Language of document : ECLI:EU:C:2016:445

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

16 juin 2016 (*)

« Pourvoi – Concurrence – Ententes – Article 81 CE – Marchés de la poudre et des granulés de carbure de calcium ainsi que des granulés de magnésium dans une partie importante de l’Espace économique européen – Fixation des prix, partage des marchés et échange d’informations – Règlement (CE) no 773/2004 – Articles 12 et 14 – Droit d’être entendu – Audition à huis clos »

Dans l’affaire C‑154/14 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 2 avril 2014,

SKW Stahl-Metallurgie GmbH, établie à Unterneukirchen (Allemagne),

SKW Stahl-Metallurgie Holding AG, établie à Unterneukirchen,

représentées par Mes A. Birnstiel et S. Janka, Rechtsanwälte,

parties requérantes,

les autres parties à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. G. Meessen et R. Sauer, en qualité d’agents, assistés de Me A. Böhlke, Rechtsanwalt,

partie défenderesse en première instance,

Gigaset AG, anciennement Arques Industries AG, établie à Munich (Allemagne),

partie intervenante en première instance,


LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la cinquième chambre, MM. D. Šváby (rapporteur), A. Rosas, E. Juhász et C. Vajda, juges,

avocat général : M. N. Wahl,

greffier : M. I. Illéssy, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 mai 2015,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 3 septembre 2015,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur pourvoi, SKW Stahl-Metallurgie GmbH (ci-après « SKW ») et SKW Stahl-Metallurgie Holding AG (ci-après « SKW Holding ») demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 23 janvier 2014, SKW Stahl-Metallurgie Holding et SKW Stahl-Metallurgie/Commission (T‑384/09, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2014:27), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision C(2009) 5791 final de la Commission, du 22 juillet 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.396 ‐ Réactifs à base de carbure de calcium et de magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier) (ci-après la « décision litigieuse »), en ce que cette décision les vise, ainsi que, à titre subsidiaire, à l’annulation ou à la réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée par ladite décision.

 Le cadre juridique

 Le règlement (CE) no 1/2003

2        L’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1), est libellé dans les termes suivants :

« La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence :

a)      elles commettent une infraction aux dispositions de l’article 81 ou 82 [CE], ou

b)      elles contreviennent à une décision ordonnant des mesures provisoires prises au titre de l’article 8, ou

c)      elles ne respectent pas un engagement rendu obligatoire par décision en vertu de l’article 9.

Pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.

Lorsque l’infraction d’une association porte sur les activités de ses membres, l’amende ne peut dépasser 10 % de la somme du chiffre d’affaires total réalisé par chaque membre actif sur le marché affecté par l’infraction de l’association. »

 Le règlement (CE) no 773/2004

3        L’article 12, paragraphe 1, du règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 et 82 du traité CE (JO 2004, L 123, p. 18), tel que modifié par le règlement (CE) no 622/2008 de la Commission, du 30 juin 2008 (JO 2008, L 171 p. 3) (ci-après le « règlement no 773/2004 »), dispose :

« La Commission donne aux parties auxquelles elle adresse une communication des griefs la possibilité de développer leurs arguments lors d’une audition, si elles en font la demande dans leurs observations écrites. »

4        L’article 14, paragraphes 6 à 8, de ce règlement énonce ce qui suit :

« 6.      L’audition n’est pas publique. Toute personne peut être entendue séparément ou en présence d’autres personnes invitées à assister à l’audition, compte tenu de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires et autres informations confidentielles ne soient pas divulgués.

7.      Le conseiller-auditeur peut autoriser les parties auxquelles une communication des griefs a été adressée, les plaignants, les tiers invités à l’audition, les services de la Commission et les autorités des États membres à poser des questions pendant l’audition.

8.      Les déclarations faites par chaque personne entendue sont enregistrées. Sur demande, l’enregistrement de l’audition est mis à la disposition des personnes qui y ont assisté. Il est tenu compte de l’intérêt légitime des parties à ce que leurs secrets d’affaires et autres informations confidentielles ne soient pas divulgués. »

 Le règlement de procédure du Tribunal

5        Dans sa version applicable au recours en annulation introduit par les requérantes, l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal dispose :

« La production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

Si, au cours de la procédure, une partie soulève un moyen nouveau visé à l’alinéa précédent, le président peut, après l’expiration des délais normaux de la procédure, sur rapport du juge rapporteur, l’avocat général entendu, impartir à l’autre partie un délai pour répondre à ce moyen.

