Language of document : ECLI:EU:T:2012:474

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

26 septembre 2012 (*)

« Dumping – Importations de lampes fluorescentes compactes à ballast électronique intégré originaires de Chine – Demande de remboursement des droits perçus – Article 11, paragraphe 8, du règlement (CE) n° 384/96 [devenu article 11, paragraphe 8, du règlement (CE) n° 1225/2009] – Conditions – Preuve »

Dans l’affaire T‑269/10,

LIS GmbH Licht Impex Service, établie à Mettmann (Allemagne), représentée par Mes K.-P. Langenkamp, G. Hebrant et G. Holler, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. H. van Vliet et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2010) 2198 final de la Commission, du 12 avril 2010, concernant des demandes de remboursement de droits antidumping acquittés sur les importations de lampes fluorescentes compactes à ballast électronique intégré originaires de la République populaire de Chine,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM S. Papasavvas, président, V. Vadapalas (rapporteur) et K. O’Higgins, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 juin 2012,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Dispositions générales

1        Le règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, rectificatif JO 2010, L 7, p. 22) (ci-après le « règlement de base »)], établit, à l’article 2, paragraphes 1 à 7 (devenu article 2, paragraphes 1 à 7, du règlement de base), les règles pour déterminer la valeur normale des produits importés dans l’Union européenne.

2        Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 384/96 (devenu article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de base), « la valeur normale [d’un produit] est normalement basée sur les prix payés ou à payer, au cours d’opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur ».

3        Les autres dispositions de l’article 2, paragraphe 1, et celles de l’article 2, paragraphes 2 à 6, du règlement n° 384/96 contiennent les règles applicables à la détermination de la valeur normale lorsque les producteurs-exportateurs sont établis dans des pays ayant une économie de marché.

4        En revanche, l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement n° 384/96 [devenu article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base] comporte les règles à appliquer pour le calcul de la valeur normale dans le cas de produits provenant d’un pays n’ayant pas une économie de marché (ci-après les « règles PSEM »), dans les termes suivants :

« […] la valeur normale est [notamment] déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite, dans un pays tiers à économie de marché, du prix pratiqué à partir d’un tel pays tiers à destination d’autres pays, y compris la Communauté […] »

5        Toutefois, les exportateurs établis dans certains pays n’ayant pas une économie de marché, dont la Chine, peuvent demander le statut d’entreprise opérant dans des conditions d’économie de marché (ci-après le « SEM »). À cet égard, l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement n° 384/96 [devenu article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base] prévoit :

« b)      Dans le cas d’enquêtes antidumping concernant les importations en provenance [notamment de Chine], la valeur normale est déterminée conformément aux paragraphes 1 à 6, s’il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête […], que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit [en cause].

c)      La requête présentée au titre du point b) doit […] contenir des preuves suffisantes de ce que le producteur opère dans les conditions d’une économie de marché, à savoir si :

–        les décisions des entreprises [introduisant cette requête] concernant les prix et les coûts des intrants, par exemple des matières premières, de la technologie, de la main-d’œuvre, de la production, des ventes et des investissements, sont arrêtées en tenant compte des signaux du marché reflétant l’offre et la demande et sans intervention significative de l’État à cet égard, et si les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché,

–        [c]es entreprises utilisent un seul jeu de documents comptables de base, qui font l’objet d’un audit indépendant conforme aux normes internationales et qui sont utilisés à toutes fins,

–        les coûts de production et la situation financière [de ces] entreprises ne font l’objet d’aucune distorsion importante, induite par l’ancien système d’économie planifiée, notamment en relation avec l’amortissement des actifs, d’autres annulations comptables, le troc ou les paiements sous forme de compensation de dettes,

–        [ces] entreprises […] sont soumises à des lois concernant la faillite et la propriété, qui garantissent aux opérations des entreprises sécurité juridique et stabilité, et les opérations de change sont exécutées aux taux du marché. »

6        Par ailleurs, selon l’article 9, paragraphe 5, premier alinéa, dernière phrase, du règlement n° 384/96 (devenu article 9, paragraphe 5, premier alinéa, dernière phrase, du règlement de base), en règle générale, dans les cas visés par les règles PSEM, le règlement imposant un droit antidumping en fixe le montant pour le pays concerné.

