctions à mi-temps pour un mois à partir du 5 mai 2020. Ledit service médical a informé le requérant qu’il pouvait présenter une demande d’arbitrage. Le lendemain, ce dernier a présenté ladite demande, en application de l’article 59, paragraphe 1, cinquième alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

4        Constatant que le requérant ne s’était pas présenté aux différents entretiens organisés aux fins de la procédure d’arbitrage, le médecin indépendant a confirmé la décision du service médical de la Commission. Le CdT a considéré, en conséquence, que l’absence du requérant au cours de la période ayant débuté le 5 mai 2020 était injustifiée. Le requérant en a été informé par lettre du directeur du CdT du 31 juillet 2020.

5        Par lettre du 10 août 2020, l’avocate du requérant a demandé la mise en invalidité de celui-ci. Elle a indiqué que, compte tenu de l’état de santé du requérant, un retour à une situation normale n’était pas envisagé dans un avenir proche.

6        Par lettre du 14 septembre 2020, le directeur du CdT a rejeté la demande de mise en invalidité du requérant. Le requérant a été également informé que, compte tenu, notamment, de son absence injustifiée depuis le 5 mai 2020, de sa déclaration selon laquelle il n’était pas en mesure de reprendre ses fonctions, du défaut de réponse aux trois lettres du CdT envoyées entre le 7 mai et le 7 août 2020, et de l’intérêt du service, le CdT envisageait de faire application de l’article 48, sous b), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») aux fins de la résiliation de son engagement. Le CdT l’a invité à présenter ses observations.

7        Par lettre du 14 octobre 2020, l’avocate du requérant, se référant à la lettre du 14 septembre 2020 du directeur du CdT, a communiqué au CdT les observations du requérant quant à l’éventuelle application de l’article 48, sous b), du RAA.

8        Le 26 novembre 2020, sur le fondement de l’article 48, sous b), du RAA, la décision attaquée, mettant fin à l’engagement du requérant sans préavis à partir du 31 décembre 2020, a été adoptée.

9        Le 26 février 2021, le requérant a introduit une réclamation contre la décision attaquée.

10      Le 17 juin 2021, le directeur du CdT a rejeté la réclamation.

 Conclusions des parties

11      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler, en tant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation ;

–        condamner le CdT à la réparation du préjudice matériel subi et au paiement de la somme de 15 000 euros, en réparation du préjudice moral subi ;

–        condamner le CdT aux dépens.

12      Le CdT conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

13      Le requérant a présenté des conclusions en annulation et des conclusions en indemnité.

 Sur les conclusions en annulation

14      Le requérant demande l’annulation de la décision attaquée ainsi que, en tant que de besoin, de la décision de rejet de la réclamation.

15      À titre liminaire, s’agissant de la demande du requérant d’annuler, en tant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome (voir arrêt du 14 juillet 2021, AQ/eu‑LISA, T‑164/19, non publié, EU:T:2021:456, point 35 et jurisprudence citée).

16      En l’espèce, étant donné que la décision de rejet de la réclamation ne fait que confirmer la décision attaquée, par laquelle l’engagement du requérant a été résilié sans préavis, les conclusions en annulation de la décision de rejet de la réclamation sont dépourvues de contenu autonome. Il n’y a donc pas lieu de statuer spécifiquement sur celles-ci même si, dans l’examen de la légalité de la décision attaquée, il conviendra de prendre en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation, cette motivation étant censée coïncider avec celle de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2021, AQ/eu‑LISA, T‑164/19, non publié, EU:T:2021:456, point 36 et jurisprudence citée).

17      Au soutien de ses conclusions en annulation, le requérant invoque trois moyens, tirés, le premier, du fondement juridique erroné de la décision de résiliation de l’engagement litigieux, le deuxième, du défaut de saisine, par le CdT, de la commission d’invalidité, de la résiliation, par celui-ci, de l’engagement litigieux sans mise en balance de tous les éléments et circonstances pertinents avec l’intérêt du requérant ainsi que d’une contradiction de motifs et, le troisième, de la violation du droit d’être entendu.

