Language of document : ECLI:EU:T:2018:940

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

13 décembre 2018 (*) (1)

« Aides d’État – Services d’assistance en escale – Apports en capital effectués par SEA en faveur de Sea Handling – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération – Notion d’aide – Imputabilité à l’État – Critère de l’investisseur privé – Principe du contradictoire – Droits de la défense – Droit à une bonne administration – Confiance légitime »

Dans l’affaire T‑167/13,

Comune di Milano (Italie), représenté initialement par Mes S. Grassani et A. Franchi, puis par Me Grassani, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Conte et D. Grespan, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (UE) 2015/1225 de la Commission, du 19 décembre 2012, concernant les augmentations de capital effectuées par SEA SpA en faveur de Sea [Handling] SpA [SA.21420 (C 14/10) (ex NN 25/10) (ex CP 175/06)] (JO 2015, L 201, p. 1),

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),

composé de MM. M. van der Woude, président, V. Kreuschitz (rapporteur), I. S. Forrester, Mme N. Półtorak et M. E. Perillo, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 28 février 2018,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

A.      Contexte général

1        SEA SpA est la société gestionnaire des aéroports de Milan-Linate et de Milan-Malpensa (Italie). Entre 2002 et 2010 (ci-après la « période en cause »), son capital était détenu presque exclusivement par des autorités publiques, à savoir à raison de 84,56 % par le requérant, le Comune di Milano (Italie), à raison de 14,56 % par la Provincia di Milano (Italie), et à raison de 0,88 % par d’autres actionnaires publics et privés. En décembre 2011, F2i – Fondi Italiani per le infrastrutture SGR SpA (ci-après « F2i ») a acquis, pour le compte de deux fonds gérés par elle, 44,31 % du capital de SEA, dont une partie du capital détenu par le requérant (29,75 %) et l’intégralité du capital détenu par la Provincia di Milano (14,56 %).

2        Jusqu’au 1er juin 2002, SEA a elle-même fourni les services d’assistance en escale aux aéroports de Milan-Linate et de Milan-Malpensa. À la suite de l’entrée en vigueur du décret législatif no 18/99, du 13 janvier 1999 (Gazzetta ufficialedella Repubblica italiana no 28, du 4 février 1999), visant à transposer en droit italien la directive 96/67/CE du Conseil, du 15 octobre 1996, relative à l’accès au marché de l’assistance en escale dans les aéroports de la Communauté (JO 1996, L 272, p. 36), SEA a, conformément à l’obligation prévue à l’article 4, paragraphe 1, de cette directive, procédé à la séparation comptable et juridique entre les activités liées à la fourniture des services d’assistance en escale et ses autres activités. À cet effet, elle a créé une nouvelle société, entièrement contrôlée par elle et dénommée Sea Handling SpA. Sea Handling a fourni des services d’assistance en escale aux aéroports de Milan-Linate et de Milan-Malpensa depuis le 1er juin 2002.

B.      Procédure administrative

3        Par lettre du 13 juillet 2006, la Commission des Communautés européennes a reçu une plainte relative à de prétendues mesures d’aides qui auraient été octroyées à Sea Handling (ci-après les « mesures en cause »).

4        Par lettre du 6 octobre 2006, la Commission a demandé aux autorités italiennes de fournir des éclaircissements au sujet de la plainte. Après avoir sollicité et obtenu une prolongation du délai pour la réponse, les autorités italiennes ont transmis les éclaircissements demandés par lettre du 9 février 2007.

5        Par lettre du 30 mai 2007, la Commission a informé le plaignant qu’elle ne disposait pas d’informations suffisantes pour conclure à un transfert de ressources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et que, dès lors, conformément à l’article 20, paragraphe 2, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), il n’existait pas de motifs suffisants pour examiner davantage les mesures en cause. Par lettre du 24 juillet 2007, le plaignant a communiqué des informations complémentaires à la Commission. Par la suite, cette dernière a décidé de réexaminer la plainte.

6        Par lettre du 3 mars 2008, la Commission a demandé aux autorités italiennes de lui communiquer une copie d’un accord syndical conclu le 26 mars 2002 (ci-après l’« accord syndical du 26 mars 2002 »). Par lettre du 10 avril 2008, les autorités italiennes ont transmis le document demandé.

7        Par lettre du 20 novembre 2008, les autorités italiennes ont transmis à la Commission un autre accord syndical conclu le 13 juin 2008 (ci-après l’« accord syndical du 13 juin 2008 »).

8        Par lettre du 23 juin 2010, la Commission a notifié aux autorités italiennes sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (ci-après la « décision d’ouverture ») et a invité les autorités italiennes à lui fournir certaines informations et données nécessaires pour apprécier la compatibilité des mesures en cause avec le marché intérieur. Par la publication de la décision d’ouverture au Journal officiel de l’Union européenne, intervenue le 29 janvier 2011 (JO 2011, C 29, p. 10), la Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur les mesures en cause dans un délai d’un mois suivant cette publication.

9        Après avoir sollicité et obtenu une prolongation du délai de réponse, les autorités italiennes ont présenté les observations du requérant sur la décision d’ouverture par lettre du 20 septembre 2010.

10      Après avoir sollicité et obtenu une prolongation du délai les concernant, Sea Handling et SEA ont présenté leurs observations sur la décision d’ouverture par lettre du 21 mars 2011.

11      Par lettre du 7 avril 2011, la Commission a transmis les observations des tiers intéressés aux autorités italiennes et les a invité à présenter leurs observations. Après avoir sollicité et obtenu une prolongation du délai les concernant, les autorités italiennes ont présenté leurs observations en réponse aux observations des tiers et ont fourni de nouveaux arguments sous la forme d’une étude réalisée par un bureau de consultance.

12      Par lettre du 11 juillet 2011, la Commission a demandé aux autorités italiennes de lui transmettre des informations qu’elle avait déjà demandées dans la décision d’ouverture. Après avoir sollicité, à deux reprises, mais n’avoir obtenu qu’une seule fois une prolongation du délai de réponse, les autorités italiennes ont soumis les informations demandées par lettre du 15 septembre 2011.

13      Par lettre du 21 octobre 2011, les autorités italiennes ont complété leurs observations précédentes.

14      Les 19 juin et 23 novembre 2012, deux réunions ont été tenues entre les services de la Commission et les autorités italiennes. À la suite de la première de ces réunions, les autorités italiennes ont fourni de nouveaux arguments par lettres des 2 et 10 juillet 2012.

C.      Décision attaquée

15      Le 19 décembre 2012, la Commission a adopté la décision (UE) 2015/1225, concernant les augmentations de capital effectuées par SEA en faveur de Sea [Handling] [SA.21420 (C 14/10) (ex NN 25/10) (ex CP 175/06)], notifiée sous le numéro C(2012) 9448 (JO 2015, L 201, p. 1, ci-après la « décision attaquée »).

16      Dans le dispositif de la décision attaquée, la Commission a considéré, notamment, que « [l]es augmentations de capital effectuées par SEA en faveur de [...] Sea Handling pour chacun des exercices de la période [allant de] 2002 [à] 2010 (pour un montant cumulé estimé à 359,644 millions d’[euros], hors intérêts de récupération) constitu[ai]ent des aides d’État au sens de l’article 107 [TFUE] » (article 1er) et que « [c]es aides d’État, octroyées en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE], [étaie]nt incompatibles avec le marché intérieur » (article 2). Par conséquent, elle a ordonné que « [la République italienne] [soit] tenue de se faire rembourser les aides visées à l’article 1er par le bénéficiaire » (article 3, paragraphe 1).

II.    Procédure et conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 mars 2013, le requérant a introduit le présent recours.

18      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 21 mars 2013, le requérant a introduit une demande en référé enregistrée sous le numéro d’affaire T‑167/13 R. Le requérant s’étant désisté de sa demande en référé, l’affaire T‑167/13 R a été rayée du registre du Tribunal par ordonnance du 20 juin 2013, Comune di Milano/Commission (T‑167/13 R, non publiée, EU:T:2013:331), les dépens étant réservés.

19      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 10 mai 2013, F2i a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du requérant. Par ordonnance du 4 novembre 2014, Comune di Milano/Commission (T‑167/13, non publiée, EU:T:2014:936), le président de la quatrième chambre du Tribunal a rejeté cette demande d’intervention.

20      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 5 juin 2013, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991. Le requérant a déposé ses observations sur cette exception le 22 juillet 2013. Par ordonnance du Tribunal du 9 septembre 2014, l’exception a été jointe au fond et les dépens ont été réservés.

21      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

22      Un membre de la troisième chambre ayant été empêché de siéger, le président du Tribunal a désigné un autre juge pour compléter la chambre.

23      Sur proposition de la troisième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer la présente affaire ainsi que les affaires T‑125/13, République italienne/Commission et T‑152/13, Sea Handling/Commission dans lesquelles était également demandée l’annulation de la décision attaquée, devant une formation de jugement élargie.

24      Eu égard à l’empêchement d’un membre de la troisième chambre mentionné au point 22 ci-dessus, le président du Tribunal a désigné le vice-président du Tribunal pour compléter la troisième chambre élargie.

25      Par ordonnance du président de la troisième chambre élargie du Tribunal, du 21 avril 2017, les parties principales entendues, les affaires T‑125/13, T‑152/13 et T‑167/13 ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure ainsi que de la décision mettant fin à l’instance, conformément à l’article 68 du règlement de procédure.

26      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

27      En application de l’article 19, paragraphe 2, du règlement de procédure, le président de la troisième chambre élargie du Tribunal a déféré à la chambre les décisions sur la disjonction des affaires T‑125/13, T‑152/13 et T‑167/13 aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance et sur la radiation du registre du Tribunal de l’affaire T‑125/13.

28      Par ordonnance du 22 janvier 2018, Italie e.a./Commission (T‑125/13, T‑152/13 et T‑167/13, non publiée, EU:T:2018:35), le Tribunal a, premièrement, disjoint les affaires T‑125/13, T‑152/13 et T‑167/13 aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance, conformément à l’article 68, paragraphe 3, du règlement de procédure, deuxièmement, rayé l’affaire T‑125/13 du registre du Tribunal, troisièmement, constaté qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours formé par Sea Handling dans l’affaire T‑152/13 et, quatrièmement, réservé les dépens dans l’affaire T‑167/13.

29      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 28 février 2018.

30      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler les articles 3, 4 et 5 de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

31      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité

32      La Commission conteste la recevabilité du présent recours en faisant valoir que le requérant n’est pas individuellement concerné par la décision attaquée et qu’il ne justifie pas d’un « intérêt spécifique et autonome à agir ».

33      S’agissant, en premier lieu, de la question de savoir si le requérant est individuellement concerné par la décision attaquée, il y a lieu de rappeler qu’il découle d’une jurisprudence constante que les sujets autres que les destinataires ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une décision le serait (arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 197 ; du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, EU:C:1986:42, point 22, et du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C‑78/03 P, EU:C:2005:761, point 33).

34      Il ressort également de la jurisprudence que la position juridique d’un organisme autre qu’un État membre, jouissant de la personnalité juridique et ayant pris une mesure qualifiée d’aide d’État dans une décision finale de la Commission (ci-après le « dispensateur de l’aide »), peut être individuellement affectée par cette décision si celle-ci l’empêche d’exercer comme il l’entend ses compétences propres, consistant notamment en l’octroi de l’aide en cause (voir arrêt du 17 juillet 2014, Westfälisch-Lippischer Sparkassen- und Giroverband/Commission, T‑457/09, EU:T:2014:683, point 83 et jurisprudence citée).

35      En substance, la Commission considère que, bien que les mesures en cause soient imputables au requérant, ce dernier ne saurait être considéré comme dispensateur de l’aide au sens de la jurisprudence citée au point 34 ci-dessus.

36      Le requérant conteste les arguments de la Commission qu’il qualifie de contradictoires. Selon le requérant, si, dans la décision attaquée, la Commission considère que les mesures en cause sont imputables au requérant, ce dernier devrait logiquement être considéré comme dispensateur de l’aide.

37      Il ressort de l’article 1er de la décision attaquée que la Commission considère que « [l]es augmentations de capital effectuées par SEA en faveur de sa filiale Sea Handling […] constituent des aides d’État au sens de l’article 107 […] TFUE » et, partant, que c’est SEA qui a exécuté les mesures en cause.

38      Cependant, il ressort des considérants 190 à 217 de la décision attaquée, que la Commission n’a pu conclure à l’existence d’aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE qu’en se fondant sur son appréciation selon laquelle les mesures en cause, exécutées par SEA, sont imputables au requérant et, dès lors, à la République italienne.

39      Selon une jurisprudence constante, l’imputabilité à l’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ne saurait être déduite du seul fait que ces dernières ont été accordées par une entreprise publique contrôlée par l’État. En effet, même si l’État est en mesure de contrôler une entreprise publique et d’exercer une influence déterminante sur les opérations de celle-ci, l’exercice effectif de ce contrôle dans un cas concret ne saurait être automatiquement présumé. Il est encore nécessaire d’examiner si les autorités publiques doivent être considérées comme ayant été impliquées, d’une manière ou d’une autre, dans l’adoption de ces mesures. À cet égard, il ne saurait être exigé qu’il soit démontré, sur le fondement d’une instruction précise, que les autorités publiques ont incité concrètement l’entreprise publique à prendre les mesures d’aide concernées. En effet, l’imputabilité à l’État d’une mesure d’aide prise par une entreprise publique peut être déduite d’un ensemble d’indices résultant des circonstances de l’espèce et du contexte dans lequel cette mesure est intervenue. En particulier, est pertinent tout indice indiquant, dans le cas concret, ou bien une implication des autorités publiques ou l’improbabilité d’une absence d’implication dans l’adoption d’une mesure, eu égard également à l’ampleur de celle-ci, à son contenu ou aux conditions qu’elle comporte, ou bien l’absence d’implication de ces autorités dans l’adoption de cette mesure (voir arrêt du 17 septembre 2014, Commerz Nederland, C‑242/13, EU:C:2014:2224, points 31 à 33 et jurisprudence citée).

40      Or, force est de constater que, s’il devait être accepté, l’argument de la Commission selon lequel la « simple » implication d’une collectivité territoriale dans les décisions d’une société contrôlée par elle ne saurait suffire pour considérer cette entité comme individuellement concernée par une décision ordonnant la récupération en tant qu’aide d’État illégale d’un avantage octroyé par une telle décision, il lui aurait été impossible de conclure que, en l’espèce, les mesures en cause étaient imputables à l’État italien. En effet, il ressort de la jurisprudence citée au point 39 ci-dessus que cette imputabilité à l’État présuppose que l’implication des autorités publiques soit caractérisée à un point tel qu’elle s’apparente à une instruction donnée par ces autorités. Il s’ensuit que, en considérant que les mesures en cause sont imputables au requérant en tant qu’autorité publique, la Commission lui accorde nécessairement un rôle décisif dans le processus d’adoption de ces mesures.

41      Dans ces circonstances, c’est à juste titre que le requérant critique comme étant intrinsèquement contradictoire l’argumentation de la Commission selon laquelle, bien que les mesures en cause soient imputables au requérant, ce dernier n’est pas le dispensateur de l’aide. Au contraire, si le requérant est l’autorité publique ayant été impliquée dans l’adoption des mesures en cause à un point tel qu’elles lui sont imputables conformément aux critères énoncés au point 39 ci-dessus, c’est le requérant qui doit être considéré comme dispensateur de l’aide (voir point 34 ci-dessus). Dans ce contexte, il est sans pertinence que ces mesures ont été exécutées par SEA, dès lors que, de l’avis même de la Commission, cette société agissait à l’instigation du requérant.

42      Le requérant fait valoir que la décision attaquée a une incidence importante sur les compétences que lui reconnaît la Constitution italienne, sans que cela soit contesté par la Commission. En tant que collectivité locale la plus proche des besoins de sa population, il lui incomberait de veiller à ses intérêts et à son bien-être, notamment en veillant à éviter des retombées graves en matière d’emploi découlant de l’insolvabilité de Sea Handling et en garantissant la continuité de l’activité aux aéroports de Milan-Linate et de Milan-Malpensa en tant qu’élément essentiel de l’économie milanaise.

43      Ainsi, la décision attaquée affecte individuellement le requérant au sens de la jurisprudence citée au point 34 ci-dessus, en ce qu’elle l’empêche d’exercer comme il l’entend les compétences propres qui lui sont conférées par la Constitution italienne, consistant, en l’espèce, en des mesures visant à garantir la stabilité financière de Sea Handling et, partant, d’une part, à préserver les emplois dans cette entreprise et, d’autre part, à garantir la continuité de l’activité aéroportuaire à Milan-Linate et à Milan-Malpensa.

44      Il y a donc lieu de rejeter la fin de non-recevoir de la Commission dans la mesure où elle vise à faire constater que le requérant n’est pas individuellement concerné par la décision attaquée.

