Language of document : ECLI:EU:T:2013:88

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

21 février 2013(*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Prestation de services externes relatifs à la fourniture de publications électroniques – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Attribution du marché à un autre soumissionnaire – Critères de sélection et d’attribution – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑9/10,

Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, établie à Athènes (Grèce), représentée par Mes N. Korogiannakis et M. Dermitzakis, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. E. Manhaeve et N. Bambara, en qualité d’agents, assistés initialement de Me E. Petritsi, avocat, puis de Me Petritsi et de M. O. Graber-Soudry, solicitor, puis par M. Manhaeve, assisté de M. Graber-Soudry,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision de l’Office des publications de l’Union européenne du 29 octobre 2009 en ce qu’elle rejette l’offre soumise par la requérante pour le lot n° 2, intitulé « Publication électronique basée sur Microsoft SharePoint Server », et, notamment, attribue les contrats aux soumissionnaires retenus, ainsi qu’en ce qu’elle attribue deux contrats du lot n° 3, intitulé « Publication électronique basée sur des plateformes à source libre », à une entreprise membre de deux consortiums différents, dans le cadre de la procédure d’appel d’offres AO 10224 portant sur la fourniture de publications électroniques (JO 2009/S 109-156511), et, d’autre part, une demande en indemnité, introduite sur le fondement des articles 268 TFUE et 340 TFUE,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, M. Prek et S. Soldevila Fragoso (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 septembre 2012,

rend le présent

Arrêt

 Faits

1        La requérante, Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, est une société de droit grec, active dans le domaine de la technologie de l’information et des communications.

2        Par un avis de marché du 10 juin 2009, publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2009/S 109-156511), l’Office des publications de l’Union européenne (OP), sous la référence AO 10224, a lancé un appel d’offres ouvert pour l’attribution d’un contrat-cadre pour la fourniture de publications électroniques réparti en six lots différents. L’appel d’offres avait pour objet de sélectionner jusqu’à huit contractants‑cadres pour chaque lot, qui seraient par la suite invités à participer à des « miniconcours » pour se voir attribuer des marchés spécifiques.

3        Le 20 juillet 2009, la requérante a soumis une offre à l’OP pour les lots nos 1, 2, 3, 4 et 6.

4        Les offres présentées par la requérante ont été retenues à l’exception de celle portant sur le lot n° 2, relatif à la fourniture de services de publication électronique basée sur Microsoft SharePoint Server (ci-après « SharePoint »).

5        Dans le cadre de la phase de sélection, les soumissionnaires étaient invités à fournir un ensemble de formulaires de présentation d’activités/de projets (Project/Activity Reference Forms, ci-après les « PARF ») déjà exécutés au cours de la période 2006-2009, en l’occurrence au moins trois et au maximum huit par lot. Pour le lot n° 2, les PARF acceptés devaient représenter, notamment, « au moins 500 000 euros pour les tâches associées à [SharePoint] » et « au moins un des PARF acceptés [devait] se rapporter à des activités proposant une couverture multilingue (au moins trois langues) ».

6        Par lettre du 15 septembre 2009, l’OP a donné à la requérante la possibilité de fournir des informations complémentaires ou de présenter un nouvel ensemble de trois à huit PARF, les PARF soumis initialement ne remplissant pas les conditions posées pour le lot n° 2.

7        Par télécopie du 21 septembre 2009, la requérante a fourni des informations complémentaires concernant les PARF à la suite desquelles le comité d’évaluation a conclu que, pour le PARF n° 1, qui remplissait les autres critères, la preuve de la capacité à mener des projets multilingues faisait toujours défaut.

8        Par décision du 29 octobre 2009, l’ordonnateur subdélégué de l’OP a signé la décision d’attribution du marché.

9        Par lettre du même jour, l’OP a informé la requérante qu’un contrat-cadre lui avait été attribué au titre des lots nos 1, 3, 4 et 6 et que son offre pour le lot n° 2 n’avait pas passé avec succès la phase de sélection (ci-après la « décision attaquée »).

10      Par télécopie du 2 novembre 2009, la requérante a demandé à l’OP des informations complémentaires sur les raisons du rejet de son offre pour le lot n° 2 et sur la présence d’une même entreprise au sein de deux consortiums distincts adjudicataires de contrats-cadres attribués au titre du lot n° 3.

