Language of document : ECLI:EU:T:2006:286

Document de travail

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

3 octobre 2006(*)

« Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑74/00 DEP,

Artegodan GmbH, établie à Lüchow (Allemagne), représentée par Me U. Doepner, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. H. Støvlbæk, en qualité d’agent, assisté de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens à rembourser par la partie défenderesse à la partie requérante, à la suite de l’arrêt du Tribunal du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission (T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, Rec. p. II‑4945),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij et Mme I. Pelikánová, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Procédure

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 mars 2000, Artegodan GmbH a introduit un recours en annulation contre la décision de la Commission du 9 mars 2000 concernant le retrait des autorisations de mise sur le marché des médicaments à usage humain contenant de l’amfépramone [C (2000) 453, ci-après la « décision attaquée »].

2        Entre le 30 mars et le 25 mai 2000, quinze autres entreprises ont formé des recours en annulation contre la décision attaquée (affaires T-76/00 et T‑141/00) ainsi que contre les deux autres décisions de la Commission du 9 mars 2000 concernant le retrait des autorisations de mise sur le marché des médicaments à usage humain contenant d’autres substances anorexigènes de type amphétaminique, notamment de la norpseudoéphédrine, du clobenzorex et du fenproporex [C (2000) 608] (affaires T-83/00 à T-85/00), et de la phentermine [C (2000) 452] (affaires T-132/00 et T-137/00). Par actes séparés, déposés au greffe du Tribunal les mêmes jours que les demandes principales, elles ont présenté sept demandes de sursis à l’exécution des trois décisions attaquées.

3        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 30 mars 2000, la requérante a demandé le sursis à l’exécution de la décision attaquée. Elle a également sollicité, sur le fondement de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, qu’il soit statué de manière urgente sur cette demande.

4        Le 11 avril 2000, le président du Tribunal a ordonné que, jusqu’au prononcé de l’ordonnance mettant fin à la procédure de référé, il soit sursis à l’exécution de la décision attaquée.

5        Par ordonnance du 28 juin 2000, Artegodan/Commission (T‑74/00 R, Rec. p. II‑2583), le président du Tribunal a ordonné le sursis à l’exécution de la décision attaquée en ce qui concerne la partie requérante. Aucun pourvoi n’a été introduit contre cette ordonnance.

6        Par ordonnance du 19 octobre 2000, Trenker/Commission (T‑141/00 R, Rec. p. II‑3313), et par six autres ordonnances du 31 octobre 2000, Bruno Farmaceutici e.a./Commission (T‑76/00 R, Rec. p. II‑3557, publication sommaire), Schuck/Commission (T‑83/00 R II, Rec. p. II‑3585, publication sommaire), Roussel et Roussel Diamant/Commission (T‑84/00 R, Rec. p. II‑3591), Roussel et Roussel Iberica/Commission (T‑85/00 R, Rec. p. II‑3613), Gerot Pharmazeutika/Commission (T‑132/00 R, Rec. p. II‑3635), et Cambridge Healthcare Supplies/Commission (T‑137/00 R, Rec. p. II‑3653, publication sommaire), le président du Tribunal a également ordonné le sursis à l’exécution des trois décisions attaquées en ce qui concerne les parties requérantes dans ces affaires. Ces sept ordonnances ont fait l’objet de pourvois formés par la Commission. Par ordonnances du 11 avril 2001, Commission/Trenker [C‑459/00 P(R), Rec. p. I‑2823], Commission/Cambridge Healthcare Supplies [C‑471/00 P(R), Rec. p. I‑2865], Commission/Bruno Farmaceutici e.a. [C‑474/00 P(R), Rec. p. I‑2909], Commission/Schuck [C‑476/00 P(R), Rec. p. I‑2995], Commission/Roussel et Roussel Diamant [C‑477/00 P(R), Rec. p. I‑3037], Commission/Roussel et Roussel Iberica [C‑478/00 P(R), Rec. p. I‑3079], et Commission/Gerot Pharmazeutika, [C‑479/00 P(R), Rec. p. I‑3121], le président de la Cour a annulé ces ordonnances du président du Tribunal et a rejeté les demandes de référé.

