Language of document : ECLI:EU:T:2015:587

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

1er septembre 2015 (*) (1)

« Référé – Accès aux documents – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Documents détenus par l’EMA concernant des informations soumises par une entreprise dans le cadre de sa demande d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament – Décision d’accorder à un tiers l’accès aux documents – Demande de sursis à exécution – Urgence – Fumus boni juris – Mise en balance des intérêts »

Dans l’affaire T‑235/15 R,

Pari Pharma GmbH, établie à Starnberg (Allemagne), représentée par Mes M. Epping et W. Rehmann, avocats,

partie requérante,

contre

Agence européenne des médicaments (EMA), représentée par M. T. Jabłoński, Mme N. Rampal Olmedo, MM. A. Rusanov et S. Marino, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Novartis Europharm Ltd, établie à Camberley (Royaume-Uni), représentée par Me C. Schoonderbeek, avocat,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande visant, en substance, à obtenir le sursis à l’exécution de la décision EMA/271043/2015 de l’EMA, du 24 avril 2015, accordant à un tiers, en vertu du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), l’accès à certains documents contenant des informations soumises dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché du médicament Vantobra,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        L’Agence européenne des médicaments (EMA), instaurée par le règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO L 136, p. 1), a pour principale mission la protection et la promotion de la santé publique et animale à travers l’évaluation et la supervision des médicaments à usage humain et vétérinaire. À cet effet, l’EMA est chargée de l’évaluation scientifique des demandes d’autorisation de mise sur le marché (ci-après l’« AMM ») des médicaments dans l’Union européenne (procédure centralisée). Selon l’article 57, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 726/2004, l’EMA donne aux États membres et aux institutions de l’Union les meilleurs avis scientifiques possibles sur toute question relative à l’évaluation de la qualité, de la sécurité et de l’efficacité des médicaments à usage humain ou vétérinaire qui lui est soumise.

2        En vertu du règlement n° 726/2004, certaines catégories de médicaments, tels que celui qui est l’objet de la présente procédure, le Vantobra, doivent être approuvées conformément à la procédure centralisée au titre dudit règlement. Cette procédure implique la présentation, par la société pharmaceutique intéressée, d’une demande d’AMM, qui fait l’objet d’un examen et d’un avis de la part de l’EMA, et l’intervention d’une décision de la Commission européenne sur l’AMM. Les informations documentaires à fournir par le demandeur d’une AMM doivent permettre à l’EMA, dans l’intérêt de la santé publique, de préparer son avis sur la base de critères scientifiques objectifs de qualité, de sécurité et d’efficacité du médicament concerné, en vue d’évaluer son rapport bénéfice-risque. La responsabilité exclusive de la préparation des avis de l’EMA sur toute question relative aux médicaments à usage humain est confiée à un comité des médicaments à usage humain (ci-après le « CHMP »).

3        En vertu de l’article 13, paragraphe 3, du règlement n° 726/2004, l’EMA publie le rapport européen public d’évaluation (ci-après l’« EPAR ») du médicament à usage humain que vient d’établir le CHMP, à savoir un résumé compréhensible pour le public des caractéristiques du médicament, avec les motifs de son avis favorable à la délivrance de l’AMM, après suppression de toute information présentant un caractère de confidentialité commerciale. En outre, en vertu de l’article 80, premier alinéa, du règlement n° 726/2004, l’EMA adopte des règles en ce qui concerne la mise à la disposition du public d’informations réglementaires, scientifiques ou techniques relatives à l’autorisation et à la surveillance des médicaments qui ne présentent pas de caractère confidentiel.

4        L’article 73, premier alinéa, du règlement n° 726/2004 déclare applicable aux documents détenus par l’EMA le règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), règlement qui vise à garantir au public un accès aussi large que possible aux documents détenus par les organes administratifs de l’Union.

5        L’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 dispose que les institutions refusent l’accès à un document lorsque sa divulgation porterait atteinte, notamment, à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé. Dans le cas de documents de tiers, l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 1049/2001 précise que l’institution consulte le tiers afin de déterminer si une exception prévue au paragraphe 2 est d’application, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être divulgué. En vertu de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions susmentionnées, les autres parties du document sont divulguées.

6        Le 19 décembre 2006, l’EMA a adopté des règles de mise en œuvre du règlement n° 1049/2001 sur l’accès à ses documents. En outre, afin de renforcer la transparence de son fonctionnement, l’EMA a modifié, en novembre 2010, sa politique relative à l’accès à ses documents (ci-après la « politique d’accès »), en vue d’assurer l’accès le plus large possible à ses documents relatifs à toute question se rapportant aux politiques, activités et décisions qui relèvent de son mandat et de ses responsabilités, en donnant un accès prioritaire aux documents contenant des informations scientifiques essentielles sur la sécurité et l’efficacité d’un médicament autorisé.