L’appréciation de la recevabilité du moyen reste réservée à l’arrêt mettant fin à l’instance. »

 Les antécédents du litige

6        Les antécédents pertinents du litige ont été exposés aux points 2 à 4, 24 à 33, 43 et 63 de l’arrêt attaqué et peuvent être résumés comme suit.

7        La procédure ayant conduit à l’adoption de la décision litigieuse a été ouverte à la suite d’une demande d’immunité, au sens de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3), déposée le 20 novembre 2006 par Akzo Nobel NV.

8        À la suite d’inspections menées le 16 janvier 2007 ainsi que de demandes de renseignements adressées aux sociétés impliquées dans la procédure à compter du 11 juillet 2007, la Commission a, le 24 juin 2008, notifié à ces sociétés une communication des griefs. La Commission y reprochait en particulier à SKW d’avoir participé à une entente sur les prix contraire à l’article 81 CE sur le marché du carbure de calcium et du magnésium destinés aux secteurs sidérurgique et gazier dans l’Espace économique européen (EEE), à l’exception de l’Irlande, de l’Espagne, du Portugal et du Royaume-Uni, durant la période du 22 avril 2004 au 16 janvier 2007. En outre, en raison du fait que Evonik Degussa GmbH (ci-après « Degussa ») et SKW Holding avaient successivement détenu, de manière directe ou indirecte, 100 % du capital de SKW, la Commission y indiquait également vouloir tenir pour responsables des comportements de SKW, d’une part, Degussa, pour la période du 22 avril 2004 au 30 août 2004, date à laquelle SKW avait été cédée à SKW Holding, et, d’autre part, SKW Holding, pour la période du 30 août 2004 au 16 janvier 2007.

9        Dans leurs observations écrites du 6 octobre 2008 adressées à la Commission en réponse à la communication des griefs, les requérantes ont demandé à pouvoir développer lors d’une audition leurs arguments relatifs, notamment, à l’absence d’exercice effectif d’une influence déterminante par SKW Holding sur SKW durant la période infractionnelle, compte tenu de la persistance de l’influence déterminante par Degussa sur SKW, même après le rachat de cette dernière par SKW Holding.

10      Par courriel du 31 octobre 2008, les requérantes ont demandé au conseiller-auditeur à pouvoir présenter à huis clos leur argumentation relative à l’influence prétendument exercée par Degussa sur SKW. Au soutien de cette demande, elles ont fait valoir que SKW dépendait, pour sa survie économique, de Degussa, puisque celle-ci lui fournissait la quasi-totalité du carbure de calcium qu’elle commercialisait et que ces deux sociétés étaient en négociation au sujet d’un nouveau contrat de fourniture. Elles ont ajouté que la présentation de cette argumentation en présence de Degussa mettrait sérieusement en péril la relation commerciale existant entre cette société et SKW et pourrait conduire à des représailles de la part de Degussa.

11      Le 5 novembre 2008, les requérantes ont adressé un nouveau courriel à la Commission, dans lequel elles ont suggéré qu’une « solution praticable » pourrait consister à donner à Degussa l’accès à leur présentation à huis clos après la fin de l’année 2008 ou après la conclusion d’un contrat de fourniture entre ces deux entreprises. Le 6 novembre 2008, les requérantes ont fourni des précisions sur les raisons justifiant leur demande de pouvoir présenter une partie de leur argumentation, lors de l’audition, à huis clos, ainsi que sur la teneur de cette argumentation, et elles ont réitéré leur proposition de solution alternative.

12      Par lettre du 6 novembre 2008, le conseiller-auditeur a rejeté leur demande. À titre liminaire, il a fait observer que cette demande n’était pas stricto sensu fondée sur un intérêt légitime à la protection de secrets d’affaires et d’autres informations confidentielles. Il a, dès lors, indiqué qu’il l’examinerait du point de vue de leur droit d’être entendues. À cet égard, il a relevé que l’argumentation en question des requérantes concernait le comportement de Degussa et, pour pouvoir être prise en considération par la Commission en tant que circonstance atténuante, sa valeur probante devrait être vérifiée par une comparaison avec une déclaration à obtenir de Degussa. En outre, une audition à huis clos priverait Degussa de son droit de répondre oralement aux allégations des requérantes la mettant en cause au moins indirectement. Il a ajouté, s’agissant de la solution alternative proposée par les requérantes, qu’elle n’était pas réalisable, dès lors que ni le moment auquel les négociations entre les requérantes et Degussa se termineraient ni leur issue n’étaient certains.

