Language of document : ECLI:EU:C:2023:375

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ANTHONY M. COLLINS

présentées le 4 mai 2023 (1)

Affaire C560/20

CR,

GF,

TY

contre

Landeshauptmann von Wien

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne, Autriche)]

« Renvoi préjudiciel – Politique d’immigration – Droit au regroupement familial – Directive 2003/86/CE – Regroupement familial des réfugiés – Mineur non accompagné – Article 10, paragraphe 3, sous a) – Demande de regroupement familial avec un mineur non accompagné ayant le statut de réfugié et la sœur majeure handicapée du réfugié – Membre de la famille du réfugié non visé à l’article 10, paragraphe 2, et à l’article 10, paragraphe 3 – Article 3, paragraphe 5 – Faculté qu’ont les États membres d’adopter des conditions plus favorables – Article 4, paragraphe 2, sous b) – Regroupement familial avec les enfants majeurs célibataires du regroupant dans l’incapacité de subvenir à leurs propres besoins en raison de leur état de santé – Article 17 – Examen au cas par cas des demandes de regroupement – Appréciation équilibrée et raisonnable de l’ensemble des intérêts pertinents – Article 7 et article 24, paragraphes 2 et 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne »






I.      Introduction

1.        La présente demande de décision préjudicielle du Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne, Autriche) porte sur l’éligibilité au regroupement familial des parents et de la sœur majeure handicapée d’un réfugié mineur non accompagné (2). À cette fin, la juridiction de renvoi cherche à déterminer la date à laquelle il convient d’apprécier la qualité de mineur du réfugié. Elle s’interroge également sur le point de savoir si, au regard du droit de l’Union, il convient de délivrer un titre de séjour à la sœur majeure handicapée d’un réfugié mineur non accompagné lorsque le refus de délivrer ce titre aurait pour effet d’empêcher les parents d’exercer leur droit au regroupement familial.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

2.        L’article 2, sous c), de la directive 2003/86 définit le « regroupant » comme étant « un ressortissant de pays tiers qui réside légalement dans un État membre et qui demande le regroupement familial, ou dont des membres de la famille demandent à le rejoindre ».

3.        Selon l’article 2, sous f), de la directive 2003/86, un « mineur non accompagné » est défini comme étant « tout ressortissant de pays tiers ou apatride âgé de moins de 18 ans, entrant sur le territoire d’un État membre sans être accompagné d’un adulte qui soit responsable de lui de par la loi ou la coutume, aussi longtemps qu’il n’est pas effectivement pris en charge par une telle personne, ou toute personne mineure qui est laissée seule après être entrée sur le territoire d’un État membre ».

4.        Aux termes de son article 3, paragraphe 5, la directive 2003/86 ne porte pas atteinte à la faculté qu’ont les États membres d’adopter ou de maintenir des conditions plus favorables.

5.        En vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 2003/86, les États membres peuvent autoriser, conformément à cette directive et sous réserve du respect des conditions visées à son chapitre IV, l’entrée et le séjour des enfants majeurs célibataires du regroupant ou de son conjoint, lorsqu’ils sont objectivement dans l’incapacité de subvenir à leurs propres besoins en raison de leur état de santé.

6.        Aux termes de l’article 10 de la directive 2003/86 :

« [...]

2.      Les États membres peuvent autoriser le regroupement d’autres membres de la famille non visés à l’article 4 s’ils sont à la charge du réfugié.

3.      Si le réfugié est un mineur non accompagné, les États membres :

a)      autorisent l’entrée et le séjour aux fins du regroupement familial de ses ascendants directs au premier degré sans que soient appliquées les conditions fixées à l’article 4, paragraphe 2, point a) ;

[...] »

7.        Conformément à l’article 12 de la directive 2003/86 :

« 1.      Par dérogation à l’article 7, les États membres ne peuvent pas imposer au réfugié et/ou aux membres de la famille de fournir, en ce qui concerne les demandes relatives aux membres de la famille visés à l’article 4, paragraphe 1, des éléments de preuve attestant qu’il répond aux conditions visées à l’article 7.

[...]

Les États membres peuvent exiger du réfugié qu’il remplisse les conditions visées à l’article 7, paragraphe 1, si la demande de regroupement familial n’est pas introduite dans un délai de trois mois suivant l’octroi du statut de réfugié.

[...] »

B.      Le droit autrichien

8.        Les dispositions pertinentes du droit national sont les articles 11 et 46 du Bundesgesetz über die Niederlassung und den Aufenthalt in Österreich (Niederlassungs- und Aufenthaltsgesetz – NAG) (loi relative à l’établissement et au séjour), du 16 août 2005 (3), ainsi que les articles 34 et 35 du Bundesgesetz über die Gewährung von Asyl (Asylgesetz 2005) (loi fédérale relative à l’octroi de l’asile), du 16 août 2005 (4).

III. Les faits de la procédure au principal et les questions préjudicielles

9.        RI est un ressortissant syrien, né le 1er septembre 1999. Il est arrivé en Autriche le 31 décembre 2015 en tant que mineur non accompagné et a déposé une demande de protection internationale le 8 janvier 2016. Par décision du Bundesamt für Fremdenwesen und Asyl (Office fédéral pour le droit des étrangers et le droit d’asile, Autriche), notifiée le 5 janvier 2017, RI, encore mineur à cette date, s’est vu reconnaître la qualité de réfugié. Le 6 avril 2017, soit trois mois et un jour plus tard, les parents de RI, CR et GF, ainsi que sa sœur majeure, TY (5), ont introduit (6) auprès de l’ambassade de la République d’Autriche établie en Syrie des demandes d’entrée et de séjour en Autriche à des fins de regroupement familial avec RI. Ce dernier était mineur à la date d’introduction de ces demandes. Celles-ci ont été rejetées (7) par l’ambassade de la République d’Autriche au motif que RI était devenu majeur au cours de la procédure de regroupement familial. Cette décision n’a fait l’objet d’aucun recours et elle est devenue définitive le 26 juin 2018.

