Language of document : ECLI:EU:F:2015:62

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

18 juin 2015 (*)

« Fonction publique – Agent contractuel – Rémunération – Indemnité de dépaysement – Conditions prévues à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut – Résidence habituelle – Absences sporadiques et temporaires »

Dans l’affaire F‑50/14,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Dana-Maria Pondichie, agent contractuel de la Commission européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée initialement par Me S. Orlandi, avocat, puis par Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et T. S. Bohr, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de MM. K. Bradley (rapporteur), président, H. Kreppel et Mme M. I. Rofes i Pujol, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 février 2015,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 juin 2014, Mme Pondichie demande l’annulation de la décision de la Commission européenne du 3 octobre 2013 lui refusant l’indemnité de dépaysement au titre de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne dans sa version alors applicable (ci‑après le « statut »).

 Cadre juridique

2        Le cadre juridique de la présente affaire est constitué par l’article 69 du statut et par l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, applicables par analogie aux agents contractuels en vertu des articles 20 et 92 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne. Selon l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, un fonctionnaire n’ayant pas ou n’ayant jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation a droit à l’indemnité de dépaysement si, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions (ci‑après la « période de référence »), il n’a pas, de façon habituelle, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État.

 Faits à l’origine du litige

3        La requérante, de nationalité roumaine, a fait ses études à Bucarest (Roumanie).

4        Du 1er novembre 2006 au 31 décembre 2007, la requérante a travaillé à Bucarest comme gestionnaire de projet auprès de la branche roumaine d’une association internationale d’étudiants.

5        Par l’intermédiaire de cette association, la requérante a conclu un contrat pour six mois avec une banque sise à Anvers (Belgique), du 2 janvier au 1er juillet 2008, pour travailler en tant que stagiaire en gestion (« management trainee »). À l’issue de ce premier contrat, la requérante a conclu avec cette même banque un contrat identique pour un deuxième semestre, du 1er juillet au 31 décembre 2008. Puis la requérante a continué à travailler dans la même banque, toujours à Anvers, jusqu’au 31 août 2010, sur la base de plusieurs contrats de travail d’une durée de six mois chacun.

6        Le 1er septembre 2010, la requérante a entrepris un master auprès d’une école de troisième cycle sise à Gand (Belgique). Dans le cadre de ce master, elle a effectué un stage au sein d’une société au Luxembourg, du 1er mars au 17 juin 2011 (ci‑après le « stage au Luxembourg »).

7        Après avoir obtenu son diplôme de master en juillet 2011, la requérante est rentrée en Roumanie.

8        Fin 2011, la requérante est revenue en Belgique, où elle a travaillé du 19 décembre 2011 au 11 janvier 2013 successivement auprès de deux entreprises situées à Zaventem (Belgique).

9        Le 16 août 2013, la requérante est entrée au service de la Commission en tant qu’agent contractuel.

10      Par décision du 3 octobre 2013, l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement de la Commission (ci‑après l’« AHCC ») a refusé d’accorder l’indemnité de dépaysement à la requérante (ci-après la « décision litigieuse »).

11      Le 31 octobre 2013, la requérante a introduit une réclamation, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision litigieuse.

12      La réclamation a été rejetée par décision de l’AHCC du 21 février 2014, transmise à la requérante par courriel du 24 février 2014, au motif que la requérante avait, selon l’AHCC, sa résidence effective en Belgique depuis janvier 2008 et sur l’ensemble de la période de référence.

 Conclusions des parties et procédure

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision litigieuse ;

–        condamner la Commission aux dépens.

14      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      Par lettre du 27 janvier 2015, la requérante a déposé, à la demande du Tribunal, au titre de mesures d’organisation de la procédure, le deuxième contrat avec la banque sise à Anvers en langue néerlandaise. En outre, par lettre du 29 janvier 2015, elle a déposé une traduction en langue française dudit contrat et, comme nouvelle offre de preuve, l’arrêté royal du 9 juin 1999 concernant l’occupation en Belgique des travailleurs étrangers (Moniteur belge du 26 juin 1999, p. 24167).

16      En réponse à une demande du Tribunal lors de l’audience, la Commission a déclaré ne pas s’opposer à ce que l’offre de preuve déposée le 29 janvier 2015 par la requérante soit admise.