45      S’agissant, en second lieu, de l’argument de la Commission tiré de ce que le requérant ne justifie pas d’un « intérêt spécifique et autonome à agir », il ressort d’une jurisprudence constante qu’un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette dernière a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté. L’intérêt à agir d’une partie requérante doit être né et actuel. Il doit au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci, sous peine d’irrecevabilité, et perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer (voir arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, points 55 à 57 et jurisprudence citée).

46      Cependant, rien dans la jurisprudence n’indique qu’un intérêt à agir doit non seulement remplir les conditions rappelées au point 45 ci-dessus, mais également être « spécifique et autonome », comme l’avance toutefois la Commission.

47      En l’espèce, en réponse à une mesure d’organisation de la procédure du Tribunal, le requérant a relevé que SEA et lui-même avaient été cités en justice devant le Tribunale di Milano (tribunal de Milan, Italie) par une société active dans le secteur des services d’assistance en escale. Cette société réclamerait l’indemnisation de préjudices prétendument subis (à hauteur d’environ 93 millions d’euros) à cause des mesures prises par SEA en faveur de Sea Handling qui font l’objet de la décision attaquée. Lors de l’audience, le requérant a indiqué que cette procédure devant le Tribunale di Milano (tribunal de Milan) était « informellement » suspendue en attendant la décision du Tribunal dans la présente affaire.

48      Force est de constater que l’annulation de la décision attaquée dans la présente affaire permettrait au requérant de se défendre devant le Tribunale di Milano (tribunal de Milan) en faisant valoir que les mesures en cause ne constituent pas des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur, comme l’a constaté la Commission dans cette décision. Ainsi, cette annulation est susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques importantes sur la défense du requérant devant le Tribunale di Milano (tribunal de Milan), de sorte que le présent recours est de nature à lui procurer, par son résultat, un bénéfice.

49      Partant, il y a lieu de rejeter également la fin de non-recevoir de la Commission dans la mesure où elle conteste l’existence d’un « intérêt spécifique et autonome à agir » du requérant.

B.      Sur le fond

1.      Résumé des moyens d’annulation

50      À l’appui du recours, le requérant soulève quatre moyens.

51      Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce que la Commission aurait erronément constaté qu’il y a eu un transfert de ressources étatiques et que les mesures en cause étaient imputables à l’État italien.

52      Par le deuxième moyen, le requérant fait valoir une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce que la Commission aurait méconnu le critère de l’investisseur privé.

53      Le troisième moyen est tiré d’une méconnaissance des conditions de compatibilité des mesures en cause avec le marché intérieur, notamment en ce que la Commission aurait violé les lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO 1999, C 288, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 1999 »), les lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO 2004, C 244, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2004 »), ainsi que les lignes directrices communautaires sur le financement des aéroports et les aides d’État au démarrage pour les compagnies aériennes au départ d’aéroports régionaux (JO 2005, C 312, p. 1, ci-après les « lignes directrices concernant le secteur aéroportuaire »).

54      Par le quatrième moyen, le requérant fait valoir une violation des principes du contradictoire et des droits de la défense, de « bonne administration » et de protection de la confiance légitime.

2.      Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE pour méconnaissance des critères de transfert de ressources étatiques et d’imputabilité des mesures en cause à l’État ainsi que d’une violation de l’obligation de motivation

a)      Portée du moyen

55      Par son premier moyen, le requérant estime que la Commission a violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE en considérant, en substance, que les mesures en cause lui étaient imputables et dès lors de nature étatique. En particulier, elle n’aurait pas satisfait au standard de preuve requis pour démontrer que les décisions de SEA de compenser les pertes subies par Sea Handling étaient imputables au requérant.

56      Selon le requérant, aux fins de la démonstration que le critère de l’imputabilité à l’État était rempli, il était nécessaire de prouver l’implication concrète de l’État dans la gestion des sociétés qu’il contrôlait. Lorsque les preuves sont de nature indiciaire, elles devraient se fonder sur des « indices précis et pertinents à la lumière des circonstances de l’espèce ». Si, comme en l’espèce, les mesures ont trait à une période s’étalant sur plusieurs années, à savoir la période en cause, la preuve ne pourrait pas être apportée par des « indices épars glanés dans ladite période ». Il incomberait à la Commission de démontrer la logique et la cohérence entre les différentes mesures adoptées durant la période en cause. L’implication de l’État aurait dû être prouvée au regard des mesures spécifiques qui constitueraient des aides d’État. La charge de la preuve de la Commission serait d’autant plus importante que, en mai 2007, elle avait mis fin à l’examen préliminaire en raison d’un manque de preuves.

57      En particulier, le requérant considère qu’aucun des indices retenus dans la décision attaquée, pris isolément ou conjointement, ne pouvait raisonnablement fonder l’imputabilité des mesures en cause à l’État italien. En revanche, selon le requérant, la Commission n’a pas dûment apprécié les « contre-indices » qu’il avait avancés au cours de la procédure administrative, à savoir le refus réitéré opposé par la direction de SEA à des demandes d’accès à des informations présentées par certains conseillers municipaux et défendues par le président du conseil municipal. Ces refus démontreraient l’absence d’un quelconque rôle majeur joué par le requérant au sein de SEA. Ainsi, la Commission aurait également manqué à son obligation de motivation.

58      La Commission conteste les arguments du requérant.

59      À cet égard, il y a lieu d’analyser, en premier lieu, l’existence d’un transfert de ressources étatiques, en deuxième lieu, les arguments du requérant tirés de ce que la Commission a manqué à son obligation de démontrer la logique et la cohérence entre les différents indices dont la Commission considère qu’ils prouvent l’imputabilité à l’État italien de l’ensemble des mesures en cause et, en troisième lieu, les arguments tirés de ce que la Commission n’aurait pas satisfait au standard de preuve requis pour démontrer que les décisions de SEA de compenser les pertes subies par Sea Handling étaient imputables au requérant.

b)      Sur le transfert de ressources étatiques

60      Il ressort d’une jurisprudence constante que, pour que des avantages puissent être qualifiés d’aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ils doivent, d’une part, être accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État et, d’autre part, être imputables à l’État (arrêts du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 24, et du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 16). Il ressort en effet de la jurisprudence qu’il s’agit de conditions distinctes et cumulatives (voir arrêt du 5 avril 2006, Deutsche Bahn/Commission, T‑351/02, EU:T:2006:104, point 103 et jurisprudence citée).

61      La notion d’intervention au moyen de ressources d’État vise à inclure, outre les avantages accordés directement par l’État, ceux accordés par l’intermédiaire d’un organisme public ou privé, désigné ou institué par cet État en vue de gérer l’aide (voir arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 20 et jurisprudence citée). En effet, le droit de l’Union ne saurait admettre que le seul fait de créer des institutions autonomes chargées de la distribution d’aides permette de contourner les règles relatives aux aides d’État (arrêt du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 23).

62      En outre, l’article 107, paragraphe 1, TFUE englobe tous les moyens pécuniaires que les autorités publiques peuvent effectivement utiliser pour soutenir des entreprises, sans qu’il soit pertinent que ces moyens appartiennent ou non de manière permanente au patrimoine de l’État. En conséquence, même si les sommes correspondant à la mesure en cause ne sont pas de façon permanente en possession du Trésor public, le fait qu’elles restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, suffit pour qu’elles soient qualifiées de ressources d’État (voir, en ce sens, arrêts du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 37 ; du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 21 et jurisprudence citée, et du 10 mai 2016, Allemagne/Commission, T‑47/15, EU:T:2016:281, point 83).

63      Au sujet de la notion de ressources d’État, après avoir rappelé le point 37 de l’arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294) (considérant 190 de la décision attaquée ; voir également point 55 de la décision d’ouverture), la Commission a considéré, que, en l’espèce, « [l]es ressources utilisées pour couvrir les pertes de Sea Handling [avaient] une origine publique, puisqu’elles prov[enaient] de SEA, dont 99,12 % du capital a été détenu, pendant la période [en cause], par [le requérant] et [par] la [Provincia di Milano] » (considérant 191 de la décision attaquée, dont le contenu correspond à celui du point 56 de la décision d’ouverture). À cet égard, le considérant 25 de la décision attaquée précise, en substance, que SEA est une société de droit privé (société anonyme) dont le capital était détenu, pendant la période en cause, presque exclusivement par des autorités publiques, à savoir à raison de 84,56 % par le requérant, à raison de 14,56 % par la Provincia di Milano, et à raison de 0,88 % par d’autres actionnaires publics et privés.

64      Le requérant n’avance aucun argument concret pour remettre en cause cette appréciation de la Commission qui n’est entachée d’aucune erreur.

65      En effet, eu égard aux principes jurisprudentiels mentionnés aux points 60 à 62 ci-dessus, la Commission a souligné à bon droit que les parts sociales de SEA, l’entité dispensatrice de l’ensemble des apports en capital litigieux, étaient presque entièrement et directement détenues par les autorités publiques, à savoir par le requérant et par la Provincia di Milano. À l’instar de la situation dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294, point 34), il s’ensuit que SEA constitue une « entreprise publique » au sens de l’article 2, sous b), de la directive 2006/111/CE de la Commission, du 16 novembre 2006, relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques ainsi qu’à la transparence financière dans certaines entreprises (JO 2006, L 318, p. 17), à savoir « [une] entreprise sur laquelle les pouvoirs publics peuvent exercer directement ou indirectement une influence dominante du fait de la propriété, de la participation financière ou des règles qui la régissent ». En effet, il ressort de l’article 2, sous b), i), de la directive 2006/111 que « [l]’influence dominante des pouvoirs publics sur l’entreprise est présumée lorsque, directement ou indirectement, ceux-ci [...] détiennent la majorité du capital souscrit de l’entreprise », ce qui est le cas en l’espèce.

66      En outre, conformément aux critères reconnus aux points 33 à 38 de l’arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294), aux considérants 192 et 208 de la décision attaquée, la Commission s’est fondée sur des éléments additionnels de contrôle en constatant que, selon les propres dires des autorités italiennes, « [le requérant] exerçait son contrôle sur SEA en désignant les membres du conseil d’administration (Consiglio di amministrazione) et du conseil de surveillance (Collegio sindacale) », dont le requérant ne conteste pas l’existence. Or, force est de constater qu’il résulte du pouvoir du requérant de nommer soit directement, soit par l’intermédiaire de sa majorité dans l’assemblée générale, les membres du conseil d’administration et du conseil de surveillance de SEA, ainsi que du fait que les parts sociales de SEA étaient presque entièrement détenues par les autorités publiques, que les moyens financiers octroyés par SEA à Sea Handling se trouvaient constamment sous le contrôle de ces autorités et étaient donc à leur disposition au sens de l’arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294).

67      C’est donc à juste titre que la Commission a conclu, dans la décision attaquée, que les apports en capital octroyés par SEA à Sea Handling constituaient des ressources étatiques au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

c)      Sur la logique et la cohérence entre les différents indices

68      S’agissant de l’examen de l’ensemble des mesures en cause aux fins de l’appréciation du critère d’imputabilité à l’État des mesure en cause, il convient de rappeler que la décision attaquée expose, à ses considérants 211 à 216, essentiellement ce qui suit :

« (211)      [L]a Commission juge que les mesures d’apurement des pertes sous forme d’augmentations du capital de Sea Handling ne constituaient pas des mesures de gestion courante, mais bien des mesures exceptionnelles. Le caractère exceptionnel des mesures se reflète tant du point de vue économique, vu l’importance des montants concernés (en effet, chaque apurement des pertes a été compensé par une augmentation de capital de plusieurs millions d’euros), mais également du point de vue politique, vu l’effet attendu des mesures sur la sauvegarde de l’emploi.

(212)            Vu leur caractère exceptionnel, les mesures n’ont, par conséquent, pas été prises de manière autonome par le conseil d’administration de SEA, mais ont fait l’objet d’une validation explicite par l’assemblée générale, au sein de laquelle [le requérant] est l’actionnaire majoritaire, et ce en accord avec les statuts de SEA et les principes fixés en la matière par le code civil [italien]. Il ne fait donc aucun doute que [le requérant] était pleinement informé […] des mesures et qu’[il] les [a] approuvées, ainsi qu’en témoignent les procès-verbaux des assemblées générales. [Il] était non seulement à l’origine des mesures par sa participation à l’accord [syndical] du 26 mars 2002 mais a également été informé […] de chaque mesure d’apurement des pertes de Sea Handling et a systématiquement donné son aval. Ces mesures exceptionnelles étaient donc nécessairement imputables à l’État.

[…]

(215)            Dans le cas concret, vu donc l’importance des mesures en cause et les autres éléments relevés dans la présente décision ainsi que dans la décision d’ouverture, la Commission estime avoir suffisamment d’indices démontrant l’imputabilité des mesures en question à l’État [i]talien, en raison de l’implication [du requérant] dans les mesures de couverture des pertes de Sea Handling ou de l’improbabilité d’une absence d’implication des autorités publiques dans l’adoption de ces mesures.

(216)            Il s’ensuit que la Commission doit réfuter l’affirmation des autorités italiennes selon laquelle la Commission devrait analyser individuellement chacune des interventions sur le capital de Sea Handling afin de vérifier les conditions d’existence de l’aide et, plus particulièrement, son imputabilité [au requérant]. La Commission considère en effet que l’ensemble des éléments exposés aux considérants 174 à 186 (ainsi que l’analyse des mesures sous l’angle de l’investisseur avisé) est suffisamment probant et démontre que la couverture des pertes par les injections de capital n’a pu résulter que d’une seule stratégie et d’une implication des autorités publiques tout au long de la période [en cause]. En effet, les autorités italiennes ont affirmé elles-mêmes que si les décisions de couverture des pertes avaient été formellement prises annuellement, il y avait une stratégie pluriannuelle de couverture des pertes pendant la période nécessaire à la restructuration (considérants 225 à 232). »

69      En ce qui concerne l’application du critère de l’investisseur privé, sous l’intitulé « Stratégie pluriannuelle de couverture des pertes », la Commission a, notamment, rappelé, au considérant 222 de la décision attaquée, l’argumentation des autorités italiennes et de SEA selon laquelle, « bien que les décisions de couverture des pertes aient été formellement prises annuellement, la stratégie pluriannuelle de couverture de pertes adoptée pendant la période nécessaire à la restructuration ne pouvait être remise en question chaque année et [selon laquelle] les résultats ne pouvaient s’apprécier que sur une période pluriannuelle ». En outre, au considérant 223 de cette décision, la Commission a interprété cette argumentation comme exprimant que « la décision de couverture des pertes futures a été prise initialement en 2002, puis une deuxième fois en 2007, lorsque, les résultats attendus n’ayant pas été obtenus, la stratégie initiale impliquant la couverture des pertes a été reconsidérée, pour être finalement poursuivie » et que, « [en substance, [les autorités italiennes et SEA] semblent présenter les mesures en question comme deux apports en capital décidés en 2002 et 2007 à effectuer en versement[s] annuels ».

70      Il ressort des considérants 225 à 232 de la décision attaquée que, pour conclure à l’imputabilité des mesures en cause aux autorités italiennes, la Commission a effectué une analyse globale de l’ensemble de ces mesures en constatant que les différentes augmentations de capital étaient liées les unes aux autres et qu’elles faisaient, selon l’avis des autorités italiennes elles-mêmes, l’objet d’une stratégie unique à long terme. Il y est fait référence systématiquement à ces « mesures » en utilisant le pluriel et comme étant les corollaires de l’accord syndical du 26 mars 2002 (voir notamment considérants 211 et 212 de la décision attaquée). D’après la Commission, eu égard à leur caractère exceptionnel, toutes ces mesures n’ont pas été adoptées « de manière autonome par le conseil d’administration de SEA, mais ont fait l’objet d’une validation explicite par l’assemblée générale » des actionnaires de SEA, en pleine connaissance de cause, avec la participation et l’aval du requérant, son actionnaire majoritaire. Par ailleurs, en se référant aux faits établissant, selon elle, que Sea Handling était une entreprise en difficulté au sens des lignes directrices de 1999 et de 2004 (considérants 174 à 186 de la décision attaquée) et à ses considérations exposées dans le cadre de son appréciation du critère de l’investisseur privé (considérants 222, 223 et 225 à 232 de la décision attaquée), la Commission a rejeté explicitement l’argument des autorités italiennes selon lequel, à cette fin, elle aurait été tenue d’analyser individuellement chacune de ces mesures, celles-ci résultant d’une « seule stratégie et d’une implication des autorités publiques tout au long de la procédure d’examen » (considérant 216 de la décision attaquée). En effet, les autorités italiennes auraient elles-mêmes admis qu’il existait une « stratégie pluriannuelle de couverture des pertes pendant la période nécessaire à la restructuration » (considérant 222 de la décision attaquée), dont les mesures étaient « strictement liées l’une à l’autre » et « vis[ai]ent à répondre au même but, à savoir pallier les pertes de Sea Handling pour permettre [s]a survie [...] et son retour à la viabilité » (considérant 231 de la décision attaquée).

