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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

11 juin 2024 (*)

« Procédure – Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑24/22 DEP,

Ugo Bensoussan, demeurant à Paris (France), représenté par Mes V. Bouchara et A. Maier, avocates,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Lulu’s Fashion Lounge LLC, établie à Chico, California (États-Unis), représentée par Mes C. Bercial Arias et K. Dimidjian-Lecompte, avocates,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, R. Mastroianni et S. L. Kalėda (rapporteur), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu l’arrêt du 8 février 2023, Bensoussan/EUIPO – Lulu's Fashion Lounge (LOULOU STUDIO) (T‑24/22, non publié, EU:T:2023:54),

rend la présente

Ordonnance

1        Par sa demande, fondée sur l’article 170 du règlement de procédure du Tribunal, l’intervenante, Lulu’s Fashion Lounge LLC, demande au Tribunal de fixer à la somme de 10 511,64 euros le montant des dépens récupérables devant être payés par le requérant, M. Ugo Bensoussan, au titre des frais qu’elle a exposés dans le cadre de la procédure dans l’affaire T 24/22.

 Antécédents de la contestation

2        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 janvier 2022 et enregistrée sous le numéro T‑24/22, le requérant a introduit un recours fondé sur l’article 263 TFUE tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 12 novembre 2021 (affaire R 480/2021-4), rendue dans le cadre d’une procédure d’opposition entre l’intervenante et le requérant (ci-après la « décision attaquée »).

3        L’intervenante a participé à la procédure devant le Tribunal et a soutenu les conclusions de l’EUIPO. Elle a conclu au rejet du recours et à la condamnation du requérant aux dépens.

4        Par un arrêt du 8 février 2023, Bensoussan/EUIPO – Lulu's Fashion Lounge (LOULOU STUDIO) (T‑24/22, non publié, EU:T:2023:54), le Tribunal a rejeté le recours et condamné le requérant à supporter les dépens exposés par l’intervenante.

5        Par courriers électroniques des 27 octobre et 28 novembre 2023, l’intervenante a informé le requérant que le montant total des dépens récupérables s’élevait à 8 011,64 euros et lui a demandé le remboursement de ce montant.

6        Par courrier électronique du 6 décembre 2023, le requérant a accepté, en principe, de payer une somme de 550 euros, qui représentait les frais exposés devant la chambre de recours, mais a refusé de s’acquitter de la somme de 7 461,64 euros, réclamée par l’intervenante au titre de la procédure devant le Tribunal.

7        Aucun accord n’est intervenu entre les parties sur le montant des dépens récupérables.

 Conclusions des parties

8        L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        fixer le montant des dépens récupérables, dont le remboursement incombe au requérant, à 550 euros au titre de la procédure devant la chambre de recours ;

–        fixer le montant des dépens récupérables, dont le remboursement incombe au requérant, à 7 461,64 euros au titre de la procédure principale devant le Tribunal ;

–        fixer les dépens récupérables, dont le remboursement incombe au requérant, à 2 500 euros au titre de la présente procédure de taxation des dépens.

9        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande de l’intervenante pour autant qu’elle vise des dépens non récupérables ;

–        fixer le montant total des dépens récupérables à un montant substantiellement inférieur à celui réclamé par l’intervenante.

 En droit

10      Aux termes de l’article 170, paragraphe 3, du règlement de procédure, s’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, après avoir mis la partie concernée par la demande en mesure de présenter ses observations.

11      Selon l’article 140, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ». Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et qui ont été indispensables à cette fin (voir ordonnance du 6 mars 2003, Nan Ya Plastics et Far Eastern Textiles/Conseil, T 226/00 DEP et T 227/00 DEP, EU:T:2003:61, point 33 et jurisprudence citée).

12      Il ressort de la présente demande et des factures présentées par l’intervenante que le montant demandé se décompose comme suit :

–        550 euros au titre de la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ;

–        1 700 euros au titre de la préparation du dossier, de la rédaction et du dépôt du mémoire en réponse de l’intervenante devant le Tribunal ;

–        670 euros au titre de la rédaction d’un compte-rendu de l’arrêt du Tribunal ;

–        4 402,50 euros au titre de la préparation de l’audience de plaidoiries, de la participation à celle-ci et de la rédaction un compte-rendu de cette audience ;

–        689,14 euros correspondant aux frais et débours liés à l’audience de plaidoiries.