13      Une audition s’est tenue les 10 et 11 novembre 2008.

14      Par lettre du 28 janvier 2009, les requérantes, après avoir rappelé leur demande rejetée par la lettre du conseiller-auditeur mentionnée au point 12 du présent arrêt, ont indiqué que, entre-temps, les négociations entre SKW et Degussa avaient abouti à la conclusion d’un nouveau contrat de fourniture, de sorte qu’il n’y avait plus aucune difficulté pour elles de présenter oralement, en présence de Degussa, la partie de leur argumentation concernant le rôle de cette dernière. Elles ont, dès lors, demandé au conseiller‑auditeur d’organiser une nouvelle audition, afin de leur donner l’occasion de présenter oralement cette partie de leur argumentation, non présentée lors de l’audition des 10 et 11 novembre 2008.

15      Par lettre du 3 février 2009, le conseiller-auditeur a rejeté cette nouvelle demande, au motif que le droit d’être entendu trouvait son origine dans la communication des griefs et n’était accordé qu’une seule fois. Le conseiller-auditeur a toutefois permis aux requérantes de compléter par écrit, dans un délai qu’il a fixé, leur argumentation relative au rôle de Degussa.

16      Par l’article 1er, sous f), de la décision litigieuse, la Commission a constaté que SKW Holding avait participé à l’infraction du 30 août 2004 au 16 janvier 2007 et que SKW avait participé à l’infraction du 22 avril 2004 au 16 janvier 2007. S’agissant de SKW, il ressort du considérant 226 de cette décision que la Commission a considéré que, pendant cette dernière période, des employés de cette société avaient été directement impliqués dans les accords et/ou les pratiques concertées de l’entente litigieuse. S’agissant de SKW Holding, il ressort du considérant 245 de ladite décision que, du 30 août 2004 au 16 janvier 2007, elle détenait 100 % du capital de SKW et, pour les motifs exposés aux considérants 245 à 250 de cette même décision, la Commission a estimé qu’elle faisait partie de la même unité économique que SKW et pouvait, dès lors, être tenue pour responsable de l’infraction aux règles de la concurrence commise par cette dernière.

17      Par l’article 2, sous f), de la décision litigieuse, la Commission a infligé aux requérantes ainsi qu’à Arques Industries AG, devenue Gigaset AG, du fait de leur participation à l’infraction litigieuse, pour la période du 30 août 2004 au 16 janvier 2007, une amende de 13,3 millions d’euros, en les désignant solidairement responsables pour le paiement de cette amende. En outre, par l’article 2, sous g), de cette décision, elle a infligé, pour la période du 22 avril 2004 au 30 août 2004, à Degussa, AlzChem Hart GmbH et SKW, désignées comme étant toutes solidairement responsables, une amende de 1,04 million d’euros.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er octobre 2009, SKW Holding et SKW ont demandé l’annulation de la décision litigieuse, en ce qu’elle les vise, ou, à titre subsidiaire, l’annulation ou la réduction du montant des amendes infligées par cette décision.

19      À l’appui de leur recours, les requérantes ont présenté six moyens, tirés, le premier, de la violation de leur droit d’être entendues, le deuxième, d’une application erronée de l’article 81 CE, le troisième, de la violation de l’obligation de motivation, le quatrième, de la violation du principe d’égalité de traitement, le cinquième, de la violation des articles 7 et 23 du règlement no 1/2003 ainsi que des principes de proportionnalité et de légalité des peines et, le sixième, d’une violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.

20      Le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité.

 Les conclusions des parties au pourvoi

21      SKW et SKW Holding demandent à la Cour :

–        à titre principal, d’annuler l’arrêt attaqué dans son intégralité pour autant qu’il a rejeté les demandes des requérantes et d’accueillir dans leur intégralité les demandes formées en première instance ;

–        à titre subsidiaire, d’annuler partiellement l’arrêt attaqué ;

–        à titre plus subsidiaire, de réduire ex aequo et bono les amendes qui leur ont été infligées à l’article 2, sous f) et g), de la décision litigieuse ;

–        à titre encore plus subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

–        de condamner la défenderesse aux dépens.

22      La Commission demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner les requérantes aux dépens.

 Sur le pourvoi

23      À l’appui de leur pourvoi, les requérantes invoquent quatre moyens.

24      Le premier moyen porte sur la violation du droit d’être entendu ainsi que des principes de proportionnalité et d’« interdiction de l’appréciation anticipée des preuves ». Le deuxième moyen est tiré de la violation des articles 101 et 296 TFUE. Le troisième moyen est pris du défaut de répartition par la Commission des quotes-parts de l’amende entre les débiteurs solidaires de celle-ci. Le quatrième moyen est tiré en substance de la violation de l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des articles 101 et 296 TFUE

 Argumentation des parties

25      Par la première branche de leur deuxième moyen, qu’il convient d’examiner en premier lieu, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir violé l’article 101 TFUE, en manquant à son obligation, découlant du point 74 de l’arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission (C‑97/08 P, EU:C:2009:536), de prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent SKW Holding et SKW afin d’imputer à la première la responsabilité des comportements de la seconde.