 En droit

 Arguments des parties

17      Au soutien de ses conclusions en annulation de la décision litigieuse, la requérante soulève un moyen unique, tiré de ce que, en lui refusant l’indemnité de dépaysement au motif que, pendant la plus grande partie de la période de référence, elle avait vécu en Belgique, la Commission aurait commis une erreur dans l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut.

18      En particulier, selon la requérante, la Commission n’aurait pas tenu compte de la circonstance qu’elle n’avait jamais eu l’intention de s’établir en Belgique. En effet, elle soutient y être arrivée en 2008 non pas pour y établir le centre permanent ou habituel de ses intérêts, mais pour y effectuer une formation, sous forme d’un stage, dans l’objectif d’acquérir une expérience professionnelle internationale. Cette absence d’intention de s’établir en Belgique serait confirmée par le fait qu’elle a décidé d’interrompre la relation de travail sur laquelle son stage avait débouché afin de continuer ses études. À cet égard, elle rappelle que, dans le cadre de ses études, elle a effectué le stage au Luxembourg et indique avoir entrepris dans le même temps différentes démarches pour obtenir un travail dans ce pays, ainsi que, comme elle l’a indiqué pendant l’audience, dans d’autres pays tels que l’Irlande et la Suisse.

19      En outre, la requérante souligne que, après le stage au Luxembourg, elle est rentrée en Roumanie où elle a résidé jusqu’en décembre 2011. Par ailleurs, elle indique n’avoir pas eu de logement en Belgique entre le 1er juin 2011 et le 9 janvier 2012, alors qu’elle est propriétaire d’un appartement en Roumanie depuis 2002.

20      Enfin, la requérante estime que la Commission aurait fondé la décision litigieuse sur la circonstance qu’elle avait maintenu son inscription dans le registre belge des étrangers, alors que, dans l’arrêt Tzvetanova/Commission (F‑33/09, EU:F:2010:18, point 43), le Tribunal a constaté que « l’inscription au registre d’une localité est un élément purement formel qui ne permet pas d’établir la résidence effective de l’intéressé dans ladite localité ». À ce propos, la requérante fait valoir qu’elle ne s’était pas fait radier du registre belge des étrangers en raison des difficultés existantes pour les ressortissants roumains à accéder au marché du travail de l’Union européenne pendant la période transitoire qui a suivi l’adhésion de la Roumanie à l’Union et que, en tout état de cause, elle est toujours restée inscrite dans les registres roumains de la population.

21      La Commission conclut au rejet des arguments de la requérante.

22      En premier lieu, selon la Commission, le moyen unique soulevé par la requérante se rattache à l’absence d’intention d’établir sa résidence en Belgique. Or, cet argument n’ayant pas été soulevé dans la réclamation, le moyen serait irrecevable.

23      En deuxième lieu, et à titre subsidiaire, la Commission soutient que, selon l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, l’indemnité de dépaysement peut être accordée au fonctionnaire n’ayant pas et n’ayant jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation seulement si une double condition négative est satisfaite, à savoir si, pendant la période de référence, l’agent concerné n’a pas eu sa résidence principale dans le pays d’affectation ou si, pendant la même période, il n’a pas exercé son activité professionnelle principale dans ce pays. En l’espèce, pendant la période de référence, la requérante aurait exercé son activité professionnelle à titre principal seulement en Belgique et, de ce fait, elle ne remplirait pas la seconde condition négative exigée par l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut.

24      En troisième lieu, la Commission soutient que la requérante aurait fixé le centre habituel de ses intérêts en Belgique dès le moment où elle a commencé son premier travail, en janvier 2008, et qu’elle aurait maintenu pendant l’ensemble de la période de référence sa résidence principale en Belgique.

25      Dans ces circonstances, la période pendant laquelle la requérante a effectué le stage au Luxembourg, entre mars et juillet 2011, et celle pendant laquelle elle est rentrée en Roumanie, allant de juillet à décembre 2011, seraient, selon la Commission, des périodes d’absence purement temporaire, incapables d’affecter la continuité de sa résidence habituelle en Belgique. À cet égard, la Commission met en exergue que, pendant ces deux périodes d’absence temporaire, la requérante serait revenue en Belgique en vue de la recherche d’un nouvel emploi.