18      Dans le cadre de son premier moyen, le requérant soutient que l’article 48, sous b), du RAA ne peut fonder la décision de résiliation de son engagement dans la mesure où, à la date d’adoption de la décision attaquée, il ne se trouvait pas en congé de maladie avec rémunération, mais, selon le CdT, en situation d’absence injustifiée, de sorte que, à la date de la résiliation de son engagement, il ne se trouvait pas à l’issue du congé de maladie avec rémunération prévu à l’article 16 du RAA, auquel renvoie l’article 48, sous b), du RAA.

19      En outre, à supposer que, à la date de la résiliation de son engagement, le requérant se trouvait en congé de maladie avec rémunération au sens de l’article 16 du RAA, les conditions fixées par ce texte et par l’article 48, sous b), du RAA n’auraient pas été réunies. En effet, le requérant ayant travaillé pendant 22 ans au sein du CdT, la durée de son congé de maladie rémunéré aurait dû correspondre à la durée de son service sans qu’il puisse être mis fin à son engagement, au titre de l’article 48, sous b), du RAA, avant l’expiration de ce délai.

20      Enfin, le requérant ajoute que, si le CdT souhaitait le sanctionner, celui-ci aurait dû ouvrir une procédure disciplinaire à son égard au lieu d’appliquer l’article 16 et l’article 48, sous b), du RAA.

21      Le CdT rappelle qu’il a considéré que l’absence du requérant était injustifiée depuis le 5 mai 2020 et que le requérant a soutenu de manière continue que son état de santé ne lui permettait pas de reprendre ses fonctions.

22      Selon le CdT, le requérant avait épuisé ses droits de congé de maladie en raison du fait que, ainsi qu’il résulte de l’article 59 du statut, auquel l’article 16 du RAA renvoie, seules les périodes d’absence justifiée peuvent donner droit à ce congé. Ainsi, le requérant se serait trouvé à l’issue du délai fixé pour le congé de maladie rémunéré.

23      En effet, en dépit des délais de fin de droit de congé de maladie prévus à l’article 16 du RAA, le requérant aurait épuisé, par son propre comportement, ses droits découlant de cette disposition, dès lors qu’il ne se serait plus trouvé dans une situation d’absence justifiée. Par conséquent, le requérant ne saurait prétendre que la fin de son droit aurait dû intervenir à la fin de la période de 22 ans équivalant à la durée de son service, alors même que son absence n’aurait plus ouvert de droit à un congé de maladie.

24      Le CdT fait également valoir que, dans la mesure où le requérant se trouvait à l’issue d’un congé de maladie rémunéré, ce qui reflète une condition de fin de droit, l’application de l’article 48, sous b), du RAA ne pouvait être exclue en raison du fait que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, le requérant ne bénéficiait pas d’un tel congé. De plus, la longue période écoulée entre le début de l’absence injustifiée du requérant au 5 mai 2020 et l’adoption de la décision attaquée serait justifiée par les différentes étapes de la procédure d’arbitrage et par la volonté du CdT d’accorder plus de temps au requérant pour lui permettre de présenter ses observations.

25      Enfin, le CdT souligne que, en application du devoir de sollicitude, il a fait part à plusieurs reprises au requérant de la volonté de l’administration de mettre en place des mesures compatibles à la fois avec son bien-être et avec l’intérêt du service. Toutefois, les tentatives du CdT seraient restées sans réponse de la part du requérant, qui ne se serait ainsi pas conformé à son devoir de coopération envers le CdT.

26      Dans le cadre du présent moyen, il convient de déterminer si, dans les circonstances de l’espèce, le CdT pouvait fonder la décision attaquée sur l’article 48, sous b), du RAA afin de résilier l’engagement du requérant.

27      Aux termes de l’article 48, sous b), du RAA, « [l’]engagement tant à durée déterminée qu’à durée indéterminée peut être résilié par l’institution sans préavis : […] au cas où l’agent ne pourrait pas reprendre ses fonctions à l’issue du congé de maladie rémunéré prévu à l’article 16 [du RAA] ».

28      L’article 16, deuxième alinéa, du RAA dispose que « le congé de maladie avec rémunération prévu à l’article 59 du statut ne dépasse pas trois mois ou la durée des services accomplis par l’agent lorsque celle-ci est plus longue [ ; c]e congé ne peut se prolonger au-delà de la durée de l’engagement de l’intéressé ».

