Language of document : ECLI:EU:T:2011:700

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

29 novembre 2011(*)

« Recours en annulation – Délai de recours – Tardiveté – Absence de cas fortuit – Absence de force majeure – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T‑345/11,

Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information (ENISA), représentée par M. E. Maurage, en qualité d’agent, assisté de Mes D. Waelbroeck et A. Duron, avocats,

partie requérante,

contre

Contrôleur européen de la protection des données (CEPD),

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande en annulation de la décision du Contrôleur européen de la protection des données, du 7 avril 2011, constatant une violation des règles relatives au traitement des données à caractère personnel par la partie requérante, prise à l’issue d’une procédure concernant une plainte introduite par un des agents de la partie requérante,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé, lors du délibéré, de M. L. Truchot (rapporteur), président, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. H. Kanninen, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Par décision du 7 avril 2011 (ci-après la « décision attaquée »), faisant suite à une plainte déposée par un agent de la requérante, l’Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information (ENISA), le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) a constaté la violation, par cette dernière, de plusieurs dispositions du règlement (CE) n° 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1).

2        La décision attaquée a été notifiée à la requérante le 18 avril 2011.

3        Par télécopie et par courrier électronique parvenus au greffe du Tribunal le 21 juin 2011, la requérante a introduit une requête visant à obtenir l’annulation de la décision attaquée.

4        Le 29 juin 2011, la requérante a déposé, au greffe du Tribunal, une requête dirigée contre la même décision et portant une signature différente de celle figurant sur la requête introduite le 21 juin 2011.

5        Par courrier du 15 juillet 2011, le greffier du Tribunal a signalé à la requérante que la requête déposée au greffe le 29 juin 2011 n’était pas identique à la requête parvenue au greffe par télécopieur et par courrier électronique le 21 juin 2011, car la signature apposée au bas de ces deux documents était différente. Il a ajouté que, conformément à l’article 43, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal, cette dernière date ne pouvait pas être prise en considération aux fins du respect des délais de procédure et que, en conséquence, la date retenue comme date de dépôt de la requête était celle du dépôt de l’original. Dans le même courrier, le greffier a informé la requérante que la suite de la procédure lui serait communiquée ultérieurement.

6        Par courrier du 20 juillet 2011 adressé au greffier du Tribunal, la requérante a fourni des explications quant à la différence constatée entre la requête parvenue au greffe le 21 juin 2011 et la requête déposée au greffe le 29 juin 2011.

 Conclusions de la requérante

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner le CEPD aux dépens.

 En droit

8        Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure, lorsque le recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

9        En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

10      Aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance. Conformément aux dispositions de l’article 102, paragraphe 2, du même règlement, ce délai doit, en outre, être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

11      Selon une jurisprudence constante, ce délai de recours est d’ordre public, ayant été institué en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques et d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice, et il appartient au juge de l’Union de vérifier, d’office, s’il a été respecté (arrêt de la Cour du 23 janvier 1997, Coen, C‑246/95, Rec. p. I‑403, point 21, et arrêt du Tribunal du 18 septembre 1997, Mutual Aid Administration Services/Commission, T‑121/96 et T‑151/96, Rec. p. II‑1355, points 38 et 39).

12      En l’espèce, ainsi qu’il a été indiqué au point 2 ci-dessus, la décision attaquée a été notifiée à la requérante le 18 avril 2011.

13      Il résulte du calcul des délais de procédure prévus à l’article 101, paragraphe 1, sous a) et b), et à l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, que le délai de recours a expiré le 28 juin 2011 à minuit, délai de distance inclus.

14      La requête a été transmise au greffe du Tribunal par télécopieur et par courrier électronique le 21 juin 2011, c’est-à-dire avant l’expiration du délai de recours.

15      Toutefois, en application de l’article 43, paragraphe 6, du règlement de procédure, la date à laquelle une copie de l’original signé d’un acte de procédure parvient au greffe du Tribunal par télécopieur n’est prise en considération, aux fins du respect des délais de procédure, que si l’original signé de l’acte est déposé à ce greffe au plus tard dix jours après la réception de la télécopie. De plus, le paragraphe 3 des instructions pratiques aux parties prévoit que, en cas de divergence entre l’original signé et la copie précédemment déposée, seule la date de l’original signé est prise en considération.