10.      Le 11 juillet 2018, CR, GF et TY ont introduit devant le Landeshauptmann von Wien (chef du gouvernement du Land de Vienne, Autriche) des demandes de titres de séjour à des fins de regroupement familial en vertu de l’article 46, paragraphe 1, point 2, du NAG. CR et GF ont invoqué les droits qu’ils tirent de la directive 2003/86. TY a fondé sa demande sur l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »). Le 20 avril 2020, le chef du gouvernement du Land de Vienne a rejeté ces demandes au motif qu’elles n’avaient pas été introduites dans les trois mois suivant la date à laquelle la qualité de réfugié de RI avait été reconnue.

11.      CR, GF et TY (ci-après les « requérants ») ont contesté ces décisions devant le Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne). Cette juridiction se demande notamment si les requérants disposent d’un droit au regroupement familial en vertu de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86, étant donné que RI est devenu majeur au cours de la procédure de regroupement familial. Dans la négative, elle souhaite déterminer la date à laquelle la demande de regroupement familial aurait dû être introduite pour que ce droit existe.

12.      À la suite d’une audience, le Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne) a constaté que les requérants ne disposaient pas d’un droit à un logement considéré comme « normal » (8), qu’ils ne possédaient pas une « assurance maladie » (9) et qu’ils n’avaient pas de revenus (10) stables et réguliers. Ils ne remplissaient donc pas les exigences énoncées à l’article 7 de la directive 2003/86. La juridiction de renvoi a également constaté que TY, qui vit avec ses parents en Syrie, est atteinte de paralysie cérébrale et doit par conséquent se déplacer en fauteuil roulant et recevoir des soins personnels quotidiens, dont une aide pour s’alimenter. Ces soins sont prodigués par sa mère, CR. Les parents de TY ne peuvent pas la laisser seule en Syrie étant donné qu’elle ne pourrait pas obtenir lesdits soins s’ils n’étaient pas prodigués par sa mère et qu’aucun autre membre de la famille ne réside là-bas.

13.      Le Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne) a considéré que, étant donné que la République d’Autriche ne fait pas usage de la faculté prévue à l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2003/86, TY n’est pas un membre de la famille à des fins de regroupement familial en droit autrichien. La juridiction de renvoi estime dès lors que les parents de RI seraient contraints de renoncer à leur droit au regroupement familial découlant de cet article 10, paragraphe 3, sous a), si un titre de séjour n’était pas accordé en même temps à TY, la sœur de RI. Cette juridiction demande si l’interprétation de l’article 20 TFUE exposée dans les arrêts Ruiz Zambrano (11) et Dereci e.a. (12) peut s’appliquer par analogie à l’exercice du droit au regroupement familial en vertu de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86, de sorte à étendre le champ d’application de cette directive à d’autres catégories de personnes que celles expressément visées par celle-ci. La juridiction de renvoi relève que, au regard du droit autrichien, TY pourrait se voir délivrer un titre de séjour pour des raisons impérieuses tenant à sa vie privée et familiale, en vertu de l’article 8 de la CEDH. Elle considère néanmoins qu’un droit à un titre de séjour découlant du droit de l’Union conférerait une protection plus importante qu’un droit découlant de l’application de l’article 8 de la CEDH par les autorités autrichiennes.

14.      Dans ces conditions, le Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Les parents, ressortissants d’un pays tiers, d’un réfugié qui a introduit une demande d’asile en tant que mineur non accompagné et qui a obtenu l’asile lorsqu’il était encore mineur, peuvent-ils continuer à se prévaloir de l’article 2, sous f), lu conjointement avec l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la [directive 2003/86], lorsque le réfugié est devenu majeur après l’octroi de l’asile, mais au cours de la procédure d’octroi d’un titre de séjour à ses parents ?

2)      Si la première question appelle une réponse affirmative : dans un tel cas, est‑il nécessaire que les parents du ressortissant du pays tiers respectent le délai mentionné dans l’arrêt du 12 avril 2018, A et S [(C‑550/16, EU:C:2018:248, point 61)], pour introduire une demande de regroupement familial, “en principe, [...] dans un délai de trois mois à dater du jour où le mineur concerné s’est vu reconnaître la qualité de réfugié” ?

3)      Si la première question appelle une réponse affirmative : faut-il accorder, directement sur la base du droit de l’Union, un titre de séjour à la sœur adulte, ressortissante d’un pays tiers, d’un étranger qui s’est vu reconnaître la qualité de réfugié si, en cas de refus de ce titre de séjour, les parents du réfugié seraient, de fait, contraints de renoncer à leur droit au regroupement familial au titre de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la [directive 2003/86], parce que, en raison de son état de santé, cette sœur majeure du réfugié a impérativement besoin des soins de ses parents et ne peut donc pas rester seule dans le pays d’origine ?

4)      Si la deuxième question appelle une réponse affirmative : quels sont les critères à prendre en considération pour apprécier si une telle demande de regroupement familial a été introduite dans le délai requis, c’est-à-dire, “en principe”, dans un délai de trois mois au sens de l’arrêt du 12 avril 2018, A et S [(C‑550/16, EU:C:2018:248, point 61)] ?

5)      Si la deuxième question appelle une réponse affirmative : les parents du réfugié peuvent-ils continuer à se prévaloir de leur droit au regroupement familial au titre de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la [directive 2003/86] lorsque trois mois et un jour se sont écoulés entre le jour où le mineur s’est vu reconnaître la qualité de réfugié et leur demande de regroupement familial ?

6)      Dans le cadre d’une procédure de regroupement familial au titre de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la [directive 2003/86], un État membre peut-il, en principe, exiger des parents du réfugié qu’ils remplissent les conditions prévues à l’article 7, paragraphe 1, de [cette directive] ?