71      À cet égard, à l’instar de la Commission, il y a lieu de relever que la Cour a déjà jugé que, les interventions étatiques prenant des formes diverses et devant être analysées en fonction de leurs effets, il ne saurait être exclu que plusieurs interventions consécutives de l’État doivent, aux fins de l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, être regardées comme une seule intervention. Tel peut notamment être le cas lorsque des interventions consécutives présentent, au regard de leur chronologie, de leur finalité et de la situation de l’entreprise au moment de ces interventions, des liens tellement étroits entre elles qu’il est impossible de les dissocier (voir, s’agissant du critère de transfert de ressources d’État, arrêts du 19 mars 2013, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission e.a. et Commission/France e.a., C‑399/10 P et C‑401/10 P, EU:C:2013:175, points 103 et 104, et du 4 juin 2015, Commission/MOL, C‑15/14 P, EU:C:2015:362, point 97 ; voir également, s’agissant de l’application du critère de l’investisseur privé, arrêts du 15 septembre 1998, BP Chemicals/Commission, T‑11/95, EU:T:1998:199, points 171 et 179, et du 15 janvier 2015, France/Commission, T‑1/12, EU:T:2015:17, points 33 et 34).

72      En l’espèce, force est de constater que le requérant non seulement se contente d’affirmer, sans fournir d’explication, que la Commission n’aurait pas démontré la logique et la cohérence entre les indices qu’elle a mis en avant pour imputer l’ensemble des mesures prises durant la période en cause à l’État italien, mais contredit également les observations des autorités italiennes et de SEA faites lors de la procédure administrative sur ce point et telles que rappelées au considérant 222 de la décision attaquée. En effet, il ressort de ces observations, qui n’ont pas été contredites par le requérant, que les décisions d’investissement de SEA concernant Sea Handling reposaient sur une stratégie pluriannuelle de couverture des pertes pendant la période nécessaire à la restructuration. En outre, le caractère répétitif, cohérent et uniforme de cette approche au cours d’une période de huit ans indique que ces décisions et l’aval du requérant reposaient effectivement sur un choix stratégique fait préalablement et remontant à l’année 2002.

73      Il ressort de ce qui précède que la Commission pouvait considérer à bon droit que les apports en capital consécutifs, tels qu’octroyés par SEA à Sea Handling annuellement, au cours de la période en cause, présentaient – au regard de leur chronologie, de leur finalité et de la situation analogue de l’entreprise bénéficiaire, dont les pertes substantielles dépassaient régulièrement un tiers de son capital social – des liens tellement étroits entre eux qu’il était impossible, aux fins de l’application des critères de transfert de ressources d’État et d’imputabilité, de les dissocier au sens de la jurisprudence visée au point 71 ci-dessus.

74      Par conséquent, il convient de rejeter les arguments du requérant tirés de ce que la Commission a manqué à son obligation de démontrer la logique et la cohérence entre les différents indices justifiant de les prendre en considération dans leur ensemble afin de prouver l’imputabilité à l’État italien de l’intégralité des mesures adoptées durant la période en cause.

d)      Sur l’imputabilité des mesures en cause

75      Il découle d’une jurisprudence constante, depuis l’arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294), que l’imputabilité d’une mesure à l’État ne peut être déduite de la seule circonstance que la mesure en cause a été prise par une entreprise publique. En effet, même si l’État est en mesure de contrôler une entreprise publique et d’exercer une influence dominante sur les opérations de celle-ci, l’exercice effectif de ce contrôle dans un cas concret ne saurait être automatiquement présumé. Une entreprise publique peut agir avec plus ou moins d’indépendance, en fonction du degré d’autonomie qui lui est laissé par l’État. Dès lors, le seul fait qu’une entreprise publique soit sous contrôle étatique ne suffit pas pour imputer des mesures prises par celle-ci à l’État. Il est encore nécessaire d’examiner si les autorités publiques doivent être considérées comme ayant été impliquées, d’une manière ou d’une autre, dans l’adoption de ces mesures. À cet égard, il ne saurait être exigé qu’il soit démontré, sur le fondement d’une instruction précise, que les autorités publiques ont incité concrètement l’entreprise publique à prendre les mesures d’aide en cause. En effet, d’une part, eu égard au fait que les relations entre l’État et les entreprises publiques sont étroites, il existe un risque réel que des aides d’État soient octroyées par l’intermédiaire de celles-ci de façon peu transparente et en méconnaissance du régime des aides d’État prévu par le traité. D’autre part, en règle générale, il sera très difficile pour un tiers, précisément à cause des relations privilégiées existant entre l’État et une entreprise publique, de démontrer dans un cas concret que des mesures d’aide prises par une telle entreprise ont effectivement été adoptées sur instruction des autorités publiques. Pour ces motifs, il y a lieu d’admettre que l’imputabilité à l’État d’une mesure d’aide prise par une entreprise publique peut être déduite d’un ensemble d’indices résultant des circonstances de l’espèce et du contexte dans lequel cette mesure est intervenue. En outre, dans son arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294), la Cour a précisé que tout autre indice indiquant, dans le cas concret, une implication des autorités publiques ou l’improbabilité d’une absence d’implication dans l’adoption de la mesure, eu égard également à l’ampleur de celle-ci, à son contenu et aux conditions qu’elle comporte, pourrait, le cas échéant, être pertinent pour conclure à l’imputabilité à l’État d’une mesure prise par une entreprise publique (voir, en ce sens, arrêts du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, points 51 à 56, et du 17 septembre 2014, Commerz Nederland, C‑242/13, EU:C:2014:2224, points 31 à 34 ; du 10 novembre 2011, Elliniki Nafpigokataskevastiki e.a./Commission, T‑384/08, non publié, EU:T:2011:650, points 50 à 54, et du 28 janvier 2016, Slovénie/Commission, T‑507/12, non publié, EU:T:2016:35, points 65 à 69).

76      Il est constant que, aux considérants 192 à 216 de la décision attaquée, compte tenu des critères pertinents reconnus dans l’arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294), la Commission s’est fondée sur un ensemble d’indices résultant des circonstances de l’espèce et du contexte dans lequel les mesures en cause étaient intervenues pour conclure qu’elles étaient imputables au requérant et, partant, à l’État italien. Eu égard à la jurisprudence précitée, il convient d’apprécier si ces indices sont suffisamment probants, tant individuellement que pris dans leur ensemble, pour justifier cette conclusion.

1)      Sur la valeur probante des principaux éléments de preuve (accords syndicaux)

77      Il y a lieu d’apprécier, d’abord, les principaux indices d’imputabilité que la Commission a examinés aux considérants 195 à 200 de la décision attaquée, lus conjointement avec les points 43 à 48 et 62 à 66 de la décision d’ouverture (considérant 197 de la décision attaquée), à savoir, en particulier, les accords syndicaux des 26 mars et 4 avril 2002, pour conclure que le requérant était « impliqué » dans l’adoption des mesures en cause. Conformément à l’appréciation de la Commission, il n’est pas contesté que le requérant a participé à la négociation de l’accord syndical du 26 mars 2002 et y a apposé sa signature, même s’il prétend que cette signature provenait d’un représentant n’étant pas habilité à l’engager budgétairement. Il est également constant que cet accord syndical prévoit une obligation claire et précise incombant à SEA, notamment, de maintenir, pour la période d’au moins cinq ans, « l’équilibre coûts/bénéfices et le cadre économique général » de Sea Handling « en préservant [s]es capacités de gestion et en améliorant sensiblement [s]es possibilités d’opérer sur les marchés nationaux et internationaux ». La Commission en a conclu à juste titre que, en vertu de cette obligation, SEA était tenue de compenser d’éventuelles pertes de Sea Handling susceptibles d’affecter la continuité de son activité économique, ce qui est confirmé par les termes encore plus précis de l’accord syndical du 4 avril 2002, auquel, certes, le requérant n’a pas directement participé. En effet, selon ce dernier accord, qui fait expressément référence à l’accord syndical du 26 mars 2002, notamment, « SEA s’est engagée à […] soutenir […] la compensation des pertes afin de conserver l’équilibre financier et patrimonial de Sea Handling ». Par ailleurs, toujours selon cet accord, ces engagements sont garantis « par l’accord souscrit par [le requérant] également en qualité d’actionnaire majoritaire absolu [de SEA], par les apports effectués, par les ressources financières non sujettes aux limitations légales transférables de SEA [...] à Sea Handling [...] et par la solidité patrimoniale et financière de SEA » (considérant 196 de la décision attaquée). Par ailleurs, l’accord syndical du 19 juin 2003, auquel le requérant n’est pas non plus une partie cocontractante directe, réitère le contenu de l’accord syndical du 4 avril 2002 en soulignant, notamment, que « l’équilibre économique de Sea Handling devait en substance être maintenu à l’aide d’une action concertée portant sur ses coûts et sur ses revenus » et « confirme l’obligation souscrite le 26 mars 2002 concernant la fourniture des garanties nécessaires à caractère sociétal et financier et le maintien de l’emploi à l’égard des employés de Sea Handling ».

78      Il s’ensuit que, au titre de l’accord syndical du 26 mars 2002, il existait une obligation incombant à SEA, telle que confirmée par l’accord syndical du 4 avril 2002, de compenser les éventuelles pertes futures de Sea Handling, du moins pour une période de cinq ans. Le requérant ne saurait remettre ce constat en cause en avançant qu’il s’agissait de documents de nature politique et syndicale ayant un caractère vague et général. En outre, eu égard, aux apports en capital successifs effectués par SEA en faveur de Sea Handling durant la période en cause pour compenser ses pertes, il est avéré que, en sa qualité d’actionnaire unique de Sea Handling, SEA a effectivement interprété ces accords comme prévoyant une telle obligation (voir point 92 ci-après). Quand bien même la durée minimale de l’engagement prévu à l’accord syndical du 26 mars 2002 ne serait que de cinq ans, force est de constater que SEA a continué à l’appliquer jusqu’en 2010.

79      Ainsi, la Commission pouvait à bon droit en conclure que cette obligation de compensation des pertes de Sea Handling, au titre de l’accord syndical du 26 mars 2002, constituait le fondement contractuel sur lequel reposaient les mesures de recapitalisation ultérieures. Elle était donc également en droit de relever, aux considérants 198 et 200 de la décision attaquée, en substance, que « l’intervention des autorités italiennes, en particulier lors de la rencontre du 26 mars 2002, a conditionné les décisions de SEA quant à sa filiale Sea Handling » et que l’accord syndical du 26 mars 2002 avait une influence déterminante à cet effet, telle que confirmée par les accords syndicaux du 4 avril 2002 et du 19 juin 2003, sans qu’il eût fallu que des représentants du requérant participent en personne à la signature de ces derniers accords syndicaux.

80      Il convient d’apprécier en outre la question de savoir si la Commission était fondée à considérer que la seule participation active avérée du requérant à la conclusion de l’accord syndical du 26 mars 2002 était suffisante pour justifier que celui-ci fût également impliqué dans l’octroi des mesures de recapitalisation ultérieures en cause. À cet égard, il importe de rappeler que la démonstration par la Commission d’une telle implication des autorités publiques dans l’octroi d’une aide n’exige pas l’établissement d’une preuve positive, mais il suffit de démontrer l’improbabilité d’une absence d’implication dans l’adoption de la mesure (arrêt du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 56), compte tenu du risque réel de contournement des règles d’aides d’État du traité par l’intermédiaire d’entreprises publiques ou contrôlées par des autorités publiques (arrêt du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, points 53 et 57). Ce risque de contournement et la nécessité d’assurer l’efficacité des règles en matière d’aides d’État ont encore été soulignés par la Cour dans son arrêt du 17 septembre 2014, Commerz Nederland (C‑242/13, EU:C:2014:2224, points 34 et 36).

81      Ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, la participation active du requérant à la négociation et à la conclusion de l’accord syndical du 26 mars 2002 constitue un élément de preuve clé de l’implication des autorités italiennes dans l’octroi des mesures en cause. Outre le fait que les termes de cet accord créent une obligation claire et précise pour SEA de compenser, du moins pour une période de cinq ans, les pertes de Sea Handling (voir point 78 ci-dessus), il est constant que, en ayant signé cet accord en tant que partie cocontractante, l’administration du requérant a formellement donné son aval, y compris en sa qualité d’actionnaire majoritaire de SEA, non seulement pour établir cette obligation, mais également quant à son respect et à sa mise en œuvre ultérieurs par SEA. Cette appréciation est confirmée par le libellé de l’accord syndical du 4 avril 2002, qui fait explicitement référence à et repose sur l’accord syndical du 26 mars 2002 en faisant, notamment, mention du fait que cet accord a été « souscrit par [le requérant] également en qualité d’actionnaire majoritaire absolu [de SEA] ».

82      Dans ces circonstances, le requérant ne saurait valablement alléguer qu’il se serait limité à agir en tant que médiateur, que sa participation à l’accord syndical du 26 mars 2002 avait une nature exclusivement politique, sociale et, partant, non économique et que sa qualité d’actionnaire majoritaire de SEA était purement accessoire et secondaire dans ce contexte. Est également dépourvue de force probante son argument selon lequel l’absence d’implication économique du requérant serait confirmée, d’une part, par le fait que la signature qui y était apposée était celle de M. M., l’adjoint au maire chargé du personnel, du travail et des ressources disposant de délégations spécifiques en matière de personnel, d’organisation, de services statistiques, de supervision en matière de travail et d’emploi, d’approvisionnement et de services d’économat, et non celle de l’adjoint au maire chargé du budget, du contrôle de gestion et des privatisations ou de l’adjoint au maire chargé des transports et de la mobilité et, d’autre part, par l’absence de ligne d’engagement dans son budget. En effet, une telle argumentation ne peut être accueillie, sous peine de permettre aux autorités publiques impliquées dans l’octroi d’une aide de contourner l’application de l’interdiction au titre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE moyennant des mesures tenant à leur organisation ou à leur comptabilité internes, d’autant que de telles mesures sont également de nature à influer sur le mode de leur participation à des entreprises publiques ou privées. C’est précisément en raison de ce risque de contournement et de l’intérêt d’une mise en œuvre efficace des règles en matière d’aides d’État, que la Cour a jugé que, lorsque, lors de l’octroi d’une aide, un administrateur se comportait de manière irrégulière, au sens de la réglementation nationale pertinente, et non conforme à la volonté présumée de l’autorité publique concernée, ce fait n’était pas de nature, à lui seul, à exclure une implication de cette autorité publique (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2014, Commerz Nederland, C‑242/13, EU:C:2014:2224, points 36 à 38). Un tel raisonnement s’impose à plus forte raison dans un cas où, comme en l’espèce, un administrateur agit de manière régulière, au sens des dispositions nationales pertinentes, et avec l’aval de l’autorité publique au nom de laquelle il est censé s’engager à l’égard de tiers. En effet, à cet égard, il importe de préciser que le requérant n’a pas remis en cause le caractère régulier ou conforme à sa volonté des agissements de son représentant à l’occasion de la négociation et de la conclusion de l’accord syndical du 26 mars 2002.

83      Il s’ensuit que l’accord syndical du 26 mars 2002, lu à la lumière du libellé de l’accord syndical du 4 avril 2002, constitue, à lui seul, un indice déterminant pour démontrer l’implication du requérant dans la décision d’octroyer à Sea Handling les mesures de recapitalisation en cause. Contrairement à ce que prétend le requérant, cet élément de preuve d’imputabilité s’ajoute, de manière décisive, aux liens organiques et de contrôle qui existaient entre le requérant et SEA, dont le fait que le requérant était l’actionnaire largement majoritaire de SEA détenant ainsi la majorité des droits de vote et ayant désigné les membres de son conseil d’administration, qui créaient en soi un risque ou une certaine probabilité d’une ingérence dans les décisions stratégiques financières de SEA. Il en découle également que la Commission, loin de dénaturer ces éléments de preuve, a fait une appréciation correcte de ces éléments et l’a motivée de manière suffisante aux considérants 195 à 200 de la décision attaquée, lus en conjonction avec les points 43 à 48 et 62 à 66 de la décision d’ouverture, pour permettre au requérant de la contester et au Tribunal de vérifier sa légalité au fond (voir, en ce sens, arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 77).

2)      Sur la valeur probante des éléments de preuve complémentaires

84      Par ailleurs, les éléments de preuve complémentaires sur lesquels la Commission s’est appuyée dans la décision attaquée pour conclure à l’imputabilité des mesures en cause à l’État italien renforcent le bien-fondé de cette conclusion.