26      Plus particulièrement, il est fait grief au Tribunal de ne pas avoir suffisamment tenu compte de circonstances économiques essentielles de l’affaire, à savoir l’absence d’intérêt économique de SKW Holding dans l’entente, la nature des relations entre les requérantes et Degussa, ou encore le fait que, même après la vente de SKW à SKW Holding, Degussa a conservé des intérêts économiques et des moyens de contrôle sur SKW, ce qui constituerait un indice central que Degussa était en mesure d’exercer une influence déterminante sur SKW.

27      Par la seconde branche de leur deuxième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a violé l’article 296 TFUE, en constatant, notamment aux points 117 à 119 et 140 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait commis une erreur en ne répondant pas à une argumentation développée par les requérantes en vue de contester l’imputation du comportement de SKW à SKW Holding, sans pour autant annuler la décision litigieuse, au motif que la motivation en cause de la décision litigieuse était surabondante.

28      Selon les requérantes, cette motivation ne saurait être considérée comme surabondante, puisqu’elle faisait état d’une circonstance essentielle aux fins d’une appréciation globale de l’influence exercée par une société mère sur sa filiale.

29      De plus, le traitement réservé à ladite argumentation serait révélateur du fait que le Tribunal n’accorde pas suffisamment d’importance au droit essentiel des entreprises à ce que la Commission prête une attention suffisante aux éléments à décharge qu’elles invoquent afin de renverser la présomption d’influence déterminante. En effet, il serait essentiel que toutes ces circonstances à décharge fassent l’objet d’une appréciation exhaustive par la Commission, ainsi que l’aurait rappelé la Cour dans l’arrêt du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission (C‑90/09 P, EU:C:2011:21).

30      Or, en l’espèce, le Tribunal aurait dû constater que la Commission, en s’étant bornée à affirmer de manière sommaire que SKW Holding exerçait une influence déterminante sur SKW pendant la période du 30 août 2004 au 16 janvier 2007, avait omis de prendre en considération et d’évaluer de manière exhaustive l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques unissant SKW à son ancienne société mère, Degussa.

31      La Commission fait valoir que le deuxième moyen est irrecevable, en ce que, par celui-ci, les requérantes contestent l’appréciation par le Tribunal des preuves qui lui ont été soumises. La Commission ajoute que ce moyen est, en tout état de cause, non fondé.

 Appréciation de la Cour

32      Par la première branche de leur deuxième moyen, les requérantes reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir insuffisamment tenu compte de certains éléments de fait dans l’appréciation de l’exercice par SKW Holding d’une influence déterminante sur SKW, et en particulier de l’intérêt économique qu’avait conservé Degussa dans la gestion de son ancienne filiale, SKW.

33      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits et, en principe, pour examiner les preuves qu’il retient à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit ainsi que les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêt du 9 juillet 2015, InnoLux/Commission, C‑231/14 P, EU:C:2015:451, point 59 et jurisprudence citée).

34      En l’occurrence, force est de constater que les requérantes se limitent à contester l’appréciation des éléments de fait effectuée par le Tribunal quant à l’exercice d’une influence déterminante par SKW Holding sur SKW, sans lui reprocher d’avoir dénaturé ces éléments.

35      Dans ces conditions, la première branche du deuxième moyen doit être rejetée comme étant irrecevable.

36      Par la seconde branche du deuxième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir violé l’article 296 TFUE en n’ayant pas annulé la décision litigieuse, alors que la Commission n’y avait pas exposé les raisons pour lesquelles elle avait considéré que les éléments présentés par les requérantes étaient insuffisants pour renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante par SKW Holding sur SKW.

37      À cet égard, il convient de rappeler que la question de savoir si le Tribunal a pu, à bon droit, conclure que la Commission n’avait pas manqué à son obligation de motivation constitue une question de droit soumise au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, en ce sens, arrêts du 6 novembre 2008, Pays‑Bas/Commission, C‑405/07 P, EU:C:2008:613, point 44 ; du 3 septembre 2009, Moser Baer India/Conseil, C‑535/06 P, EU:C:2009:498, point 34, ainsi que du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 108).

38      Dès lors, la seconde branche du présent moyen est recevable.

39      Il doit être rappelé que l’obligation de motivation prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien‑fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés. Il s’ensuit que les griefs et les arguments tendant à mettre en cause le bien-fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen visant la violation de l’article 296 TFUE (arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 37 et jurisprudence citée).