11      Par lettre du 24 novembre 2009, l’OP a répondu à la requérante en fournissant des informations complémentaires.

12      Par lettre du 26 novembre 2009, la requérante a contesté le résultat de la procédure auprès de l’OP.

13      Par lettre du 3 décembre 2009, l’OP a répondu à la requérante en lui indiquant avoir analysé les arguments qu’elle avançait et en confirmant le résultat de son évaluation.

14      Le 23 janvier 2010, l’avis d’attribution du marché a été publié au Supplément au Journal officiel (JO 2010/S 16‑020106).

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 janvier 2010, la requérante a introduit le présent recours.

16      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

17      Le Tribunal a élu un nouveau président de la sixième chambre, désigné, en application de l’article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, pour compléter la chambre.

18      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

19      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 20 septembre 2012.

20      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, en ce qu’elle a rejeté l’offre soumise par la requérante en réponse à l’appel d’offres ouvert AO 10224 pour la « fourniture de publications électroniques » (JO 2009/S 109‑156511), lot n° 2, ainsi que toutes les décisions subséquentes, y compris celle d’attribuer les contrats aux soumissionnaires retenus ;

–        annuler la décision attaquée, en ce qu’elle a attribué deux contrats à Siveco/Intrasoft et à Engineering/Intrasoft, dans le cadre de l’appel d’offres AO 10224 pour la « fourniture de publications électroniques » (JO 2009/S 109‑156511), lot n° 3 ;

–        condamner la Commission européenne à l’indemniser pour le dommage qu’elle estime avoir subi dans le cadre de la procédure d’appel d’offres AO 10224 pour la « fourniture de publications électroniques », et ce à hauteur d’un montant de 260 760 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens, même en cas de rejet du recours.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours en annulation non fondé ;

–        déclarer la demande en indemnité non fondée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

1.     Sur la demande en annulation

 Sur le lot n° 2

22      La requérante soulève en substance deux moyens, tirés d’une violation de l’obligation de motivation et d’erreurs manifestes d’appréciation commises par le comité d’évaluation.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

23      La requérante allègue, en substance, que l’OP n’a pas suffisamment motivé le rejet des PARF présentés pour le lot n° 2, alors que la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114), exige que le pouvoir adjudicateur communique au soumissionnaire écarté qui en a fait la demande les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’adjudicataire ou des parties à l’accord-cadre. Elle avance une jurisprudence issue de nombreux arrêts du Tribunal au soutien de son allégation.

24      La Commission rejette l’argumentation de la requérante et considère que, l’offre de cette dernière ayant été rejetée comme irrecevable dès le stade de la sélection, les dispositions et les arrêts invoqués ne sont pas applicables en l’espèce. De plus, la Commission estime avoir fourni une motivation allant au-delà de celle prévue à l’article 100, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier »), en informant la requérante des raisons du rejet de son offre ainsi qu’en fournissant les notes obtenues par les soumissionnaires lors de la phase d’attribution, bien que la requérante n’ait pas passé la phase de sélection.

25      Conformément à l’obligation de motivation inscrite à l’article 296 TFUE, il convient de faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, à permettre au juge d’exercer son contrôle (voir arrêts du Tribunal du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑465/04, non publié au Recueil, point 48, et la jurisprudence citée, et du 9 septembre 2010, Evropaïki Dynamiki/OEDT, T‑63/06, non publié au Recueil, point 112).

26      Il importe, en outre, de rappeler que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée, et arrêt Evropaïki Dynamiki/Commission, précité, point 49).

27      Par ailleurs, selon la jurisprudence, lorsque l’institution ou l’agence concernée envoie une lettre, à la suite d’une demande d’explications supplémentaires au sujet d’une décision, avant l’introduction d’un recours, mais après la date fixée par l’article 149, paragraphe 3, du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO L 357, p. 1, ci-après les « modalités d’exécution »), cette lettre peut aussi être prise en considération pour examiner si la motivation en l’espèce était suffisante. En effet, l’obligation de motivation doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la requérante disposait au moment de l’introduction du recours, étant entendu, toutefois, que l’institution n’est pas autorisée à substituer une motivation entièrement nouvelle à la motivation initiale (voir arrêt du Tribunal du 20 mai 2009, VIP Car Solutions/Parlement, T‑89/07, Rec. p. II‑1403, point 73, et la jurisprudence citée). C’est à la lumière de ces considérations que doivent être examinés les arguments de la requérante.

