Language of document : ECLI:EU:F:2006:59

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

29 juin 2006 (*)

« Fonctionnaires – Rémunération – Frais de voyage annuel – Dispositions applicables avant le 1er mai 2004 aux fonctionnaires originaires d’un département d’outre-mer français – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire F‑11/05,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Olivier Chassagne, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes S. Rodrigues et Y. Minatchy, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. G. Berscheid et Mme H. Tserepa-Lacombe, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. P. Mahoney, président, Mme I. Boruta et M. H. Tagaras (rapporteur), juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1       Par requête parvenue au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 11 mars 2005, M. Chassagne demande, d’une part, l’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes lui refusant le bénéfice des dispositions de l’article 8, paragraphes 1 à 3, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), relatives aux modalités de remboursement des frais de voyage annuel, dans leur version applicable avant le 1er mai 2004, et d’autre part, la réparation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait de ce refus.

 Faits et procédure

2       Le requérant, fonctionnaire de grade A*10 à la Commission, a comme lieu d’origine Saint Denis, à l’île de La Réunion.

3       Par note du 19 janvier 2004, le requérant a demandé à l’autorité investie de pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, de reconnaître aux agents originaires des départements d’outre‑mer français (ci-après les « DOM ») le bénéfice des dispositions des paragraphes 1 à 3 de l’article 8 de l’annexe VII du statut pour le remboursement de leurs frais de voyage annuel, au lieu de leur appliquer le paragraphe 4 de ce même article. Aux termes de cette dernière disposition, les paragraphes 1 à 3 étaient applicables au fonctionnaire « dont le lieu d’affectation et le lieu d’origine se trouvent en Europe », alors qu’elle prévoyait que le fonctionnaire « dont le lieu d’origine et/ou le lieu d’affectation est situé en dehors de l’Europe » bénéficiait de règles différentes pour le remboursement des frais de voyage annuel. Par courrier du 4 mars 2004, à la suite d’un entretien qu’il aurait eu avec un membre du service compétent, le requérant a requalifié ce document de demande, invitant l’AIPN à prendre à son égard une décision au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, notamment pour trancher la question de savoir « si les agents originaires des DOM relèvent du paragraphe 4 de l’article 8 de l’annexe VII du statut ou bien des paragraphes 1 à 3 dudit article ».

4       Par courrier de l’AIPN, en date du 1er mars 2004, le requérant a été informé que, dans la mesure où il effectuerait son voyage de l’année 2004 avant le 1er mai de cette même année, date d’entrée en vigueur des nouvelles règles du statut relatives au remboursement des frais de voyage annuel, il disposerait du choix entre l’ancien et le nouveau régime de remboursement. Le même courrier de l’AIPN précisait que le choix pouvait être fait séparément pour chaque membre de la famille qui effectuerait son voyage avant la date du 1er mai 2004. Le requérant a choisi l’ancien régime pour son épouse et lui-même et le nouveau régime pour ses enfants à charge. Les voyages du requérant et de son épouse ont été effectués en avril 2004, vers une destination autre que son lieu d’origine, ceci étant permis par les dispositions alors applicables aux fonctionnaires dont le lieu d’origine était situé en dehors de l'Europe.

5       Une avance sur les frais dudit voyage a été versée au requérant avec sa rémunération du mois d’avril 2004, puis, avec la rémunération du mois de mai 2004, l’AIPN a remboursé, sur présentation des billets, le solde dû des dépenses réellement exposées.

6       Par courrier du 28 mai 2004, enregistré auprès de l’administration le 2 juin 2004, le requérant a introduit une réclamation contre le rejet implicite par l’AIPN de sa demande du 19 janvier 2004, ainsi que contre son bulletin de rémunération du mois de mai 2004, le but de cette réclamation étant de faire reconnaître « aux agents originaires des départements d’outre-mer français le bénéfice a posteriori des dispositions de l’ancien article 8, paragraphes 1 à 3, de l’annexe VII du statut ».

7       Le délai de réponse à la réclamation a expiré le 2 octobre 2004. Par décision du 9 décembre 2004, dont le requérant a accusé réception le 17 décembre 2004, à savoir toujours dans le délai de recours, l’AIPN a explicitement rejeté ladite réclamation.

8       C’est dans ces circonstances que le requérant a introduit, le 11 mars 2005, le présent recours, enregistré au greffe du Tribunal de première instance sous le numéro T‑123/05.