40      Il convient également de rappeler que, si la motivation d’un acte de l’Union, exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte en cause de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la Cour d’exercer son contrôle, il n’est toutefois pas exigé qu’elle spécifie tous les éléments de droit ou de fait pertinents. Le respect de l’obligation de motivation doit, par ailleurs, être apprécié au regard non seulement du libellé de l’acte, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 70 ainsi que jurisprudence citée).

41      En l’occurrence, il y a lieu de considérer que, en constatant, aux points 139 à 144 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas méconnu l’obligation de motivation à laquelle elle était soumise, le Tribunal a procédé à une juste application des principes rappelés aux points 39 et 40 du présent arrêt.

42      Il ressort en effet de la décision litigieuse que la Commission, au considérant 245 de celle-ci, a imputé à SKW Holding la responsabilité du comportement de SKW en se fondant sur la détention, par la première, de 100 % du capital de la seconde, tout en relevant, au considérant 246 de cette même décision, que la présomption selon laquelle, du fait de cette détention, SKW Holding exerçait effectivement sur SKW une influence déterminante était confirmée par plusieurs autres éléments.

43      La Commission a, par la suite, aux considérants 247 à 250 de la décision litigieuse, écarté chacun des arguments que les requérantes, afin de renverser la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante par SKW Holding sur SKW, avaient avancés dans leurs observations écrites en réponse à la communication des griefs. Ainsi, à l’argument tiré de ce que SKW Holding n’avait pas eu connaissance de l’infraction, la Commission a, au considérant 247 de cette décision, renvoyé à la motivation déjà exposée de manière circonstanciée, au considérant 224 de ladite décision, motivation selon laquelle la référence à l’influence déterminante que SKW Holding était présumée avoir exercée sur SKW ne devait pas être comprise en ce sens qu’il lui avait été reproché d’avoir usé de son influence pour inciter sa filiale à participer à l’infraction ou, à tout le moins, de ne pas avoir usé de cette influence pour empêcher une telle participation. S’agissant de l’argument tiré de ce que SKW Holding n’avait aucun intérêt économique dans l’entente en cause, au motif qu’elle assurait le rôle de représentant commercial pour Degussa, la Commission, au considérant 248 de la décision litigieuse, a écarté cet argument en s’appuyant sur la lettre du contrat de livraison et de service, visé aux considérants 28 et 31 de cette décision, selon lequel aucune des parties n’avait négocié pour le compte de l’autre. Quant à l’argument selon lequel le rôle de SKW Holding auprès de SKW se limitait à celui de simple investisseur financier, la Commission, au considérant 250 de ladite décision, a considéré que, au regard de la jurisprudence de la Cour visée dans cette même décision, cet argument n’était pas de nature à remettre en cause la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante par SKW Holding sur SKW.

44      Dès lors, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a constaté, au point 145 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait satisfait à son obligation de motivation.

45      Une telle conclusion ne saurait être contredite par la circonstance, alléguée par les requérantes, selon laquelle la Commission n’aurait pas pris en considération, lorsqu’elle a adopté la décision litigieuse, leurs observations relatives à un courriel rédigé par un membre du personnel de SKW et auquel la Commission avait fait référence dans la communication des griefs pour affirmer que le personnel de SKW Holding avait connaissance de l’entente en cause.

46      En effet, ainsi que l’a retenu à bon droit le Tribunal aux points 118, 119 et 140 de l’arrêt attaqué, une telle circonstance serait insusceptible de caractériser une violation par cette institution de l’obligation de motivation, dès lors que, pour conclure que SKW Holding exerçait effectivement une influence déterminante sur le comportement de SKW sur le marché, la Commission s’est fondée, d’une part, sur la détention, par la première, de 100 % du capital de la seconde, et, d’autre part, sur le fait que cette institution avait mentionné, au considérant 246 de la décision litigieuse, plusieurs autres circonstances, s’étant avérées exactes et étant, à elles-seules, suffisantes pour fonder la conclusion relative à l’exercice, par SKW Holding, d’une influence déterminante sur SKW.

47      Eu égard à ce qui précède, le deuxième moyen doit être rejeté comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.