85      Ainsi, premièrement, il est, certes, vrai que le contenu exact des procès-verbaux des réunions du conseil d’administration de Sea Handling, et non de SEA, des 31 mai et 13 juin 2008 (considérant 201 de la décision attaquée), qui est contesté entre les parties, ne présente qu’une valeur probante faible. Néanmoins, eu égard à l’existence d’une concordance des volontés, sur le fondement de l’accord syndical du 26 mars 2002, entre le requérant, SEA et les syndicats, sur la couverture des pertes de Sea Handling pour les années à venir (voir points 78 à 83 ci-dessus) et aux liens organiques et de contrôle existant entre le requérant et SEA, est cohérente et crédible l’interprétation de la Commission selon laquelle l’expression italienne « è condiviso dall’azionista di maggioranza » figurant dans le dernier de ces procès-verbaux signifie que le plan de développement commercial pour Sea Handling pour la période à partir de 2007 a trouvé l’« accord de l’actionnaire majoritaire », à savoir du requérant. En tout état de cause, ainsi que l’avance la Commission, il apparaît peu probable que SEA présente un plan de développement commercial stratégique et d’une importance vitale pour sa filiale sans avoir préalablement cherché à obtenir l’aval de son actionnaire majoritaire. Ce constat tend d’ailleurs également à confirmer l’appréciation de la Commission selon laquelle le requérant continuait à être impliqué dans les décisions stratégiques concernant Sea Handling même durant la phase postérieure à 2007.

86      Deuxièmement, il convient également de rejeter l’argument du requérant tendant à réduire l’importance du fait – prétendument purement ponctuel, mais non contesté par lui en tant que tel – que le maire de Milan avait demandé et obtenu la démission du président du conseil d’administration de SEA en 2006 (considérant 203 de la décision attaquée). À cet égard, le seul argument du requérant selon lequel il serait parfaitement normal que l’actionnaire majoritaire ait le pouvoir de relever de ses fonctions le président du conseil d’administration est peu convaincant, puisque, dans le cas d’espèce, un tel fait tend néanmoins à démontrer l’existence d’une ingérence proactive de la part du requérant dans la gestion de SEA et constitue, dès lors, un indice d’imputabilité pertinent s’ajoutant aux autres indices.

87      Troisièmement, il en va de même des lettres de démission en blanc que les membres du conseil d’administration de SEA auraient remis au maire du requérant (considérant 206 de la décision attaquée), fait dont le requérant prétend, de manière erronée, qu’il serait uniquement mentionné dans des articles de presse et non prouvé par la Commission. En effet, il ressort d’une lecture combinée des considérants 63, 98 et 206 de la décision attaquée que SEA avait admis l’existence de ces lettres, tout en contestant leur pertinence.

88      Quatrièmement, contrairement à ce qu’avance le requérant, eu égard aux considérations précédentes, le considérant 210 de la décision attaquée expose de manière convaincante que les mesures en cause relevaient de « décisions importantes » ou que « les mesures de couverture des pertes de Sea Handling faisaient à tout le moins partie intégrante de la stratégie du groupe SEA ». En particulier, ni l’importance des différents apports en capital annuels, qui étaient indispensables au regard de l’article 2446 du code civil italien et assuraient sa survie économique pendant la période en cause, ni la pertinence de cette caractérisation aux fins de l’appréciation du critère d’imputabilité ne sauraient être relativisés.

3)      Sur la valeur probante des prétendus « contre-indices »

89      Force est de constater que les prétendus « contre-indices » invoqués par le requérant ne sont pas de nature soit individuellement, soit pris dans leur ensemble, à remettre en cause la valeur probante du faisceau d’indices d’imputabilité apprécié ci-dessus.

90      Ainsi, premièrement, conformément à ce qui est exposé au considérant 209 de la décision attaquée et à ce qu’avance la Commission dans ses écrits, le refus de SEA d’accorder à un membre du conseil municipal du requérant, pour des raisons de confidentialité, l’accès à certains documents, dont le plan de développement commercial du groupe SEA pour la période allant de 2005 à 2009, était fondé sur les articles 2422 et 2429 du code civil italien et n’était pas dirigé contre une demande du requérant elle-même, en sa qualité d’actionnaire majoritaire. En effet, le membre du conseil municipal, auteur de cette demande d’accès, était, à l’époque, le coordinateur de l’opposition. En outre, cette demande était adressée au service chargé des affaires de bilan, de contrôle de gestion et de privatisation du requérant et non directement à SEA. Par suite, le directeur chargé du secteur de programmation et de mise en œuvre des privatisations du requérant s’est limité à transmettre la demande à SEA, sans la faire sienne.

91      Deuxièmement, la correspondance entre le requérant et SEA qui est postérieure à ce refus d’accès, à savoir les lettres des 7, 9, 15, 20 et 27 septembre et des 5 et 6 octobre 2005, concerne, certes, les suites qui ont été données à la demande d’accès susmentionnée d’un membre du conseil municipal. Il en ressort, notamment, que le président du conseil municipal du requérant s’est opposé au refus d’accès exprimé par SEA au motif que ce refus était contraire à la réglementation pertinente en droit communal et a fait part à SEA de son intention de le contester devant le tribunal administratif régional. Or, même à supposer que ce différend entre l’administration communale, en l’espèce le président du conseil municipal, et SEA puisse être qualifié d’élément tendant à corroborer la gestion indépendante et autonome par SEA de son activité économique, force est de constater qu’il s’agit d’un aspect ponctuel qui, à lui seul, n’est pas susceptible de remettre en cause le faisceau de preuves de l’existence d’une influence décisive de la part du requérant sur des questions stratégiques en général et, en particulier, sur celle de compenser annuellement les pertes de Sea Handling, ce qui correspond, en substance, aux motifs exposés au considérant 209 de la décision attaquée.

92      Troisièmement, le requérant invoque une lettre du 4 novembre 2003 que SEA a adressée à l’adjoint au maire chargé des transports et de la mobilité du requérant en réponse à sa lettre du 23 septembre 2003 transmettant une demande du conseiller municipal M. O – selon la Commission, un membre du parti d’opposition de la refondation communiste – au sujet d’une « consultation des employés de SEA ». Sur ce point, c’est à juste titre que la Commission considère que cette correspondance ne constitue pas un « contre-indice » d’imputabilité pertinent au seul motif que, dans la partie introductive de cette lettre, SEA affirme que « le contrôle légitime par l’actionnaire sur les sociétés dans lesquelles il détient une participation s’exer[çait] déjà à travers la nomination des membres du conseil d’administration et du conseil de surveillance, de sorte que d’autres formes de contrôle se rév[élai]ent étrangères à ces règles ». En effet, dans cette lettre, SEA rejette l’idée d’une telle consultation des employés au motif que l’accord syndical du 19 juin 2003 ne l’aurait pas prévue comme condition de sa validité juridique, ce qui confirme plutôt l’existence d’obligations découlant ipso facto de cet accord, y compris celle de compenser les pertes de Sea Handling.

93      Quatrièmement, la circonstance que, lors du conseil municipal du 16 juin 2003, l’adjoint au maire chargé des transports et de la mobilité du requérant aurait informé les conseillers municipaux du fait qu’il s’était vu refuser par SEA la demande de lui communiquer les « indications nécessaires » relatives à une négociation syndicale ne revêt pas une importance telle qu’elle puisse, au regard de l’ensemble des indices appréciés, remettre en cause la conclusion d’imputabilité à laquelle est parvenue la Commission.

94      Par conséquent, tant individuellement que pris dans leur ensemble, les « contre-indices » invoqués par le requérant ne suffisent pas à remettre en cause la valeur probante des indices d’imputabilité examinés aux points 77 et suivants ci-dessus. Il y a donc lieu de conclure que la Commission a satisfait à la charge de prouver l’imputabilité des mesures en cause à l’État italien en s’appuyant sur un faisceau d’indices sérieux, précis et concordants.

95      Pour autant que le requérant fait valoir une insuffisance de motivation à cet égard, il en découle également que la Commission a nécessairement, ne serait-ce qu’implicitement, rejeté la valeur probante de ces « contre-indices » en fournissant une motivation adéquate et suffisante à cet égard au considérant 209 de la décision attaquée. Cette motivation permet au requérant ainsi qu’au Tribunal de comprendre le raisonnement de la Commission quant à l’imputabilité des mesures en cause à l’État italien, y compris s’agissant de la valeur probante que la Commission attachait aux « contre-indices », et, partant, à ce dernier de juger de sa légalité au fond aux fins d’un contrôle juridictionnel (voir, en ce sens, arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 77).

96      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

3.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE pour méconnaissance du critère de l’investisseur privé

97      Dans la décision attaquée, la Commission a estimé qu’un investisseur privé n’aurait pas agi de la même façon que SEA pour garantir le retour à la rentabilité de sa filiale Sea Handling. En effet, la Commission a considéré, en substance, que, premièrement, la « stratégie pluriannuelle de couverture des pertes » ne reflétait pas le comportement d’un investisseur privé avisé » (considérant 225 de la décision attaquée), celui-ci ne prenant « pas un engagement [juridiquement contraignant] sur plusieurs années à l’aveugle », mais ayant réapprécié la stratégie ultérieurement en fonction des résultats des tentatives de redressement avant chaque nouvel investissement de capitaux (considérant 226 de la décision attaquée) ; deuxièmement, en dépit de son importance, les plans de développement commercial de SEA et de Sea Handling n’auraient ni évoqué cette décision de couverture des pertes sur plusieurs années, ni présenté d’analyse de scénarios alternatifs qu’un investisseur privé normalement diligent aurait exigée en pareille situation, mais auraient visé le seul volet de la restructuration, et que, en tout état de cause, un tel investisseur n’aurait pas pris une telle décision d’investissement sans disposer au moins d’une estimation préalable du montant des capitaux à investir ou d’un audit approfondi (considérants 228, 229, 268, 289 et 296 de la décision attaquée) ; troisièmement, un tel investisseur « aurait évalué le risque que, à partir de la première injection de capital, ces mesures puissent constituer des aides d’État illégales et éventuellement incompatibles et[,] par conséquent, il aurait étudié l’impact d’une possible récupération de ces aides sur la rentabilité de son investissement » (considérant 232 de la décision attaquée) ; quatrièmement, un tel investisseur « n’aurait pas procédé aux injections de capital de 2002 en l’absence d’un plan d’affaires suffisamment détaillé et fondé sur des hypothèses sérieuses et fiables, décrivant de manière détaillée les mesures nécessaires au rétablissement de la viabilité de l’entreprise, analysant les différents scénarios possibles et démontrant que l’investissement aurait donné un rendement satisfaisant pour l’investisseur (compte tenu du risque inhérent), en termes de dividendes et d’accroissement de la valeur de sa participation ou d’autres avantages » (considérant 236 de la décision attaquée) ; cinquièmement, un tel investisseur ne se serait pas contenté d’une perspective de reprise de rentabilité au terme d’une période de restructuration de près de dix ans sans disposer auparavant d’une « projection montrant que les revenus escomptés générés par la stratégie de couverture des pertes à moyen/long terme – en termes de dividendes, d’augmentation de la valeur de la participation, de dommages évités en matière d’image de marque, etc. – sont supérieurs aux liquidités injectées pour éponger ces pertes », au lieu de procéder à « la cession de Sea Handling » ou à « des dispositions visant à raccourcir la période de restructuration pour retrouver le chemin de la rentabilité dans un délai raisonnable et limiter les pertes au minimum » (considérants 290, 294 et 309 de la décision attaquée), et, sixièmement, en « l’absence de toute estimation de la perte d’image de SEA [liée au transfert des services d’assistance en escale à un fournisseur tiers] ou des risques d’engagement de sa responsabilité ou encore des perspectives de retour indirect [à la rentabilité] à long terme », un investisseur avisé se serait abstenu d’investir une somme aussi importante que celle faisant l’objet de l’ordre de récupération (considérants 292 et 293 de la décision attaquée).

98      Le requérant estime que les considérations développées dans la décision attaquée en ce qui concerne l’application du critère de l’investisseur privé sont non fondées et que la Commission n’a pas respecté la charge de la preuve qui lui incombait à cet égard. Il serait nécessaire de reconstituer les diverses phases du comportement de SEA afin d’en apprécier le caractère économiquement rationnel à la lumière du critère de l’investisseur privé tel qu’interprété par la jurisprudence.

99      D’après le requérant, le choix de SEA de procéder à la cession des activités liées aux services d’assistance en escale en les confiant à une nouvelle société entièrement contrôlée par elle avait pour objectif, d’une part, de respecter les obligations découlant du droit de l’Union et, d’autre part, de profiter des occasions de développement offertes par la libéralisation du secteur rendue nécessaire par la directive 96/67. Toutefois, Sea Handling aurait dû initialement affronter une situation économique particulièrement délicate. Pour y faire face, SEA aurait lancé un programme d’assainissement du secteur de l’assistance en escale s’appuyant sur trois piliers, à savoir, premièrement, la recherche d’un partenaire stratégique, deuxièmement, la réduction progressive du coût du personnel, troisièmement, l’assainissement de ce secteur d’un point de vue strictement économique en mettant en œuvre le plan d’entreprise de Sea Handling pour la période allant de 2003 à 2007. Par la mise en œuvre de ces mesures, SEA aurait espéré pouvoir retrouver la rentabilité de ses activités d’assistance en escale dans les trois ans ou, au plus tard, avant 2007. Les résultats obtenus au cours des années 2003 et 2004 auraient démontré la validité de l’action de SEA.

100    Cependant, divers événements, indépendants de la volonté de SEA, sont, d’après le requérant, intervenus et ont ralenti la réalisation de l’objectif d’assainissement. Les appréciations économiques effectuées au cours de la période en cause indiquaient néanmoins que la stratégie de SEA était économiquement rationnelle en ce qu’elle permettait d’assainir Sea Handling. L’étude économique du 1er juin 2011, intitulée « Sea Handling – Application du principe de l’investisseur en économie de marché » (ci-après l’« étude économique invoquée par le requérant »), confirmerait cette appréciation.

101    La Commission conteste les arguments du requérant.

102    Les conditions que doit remplir une mesure pour relever de la notion d’aide, au sens de l’article 107 TFUE, ne sont pas satisfaites si l’entreprise bénéficiaire pouvait obtenir le même avantage que celui qui a été mis à sa disposition au moyen de ressources d’État, dans des circonstances qui correspondent aux conditions normales du marché, cette appréciation s’effectuant en principe par application du critère de l’investisseur privé en économie de marché (voir, en ce sens, arrêts du 5 juin 2012, Commission/EDF e.a., C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 78 ; du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 70, et du 25 juin 2015, SACE et Sace BT/Commission, T‑305/13, EU:T:2015:435, point 91).

103    L’application du critère de l’investisseur privé vise ainsi à déterminer si l’avantage accordé à une entreprise, sous quelque forme que ce soit, au moyen de ressources d’État est, en raison de ses effets, de nature à fausser ou à menacer de fausser la concurrence et à affecter les échanges entre les États membres (arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF e.a., C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 89 ; voir, également, arrêt du 25 juin 2015, SACE et Sace BT/Commission, T‑305/13, EU:T:2015:435, point 92 et jurisprudence citée). Plus précisément, il convient d’apprécier si, dans des circonstances similaires, un investisseur privé opérant dans des conditions normales d’une économie de marché, d’une taille qui puisse être comparée à celle des organismes gérant le secteur public, aurait pu être amené à procéder aux apports de capitaux en question. En particulier, il est pertinent de se demander si un investisseur privé aurait réalisé les opérations en cause aux mêmes conditions (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, EU:T:2003:57, point 245 et jurisprudence citée).

104    Pour rechercher si l’État membre ou l’entité publique concernée a adopté le comportement d’un opérateur privé avisé dans une économie de marché, il faut se replacer dans le contexte de l’époque au cours de laquelle les mesures en cause ont été prises, pour évaluer la rationalité économique du comportement de l’État membre ou de l’entité publique et donc s’abstenir de toute appréciation fondée sur une situation postérieure. La comparaison entre les comportements des opérateurs publics et privés doit ainsi être établie par rapport à l’attitude qu’aurait eue dans des circonstances similaires, lors de l’opération en cause, un opérateur privé eu égard aux informations disponibles et aux évolutions prévisibles à ce moment-là, qui sont seuls pertinents aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé. Partant, le constat rétrospectif de la rentabilité effective de l’opération réalisée par l’État membre ou l’entité publique concernée ou des justifications ultérieures du choix du procédé effectivement retenu ne sauraient suffire à cet effet et sont dépourvus de pertinence. Il en va ainsi, en particulier, lorsque, comme en l’espèce, la Commission examine l’existence d’une aide d’État par rapport à des mesures qui ne lui ont pas été notifiées et qui ont déjà été mises en œuvre par l’entité publique concernée au moment où elle effectue son examen (voir, en ce sens, arrêts du 5 juin 2012, Commission/EDF e.a., C‑124/10 P, EU:C:2012:318, points 85, 104 et 105 ; du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, points 139 et 140, et du 25 juin 2015, SACE et Sace BT/Commission, T‑305/13, EU:T:2015:435, points 93 et 94 et jurisprudence citée).