9       Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), a renvoyé la présente affaire devant le Tribunal. Le recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro F‑11/05.

 Conclusions des parties

10     Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       déclarer sa requête recevable ;

–       prononcer l’annulation de la décision de l’AIPN du 9 décembre 2004 portant réponse à sa réclamation et lui imposer d’en tirer les conséquences qui s’imposent ;

–       dire pour droit que toute discrimination, non justifiée et objectivement injustifiable, basée sur l’appartenance ou non, au sens géographique, du lieu d’origine et/ou du lieu d’affectation au continent européen, est illégale, et partant, déclarer illégal le paragraphe 4 de l’article 8 de l’annexe VII de l’ancien statut ;

–       rappeler, indépendamment de ce qui précède, que la Réunion fait partie intégrante de la Communauté, au titre de l’article 299, paragraphe 2, du traité CE, et est également soumise, par l’adhésion de son État membre, au traité CEEA (Euratom) et au traité sur l’Union européenne et souligner, qu’à cet égard, les fonctionnaires européens originaires d’un tel territoire ont droit à l’égalité de traitement par rapport à ceux originaires d’un territoire européen, au sens géographique, d’un Etat membre ;

–       octroyer au requérant un euro symbolique pour réparation du dommage moral subi et la somme de sept mille deux cent (7.200) euros pour réparation du préjudice financier subi ;

–       condamner la partie défenderesse en tout dépens.

11     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter la demande en annulation comme irrecevable, sinon comme non fondée ;

–       rejeter la demande en indemnité comme irrecevable, sinon comme non fondée ;

–       condamner le requérant aux dépens.

 En droit

12     Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752, jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

13     En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier pour statuer sur la recevabilité du présent recours sans poursuivre la procédure.

 Arguments des parties

14     La Commission excipe de l’irrecevabilité des conclusions en annulation au motif, tout d’abord, que le recours est dirigé contre un acte purement confirmatif. Elle prétend que le requérant avait déjà présenté un argumentaire identique, dans ses réclamations relatives au délai de route (introduites en dates des 4 juillet 2003 et 28 mai 2004 et numérotées respectivement R/457/03 et R/437/04), lesquelles ont été explicitement rejetées, de façon à mettre le requérant en position de connaître sa situation juridique. Le requérant n’a pas introduit de recours contre les décisions de rejet de ces deux réclamations. La Commission ajoute que, dans sa décision de rejet de la réclamation ayant donné lieu au présent recours, elle avait soulevé l’irrecevabilité de la réclamation, au motif que cette dernière était fondée sur le même argument de discrimination que les deux réclamations susmentionnées, sans apporter d’élément nouveau.

15     La Commission émet également des doutes quant à l’intérêt à agir du requérant, qui a demandé et reçu le remboursement de frais de voyage pour l’année 2004, au titre de l’article 8, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut dans sa version en vigueur à l’époque des faits. Elle relève que, dans l’hypothèse de l’application des paragraphes 1 à 3 dudit article 8, le requérant n’aurait pas pu prétendre au remboursement des frais de voyage vers une destination autre que son lieu d’origine.

16     La partie défenderesse considère par ailleurs que le recours serait partiellement irrecevable, en ce qu'il invite le Tribunal à imposer à l’AIPN de tirer les conséquences d’une éventuelle annulation de sa décision de rejet, demande qui s’assimilerait à une injonction, que, dans le cadre d’un recours introduit au titre de l’article 91 du statut, le Tribunal n’est pas compétent pour adresser aux institutions.

17     Puis, la Commission conclut à l’irrecevabilité tant de l’exception d’illégalité invoquée à l’encontre de l’article 8, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut, que des conclusions tirées de la violation de l’obligation de motivation, du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration, au motif que ces chefs de contestation ne figuraient pas dans la réclamation, contrairement au principe de correspondance entre la réclamation et la requête exigée par une jurisprudence constante.

18     La partie défenderesse considère également le recours irrecevable en ce qu’il ne traduirait pas des intérêts personnels, mais le seul intérêt de la loi, et en ce qu’il émanerait d’une personne n’appartenant pas aux minorités ethniques ou linguistiques, dont la protection est prétendument recherchée par ce recours.