28      L’article 100, paragraphe 2, du règlement financier impose à l’administration une obligation de motivation supplémentaire envers les soumissionnaires ayant présenté une offre recevable et qui en font la demande expresse (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du Tribunal du 8 mai 1996, Adia interim/Commission, T‑19/95, Rec. p. II‑321, point 31 ; du 25 février 2003, Strabag Benelux/Conseil, T‑183/00, Rec. p. II‑135, point 54, et Evropaïki Dynamiki/Commission, précité, point 47).

29      Toutefois, il ressort des faits de l’espèce, sans que cela soit contesté par la requérante, que celle-ci a été écartée au niveau de la sélection puisque aucun des PARF qu’elle avait présentés relativement au lot n° 2 ne remplissait les conditions préalables posées par l’OP.

30      Afin de déterminer si, en l’espèce, l’OP a satisfait à son obligation de motivation, il convient d’examiner la décision attaquée et la lettre du 24 novembre 2009.

31      Par la décision attaquée, l’OP a informé la requérante de l’obtention de contrats-cadres pour les lots nos 1, 3, 4 et 6 et de son échec à passer la phase de sélection en ce qui concernait le lot n° 2. À cet égard, il convient de constater que l’OP, à la page 2 de la décision attaquée, a informé la requérante que les huit PARF présentés pour le lot n° 2 n’avaient pas été retenus du fait qu’aucun d’entre eux ne démontrait à la fois la capacité technique et professionnelle de la requérante dans le domaine du lot n° 2 et un caractère multilingue dans au moins trois langues. En effet, dans la décision attaquée, l’OP a rappelé, d’une part, que, sur les huit PARF fournis par la requérante pour attester de sa capacité professionnelle, seul le PARF n° 1 avait été accepté par l’OP comme démontrant sa capacité technique et professionnelle dans le domaine du lot n° 2 et, d’autre part, que les soumissionnaires avaient été informés que, « pour franchir la phase de sélection, au moins un des PARF acceptés [devait] se rapporter à des activités proposant une couverture multilingue (au moins trois langues) ».

32      Dans la décision attaquée, l’OP a également précisé que, malgré les informations complémentaires communiquées par la requérante, le PARF n° 1 ne pouvait être considéré comme multilingue. Les critères de sélection correspondants n’étant pas remplis, la requérante n’a pas pu passer la phase de sélection conformément aux critères prédéfinis. L’OP a également fourni, en annexe à la décision attaquée, un extrait du rapport sur l’appréciation du comité d’évaluation en ce qui concernait l’évaluation de l’offre de la requérante qui expliquait les raisons du rejet des huit PARF proposés par cette dernière. En outre, sans que cela soit exigé au niveau de la phase de sélection, l’OP a également indiqué, dans la décision attaquée, les noms, les notes ainsi que le total de l’offre financière pour chacun des soumissionnaires retenus pour l’ensemble des contrats-cadres relevant des six lots.

33      Par ailleurs, par la lettre du 24 novembre 2009, en réponse à la télécopie de la requérante du 2 novembre 2009, l’OP a complété la motivation de sa décision de rejet de l’offre de la requérante relative au lot n° 2. L’OP a rappelé que le domaine du lot n° 2 était la publication électronique basée sur SharePoint et que les spécifications de l’appel d’offres, telles qu’elles figuraient à la page 13 de ce dernier, précisaient que la capacité technique et professionnelle des soumissionnaires serait jugée sur la base de leur expertise relative aux services requis. De plus, ces mêmes spécifications, telles qu’elles figuraient à la page 61 de l’appel d’offres, exigeaient que les soumissionnaires démontrent leurs capacités relatives à la livraison de services comparables à ceux définis dans les spécifications techniques de l’appel d’offres. Ainsi, selon ces spécifications, les PARF soumis devaient être en lien avec le sujet et démontrer une expertise dans la publication électronique relative au lot précis visé. Les projets ou les activités non conformes à ces exigences seraient éliminés. L’OP a précisé que les PARF soumis par la requérante pour le lot n° 2 avaient été évalués au regard de ces critères, qui avaient été définis clairement a priori.