16      En l’espèce, la signature figurant au bas de la requête déposée au greffe le 29 juin 2011 n’est pas identique à celle figurant sur la requête transmise par télécopie et par courrier électronique le 21 juin 2011

17      Dans ces conditions, la date de dépôt de cette dernière ne peut pas être prise en compte aux fins du respect du délai de recours (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 13 novembre 2001, F/Cour des comptes, T‑138/01 R, RecFP p. I‑A‑211 et II‑987, points 8 et 9). Il s’ensuit que, conformément à l’article 43, paragraphe 6, du règlement de procédure, seule la date de dépôt de l’original signé, à savoir le 29 juin 2011, doit être prise en compte aux fins du respect du délai de recours. Celui-ci ayant expiré le 28 juin à minuit, il y a lieu de conclure que la requête a été déposée tardivement.

18      Dans son courrier du 20 juillet 2011 adressé au greffier du Tribunal, la requérante a donné, en ce qui concerne la différence mentionnée au point 16 ci-dessus, les explications suivantes : « compte tenu des nombreuses perturbations qu’a connues et que connaît encore la Grèce, notamment dans le domaine des transports et des expéditions, et des risques de retard en découlant, j’ai décidé d’apporter moi-même l’original de la requête au cabinet de mon conseil le 28 juin dans l’après-midi. Le document original ayant souffert du voyage, dont principalement hélas la page de signature de la requête, je n’ai eu d’autre choix que de signer une nouvelle page tant il était impossible d’envoyer un document sous cette forme à votre Tribunal. Pour le reste, le document n’a évidemment souffert aucune modification textuelle ni même de mise en page, comme vous avez certainement pu le constater ».

19      Il y a lieu de considérer que, en fournissant ces explications, la requérante invoque l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure faisant obstacle à toute déchéance tirée de l’expiration du délai de recours en application de l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53 dudit statut.

20      Il convient de rappeler que les notions de force majeure et de cas fortuit, au sens de l’article 45 du statut de la Cour, comportent, outre un élément objectif relatif aux circonstances anormales et étrangères à l’intéressé, un élément subjectif tenant à l’obligation, pour l’intéressé, de se prémunir contre les conséquences de l’événement anormal en prenant des mesures appropriées sans consentir des sacrifices excessifs. En particulier, l’intéressé doit surveiller soigneusement le déroulement de la procédure et, notamment, faire preuve de diligence afin de respecter les délais prévus (voir arrêt de la Cour du 22 septembre 2011, Bell & Ross/OHMI, C‑426/10 P, non encore publié au Recueil, point 48, et la jurisprudence citée). À cet égard, la préparation, la surveillance et la vérification des pièces de procédure à déposer au greffe relèvent de la responsabilité de son représentant (arrêt Bell & Ross/OHMI, précité, point 50).

21      En l’espèce, il y a lieu de relever que la requérante invoque en termes vagues l’existence, en Grèce, de perturbations dans le domaine des transports et des expéditions ainsi que de risques de retard découlant de ces perturbations. Elle ne précise ni la nature de ces perturbations ni leur intensité, de sorte que l’étendue, voire l’existence même, des risques de retard qu’elle invoque ne peut être ni vérifiée ni appréciée.

22      De plus, la requérante s’est bornée à indiquer que la requête parvenue au greffe du Tribunal par télécopie et par courrier électronique le 21 juin 2011, notamment la page comportant la signature, avait « souffert du voyage », sans mentionner les causes de la détérioration de ce document ni décrire l’état dans lequel celui-ci se trouvait une fois parvenu à destination. En outre, elle n’a pas précisé les raisons pour lesquelles il était impossible de déposer, en l’état, l’original signé dudit document au greffe du Tribunal et nécessaire de réimprimer la page de ce document sur laquelle la signature avait été apposée, afin que le document en question soit à nouveau signé.

23      Au demeurant, il appartenait à la requérante, à qui il incombait de se prémunir, le cas échéant, contre les conséquences d’un événement anormal en prenant des mesures appropriées, d’avoir recours à toute méthode permettant, sans imposer de sacrifices excessifs, d’éviter la détérioration de l’original signé de la requête parvenue au greffe du Tribunal par télécopie et par courriel électronique le 21 juin 2011 durant le transport dudit document depuis le siège de l’ENISA à Héraklion (Grèce) vers le cabinet de son conseil à Bruxelles (Belgique). Or, il ne ressort pas du dossier que la requérante a eu recours à de telles mesures.

24      Il s’ensuit que la requérante n’a pas établi l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure au sens de l’article 45 du statut de la Cour.

25      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté comme manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

26      La présente ordonnance ayant été adoptée avant la notification de la requête à la partie défenderesse et avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il suffit de décider que la requérante supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      L’Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information (ENISA) supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 29 novembre 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       L. Truchot


* Langue de procédure : le français.