7        La Commission a demandé le 20 avril 2001, au titre de l’article 108 du règlement de procédure, que l’ordonnance du 28 juin 2000, Artodegan/Commission, précitée, soit rapportée. Par ordonnance du 5 septembre 2001, Artegodan/Commission (T‑74/00 R, Rec. p. II‑2367), le président du Tribunal a rejeté cette demande. Le 13 novembre 2001, la Commission a formé un pourvoi contre cette ordonnance. Par ordonnance du 14 février 2002, Commission/Artegodan [C‑440/01 P(R), Rec. p. I‑1489], la Cour a annulé cette ordonnance du 5 septembre 2001 et a rapporté l’ordonnance du 28 juin 2000, mettant ainsi fin au sursis à l’exécution de la décision attaquée en ce qui concerne Artegodan. Elle a réservé les dépens.

8        Par ordonnance du 23 juillet 2001, le président de la deuxième chambre a ordonné, après avoir entendu l’ensemble des parties, la jonction, aux fins de la procédure orale et de l’arrêt, des affaires T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00, T‑84/00, T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00.

9        Par arrêt du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission (T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, Rec. p. II‑4945), le Tribunal a annulé les trois décisions attaquées, en ce qu’elles visaient les médicaments commercialisés par les requérantes, et a condamné la Commission aux dépens, y compris ceux exposés dans le cadre des procédures de référé.

10      Par un pourvoi introduit le 3 février 2003, la Commission a demandé, conformément à l’article 225 CE et à l’article 56, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, l’annulation de l’arrêt Artegodan e.a./Commission, précité.

11      Par acte séparé, déposé au greffe de la Cour le même jour, la Commission a demandé à la Cour d’ordonner le sursis à l’exécution de l’arrêt Artegodan e.a./Commission, précité. Par ordonnance du 8 mai 2003, Commission/Artegodan e.a. (C‑39/03 P‑R, Rec. p. I‑4485), le président de la Cour a rejeté cette demande.

12      Par arrêt du 24 juillet 2003, Commission/Artegodan e.a. (C‑39/03 P, Rec. p. I‑7885), la Cour (assemblée plénière) a rejeté le pourvoi de la Commission et condamné cette dernière aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

13      Par lettre du 25 octobre 2004, Artegodan a demandé à la Commission le remboursement de la somme totale de 218 248, 54 euros brut, correspondant aux dépens confondus des procédures en première et en deuxième instance.

14      Par lettre du 30 novembre 2004, la Commission a rejeté cette demande au motif que les actes de procédure qui avaient été engagés n’étaient pas tous indispensables. La Commission a fait une contre-proposition qui s’élevait à 50 000 euros pour l’ensemble des frais et dépens afférents aux procédures devant le Tribunal et la Cour.

15      À défaut d’accord entre les parties sur les dépens récupérables, Artegodan a, par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 janvier 2006, saisi le Tribunal, en vertu de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure, d’une demande en taxation de ses dépens liés à la procédure devant le Tribunal, y compris les procédures de référé.

 Conclusions des parties

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal condamner la Commission à lui verser :

–        la somme de 147 347, 44 euros au titre des honoraires et frais dus ;

–        la somme complémentaire de 4 000 euros au titre des frais afférents à la présente demande de taxation.

17      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal : fixer le montant des dépens récupérables, y compris les dépens de la présente demande, à un montant qui couvre uniquement les frais de représentation en justice nécessaires et qui demeure ainsi nettement inférieur à la somme réclamée par la requérante.

 En droit

 Arguments des parties

18      Selon la requérante, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, revêtait une importance considérable et comportait en outre un degré élevé de difficulté et de complexité tant du point de vue juridique que du point de vue scientifique. Le litige aurait soulevé toute une série de questions nouvelles complexes concernant la répartition des compétences entre la Commission et les États membres pour le traitement des autorisations de mise sur le marché de médicaments partiellement harmonisées.

19      La requérante aurait contesté la compétence de la Commission pour prendre la décision attaquée. Elle aurait mis en cause la légalité formelle de la décision. À cette fin, elle aurait dû examiner l’interprétation des dispositions de la directive 75/319/CEE du Conseil, du 20 mai 1975, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques (JO L 147, p. 13), modifiée à plusieurs reprises (ci-après, telle que modifiée, la « directive 75/319 »), concernant les procédures de retrait de telles autorisations.

20      De plus, la requérante aurait également contesté l’interprétation par la Commission des conditions de retrait des autorisations de mise sur le marché de médicaments définies par la réglementation pertinente.

21      La procédure aurait ainsi impliqué une analyse détaillée des rapports d’expertise scientifique et des données disponibles concernant l’évaluation de la substance active amfépramone.