19     Quant à la demande d'indemnisation, qui n’avait pas été précédée d’une demande de dommages et intérêts, la Commission estime que, au vu de son lien étroit avec la demande en annulation, elle devrait suivre le sort de cette dernière et qu’elle devrait dès lors être rejetée.

20     Dans son mémoire en réplique, le requérant soutient que, contrairement à ce que faisait valoir la Commission, la réclamation no R/457/03 de 2003 ne portait pas sur les mêmes questions que le différend faisant l’objet de la présente affaire et, qu’en toute hypothèse, la réponse de la Commission à cette réclamation ne lui permettait pas de comprendre si, s’agissant du remboursement des frais de voyage annuel, il relevait des paragraphes 1 à 3 ou du paragraphe 4 de l’article 8 de l’annexe VII du statut. Le requérant considère également que la décision de rejet de la réclamation n° R/437/04 n’a pas apporté d’éléments supplémentaires. Il confirme son intérêt à agir, tel qu’exposé dans la requête, et réfute la discordance entre la requête et la réclamation, faisant de plus valoir que la Commission avait tenté de le priver de moyen d’agir, en l’ayant incité à requalifier comme demande la réclamation présentée en date du 19 janvier 2004.

21     La duplique étaie davantage l’argumentation de la partie défenderesse concernant l’irrecevabilité du recours.

 Appréciation du Tribunal

22     Il résulte d’une jurisprudence constante que le recours introduit par un fonctionnaire devant le Tribunal doit être déclaré irrecevable si la procédure précontentieuse n’a pas suivi un cours régulier (ordonnance du Tribunal de première instance du 11 mai 1992, Whitehead/Commission, T‑34/91, Rec. p. 1723, point 18 ; du 25 mars 1998, Koopman/Commission, T‑202/97, RecFP p. I‑A‑163 et II‑511, point 22, et du 7 décembre 1999, Reggimenti/Parlement, T‑108/99, RecFP p. I‑A‑243 et II‑1205, point 19).

23     Il est également de jurisprudence constante que, les délais de la procédure précontentieuse étant d’ordre public, il appartient au Tribunal de contrôler d’office s’ils ont été respectés (arrêt de la Cour du 13 novembre 1986, Becker/Commission, 232/85, Rec. p. 3401, point 8 ; arrêt du Tribunal de première instance du 17 octobre 1991, Offermann/Parlement, T‑129/89, Rec. p. II‑855, points 30 et 31 ; du 18 mars 1997, Rasmussen/Commission, T‑35/96, RecFP p. I‑A‑61 et II‑187, point 29, et du 2 mars 2004, Di Marzio/Commission, T‑14/03, RecFP p I‑A‑43 et II‑167, point 37 ; ordonnance du Tribunal de première instance du 7 septembre 2005, Krahl/Commission, T‑358/03, non encore publiée au Recueil, point 35).

24     De même, il n’est pas permis à un fonctionnaire d’écarter les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut pour l’introduction de la réclamation et du recours en mettant en cause, par le biais d’une demande, une décision antérieure non contestée dans les délais, seule l’existence de faits nouveaux substantiels pouvant justifier la présentation d’une demande de réexamen d’une décision devenue définitive (arrêts de la Cour du 15 mai 1985, Esly/Commission, 127/84, Rec. p. 1437, point 10, et du 14 juin 1988, Muysers et Tülp/Cour des comptes, 161/87, Rec. p. 3037, point 11 ; ordonnances du Tribunal de première instance du 11 juillet 1997, Chauvin/Commission, T‑16/97, RecFP p. I‑A‑237 et II‑681, point 37, et du 11 décembre 2001, Stols/Conseil, T‑99/97, RecFP p. I‑A‑233 et II‑1061, point 40 ; arrêts du Tribunal de première instance du 4 mai 2005, Schmit/Commission, T‑144/03, point 147, et du 21 février 2006, V/Commission, T‑200/03 et T‑313/03, point 93, non encore publiés au Recueil). On ne saurait qualifier de fait nouveau, permettant de déroger au système des délais impérativement prévus par les articles 90 et 91 du statut, la circonstance que, sur demande du fonctionnaire intéressé, l’administration a ultérieurement repris l’examen de son cas, en vue de lui fournir des renseignements supplémentaires (arrêt de la Cour du 10 juillet 1986, Trenti/CES, 153/85, Rec. p. 2427, point 13).