29      Il ressort ainsi de l’article 16, deuxième alinéa, et de l’article 48, sous b), du RAA que l’engagement contractuel d’un agent peut être résilié lorsque deux conditions sont réunies, à savoir le dépassement du délai fixé pour le congé de maladie rémunéré et l’impossibilité pour l’agent de reprendre ses fonctions à l’issue dudit délai (arrêt du 11 juin 2019, TO/AEE, T‑462/17, non publié, EU:T:2019:397, point 56).

30      S’agissant de la première condition, relative au dépassement du délai fixé pour le congé de maladie rémunéré, il convient de rappeler que le congé de maladie rémunéré mentionné à l’article 48, sous b), du RAA, à l’issue duquel doit être appréciée la possibilité pour l’agent de reprendre ses fonctions, en l’absence de laquelle l’engagement peut être résilié sans préavis, est celui qui est prévu à l’article 16, deuxième alinéa, du RAA.

31      Il ressort de la lecture combinée de l’article 48, sous b), et de l’article 16, deuxième alinéa, du RAA que l’engagement d’un agent peut être résilié sans préavis à l’issue de son congé de maladie rémunéré dans le cas où ce congé dépasse soit une période de trois mois soit la durée des services accomplis par l’agent concerné lorsque celle-ci est plus longue.

32      Dès lors, afin de résilier l’engagement du requérant sur le fondement de l’article 48, sous b), du RAA, le CdT était tenu de vérifier que cette condition était remplie.

33      Or, dans la décision attaquée, telle que complétée par la décision de rejet de la réclamation, le CdT, après avoir relevé que le requérant n’avait pas été en mesure de reprendre ses fonctions à l’issue de son congé de maladie rémunéré, a constaté que le requérant avait épuisé ses droits à un congé de maladie rémunéré découlant de l’article 16 du RAA, en raison du fait que seules les périodes d’absence justifiée peuvent ouvrir droit à un tel congé, ainsi qu’il résulte de l’article 59 du statut, auquel renvoie l’article 16 du RAA, dès lors qu’il n’était plus dans une situation d’absence justifiée. Le CdT en a déduit que le requérant avait, par son comportement, provoqué « une fin de droit a fortiori ». Il a ajouté que, dans ces circonstances, le requérant ne pouvait prétendre que la fin de droit aurait dû intervenir à la fin de la période équivalente à la durée de son service, soit une période de 22 ans, alors même que son absence n’ouvrait plus droit à un congé de maladie.

34      Il résulte de la décision attaquée, lue à la lumière des précisions complémentaires fournies dans la décision de rejet de la réclamation, que le CdT a considéré que le défaut de justification des absences du requérant au moment de décider de la résiliation de l’engagement de celui-ci l’autorisait à procéder à cette résiliation au motif que ces absences injustifiées, en ayant épuisé les droits à un congé de maladie rémunéré du requérant, avaient provoqué la fin de ces droits. Il apparaît ainsi que le CdT a considéré que les absences injustifiées du requérant, en mettant fin à ses droits à un congé de maladie rémunéré, le dispensaient de vérifier que la condition relative au dépassement du délai fixé pour le congé de maladie rémunéré accordé au requérant était satisfaite.

35      Or, il convient de rappeler que l’article 48, sous b), du RAA, sur lequel la décision attaquée est fondée, se réfère aux dispositions de l’article 16, deuxième alinéa, du RAA, qui fixe cette dernière condition, et de constater qu’aucun de ces textes ne prévoit qu’une décision de résiliation sans préavis pourrait être adoptée en ne procédant pas à la vérification préalable du dépassement du délai fixé pour le congé de maladie avec rémunération accordé à l’agent concerné selon les modalités fixées par l’article 16, deuxième alinéa, du RAA. En outre, il ne résulte d’aucune de ces dispositions, pas plus que de l’article 59 du statut, qui fixe, notamment, le régime juridique applicable au congé de maladie et aux absences injustifiées, que la vérification de la condition relative au dépassement du délai fixé pour le congé de maladie rémunéré prévue par l’article 16, deuxième alinéa, du RAA pourrait être remplacée, en cas d’absence injustifiée à la date de la résiliation litigieuse ainsi qu’avant cette date, par la constatation de ces absences. Il en résulte que, par la décision attaquée, le CdT a fait application d’une condition d’absence injustifiée qui n’est pas prévue par l’article 48, sous b), et l’article 16, deuxième alinéa, du RAA.