7        Toutefois, aux termes de l’article 9, paragraphe 5, second alinéa, du règlement n° 384/96 (devenu article 9, paragraphe 5, second alinéa, du règlement de base) :

« En cas d’application de l’article 2, paragraphe 7, [sous] a), un droit individuel peut […] être déterminé pour les exportateurs dont il peut être démontré, sur la base de requêtes dûment documentées, que :

a)      dans le cas d’entreprises contrôlées entièrement ou partiellement par des étrangers ou d’entreprises communes, les exportateurs sont libres de rapatrier les capitaux et les bénéfices ;

b)       les prix à l’exportation, les quantités exportées et les modalités de vente sont décidés librement ;

c)      la majorité des actions appartient à des particuliers. Les fonctionnaires d’État figurant dans le conseil d’administration ou occupant des postes clés de gestion sont en minorité ou la société est suffisamment indépendante de l’intervention de l’État ;

d)      les opérations de change sont exécutées au taux du marché, et

e)      l’intervention de l’État n’est pas de nature à permettre le contournement des mesures si les exportateurs bénéficient de taux de droit individuels. »

8        Dans cette hypothèse, ces exportateurs se voient appliquer un droit antidumping calculé conformément à l’article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement n° 384/96 (ci-après le « traitement individuel »), différent de celui, calculé sur la base des règles PSEM, normalement appliqué aux exportations provenant de leur pays.

9        Enfin, s’agissant des demandes de remboursement de droits antidumping déjà acquittés, l’article 11, paragraphe 8, du règlement n° 384/96 (devenu article 11, paragraphe 8, du règlement de base) prévoit :

« [U]n importateur peut demander le remboursement de droits perçus lorsqu’il est démontré que la marge de dumping sur la base de laquelle les droits ont été acquittés a été éliminée ou réduite à un niveau inférieur au niveau du droit en vigueur.

Pour obtenir le remboursement du droit antidumping, l’importateur doit soumettre une demande à la Commission. […]

Une demande de remboursement n’est considérée comme dûment étayée par des éléments de preuve que lorsqu’elle contient des informations précises sur le montant du remboursement de droits antidumping réclamé et est accompagnée de tous les documents douaniers relatifs au calcul et au paiement de ce montant. Elle doit aussi comporter des preuves, pour une période représentative, des valeurs normales et des prix à l’exportation dans la Communauté pour l’exportateur ou le producteur auquel le droit est applicable. Lorsque l’importateur n’est pas lié à l’exportateur ou au producteur concerné et que cette information n’est pas immédiatement disponible ou que l’exportateur ou le producteur refuse de la communiquer à l’importateur, la demande doit contenir une déclaration de l’exportateur ou du producteur établissant que la marge de dumping a été réduite ou éliminée, conformément au présent article, et que les éléments de preuve pertinents seront fournis à la Commission. Lorsque ces éléments de preuve ne sont pas fournis par l’exportateur ou le producteur dans un délai raisonnable, la demande est rejetée. »

 Règlements antidumping concernés

10      Sur le fondement, d’abord, du règlement (CE) n° 255/2001 de la Commission, du 7 février 2001, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de lampes fluorescentes compactes à ballast électronique intégré originaires de la République populaire de Chine (JO L 38, p. 8), puis du règlement (CE) n° 1470/2001 du Conseil, du 16 juillet 2001, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de lampes fluorescentes compactes à ballast électronique intégré (CFL-i) originaires de la République populaire de Chine (JO L 195, p. 8) (ci-après les « règlements CFL-i »), l’Union a perçu un droit antidumping sur les importations de lampes fluorescentes compactes à ballast électronique intégré (ci-après les « CFL-i ») originaires de la République populaire de Chine, du 9 février 2001 au 17 octobre 2007.