25     Ainsi qu’il résulte des conclusions de la requête, celle-ci vise en premier lieu à l’annulation du rejet par la Commission, en date du 9 décembre 2004, de la réclamation du requérant, introduite le 28 mai 2004, laquelle contestait la décision de l’administration de soumettre les fonctionnaires qui, comme lui, sont originaires des DOM, au régime du paragraphe 4 de l’article 8 de l’annexe VII du statut, plutôt qu’à celui des paragraphes 1 à 3 de ce même article, pour le remboursement de leurs frais de voyage annuel. Tel était aussi l’objet de la demande du 19 janvier 2004, par laquelle le requérant avait entamé la procédure précontentieuse, en qualifiant dans un premier temps cette demande de réclamation.

26     Or, les faits de l'espèce révèlent que cette décision de l’administration, qui est l'acte faisant grief au requérant, avait été portée à sa connaissance bien avant le 19 janvier 2004, date à laquelle il a entamé la procédure précontentieuse.

27     En premier lieu, en réponse à une note du requérant, en date du 13 juin 2003, par laquelle celui-ci faisait état de la durée de son voyage Bruxelles-la Réunion et demandait la fixation de son délai de route à quatre jours, il lui avait été répondu, par note de l’AIPN du 23 juin 2003, que, selon les règles en vigueur, pour les lieux d’origine situés hors d’Europe (géographique), le délai de route était de deux jours, une dérogation pouvant être accordée en cas de voyage dépassant les 48 heures, mais que tel ne serait pas le cas pour le requérant, car son propre voyage n’avait duré que 41 heures et demie. À la lecture de cette note, le requérant prenait clairement connaissance que l’AIPN considérait son lieu d’origine, à savoir la Réunion, comme étant en dehors de l’Europe géographique, ce qui, s’agissant du remboursement des frais de voyage annuel, le faisait forcement relever du paragraphe 4 de l’article 8 de l’annexe VII du statut.

28     En deuxième lieu, dans la réclamation qu’il avait introduite le 4 juillet 2003 à l’encontre de la note précitée du 23 juin 2003, concernant son délai de route, le requérant se plaignait déjà du fait que les fonctionnaires originaires des DOM ne pouvaient pas bénéficier du remboursement forfaitaire de leurs frais de voyage annuel. Or, l’impossibilité d’obtenir un remboursement forfaitaire des frais de voyage annuel est une caractéristique propre au régime du paragraphe 4 de l’article 8 de l'annexe VII du statut, par opposition à celui des paragraphes 1 à 3 du même article.

29     En troisième lieu, il est constant que le requérant n’a présenté pour remboursement, au titre de l’année 2003, que les pièces justificatives relatives à un seul voyage et que son bulletin de rémunération du mois de juillet 2003 (l’administration procédant normalement au remboursement forfaitaire des frais de voyage annuel avec le versement du salaire afférent à ce mois, conformément à l’article 9 des Dispositions générales d’exécution relatives à l’application de l’article 8 de l’annexe VII du statut) ne fait pas état du remboursement d’un deuxième voyage. Or, les deux régimes précités se distinguaient également par le fait que les fonctionnaires relevant du paragraphe 4 n’avaient droit au remboursement que d’un seul voyage, tandis que ceux relevant des paragraphes 1 à 3 pouvaient se faire rembourser deux voyages par an, si, comme c’était le cas du requérant, la distance entre le lieu d’origine et le lieu d’affectation était d’au moins 725 Km. Par ailleurs, il a été jugé que le remboursement forfaitaire des frais de voyage fait partie des domaines dans lesquels l'existence et la portée des mesures individuelles prises par l'administration peuvent, en raison de leur objet même, clairement ressortir du décompte des sommes versées, contenu dans le bulletin mensuel de rémunération (arrêt du Tribunal du 28 juin 2006, Grünheid/Commission, F-101/05, non encore publié au Recueil, point 43).

30     Il en résulte qu’en juin ou, au plus tard, à la fin du mois de juillet 2003, l’administration avait pris la décision de soumettre le requérant aux dispositions du paragraphe 4, qu’elle lui avait également appliqué cette décision et que, de surcroît, le requérant en avait parfaitement connaissance. Il avait, en outre, connaissance tant des conséquences de cette décision pour le remboursement de ses frais de voyage annuel, notamment qu'il aurait droit au remboursement d'un seul voyage et que le remboursement forfaitaire serait exclu, que des motifs ayant conduit la Commission à lui appliquer ces règles, à savoir le fait que son lieu d'origine se situait en dehors de l'Europe géographique. Par ailleurs cette connaissance ne résultait pas de moyens officieux (voir arrêt du Tribunal de première instance Rasmussen/Commission, précité, point 40) ou de procédés irréguliers, mais de procédures et démarches statutaires entamées par le requérant lui-même.