7)      L’exigence que soient remplies les conditions énoncées à l’article 7, paragraphe 1, de la [directive 2003/86] dans le cadre d’un regroupement familial au titre de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de [cette directive] dépend-elle du point de savoir si, au sens de l’article 12, paragraphe 1, troisième alinéa, de [ladite directive], la demande de regroupement familial a été introduite dans un délai de trois mois à compter de la reconnaissance de la qualité de réfugié ? »

IV.    La procédure devant la Cour

15.      Par décision du 9 juillet 2021, le président de la Cour a suspendu la présente procédure dans l’attente de la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire C‑279/20 ainsi que dans les affaires jointes C‑273/20 et C‑355/20. Le 8 août 2022, le président de la Cour a demandé à la juridiction de renvoi si, à la lumière des arrêts rendus dans ces affaires, elle souhaitait maintenir, en tout ou en partie, sa demande de décision préjudicielle (13). Le 6 septembre 2022, la juridiction de renvoi a retiré la première question de sa demande de décision préjudicielle, mais elle a maintenu sa demande à l’égard des deuxième à septième questions.

16.      Les requérants, les gouvernements autrichien et néerlandais, ainsi que la Commission européenne ont présenté des observations écrites. Ces mêmes parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions de la Cour lors de l’audience du 14 février 2023.

V.      Appréciation

17.      Conformément à la demande de la Cour, je limiterai mes conclusions à l’analyse de la troisième question (14).

18.      Le Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne) demande, en substance, si un ressortissant d’un pays tiers – à savoir la sœur majeure d’un réfugié mineur non accompagné qui, en raison de son état de santé, est entièrement à la charge de ses parents – dispose d’un droit à un titre de séjour en vertu du droit de l’Union, lorsque le refus de délivrer ce titre de séjour aurait pour effet d’empêcher ses parents d’exercer leur droit au regroupement familial (15). Les requérants et la Commission estiment que cette question appelle une réponse affirmative. Les gouvernements autrichien et néerlandais proposent d’y répondre par la négative.

19.      Les requérants soutiennent que, compte tenu de l’état de santé de TY, le refus de lui accorder le regroupement familial aurait pour conséquence que ses parents, CR et GF, ne seraient pas en mesure d’exercer leur droit au regroupement familial avec leur fils RI, privant ainsi ce droit de tout effet utile. Ce résultat est contraire à l’objectif de la directive 2003/86 de favoriser le regroupement familial ainsi qu’à l’exigence consistant à tenir tout particulièrement compte de la situation des réfugiés. Il va également à l’encontre du principe d’effectivité, selon lequel les dispositions de droit national ne doivent pas rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union. La Commission considère également qu’il convient d’interpréter l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 de manière à ce que la sœur majeure handicapée d’un réfugié mineur non accompagné entre dans son champ d’application afin de permettre à ce dernier de bénéficier du regroupement avec ses parents.

20.      Le gouvernement néerlandais considère qu’étendre le champ d’application de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 afin d’inclure la sœur majeure handicapée d’un réfugié mineur non accompagné priverait d’effet utile les dispositions de cette directive permettant expressément aux États membres de déterminer plus largement le cercle des personnes pouvant bénéficier de ce droit. Le gouvernement autrichien fait valoir qu’une extension du champ d’application de la directive 2003/86 irait à l’encontre de la volonté expresse du législateur de l’Union, étant donné que cet acte définit de manière exhaustive les catégories de personnes auxquelles il confère un droit au regroupement familial.

21.      La juridiction de renvoi considère que l’exercice du droit au regroupement familial de RI avec ses parents dépend de la délivrance d’un titre de séjour à TY en même temps qu’à ses parents (16). J’examinerai donc tout d’abord le droit dont dispose RI à obtenir le regroupement familial avec ses parents en vertu du droit de l’Union, avant de déterminer si, au regard de ce dernier, TY dispose d’un droit à un titre de séjour.

A.      Sur le droit au regroupement familial d’un réfugié mineur non accompagné avec ses parents : article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86

22.      En cherchant à faciliter l’intégration dans les États membres des ressortissants de pays tiers grâce au regroupement qui leur permet une vie en famille, la directive 2003/86 fixe les conditions d’exercice du droit au regroupement familial dont disposent ces ressortissants résidant légalement sur le territoire des États membres (17). L’article 5, paragraphe 5, de cette directive impose aux États membres d’examiner les demandes de regroupement dans l’intérêt supérieur des enfants mineurs concernés et dans le but de promouvoir la vie familiale (18). Il convient d’interpréter et d’appliquer la directive 2003/86 à la lumière, entre autres, de l’article 7 et de l’article 24, paragraphes 2 et 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte ») (19). L’article 7 de la Charte reconnaît le droit au respect de la vie privée ou familiale (20). Cette disposition doit être lue en corrélation avec l’obligation de prise en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant, reconnu à l’article 24, paragraphe 2, de la Charte. Il convient également de tenir compte de la nécessité pour un enfant d’entretenir régulièrement des relations personnelles avec ses deux parents, exprimée à l’article 24, paragraphe 3, de la Charte (21).

23.      L’article 4 de la directive 2003/86 définit les membres de la famille d’un ressortissant de pays tiers à l’égard desquels les États membres doivent ou peuvent, selon le cas, reconnaître un droit au regroupement familial au sens de cette directive (22). L’article 4, paragraphe 1, de la directive 2003/86 régit le droit au regroupement familial des membres de la famille nucléaire du regroupant, à savoir son conjoint et ses enfants mineurs (23). L’article 4, paragraphe 2, sous a), de cette directive dispose que les États membres peuvent, dans certains cas, autoriser le regroupement familial des parents du regroupant ou de son conjoint. La possibilité d’un regroupement familial avec les parents est donc, en principe, une question dont l’appréciation revient à chaque État membre sur la base de cette disposition. Plus particulièrement, sa mise en œuvre est soumise à la condition que les parents soient à la charge du regroupant et qu’ils soient privés du soutien familial nécessaire dans le pays d’origine (24). Le droit au regroupement familial au titre de l’article 4, paragraphe 2, sous a), de la directive 2003/86 s’exerce en outre « sous réserve du respect des conditions définies au chapitre IV » de cette directive.