11      Par le règlement (CE) n° 1205/2007 du Conseil, du 15 octobre 2007, instituant des droits antidumping sur les importations de lampes fluorescentes à ballast électronique intégré (CFL-i) originaires de la République populaire de Chine, à la suite d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures, effectué conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 384/96, et étendant ces mesures aux exportations du même produit expédiées de la République socialiste du Viêt Nam, de la République islamique du Pakistan et de la République des Philippines (JO L 272, p. 1), ce droit antidumping a notamment été prolongé jusqu’au 18 octobre 2008, date à laquelle il a expiré.

12      Il ressort des considérants 14 à 34 du règlement n° 255/2001, confirmés par le considérant 14 du règlement n° 1470/2001, que la valeur normale des CFL-i provenant de Chine a été déterminée sur la base des prix pratiqués sur le marché intérieur mexicain à l’égard des clients indépendants, sauf en ce qui concerne deux producteurs chinois qui avaient prouvé qu’ils remplissaient les critères prévus à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement n° 384/96 et avaient ainsi obtenu le SEM.

13      Par ailleurs, le considérant 35 du règlement n° 255/2001, confirmé par le considérant 17 du règlement n° 1470/2001, a établi que six autres producteurs chinois remplissaient les conditions pour bénéficier d’un traitement individuel.

 Antécédents du litige

14      En 2005, la requérante, LIS GmbH Licht Impex Service, a confié à une entreprise établie en Chine (ci-après « SGE ») la fabrication d’un modèle particulier de CFL-i, conçu par la requérante en tant qu’élément de lampes de design qu’elle commercialise. Entre l’automne 2005 et l’automne 2007, la requérante a importé dans l’Union les CFL-i produites par SGE. SGE ne fait partie ni des producteurs ayant demandé le SEM ni de ceux ayant demandé à bénéficier du traitement individuel.

15      Dans un rapport du 12 mai 2006, le Hauptzollamt Düsseldorf (Bureau principal des douanes de Düsseldorf, Allemagne) a estimé que les CFL-i importées par la requérante relevaient du champ d’application des règlements CFL-i et a ainsi émis, le 27 juin 2006, un avis de recouvrement des droits antidumping y afférant.

16      La requérante n’a pas contesté, devant les juridictions allemandes, la classification du produit importé opérée par le Hauptzollamt Düsseldorf et a payé les droits antidumping que celui-ci lui réclamait, pour un total de 89 868,01 euros.

17      Entre le 7 août 2006 et le 29 janvier 2008, la requérante a soumis à la Commission des Communautés européennes une série de demandes de remboursement des droits antidumping acquittés sur les importations de CFL-i (ci-après les « demandes de remboursement »), sur le fondement de l’article 11, paragraphe 8, du règlement n° 384/96.

18      Par une série de lettres envoyées entre le 4 septembre 2006 et le 20 novembre 2008, la Commission a informé la requérante du fait que, puisque SGE ne faisait pas partie des producteurs ayant obtenu le SEM ou le traitement individuel, les demandes de remboursement devaient être étayées par les éléments de preuve nécessaires, concernant en particulier les prix à l’exportation et la valeur normale des produits importés.

19      Le 15 mai 2008, la requérante a présenté une demande de réexamen intermédiaire du droit antidumping en cause, conformément à l’article 11, paragraphe 3, du règlement n° 384/96 (devenu article 11, paragraphe 3, du règlement de base). Par lettre du 15 octobre 2008, la Commission a informé la requérante qu’elle avait décidé de ne pas procéder au réexamen intermédiaire dudit droit antidumping, en raison de l’expiration de celui-ci à compter du 18 octobre 2008.