22      De surcroît, les faits de nature médicale et pharmacologique qui étaient au centre de l’affaire auraient été extrêmement complexes et auraient exigé l’intervention d’un expert. Les résultats de ces expertises seraient largement repris dans l’argumentation de la requérante.

23      Selon la requérante, les procédures devant le Tribunal et la Cour auraient exigé une quantité de travail importante de la part de ses conseils. Elle aurait confié ces tâches à plusieurs conseils, à la fois en raison de la complexité des questions juridiques et factuelles soulevées et pour s’assurer les services de collaborateurs travaillant à un taux horaire d’honoraires moins élevé pour les travaux de plus grande ampleur.

24      La requérante explique qu’elle a occupé dans la présente procédure une position particulière dans la mesure où, de toutes les parties requérantes dans les affaires ayant conduit à l’arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, elle était la première à avoir introduit un recours en annulation contre la décision attaquée. Elle aurait ainsi effectué un travail de pionnier en matière d’argumentation. Elle aurait en outre dû engager immédiatement une procédure de référé en vue d’obtenir le sursis à l’exécution de la décision attaquée. Le président du Tribunal ayant fait droit à cette demande, la Commission n’aurait pas formé de pourvoi contre cette ordonnance. La Commission aurait toutefois ultérieurement demandé, au titre de l’article 108 du règlement de procédure, que cette mesure soit rapportée, puis aurait formé un pourvoi contre l’ordonnance du président du Tribunal rejetant cette demande. Cette seconde procédure de référé aurait soulevé des questions d’ordre procédural totalement inédites et constituerait un précédent en matière de procédure.

25      Du 26 juillet 2000 au 12 août 2003, les mandataires ad litem de la requérante lui auraient facturé un montant total de 262 786,38 euros pour les procédures devant les juridictions communautaires et nationales. De ce montant global, la somme de 197 489,39 euros (montant net : 170 249,38 euros) correspondrait aux procédures devant le Tribunal et la Cour, selon la répartition suivante : 127 444,56 euros pour les procédures devant le Tribunal, à savoir les deux procédures de référé et la procédure principale, et 42 804,82 euros pour la procédure de référé et la procédure principale devant la Cour.

26      Les frais de participation à l’audition du 29 juin 2001 ainsi quà l’audience des 7 et 8 mai 2002 devant le Tribunal à Luxembourg s’élèveraient à 2 007,06 euros.

27      Pour traiter certaines questions médicales, la requérante a dû faire appel à un expert spécialisé, dont les honoraires s’élèveraient à un montant net de 17 895,93 euros. Celui-ci aurait également participé à l’audience qui s’est tenue devant le Tribunal les 7 et 8 mai 2002.

28      Enfin, la requérante fait valoir qu’elle avait un intérêt vital à l’issue de la procédure. Elle ne distribuerait qu’une seule préparation, le Tenuate retard, qui serait au centre du litige. Une interdiction durable de la distribution de ce produit l’aurait ruinée.

29      La Commission reconnaît que, dans l’arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, le Tribunal a annulé la décision attaquée pour un certain nombre de motifs qui pourraient être importants pour le secteur pharmaceutique. Néanmoins, elle souligne que, dans son arrêt Commission/Artegodan e.a., précité, la Cour a rejeté le pourvoi formé contre l’arrêt susmentionné du Tribunal, au motif que l’article 15 bis de la directive 75/319 ne pouvait servir de base juridique à la décision attaquée. La Cour n’aurait pas examiné les autres motifs sur lesquels le Tribunal avait fondé son arrêt.

30      Dans ces conditions, Artegodan surestimerait considérablement l’importance de l’arrêt du Tribunal. La Commission fait en particulier valoir que cet arrêt ne produit d’effets qu’en l’espèce. Elle allègue que l’arrêt du Tribunal n’exclut nullement que des autorisations de mise sur le marché qui ont fait l’objet de mesures d’harmonisation fassent à l’avenir l’objet d’une décision en vertu de l’article 15 bis de la directive 75/319.

31      Par ailleurs, la Commission reconnaît que les questions juridiques soulevées devant le Tribunal étaient complexes. Elle considère cependant que l’interprétation de directives en matière de législation pharmaceutique, telles que celles en cause en l’espèce, ne dépassait pas le degré de difficulté habituel qui est atteint régulièrement dans d’autres procédures.

32      Quant à la procédure engagée en vertu de l’article 108 du règlement de procédure, la Commission souligne que cette procédure comprenait des observations écrites ainsi qu’une audition devant le Tribunal et reconnaît qu’elle a entraîné des frais supplémentaires pour les parties. Cependant, il conviendrait de noter que cette procédure portait exclusivement sur des questions de nature procédurale et a donc entraîné un surcroît de frais limité.