24.      L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/86, figurant au chapitre IV de celle-ci, permet aux États membres d’exiger la preuve que le regroupant dispose a) d’un logement considéré comme normal pour une famille de taille comparable dans l’État membre concerné ; b) d’une assurance maladie pour lui‑même et les membres de sa famille, et c), de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille sans recourir au système d’aide sociale de l’État membre concerné. Dès lors que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/86 emploie le terme « peut », les États membres ont la possibilité de renoncer aux exigences énoncées dans cette disposition.

25.      Dans certains cas, les réfugiés bénéficient de conditions d’exercice du droit au regroupement familial plus favorables (25). L’article 10, paragraphe 3, de la directive 2003/86 traite précisément du cas des réfugiés mineurs non accompagnés. Cette disposition leur accorde un traitement préférentiel (26) en assurant le regroupement familial avec, entre autres, leurs parents (27) ou leurs tuteurs légaux (28) sans imposer certaines conditions qui seraient par ailleurs applicables au regard de cette directive. L’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 impose dès lors (29) aux États membres d’autoriser le regroupement familial d’un réfugié mineur non accompagné avec ses parents « sans que soient appliquées les conditions fixées à l’article 4, paragraphe 2, point a) » de cette directive.

26.      Étant donné que l’article 4, paragraphe 2, sous a), de la directive 2003/86 renvoie explicitement aux conditions prévues au chapitre IV, les États membres ne sauraient exiger qu’un réfugié mineur non accompagné ou ses parents répondent aux exigences de l’article 7, paragraphe 1, de cette directive dans le cadre d’une procédure de regroupement familial fondée sur son article 10, paragraphe 3, sous a) (30). Il ressort clairement de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 que le législateur de l’Union a précisément exclu, entre autres, d’exiger qu’un réfugié mineur non accompagné soit à la charge de ses parents (31) et qu’il se conforme à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/86 (32). Cette lecture de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 se conforme tant au contexte dans lequel s’inscrit cette disposition qu’à l’objectif de cette directive d’accorder une protection plus favorable aux réfugiés et de tenir compte de la situation de vulnérabilité des mineurs, en particulier des mineurs non accompagnés. Si les parents d’un réfugié mineur non accompagné étaient tenus de satisfaire aux exigences de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/86, l’application effective de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de cette directive et le traitement plus favorable des réfugiés mineurs non accompagnés seraient limités.

B.      Sur le droit au regroupement familial d’un réfugié mineur non accompagné avec d’autres membres de sa famille : article 10, paragraphe 2 et paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86

27.      La Cour considère que la sœur d’un réfugié ne fait pas partie des membres de la famille du regroupant visés à l’article 4 de la directive 2003/86 (33). En outre, RI ne dispose pas d’un droit au regroupement familial avec sa sœur, TY, en vertu de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86. Le libellé de cette disposition est sans équivoque : elle s’applique uniquement aux réfugiés mineurs non accompagnés et à leurs parents (34).

28.      Il est de jurisprudence constante que les autorités nationales ne sauraient, sur le fondement de la directive 2003/86, délivrer un titre de séjour à un ressortissant de pays tiers qui ne remplirait pas les conditions que cette directive fixe à cet effet. La Cour est allée jusqu’à considérer qu’une réglementation nationale permettant, sur le fondement de la directive 2003/86, la délivrance d’un titre de séjour à une personne qui ne remplit pas les conditions énoncées dans cette directive porte atteinte à l’effet utile de cette dernière et est contraire aux objectifs qu’elle poursuit (35).

29.      En adoptant la directive 2003/86, qui s’applique à tous les États membres – à l’exception du Royaume de Danemark et de l’Irlande –, le législateur de l’Union n’a pas entendu réglementer de manière exhaustive toutes les questions relatives au regroupement familial (36), mais il a établi un ensemble de règles communes minimales en se fondant sur les principes de subsidiarité et de proportionnalité (37). La directive 2003/86 opère donc une harmonisation minimale et n’exclut pas le droit des États membres d’appliquer des dispositions de droit national en matière de regroupement familial dans les cas où cette directive ne s’applique pas (38). Les conditions de la directive 2003/86 ne s’opposent donc pas à ce que les États membres accordent, au titre de son article 3, paragraphe 5, des droits d’entrée et de séjour en vertu de conditions plus favorables sur la base de leurs droits nationaux respectifs (39). Lorsque de telles conditions favorables sont prévues par un État membre, c’est le droit national, et non la directive 2003/86 (40), qui en régit l’exercice, excluant ainsi l’application de la Charte (41).

30.      Le gouvernement autrichien a confirmé lors de l’audience que, bien qu’il considère que TY ne dispose pas d’un droit au regroupement familial avec RI au titre de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86, la République d’Autriche octroie un droit au regroupement familial à ces personnes au titre de son droit national, conformément à l’article 8 de la CEDH. Cette répartition des compétences entre l’Union et les États membres transparaît tant dans les termes explicites dans lesquels la directive 2003/86 est formulée que dans l’interprétation constante des dispositions de cette directive par la Cour.

31.      Les requérants et la Commission soutiennent néanmoins que, afin de garantir l’effectivité du droit au regroupement familial d’un réfugié mineur non accompagné avec ses parents en vertu de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86, cette disposition doit être interprétée de manière à conférer ce droit à ses frères et sœurs handicapés. Pour ce faire, il convient d’interpréter l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 à la lumière des articles 7 et 24 de la Charte, de manière à garantir le droit de RI au regroupement familial avec ses parents et, par extension, avec sa sœur (42).

32.      Lorsqu’ils mettent en œuvre l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86, les États membres sont tenus de respecter les droits fondamentaux consacrés par la Charte, en l’espèce les articles 7 et 24 de celle-ci. Le fait que cette obligation existe ne saurait toutefois plaider en faveur d’une interprétation de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86, ou de toute autre disposition de cette directive, qui irait à l’encontre des termes exprès dans lesquels ces dispositions sont exprimées. Une telle interprétation contra legem, qu’elle se fonde sur les dispositions de la Charte ou sur le principe d’effectivité, est également exclue dans la mesure où elle enfreindrait le principe de sécurité juridique (43). Le fait que l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 ne fasse référence à aucun autre membre de la famille ne saurait pas non plus être attribué à un oubli de la part du législateur de l’Union, puisque ce dernier a spécifiquement envisagé des situations analogues à celle en l’espèce, ainsi qu’il ressort clairement de l’article 4, paragraphe 2, sous b), et de l’article 10, paragraphe 2, de cette directive.