 Sur les troisième et quatrième moyens, tirés respectivement du défaut de répartition par la Commission des quotes-parts de l’amende imposée par la décision litigieuse entre les codébiteurs solidaires de celle-ci et de la violation de l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal

48      Par leur troisième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a violé les principes de clarté des sanctions ainsi que d’individualité des peines et des sanctions en s’abstenant d’annuler la décision litigieuse nonobstant la circonstance que la Commission n’a pas fixé la quote-part de l’amende solidaire devant être supportée par chacune des sociétés concernées dans ses relations avec ses codébiteurs solidaires, en méconnaissance des principes dégagés aux points 153 et 164 de l’arrêt du 3 mars 2011, Siemens et VA Tech Transmission & Distribution/Commission (T‑122/07 à T‑124/07, EU:T:2011:70).

49      Par leur quatrième moyen, dirigé contre les points 126 à 130 de l’arrêt attaqué, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir considéré que l’argumentation développée sur ce point devant le Tribunal était nouvelle et, partant, irrecevable, au sens de l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal dans sa version en vigueur avant le 1er juillet 2015.

50      À cet égard, s’agissant du troisième moyen, la Cour a déjà jugé, sur pourvoi contre l’arrêt du 3 mars 2011, Siemens et VA Tech Transmission & Distribution/Commission (T‑122/07 à T‑124/07, EU:T:2011:70), dont se prévalent les requérantes, que le pouvoir de sanction de la Commission ne s’étend pas à celui de déterminer les quotes-parts d’amende propres à chacun des codébiteurs solidaires dans le cadre de leur relations réciproques, mais qu’il incombe aux juridictions nationales d’y procéder, dans le respect du droit de l’Union, en faisant application du droit national (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2014 Commission e.a./Siemens Österreich e.a., C‑231/11 P à C‑233/11 P, EU:C:2014:256, points 58 et 67).

51      Dès lors, il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas avoir annulé la décision litigieuse au motif que la Commission n’avait pas fixé les quotes-parts d’amende propres à chacun des codébiteurs solidaires dans le cadre de leurs relations réciproques.

52      Le troisième moyen de pourvoi doit donc être rejeté comme étant non fondé.

53      Compte tenu de ce qui précède, le quatrième moyen de pourvoi, par lequel les requérantes font grief au Tribunal d’avoir rejeté comme étant irrecevable, sur la base de l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, de son règlement de procédure, leur argumentation relative à l’absence de fixation, dans la décision litigieuse, desdites quotes-parts, ne saurait, en tout état de cause, entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué et doit donc être rejeté comme étant inopérant.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu ainsi que des principes de proportionnalité et d’« interdiction de l’appréciation anticipée des preuves »

 Argumentation des parties

54      Par leur premier moyen, dirigé contre les points 35 à 63 de l’arrêt attaqué, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en jugeant que le refus du conseiller-auditeur d’organiser une audition à huis clos au cours de la procédure administrative n’avait pas méconnu leur droit d’être entendues.

55      Elles soutiennent qu’un tel refus constitue une violation du droit procédural à faire connaître utilement et exhaustivement leur point de vue sur les faits tant à l’écrit qu’à l’oral lors d’une audition, droit qui prévaut dès le stade de la procédure administrative. En effet, il appartiendrait à la Commission de faire droit à une demande d’audition à huis clos tout particulièrement lorsque, comme en l’espèce, d’une part, la société concernée tend à remettre en cause le constat d’influence déterminante par celle-ci sur sa filiale et que, d’autre part, l’existence même de cette société serait mise en péril par une audition en présence d’autres sociétés également poursuivies.

56      Les requérantes considèrent que, si le Tribunal, à la suite de la Commission, a, à bon droit, procédé à une mise en balance des intérêts en présence, à savoir, d’une part, celui des entreprises dont les informations confidentielles ne doivent pas être divulguées et, d’autre part, celui des autres entreprises à pouvoir se défendre contre d’éventuels éléments à charge, celui-ci a néanmoins effectué, en l’espèce, une appréciation totalement disproportionnée de ces intérêts à leur détriment.

57      Selon les requérantes, dès lors que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent si elles avaient été en mesure de présenter, lors d’une audition à huis clos, leur argumentation relative au rôle de Degussa, le Tribunal aurait dû annuler la décision litigieuse.

58      En effet, en retenant, au point 53 de l’arrêt attaqué, que cette argumentation n’était pas de nature à exempter les requérantes de leur responsabilité, le Tribunal aurait violé le « principe d’interdiction d’appréciation anticipée des preuves » et se serait fondé sur des éléments de preuve erronés, le conduisant à commettre une erreur d’appréciation concernant la valeur probante de ladite argumentation.