33      En outre, la Commission fait valoir que la circonstance que la requérante ait décidé de se faire représenter non pas par un seul mais par plusieurs avocats ne justifie pas une augmentation du montant des honoraires.

34      Elle ajoute que le niveau des tarifs horaires semble anormalement élevé. Le tarif horaire facturé par l’un des avocats d’Artegodan, qui atteindrait 400 euros, serait largement au-dessus de ce que demanderait un avocat spécialisé à Bruxelles pour une consultation comparable.

35      De plus, les décomptes présentés par la requérante concerneraient au total une période de presque quatre ans (du 1er septembre 1999 au 31 juillet 2003) et couvriraient forfaitairement des périodes d’une durée allant jusqu’à dix mois, qui ne coïncideraient nullement avec la durée de la procédure devant le Tribunal. Dès lors, il ne serait pas possible de déterminer avec précision les frais encourus pour la représentation devant le Tribunal.

36      Pour ce qui est des avis scientifiques, la Commission estime que le recours à un expert n’était pas nécessaire en l’espèce. Le Tribunal n’aurait d’ailleurs pas demandé à la requérante de se faire assister par un expert pour la procédure orale.

37      Selon la Commission, la requérante tente de présenter comme nécessaires, au moyen de décomptes établis de manière forfaitaire, des frais d’expert pour un montant de 29 891,27 euros, alors qu’il ne ressort pas clairement de ce montant élevé quelle a été la contribution de l’expert à la représentation en justice de la requérante.

38      De plus, les frais de déplacement de l’expert n’auraient pas été nécessaires ou du moins pas intégralement. Ainsi, cet expert, qui est domicilié à Constance, en Allemagne, aurait pris l’avion en Sardaigne pour se présenter devant le Tribunal à Luxembourg les 7 et 8 mai 2002.

39      Les autres frais de déplacement seraient également disproportionnés. Du côté de la requérante, cinq personnes au total auraient participé à la procédure principale devant le Tribunal, ce qui n’aurait pas été nécessaire.

 Appréciation du Tribunal

40      Aux termes de l’article 91, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ». Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant la Cour et le Tribunal, et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (voir ordonnances du Tribunal du 24 janvier 2002, Groupe Origny/Commission, T‑38/95 DEP, Rec. p. II‑217, point 28, et du 18 avril 2006, Euroalliages e.a./Commission, T-132/01 DEP, non publiée au Recueil, point 29).

41      En l’espèce, le montant des dépens récupérables ne peut donc pas dépasser celui des frais indispensables supportés par Artegodan aux fins de la première instance, y compris les frais afférents à la demande de sursis à l’exécution de la décision attaquée et à la procédure engagée à la suite de la demande formée par la Commission au titre de l’article 108 du règlement de procédure contre l’ordonnance du 28 juin 2000, Artegodan/Commission, précitée, faisant droit à la demande de sursis à exécution.

42      Il est de jurisprudence constante que le juge communautaire n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées contre la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils (ordonnances du Tribunal du 8 novembre 1996, Stahlwerke Peine-Salzgitter/Commission, T‑120/89 DEP, Rec. p. II‑1547, point 27, et du 10 janvier 2002, Starway/Conseil, T‑80/97 DEP, Rec. p. II‑1, point 26).

43      À défaut de dispositions communautaires de nature tarifaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit communautaire ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a représentés pour les parties (ordonnances Starway/Conseil, précitée, point 27, et du 20 décembre 2004, Thomae/Commission, T-123/00 DEP, non publiée au Recueil, point 22).

44      C’est en fonction de ces critères qu’il convient d’apprécier le montant des dépens récupérables en l’espèce.

 Sur les intérêts économiques que le litige a représentés pour les parties

45      En ce qui concerne les intérêts économiques qui étaient en jeu, il y a lieu de considérer, au vu des affirmations d’Artegodan qui n’ont pas été contestées par la Commission, que l’issue du litige revêtait une grande importance économique pour cette société.