33.      L’article 10, paragraphe 2, de la directive 2003/86 permet expressément aux États membres de conférer le droit au regroupement familial aux autres membres de la famille d’un réfugié que ceux visés à l’article 4 de cette directive lorsque ces personnes sont à la charge du réfugié (44). L’article 10, paragraphe 2, de la directive 2003/86 accorde à chaque État membre la faculté d’étendre ainsi le champ d’application de cette directive. Cet article laisse également aux États membres une importante marge d’appréciation pour déterminer, parmi les membres de la famille d’un réfugié, autres que ceux visés à l’article 4 de la directive 2003/86, ceux qui peuvent bénéficier de cette extension (45).

34.      Il ressort clairement du dossier soumis à la Cour que la République d’Autriche a décidé de ne pas faire usage de la faculté prévue à l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2003/86. En tout état de cause, TY est à la charge de ses parents et non de son frère, RI (46). La Cour a considéré qu’une réglementation nationale qui ne respecte pas la condition relative au statut de personne à charge énoncée à l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2003/86 est contraire aux objectifs de cette dernière, en ce qu’elle permet d’octroyer le bénéfice du statut découlant de cette directive à des personnes qui ne remplissent pas les conditions pour l’obtenir (47).

35.      La Cour a également considéré que la Charte ne privait pas les États membres de la faculté de décider de mettre en œuvre l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2003/86 et d’examiner les demandes de regroupement familial introduites au titre de cette disposition (48). Il s’ensuit qu’il n’appartient pas à la Cour de modifier ou d’élargir, en invoquant les articles 7 ou 24 de la Charte, le libellé et le champ d’application de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2003/86 (49).

36.      Je suggère dès lors à la Cour de constater que, au regard de l’article 10, paragraphe 2 et paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86, lu à la lumière des articles 7 et 24 de la Charte, RI ne dispose pas d’un droit au regroupement familial avec sa sœur TY. Une extension inappropriée du champ d’application de ces dispositions irait à l’encontre de la jurisprudence récente de la Cour, porterait atteinte à l’effet utile de la directive 2003/86 et déstabiliserait l’équilibre législatif soigneusement établi auquel l’Union et les États membres sont parvenus.

37.      L’on ne saurait pas non plus appliquer par analogie la jurisprudence de la Cour relative à l’article 20 TFUE et à la citoyenneté de l’Union, à laquelle la juridiction de renvoi fait référence, dans le but de justifier l’extension du champ d’application de la directive 2003/86 (50). Dans l’arrêt Ruiz Zambrano (51), la Cour a jugé, notamment, que l’article 20 TFUE s’oppose à ce qu’un État membre refuse à un ressortissant d’un pays tiers ayant à sa charge des enfants mineurs, citoyens de l’Union, le séjour dans l’État membre de résidence de ces derniers et dont ils ont la nationalité, lorsque cette décision priverait ces enfants de la jouissance effective de l’essentiel des droits attachés à la citoyenneté de l’Union. En statuant ainsi, la Cour a souligné que le statut de citoyen de l’Union « a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres » (52). Le statut des ressortissants d’un pays tiers, y compris des réfugiés, ne saurait être comparé à celui des citoyens de l’Union, sauf si la législation de l’Union accorde spécifiquement des droits et obligations similaires à ces ressortissants (53).

C.      Sur le droit au regroupement familial des enfants majeurs célibataires lorsqu’ils sont dans l’incapacité de subvenir à leurs propres besoins en raison de leur état de santé : article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 2003/86

38.      L’article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 2003/86 prévoit que les États membres peuvent autoriser l’entrée et le séjour des enfants majeurs célibataires du regroupant ou de son conjoint, à condition que ces enfants soient objectivement dans l’incapacité de subvenir à leurs propres besoins en raison de leur état de santé. Dans ce contexte, les conditions énoncées au chapitre IV de la directive 2003/86 doivent être respectées.

39.      Outre le fait qu’il n’est pas clair si la République d’Autriche a choisi de faire usage de la faculté prévue par l’article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 2003/86 (54), cette disposition fait référence à la famille nucléaire du regroupant plutôt qu’à ses frères et sœurs. TY ne peut dès lors pas s’appuyer sur les termes de ladite disposition aux fins de faire valoir un droit au regroupement familial avec RI. Ainsi que je l’ai indiqué aux points 36 et 37 des présentes conclusions, conformément à la jurisprudence de la Cour, il serait contraire aux objectifs de la directive 2003/86 d’étendre la protection accordée par son article 4, paragraphe 2, sous b), à d’autres personnes. La Charte ne saurait pas non plus intervenir de manière à restreindre les États membres dans leur choix de donner effet ou non à cette disposition (55).

40.      Bien que RI et sa sœur TY ne disposent pas d’un droit au regroupement familial en vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 2003/86, les parents de RI, CR et GF, ont droit au regroupement familial avec RI conformément à l’article 10, paragraphe 3, sous a), de cette directive. Une fois leur demande de regroupement familial acceptée, CR et GF disposent par ailleurs d’un droit à l’obtention d’un titre de séjour en République d’Autriche, conformément à l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2003/86. Dans l’arrêt O. e.a. (56), la Cour a constaté que les ressortissants de pays tiers résidant légalement dans un État membre qui demandent à bénéficier du regroupement familial doivent se voir reconnaître la qualité de « regroupants » au sens de l’article 2, sous c), de la directive 2003/86. CR et GF ont droit au regroupement familial avec TY en vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 2003/86, sous réserve que la République d’Autriche fasse usage de cette faculté. Dès lors que les États membres exercent ladite faculté, ils mettent en œuvre le droit de l’Union. Une réglementation nationale à cette fin doit par conséquent respecter les droits fondamentaux consacrés par la Charte ainsi que le principe de proportionnalité (57).