105    À cet égard, la jurisprudence a précisé, d’une part, que, lorsque la Commission vérifiait si les conditions d’applicabilité et d’application du critère de l’investisseur privé étaient remplies, elle ne pouvait refuser d’examiner des informations pertinentes fournies par l’État membre concerné que si les éléments de preuve produits avaient été établis postérieurement à l’adoption de la décision d’effectuer l’investissement en question et, d’autre part, que les informations relatives à des événements qui relevaient de la période antérieure à la date de l’adoption d’une mesure étatique et qui étaient disponibles à cette date pouvaient se révéler pertinentes dans la mesure où ces informations étaient susceptibles d’éclairer la question de savoir si cette mesure constituait un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 1er octobre 2015, Electrabel et Dunamenti Erőmű/Commission, C‑357/14 P, EU:C:2015:642, points 103 à 105, et du 25 juin 2015, SACE et Sace BT/Commission, T‑305/13, EU:T:2015:435, point 96 et jurisprudence citée).

106    Conformément aux principes relatifs à la charge de la preuve en matière d’aides d’État, il appartient à la Commission de rapporter la preuve de l’existence d’une aide. À cet égard, elle est tenue de conduire la procédure d’examen des mesures en cause de manière diligente et impartiale, afin qu’elle dispose, lors de l’adoption d’une décision finale établissant l’existence et, le cas échéant, l’incompatibilité ou l’illégalité de l’aide, des éléments les plus complets et fiables possibles. S’agissant du niveau de preuve requis, la nature des éléments de preuve devant être rapportés par la Commission est, dans une large mesure, tributaire de la nature de la mesure étatique envisagée (voir, en ce sens, arrêts du 3 avril 2014, France/Commission, C‑559/12 P, EU:C:2014:217, points 63 et 66, et du 25 juin 2015, SACE et Sace BT/Commission, T‑305/13, EU:T:2015:435, point 95 et jurisprudence citée).

107    Par ailleurs, l’examen par la Commission de la question de savoir si des mesures déterminées peuvent être qualifiées d’aides d’État, en raison du fait que les autorités publiques n’auraient pas agi de la même manière qu’un investisseur privé, requiert de procéder à une appréciation économique complexe. Or, dans le cadre du contrôle que le juge de l’Union exerce sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission dans le domaine des aides d’État, il n’appartient pas à celui-ci de substituer son appréciation économique à celle de la Commission (voir arrêt du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, points 74 et 75 et jurisprudence citée ; arrêts du 21 mars 2013, Commission/Buczek Automotive, C‑405/11 P, non publié, EU:C:2013:186, points 48 et 49 ; du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 91, et du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, points 62 et 63), et il doit limiter son contrôle à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits retenus, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêts du 15 janvier 2015, France/Commission, T‑1/12, EU:T:2015:17, point 35 et jurisprudence citée, et du 16 mars 2016, Frucona Košice/Commission, T‑103/14, EU:T:2016:152, points 144 à 146 et jurisprudence citée).

108    Afin d’établir que la Commission a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée, les éléments de preuve apportés par les parties requérantes doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans la décision (voir arrêt du 9 décembre 2015, Grèce et Ellinikos Chrysos/Commission, T‑233/11 et T‑262/11, EU:T:2015:948, point 82 et jurisprudence citée).

109    Le juge de l’Union doit non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 76 et jurisprudence citée ; arrêts du 21 mars 2013, Commission/Buczek Automotive, C‑405/11 P, non publié, EU:C:2013:186, point 50 ; du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 91, et du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 64).

110    La Cour a encore précisé que, lors de l’application du critère du créancier privé, il appartenait à la Commission d’effectuer une appréciation globale prenant en compte tout élément pertinent en l’espèce lui permettant de déterminer si l’entreprise bénéficiaire n’aurait manifestement pas obtenu des facilités comparables d’un créancier privé. À cet égard, d’une part, doit être considérée comme étant pertinente toute information susceptible d’influencer de manière non négligeable le processus décisionnel d’un créancier privé normalement prudent et diligent, se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle du créancier public et cherchant à obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues par un débiteur aux prises avec des difficultés de paiement. D’autre part, sont seuls pertinents, aux fins de l’application du critère du créancier privé, les éléments disponibles et les évolutions prévisibles au moment où cette décision a été prise (voir arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, points 59 à 61 et jurisprudence citée). En effet, la Commission n’a pas d’obligation d’examiner une information si les éléments de preuve produits ont été établis postérieurement à l’adoption de la décision d’effectuer l’investissement en question et ceux-ci ne dispensent pas l’État membre concerné d’établir une évaluation préalable appropriée de la rentabilité de son investissement, avant de procéder à cet investissement (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2017, SACE et Sace BT/Commission, C‑472/15 P, non publié, EU:C:2017:885, point 107 et jurisprudence citée).

111    Au regard de ces critères jurisprudentiels, il y a lieu d’examiner si la Commission était en droit de considérer qu’un investisseur privé dans la situation de SEA en 2002 se serait engagé de manière analogue pour garantir la survie économique de sa filiale Sea Handling et pour permettre son retour à la rentabilité.

112    À cet égard, il y a lieu de relever que les autorités italiennes ont, certes, essayé de démontrer le respect par elles du critère de l’investisseur privé en présentant longuement et de manière itérative leur stratégie complexe de restructuration de longue durée de Sea Handling à l’intérieur du groupe SEA, soutenue par divers plans de développement commercial et de restructuration, par l’étude économique invoquée par le requérant, ainsi que par des investissements offrant, selon elles, une perspective de rentabilité à long terme au sens de l’arrêt du 21 mars 1991, Italie/Commission (C‑303/88, EU:C:1991:136, points 21 et 22). À cet effet, elles ont souligné la nécessité de préserver l’image du groupe SEA, notamment en assurant la qualité des services, le besoin de maximiser son résultat global, la probabilité de retirer un profit indirect important du détachement du secteur des services d’assistance en escale et de le céder dans de meilleures conditions économiques.

113    En revanche, à l’instar de la Commission, il convient de constater que les autorités italiennes ont manifestement omis de présenter, durant la procédure administrative, d’une part, des prévisions ou estimations chiffrées des besoins en capital de Sea Handling, du point de vue d’un investisseur se trouvant dans la situation de 2002, à tout le moins pour la première période de cinq ans, ainsi que des potentiels bénéfices qu’un tel investisseur pouvait raisonnablement attendre au sens d’un « retour sur investissement » qui seraient susceptibles d’être comparés avec les charges occasionnées par les mesures de recapitalisation en cause. D’autre part, elles sont restées en défaut de démontrer l’absence de rationalité économique d’éventuelles solutions de substitution, telles que la liquidation ou l’externalisation (partielle ou complète) du secteur de l’assistance en escale, dont elles n’ont évalué à suffisance, chiffres et calculs concrets à l’appui, ni les coûts ni les avantages potentiels. Il en découle nécessairement que les autorités italiennes, SEA et Sea Handling ont aussi renoncé à effectuer et à soumettre à la Commission une comparaison des ratios « coûts-bénéfices » présentés par chacun des différents scénarios alternatifs de comportement d’un investisseur privé.

114    Ainsi, premièrement, l’étude économique invoquée par le requérant tout en se fondant sur le plan commercial pour la période allant de 2003 à 2007 (à savoir le « plan d’affaires 2003-2007 »), se borne à faire état brièvement des éventuels scénarios alternatifs, dont la liquidation de Sea Handling, et à affirmer qu’une telle approche aurait généré des « coûts de sortie considérables » sans tenter de les quantifier et de les comparer avec les coûts occasionnés par les mesures de recapitalisation en cause, en dépit du fait qu’il y soit souligné qu’un investisseur privé avisé aurait procédé à une telle comparaison. Ces affirmations lapidaires et contradictoires dans l’étude économique invoquée par le requérant témoignent de l’absence d’examen par SEA et les autorités italiennes, en 2002, de toute autre option économiquement rationnelle que celle d’une recapitalisation inconditionnelle de Sea Handling au sein du groupe SEA, telle que choisie par SEA, d’abord, pour une période de cinq ans, qui serait, ensuite, poursuivie même après 2007. De surcroît, ainsi que la Commission l’a constaté à juste titre au considérant 308 de la décision attaquée, cette étude est la seule véritable analyse d’un « expert économique » tiers qui a été demandée par les autorités italiennes, mais qui a été élaborée après l’adoption des mesures en cause. Or, la date à laquelle il convient d’apprécier la rationalité économique d’une mesure à l’aune du critère de l’investisseur privé est celle de son adoption (voir, en ce sens, arrêts du 5 juin 2012, Commission/EDF e.a., C‑124/10 P, EU:C:2012:318, points 85, 104 et 105 ; du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, points 139 et 140, et du 25 juin 2015, SACE et Sace BT/Commission, T‑305/13, EU:T:2015:435, points 93 et 94 et jurisprudence citée). L’étude économique invoquée par le requérant ne saurait donc leur procurer une justification « rétroactive » sur la base de l’amélioration de la situation économique de SEA Handling constatée en 2011. En effet, les autorités italiennes, y compris le requérant, n’ont contesté ni lors de la procédure administrative (considérant 308 in fine de la décision attaquée), ni en cours d’instance que, en 2002 ou, à tout le moins, avant la prétendue date de césure de 2007, elles auraient procédé à un audit de la situation financière de Sea Handling (considérants 268 et 289 de la décision attaquée) ou demandé d’effectuer une analyse économique analogue, cette fois-ci prospective, pour vérifier la rationalité économique de leur comportement.

115    Deuxièmement, cette appréciation est confirmée par les plans de développement commercial et de restructuration de SEA et de SEA Handling, à savoir le « plan d’affaires consolidé 2002-2006 » (Business Plan Consolidato 2002-2006), le « plan d’affaires 2003-2007 », le « plan stratégique 2007-2012 », le « plan stratégique 2009-2016 » et le « plan d’affaires 2011-2013 » (considérants 269 à 296 de la décision attaquée). Ainsi que la Commission l’a relevé, en substance, aux considérants 226, 229 et 290 de la décision attaquée, sans être contestée à cet égard par le requérant, ces différents plans ne mentionnent pas la stratégie de recapitalisation de SEA, quand bien même elle aurait été indispensable pour la réussite de la restructuration envisagée de Sea Handling en assurant provisoirement sa survie économique, mais se focalisent sur le seul volet de restructuration destinée à son retour à la rentabilité. Ainsi qu’il a été résumé au considérant 290 de la décision attaquée, en omettant de prendre en considération les mesures de recapitalisation en cause, ces plans ne prévoyaient pas non plus d’estimation ou de projection à moyen ou à long terme de leurs coûts totaux (atteignant finalement un montant total de recapitalisation d’environ 360 millions d’euros) et de leurs gains éventuels, le cas échéant en termes de dividendes, de maintien ou d’augmentation de la valeur de la participation, de dommages évités en matière de marques.

116    De même, il ressort des considérants 292 et 293 de la décision attaquée que les autorités italiennes et SEA ont omis de quantifier le prétendu préjudice lié à la perte d’image que SEA aurait pu avoir subie en cas de transfert des services d’assistance en escale à un fournisseur tiers ne garantissant pas le même niveau de qualité, alors même que SEA « [aurait] elle-même admis qu’une telle perte pourrait facilement être confirmée au moyen d’une étude de marché ». En effet, elles se sont limitées à présenter un calcul des coûts d’externalisation, dont la Commission a remis en cause le bien-fondé, aux considérants 257 à 259 de la décision attaquée.

117    Troisièmement, s’agissant plus précisément des montants requis d’apports en capital du point de vue d’un investisseur privé avisé se trouvant dans la situation de 2002, force est de constater que le requérant n’a pas apporté davantage de précisions en cours d’instance. En effet, outre la décision de recapitalisation prise sous la forme de l’accord syndical du 26 mars 2002, il n’existe aucune information, ne fût-ce qu’une estimation prospective, portant sur les montants que, à ce stade, SEA et les autorités italiennes avaient, le cas échéant, envisagé d’investir dans Sea Handling durant la première période de cinq ans. L’étude économique invoquée par le requérant confirme plutôt que, en 2002, une telle projection n’a pas été faite jusqu’en 2005, à savoir à la date de reprise de la rentabilité initialement envisagée dans le « plan d’affaires 2003-2007 ». En revanche, le requérant se limite à avancer des considérations vagues et générales liées à une stratégie globale de restructuration et à la prétendue nécessité d’assainir Sea Handling au sein du groupe SEA afin de permettre son retour à la rentabilité. Or, la nécessité de prévoir un plan précis avec une estimation réaliste du retour sur investissement des recapitalisations successives s’imposait d’autant plus en raison du caractère pluriannuel des engagements prévus par l’accord syndical du 26 mars 2002. La Commission a donc estimé à juste titre que la décision de recapitalisation de 2002 avait été prise de manière inconditionnelle et indépendante de prévisions concrètes du besoin éventuel en capital par SEA Handling durant une période donnée et été fonction des seules pertes et du besoin annuel de leur couverture à l’avenir, quels que soient leur volume ainsi que le mode, la durée et l’objectif précis de restructuration de Sea Handling. En outre, également après la césure intervenue en 2006/2007, due à la décision de « de-hubbing » d’Alitalia, SEA et Sea Handling ont omis de spécifier si, et dans quelle mesure, la continuation de la stratégie de recapitalisation était effectivement de nature à permettre de vendre Sea Handling, à un moment donné, à de meilleures conditions, de sauvegarder l’image du groupe SEA dans son ensemble ou d’offrir, à tout le moins pendant une période transitoire, de meilleures garanties en termes de fourniture de ces services en raison du maintien de l’intégration verticale.

118    Quatrièmement, le requérant a affirmé que, outre le volet de lourdes interventions de restructuration, les plans de développement commercial et de restructuration en cause visaient également le volet de recapitalisation. Ainsi, il a seulement fait valoir, en substance, que le volet de restructuration aurait été soumis, au fil des années et en fonction de changements importants des circonstances, à des modifications substantielles prétendument non prévisibles, sans pour autant avancer un argument analogue pour ce qui était des mesures de recapitalisation, dont la portée dépendait nécessairement du volume des pertes annuelles subies par Sea Handling.

119    Or, dans ces conditions, l’argumentation du requérant qui porte sur le seul volet de restructuration ainsi que sur les prétendues erreurs et omissions que la Commission aurait commises dans ce contexte ne saurait démontrer l’existence d’erreurs manifestes dans son appréciation du non-respect du critère de l’investisseur privé quant aux mesures de recapitalisation en cause qui reposaient sur une décision de principe prise en 2002, ni remettre en cause le bien-fondé de la thèse de la Commission selon laquelle SEA aurait pu adopter et mettre en œuvre un plan de restructuration plus rigoureux ou plus court pour limiter les pertes de Sea Handling à un niveau minimal (considérants 247, 290, 294 et 309 de la décision attaquée).

120    Compte tenu des considérations qui précèdent, la Commission pouvait, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, opérer les constats rappelés au point 97 ci-dessus.

121    Aucun des arguments avancés par le requérant ne permet de remettre cette conclusion.

122    En premier lieu, s’agissant de l’absence d’autres solutions, y compris la cession de la branche de services d’assistance en escale, il ressort des considérants 248 à 255 de la décision attaquée que la Commission a écarté les objections de SEA comme étant essentiellement non circonstanciées, non crédibles et, pour partie, inopérantes. D’une part, elle a ainsi rejeté l’affirmation selon laquelle des opérateurs tiers ne seraient intéressés que par certains services les plus rentables, ce qui, hormis le fait que deux procédures de vente partielle avaient échoué, ne serait étayé « par aucun élément concret, alors même qu’une pluralité d’opérateurs [étaie]nt habilités à offrir leurs services en Italie, notamment dans les aéroports de Malpensa et Linate » (considérants 248 à 250 de la décision attaquée). D’autre part, quant à la capacité des opérateurs tiers, la Commission a remis en cause le caractère opérant et crédible, notamment, « [d]es considérations plutôt vagues sur la situation économique prétendument négative des autres fournisseurs actifs sur les escales milanaises ou [sur] le niveau de leurs ressources effectivement en activité sur celles-ci », et de « l’affirmation selon laquelle aucun opérateur n’aurait disposé des ressources nécessaires », quand bien même, « [d]’après SEA, 84 fournisseurs [ét]aient habilités à desservir Linate et Malpensa ». Elle a relevé, en outre, l’absence de preuve concrète « qu’un opérateur tiers ne serait pas à même de satisfaire aux exigences de qualité jugées essentielles pour le bon fonctionnement du modèle d’entreprise de SEA » (considérants 251, 252 et 254 de la décision attaquée). Enfin, la Commission a reproché à SEA de n’avoir pas démontré l’absence de « possibilité d’externaliser une partie des activités plutôt que l’ensemble » (considérants 253 et 254 de la décision attaquée).

123    À cette analyse détaillée, le requérant n’oppose que des affirmations vagues et non étayées. En effet, il se limite à affirmer, de manière non circonstanciée, qu’il n’existait pas d’opérateurs en mesure de présenter une offre globale des services d’assistance en escale et que les services que les opérateurs d’assistance en escale présents dans les aéroports milanais étaient en mesure d’offrir étaient d’une faible fiabilité et qualité. Ainsi, elle se borne à répéter les arguments déjà avancés au cours de la procédure administrative que la Commission était en droit de rejeter dans la décision attaquée.