34      Dans sa lettre du 24 novembre 2009, l’OP a par ailleurs exposé de manière détaillée les raisons du rejet des différents PARF soumis par la requérante, malgré le fait que celles-ci ressortaient déjà du rapport sur l’appréciation du comité d’évaluation annexé à la décision attaquée.

35      Ainsi, selon l’OP, les PARF nos 2 à 4 ne démontraient pas une expertise dans la « construction et [la] mise à jour de sites web, de sites de collaboration et de sites de gestion de documents », ainsi qu’exigée par les spécifications figurant à la page 39 du cahier des charges de l’appel d’offres, avec une utilisation de SharePoint, technologie dont la maîtrise était exigée pour le lot n° 2. Par ailleurs, les PARF nos 5 à 8 ont été rejetés, puisqu’ils ne démontraient pas l’utilisation de SharePoint.

36      Enfin, en ce qui concerne le PARF n° 1, l’OP a précisé que, à la suite de la réponse complémentaire de la requérante, le comité d’évaluation avait procédé à une vérification du site Internet en question sans pouvoir y trouver les fonctionnalités multilingues avancées par la requérante. L’OP a précisé que le portail en question était en anglais et que le seul fait que certains documents à télécharger étaient disponibles dans d’autres langues ne permettait pas de qualifier le PARF n° 1 comme satisfaisant à la condition d’une fonctionnalité multilingue.

37      Dans le contexte du présent appel d’offres, il y a lieu de conclure que la motivation avancée par l’OP, d’une part, a permis à la requérante de faire valoir ses droits devant le Tribunal et, d’autre part, permet à ce dernier d’exercer son contrôle de légalité.

38      Le premier moyen doit, dès lors, être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation

39      Dans le cadre du présent moyen, la requérante invoque, en substance, trois griefs, tirés d’erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission, premièrement, dans l’application des critères de sélection établis par le cahier des charges, deuxièmement, dans le rejet des PARF nos 2 à 8 et, troisièmement, dans le rejet du PARF n° 1.

–       Sur l’application des critères de sélection établis par le cahier des charges

40      La requérante soutient, en substance, que le cahier des charges n’imposait pas que les PARF démontrent la capacité du soumissionnaire à créer des sites Internet qui utilisent la technologie SharePoint et qui soient multilingues.

41      La Commission considère à l’inverse que, au regard du point 2.6.2.2 et du point 4.5.3, intitulé « Tâches spécifiques au lot 2 – Publication électronique via la plateforme [SharePoint] », du cahier des charges de l’appel d’offres, les deux conditions étaient clairement établies comme étant cumulatives.

42      En effet, le point 2.6.2.2 du cahier des charges de l’appel d’offres dispose que la capacité technique et professionnelle des soumissionnaires sera jugée sur la base de leur expertise relative aux services requis. Or, le lot n° 2 porte sur des services de publications électroniques basées sur SharePoint. De plus, ce même point prévoit que, pour passer la phase de sélection pour le lot n° 2, les soumissionnaires doivent satisfaire à deux critères, à savoir que les tâches relatives à SharePoint pour tous les PARF acceptés représentent au moins 500 000 euros et qu’au moins un des PARF acceptés soit en lien avec une activité présentant une couverture multilingue (au moins trois langues). Ainsi, il ne peut être contesté que les PARF, pour qu’ils soient pertinents, devaient démontrer la maîtrise de la technologie requise par le lot n° 2, comme cela est explicité par le point 4.5.3 du cahier des charges de l’appel d’offres, qui exige clairement une maîtrise de la technologie SharePoint à tous les niveaux.

43      De plus, la seconde condition fait clairement apparaître son caractère cumulatif, puisque, au minimum, un des PARF acceptés devait démontrer la capacité d’exécuter un projet multilingue. Enfin, le document du cahier des charges de l’appel d’offres intitulé  « Annexe 9 PARF » exigeait, au paragraphe 2 de ses règles générales, que les PARF aient été pertinents par rapport au sujet et aient requis une expertise dans la publication électronique pour le lot précis de cet appel d’offres. Etant donné que le lot n° 2 portait sur une publication électronique basée sur SharePoint, les PARF présentés pour ce lot, pour être pertinents, devaient donc obligatoirement démontrer cette expertise.

44      Il ressort ainsi de l’appel d’offres que les critères relatifs au lot n° 2 exigeaient, afin de passer la phase de sélection, la démonstration de la capacité d’exécuter un projet nécessitant la technologie SharePoint dans un environnement multilingue.