59      La Commission soutient que ce moyen doit être rejeté soit comme étant irrecevable, pour autant que, par celui-ci, les requérantes entendraient contester les constatations factuelles du Tribunal ainsi que son appréciation des preuves, soit, en tout état de cause, comme étant non fondé, dès lors que les requérantes ont eu suffisamment l’occasion, au cours de la procédure administrative, de faire valoir leur point de vue en ce qui concerne le rôle de Degussa dans l’entente. À cet égard, la Commission fait également valoir qu’elle est tenue d’autoriser toute entreprise susceptible d’être mise en cause à l’occasion d’une audition d’y être présente afin de lui permettre, d’une part, de prendre connaissance d’éléments susceptibles de conduire la Commission à lui opposer des griefs supplémentaires et, d’autre part, de se défendre.

 Appréciation de la Cour

60      Par le premier moyen de pourvoi, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir conclu, au point 63 de l’arrêt attaqué, que la Commission et le conseiller-auditeur ont suffisamment tenu compte de la nécessité de respecter leur droit d’être entendues lorsqu’ils ont refusé d’accéder à leur demande tendant à ce que soit organisée une audition à huis clos, compte tenu des éléments que ces dernières entendaient y exposer relativement à la situation de SKW vis-à-vis de Degussa.

61      À titre liminaire et ainsi qu’il ressort du point 56 du présent arrêt, il convient de relever que les requérantes ne contestent pas que, comme l’a retenu le Tribunal au point 39 de l’arrêt attaqué, il appartient au conseiller-auditeur, lorsqu’il doit apprécier l’opportunité d’organiser une audition à huis clos, de concilier la protection des droits de la défense de l’entreprise poursuivie pour une infraction alléguée aux règles de la concurrence du droit de l’Union avec l’intérêt légitime des tiers, des personnes ou des entreprises, ayant fourni des informations ou des pièces en rapport avec cette infraction présumée, à la protection de leurs secrets d’affaires et d’autres informations confidentielles.

62      Seules sont donc critiquées, dans le cadre du présent moyen, les modalités selon lesquelles le Tribunal a procédé à la mise en balance des intérêts en présence.

63      À cet égard, le point 62 de l’arrêt attaqué est libellé dans les termes suivants :

« En conclusion, il convient de relever que les requérantes semblent méconnaître le fait que leur argumentation relative au rôle de Degussa dans l’entente, après la cession de l’intégralité du capital de SKW, ainsi que leur demande tendant à ce que cette argumentation ne soit pas portée à la connaissance de Degussa, nécessitaient une conciliation des exigences découlant des droits de la défense des requérantes et ceux de Degussa, ainsi qu’une mise en balance des intérêts respectifs de ces entreprises. Les faits exposés aux points 24 à 32 [de l’arrêt attaqué] démontrent que le conseiller-auditeur n’a procédé à une telle mise en balance qu’après avoir entendu les explications des requérantes quant à la teneur de cette argumentation et à sa prétendue importance pour leur défense. Il ressort, de plus, des considérations exposées ci-dessus que c’est à juste titre que le conseiller-auditeur a conclu qu’il n’était pas justifié de donner la priorité à la protection des droits de la défense des requérantes et d’accepter, ainsi, une éventuelle violation des droits analogues de Degussa. [...] »

64      Il découle de ce point 62 de l’arrêt attaqué que, dans la mise en balance des intérêts en présence, le Tribunal a essentiellement considéré que les droits de la défense des requérantes ne sauraient prévaloir sur ceux de Degussa. À cet égard, aux points 58 et 59 de cet arrêt, il a estimé que le respect des droits de la défense de Degussa imposait que cette dernière fût mise en mesure, lors de l’audition, de prendre immédiatement connaissance des accusations la concernant, susceptibles d’être soulevées par les requérantes, et d’y répondre oralement.

65      Il ressort du point 55 de l’arrêt attaqué ainsi que des points 9 et 10 du présent arrêt que l’argumentation que les requérantes souhaitaient exposer à huis clos concernait le rôle de Degussa pour la période postérieure à la cession par celle-ci de SKW à SKW Holding. Or, ni au jour de l’audition ni même par la suite, Degussa n’a été poursuivie par la Commission au titre de cette période.

66      En conséquence, il doit être constaté que, pour refuser de faire droit à la demande des requérantes d’organiser une audition à huis clos, le conseiller-auditeur a pris en considération les droits de la défense de Degussa, alors que celle-ci ne pouvait pas s’en prévaloir du fait de sa qualité de tiers à la procédure au titre de ladite période.

67      À cet égard, le fait que certains des éléments communiqués à la Commission, dans le cas où celle-ci aurait fait droit à la demande d’audition à huis clos, auraient pu permettre, par la suite, à celle-ci de tenir Degussa pour responsable de l’infraction concernée pour une période plus longue que celle initialement retenue, est dépourvu de pertinence, puisque, en tout état de cause et ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 60 de ses conclusions, la Commission aurait été tenue, dans une telle hypothèse, d’adresser à cette dernière une communication des griefs complémentaire de nature à permettre à ladite société de présenter ses observations sur de tels éléments.