7        La requérante, Pari Pharma GmbH, est une société pharmaceutique appartenant au groupe PARI, qui compte 550 employés à travers le monde et qui se concentre sur l’optimisation de diffuseurs aérosol de médicaments liquides à inhaler, qu’ils s’agisse de nouveaux produits ou de produits établis. Le groupe PARI opère essentiellement dans le développement et la commercialisation de nébuliseurs et de méthodologies de formulation de médicaments et a développé sa technologie exclusive « eFlow » de nébuliseurs pour des thérapies inhalatrices sur mesure des maladies respiratoires. La requérante est également titulaire d’AMM de ses propres médicaments pour maladies respiratoires, commercialisés conjointement avec son nébuliseur exclusif.

8        L’AMM du Vantobra, 170 mg solution inhalable (tobramycine), qui fait l’objet de la présente procédure, a été accordée par la Commission le 18 mars 2015 à la suite d’une procédure d’autorisation centralisée au titre du règlement n° 726/2004. Le médicament est destiné au traitement des infections pulmonaires chroniques dues à la pseudomanas aeruginosa chez les patients âgées de 6 ans et plus souffrant de fibrose kystique. Le Ventobra est un médicament hybride du TOBI 300 mg-5 ml solution inhalable (ci-après « TOBI »). Selon la requérante, grâce à l’utilisation de sa technologie « eFlow », le Vantobra présente un avantage thérapeutique sur le TOBI du fait d’une durée de traitement significativement réduite.

9        S’agissant du TOBI, l’intervenante, Novartis Europharm Ltd, est titulaire d’une AMM accordée par la Commission, le 20 juillet 2011, au titre du règlement n° 726/2004, pour le médicament TOBI Podhaler, une poudre sèche inhalatrice de tobramycine. Le TOBI Podhaler a été qualifié de « médicament orphelin », au sens du règlement (CE) n° 141/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1999, concernant les médicaments orphelins (JO 2000, L 18, p. 1), c’est-à-dire les médicaments destinés à diagnostiquer, à prévenir ou à traiter des affections rares. Afin de favoriser le développement de traitements efficaces pour les patients souffrant d’affections rares, ce règlement introduit un système d’incitations visant à encourager les entreprises pharmaceutiques à investir dans la recherche, le développement et la mise sur le marché de médicaments orphelins.

10      Selon le considérant 8 du règlement n° 141/2000, la mesure d’incitation la plus efficace pour amener l’industrie pharmaceutique à investir dans le développement et la commercialisation des médicaments orphelins est la perspective d’obtenir une exclusivité commerciale pendant un certain nombre d’années au cours desquelles une partie de l’investissement pourrait être récupérée.

11      À cet égard, l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 141/2000 prévoit que les médicaments orphelins pour lesquels une AMM a été accordée bénéficient d’une exclusivité commerciale en ce sens que « la Communauté et les États membres s’abstiennent, pendant dix ans, eu égard à la même indication thérapeutique, d’accepter une autre demande d’[AMM], d’accorder une [AMM] ou de faire droit à une demande d’extension d’une [AMM] existante pour un médicament similaire ».

12      Cependant, aux termes de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 141/2000, c’est par dérogation au paragraphe 1 qu’« un médicament similaire peut se voir accorder une [AMM], pour la même indication thérapeutique, dans l’un des cas suivants :

« c)      le second demandeur peut établir, dans sa demande, que le second médicament, quoique similaire au médicament orphelin déjà autorisé, est plus sûr, plus efficace ou cliniquement supérieur sous d’autres aspects. »

13      En vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 141/2000, le TOBI Podhaler bénéficie donc d’une période d’exclusivité commerciale qui, à la suite de l’octroi d’une prolongation de deux ans, n’expirera que le 20 juillet 2023.

14      S’agissant de l’AMM du Ventobra (voir point 8 ci-dessus), elle a été accordée à la requérante, à titre dérogatoire par rapport au TOBI Podhaler, en application de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 141/2000. Cette autorisation dérogatoire est intervenue à l’issue de la procédure décrite ci-après.

15      La demande d’AMM du Vantobra a été présentée à l’EMA le 26 juillet 2012 pour l’indication intitulée « Traitement à long terme de l’infection pulmonaire chronique due à la pseudomanas aeruginosa chez les patients âgés de 6 ans et plus souffrant de fibrose kystique ». Le 21 février 2013, le CHMP a publié une première liste de questions portant, notamment, sur la dérogation à l’exclusivité commerciale du TOBI Podhaler, au titre de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 141/2000, et sur l’absence de données relatives à la sécurité du Vantobra directement comparables au TOBI Podhaler. Le CHMP a estimé que, si le Vantobra était susceptible de fournir, en termes de sécurité, un avantage aux patients qui ne toléraient pas l’inhalation de poudre sèche, les informations disponibles étaient difficiles à interpréter et n’avaient pas été considérées comme suffisamment convaincantes pour justifier la dérogation en cause. Le 23 août 2013, la requérante a présenté sa réponse du 16 août 2013 à la question concernant la supériorité clinique du Vantobra sur le TOBI Podhaler.