20      Par lettres des 25 juillet et 8 octobre 2008, la requérante a insisté sur le fait qu’il n’existait pas de produits comparables aux biens qu’elle avait importés, ni de prix comparables en Chine ou sur un quelconque autre marché. Il aurait donc été dépourvu de sens et impossible de fournir des preuves indiquant que la marge de dumping avait été éliminée ou avait diminué. En tout état de cause, puisque la requérante aurait acheté les CFL-i produites par SGE à un prix supérieur aux coûts de production de cette dernière, il n’y aurait jamais eu de marge de dumping.

21      Par lettre du 8 mai 2009, la Commission a fait part à la requérante de son intention de rejeter les demandes de remboursement. La requérante ayant exposé son point de vue à cet égard par lettre du 19 mai 2009, la Commission a précisé, par lettre du 27 octobre 2009, qu’elle était disposée à réexaminer les demandes de remboursement, pourvu que SGE complète la demande de SEM et le questionnaire s’y rapportant.

22      Dans sa réponse du 20 novembre 2009, la requérante a notamment informé la Commission qu’elle ne travaillait plus avec SGE, mais faisait désormais fabriquer ses CFL-i par un producteur allemand, à un prix inférieur à celui qu’elle payait à SGE pendant la période couverte par les demandes de remboursement. Selon la requérante, cela constituait une preuve tangible du fait que les biens pour lesquels le remboursement avait été demandé ne faisaient pas l’objet d’un dumping.

23      Par lettre du 18 décembre 2009, la Commission a fait savoir à la requérante que, à défaut d’informations complètes de la part de SGE sur le respect des conditions permettant d’obtenir le SEM, en particulier sur sa valeur normale et sur ses prix à l’exportation, elle avait l’intention de rejeter les demandes de remboursement.

24      Par la décision C (2010) 2198 final de la Commission, du 12 avril 2010, concernant des demandes de remboursement de droits antidumping acquittés sur les importations de CFL-i originaires de la République populaire de Chine (ci-après la « décision attaquée »), les demandes de remboursement ont été rejetées.

25      Au considérant 21 de la décision attaquée, la Commission a souligné que le fait que la requérante étayait ses allégations selon lesquelles les produits importés n’auraient pas fait l’objet d’un dumping en comparant des prix et des coûts sélectionnés ne rendait pas moins nécessaire l’établissement d’une nouvelle marge de dumping applicable à SGE pour la période couverte par les transactions faisant l’objet des demandes de remboursement, et ce pour toutes les ventes de CFL-i effectuées vers la Communauté par ce producteur. La coopération de SGE aurait été essentielle puisqu’elle était la seule partie qui pouvait fournir les informations pertinentes concernant la valeur normale et les prix à l’exportation, nécessaires pour déterminer une nouvelle marge de dumping.

 Procédure et conclusions des parties

26      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 juin 2010, la requérante a introduit le présent recours.

27      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

28      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige

29      La requérante soutient que les produits qu’elle a importés de Chine présentent des caractéristiques différentes de celles des CFL-i traditionnelles et ont ainsi un coût de production sensiblement plus élevé. Les particularités de ses CFL-i seraient démontrées par le fait que l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) a octroyé des droits de dessin ou modèle à ces produits.

30      Force est de constater, toutefois, que la requérante ne conteste pas la classification du produit en cause telle qu’elle a été opérée par le Hauptzollamt Düsseldorf, laquelle a eu pour conséquence l’application du droit antidumping, prévu aux règlements CFL-i, à ses importations.

31      Ainsi, les arguments que la requérante fait valoir contre la décision attaquée ne sauraient être interprétés comme mettant en cause la validité des règlements CFL-i ou l’applicabilité de ceux-ci aux produits importés par elle. Dès lors, l’invocation du fait que l’OHMI a octroyé des droits de dessin ou modèle aux produits d’éclairage décoratifs importés par la requérante est dénuée de toute pertinence.

