Language of document : ECLI:EU:T:2011:19

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

26 janvier 2011 (*)

« Recours en annulation – Document de travail de la commission des pétitions du Parlement européen sur une mission d’enquête effectuée en Campanie (Italie) – Acte non susceptible de recours – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T‑550/10,

FIBE SpA, établie à Gênes (Italie), représentée par Me A. Dondero, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation du document de travail de la commission des pétitions du Parlement européen du 5 octobre 2010, sur la mission d’enquête effectuée en Campanie (Italie) du 28 au 30 avril 2010, dans la mesure où il attribue à la requérante la responsabilité des problèmes de fonctionnement de l’incinérateur d’Acerra,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas (rapporteur), président, V. Vadapalas et K. O’Higgins, juges

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1        En vertu de l’article 201, paragraphe 1, du règlement intérieur du Parlement européen (ci-après le « règlement intérieur »), tout citoyen de l’Union européenne ainsi que toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège social dans un État membre a le droit de présenter, à titre individuel ou en association avec d’autres citoyens ou personnes, une pétition au Parlement sur un sujet relevant des domaines d’activité de l’Union et qui le ou la concerne directement.

2        Conformément à l’article 202, paragraphe 1, du règlement intérieur, les pétitions recevables sont examinées par la commission compétente dans le cours de ses activités ordinaires, soit par le biais d’une discussion lors d’une réunion régulière, soit par voie de procédure écrite.

3        Selon l’article 202, paragraphe 2, du règlement intérieur, la commission peut décider, s’agissant d’une pétition recevable, d’élaborer un rapport d’initiative conformément à l’article 48, paragraphe 1, ou de présenter une proposition de résolution succincte au Parlement, à condition que la Conférence des présidents ne s’y oppose pas.

4        L’article 202, paragraphe 5, du règlement intérieur se lit comme suit :

« Dans le cadre de l’examen des pétitions, de la constatation des faits ou de la recherche d’une solution, la commission peut organiser des missions d’information dans l’État membre ou dans la région visé(e) par la pétition.

Les rapports sur les visites sont rédigés par les participants. Ils sont transmis au Président après approbation par la commission. »

 Faits à l’origine du litige

5        La région de Campanie (Italie) comprend 551 communes, dont la ville de Naples. Cette région est confrontée à des problèmes de gestion et d’élimination des déchets urbains.

6        Entre 2005 et 2008, quinze pétitions ont été présentées à la commission des pétitions du Parlement (ci-après la « commission des pétitions »), concernant la gestion des déchets dans la région de Campanie.

7        À la suite d’une audition des pétitionnaires et d’une invitation adressée aux autorités italiennes de présenter leur position, la commission des pétitions a effectué, du 28 au 30 avril 2010, une mission dans la région Campanie afin d’enquêter sur les allégations contenues dans les pétitions.

8        Le 25 juin 2010, une première version d’un document de travail relatif à cette mission a été divulguée. En réaction, la requérante, FIBE SpA, a fait parvenir au Parlement un rapport technique, des observations juridiques ainsi qu’une pétition.

9        Le 5 octobre 2010, la commission des pétitions a approuvé le document de travail relatif à cette mission (ci-après l’« acte attaqué »).

10      Le nom de la requérante est cité, notamment, à la page 4, dernier alinéa, de l’acte attaqué, qui se lit comme suit :

« Le 20 mars 2000, […] FIBE a remporté un appel d’offres pour l’organisation de l’ensemble du cycle de gestion des déchets, à savoir la construction de deux incinérateurs et de sept usines de production de bottes de déchets écologiques et de déchets organiques, mais nombreux sont ceux qui voient dans le non-respect des conditions du marché par la FIBE l’une des causes principales des nombreux problèmes actuels. »

11      Il est également cité à la page 5, deuxième alinéa, de l’acte attaqué, qui est rédigé ainsi :

« Le premier incinérateur d’Acerra n’a été mis en marche qu’en mars 2010. Les raisons de ce retard dans le démarrage du premier et dernier incinérateur opérationnel à ce jour sont nombreuses. L’emplacement choisi, Acerra, se situe déjà dans une région lourdement polluée, dont les habitants se sont vu promettre un assainissement environnemental il y a plusieurs années. C’est ce qui explique en partie que la construction a été retardée par d’interminables procédures juridiques, au sujet non seulement de l’emplacement de l’installation, mais aussi par les spécifications techniques proposées par […] FIBE, qui étaient totalement obsolètes. C’est pourquoi l’usine actuelle, inspectée par la délégation, n’a pas été achevée par […] FIBE, mais par Partenope Ambiente, qui a mis à jour le projet et est désormais responsable de sa gestion. […] FIBE fait aujourd’hui l’objet d’une enquête. […] »

 Procédure et conclusions de la requérante

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 novembre 2010, la requérante a introduit le présent recours.

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler l’acte attaqué, dans la mesure où il lui attribue la responsabilité des problèmes de fonctionnement de l’incinérateur d’Acerra.

 En droit

14      Aux termes de l’article 111 de son règlement de procédure, lorsque le recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

15      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

16      Il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9, et arrêt du Tribunal du 16 juillet 1998, Regione Toscana/Commission, T‑81/97, Rec. p. II‑2889, point 21).