 Sur l’objet et la nature du litige, son importance sous l’angle du droit communautaire et les difficultés de la cause

46      Il y a lieu de relever que le recours d’Artegodan devant le Tribunal tendait à l’annulation de la décision attaquée imposant, sur la base de l’article 15 bis de la directive 75/319, le retrait des autorisations de mise sur le marché des médicaments à usage humain contenant de l’amfépramone. Cette décision se fondait en l’occurrence sur une appréciation négative du bilan bénéfices/risques présenté par cette substance, à la suite d’une réévaluation de son efficacité. Le recours concernait, d’une part, l’interprétation systématique et téléologique des dispositions pertinentes de la directive 75/319 relatives aux procédures applicables en ce qui concerne la gestion des autorisations de mise sur le marché des médicaments et, d’autre part, l’interprétation des conditions de retrait des autorisations de mise sur le marché, énoncées à l’article 11 de la directive 65/65/CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives aux spécialités pharmaceutiques (JO 1965, 22, p. 369), telle que modifiée par la directive 93/39/CEE du Conseil, du 14 juin 1993 (JO L 214, p. 22).

47      En particulier, le recours a soulevé une série de questions délicates et inédites se rapportant à la délimitation – en l’absence d’indications précises résultant du libellé des dispositions pertinentes de la directive 75/319 – du champ d’application respectif de la procédure d’arbitrage communautaire prévue à l’article 15 bis de cette directive et des procédures nationales, en ce qui concerne la modification, la suspension ou le retrait d’autorisations de mise sur le marché de médicaments. À cet égard, le Tribunal a notamment jugé que, dans l’économie de la directive 75/319, l’article 15 bis ne visait pas les autorisations initialement octroyées dans le cadre des procédures nationales, même si elles avaient ultérieurement fait l’objet, comme en l’espèce, d’une harmonisation partielle consistant en une modification substantielle de données cliniques figurant dans les résumés des caractéristiques du produit approuvés lors de l’octroi de ces autorisations (arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, notamment points 113, 119 à 121 et 155).

48      En outre, s’agissant des conditions matérielles de retrait d’une autorisation de mise sur le marché, le recours a conduit le Tribunal à examiner le régime de la preuve en relation avec le principe de précaution, en particulier lors de la réévaluation d’un médicament (arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, points 181 à 195). Le Tribunal a également été appelé à délimiter l’étendue de son contrôle sur la légalité externe des avis scientifiques sur lesquels se fondait la décision attaquée, d’une part, et sur l’exercice par la Commission de son pouvoir d’appréciation, d’autre part (points 196 à 201 de l’arrêt). En l’occurrence, il a notamment constaté que la simple évolution d’un critère scientifique d’appréciation de l’efficacité d’un médicament, sur laquelle se fondait la décision attaquée, ne saurait justifier, à elle seule, le retrait d’une autorisation de mise sur le marché d’un médicament, en application de l’article 11 de la directive 65/65, si elle ne repose pas sur des données scientifiques ou des informations nouvelles (point 211 de l’arrêt).

49      En conséquence, l’affaire présentait une certaine importance et soulevait des questions d’interprétation difficiles et nouvelles, en ce qui concerne tant la répartition des compétences entre la Commission et les États membres que les conditions matérielles de retrait d’autorisations de mise sur le marché de médicaments. Or, l’importance d’une affaire sous l’angle du droit communautaire en raison des questions de droit nouvelles et des questions de fait complexes qu’elle soulève peut justifier, d’une part, des honoraires élevés et, d’autre part, que la requérante soit représentée par plusieurs conseils (voir, en ce sens, ordonnances Stahlwerke Peine-Salzgitter/Commission, précitée, point 30, et Starway/Conseil, précitée, points 29 à 31).

 Sur l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux conseils

50      Premièrement, le litige devant le Tribunal a demandé aux conseils d’Artegodan un travail important dans la mesure où ils ont été conduits à procéder – en l’absence de toute indication explicite dans la réglementation applicable et de tout précédent jurisprudentiel – à une analyse approfondie des dispositions pertinentes de la directive 75/319, aux fins de l’examen de la question complexe de la compétence de la Commission pour adopter la décision attaquée. De plus, ce litige a également impliqué une analyse approfondie des rapports scientifiques et des données disponibles en ce qui concerne l’efficacité de l’amfépramone et les risques liés à cette substance.

51      Deuxièmement, il y a lieu de tenir compte du fait que, dans la présente affaire, une procédure de référé fondée sur l’article 108 du règlement de procédure a fait suite à la procédure de référé fondée sur l’article 104 du règlement de procédure. Cette seconde procédure de référé a impliqué pour la requérante la présentation d’observations écrites et la participation à une audition devant le président du Tribunal, ainsi que la présentation d’observations écrites devant la Cour à la suite du pourvoi introduit par la Commission contre l’ordonnance du 5 septembre 2001, Artegodan/Commission, précitée, portant rejet de la demande fondée sur l’article 108 du règlement de procédure. À cet égard, la requérante fait valoir à bon droit que la demande présentée par la Commission au titre de l’article 108 du règlement de procédure soulevait des questions d’ordre procédural délicates et inédites, impliquant un travail supplémentaire et entraînant par conséquent des frais supplémentaires non négligeables.