16      Dans cette réponse du 16 août 2013, la requérante a présenté les données d’une étude de marché menée pour elle dans deux pays, en ce compris la conception et la réalisation de l’étude ainsi que l’analyse et la synthèse des résultats. L’étude était axée sur de grands centres de fibrose kystique, qui y ont participé de manière anonyme, et a couvert un pourcentage déterminé de la population atteinte de fibrose kystique dans les pays en cause. La requérante a développé conjointement avec ses consultants externes un questionnaire pour collecter des données sur l’utilisation effective de la tobramycine dans le traitement de la fibrose kystique. Les résultats détaillés de l’étude ont été fournis en annexe de la réponse du 16 août 2013.

17      En réponse à des inquiétudes exprimées par le CHMP, la requérante a limité l’indication du Vantobra à la « gestion de l’infection pulmonaire chronique due à la pseudomanas aeruginosa chez des patients âgés de 6 ans ou plus souffrant de fibrose kystique et intolérants à l’inhalation de poudre sèche. » En outre, elle a fait valoir que les produits Vantobra et TOBI Podhaler n’étaient pas similaires, au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 142/2000, en raison de la différence des populations concernées. Pour étayer sa position selon laquelle l’intolérance au médicament sous forme de poudre sèche ou son inaptitude à l’utiliser affecte une partie substantielle des patients, la requérante s’est également fondée sur les résultats de son étude de marché exclusive ainsi que sur des déclarations d’experts décrivant des cas d’intolérance ou d’inaptitude à utiliser un médicament sous forme de poudre sèche et l’impact d’un changement de traitement au profit de tobramycine inhalée.

18      En février 2014, la requérante a répondu à d’autres questions du CHMP. Conformément aux exigences de l’EMA, elle a présenté les résultats d’une étude de bioéquivalence réalisée sur des volontaires sains ainsi que d’autres preuves d’équivalence thérapeutique avec le produit de référence TOBI. En mars 2014, la requérante a répondu à des questions supplémentaires du CHMP. L’EMA ayant demandé des éléments de preuve supplémentaires de la tolérance du Vantobra parmi la population concernée de patients intolérants à la poudre sèche, la requérante a analysé la tolérance locale au Vantobra en examinant les aspects physicochimiques des trois produits (Vantobra, TOBI solution inhalatrice et TOBI Podhaler). Sur la base, en partie, des résultats de son étude de marché exclusive, elle a conclu que les deux produits inhalateurs présentaient une tolérance comparable, alors que la préparation de poudre sèche était moins bien tolérée.

19      En avril 2014, la requérante a répondu à une deuxième liste de questions du CHMP sur la similitude, l’EMA ayant demandé de justifier davantage dans quelle mesure les résultats de l’étude de marché étaient susceptibles d’étayer l’indication restreinte (limitation aux patients intolérants à l’inhalation de poudre sèche de tobramycine). La requérante a, en outre, étayé ses arguments en faveur de l’absence de similitude et a soutenu que la population de patients du Vantobra était une population distincte et différente de celle du TOBI Podhaler.

20      En mai 2014, la requérante a fourni ses réponses à une troisième liste de questions du CHMP. Conformément à la demande de l’EMA, elle devait démontrer que les patients intolérants au TOBI Podhaler pouvaient être traités de manière adéquate avec les produits TOBI-Vantobra. Les exposés de cas présentés par la requérante ont été considérés comme insuffisants, ce qui l’a amenée à fournir des informations supplémentaires tirées d’ouvrages et d’articles scientifiques et à expliquer la raison pour laquelle il était impossible de générer de nouvelles données cliniques concernant les patients intolérants à la poudre. La requérante a, entre autres, synthétisé dans un tableau les données sur la tolérance (inhalation de poudre sèche comparée à la solution inhalatrice de tobramycine), à partir de deux études publiées, l’étude « FREEDOM » et l’essai « EAGER ». De plus, elle s’est référée à une analyse comparant la poudre inhalatrice de tobramycine et la solution inhalatrice de tobramycine.