45      La prétendue contradiction, avancée par la requérante, entre le cahier des charges de l’appel d’offres et la réponse que l’OP a apportée pendant la phase d’adjudication à la question n° 7 de la quatrième série de précisions n’est pas établie. En effet, dans sa réponse, l’OP a, en substance, indiqué qu’il vérifierait l’expérience du soumissionnaire en ce qui concernait les services demandés par l’appel d’offres en cause, ce qui n’excluait pas que, conformément à l’appel d’offres, l’OP ait examiné l’expertise des soumissionnaires selon la technologie exigée par chaque lot.

46      L’argument de la requérante tiré de la prétendue impossibilité de remplir les conditions cumulatives imposées par l’OP, à savoir un PARF qui utilise la technologie SharePoint et qui soit multilingue, ne peut être accueilli, puisque, concernant le lot n° 2, seul deux soumissionnaires sur onze n’ont pas réussi à passer la phase de sélection, ce qui tend à démontrer que les critères cumulatifs choisis étaient raisonnables.

47      Il découle de ce qui précède que l’OP n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation dans l’application des critères établis par l’appel d’offres et portant sur la phase de sélection.

–       Sur les PARF nos 2 à 8

48      Concernant les PARF nos 2 et 3, la requérante soutient avoir démontré l’utilisation de la technologie SharePoint. Il convient de relever que les PARF nos 2 et 3 concernent deux portails basés sur des technologies différentes de celle exigée par le lot n° 2 et que la requérante elle-même reconnaît que SharePoint a été utilisé comme technologie de support uniquement. Il ne peut donc pas être considéré que l’OP a commis une erreur manifeste en estimant que les PARF nos 2 et 3 ne démontraient pas une expertise dans la technologie exigée pour le lot n° 2. En effet, dans le cadre de la mise en place des portails en cause, SharePoint n’a pas été la technologie sur laquelle ceux-ci ont été basés, alors que cela constituait la spécificité du lot n° 2 ainsi que son intitulé le souligne.

49      Concernant le PARF n° 4, la requérante a en substance soumis le projet « Cybernews », dans le cadre duquel elle avait analysé la possibilité d’une migration vers la technologie SharePoint (version 2007), ce qui ne peut être considéré comme une preuve de son expertise dans la technologie exigée pour le lot n° 2. En effet, la requérante n’a pas apporté de preuve que, dans le cadre de ce projet, elle avait été amenée à mettre en place le site en cause, en l’occurrence un site Internet à usage interne, sur la base de SharePoint, activité pourtant au cœur du lot n° 2. Le fait de ne pas avoir assimilé une étude de migration à la mise en place d’un site Internet sur la base d’une technologie définie ne constitue donc pas une erreur manifeste.

50      Concernant les PARF nos 5 à 8, l’argumentation de la requérante rejoint en réalité le premier grief du présent moyen, puisqu’elle considère qu’elle n’était pas tenue de démontrer spécifiquement la maîtrise de la technologie exigée pour le lot n° 2. Or, il a déjà été établi que l’OP avait clairement et légitimement posé comme condition de sélection la maîtrise de cette technologie dans le cadre du lot n° 2. La requérante ayant admis que les PARF nos 5 à 8 ne portaient pas sur la technologie SharePoint, l’OP n’a donc pas commis d’erreur manifeste en considérant que ces derniers ne démontraient pas sa capacité à mener un projet relatif spécifiquement à cette technologie.

–       Sur le PARF n° 1

51      La requérante considère que le PARF n° 1 démontrait sa capacité à exécuter un projet multilingue. Elle aurait d’ailleurs indiqué, dans le complément d’informations, l’existence d’une page Internet démontrant le caractère multilingue de ce PARF.

52      Or, la Commission souligne que le comité d’évaluation a visité la page Internet en cause et n’a pas réussi à trouver une telle preuve. Le portail en question serait uniquement en anglais et seuls certains documents téléchargeables seraient disponibles dans d’autres langues. Dès lors, l’OP a considéré que le PARF n° 1 ne satisfaisait pas à la condition de couverture multilingue.