52      S’il était en l’occurrence loisible à Artegodan de confier, ainsi qu’elle le soutient (voir point 23 ci-dessus), la défense de ses intérêts à plusieurs conseils à la fois, de manière à s’assurer les services d’avocats plus expérimentés tout en confiant les travaux de plus grande ampleur à des avocats pratiquant des honoraires moins élevés, il appartient cependant au Tribunal de tenir compte principalement du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure contentieuse, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels les prestations effectuées ont pu être réparties (ordonnances du Tribunal du 6 mars 2003, Nan Ya Plastics et Far Eastern Textiles/Conseil, T‑226/00 DEP et T‑227/00 DEP, Rec. p. II‑685, point 44, et du 29 octobre 2004, Schneider Electric/Commission, T‑77/02 DEP, non publiée au Recueil, point 58).

53      À cet égard, la possibilité pour le juge communautaire d’apprécier la valeur du travail effectué dépend de la précision des informations fournies (ordonnances Stahlwerke Peine-Salzgitter/Commission, précitée, point 31, et Schneider Electric/Commission, précitée, point 59).

54      En l’espèce, il convient de relever que les pièces justificatives fournies par Artegodan, qui se rapportent à la période comprise entre le 1er septembre 1999 et le 31 juillet 2003, sont constituées de notes d’honoraires établies pour différentes périodes, dont aucune ne coïncide avec la durée de la procédure de première instance. De plus, il n’en ressort pas quelle quantité de travail a été nécessaire pour les procédures devant le Tribunal et la Cour, d’une part, et quelle a été celle nécessaire pour les procédures devant les tribunaux nationaux, d’autre part.

55      De plus, bien qu’Artegodan ait fourni les notes d’honoraires de ses avocats, celles-ci ne contiennent aucune information concernant les taux horaires appliqués et le nombre d’heures de travail effectuées.

56      Par ailleurs, il y a lieu de relever que les questions scientifiques difficiles qui se posaient dans cette affaire justifiaient le recours à un expert, notamment en vue des réponses écrites aux questions du Tribunal. De plus, bien que la requérante se soit fait assister de sa propre initiative par un expert lors de la procédure orale, il convient de prendre en considération que, au cours de l’audience, le Tribunal a entendu, notamment, l’expert assistant la requérante dans les affaires jointes qui ont conduit à l’arrêt Artegodan e.a./Commission, précité. Il y a donc lieu de tenir compte des frais générés par le recours à un expert et par sa participation à l’audience, aux fins des calculs des dépens récupérables.

57      À cet égard, il importe toutefois de constater que, bien que la requérante ait fourni un état d’honoraires de l’expert, il n’en ressort pas de manière suffisamment claire quelles activités ont été prises en compte pour parvenir au montant net de 17 895,93 euros.

58      Dans ces conditions, et eu égard à tout ce qui précède, le Tribunal estime approprié de fixer à 98 000 euros le montant des dépens récupérables, en ce compris, les frais nécessaires à l’ intervention d’un expert.

59      S’agissant des frais de déplacement et de séjour, la requérante n’explique pas dans quelle mesure sa représentation par cinq personnes devant le Tribunal lors de l’audience des 7 et 8 mai 2002 était indispensable. Il convient dès lors de fixer à 2 000 euros le montant des frais récupérables, exposés aux fins d’assister à l’audition qui s’est tenue le 29 juin 2001 et à l’audience qui s’est déroulée les 7 et 8 mai 2002, les frais de voyage de l’expert étant inclus.

60      En considération de ce qui précède, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation de l’intégralité des dépens récupérables par la requérante auprès de la Commission en fixant leur montant total à 100 000 euros.

61      Étant donné que le Tribunal, en fixant les dépens récupérables, a tenu compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’à la date de la présente ordonnance, il n’y a pas lieu de statuer séparément sur les frais exposés aux fins de la procédure de taxation des dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

Le montant total des dépens que la Commission doit rembourser à Artegodan est fixé à 100 000 euros.

Fait à Luxembourg, le 3 octobre 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. Pirrung


* Langue de procédure : l’allemand.