41.      Les requérants ont introduit ensemble leur demande de regroupement familial avec RI. Compte tenu de la nature de leur lien familial et du grave handicap de TY, leurs demandes doivent être examinées simultanément (58) afin d’établir l’ensemble de leurs droits et obligations au regard du droit de l’Union, y compris de l’article 4, paragraphe 2, sous b), de l’article 10, paragraphe 3, sous a), et de l’article 13 de la directive 2003/86, lus à la lumière de l’article 7 et de l’article 24, paragraphes 2 et 3, de la Charte (59). À cet égard, il est de jurisprudence constante que l’article 17 de la directive 2003/86 impose une individualisation de l’examen des demandes de regroupement familial. Il incombe aux autorités nationales compétentes, lors de la mise en œuvre de la directive 2003/86 et de l’examen des demandes de regroupement familial, de procéder à une appréciation équilibrée et raisonnable de tous les intérêts en jeu (60). Il convient également de tenir compte de l’intérêt supérieur des enfants mineurs ainsi que des circonstances particulières des réfugiés mineurs non accompagnés (61).

42.      Par conséquent, il est contraire aux objectifs de la directive 2003/86 ainsi qu’à l’article 7 et à l’article 24, paragraphes 2 et 3, de la Charte d’exiger de la part de demandeurs tels que CR et/ou GF (62) de posséder un titre de séjour en vertu de l’article 13, paragraphe 2, de cette directive, avant d’examiner, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous b), de celle-ci, la demande de regroupement familial de TY avec ses parents. Une telle approche fragmentaire porterait en outre atteinte au droit au regroupement familial dont dispose RI en vertu de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86.

43.      La République d’Autriche peut exiger que le regroupement familial au titre de l’article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 2003/86 soit soumis aux exigences énoncées à l’article 7, paragraphe 1, de celle-ci. Ces exigences s’appliquent uniquement à l’égard de TY, étant donné que CR et GF en sont dispensés en vertu de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 (63). La Cour a jugé que, dans la mesure où l’autorisation du regroupement familial constitue la règle générale, la faculté accordée par l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/86 doit être interprétée de manière stricte. Les États membres ne sauraient utiliser leur marge d’appréciation de manière à porter atteinte à l’objectif de favoriser le regroupement familial (64). Il appartient à la juridiction de renvoi d’établir si les autorités compétentes ont respecté les exigences de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/86 et la jurisprudence y relative.

VI.    Conclusion

44.      Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre en ces termes à la troisième question posée par le Verwaltungsgericht Wien (tribunal administratif de Vienne, Autriche) à titre préjudiciel :

L’article 4, paragraphe 2, sous b), l’article 10, paragraphe 3, sous a), l’article 13, paragraphe 2, et l’article 17 de la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial, ainsi que l’article 7 et l’article 24, paragraphes 2 et 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens que les frères et sœurs majeurs handicapés d’un réfugié mineur non accompagné, qui, en raison de leur état de santé, sont entièrement à la charge de leur père ou de leur mère, ont droit au regroupement familial avec leur père ou leur mère et leurs frères et sœurs mineurs en vertu du droit de l’Union, sous réserve que l’État membre en question ait fait usage de la faculté prévue à l’article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 2003/86.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Tel que défini à l’article 2, sous b) et f), de la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial (JO 2003, L 251, p. 12).


3      BGB1. I, 100/2005. La version du 14 août 2018 s’applique à la présente procédure : BGBl. I, 56/2018 (ci-après le « NAG »).


4      BGB1. I, 100/2005. La version du 18 octobre 2017 s’applique à la présente procédure : BGB1. I, 145/2017 (ci-après l’« AsylG 2005 »).


5      Née le 15 août 1988. CR, GF et TY sont des ressortissants syriens.


6      Conformément à l’article 35 de l’AsylG 2005.


7      La décision rejetant lesdites demandes a été notifiée le 29 mai 2018.


8      Voir article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/86.


9      Voir article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2003/86.


10      Voir article 7, paragraphe 1, sous c), de la directive 2003/86.


11      Arrêt du 8 mars 2011 (C‑34/09, EU:C:2011:124).


12      Arrêt du 15 novembre 2011 (C‑256/11, EU:C:2011:734).


13      Arrêts du 1er août 2022, Bundesrepublik Deutschland (Regroupement familial d’un enfant devenu majeur) (C‑279/20, EU:C:2022:618), et du 1er août 2022, Bundesrepublik Deutschland (Regroupement familial avec un mineur réfugié) (C‑273/20 et C‑355/20, EU:C:2022:617).


14      Les troisième et sixième questions se recoupant partiellement, j’aborderai la sixième question posée par la juridiction de renvoi dans la mesure nécessaire afin d’aider la Cour dans ses délibérations.


15      La troisième question repose sur la prémisse selon laquelle les parents (CR et GF), ressortissants d’un pays tiers, d’un réfugié (RI) qui a demandé et s’est vu octroyer l’asile en tant que mineur non accompagné avant sa majorité, peuvent se prévaloir de l’article 2, sous f), de la directive 2003/86, lu en combinaison avec l’article 10, paragraphe 3, sous a), de celle-ci, bien que ce réfugié soit devenu majeur après s’être vu octroyer l’asile, cette majorité ayant été atteinte au cours de la procédure de regroupement familial.


16      L’article 13, paragraphe 2, de la directive 2003/86 dispose que, dès que la demande de regroupement familial est acceptée, « [l]’État membre concerné délivre aux membres de la famille un premier titre de séjour d’une durée d’au moins un an. Ce titre de séjour est renouvelable ». Le paragraphe 1 de cet article 13 dispose en outre que, dès qu’il accepte une demande de regroupement familial, « l’État membre concerné autorise l’entrée du ou des membres de la famille ».


17      Auxquelles renvoient le considérant 4 et l’article 1er de la directive 2003/86.


18      Arrêt du 1er août 2022, Bundesrepublik Deutschland (Regroupement familial avec un mineur réfugié) (C‑273/20 et C‑355/20, EU:C:2022:617, points 35 et 39).