36      Il s’ensuit que le CdT a résilié l’engagement à durée indéterminée du requérant sans avoir vérifié que la première condition fixée par ces dispositions était satisfaite.

37      S’agissant de la seconde condition, relative à l’impossibilité pour l’agent de reprendre ses fonctions à l’issue du délai fixé pour le congé de maladie rémunéré, il convient de constater que la lettre du 10 août 2020 de l’avocate du requérant, adressée au CdT, précise que « les praticiens consultés [par le requérant] – tant son traitant que son psychiatre – n’envisage[ai]nt pas dans un proche avenir un retour à une situation normale ». Par la même lettre, l’avocate du requérant a également demandé la mise en invalidité de ce dernier.

38      Il y a lieu d’ajouter que, dans la lettre du 14 octobre 2020 de l’avocate du requérant, adressée au CdT, il est indiqué que le médecin spécialisé consulté par le requérant « a également confirmé par plusieurs certificats que l’état [du requérant] ne lui permettait pas de reprendre ses fonctions ».

39      Il résulte de ces lettres que le requérant a reconnu qu’il se trouvait dans l’impossibilité de reprendre ses fonctions, ce dont le CdT a tenu compte dans la décision attaquée en reprenant le contenu desdites lettres.

40      Cependant, la date à laquelle cette impossibilité devait être constatée étant, selon l’article 48, sous b), du RAA, postérieure au délai fixé pour le congé de maladie rémunéré, dont il a été précédemment relevé, au point 36 ci-dessus, qu’il n’avait pas été évalué par le CdT, la seconde condition ne peut être considérée comme satisfaite.

41      Partant, il y a lieu de conclure que, en adoptant la décision attaquée, le CdT a violé l’article 48, sous b), et l’article 16, deuxième alinéa, du RAA.

42      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être accueilli. En conséquence, la décision attaquée doit être annulée, sans qu’il soit besoin d’examiner les deuxième et troisième moyens.

 Sur les conclusions en indemnité

43      Le requérant demande la réparation, d’une part, du préjudice matériel et, d’autre part, du préjudice moral qu’il aurait subis.

44      Il convient de rappeler que, dans le domaine de la fonction publique, l’Union européenne est tenue de réparer les dommages causés par ses institutions, ses organes et ses organismes ou par leurs agents dans l’exercice de leurs fonctions. Selon une jurisprudence constante, dans ce domaine, l’engagement de la responsabilité de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, à l’organe ou à l’organisme, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Ces trois conditions sont cumulatives, de sorte que, dès lors que l’une d’entre elles n’est pas satisfaite, la responsabilité de l’Union ne saurait être retenue (voir arrêt du 14 juillet 2021, AQ/eu-LISA, T‑164/19, non publié, EU:T:2021:456, point 97 et jurisprudence citée).

45      S’agissant de la condition relative au comportement illégal reproché à l’administration, il convient de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence que, lorsqu’elle agit en tant qu’employeur, l’Union est soumise à une responsabilité accrue se manifestant par l’obligation de réparer les dommages causés à son personnel par toute illégalité commise en sa qualité d’employeur (voir arrêt du 14 juillet 2021, AQ/eu-LISA, T‑164/19, non publié, EU:T:2021:456, point 98 et jurisprudence citée).

46      S’agissant de la condition relative à la réalité du dommage, la responsabilité de l’Union ne saurait être engagée que si la partie requérante a effectivement subi un préjudice réel et certain. Il incombe à la partie requérante d’apporter des éléments de preuve au juge de l’Union afin d’établir l’existence et l’ampleur d’un tel préjudice (voir arrêt du 14 juillet 2021, AQ/eu-LISA, T‑164/19, non publié, EU:T:2021:456, point 99 et jurisprudence citée).