 Sur les dépens exposés aux fins de la procédure de recours devant la chambre de recours de l’EUIPO

13      En ce qui concerne le montant de 550 euros demandé au titre de la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, il y a lieu de constater qu’il a été fixé dans le dispositif de la décision attaquée et que la requérante ne le conteste pas.

14      Or, il convient de relever que, à la suite du rejet par le Tribunal du recours au principal formé par la requérante, la décision attaquée est devenue définitive, conformément à l’article 71, paragraphe 3, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne (JO 2017, L 154, p.1).

15      Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les dépens engagés devant l’EUIPO, dans la mesure où ils ont été fixés dans la décision attaquée, laquelle forme un titre exécutoire que l’intervenante pourra donc faire exécuter à l’encontre du requérant, ainsi qu’il résulte des termes de l’article 110 du règlement 2017/1001 [voir ordonnance du 11 avril 2019, Stada Arzneimittel/EUIPO – Urgo recherche innovation et developpement (Immunostad), T‑403/16 DEP, non publiée, EU:T:2019:249, point 36 et jurisprudence citée].

 Sur les dépens exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal

 Sur les honoraires d’avocat

16      Il est de jurisprudence constante que le juge de l’Union est habilité non à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées auprès du requérant. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils [voir ordonnance du 26 janvier 2017, Nürburgring/EUIPO – Biedermann (Nordschleife), T‑181/14 DEP, EU:T:2017:41, point 10 et jurisprudence citée].

17      Il convient également de rappeler que, à défaut de dispositions du droit de l’Union de nature tarifaire ou relatives au temps de travail nécessaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a présentés pour les parties [voir ordonnance du 26 janvier 2017, Nordschleife, T‑181/14 DEP, EU:T:2017:41, point 11 et jurisprudence citée].

18      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier le montant des dépens récupérables en l’espèce.

19      En premier lieu, le Tribunal relève que l’affaire au principal ne présentait, quant à son objet et à sa nature, aucune complexité particulière. En effet, cette affaire posait une question relevant du contentieux habituel du droit des marques, à savoir celle relative au risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. L’affaire en cause ne concernait ni une question de droit nouvelle ni une question de fait complexe et ne saurait, par conséquent, être considérée comme particulièrement difficile. De même, il y a lieu de considérer que l’affaire ne revêtait pas une importance particulière au regard du droit de l’Union, dans la mesure où l’arrêt du 8 février 2023, LOULOU STUDIO (T‑24/22, non publié, EU:T:2023:54) s’inscrit dans une lignée de jurisprudence bien établie.

20      En deuxième lieu, s’agissant des intérêts économiques en jeu, il est constant que, eu égard à l’importance des marques dans le commerce, l’intervenante avait un intérêt certain à ce que soit rejeté le recours de la requérante tendant à l’annulation de la décision attaquée. Néanmoins, en l’absence d’éléments concrets apportés par l’intervenante, son intérêt économique ne saurait être considéré comme inhabituel ou significativement différent de celui qui sous-tend toute procédure d’opposition.

21      En troisième lieu, en ce qui concerne l’ampleur du travail que la procédure a pu engendrer pour les représentantes de l’intervenante, il importe de rappeler qu’il appartient au juge de l’Union de tenir principalement compte du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels les prestations effectuées ont pu être réparties [voir ordonnance du 29 novembre 2016, TrekStor/EUIPO – Scanlab (iDrive), T‑105/14 DEP, non publiée, EU:T:2016:716, point 16 et jurisprudence citée].

22      En l’espèce, l’intervenante a produit devant le Tribunal un mémoire en réponse de onze pages, hors annexes, comportant sept pages d’argumentation. Elle a également participé à une audience de plaidoiries.

23      S’agissant du montant de 1 700 euros mentionné au point 12 ci-dessus, au titre de la préparation du dossier, de la rédaction et du dépôt du mémoire en réponse, l’intervenante fait valoir qu’il résulte de l’application d’un taux horaire de 250 euros. À cet égard, il convient de relever que les représentantes de l’intervenante disposaient déjà d’une connaissance étendue de l’affaire du fait d’avoir représenté celle-ci préalablement à l’introduction du recours au principal, lors de la procédure devant la division d’opposition et la chambre de recours de l’EUIPO. Cette considération est de nature à avoir, en partie, facilité le travail et réduit le temps consacré à la rédaction du mémoire en réponse (voir, en ce sens, ordonnance du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192, point 29 et jurisprudence citée). Dans ces conditions, le montant de 1 700 euros demandé au titre du mémoire en réponse doit être considéré comme excessif.

