Language of document : ECLI:EU:T:2012:376

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

12 juillet 2012 (*)

« Marque communautaire – Motifs absolus de refus – Demande de marque tridimensionnelle – Forme d’une bouteille – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) nº 207/2009 »

Dans l’affaire T‑323/11,

Unión de Cervecerías Peruanas Backus y Johnston SAA, établie à Lima (Pérou), représentée par Mes E. Armijo Chávarri et C. Morán Medina, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme V. Melgar, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI, du 23 mars 2011 (affaire R 2238/2010-2), concernant une demande d’enregistrement d’un signe tridimensionnel constitué par la forme d’une bouteille comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, N. Wahl (rapporteur) et S. Soldevila Fragoso, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 21 juin 2011,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 4 août 2011,

vu la décision du 17 octobre 2011 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

à la suite de l’audience du 3 mai 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 2 octobre 2009, la requérante, l’Unión de Cervecerías Peruanas Backus y Johnston SAA, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe tridimensionnel reproduit ci-après :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 32 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Bières ».

4        Par décision du 13 septembre 2010, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement pour défaut de caractère distinctif de la marque en cause, sur le fondement de l’article 7, paragraphe l, sous b), du règlement n° 207/2009.

5        Le 15 novembre 2010, la requérante a formé un recours contre cette décision auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009.

6        Par décision du 23 mars 2011 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a confirmé la décision de l’examinateur.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        À l’appui de son recours, la requérante invoque, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

10      La requérante conteste, en substance, l’absence de caractère distinctif de la marque demandée.

11      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif sont refusées à l’enregistrement.

12      Il résulte d’une jurisprudence constante que le caractère distinctif d’une marque au sens de cette disposition signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt de la Cour du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, non encore publié au Recueil, point 42, et la jurisprudence citée).

13      Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt Freixenet/OHMI, précité, point 43, et la jurisprudence citée).

14      En l’espèce, il est constant que les produits désignés par la marque demandée, à savoir de la bière, s’adressent aux consommateurs finals et qu’il s’agit de produits de consommation courante. Par conséquent, le public pertinent est le consommateur moyen de l’Union européenne normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

15      Selon une jurisprudence également constante, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques (voir arrêt Freixenet/OHMI, précité, point 45, et la jurisprudence citée).

16      Toutefois, il convient de tenir compte, dans le cadre de l’application de ces critères, du fait que la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif d’une telle marque tridimensionnelle que celui d’une marque verbale ou figurative (voir arrêt Freixenet/OHMI, précité, point 46, et la jurisprudence citée).

17      Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 (voir arrêt Freixenet/OHMI, précité, point 47, et la jurisprudence citée).

18      Partant, il convient de vérifier si la marque demandée diverge de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur concerné.

19      En l’espèce, la marque demandée est une marque tridimensionnelle, qui consiste en une bouteille en verre de couleur ambrée, présentant une base large et un goulot long et étroit. Le corps de la bouteille est rétréci en son centre et est cerclé d’un motif en relief.

20      Selon la requérante, la combinaison des divers éléments qui composent la marque demandée, tels que la matière et la couleur de la bouteille, la forme du col, ses proportions ainsi que le motif en relief particulier de la « pierre aux douze angles », confère à la forme de la bouteille un aspect particulier qui la rend différente des autres bouteilles présentes sur le marché.

21      À l’instar de la chambre de recours, il est à noter que l’emploi d’une bouteille en verre de couleur ambrée, présentant une base large, un goulot long et étroit et des fentes dessinées sur la partie centrale est commun pour de la bière.

22      En effet, l’emploi d’une bouteille en verre de couleur sombre, par exemple couleur brun foncé, vert foncé ou, comme en l’espèce, couleur de l’ambre foncé, obéit à un impératif technique de conditionnement, étant donné que la bière doit être protégée de la lumière, néfaste pour ce produit.

23      De même, les différentes images de bouteilles de bières contenues dans le dossier déposé devant le Tribunal prouvent que de nombreuses bières sont commercialisées dans des bouteilles dont la forme est analogue à la forme demandée.

24      La requérante souligne également que la présence du motif en relief ainsi que son emplacement sur la bouteille constituent, selon elle, un caractère distinctif.