26      Enfin, selon la Commission, le fait que la requérante n’a jamais fait procéder à sa radiation du registre belge des étrangers serait un élément supplémentaire démontrant les liens qu’elle avait établis avec ce pays.

 Appréciation du Tribunal

 Sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission

27      Selon une jurisprudence constante, la règle de concordance entre la réclamation administrative préalable et le recours, qui découle de l’article 91, paragraphe 2, du statut, exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge de l’Union l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’administration ait été en mesure de connaître les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée, étant précisé que le requérant peut présenter des moyens et arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement (arrêt Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, points 71 et 73, et la jurisprudence citée).

28      En l’espèce, la requérante affirmait explicitement dans sa réclamation que, pendant la période de référence, elle n’avait pas eu sa résidence habituelle et qu’elle n’avait pas non plus exercé son activité principale en Belgique « pour au moins trois mois ». En outre, elle indiquait qu’elle avait été étudiante pendant un an et qu’elle avait travaillé dans un autre État membre que la Belgique pendant trois mois. N’ayant jamais eu la nationalité belge, la requérante concluait qu’elle remplissait les conditions pour avoir le droit de percevoir l’indemnité de dépaysement.

29      S’il est vrai que, dans la réclamation, la requérante n’évoque pas explicitement l’absence d’intention de sa part de s’établir en Belgique, il n’en demeure pas moins qu’elle a indiqué à l’AHCC de façon suffisamment claire, compte tenu de l’obligation de l’administration d’examiner les réclamations dans un esprit d’ouverture (voir arrêt Mendes/Commission, F‑125/11, EU:F:2013:35, point 35), qu’elle estimait remplir les conditions imposées par l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut.

30      Or, puisque la volonté d’un agent de conférer un caractère stable au centre permanent ou habituel de ses intérêts participe, selon la jurisprudence, à la définition de la notion de « résidence habituelle » (arrêt Tzvetanova/Commission, EU:F:2010:18, point 39), le Tribunal estime que les arguments figurant dans le recours et tirés de ce que la requérante n’a jamais eu l’intention de conférer un caractère stable à sa résidence en Belgique ne sont qu’un développement des arguments présentés dans la réclamation et qu’ils sont donc étroitement liés à ceux-ci.

31      Partant, il y a lieu d’écarter la fin de non-recevoir soulevée par la Commission.

 Sur le fond

32      Le Tribunal rappelle d’emblée que l’octroi de l’indemnité de dépaysement, prévue à l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut, a pour objet de compenser les charges et désavantages particuliers résultant de la prise de fonctions auprès des institutions de l’Union pour les fonctionnaires et les agents qui sont, de ce fait, obligés de changer de résidence du pays de leur domicile au pays d’affectation (arrêts Reichert/Parlement, T‑18/98, EU:T:2000:113, point 25, et Liaskou/Conseil, T‑60/00, EU:T:2001:129, point 52).

33      Selon la jurisprudence, si l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut se fonde, pour déterminer les cas de dépaysement, sur les notions de résidence habituelle et d’activité professionnelle principale de l’intéressé avant son entrée en fonctions, c’est en vue d’établir des critères simples et objectifs. Il en découle, d’une part, que cette disposition doit être interprétée comme retenant pour critère, quant à l’octroi de l’indemnité de dépaysement, la résidence habituelle de l’intéressé pendant la période de référence et que, d’autre part, la notion de dépaysement dépend de la situation subjective du fonctionnaire, à savoir son degré d’intégration dans son nouveau milieu, lequel peut être établi, par exemple, par sa résidence habituelle ou par l’exercice antérieur d’une activité professionnelle principale (arrêts Magdalena Fernández/Commission, C‑452/93 P, EU:C:1994:332, point 21 ; E/Commission, T‑251/02, EU:T:2004:357, point 53 ; De Bustamante Tello/Conseil, T‑368/03, EU:T:2005:372, point 52, et Asturias Cuerno/Commission, T‑473/04, EU:T:2007:184, point 73).