24      S’agissant du montant de 670 euros mentionné au point 12 ci-dessus, demandé au titre d’un compte-rendu de l’arrêt du Tribunal, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la récupération des dépens se rapportant à la période postérieure à la phase orale de la procédure lorsqu’aucun acte de procédure n’a été adopté après l’audience doit être refusée (voir ordonnance du 10 avril 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑279/04 DEP, non publiée, EU:T:2014:233, point 39 et jurisprudence citée). Dès lors, ce montant ne peut être considéré comme étant indispensable aux fins de la procédure devant le Tribunal.

25      S’agissant du montant de 4 402,50 euros, mentionné au point 12 ci-dessus, il ressort de la facture produite par l’intervenante, lue à la lumière de la demande de taxation, que ce montant inclut le fait d’avoir été informé que la tenue d’une audience de plaidoiries avait été décidée et d’avoir répondu à des questions, la préparation de l’audience du 7 décembre 2022 et l’envoi des notes d’audience aux interprètes du Tribunal, la participation à cette audience et la rédaction d’un compte-rendu de cette audience.

26      À cet égard, le Tribunal, tout en reconnaissant la nécessité d’une préparation minutieuse de l’audience de plaidoiries et la charge de travail qui est susceptible d’en résulter, considère que, en raison du faible volume des écritures des parties, de l’absence de questions factuelles et juridiques complexes et nouvelles au stade de la phase orale de la procédure, et de la durée de l’audience, égale à 32 minutes, le montant de 4 402,50 euros demandé est manifestement excessif. Il s’y ajoute que les considérations évoquées au point 25 ci-dessus s’appliquent à la partie du montant demandé correspondant à un compte-rendu de l’audience de plaidoiries à l’intervenante.

27      Eu égard à ce qui précède, il sera fait une juste appréciation des honoraires d’avocat récupérables par l’intervenante au titre de la procédure devant le Tribunal en fixant leur montant à 2 000 euros.

 Sur les débours

28      S’agissant du montant de 689,14 euros sollicité au titre des frais et débours, l’intervenante indique qu’il inclut les billets de train, les frais de taxis et d’hôtel ainsi que des repas.

29      Or, d’une part, il y a lieu de constater, à l’instar du requérant, que les factures présentées par l’intervenante aboutissent à un total de 592,90 euros. D’autre part, l’intervenante ne fournit pas d’explication quant au caractère indispensable de l’échange d’un billet de train, ayant entrainé un coût supplémentaire de 71 euros. En ce qui concerne les frais de taxi et d’hôtel ainsi que les repas, ils ont été justifiés par des factures jointes en annexe de la demande de taxation des dépens et n’apparaissent pas disproportionnés. Il convient donc de retenir un montant de débours remboursables de 521,90 euros.

 Sur les frais afférents à la présente procédure de taxation des dépens

30      En ce qui concerne la somme forfaitaire de 2 500 euros réclamée par l’intervenante pour la conduite de la présente procédure de taxation des dépens, il convient de rappeler que, en fixant les dépens récupérables, le Tribunal tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de la signature de l’ordonnance de taxation des dépens, y compris des frais indispensables afférents à la procédure de taxation des dépens (voir ordonnance du 11 avril 2019, Immunostad, T‑403/16 DEP, non publiée, EU:T:2019:249, point 31 et jurisprudence citée).

31      Selon une jurisprudence constante, une demande de taxation des dépens présente un caractère plutôt standardisé et se distingue, en principe, par l’absence de toute difficulté pour l’avocat qui a déjà traité du fond de l’affaire (voir ordonnance du 11 avril 2019, Immunostad, T‑403/16 DEP, non publiée, EU:T:2019:249, point 32 et jurisprudence citée).

32      En l’espèce, il convient d’observer que la demande de taxation des dépens se limite à exposer brièvement les montants des dépens dont le remboursement est demandé et leur affectation globale. Dans ces circonstances, un montant total de 500 euros doit être considéré comme raisonnable pour couvrir les dépens liés à la présente procédure.

33      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables par l’intervenante en fixant leur montant à 3 021,90 euros, lequel montant tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de l’adoption de la présente ordonnance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

Le montant total des dépens à rembourser par M. Ugo Bensoussan à Lulu’s Fashion Lounge LLC est fixé à 3 021,90 euros.

Fait à Luxembourg, le 11 juin 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

D. Spielmann


*      Langue de procédure : l’anglais.