17      Il est également de jurisprudence constante qu’il y a lieu de s’attacher à la substance de la mesure dont l’annulation est demandée pour déterminer si elle est susceptible de faire l’objet d’un recours, la forme dans laquelle elle a été prise étant en principe indifférente à cet égard (arrêts de la Cour IBM/Commission, précité, point 9, et du 28 novembre 1991, Luxembourg/Parlement, C‑213/88 et C‑39/89, Rec. p. I‑5643, point 15 ; arrêt du Tribunal du 24 mars 1994, Air France/Commission, T‑3/93, Rec. p. II‑121, points 43 et 57).

18      En l’espèce, force est de constater que l’acte attaqué ne produit aucun effet juridique obligatoire de nature à affecter les intérêts de la requérante. En effet, il se limite à rappeler le cadre juridique et le contexte factuel dans lesquels a eu lieu la mission d’enquête menée en région Campanie, à rendre compte de la manière dont celle-ci a eu lieu, notamment s’agissant des visites et des rencontres effectuées, et à exposer les conclusions et recommandations émises par la délégation du Parlement. Contrairement à ce que prétend la requérante, l’acte attaqué n’adresse donc pas une injonction aux autorités italiennes. D’ailleurs, la requérante reconnaît également, dans sa requête, que l’acte attaqué a comme objectif ultime de faire certaines recommandations explicites à la République italienne en indiquant les meilleurs moyens pour remédier aux difficultés rencontrées.

19      À cet égard, il doit être souligné que la référence, dans le texte de l’acte attaqué, à la notion de recommandation constitue précisément une indication claire de ce que le contenu dudit acte n’est pas destiné à produire des effets de droit (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 1er décembre 2005, Italie/Commission, C‑301/03, Rec. p. I‑10217, point 22).

20      Les autorités nationales compétentes seront libres de décider de la suite à donner à ces recommandations et seront donc les seules autorités à pouvoir arrêter des actes susceptibles, le cas échéant, d’affecter la situation juridique des personnes visées dans l’acte attaqué [voir, en ce sens et par analogie, s’agissant des conclusions contenues dans un rapport final de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), arrêt du Tribunal du 4 octobre 2006, Tillack/Commission, T‑193/04, Rec. p. II‑3995, point 69].

21      Aucun des arguments avancés par la requérante ne permet de remettre en cause les considérations précédentes.

22      Ainsi, s’agissant de la circonstance, évoquée par la requérante, que seuls les avis et recommandations de la Commission européenne, du Conseil de l’Union européenne et de la Banque centrale européenne (BCE), ne rentrent pas dans le champ d’application de l’article 263 TFUE, il ne saurait en être inféré que les toutes les recommandations adoptées par le Parlement sont susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation. En effet, ledit article subordonne la possibilité de contrôler la légalité des actes du Parlement à la condition que ces derniers soient destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers. Or, ainsi qu’il ressort de ce qui précède, tel n’est pas le cas de l’acte attaqué.

23      En ce qui concerne ensuite l’argument pris de ce que l’acte attaqué porte préjudice à la requérante en raison de certaines affirmations qu’il contient, il doit être relevé que, même à supposer qu’elle soit avérée, une telle circonstance, susceptible de caractériser un préjudice, ne saurait toutefois conférer audit rapport le caractère d’un acte faisant grief au sens de l’article 263 TFUE (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, Rec. p. II‑1173, point 56).

24      Quant à l’argument selon lequel l’acte attaqué serait destiné à circuler et à forger la conviction dans l’opinion publique qu’il s’agirait de la position du Parlement, il suffit de relever, sans qu’il soit nécessaire d’examiner s’il est fondé, qu’il n’est, en tout état de cause, pas en mesure de pallier l’absence d’effet juridique obligatoire dudit acte et de justifier la recevabilité du présent recours.

25      Enfin, s’agissant de l’argument selon lequel l’acte attaqué serait définitif, en ce qu’il n’est pas rattaché à l’adoption d’un acte de clôture de l’enquête, il est inopérant, dès lors que, en tout état de cause, l’acte attaqué ne produit aucun effet juridique obligatoire et n’est pas susceptible, de ce fait, de faire l’objet d’un recours en annulation. Au demeurant, il doit être relevé, à titre surabondant, que cet argument n’est pas fondé. En effet, l’acte attaqué doit être considéré, contrairement à ce que fait valoir la requérante, comme un acte intermédiaire inscrit dans la procédure d’examen des plaintes en cause en l’espèce. En effet, il ressort de l’article 202, paragraphe 5, du règlement intérieur que, dans le cadre de l’examen des pétitions, de la constatation des faits ou de la recherche d’une solution, la commission des pétitions peut organiser des missions d’information. Ainsi, un rapport élaboré à l’issue d’une telle mission, à l’instar de l’acte attaqué, a uniquement pour objet de préparer la position finale qui sera adoptée à l’issue de l’examen des plaintes. Cela est confirmé par le paragraphe 2 du même article, qui prévoit que, en présence de pétitions recevables, la commission des pétitions peut décider soit d’élaborer un rapport d’initiative, soit de présenter une proposition de résolution succincte au Parlement, à condition que la Conférence des présidents ne s’y oppose pas. Seuls les actes du Parlement adoptés à la suite d’un tel rapport d’initiative ou d’une telle proposition de résolution seraient, le cas échéant, susceptibles de fixer définitivement la position de celui-ci.

26      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le présent recours comme étant manifestement irrecevable, sans qu’il soit nécessaire de le signifier au Parlement.

 Sur les dépens

27      La présente ordonnance étant adoptée avant la notification de la requête au Parlement et avant que celui-ci n’ait pu exposer des dépens, il suffit de décider que la requérante supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      FIBE SpA supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 26 janvier 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       S. Papasavvas


* Langue de procédure : l’italien.