34      La résidence habituelle est, selon une jurisprudence constante, le lieu où le fonctionnaire ou l’agent concerné a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts, étant entendu qu’aux fins de la détermination de la résidence habituelle il faut tenir compte de tous les éléments de fait constitutifs de celle-ci et, notamment, de la résidence effective de l’intéressé (arrêts Mioni/Commission, F‑28/10, EU:F:2011:23, point 22, et Bourtembourg/Commission, F‑6/12, EU:F:2012:175, points 28 et 29).

35      Il a également été jugé que le fonctionnaire ou l’agent concerné perd le bénéfice de l’indemnité de dépaysement uniquement si c’est durant la totalité de la période de référence qu’il a eu sa résidence habituelle ou a exercé son activité professionnelle principale dans le pays du lieu de son affectation (arrêt Tzvetanova/Commission, EU:F:2010:18, point 57), étant entendu que des absences sporadiques et de brève durée du pays d’affectation ne sauraient être considérées comme suffisantes pour faire perdre à la résidence du requérant dans l’État d’affectation son caractère habituel (arrêts Magdalena Fernández/Commission, T‑90/92, EU:T:1993:78, point 29 ; Salazar Brier/Commission, T‑83/03, EU:T:2005:371, point 65, et F/Commission, T‑324/04, EU:T:2007:140, point 86).

36      Enfin, c’est au fonctionnaire ou à l’agent concerné qu’il appartient de démontrer que les conditions visées à l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut sont remplies (arrêt Jelenkowska-Luca/Commission, F‑114/12, EU:F:2014:3, point 15, et la jurisprudence citée).

37      Dans le cas d’espèce, il n’est pas contesté que la période de référence s’étend du 16 février 2008 au 15 février 2013. Toutefois, lors de l’audience, la requérante a affirmé qu’elle ne contestait pas avoir établi sa résidence habituelle en Belgique à partir de décembre 2011. Il incombe donc au Tribunal de vérifier si la requérante démontre qu’elle n’a pas eu sa résidence habituelle en Belgique pour le restant de la période de référence, à savoir entre le 16 février 2008 et le 30 novembre 2011.

38      En premier lieu, le Tribunal estime que la requérante ne peut pas valablement se prévaloir de son intention de s’établir dans un pays autre que la Belgique, intention qui serait démontrée par le simple fait qu’elle avait envoyé des candidatures à des emplois dans différents pays. En effet, un tel argument accorderait une importance excessive, sinon exclusive, à l’élément intentionnel de la notion de résidence habituelle, en ignorant son aspect matériel (arrêt Mioni/Commission, EU:F:2011:23, point 29). Par ailleurs, comme la requérante l’a admis lors de l’audience, il n’appartient pas au Tribunal d’enquêter sur l’existence d’une simple intention d’un agent, sans se préoccuper des éléments matériels qui seraient l’expression de cette intention.

39      En deuxième lieu, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence, dans le cas d’une période d’étude suivie d’une période de stage ou d’emploi au même endroit, la présence continue de l’intéressé dans le pays concerné peut créer la présomption, certes susceptible d’être renversée, d’une éventuelle volonté de sa part de déplacer le centre permanent ou habituel de ses intérêts, et ainsi sa résidence habituelle, vers ce pays (arrêt Mioni/Commission, EU:F:2011:23, point 32).

40      Or, le Tribunal estime que plusieurs éléments figurant au dossier indiquent qu’une telle présomption, en l’espèce, ne s’est pas formée.

41      En effet, il y a lieu de constater, tout d’abord, que, à compter du 2 janvier 2008 et jusqu’au 31 août 2010, la requérante a travaillé en Belgique sur la base d’une série de contrats à durée déterminée de courte durée, à savoir six mois chacun. En outre, comme l’a affirmé la requérante lors de l’audience sans être contredite sur ce point par la Commission, pendant cette période elle a conclu plusieurs contrats de bail de courte durée pour la location de plusieurs logements différents. Cette circonstance distingue la situation de la requérante de celle d’autres agents pour lesquels le fait d’avoir habité pendant la période de référence dans le même logement a été considéré par le juge de l’Union comme un élément démontrant l’existence d’une résidence habituelle (voir, en ce sens, arrêt E/Commission, EU:T:2004:357, points 58, 59 et 61) et elle est susceptible d’indiquer que, à supposer que la Belgique ait été à l’époque le centre habituel des intérêts de la requérante, celle-ci n’avait pas la volonté de donner un caractère stable à sa résidence.