124    En deuxième lieu, s’agissant du caractère inapproprié de l’externalisation des services offerts par Sea Handling, il ressort du résumé des arguments des autorités italiennes repris au considérant 81 de la décision attaquée ce qui suit :

« Il existerait par ailleurs des considérations autres que celle de retirer un profit matériel indirect de la couverture des pertes de SEA Handling, parmi lesquelles : a) la possibilité d’obtenir des avantages économiques indirects grâce à ses relations commerciales avec sa filiale ; b) les difficultés qu’entraînerait une externalisation dans le contexte national de référence, tant du point de vue des coûts économiques que de la responsabilité assumée par le groupe devant les autorités publiques ; c) le souci de préserver l’image du groupe et d) le respect des obligations envers l’État que lui imposent loi et convention. »

125    De même, au cours de la procédure administrative, SEA a affirmé, aux termes du résumé exposé au considérant 115 de la décision attaquée, que « l’abandon des activités d’assistance en escale aurait abouti pour elle à une augmentation des coûts en raison de l’obligation qui lui aurait incombé de fournir les services de gestion des urgences et des imprévus » et qu’elle estimait, « [à] titre indicatif, [...] que l’économie réalisée par SEA, en raison des économies d’échelle résultant de la possibilité d’utiliser les coûts marginaux du personnel de Sea Handling pour l’activité de garde plutôt que d’encourir un coût de constitution et de maintien d’une équipe spécialisée, était de 10,7 millions d’[euros] en 2003 et de 8,7 millions d’[euros] en 2010 ».

126    Il résulte des considérants 256 à 260 de la décision attaquée que la Commission a remis en cause le bien-fondé des calculs des coûts d’externalisation présentés par SEA, au motif que ceux-ci étaient fondés sur un facteur multiplicateur « arbitraire » et sur un calcul du nombre de membres du personnel équivalent temps plein (ETP) « irréaliste ». Dans ce contexte, elle a relevé l’absence d’estimation plus réaliste fondée sur un calcul du coût effectif que Sea Handling aurait normalement facturé à SEA pour ses services et du nombre d’ETP effectivement supporté en moyenne au cours d’une année. Par ailleurs, la Commission a reproché à SEA de n’avoir pas comparé les prétendus coûts d’externalisation à ceux liés aux mesures de recapitalisation en cause (couverture des pertes), « qui auraient pu être évitées en externalisant certaines activités ou l’ensemble des activités d’assistance en escale à un opérateur plus compétitif ».

127    Dans ses écrits devant le Tribunal, le requérant s’est limité, en substance, à rappeler les arguments déjà avancés par les autorités italiennes au cours de la procédure administrative, tels que rappelés au considérant 81 de la décision attaquée (voir point 124 ci-dessus), sans pour autant avancer d’arguments précis susceptibles de remettre en cause l’appréciation effectuée par la Commission dans la décision attaquée. En particulier, il convient de rappeler que les autorités italiennes, SEA ou Sea Handling n’ont jamais précisé quels auraient été les coûts et les gains hypothétiques d’une externalisation et, partant, de la fourniture des services d’assistance en escale par un opérateur tiers, ni présenté une comparaison d’un tel bilan coûts-bénéfices avec les coûts et gains liés tant aux mesures de recapitalisation en cause qu’au maintien de la solution d’intégration verticale de Sea Handling au sein du groupe SEA.

128    En outre, ainsi qu’il est précisé au considérant 293 de la décision attaquée, qui n’est pas contesté par le requérant en tant que tel, les autorités italiennes et SEA ont renoncé à préciser lors de la procédure administrative, chiffres concrets à l’appui, la portée de la prétendue perte d’image au détriment du groupe SEA en cas d’externalisation des services d’assistance en escale dont le niveau de qualité requis ne serait pas garanti ou contrôlé par SEA (considérant 292 de la décision attaquée ; voir point 116 ci-dessus).

129    En troisième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel les effets des choix d’entreprise de SEA ne pourraient être évalués qu’à long terme, de sorte que SEA ne pouvait renoncer à son choix sans avoir attendu le temps nécessaire pour évaluer le résultat de celui-ci, il suffit de constater que la question pertinente au regard du critère de l’investisseur privé n’est pas celle de savoir si SEA devait renoncer à certains choix sans connaître leurs incidences à long terme, mais si elle avait procédé à des estimations des coûts et des bénéfices au moment de sa décision d’augmentation de capital en faveur de sa filiale Sea Handling, ce qui n’était manifestement pas le cas en l’espèce (voir points 112 à 116 ci-dessus). De même, les résultats réalisés par Sea Handling, pour positifs qu’ils puissent être à partir de 2008, qui sont postérieurs à la décision d’investissement de 2002, ne sauraient ni être pris en considération aux fins de l’examen du respect du critère de l’investisseur privé (voir points 104 et 110 ci-dessus), ni pallier l’absence d’évaluation ex ante des coûts et bénéfices de la stratégie choisie par SEA.

130    En quatrième lieu, le fait que la stratégie d’assainissement de Sea Handling n’a pas compromis la stabilité financière de SEA et que cette dernière a offert des dividendes ne suffit pas à démontrer que les augmentations de capital effectuées l’aient été de manière conforme à celle d’un investisseur privé et est, dès lors, inopérant.

131    En cinquième et dernier lieu, l’étude économique invoquée par le requérant ne démontre pas que les augmentations de capital répondaient au critère de l’investisseur privé. Ainsi qu’il a été rappelé au point 114 ci-dessus, cette étude se borne à évoquer brièvement les éventuels scénarios alternatifs, dont la liquidation de Sea Handling, et à prétendre qu’une telle approche aurait généré des « coûts de sortie considérables » sans même tenter de les quantifier et de les comparer avec les coûts occasionnés par les mesures en cause, en dépit du fait qu’il y soit souligné qu’un investisseur privé avisé aurait procédé à une telle comparaison.

132    Partant, le requérant n’a pas démontré que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en rejetant l’argument selon lequel le critère de l’investisseur privé avait été respecté en l’espèce. Dès lors, le deuxième moyen doit être rejeté.

4.      Sur le troisième moyen, tiré d’une appréciation erronée de la compatibilité des mesures en cause avec le marché intérieur

133    Le requérant conteste l’appréciation selon laquelle les mesures en cause sont incompatibles avec le marché intérieur. En premier lieu, les lignes directrices concernant le secteur aéroportuaire (voir point 53 ci-dessus) ne seraient pas applicables en l’espèce. En second lieu, même si les mesures en cause peuvent être qualifiées d’aides d’État, ce que le requérant conteste, elles seraient compatibles avec le marché intérieur, car elles remplissent chacune des conditions prévues par les lignes directrices de 1999 et de 2004 (voir point 53 ci-dessus). En effet, SEA aurait élaboré une stratégie de restructuration de la branche d’assistance en escale articulée dans plusieurs plans d’entreprise se rapportant au groupe SEA dans son ensemble et qui contiendraient les informations détaillées demandées par ces lignes directrices, dont un exposé détaillé tant des circonstances ayant une influence négative sur la viabilité de Sea Handling que des mesures nécessaires pour rétablir dans un délai raisonnable sa viabilité à long terme.

134    Le requérant conteste l’affirmation selon laquelle les plans présentés « ne contiennent aucun calendrier indiquant les délais raisonnablement nécessaires pour rétablir la viabilité à long terme de SEA Handling, ni la durée d’une éventuelle restructuration de SEA Handling » (considérant 340 de la décision attaquée). Selon le requérant, le plan d’entreprise pour la période allant de 2003 à 2007 contient une première phase d’interventions devant se terminer en 2004 et une seconde phase de consolidation à partir de 2005, année pour laquelle est fixé l’objectif de l’équilibre de la marge d’exploitation brute. Le plan stratégique pour la période allant de 2007 à 2012 contiendrait un programme de rétablissement de la viabilité de SEA Handling qui prévoit, en trois phases, d’atteindre l’équilibre de bilan à partir de 2011. En outre, le requérant estime avoir rempli la condition imposant d’indiquer les mesures compensatoires à adopter pour faire en sorte que les effets défavorables sur les conditions des échanges soient réduits au minimum.

135    La Commission n’aurait pas pris au sérieux la stratégie adoptée par SEA dès le moment où il a été décidé d’attribuer la branche d’assistance en escale à Sea Handling et où a été engagé le rétablissement de la viabilité de cette branche. Le modèle choisi par SEA Handling serait celui de la gestion d’un système aéroportuaire fondé sur la présence d’un « hub-carrier » qui s’est transformé, après l’abandon de l’escale de Milan-Malpensa par Alitalia, en un modèle de « self-hub » ou de « virtual-hub ». Ce modèle d’activité dépendrait dans une large mesure de la prestation des services aéroportuaires. SEA aurait donc choisi de céder la branche d’assistance en escale à Sea Handling tout en assurant le rétablissement de sa viabilité. Ce choix stratégique aurait été poursuivi sans subventionner les activités d’assistance en escale. En outre, la compensation des pertes de Sea Handling n’aurait pas causé de distorsions de concurrence indues sur le marché de l’assistance en escale dans les aéroports milanais, étant donné que les mesures en cause auraient été destinées à sauvegarder une branche opérationnelle stratégique pour le modèle d’activité de SEA et pour les utilisateurs des aéroports eu égard à l’absence d’opérateurs capables d’offrir des prestations de même niveau et de même qualité. Par ailleurs, les mesures en cause auraient été accompagnées de mesures permettant d’éviter les distorsions de la concurrence sur le marché, dont celles visant à réduire la capacité de Sea Handling ainsi que sa part de marché et son champ d’activités.

136    Le requérant fait valoir que les mesures en cause respectent la condition selon laquelle le montant et l’intensité de l’aide doivent être limités au strict minimum des coûts de restructuration nécessaire pour permettre la réalisation de la restructuration en fonction des disponibilités financières de l’entreprise, de ses actionnaires ou du groupe dont elle fait partie. Quant à la nécessité que l’aide soit partiellement constituée par une contribution extérieure, elle rappelle les démarches effectuées par SEA pour trouver un partenaire stratégique. Enfin, le requérant exclut que les mesures en cause puissent être déclarées incompatibles sur la base du principe de l’« aide unique ».

137    La Commission conteste les arguments du requérant.

138    S’agissant, d’une part, de l’argument du requérant selon lequel les lignes directrices concernant le secteur aéroportuaire ne sont pas applicables en l’espèce, il suffit de rappeler que, après avoir soulevé des doutes à cet égard aux points 103 à 107 de la décision d’ouverture (considérant 320 de la décision attaquée), la Commission s’est limitée à relever, aux considérants 323 et 324 de la décision attaquée, que, d’une part, les mesures en cause ne pouvaient être déclarées compatibles avec le marché intérieur sur le fondement des lignes directrices concernant le secteur aéroportuaire et, d’autre part, que les autorités italiennes avaient elles-mêmes déclaré que ces lignes directrices n’étaient pas applicables en l’espèce et que, dès lors, il y avait lieu d’examiner leurs arguments à l’aune des lignes directrices de 2004. Il s’ensuit que l’argumentation du requérant manque en fait ou, à tout le moins, est inopérante, puisque la Commission n’a jamais relevé que le champ d’application des lignes directrices concernant le secteur aéroportuaire était ouvert ou que ces dernières étaient applicables pour, le cas échéant, fonder une déclaration de compatibilité en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

139    S’agissant, d’autre part, des arguments du requérant tirés de ce que les mesures en cause remplissaient les conditions prévues par les lignes directrices de 1999 et de 2004, il résulte de l’économie de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, telle qu’interprété par une jurisprudence constante (voir arrêts du 14 octobre 2010, Nuova Agricast et Cofra/Commission, C‑67/09 P, EU:C:2010:607, point 74 et jurisprudence citée, et du 15 décembre 2016, Espagne/Commission, T‑808/14, non publié, EU:T:2016:734, point 126 et jurisprudence citée), lu conjointement avec les paragraphes 3, 13 et 28 des lignes directrices de 1999 et les paragraphes 4, 8 et 31 des lignes directrices de 2004, que la charge de prouver que sont réunies les conditions cumulatives de la dérogation qui y est prévue incombe à l’État membre qui l’invoque, et ce à plus forte raison lorsque, comme en l’espèce, l’aide a été mise en œuvre sans avoir été préalablement notifiée à la Commission, c’est-à-dire en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

140    Il incombait donc aux autorités italiennes de démontrer, au cours de la procédure administrative, que, notamment, les conditions des paragraphes 34 et suivants des lignes directrices de 2004 étaient réunies (conditions reprises sous les intitulés « Retour à la viabilité [de l’entreprise en difficulté] à long terme », « Prévention de toute distorsion excessive de la concurrence » et « Limitation de l’aide au minimum : contribution réelle, exempte d’aide », ainsi qu’au point 3.3 intitulé « Non-récurrence » ; voir également paragraphes 31 et suivants des lignes directrices de 1999).

141    À cet égard, il convient de préciser que ni les autorités italiennes ni les autres parties intéressées n’ont contesté la validité, au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, des critères pertinents retenus dans les lignes directrices de 1999 et de 2004, ni le fait que, au cours de la période concernée, Sea Handling était une entreprise en difficulté au sens du point 2.1 de ces lignes directrices, ni que les mesures de recapitalisation en cause, dans leur qualité de supposées « aides à la restructuration » au sens de leur point 3.2, relevaient du champ d’application de ces lignes directrices.

142    Aux termes du paragraphe 34 des lignes directrices de 2004, « [l]’octroi de l’aide doit être subordonné à la mise en œuvre d[’un] plan de restructuration [concernant l’entreprise en difficulté], qui doit être validé par la Commission pour toutes les aides individuelles » (voir également paragraphe 31 des lignes directrices de 1999). Or, force est de constater que, comme la Commission l’a relevé à juste titre, notamment, aux considérants 337 et 341 de la décision attaquée, un tel plan de restructuration concernant Sea Handling englobant la totalité des mesures de redressement la visant, y compris les mesures de recapitalisation en cause, faisait défaut en l’espèce.

143    En particulier, ainsi qu’il a déjà été exposé aux points 113 à 118 ci-dessus, indépendamment des mesures de restructuration envisagées, aucun des divers plans produits par les autorités italiennes ne prévoyait une estimation prospective des capitaux nécessaires à moyen ou à long terme pour soutenir le processus de restructuration de Sea Handling. Dans ce contexte, la Commission a affirmé à bon droit que, notamment, le « plan d’affaires consolidé 2002-2006 » (Business Plan Consolidato 2002-2006) ne contenait que des références éparses à Sea Handling, ce qui ne permet pas de le qualifier de véritable plan de restructuration la concernant (considérant 339 de la décision attaquée).

144    Par ailleurs, selon le paragraphe 35 des lignes directrices de 2004, notamment, ce « plan de restructuration, dont la durée doit être la plus courte possible, doit permettre de rétablir dans un délai raisonnable la viabilité à long terme de l’entreprise, sur la base d’hypothèses réalistes concernant ses conditions d’exploitation futures [. et] doit être présenté à la Commission avec toutes les précisions nécessaires, et inclure notamment une étude de marché ». En outre, « [l]’amélioration de la viabilité doit résulter principalement de mesures internes contenues dans le plan de restructuration ; elle ne peut être basée sur des facteurs externes, sur lesquels l’entreprise ne peut guère influer, tels que des variations des prix ou de la demande, mais seulement si les hypothèses avancées sur l’évolution du marché sont généralement acceptées » (voir également le libellé analogue du paragraphe 32 des lignes directrices de 1999 et considérant 338 de la décision attaquée). D’après le paragraphe 36 des lignes directrices de 2004, notamment, « [l]e plan de restructuration doit décrire les circonstances qui ont entraîné les difficultés de l’entreprise » et « doit notamment tenir compte de la situation actuelle et de l’évolution prévisible de l’offre et de la demande sur le marché de produits en cause, avec des scénarios traduisant des hypothèses optimistes, pessimistes et médianes ainsi que les forces et les faiblesses spécifiques de l’entreprise » en cause, pour lui permettre « d’accomplir une transition vers une nouvelle structure qui lui offre des perspectives de viabilité à long terme et la possibilité de voler de ses propres ailes » (voir également paragraphe 33 des lignes directrices de 1999).