53      En l’espèce, le présent appel d’offres était destiné à des entreprises détentrices d’un savoir-faire technique approfondi spécialisées dans le domaine de la fourniture de publications électroniques. En ce qui concernait le lot n° 2, le pouvoir adjudicateur avait défini deux conditions cumulatives, dont l’une spécifiait qu’« au moins un des PARF acceptés [devait] se rapporter à des activités proposant une couverture multilingue (au moins trois langues) ».

54      Bien que la formulation retenue semble assez générale, cette condition doit être lue à la lumière du point 4.4 du cahier des charges de l’appel d’offres, qui dispose à ses deuxième et troisième alinéas :

« Le contractant doit avoir la capacité technique de gérer des données dans toutes les langues de l’Union européenne […]

Les exigences multilingues de chaque projet seront spécifiées au début du projet […] »

55      De plus, le point 4.5.3 du cahier des charges de l’appel d’offres détaille les tâches spécifiques relatives au lot n° 2, qui se concentrent autour de la création et de la mise à jour de sites Internet utilisant la technologie SharePoint.

56      S’il convient de relever que l’appel d’offres ne décrit pas de façon explicite ce qui est visé par l’exigence d’une couverture multilingue dans au moins trois langues, il y a lieu cependant de considérer, à la lumière des tâches définies par les points 4.5.1 et 4.5.3 du cahier des charges de l’appel d’offres, que cette condition doit être interprétée comme visant la création et la mise à jour de sites Internet qui sont disponibles dans leur totalité dans au moins trois langues différentes. Une telle interprétation ne constitue pas, dans le contexte du présent appel d’offres, une erreur manifeste d’appréciation. En effet, la seule présence de documents à télécharger dans d’autres langues sur un serveur ne démontre pas la capacité de la requérante à créer et à gérer un site Internet multilingue possédant notamment une interface dans au moins trois langues différentes. La langue des documents à télécharger sur un site Internet ne saurait être l’unique critère permettant l’appréciation de la couverture multilingue de celui-ci, puisque lesdits documents sont en règle générale ouverts par l’intermédiaire de programmes externes. En outre, de tels documents sont a priori fournis à l’entreprise gérant le site Internet d’une institution par l’institution elle-même et ne démontrent pas la capacité de l’entreprise à gérer un site internet multilingue et, notamment, sa capacité à déployer et à maintenir des moteurs de recherche nécessitant, entre autres, la définition de mots clés dans toutes les langues couvertes par le site.

57      Enfin, ainsi que la Commission l’a fait valoir dans ses écritures, sans que la requérante l’ait contesté, sur les onze offres soumises pour le lot n° 2, seules celles de la requérante et d’un autre soumissionnaire ne présentaient pas à la fois les compétences en termes d’utilisation de SharePoint et une capacité multilingue. Cela apparaît comme étant confirmé par la lecture de la notice d’adjudication des contrats du lot n° 2, puisque onze offres ont bien été reçues et l’OP a attribué comme prévu cinq contrats. Ces éléments confirment que la plupart des entreprises visées par l’appel d’offres avait correctement interprété la présente condition.

58      Il ressort donc de l’examen des pièces du dossier que l’appréciation du comité d’évaluation n’est pas erronée et n’a donc pas entaché d’erreur manifeste la décision attaquée.

59      Le second moyen portant sur le lot n° 2 doit être rejeté et, partant, le premier chef de conclusions dans son ensemble.

 Sur le lot n° 3

60      La requérante avance, en substance, un moyen unique tiré du fait que la présence de la société Intrasoft International (ci-après « Intrasoft ») dans deux consortiums distincts, adjudicataires de contrats-cadres attribués au titre du lot n° 3, constitue une violation de l’article 106 du règlement financier, qui dispose que « [l]a participation à la concurrence est ouverte à égalité de conditions à toutes les personnes physiques et morales relevant du domaine d’application des traités et à toutes les personnes physiques et morales d’un pays tiers qui aurait conclu avec les Communautés un accord particulier dans le domaine des marchés publics, dans les conditions prévues par cet accord ».

61      Dans sa lettre du 29 octobre 2009, l’OP a indiqué que le contrat relatif au lot n° 3 avait été attribué, notamment, au consortium composés sociétés Siveco et Intrasoft et, par télécopie du 2 novembre 2009, la requérante a contesté cet élément. Toutefois, la requérante a reconnu que l’OP, dans sa lettre du 24 novembre 2009, avait admis que la première lettre comportait une erreur matérielle et que, en réalité, le contrat du lot n° 3 avait été attribué à Siveco uniquement. Par lettre du 26 novembre 2009, la requérante a demandé la composition exacte des consortiums adjudicataires du lot n° 3, sans recevoir de réponse précise.