32      En tout état de cause, il est de jurisprudence constante que la procédure de remboursement de droits antidumping, prévue à l’article 11, paragraphe 8, du règlement n° 384/96, ne permet pas de mettre en cause la validité du règlement instaurant ces droits ni de demander un réexamen des données générales, telles qu’elles ont été constatées au cours des enquêtes précédentes (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 27 juin 1995, PIA HiFi/Commission, T‑169/94, Rec. p. II‑1735, point 33, et la jurisprudence citée).

33      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, comme le fait valoir à bon droit la Commission, la requérante n’était pas dans l’impossibilité de contester la classification douanière du produit en cause faite par le Hauptzollamt Düsseldorf, étant donné que, conformément à l’article 243, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1), tel que modifié, toute personne a le droit d’exercer un recours contre les décisions prises par les autorités douanières qui ont trait à l’application de la réglementation douanière et qui la concernent directement et individuellement. Le cas échéant, la juridiction nationale compétente aurait pu, au titre de l’article 267 TFUE, demander à la Cour de statuer à titre préjudiciel sur la conformité de cette classification avec le droit de l’Union.

34      Il ressort de ce qui précède que le présent recours ne porte que sur la question de savoir si, dans la décision attaquée, la Commission a correctement appliqué l’article 11, paragraphe 8, du règlement n° 384/96.

 Sur le fond

35      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré du fait que la Commission, dans la décision attaquée, aurait mal interprété l’article 11, paragraphe 8, du règlement n° 384/96, en ne tenant pas compte du sens et de la finalité de cette disposition.

36      En particulier, la requérante fait valoir qu’il ressort du premier alinéa de cette disposition qu’un importateur peut demander le remboursement des droits antidumping perçus lorsqu’il démontre qu’il n’y a jamais eu de dumping dans le cas en cause. Elle reproche à la Commission d’interpréter de manière abstraite la notion de marge de dumping visée par cette disposition en ce qu’elle lui demande de fournir la preuve d’une modification des résultats constatés à l’issue des enquêtes effectuées par la Commission sur la situation du marché des CFL-i. La finalité des droits antidumping étant de défendre le marché intérieur contre les prix des importations faisant l’objet d’un dumping de la part de pays tiers, ces droits ne devraient pas être appliqués à un importateur tel que la requérante, qui aurait démontré que les produits importés ont été payés au prix du marché, supérieur au coût de production. Il en serait ainsi en l’espèce, dès lors que la requérante aurait démontré que les CFL-i fabriquées par SGE ont un coût de production de 1,58 dollar des États-Unis (USD) la pièce alors que la requérante les achète au prix de 1,70 USD la pièce.

37      À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que les règles pour calculer la valeur normale sont définies à l’article 2, paragraphes 1 à 7, du règlement n° 384/96. Pour les importations provenant de Chine, il est prévu que ce sont, en principe, les règles PSEM qui s’appliquent, bien que les producteurs-exportateurs chinois puissent obtenir le SEM s’ils démontrent qu’ils remplissent les conditions visées au paragraphe 7, sous c), dudit article.

38      Selon une jurisprudence constante, les conditions énumérées dans la dernière disposition visée ci-dessus sont cumulatives (arrêts du Tribunal du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, T‑35/01, Rec. p. II‑3663, point 54, et du 18 mars 2009, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, T‑299/05, Rec. p. II‑565, point 76).

39      Il ressort également de la jurisprudence que, si l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement n° 384/96 prévoit, pour certains pays, dont la Chine, une exception au mode de détermination de la valeur normale visé à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement n° 384/96, cette exception doit faire l’objet d’une interprétation stricte (voir arrêt Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, précité, point 50, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 14 novembre 2006, Nanjing Metalink/Conseil, T‑138/02, Rec. p. II‑4347, point 46).