145    Sur ces points, la Commission a constaté à juste titre, au considérant 339 de la décision attaquée, que, contrairement aux critères établis dans les paragraphes 34 et 35 des lignes directrices de 2004, notamment, le « plan d’affaires consolidé 2002-2006 » (Business Plan Consolidato 2002-2006) ne contenait ni de description détaillée des circonstances qui ont entraîné les difficultés de Sea Handling, ni d’étude de marché, ni « de description détaillée des mesures nécessaires pour permettre de rétablir dans un délai raisonnable [s]a viabilité à long terme ». De même, la Commission pouvait relever sans commettre d’erreur manifeste que, notamment dans le plan d’affaires 2003-2007, la perspective d’amélioration de la rentabilité reposait principalement sur des facteurs externes visant l’augmentation des revenus. Ces éléments ont encore été confirmés, de manière particulièrement révélatrice, dans l’étude économique invoquée par le requérant qui expose les hypothèses de modèles économiques (business model assumptions) de SEA en 2002, dont la perspective d’une hausse annuelle entre 2003 et 2005 de 7 % des prix pouvant être chargés à son principal client Alitalia, d’une part, et une augmentation estimée du nombre de déplacements aériens entre 2003 et 2007 grâce à, notamment, une hausse du nombre de passagers à la suite des attaques terroristes du 11 septembre 2001, d’autre part. En effet, ces hypothèses visaient « des variations des prix ou de la demande », au sens, respectivement, des paragraphes 32 et 35 des lignes directrices de 1999 et de 2004, sur lesquels les opérateurs de marché ne peuvent guère influer, sans que les autorités italiennes, SEA, ou Sea Handling aient établi les raisons pour lesquelles ces hypothèses d’évolution du marché étaient néanmoins susceptibles d’être « généralement acceptées ». Ainsi, la Commission était fondée à considérer que les plans soumis étaient insuffisants en l’espèce. Enfin, la Commission a relevé à bon droit que, contrairement aux exigences des paragraphes 34 et 35 des lignes directrices de 2004 (paragraphes 31 et 32 des lignes directrices de 1999), même aux rares endroits où ces plans font référence à Sea Handling, ils ne font pas état « de calendriers explicitant le délai raisonnable nécessaire au retour à [s]a viabilité à long terme [...], ni la durée d[e son] éventuelle restructuration » (considérant 340 de la décision attaquée).

146    C’est donc sans commettre d’erreur de fait ou d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a conclu que les conditions cumulatives de compatibilité des lignes directrices de 1999 et de 2004 n’étaient pas réunies en l’espèce (considérant 341 de la décision attaquée).

147    Il en résulte que la Commission n’était même plus tenue d’apprécier les conditions supplémentaires de « prévention de toute distorsion excessive de la concurrence » (voir, notamment, les paragraphes 38 et 39 des lignes directrices de 2004), de « limitation de l’aide au minimum » (voir paragraphes 43 à 45 de ces lignes directrices), et de « [n]on-récurrence » (voir, notamment, paragraphe 72 de ces lignes directrices), ce qu’elle a néanmoins fait aux considérants 343 à 357 de la décision attaquée. Partant, l’ensemble des griefs que SEA Handling invoque à cet égard doivent être rejetés comme inopérants.

148    Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé dans sa totalité.

5.      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe du contradictoire et des droits de la défense, du principe de « bonne administration » et de protection de la confiance légitime

149    Dans le cadre du quatrième moyen, le requérant soulève, en substance, deux branches distinctes. Le Tribunal estime opportun d’examiner la seconde branche en premier lieu.

a)      Sur la seconde branche

150    Par la seconde branche du quatrième moyen, le requérant fait grief à la Commission, en substance, d’avoir violé le principe de protection de la confiance légitime. Il fait valoir que la jurisprudence n’exclut pas la possibilité pour les bénéficiaires d’une aide illégale d’invoquer des circonstances exceptionnelles qui ont légitimement pu fonder leur confiance dans le caractère régulier de cette aide pour s’opposer à son remboursement.

151    En l’espèce, une première circonstance exceptionnelle résiderait dans la manière dont la Commission a mené son instruction pour la terminer en 2007 en classant la plainte. Jusqu’à la décision d’ouverture du 23 juin 2010, le requérant aurait donc été amené à croire à la légalité des mesures en cause. Une seconde circonstance exceptionnelle est, selon le requérant, la durée excessive de la procédure préliminaire d’examen qui a duré du 13 juillet 2006 au 23 juin 2010. À tout le moins dès 2007, la Commission aurait disposé de tous les éléments qui lui auraient permis d’adopter une décision d’ouverture dans un délai raisonnable, ce qu’elle n’aurait pas fait et ce qui aurait également conduit à croire que les mesures en cause ne constituaient pas des aides d’État. Partant, la décision attaquée serait viciée et devrait être annulée dans son intégralité, ou du moins en tant qu’elle ordonne la récupération des mesures en cause.

152    La Commission conteste les arguments du requérant.

153    Il ressort de l’article 14, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement no 659/1999 que « [l]a Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit [de l’Union] », tel que le principe de protection de la confiance légitime.

154    En outre, conformément à une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime appartient à tout justiciable à l’égard duquel une institution, un organe ou un organisme de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître à son égard des espérances fondées. Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants (voir arrêt du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387, point 132 et jurisprudence citée).

155    Or, compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides d’État opéré par la Commission, les entreprises bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l’aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue à l’article 108 TFUE et un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que cette procédure a été respectée. En particulier, lorsqu’une aide est mise à exécution sans notification préalable à la Commission, de sorte qu’elle est illégale conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, le bénéficiaire de l’aide ne peut avoir, à ce moment, une confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle-ci (voir arrêt du 11 novembre 2004, Demesa et Territorio Histórico de Álava/Commission, C‑183/02 P et C‑187/02 P, EU:C:2004:701, points 44 et 45 et jurisprudence citée).

156    En l’espèce, il est constant que les mesures en cause n’ont pas été notifiées à la Commission, ce qui suffit en soi pour exclure l’existence d’une quelconque confiance légitime de la part du requérant ainsi que de la part de SEA et de Sea Handling dans la régularité des aides en cause.

157    Dans l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502), la Cour a, certes, estimé que le délai de 26 mois pris par la Commission pour adopter sa décision avait pu faire naître, dans l’esprit de la partie requérante, bénéficiaire de l’aide, une confiance légitime de nature à empêcher l’institution d’enjoindre aux autorités nationales concernées d’ordonner la restitution de cette aide.

158    Or, les circonstances exceptionnelles de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502), ont joué un rôle décisif dans l’orientation suivie par la Cour dans cet arrêt, de sorte que celle-ci ne saurait être transposée à d’autres cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, EU:C:2004:234, point 119 ; du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑298/00 P, EU:C:2004:240, point 90 ; du 9 septembre 2009, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑30/01 à T‑32/01 et T‑86/02 à T‑88/02, EU:T:2009:314, point 286 ; du 9 septembre 2009, Diputación Foral de Álava e.a., T‑230/01 à T‑232/01 et T‑267/01 à T‑269/01, non publié, EU:T:2009:316, point 344, et du 22 avril 2016, France/Commission, T‑56/06 RENV II, EU:T:2016:228, point 81 et jurisprudence citée). En particulier, l’aide à l’origine de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502), avait fait l’objet, quoique après son versement, d’une notification formelle à la Commission. Par ailleurs, elle se rattachait à des coûts supplémentaires liés à des aides autorisées par la Commission et concernait un secteur qui, depuis 1977, avait bénéficié d’aides autorisées par la Commission. Enfin, l’examen de la compatibilité de l’aide n’exigeait pas une recherche approfondie.

159    Or, l’ensemble des circonstances exceptionnelles à l’origine de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502), se distingue clairement des circonstances à l’origine de la présente affaire. En particulier, dans la présente affaire, les aides litigieuses n’ont jamais été notifiées à la Commission. Par suite, au vu des différences fondamentales entre le cas d’espèce dans l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502), et celui faisant l’objet du présent recours, le requérant ne peut utilement se prévaloir de cet arrêt.

160    Indépendamment de ce qui précède, les arguments précis invoqués par le requérant ne font pas référence à des circonstances exceptionnelles susceptibles de fonder une confiance légitime dans la régularité des aides en cause.

161    D’une part, la lettre du 30 mai 2007 par laquelle la Commission a informé le plaignant que, en l’espèce, elle ne disposait pas d’informations suffisantes pour conclure à l’existence de ressources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et que, dès lors, il n’y avait pas de motifs suffisants pour se prononcer sur le cas, n’a pas été adressée au requérant, ni d’ailleurs à la République italienne ou à Sea Handling. Ainsi, étant donné que cette lettre ne comportait qu’une appréciation provisoire des mesures en cause et n’était pas adressée au requérant, ce dernier ne saurait utilement s’en prévaloir pour fonder l’existence d’une confiance légitime.

162    D’autre part, dans la mesure où le requérant invoque une durée prétendument excessive de la phase préliminaire d’examen, il suffit de constater que, en l’absence de notification des mesures en cause, comme en l’espèce, la Commission n’est pas soumise à la règle du délai d’examen de deux mois prévu à l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 659/1999 (voir arrêt du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387, points 74 et 75 et jurisprudence citée), ni à celui de l’article 7, paragraphe 6, de ce règlement. En effet, il ressort de l’article 13, paragraphe 2, de ce règlement que, dans le cas d’une aide illégale, la Commission n’est pas liée par les délais qui y sont fixés.

163    Il n’en demeure pas moins que, en vertu de l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, intitulé « Droit à une bonne administration », « [t]out citoyen de l’Union a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union ».

164    De même, la Commission est tenue d’agir dans un délai raisonnable dans le cadre d’une procédure d’aides d’État et elle n’est pas autorisée à perpétuer un état d’inaction pendant la phase préliminaire d’examen. Ce caractère raisonnable de la procédure doit être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire, telles que la complexité de celle-ci et le comportement des parties (voir arrêt du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387, points 81 et 82 et jurisprudence citée).

165    En l’espèce, la phase préliminaire d’examen, à savoir celle s’étendant entre la date de réception de la plainte informant la Commission de l’existence d’une prétendue aide, le 13 juillet 2006, et la date de l’ouverture de la procédure formelle d’examen, le 23 juin 2010, a duré presque quatre ans, à savoir environ 47,5 mois.

166    Il convient cependant de rappeler que, par lettre du 30 mai 2007, c’est-à-dire après une période d’environ neuf mois et demi, la Commission a informé le plaignant qu’elle ne disposait pas d’indices suffisants pour conclure à la satisfaction d’un des critères d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE pour pouvoir apprécier si les mesures en cause constituaient des aides d’État. En effet, dans cette lettre, jugeant sur le fondement des éléments dont elle était en possession à ce stade, la Commission considérait ne pas être en mesure de conclure que les mesures en cause engageaient des ressources d’État et, dès lors, qu’une des conditions cumulatives de l’article 107, paragraphe 1, TFUE qui doivent toutes être réunies pour qu’une mesure constitue une aide au sens de cette disposition était remplie.

167    S’agissant de la condition des ressources d’État et plus particulièrement de celle de l’imputabilité des mesures en cause à l’État, il convient de rappeler (voir notamment points 77 à 83 ci-dessus) que l’accord syndical du 26 mars 2002, lu à la lumière du libellé de l’accord syndical du 4 avril 2002, constitue, à lui seul, un indice déterminant pour démontrer l’implication du requérant dans la décision d’octroyer à Sea Handling les mesures en cause. Or, c’est seulement à la suite de sa demande formulée dans une lettre du 3 mars 2008 que la Commission a formellement obtenu, par lettre des autorités italiennes du 10 avril 2008 (considérant 5 de la décision attaquée), ce document clé pour l’examen de l’imputabilité des mesures en cause.

168    C’était donc seulement à partir de la réception de la lettre des autorités italiennes du 10 avril 2008 à laquelle était annexée une copie de l’accord syndical du 26 mars 2002 que la Commission disposait d’éléments suffisants pour conclure provisoirement que les mesures en cause constituaient des aides d’État. Dans ces conditions, la phase préliminaire d’examen a duré un peu plus de deux ans et deux mois, soit un peu plus de 26 mois.

169    Au vu de la complexité de l’examen des mesures en cause qui, comme en témoigne la décision d’ouverture, nécessitait une analyse approfondie, notamment, des résultats financiers de Sea Handling et de SEA, de la position de Sea Handling sur le marché des services d’assistance en escale (que la Commission n’avait pas encore examiné sous l’angle du droit des aides d’État auparavant), de nombreux indices pour l’imputabilité des mesures en cause à l’État (points 43 à 51 et 57 à 70 de la décision d’ouverture) et de divers éléments ayant trait au respect du critère de l’investisseur privé (points 74 à 96 de la décision d’ouverture) et à la compatibilité des différentes mesures en cause avec le marché intérieur (points 103 à 107 de la décision d’ouverture), qui s’étalaient sur une longue période, à savoir de 2002 à 2005, cette durée de la phase préliminaire d’examen ne saurait être qualifiée de déraisonnable en l’espèce.

170    Aucune des circonstances exceptionnelles invoquées par le requérant n’étant dès lors, en tout état de cause, susceptible de fonder une confiance légitime de la part du requérant, il s’ensuit que la seconde branche du quatrième moyen doit être rejetée.

b)      Sur la première branche

171    Par la première branche du quatrième moyen, le requérant fait valoir une violation des droits de la défense, du principe de « bonne administration » et du principe du contradictoire. Elle se divise, en substance, en trois griefs.

1)      Sur le premier grief

172    Par le premier grief, le requérant fait valoir que son droit à présenter des observations, au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, a été violé durant les procédures préliminaire et formelle d’examen. La Commission ne lui aurait envoyé ni la version non confidentielle de la plainte du 13 juillet 2006, ni le complément à la plainte du 2 juillet 2007, ni les annexes correspondantes, ni la correspondance échangée avec le plaignant. En outre, le requérant reproche à la Commission de ne l’avoir pas informé, en 2007, de la réouverture de l’enquête. Ce serait seulement par la lettre de l’Ente nazionale per l’aviazione civile (ENAC, organisme national pour l’aviation civile, Italie), du 13 mars 2008 qu’elle aurait eu connaissance de la communication du 3 mars 2008 par laquelle la Commission avait informé les autorités italiennes de sa décision de réexaminer la plainte. D’après le requérant, cette lettre ne contenait aucune indication permettant de qualifier les mesures en cause d’aides d’État ou de les lui imputer. Ainsi, il n’aurait pas pu présenter des observations complètes.

173    En 2008, la Commission aurait demandé aux autorités italiennes d’envoyer, dans un délai d’un mois seulement, une copie de l’accord syndical du 26 mars 2002 sans avoir fourni d’explications sur les motifs de cette demande et sans avoir procédé à un débat contradictoire approprié. La Commission aurait cependant notifié aux autorités italiennes deux ans et quatre mois plus tard, par lettre du 23 juin 2010, sa décision d’ouverture au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Ce comportement constituerait une violation des principes du contradictoire et de « bonne administration » en matière d’aides d’État, la Commission n’ayant pas recueilli toutes les informations nécessaires, en les demandant notamment aux bénéficiaires d’aide, avant d’adopter sa décision.

174    La Commission conteste les arguments du requérant.

175    À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que la procédure de contrôle des aides d’État est une procédure ouverte à l’encontre de l’État membre concerné. Les intéressés, autres que l’État membre concerné, ont dans cette procédure uniquement la faculté d’adresser à la Commission toute information destinée à éclairer celle-ci dans son action future. Ils ne sauraient donc prétendre eux-mêmes à un débat contradictoire avec la Commission tel que celui ouvert au profit de cet État membre, ni se prévaloir des droits de la défense en tant que tels (voir ordonnance du 5 octobre 2016, Diputación Foral de Bizkaia/Commission, C‑426/15 P, non publiée, EU:C:2016:757, point 44 et jurisprudence citée).

176    Les entités infra-étatiques qui octroient les aides, telles que le requérant, sont ainsi uniquement considérées comme étant des intéressés dans cette procédure, au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, durant laquelle la Commission doit seulement mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations. Il en découle que la Commission n’a pas, lorsque la procédure formelle d’examen l’amène à considérer que l’aide en cause est illégale, à inviter les intéressés en cours de procédure à débattre de la légalité de celle-ci et à défendre leur point de vue (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2016, Diputación Foral de Bizkaia/Commission, C‑426/15 P, non publiée, EU:C:2016:757, points 45 à 47 et jurisprudence citée).

177    S’agissant du devoir de la Commission, en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (voir arrêt du 8 mai 2008, Ferriere Nord/Commission, C‑49/05 P, non publié, EU:C:2008:259, point 68 et jurisprudence citée), la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne constitue un moyen adéquat en vue de faire connaître à tous les intéressés l’ouverture d’une procédure, tout en précisant que cette communication vise exclusivement à obtenir, de la part des intéressés, toutes informations destinées à éclairer la Commission dans son action future (voir, en ce sens, arrêts du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein‑Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, EU:T:2003:57, point 124 et jurisprudence citée, et du 9 juillet 2008, Alitalia/Commission, T‑301/01, EU:T:2008:262, point 171).

178    Par ailleurs, il n’existe aucune base juridique pour imposer à la Commission l’obligation d’engager un débat contradictoire avec les intéressés, auxquels les dispositions applicables ne confèrent aucun droit en ce sens, lors de la phase préliminaire d’examen des aides d’État antérieure à la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen. En effet, c’est la Commission qui a seule le pouvoir d’ordonner à l’État membre concerné de lui « fournir des renseignements » (article 2, paragraphe 2, article 5, paragraphes 1 et 2, et article 10, paragraphe 2, du règlement no 659/1999). Il s’ensuit que les parties intéressées n’ont pas la possibilité d’obliger la Commission à les entendre afin de pouvoir influencer l’« évaluation préliminaire » amenant la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 et T‑207/01, EU:T:2002:111, point 144 et jurisprudence citée).