47      S’agissant de la condition relative au lien de causalité exigée pour engager la responsabilité de l’Union, il est nécessaire qu’une relation directe et certaine de cause à effet soit établie entre l’illégalité commise par l’institution de l’Union et le préjudice invoqué. Le comportement reproché doit ainsi être la cause déterminante du préjudice allégué (voir arrêt du 14 juillet 2021, AQ/eu-LISA, T‑164/19, non publié, EU:T:2021:456, point 100 et jurisprudence citée).

48      C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’examiner les griefs du requérant au soutien de ses conclusions indemnitaires.

 Sur le préjudice matériel

49      Au soutien de ses conclusions en indemnité, le requérant demande le paiement de sa rémunération à compter de la prise d’effet de la résiliation de son engagement, le 31 décembre 2020, jusqu’à la date de l’annulation de la décision attaquée.

50      Il ajoute qu’il ne demande pas à reprendre ses fonctions, compte tenu de son état de santé, mais sollicite l’ouverture d’une procédure d’invalidité.

51      Le CdT fait valoir, d’une part, que les conditions d’engagement de la responsabilité de l’Union ne sont pas remplies et, d’autre part, que la demande d’ouverture d’une procédure d’invalidité revient à demander au Tribunal de lui adresser une injonction, ce que ce dernier ne peut pas faire.

52      S’agissant de la condition relative à la réalité du dommage, il y a lieu de déterminer si, en résiliant illégalement l’engagement du requérant, le CdT a généré, au détriment de celui-ci, un manque à gagner correspondant au montant de la rémunération dont celui-ci a été privé depuis le 31 décembre 2020, date de la prise d’effet de la résiliation de son engagement.

53      À cet égard, il y a lieu de constater que, depuis le 5 mai 2020, le requérant se trouvait en situation d’absence injustifiée, ce qu’il ne conteste pas. Depuis cette date, il ne percevait donc pas de rémunération. Il en résulte que la réalité du dommage allégué par le requérant n’est pas établie.

54      Par conséquent, au regard de son absence injustifiée lui ayant fait perdre le bénéfice de sa rémunération à compter du 5 mai 2020, la demande en réparation du préjudice matériel prétendument subi par le requérant depuis le 31 décembre 2020, date de prise d’effet de la résiliation de son engagement, doit être rejetée.

55      S’agissant de la demande d’ouverture d’une procédure d’invalidité, il y a lieu de constater que la demande du requérant revient à solliciter du Tribunal qu’il adresse une injonction au CdT. Or, selon une jurisprudence constante, s’agissant du contrôle de légalité, le Tribunal n’est pas compétent pour adresser des injonctions à l’administration (voir arrêt du 2 février 2022, LU/BEI, T‑536/20, non publié, EU:T:2022:40, point 30 et jurisprudence citée).

56      Dès lors, cette demande doit être rejetée.

 Sur le préjudice moral

57      Le requérant réclame la réparation de son préjudice moral qui résulterait de la résiliation de son engagement par la décision attaquée sans l’ouverture d’une procédure d’invalidité et qu’il évalue à la somme de 15 000 euros. Il soutient que, en adoptant la décision attaquée, le CdT, qui connaissait son état de santé, a aggravé son état dépressif et son anxiété.

58      Le CdT conteste cette argumentation.

59      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (voir arrêt du 14 juillet 2021, AQ/eu-LISA, T‑164/19, non publié, EU:T:2021:456, point 130 et jurisprudence citée).

60      En l’espèce, le requérant ne démontre pas que le préjudice moral allégué serait insusceptible d’être intégralement réparé par l’annulation de la décision attaquée dans laquelle il trouverait son origine. Dès lors, il convient de considérer que le préjudice moral causé par la décision attaquée est réparé de manière adéquate par l’annulation de celle-ci.

61      Il convient donc de rejeter les conclusions indemnitaires relatives au préjudice moral invoqué sans qu’il soit besoin d’examiner le lien de causalité entre l’illégalité et ledit préjudice.

62      Au vu de toutes les considérations qui précèdent, il y a lieu d’annuler la décision attaquée et de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

64      Le CdT ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du 26 novembre 2020, par laquelle le directeur du Centre de traduction des organes de l’Union européenne (CdT) a résilié l’engagement de WV en tant qu’agent temporaire, est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Le CdT est condamné aux dépens.

da Silva Passos

Truchot

Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 octobre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.