62      Lors de l’audience, la requérante a concentré son argumentation sur l’absence de motivation de la réponse de l’OP en ce qui concernait l’éventuelle implication d’Intrasoft en tant que sous-traitant de Siveco. La Commission a soulevé l’irrecevabilité de cet argument comme étant tardif.

63      Il convient toutefois de constater que, la requérante ayant soulevé cet argument au point 53 de sa requête, celui-ci est donc recevable.

64      Lors de l’audience, la Commission a confirmé qu’Intrasoft ne faisait pas partie de deux consortiums et a précisé que cette entreprise n’intervenait pas non plus comme sous-traitant, puisque cette possibilité était explicitement exclue pour le contrat n° 20 attribué à Siveco, ainsi qu’il aurait résulté de la lecture de la notice d’adjudication des contrats du lot n° 3 (JO 2010/S 16‑020106), qui disposait que le contrat n’était pas susceptible d’être sous-traité.

65      En effet, il ressort de ce document, en ce qui concerne le lot n° 3, que la requérante a obtenu le contrat n° 16. Intrasoft est signalée comme membre du consortium s’étant vu attribuer le contrat n° 15 et Siveco comme s’étant vu attribuer le contrat n° 20. Par ailleurs, il ressort de la notice d’adjudication des contrats du lot n° 3 que la possibilité de sous-traiter une partie du contrat était écartée.

66      Il résulte de l’examen de ce document que, dans le cadre du lot n° 3, aucune société concurrente de la requérante ne s’est vu attribuer un contrat en étant membre de deux consortiums distincts ou encore en étant sous-traitant dans le cadre d’un autre contrat, ce que la requérante n’a d’ailleurs pas réfuté lors de l’audience. Enfin, l’OP ayant corrigé, par lettre du 24 novembre 2009, l’erreur matérielle figurant dans la lettre du 29 octobre 2009, ce moyen doit par conséquent être rejeté.

67      Il ressort de tout ce qui précède qu’il convient de rejeter la demande en annulation dans son ensemble.

2.     Sur la demande en indemnité

68      La requérante demande au Tribunal, dans l’hypothèse où il serait conclu que la décision attaquée, en ce qui concerne le lot n° 2, a été adoptée en violation du règlement financier, compte tenu de ce qu’il serait probablement amené à statuer sur le présent litige après l’exécution complète du marché par le soumissionnaire retenu, de condamner la Commission, sur la base des articles 268 TFUE et 340 TFUE, à lui verser une indemnité d’un montant de 260 760 euros.

69      La Commission soutient que la demande en indemnité n’est pas fondée, notamment en raison du fait que la requérante n’aurait pas apporté la preuve d’un comportement illégal de sa part.

70      Sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres arguments des parties, il convient de constater qu’il ressort d’une jurisprudence constante que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union européenne pour comportement illicite de ses organes, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16 ; arrêts du Tribunal du 11 juillet 1996, International Procurement Services/Commission, T‑175/94, Rec. p. II‑729, point 44 ; du 16 octobre 1996, Efisol/Commission, T‑336/94, Rec. p. II‑1343, point 30, et du 11 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T‑267/94, Rec. p. II‑1239, point 20).

71      Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêt du Tribunal du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, Rec. p. II‑515, point 37 ; voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec. p. I‑4199, points 19 et 81).

72      En l’espèce, dans le cadre de la demande en annulation de la décision attaquée en ce qui concerne le lot n° 2, il a été jugé que cette dernière n’était pas entachée d’illégalité.

73      La condition de l’illégalité du comportement reproché à la Commission n’étant pas remplie, il convient de rejeter la demande en indemnité comme étant non fondée et, dès lors, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

74      Selon la requérante, même si le Tribunal devait rejeter le recours, la Commission devrait être condamnée au paiement des dépens de l’instance, en vertu de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure.

75      Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement prévoit que le Tribunal peut répartir les dépens en présence de motifs exceptionnels.

76      En l’absence de motifs exceptionnels et la requérante ayant succombé, celle-ci supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Kanninen

Prek

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 février 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.