179    Force est donc de constater que le requérant ne constitue qu’une partie intéressée dont les droits procéduraux dans le cadre de la procédure administrative ayant abouti à la décision attaquée sont restreints.

180    Il est constant que, par la lettre du 23 juin 2010, la Commission a notifié aux autorités italiennes sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et a invité les autorités italiennes à lui fournir certaines informations et données nécessaires pour apprécier les mesures en cause à l’aune de l’article 107 TFUE. Par la publication de la décision d’ouverture au Journal officielde l’Union européenne, intervenue le 29 janvier 2011, la Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur les mesures en cause dans un délai d’un mois suivant cette publication (voir point 8 ci-dessus).

181    Dans ce contexte, il importe de rappeler que le requérant a effectivement soumis ses observations sur cette décision par lettre du 15 septembre 2010. Ainsi il a pu exercer son droit à présenter des observations et s’est associé à la procédure administrative.

182    Eu égard aux considérations qui précèdent, le requérant ne peut ni alléguer une violation de ses droits procéduraux, ni reprocher à la Commission de ne pas lui avoir fourni d’informations disponibles avant la décision d’ouverture. Ainsi, il ne pouvait ni exiger la communication de la plainte du 13 juillet 2006, du complément de plainte du 2 juillet 2007 et de la décision de réouverture de l’enquête du 3 mars 2008, ni alléguer une violation de ses droits procéduraux au motif que la Commission avait omis de l’informer des échanges avec les autorités italiennes concernant l’accord syndical du 26 mars 2002.

183    En outre, le requérant ne peut reprocher à la Commission d’avoir manqué à son devoir de diligence au motif qu’elle n’aurait pas recueilli toutes les informations nécessaires en vue de statuer en toute connaissance de cause à la date de l’adoption de la décision attaquée, dès lors que le requérant n’expose pas à suffisance de droit quels éléments d’information auraient manqué à la Commission et pour quelles raisons ces éléments auraient été nécessaires à cet effet.

184    Enfin, pour autant que le requérant fait valoir une violation des droits de la défense de la République italienne ou de son droit à présenter des observations, il suffit de rappeler que la violation de ces droits constitue une illégalité subjective par sa nature, laquelle doit donc être invoquée par l’État membre concerné lui-même (voir arrêt du 9 septembre 2009, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑30/01 à T‑32/01 et T‑86/02 à T‑88/02, EU:T:2009:314, point 238 et jurisprudence citée). Le requérant n’est donc en tout état de cause pas recevable à invoquer une violation des droits de la défense de l’État membre concerné, en l’occurrence la République italienne, ou de son droit à présenter des observations.

185    Il s’ensuit que le premier grief doit être rejeté.

2)      Sur le deuxième grief

186    Dans le cadre du deuxième grief, le requérant estime que la Commission a violé les articles 10 et 13 du règlement no 659/1999 au motif qu’elle n’a demandé aucune information supplémentaire, hormis l’accord syndical du 26 mars 2002 qui n’était pas pertinent. Il serait évident que la Commission a excessivement tardé dans l’analyse de l’affaire, ce qui aurait créé la « légitime conviction » chez les parties concernées que les mesures en cause étaient légales. En outre, la Commission aurait manqué à son obligation de discuter préalablement de ces mesures avec l’État italien en ouvrant la procédure formelle d’examen sans avoir invité les autorités italiennes, y compris le requérant, à fournir des explications sur leur nature et sur leurs effets. La lettre du 6 octobre 2006 contiendrait une « demande générique d’informations ». De même, la lettre du 3 mars 2008 ne serait que formellement une deuxième demande d’informations, mais de fait ne viserait que la production de l’accord syndical du 26 mars 2002.

187    La Commission conteste les arguments du requérant.

188    En premier lieu, pour ce qui est de l’allégation du requérant selon laquelle la Commission aurait violé les articles 10 et 13 du règlement no 659/1999 au motif qu’elle n’a pas demandé d’informations supplémentaires, il y a lieu d’observer que la Commission a bien demandé aux autorités italiennes, comme l’admet également le requérant, de produire l’accord syndical du 26 mars 2002 qui, lu à la lumière du libellé de l’accord syndical du 4 avril 2002, loin d’être un document sans pertinence en fait et en droit comme l’avance le requérant, constitue, à lui seul, un indice déterminant pour démontrer son implication dans la décision d’octroyer à Sea Handling les mesures en cause (voir points 77 à 83 ci-dessus).

189    En deuxième lieu, pour autant que le requérant fait valoir que la Commission a excessivement tardé dans l’analyse des mesures en cause et de ce fait fait naître une confiance légitime en leur légalité, il convient de renvoyer aux points 153 à 170 ci-dessus, desquels il découle qu’il n’existait pas de confiance légitime en l’espèce et que la durée de la phase préliminaire d’examen n’était pas déraisonnable.

190    En troisième lieu, dans la mesure où le requérant fait grief à la Commission de n’avoir pas « discuté » préalablement des mesures en cause avec la République italienne, il convient de rappeler que, en vertu de la jurisprudence citée par le requérant lui-même, avant d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la Commission doit aborder au préalable les mesures en cause avec l’État membre concerné, afin que celui-ci ait l’occasion d’indiquer, le cas échéant, à celle-ci que, selon lui, ces mesures ne constituent pas des aides ou qu’elles constituent des aides existantes (voir arrêt du 24 novembre 2011, Italie/Commission, C‑458/09 P, non publié, EU:C:2011:769, point 47 et jurisprudence citée).

191    À cet égard, force est de constater que, d’une part, comme l’admet également le requérant, la Commission a bien abordé les mesures en cause avec les autorités italiennes en l’espèce, notamment par ses lettres des 6 octobre 2006 et 3 mars 2008, et, d’autre part, en l’espèce, le requérant ne saurait invoquer une éventuelle violation des droits de la défense de la République italienne (voir point 184 ci-dessus).

192    Le deuxième grief doit donc être rejeté.

3)      Sur le troisième grief

193    Par le troisième grief, le requérant fait valoir une violation de l’article 6 du règlement no 659/1999. À défaut de débat contradictoire au cours de la procédure préliminaire d’examen, la décision d’ouverture ne contiendrait pas d’évaluation préliminaire complète et structurée au sujet de la qualification des mesures en cause comme prétendues aides d’État et de leur compatibilité avec le marché intérieur. Cela aurait porté atteinte aux droits du requérant, des autorités italiennes et des tiers de se défendre de manière adéquate. En effet, ce ne serait que dans la demande d’informations supplémentaires envoyée aux autorités italiennes le 15 juillet 2011 que la Commission aurait fait référence pour la première fois de manière globale à la période en cause, sans fournir d’évaluation préliminaire des mesures en cause. Ainsi, la Commission aurait dû adopter une décision d’extension de l’objet de son examen pour inclure la période allant de 2006 à 2010. Cette extension irrégulière aurait violé le principe du contradictoire, parce qu’elle aurait empêché le requérant, SEA et Sea Handling de développer leurs arguments au sujet des nouvelles mesures adoptées au cours des années 2006 à 2010 et de produire des preuves adéquates.

194    La Commission conteste les arguments du requérant.

195    Il convient de rappeler que la Commission doit ouvrir une procédure formelle d’examen, prévoyant l’information des parties intéressées, lorsque, au terme d’un examen préliminaire, elle a des doutes sérieux sur la compatibilité de la mesure en cause avec le marché commun. Il en résulte que, dans la communication relative à l’ouverture de cette procédure, la Commission ne peut être tenue de présenter une analyse aboutie à l’égard de la mesure en cause. En revanche, il est nécessaire qu’elle définisse suffisamment le cadre de son examen afin de ne pas vider de son sens le droit des parties intéressées de présenter leurs observations (voir arrêt du 2 juillet 2015, France et Orange/Commission, T‑425/04 RENV et T‑444/04 RENV, EU:T:2015:450, point 130 et jurisprudence citée).

196    La décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen doit ainsi mettre les parties intéressées en mesure de participer de manière efficace à cette procédure, lors de laquelle elles auront la possibilité de faire valoir leurs arguments. À cette fin, il suffit que les parties intéressées connaissent le raisonnement qui a amené la Commission à considérer provisoirement que la mesure en cause pouvait constituer une aide nouvelle incompatible avec le marché commun (voir arrêt du 2 juillet 2015, France et Orange/Commission, T‑425/04 RENV et T‑444/04 RENV, EU:T:2015:450, point 131 et jurisprudence citée).

197    Ainsi, il ressort du considérant 8 du règlement no 659/1999 et de l’article 6, paragraphe 1, du même règlement que la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen doit récapituler les éléments pertinents de fait et de droit, inclure une évaluation préliminaire de la mesure en cause visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide et exposer les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun, afin de permettre à l’État membre concerné et aux autres parties intéressées de présenter utilement leurs observations et, ce faisant, de fournir à la Commission toutes les informations dont elle a besoin pour évaluer la compatibilité de l’aide avec le marché commun (arrêt du 2 juillet 2015, France et Orange/Commission, T‑425/04 RENV et T‑444/04 RENV, EU:T:2015:450, point 132).

198    Dans ces circonstances, l’expression « éléments pertinents de fait et de droit » figurant à l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 doit se comprendre comme visant les éléments essentiels sur le fondement desquels la Commission considère, à ce stade de la procédure, que la mesure en cause peut constituer une aide incompatible avec le marché intérieur (arrêt du 2 juillet 2015, France et Orange/Commission, T‑425/04 RENV et T‑444/04 RENV, EU:T:2015:450, point 133).

199    Par ailleurs, la procédure formelle d’examen ayant pour objet de permettre à la Commission d’approfondir et d’éclaircir les questions soulevées dans la décision d’ouvrir cette procédure, notamment en recueillant les observations de l’État membre concerné et des autres parties intéressées, il peut arriver que, au cours de cette procédure, la Commission soit mise en possession d’éléments nouveaux ou que son analyse évolue. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la décision de la Commission peut présenter certaines divergences avec sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, sans que celles-ci vicient pour autant cette décision finale. Néanmoins, et bien que les textes régissant la procédure en matière d’aides d’État ne prévoient pas expressément la possibilité d’adopter une décision de rectification et d’extension d’une procédure pendante, la jurisprudence a admis que, dans l’hypothèse où la Commission s’apercevrait, après l’adoption d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, que cette dernière est fondée soit sur des faits incomplets, soit sur une qualification juridique erronée de ces faits, elle doive avoir la possibilité d’adapter sa position en adoptant une décision de rectification. Une telle décision ne se justifierait toutefois pas si le cadre d’examen n’est pas modifié de manière sensible et si les éléments de fait et de droit qui constituent le fondement du raisonnement de la Commission restent, en substance, les mêmes (voir arrêt du 2 juillet 2015, France et Orange/Commission, T‑425/04 RENV et T‑444/04 RENV, EU:T:2015:450, point 134 et jurisprudence citée).

200    En l’espèce, il y a lieu de constater que non seulement la décision d’ouverture fait explicitement référence à des éléments pertinents de fait et de droit postérieurs à la période allant de 2002 à 2005, mais qu’elle est claire s’agissant de la volonté de la Commission d’examiner également la période allant de 2006 à 2010.

201    En effet, d’une part, s’agissant d’éléments pertinents de fait et de droit postérieurs à la période allant de 2002 à 2005, la Commission a constaté que, premièrement, il « [é]merge[ait] d’ailleurs des informations publiées sur le site Internet de SEA […] que, au vu de la situation financière de Sea Handling après 2005, SEA a systématiquement continué de subventionner Sea Handling après cette date » (considérant 6 de la décision d’ouverture), deuxièmement, « [e]n ce qui concerne la période postérieure à 2005, [elle] ne dispos[ait] des données spécifiques concernant Sea Handling », mais que « les rapports annuels de SEA indiqu[aient] que la situation financière de Sea Handling [était] en train de se détériorer pendant la période postérieure à 2005 » (considérant 31 de la décision d’ouverture), troisièmement, Sea Handling avait continué de perdre des parts de marché en 2006, en 2007 et en 2008 (considérants 34 et 35 de la décision d’ouverture), quatrièmement, « [s]elon les données reprises dans le bilan du groupe SEA communiqué par le plaignant, en 2006, Sea Handling a subi des pertes de 44 200 000 [euros], correspondant à une hausse d’environ 4,3 % par rapport à 2005 » (considérant 41 de la décision d’ouverture), cinquièmement, « [l]es rapports annuels 2006-2008 indiqu[aient] que, pendant la période en cause, Sea Handling a enregistré des pertes semblables » (considérant 42 de la décision d’ouverture), sixièmement, « le 7 novembre 2006, les conseillers municipaux [avaient] exprimé des préoccupations concernant la situation de crise, se prononçant sur la nécessité de garantir, par tous les moyens, la survie économique de Sea Handling » (considérant 51 de la décision d’ouverture), et, septièmement, « il se lisait dans divers articles parus le 25 février 2006 que, à l’occasion de la réunion SEA du 24 février 2006, il avait été confirmé que les membres du conseil d’administration nommés par [le requérant] avaient dû signer des lettres de démission en blanc » (considérant 67, second tiret, de la décision d’ouverture).

202    D’autre part, il ressort de manière univoque des considérants 42 et 102 ainsi que du point 5, deuxième et troisième tirets, de la décision d’ouverture que la Commission a estimé nécessaire d’examiner l’intégralité de la période en cause.

203    En premier lieu, au considérant 42 de la décision d’ouverture, « [l]a Commission considère […] nécessaire d’examiner la période [en cause] aux fins de vérifier si, chaque année, Sea Handling a reçu des aides d’État illégales sous forme de compensation de pertes ».

204    En deuxième lieu, au considérant 102 de la décision d’ouverture qui est le seul considérant au point 3.1.4 de la décision d’ouverture consacré aux « [c]onclusions » concernant l’existence d’aide d’État, la Commission a exposé ce qui suit : « À la lumière de ce qui précède, la Commission considère, à ce stade, que la compensation des pertes de Sea Handling par SEA au cours de la période 2002-2005 constitue une aide d’État. La Commission doit par ailleurs vérifier si des compensations éventuelles des pertes au cours de la période postérieure à 2005 constituent également des aides d’État. »

205    En troisième lieu, au point 5, deuxième et troisième tirets, de la décision d’ouverture, la Commission invite la République italienne à lui fournir « tous les documents, informations et données nécessaires pour évaluer la compatibilité des mesures et surtout […] les résultats économiques de Sea Handling pour l’ensemble de la période [allant de] 2002 [à] 2009 [et] les montants et la forme précis des compensations des pertes et en particulier les données relatives à la période [allant] de 2005 à aujourd’hui ».

206    Étant donné que la décision d’ouverture est dès lors claire s’agissant de l’étendue temporelle des mesures provisoirement considérées par la Commission comme constituant des aides d’État, force est de constater que, dans cette décision d’ouverture, la Commission a suffisamment défini le cadre de son examen. Ainsi, la Commission a effectivement mis les parties intéressées, notamment le requérant, en mesure de participer utilement à la procédure d’examen des mesures en cause.

207    À cet égard, il y a lieu de relever que le requérant a effectivement soumis ses observations sur la décision d’ouverture par lettre du 15 septembre 2010. À la lumière des éléments de la décision d’ouverture rappelés ci-dessus et, notamment, de la demande précise formulée au point 5, deuxième et troisième tirets, de la décision d’ouverture, que la République italienne fournisse à la Commission « tous les documents, informations et données nécessaires pour évaluer la compatibilité des mesures et surtout […] les résultats économiques de Sea Handling pour l’ensemble de la période [allant de] 2002 [à] 2009 [et] les montants et la forme précis des compensations des pertes et en particulier les données relatives à la période [allant] de 2005 à aujourd’hui », il aurait été loisible au requérant de prendre position sur la période postérieure à 2005 dans ces observations.

208    S’agissant, enfin, de l’argument du requérant selon lequel la décision d’ouverture ne contenait pas d’évaluation préliminaire des mesures postérieures à 2005, il ressort de la décision attaquée que la Commission entendait invoquer les mêmes arguments que s’agissant des mesures prises au cours de la période allant de 2002 à 2005. Cette volonté découle, de manière univoque des considérants 42 et 102 de la décision d’ouverture, rappelés aux points 203 et 204 ci-dessus.

209    Il convient, dès lors, de conclure que la décision d’ouverture permettait au requérant d’avoir une connaissance suffisante du cadre temporel et du raisonnement ayant amené la Commission à estimer que les mesures en cause pouvaient constituer des aides incompatibles avec le marché intérieur et de présenter utilement ses observations durant la procédure formelle d’examen.

210    Il s’ensuit que le troisième grief du quatrième moyen et, partant, le quatrième moyen dans son ensemble doivent être rejetés comme non fondés.

211    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

IV.    Sur les dépens

212    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Comune di Milano est condamné aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Van der Woude

Kreuschitz

Forrester

Półtorak

 

      Perillo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.