19      Voir considérant 2 de la directive 2003/86.


20      Dans la mesure où l’article 7 de la Charte contient des droits correspondant à ceux garantis par l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH, il convient de leur donner le même sens et la même portée (arrêt du 15 novembre 2011, Dereci e.a., C‑256/11, EU:C:2011:734, point 70 et jurisprudence citée).


21      Arrêt du 13 mars 2019, E. (C‑635/17, EU:C:2019:192, points 55 et 56 et jurisprudence citée).


22      Arrêt du 12 décembre 2019, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Regroupement familial – Sœur de réfugié) (C‑519/18, EU:C:2019:1070, point 35). L’article 4 de la directive 2003/86 n’est pas exhaustif. Voir, par exemple, article 10, paragraphe 2, de la directive 2003/86.


23      Voir considérant 9 de la directive 2003/86. Dans l’arrêt du 6 décembre 2012, O. e.a. (C‑356/11 et C‑357/11, EU:C:2012:776, points 64 et 65), la Cour a considéré que l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2003/86 adhère à une conception large de la notion de « famille nucléaire ». Il est de jurisprudence constante que l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2003/86 impose aux États membres des obligations positives précises, auxquelles correspondent des droits subjectifs clairement définis, puisqu’il leur impose, dans les hypothèses régies par cette directive, d’autoriser le regroupement familial de certains membres de la famille du regroupant, sans disposer d’aucune marge d’appréciation à cet égard [arrêt du 20 novembre 2019, Belgische Staat (Régime de décision implicite d’acceptation), C‑706/18, EU:C:2019:993, point 29 et jurisprudence citée].


24      Arrêt du 12 avril 2018, A et S (C‑550/16, EU:C:2018:248, point 34).


25      Voir chapitre V de la directive 2003/86, intitulé « Regroupement familial des réfugiés ». Aux termes du considérant 8 de la directive 2003/86, « [l]a situation des réfugiés devrait demander une attention particulière, à cause des raisons qui les ont contraints à fuir leur pays et qui les empêchent d’y mener une vie en famille normale. À ce titre, il convient de prévoir des conditions plus favorables pour l’exercice de leur droit au regroupement familial ».


26      Arrêt du 12 avril 2018, A et S (C‑550/16, EU:C:2018:248, point 44).


27      L’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 fait référence aux ascendants directs au premier degré.


28      Article 10, paragraphe 3, sous b), de la directive 2003/86.


29      Cette disposition emploie le terme « autorisent ». Le droit au regroupement familial des réfugiés mineurs non accompagnés avec leurs parents en vertu de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 n’est donc pas soumis à une marge d’appréciation de la part des États membres (arrêt du 12 avril 2018, A et S, C‑550/16, EU:C:2018:248, point 43).


30      Le gouvernement autrichien considère que les conditions prévues à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/86 s’appliquent au regroupement familial en vertu de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de cette directive. Il souligne que le premier alinéa de l’article 12, paragraphe 1, de la directive 2003/86 vise et exclut expressément l’application des exigences prévues à l’article 7, paragraphe 1, de cette directive. Selon ce gouvernement, l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 ne renvoie et, par conséquent, n’exclut pas de manière explicite l’application de l’article 7, paragraphe 1, de cette directive.


31      Arrêt du 12 avril 2018, A et S (C‑550/16, EU:C:2018:248, point 34).


32      En vertu de l’article 12, paragraphe 1, de la directive 2003/86, les États membres ne peuvent pas imposer au réfugié et/ou aux membres de sa famille nucléaire de répondre aux conditions visées à l’article 7 de cette directive. L’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 accorde dès lors une protection plus étendue aux réfugiés mineurs non accompagnés que le premier alinéa de son article 12, paragraphe 1, dont l’application est limitée aux réfugiés et aux membres de leur famille nucléaire.


33      Arrêt du 12 décembre 2019, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Regroupement familial – Sœur de réfugié) (C‑519/18, EU:C:2019:1070, point 69).


34      Cette disposition est indissociablement liée à la notion de « famille nucléaire » au sens de la directive 2003/86.


35      Arrêt du 20 novembre 2019, Belgische Staat (Régime de décision implicite d’acceptation) (C‑706/18, EU:C:2019:993, points 35 et 37 et jurisprudence citée).


36      Voir article 3, paragraphe 5, de la directive 2003/86.


37      Voir considérant 16 de la directive 2003/86.


38      Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Pikamäe dans l’affaire Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (Unité familiale – Protection déjà accordée) (C‑483/20, EU:C:2021:780, point 53), et de l’avocat général Hogan dans l’avis 1/19 [(Convention d’Istanbul), EU:C:2021:198, note en bas de page 81].


39      Arrêt du 12 décembre 2019, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Regroupement familial – Sœur de réfugié) (C‑519/18, EU:C:2019:1070, point 43). Voir, par analogie, arrêt du 13 mars 2019, E. (C‑635/17, EU:C:2019:192, points 32 à 43), dans lequel la Cour interprète l’article 3, paragraphe 2, sous c), de la directive 2003/86 de sorte à exclure les membres de la famille d’un bénéficiaire du statut conféré par la protection subsidiaire du champ d’application de cette disposition. Bien que ces membres de la famille ne relèvent pas du champ d’application du droit de l’Union, un État membre peut leur accorder un traitement plus favorable en vertu du droit national (arrêt du 7 novembre 2018, K et B, C‑380/17, EU:C:2018:877, points 34 et 37).


40      Voir, par analogie, arrêt du 19 novembre 2019, TSN et AKT (C‑609/17 et C‑610/17, EU:C:2019:981, points 34 et 49). Voir également, par analogie, arrêt du 15 juillet 2021, The Department for Communities in Northern Ireland (C‑709/20, EU:C:2021:602, points 82 et 83), concernant la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77).


41      Voir, par analogie, arrêt du 10 juin 2021, Land Oberösterreich (Aide au logement) (C‑94/20, EU:C:2021:477, points 60 à 63).