40      Il importe de souligner que la charge de la preuve incombe au producteur qui souhaite bénéficier du SEM en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement n° 384/96. À cet effet, l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, du règlement n° 384/96 [devenu article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, du règlement de base] prévoit que la requête présentée par un tel producteur doit contenir les preuves suffisantes, telles que spécifiées à cette dernière disposition, de ce qu’il opère dans les conditions d’une économie de marché. Partant, il n’incombe pas aux institutions de l’Union de prouver que le producteur ne satisfait pas aux conditions prévues pour bénéficier dudit statut. Il appartient, en revanche, à ces institutions d’apprécier si les éléments fournis par le producteur concerné sont suffisants pour démontrer que les critères énoncés audit article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, sont satisfaits pour lui reconnaître le SEM et au juge de l’Union de vérifier si cette appréciation n’est pas entachée d’une erreur manifeste [arrêt de la Cour du 2 février 2012, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil, C‑249/10 P, non encore publié au Recueil, point 32, et arrêt Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, précité, point 53].

41      En second lieu, il convient de rappeler qu’un producteur-exportateur qui n’a pas obtenu le SEM peut bénéficier du traitement individuel, à condition qu’il prouve qu’il répond aux conditions visées à l’article 9, paragraphe 5, second alinéa, du règlement n° 384/96.

42      Puisque, à l’instar du SEM, le traitement individuel est une exception à l’application des règles PSEM aux importations provenant de pays tels que la Chine, par analogie avec la jurisprudence mentionnée au point 38 ci-dessus, il y a lieu de considérer que les conditions pour le traitement individuel sont elles aussi cumulatives et que la charge de la preuve incombe également à l’entreprise qui demande ce traitement.

43      En l’espèce, les règlements CFL-i ont conduit au calcul de la valeur normale sur la base des prix pratiqués au Mexique pour les CFL-i, selon les règles PSEM. Des exportateurs autres que SGE ont obtenu soit le SEM soit le traitement individuel (voir points 12 et 13 ci-dessus).

44      Or, pour bénéficier du SEM ou du traitement individuel, ce qui leur aurait permis de ne pas se voir appliquer le droit antidumping fixé, par les règlements CFL-i, sur la base des données découlant de l’application des règles PSEM, la requérante et SGE auraient dû produire les preuves démontrant que cette dernière remplissait les conditions visées au point 5 ci-dessus, pour le SEM, ou au point 7 ci-dessus, pour le traitement individuel.

45      Ces mêmes preuves sont requises pour que la Commission fasse droit aux demandes de remboursement. En effet, s’il n’en était pas ainsi, la requérante et SGE se trouveraient dans une situation plus avantageuse que celle des producteurs-exportateurs et des importateurs liés à ces derniers qui ont obtenu une dérogation au droit antidumping fixé selon les règles PSEM, et ce sans aucune justification.

46      À cet égard, il y a lieu d’observer, à l’instar de la Commission, qu’un règlement instituant des droits antidumping présente un caractère normatif abstrait et général, en ce qu’il établit des droits antidumping à appliquer à une large gamme de modèles d’un même produit, fabriqués par un grand nombre de producteurs. Pour calculer le montant de ces droits, les institutions de l’Union se fondent sur les informations communiquées par les producteurs-exportateurs et les importateurs qui leur sont liés qui ont accepté de coopérer à l’enquête antidumping menée par la Commission. Sur la base des informations ainsi obtenues, ces institutions se prononcent sur l’existence de pratiques de dumping en ce qui concerne un produit particulier originaire d’un pays déterminé. Si de telles pratiques sont avérées, les institutions établissent un droit antidumping qui s’applique à l’ensemble des modèles du produit concerné ainsi que, en principe, à tous les producteurs du pays en question.

47      Cependant, lorsqu’une entreprise importatrice, comme la requérante, estime que le producteur-exportateur auprès duquel elle s’est approvisionnée n’a pas pratiqué de dumping, il lui est loisible d’introduire une demande de remboursement au titre de l’article 11, paragraphe 8, du règlement n° 384/96. À cette fin, elle doit démontrer qu’il y a eu une élimination ou une réduction de la marge de dumping, en renversant la présomption selon laquelle ledit producteur-exportateur pratique le dumping avec une marge calculée sur la base des données découlant de l’application des règles PSEM. Cette présomption ne peut être renversée que si l’importateur et/ou le producteur-exportateur fournissent les mêmes éléments de preuve que ceux requis pour obtenir le SEM ou le traitement individuel et qui permettent de ne pas être soumis, dès le début, au droit antidumping calculé sur la base des données découlant de l’application des règles PSEM.