31     Par conséquent, la note qu’il a adressée le 19 juin 2004 à l’administration, afin d’entamer la procédure précontentieuse prévue par l’article 90 du statut ‑ que cette note constitue une demande ou une réclamation ‑ n’a pas respecté les conditions de délai prévues par la disposition précitée. En effet, aux termes de cette disposition, le délai de trois mois pour l'introduction d'une réclamation court au plus tard à compter du jour où l'intéressé a eu connaissance de l'acte faisant grief. Or, ainsi qu'il résulte des éléments relevés dans les points 27 à 29 du présent arrêt, le requérant, fonctionnaire, dont les écrits et démarches démontrent d'ailleurs une certaine familiarité avec les procédures statutaires, a eu connaissance tant du contenu que de la motivation de la décision litigieuse (voir arrêt du Tribunal de première instance du 3 juin 1997, H/Commission, T‑196/95, RecFP p I‑A‑133 et II‑403, point 31) plus de trois mois avant sa lettre du 19 janvier 2004, qu'il a initialement qualifiée de réclamation et qui serait, dès lors, tardive. Par ailleurs, à supposer que cette lettre soit une demande, la jurisprudence citée dans le point 24 du présent arrêt serait opposable au requérant.

32     À titre surabondant, il convient de relever que les griefs formulés dans la première réclamation du requérant, en 2003, relative au délai de route sont essentiellement les mêmes que ceux visant à contester les différences de régime de remboursement des frais de voyage selon que le lieu d’origine d’un fonctionnaire se trouve sur le continent européen ou en dehors de celui-ci, différend qui constitue l’objet de la présente affaire. Or, si le requérant a choisi de ne pas former un recours contre le rejet de sa réclamation de 2003, lui reconnaître qu’il était en droit d’entamer, de manière recevable, après l’expiration du délai d’un tel recours, la procédure précontentieuse de la présente affaire, équivaudrait en substance à une extension des délais des recours, laquelle n’est cependant à la disposition ni des parties ni du juge communautaire (arrêt du Tribunal de première instance du 26 septembre 1990, F/Commission, T‑122/89, Rec. p. II‑517, point 23 ; ordonnance du Tribunal de première instance du 12 février 1995, Grassi/Commission, T‑552/93, RecFP p. I‑A‑33 et II‑125, point 23 ; arrêt du Tribunal de première instance du 11 mars 1999, Herold/Commission, T‑257/97, RecFP p.I-A-49 et II-251, point 43).

33     À la lumière de ce qui précède, force est de constater que, la procédure précontentieuse n’ayant pas suivi un cours régulier, en ce qui concerne en particulier le respect des délais statutaires, le recours est irrecevable de ce chef, y compris en ses conclusions indemnitaires, qui sont manifestement liées de manière étroite aux autres conclusions du recours, et notamment aux conclusions en annulation. Par conséquent, le rejet de ces dernières comme irrecevables entraîne également le rejet des conclusions indemnitaires (arrêt du Tribunal de première instance du 9 février 1994, Latham/Commission, T‑82/91, RecFP p. I‑A‑15 et II‑61, points 34 à 36, et ordonnance du Tribunal de première instance du 28 juin 2005, Ross/Commission, T‑147/04, non encore publiée au Recueil, point 39).

34     Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité comme manifestement irrecevable, sans qu’il y ait besoin de se prononcer sur les autres chefs d’irrecevabilité soulevés par la partie défenderesse.

 Sur les dépens

35     Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (F‑16/05, non encore publié au Recueil, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal, et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens, ne sont pas entrées en vigueur, il y a lieu dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et afin de garantir aux justiciables une prévisibilité suffisante quant aux règles relatives aux frais de l’instance, de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

36     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure de ce dernier Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en son recours, il y a donc lieu de décider que chacune des parties supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

2)      Chacune des parties supporte ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 29 juin 2006.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

      P. Mahoney


* Langue de procédure : le français.