42      Voir également considérant 2 de la directive 2003/86.


43      Par analogie avec l’interprétation contra legem du droit national, voir arrêt du 19 avril 2016, DI (C‑441/14, EU:C:2016:278, point 32 et jurisprudence citée). Les principes décrits dans cette jurisprudence s’appliquent à l’interprétation du droit de l’Union et du droit national. Voir également, par analogie, Lenaerts, K., et Gutiérrez-Fons, J., To Say What the Law of the EU Is : Methods of Interpretation and the European Court of Justice, EUI AEL 2013/9, p. 16, où les auteurs indiquent que, « lorsqu’une disposition du droit de l’Union est susceptible de faire l’objet de plusieurs interprétations, il convient de privilégier celle qui est de nature à sauvegarder son effet utile [...]. Il va sans dire que le principe général d’interprétation ne doit pas outrepasser les limites de l’interprétation contra legem » [traduction libre].


44      Voir, par analogie, arrêt du 13 mars 2019, E. (C‑635/17, EU:C:2019:192, point 48).


45      Arrêt du 12 décembre 2019, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Regroupement familial – Sœur de réfugié) (C‑519/18, EU:C:2019:1070, points 39 et 40). Le considérant 10 de la directive 2003/86 énonce qu’« [i]l appartient aux États membres de décider s’ils souhaitent autoriser le regroupement familial pour les ascendants en ligne directe, les enfants majeurs célibataires ».


46      Bien que les requérants aient indiqué lors de l’audience que RI envoie environ 100 euros par mois à sa famille en Syrie, rien ne prouve que TY est à la charge de RI.


47      Arrêt du 12 décembre 2019, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Regroupement familial – Sœur de réfugié) (C‑519/18, EU:C:2019:1070, point 42). Aux termes du considérant 6 de la directive 2003/86, « il importe de fixer, selon des critères communs, les conditions matérielles pour l’exercice du droit au regroupement familial ». Voir également, par analogie, arrêt du 7 novembre 2018, K et B (C‑380/17, EU:C:2018:877, points 44, 48 et 49), dans lequel la Cour a considéré que l’article 12, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2003/86 serait privé de son efficacité et de sa clarté si un État membre ne pouvait pas imposer de délai pour introduire une demande de regroupement familial au titre de cette disposition.


48      Arrêt du 12 décembre 2019, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Regroupement familial – Sœur de réfugié) (C‑519/18, EU:C:2019:1070, point 65).


49      L’article 51, paragraphe 1, de la Charte prévoit que les dispositions de cette dernière ne s’adressent aux États membres que lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. Aux termes de son article 51, paragraphe 2, la Charte n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union, ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelle pour l’Union et ne modifie pas les compétences et les tâches définies dans les traités. Voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, The Department for Communities in Northern Ireland (C‑709/20, EU:C:2021:602, point 85).


50      Arrêts du 8 mars 2011, Ruiz Zambrano (C‑34/09, EU:C:2011:124), du 15 novembre 2011, Dereci e.a. (C‑256/11, EU:C:2011:734), et du 10 mai 2017, Chavez-Vilchez e.a. (C‑133/15, EU:C:2017:354). Voir, également, arrêt du 15 juillet 2021, The Department for Communities in Northern Ireland (C‑709/20, EU:C:2021:602).


51      Arrêt du 8 mars 2011 (C‑34/09, EU:C:2011:124).


52      Arrêt du 8 mars 2011, Ruiz Zambrano (C‑34/09, EU:C:2011:124, point 41 et jurisprudence citée).


53      Voir, notamment, considérant 3 et article 13 de la directive 2003/86. Voir, par analogie également, directive 2003/109/CE du Conseil, du 25 novembre 2003, relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée (JO 2004, L 16, p. 44). Les limitations à l’extension du champ d’application de la directive 2003/86 que confirme la jurisprudence mentionnée aux points 36 et 37 des présentes conclusions s’appliquent mutatis mutandis au regroupement familial en vertu de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86.


54      Le gouvernement néerlandais a indiqué lors de l’audience, sans être contredit par le gouvernement autrichien, que la République d’Autriche avait fait usage de la faculté prévue à l’article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 2003/86.


55      Voir, par analogie, arrêt du 12 décembre 2019, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Regroupement familial – Sœur de réfugié) (C‑519/18, EU:C:2019:1070, points 42 et 65).


56      Arrêt du 6 décembre 2012 (C‑356/11 et C‑357/11, EU:C:2012:776, point 68).


57      Voir, par analogie, arrêt du 12 décembre 2019, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Regroupement familial – Sœur de réfugié) (C‑519/18, EU:C:2019:1070, points 61 à 67).


58      Le gouvernement autrichien a confirmé lors de l’audience que les demandes en question avaient été examinées simultanément.


59      Voir, par analogie, article 16, paragraphe 1, du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (JO 2013, L 180, p. 31). L’article 16, paragraphe 1, de ce règlement dispose, entre autres, que, lorsqu’un demandeur gravement handicapé est dépendant de l’assistance de son père ou de sa mère résidant légalement dans un État membre, ce dernier rapproche généralement ce demandeur et ce père ou cette mère. Conformément au considérant 17 dudit règlement, cette disposition vise à permettre aux États membres le rapprochement de « membres de la famille » lorsque des motifs humanitaires l’exigent. Voir également, par analogie, arrêt du 6 novembre 2012, K (C‑245/11, EU:C:2012:685, points 26 à 54).


60      Arrêt du 21 avril 2016, Khachab (C‑558/14, EU:C:2016:285, point 43 et jurisprudence citée).


61      Voir, par analogie, arrêt du 7 novembre 2018, K et B (C‑380/17, EU:C:2018:877, points 26 à 36).


62      CR et GF disposent d’un droit au regroupement familial avec RI, en vertu de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86, et ont dès lors droit à un titre de séjour, en vertu de l’article 13, paragraphe 2, de cette directive.


63      Voir point 26 des présentes conclusions.


64      Arrêt du 4 mars 2010, Chakroun (C‑578/08, EU:C:2010:117, point 43).