42      Enfin, cette période de stage et d’emploi en Belgique a été suivie d’une période d’études toujours en Belgique, à l’issue de laquelle la requérante a cessé de résider en Belgique, à l’inverse de la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Mioni/Commission (EU:F:2011:23), et est rentrée en Roumanie (voir également arrêt Liaskou/Conseil, EU:T:2001:129, point 61, dans lequel le Tribunal de première instance des Communautés européennes a considéré le fait que la requérante avait continué à séjourner en Belgique après ses études de façon ininterrompue comme un élément indiquant qu’elle avait établi sa résidence habituelle dans ce pays).

43      En troisième lieu, il n’est pas contesté que, dans le cadre des études que la requérante a entreprises en Belgique, elle a effectué le stage au Luxembourg du 1er mars au 17 juin 2011. Il n’est pas contesté non plus que, après la fin du stage au Luxembourg, la requérante n’a pas contracté de bail pour un nouveau logement en Belgique, mais a logé de manière précaire chez une autre étudiante à Gand, jusqu’à l’obtention de son diplôme de master en juillet 2011, et qu’en juillet 2011 elle est rentrée en Roumanie, où elle est restée jusqu’en décembre 2011.

44      En outre, la requérante a fourni au Tribunal des éléments susceptibles de prouver que son absence de Belgique entre mars et novembre 2011 n’avait pas un caractère sporadique. En effet, il ressort des écrits de la requérante, qui n’ont pas été contestés sur ce point par la Commission, que, lors du stage au Luxembourg, elle a effectivement habité au Luxembourg et que le bail du studio situé à Anvers qu’elle avait loué pendant ses études à Gand a expiré le 31 mai 2011, sans qu’elle ne le renouvelle.

45      Dès lors, il y a lieu de constater que, à partir du 31 mai 2011, la requérante n’avait plus aucun logement en Belgique, ce qui se concilie mal avec une absence de Belgique ayant un caractère sporadique (voir, en ce sens, arrêts Dedeu i Fontcuberta/Commission, T‑299/02, EU:T:2005:370, points 70 à 72, et Koistinen/Commission, T‑259/04, EU:T:2006:279, points 42 à 44). À cet égard, la situation de la requérante se distingue de celle de la requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt E/Commission (EU:T:2004:357), dans lequel le Tribunal de première instance a jugé que le fait que la requérante avait continué à louer son appartement à Bruxelles pendant un déplacement professionnel de six mois dans un autre État membre était un élément susceptible d’indiquer qu’elle avait gardé le centre de ses intérêts à Bruxelles.

46      Ainsi, dans les circonstances de l’espèce, l’absence de la requérante du pays d’affectation pendant une période de neuf mois sans interruption ne saurait être considérée comme ayant été une absence sporadique et de brève durée au sens de la jurisprudence citée au point 35 du présent arrêt.

47      Il s’ensuit que la requérante a fourni au Tribunal des éléments suffisants pour démontrer qu’elle n’a pas eu sa résidence habituelle pour l’ensemble de la période de référence dans le territoire de l’État où est situé le lieu de son affectation.

48      Il y a donc lieu de juger que, au vu des circonstances de la présente affaire, la Commission a commis une erreur d’appréciation des faits concernant la situation personnelle de la requérante, et cela sans qu’il soit besoin d’examiner l’offre de preuve contenue dans la lettre de la requérante du 27 janvier 2015.

49      Au vu de tout ce qui précède, il convient de déclarer le présent recours fondé et d’annuler la décision litigieuse en tant qu’elle refuse à la requérante le bénéfice de l’indemnité de dépaysement en application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut.

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

51      Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que la Commission est la partie qui succombe. En outre, la requérante a, dans ses conclusions, expressément demandé que la Commission soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission doit supporter ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission européenne du 3 octobre 2013 refusant d’accorder à Mme Pondichie l’indemnité de dépaysement au titre de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut est annulée.

2)      La Commission européenne supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par Mme Pondichie.

Bradley

Kreppel

Rofes i Pujol

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 juin 2015.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       K. Bradley


* Langue de procédure : le français.