48      Or, la requérante a admis, dans une lettre qu’elle a envoyée à la Commission le 20 janvier 2010, que SGE n’avait pas complété le « Preliminary Form for Companies claiming Market Economy Status » (questionnaire préliminaire pour les entreprises demandant le SEM), qui vise à recueillir les informations nécessaires à l’obtention du SEM. La première page de ce formulaire spécifie qu’il est utilisable pour solliciter non seulement le SEM, mais également le traitement individuel.

49      Il ressort du dossier que la requérante n’a fourni à la Commission que les éléments de preuve suivants concernant la valeur normale et le prix à l’exportation de SGE :

–        un relevé, établi par SGE, des coûts de production des CFL-i fabriquées par cette dernière pour la requérante ;

–        une lettre de SGE dans laquelle elle confirme qu’elle ne subit aucune influence de l’État chinois et que sa production n’est aucunement influencée par des subventions publiques ;

–        une déclaration de SGE selon laquelle elle était disposée à collaborer avec la Commission ;

–        l’ensemble des factures de SGE relatives aux CFL-i importées par la requérante.

50      Or, ainsi que le fait remarquer à juste titre la Commission, force est de constater que ces éléments ne permettent pas de vérifier si les conditions pour l’obtention du SEM ou du traitement individuel sont réunies. Par exemple, ces éléments ne fournissent aucune information concernant la composition de l’actionnariat de SGE, les coûts des matières premières qu’elle utilise ou l’utilisation par elle d’un jeu unique de documents comptables de base faisant l’objet d’un audit indépendant conforme aux normes internationales.

51      Certes, seule la coopération de SGE aurait pu permettre à la requérante de fournir les preuves nécessaires. Cependant, l’absence de coopération du producteur-exportateur est un risque qu’un importateur avisé est censé connaître et assumer, lorsqu’il décide d’importer un produit visé par un règlement instituant un droit antidumping qui est publié au Journal officiel de l’Union européenne. En effet, ce risque est inhérent au fait que le règlement n° 384/96 soumet l’attribution du SEM ou du traitement individuel à la production d’informations que seuls les producteurs-exportateurs sont en mesure de fournir. Cela ne signifie pas que la possibilité pour un importateur d’introduire une demande de remboursement contenant toutes les informations nécessaires est tributaire de la bonne volonté des producteurs-exportateurs auxquels il s’adresse, dès lors qu’un importateur peut se protéger contre le risque d’un manque de coopération de la part de ces derniers par l’adoption de mesures de précautions lors de la rédaction et de la conclusion des contrats avec ces producteurs-exportateurs.

52      En l’espèce, ces considérations s’appliquent d’autant plus que la requérante a maintenu des relations commerciales avec SGE jusqu’à l’automne de l’année 2007, alors qu’elle avait appris, par l’avis de recouvrement du Hauptzollamt Düsseldorf du 27 juin 2006, que ses importations de CFL-i étaient soumises à un droit antidumping de 66,1 %.

53      Quant au fait invoqué par la requérante selon lequel elle aurait prouvé que le prix d’exportation de SGE était supérieur aux coûts de production de cette dernière, il doit être relevé, comme le souligne à juste titre la Commission, premièrement, que ces données n’auraient pu être utilisées que s’il avait été démontré que SGE respectait les conditions requises pour bénéficier du SEM ou d’un traitement individuel.

54      Deuxièmement, les coûts de production à eux seuls ne sont pas déterminants pour le calcul de la valeur normale, puisque ce calcul est basé sur le prix de vente sur le marché national, conformément à l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 384/96. En effet, aux termes de cette disposition, la valeur normale correspond aux prix payés ou à payer, au cours d’opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur. Par conséquent, les éléments fournis par la requérante ne permettent pas d’établir la valeur normale, car la requérante n’a produit aucun document indiquant à quel prix les CFL-i réalisées par SGE étaient vendues sur le marché chinois.