68      Dès lors, le Tribunal a commis une erreur de droit et violé le droit des requérantes d’être entendues, en considérant que le conseiller-auditeur pouvait refuser la tenue d’une audition à huis clos au motif qu’une telle audition aurait porté atteinte aux droits de la défense de Degussa.

69      Toutefois, il est de jurisprudence constante de la Cour que, pour qu’une violation des droits de la défense entraîne l’annulation de l’acte attaqué, il faut que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 79 ainsi que jurisprudence citée), ce qu’il appartient à l’entreprise concernée de démontrer (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C‑308/04 P, EU:C:2006:433, point 98).

70      À cet égard, il convient de relever que, au point 53 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que les affirmations des requérantes quant à l’influence de Degussa sur le comportement de SKW, même à les supposer exactes, étaient dépourvues de pertinence par rapport à la question de leur responsabilité pour l’infraction litigieuse.

71      Les requérantes contestent cette constatation en faisant valoir que la preuve du contrôle persistant de Degussa sur SKW après la vente de celle-ci à SKW Holding était tout à fait de nature à remettre en cause l’influence déterminante par cette dernière sur SKW, notamment eu égard au fait que SKW Holding n’était qu’un investisseur financier extérieur à la branche qui aurait acquis une entreprise commerciale spécialisée dans le domaine de la chimie.

72      Cette argumentation ne saurait être retenue. Ainsi qu’il ressort, en substance, des points 43, 119 et 120 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté, dans le cadre de son appréciation des faits, que l’imputation de la responsabilité pour l’infraction litigieuse à SKW Holding pouvait, en tout état de cause, être fondée sur plusieurs circonstances qui étaient, selon le Tribunal, à elles seules suffisantes pour fonder la conclusion relative à l’exercice, par SKW Holding, d’une influence déterminante sur SKW. Eu égard à cette constatation, le Tribunal a pu conclure, sans commettre d’erreur de droit, notamment aux points 48, 49 et 52 de l’arrêt attaqué, auxquels renvoie son point 53, que, pour contester cette imputation de responsabilité, SKW Holding devait démontrer qu’elle n’exerçait pas elle-même une telle influence, de telle sorte que la question de savoir si une autre entité, telle que Degussa, exerçait une influence déterminante n’était pas pertinente.

73      Dans la mesure où les requérantes reprochent encore au Tribunal d’avoir violé le « principe d’interdiction d’appréciation anticipée des preuves », leur argumentation ne saurait non plus prospérer. En effet, en constatant que les affirmations des requérantes quant à l’influence de Degussa sur le comportement de SKW, même à les supposer exactes, étaient dépourvues de pertinence par rapport à la question de leur responsabilité pour l’infraction litigieuse, le Tribunal n’a pas procédé à une appréciation anticipée des preuves, mais a seulement rejeté leur argumentation relative à l’influence de Degussa sur le comportement de SKW tout en supposant, en faveur des requérantes, que cette influence était établie.

74      De surcroît, il y a lieu de relever que, aux points 214 à 228 de l’arrêt attaqué, auxquels renvoie le point 56 de ce même arrêt, le Tribunal a refusé de faire droit au moyen des requérantes tiré du refus prétendument illégal de la Commission de reconnaître à leur égard des circonstances atténuantes, que celles-ci, ainsi que cela ressort du point 53 dudit arrêt, entendaient développer à huis clos.

75      En conséquence, les requérantes n’ont pas démontré que la procédure engagée contre elles aurait pu aboutir, en l’absence de l’irrégularité commise, à un résultat différent.

76      De plus, il ressort des points 31, 33 et 62 de l’arrêt attaqué, dont la teneur a été rappelée au point 15 du présent arrêt, que, postérieurement à la conclusion d’un nouveau contrat de fourniture entre SKW et Degussa, c’est-à-dire à un moment où il n’y avait plus de difficulté pour les requérantes de présenter leur argumentation concernant le rôle de Degussa, celles-ci ont été mises en mesure de soumettre des observations écrites à la Commission.

77      Il s’ensuit que le premier moyen de pourvoi doit être rejeté.

78      Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

79      Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

80      En vertu de l’article 138, paragraphe 1, dudit règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

81      La Commission ayant conclu à la condamnation de SKW et de SKW Holding aux dépens et celles-ci ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      SKW Stahl-Metallurgie GmbH et SKW Stahl-Metallurgie Holding AG sont condamnées à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.