25      Elle fait valoir que ledit motif représente la « pierre aux douze angles », qui se trouve dans le palais de l’empereur inca Roca, dans la ville de Cusco (Pérou), et qui, en raison de ses douze angles, serait considérée comme la figure la plus représentative de la perfection dans l’architecture inca.

26      À cet égard, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas produit, lors de la procédure devant la chambre de recours, de preuves indiquant que cet élément de l’architecture inca serait reconnu comme tel sur le marché de l’Union. Dès lors, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en estimant, au point 23 de la décision attaquée, que le consommateur de l’Union percevrait le motif en relief uniquement en tant que tel et qu’il l’envisagerait comme une simple décoration dénuée de fonction distinctive, car le motif n’est pas particulièrement original ou voyant.

27      Par ailleurs, même les consommateurs ayant une connaissance de la culture inca devraient faire un effort de réflexion important afin de comprendre que le motif représente la « pierre aux douze angles » du palais de l’empereur inca Roca, eu égard à la superficie réduite qu’il occupe sur la bouteille ainsi qu’à la stylisation de la reproduction.

28      L’argument de la requérante selon lequel le motif en relief se trouve sur la partie centrale de la bouteille, c’est-à-dire à l’emplacement habituel de l’étiquette, de telle sorte que le consommateur percevrait le relief comme étant l’étiquette du produit, qui donne l’indication de son origine commerciale, ne saurait non plus prospérer.

29      À cet égard, il y a lieu de remarquer, ainsi qu’il résulte des exemples se trouvant dans le dossier devant le Tribunal, qu’il n’est pas rare que les bouteilles de bière présentent un motif en relief sur la partie centrale de la bouteille.

30      De plus, ainsi qu’il a déjà été constaté (voir point 26 ci-dessus), le consommateur moyen de l’Union percevra le motif comme un ornement sans en connaître la signification.

31      En outre, en ce qui concerne plus spécifiquement l’argument selon lequel l’attention du consommateur se concentrera sur cet ornement au motif qu’il n’est pas recouvert d’une l’étiquette, il est à noter, ainsi qu’il résulte du dossier devant le Tribunal, qu’une étiquette est apposée sur le col des autres bouteilles de bière présentes sur le marché, qui sont également dotées d’un ornement sur cette partie centrale, comme c’est le cas pour la bouteille de la requérante.

32      Il résulte de ce qui précède que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, aux points 24 à 26 de la décision attaquée, que les éléments constituant la marque demandée sont dépourvus de caractère distinctif et que, examinée dans son ensemble, la marque demandée ne se distingue pas réellement des formes d’emballage de la bière fréquemment utilisées dans le commerce, mais constitue plutôt une variante de ces formes.

33      Partant, la marque demandée, telle que la percevra le public pertinent ne permet pas d’identifier la bière visée par la demande de marque ni de la distinguer des bières ayant d’autres origines commerciales. Dès lors, la chambre de recours a, à juste titre, constaté que la marque demandée est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

34      En ce qui concerne la référence à la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 20 avril 2010 (affaire R 1027/2009‑2), il y a lieu d’observer que, dans cette affaire, la chambre de recours a jugé que la forme de la bouteille demandée diffère sensiblement de celles existant sur le marché concerné. Tel n’est pas le cas en l’espèce, de sorte que la requérante ne peut en tirer argument. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (voir arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, non encore publié au Recueil, point 77, et la jurisprudence citée).

35      Enfin, l’argument selon lequel la forme de la bouteille demandée a été enregistrée au registre des marques du Pérou et celui selon lequel la chambre de recours aurait dû prendre en considération ledit enregistrement au moment d’apprécier le caractère distinctif de la forme demandée et son aptitude à être enregistrée en tant que marque communautaire ne sauraient non plus prospérer. Ainsi que l’a admis la requérante elle-même, le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêt du Tribunal du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, Rec. p. II‑3829, point 47 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 21 janvier 2009, giropay/OHMI (GIROPAY), T‑399/06, non publié au Recueil, point 46]. Or, la requérante n’a pas démontré dans quelle mesure la chambre de recours aurait commis une erreur de droit en ne tenant pas compte dudit enregistrement ni de son impact sur la légalité de la décision attaquée.

36      Le moyen unique invoqué par la requérante n’étant pas fondé, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

37      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      L’Unión de Cervecerías Peruanas Backus y Johnston SAA est condamnée aux dépens.

Kanninen

Wahl

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juillet 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.