55      Troisièmement, les prix à l’exportation facturés par SGE à la requérante ne suffisent pas à eux seuls pour déterminer les prix à l’exportation applicables. En effet, il aurait fallu que la Commission connaisse les prix de toutes les exportations de CFL-i effectuées par SGE vers l’Union. Si la requérante a déclaré être la seule entreprise à avoir importé dans l’Union les CFL-i produites par SGE, cette dernière n’a jamais confirmé cette déclaration. Ainsi, la requérante n’a pas communiqué d’éléments établissant à quel prix moyen SGE a vendu les lampes en question sur le marché de l’Union.

56      Quant à l’argument de la requérante selon lequel la Commission, au lieu d’exiger d’elle la preuve que les conditions générales du marché avaient changé, aurait dû interpréter l’article 11, paragraphe 8, du règlement n° 384/96 de manière téléologique, en tenant compte du fait que, dans le cas d’espèce, il aurait été prouvé que SGE n’avait jamais pratiqué de dumping, il suffit de constater que la Commission n’a pas exigé que la requérante prouve que lesdites conditions avaient changé. Au contraire, la Commission a rejeté les demandes de remboursement au seul motif que la requérante avait omis de produire les preuves nécessaires pour apprécier non pas les conditions générales du marché, mais précisément la marge de dumping applicable à SGE. En effet, puisque la marge de dumping est définie, à l’article 2, paragraphe 12, du règlement n° 384/96 (devenu article 2, paragraphe 12, du règlement de base), comme correspondant à la différence entre la valeur normale et le prix à l’exportation, il est impossible, sans ces éléments, d’établir si cette marge a été réduite, a été éliminée ou si elle a jamais existé en ce qui concerne SGE.

57      Par ailleurs, la Commission est fondée à soutenir que, au vu du libellé de l’article 11, paragraphe 8, du règlement n° 384/96, toute interprétation permettant de donner suite à une demande de remboursement qui ne serait pas accompagnée des données relatives à la valeur normale et aux prix à l’exportation serait contra legem. En effet, une telle interprétation, outre qu’elle irait manifestement à l’encontre du libellé clair de la disposition en cause, ne serait pas compatible avec les principes de sécurité juridique et d’égalité de traitement, dans la mesure où les exportateurs qui, avant l’adoption des règlements CFL-i, ont cherché à ne pas être soumis au droit antidumping déterminé selon les règles PSEM ont dû fournir exactement les preuves que la Commission a demandé à la requérante de fournir au soutien des demandes de remboursement.

58      Enfin, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel l’absence de dumping serait prouvée par la circonstance que, depuis l’été 2009, elle achète les CFL-i dont elle a besoin auprès d’un producteur allemand, à un prix plus avantageux que celui pratiqué par SGE, il convient de noter que, ainsi que le fait observer la Commission, ladite circonstance est sans incidence sur l’établissement de l’existence du dumping, laquelle est déterminée exclusivement par une comparaison entre la valeur normale et le prix à l’exportation de SGE. L’argument de la requérante vise plutôt à prouver que les exportations de SGE n’ont prétendument causé aucun préjudice à l’industrie communautaire. La question du préjudice est cependant sans incidence sur celle du remboursement des droits antidumping conformément à l’article 11, paragraphe 8, du règlement n° 384/96, car le remboursement est subordonné à la condition que la marge de dumping soit inférieure au droit antidumping, indépendamment de l’existence d’un préjudice.

59      Il ressort de ce qui précède que le moyen unique de la requérante n’est pas fondé. Dès lors, il y a lieu de rejeter le présent recours.

 Sur les dépens

60      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      LIS GmbH Licht Impex Service est condamnée aux dépens.

Papasavvas

Vadapalas

O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 septembre 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.