21      Après que la requérante eut été invitée à expliquer oralement sa position lors d’une réunion du CHMP en mai 2014, ce dernier a adopté, en juin 2014, un rapport qui a conclu à l’absence de similitude entre le Vantobra et le TOBI Podhaler. Sur cette base, le CHMP a adopté un avis favorable à l’octroi d’une AMM pour le Vantobra. Toutefois, en raison d’inquiétudes soulevées par la Commission au cours du processus décisionnel, le CHMP a décidé de réexaminer la question de la similitude. En octobre 2014, la requérante a fourni ses réponses aux questions sur la similitude posées par le CHMP dans ce contexte. Après avoir entendu la requérante en ses explications orales supplémentaires, le CHMP a adopté, en novembre 2014, un rapport parvenant à la conclusion que le Vantobra et le TOBI Podhaler devaient être considérés comme similaires en raison de la superposition de leurs populations concernées et donc de la similitude de leurs indications.

22      Ensuite, le 28 novembre 2014, la requérante a présenté un rapport alléguant la supériorité clinique du Vantobra sur le TOBI Podhaler et a sollicité l’octroi d’une dérogation à l’exclusivité commerciale du TOBI Podhaler, conformément à l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 141/2000, réclamant de nouveau l’indication complète sans restriction aux patients présentant une intolérance à l’inhalation de poudre sèche. Dans ce contexte, la requérante a été invitée, d’une part, à étayer davantage son argument selon lequel une part substantielle de la population concernée bénéficiait d’une sécurité plus importante avec le Vantobra comparé au TOBI Podhaler et à l’étendre aux populations de patients les plus affectés par l’intolérance à l’inhalation de poudre sèche et, d’autre part, à expliquer les différences entre les incidences de toux et le nombre (inférieur) de retraits de l’essai clinique décrits dans l’essai « EAGER ». Dans une lettre du 15 décembre 2014 et lors d’une troisième explication orale devant le CHMP le 17 décembre 2014, la requérante a présenté des données cliniques supplémentaires, en identifiant deux groupes cibles de bénéficiaires importants. Les pièces présentées durant cette explication orale ont été fournies au CHMP avec un tableau indiquant différentes sources, lesquelles sont toutes accessibles au public.

23      Sur la base de la compilation supplémentaire de données d’essais cliniques et de calculs y afférents fournie par la requérante, le CHMP a conclu, le 22 janvier 2015, que l’allégation de cette dernière au soutien d’une supériorité clinique du Vantobra en termes de plus grande innocuité pour une importante proportion de la population concernée avait été étayée à suffisance de preuves et qu’il y avait donc lieu d’accorder une AMM pour le Vantobra. Cet avis favorable repose sur deux rapports du CHMP du même jour, à savoir le rapport d’appréciation (EMA/CHMP/702525/2014) concernant la similitude du Vantobra avec le Cayston et le TOBI Podhaler (ci-après le « rapport de similitude ») et le rapport d’appréciation (EMA/CHMP/778270/2014) concernant la supériorité clinique du Vantobra sur le TOBI Podhaler (ci-après le « rapport de supériorité »). Ces rapports ont été élaborés par le CHMP sur le fondement des informations fournies par la requérante. La Commission a suivi la recommandation de l’EMA en accordant l’AMM le 18 mars 2015 (voir points 8 et 14 ci-dessus).

24      Le 13 avril 2015, l’EMA a informé la requérante qu’elle avait reçu une demande d’accès aux documents concernant le médicament Vantobra et, notamment, aux rapports de similitude et de supériorité (ci-après, pris ensemble, les « rapports litigieux »). Il est apparu en cours d’instance que le demandeur était la société Novartis Europharm, titulaire de l’AMM pour le médicament TOBI Podhaler (voir point 9 ci-dessus). L’EMA a indiqué son intention de divulguer ces documents avec quelques suppressions portant sur des données à caractère personnel, en fixant à la requérante un délai pour solliciter des suppressions supplémentaires. Le 20 avril 2015, la requérante a répondu à l’EMA en lui demandant de ne pas divulguer les rapports litigieux. À titre de précaution, elle a demandé des suppressions supplémentaires dans les documents en cause.

25      Le 24 avril 2015, l’EMA a décidé de divulguer les documents en cause (ci-après la « décision attaquée »). S’agissant plus particulièrement des rapports litigieux, l’EMA a exposé qu’ils ne comportaient pas, à quelques exceptions près, d’« informations confidentielles à caractère commercial ». Les informations dont la confidentialité est invoquée par la requérante seraient soit, pour la plupart, accessibles au public, soit pourraient aisément être déduites des informations publiques. En tout état de cause, même si ces informations devaient être qualifiées de confidentielles, il existerait un intérêt public supérieur justifiant leur divulgation. La décision attaquée a été fondée, notamment, sur la politique d’accès de l’EMA, selon laquelle les documents contenant des informations scientifiques, y compris les avis et les rapports d’appréciation émis par le CHMP dans le secteur des médicaments orphelins, sont publiés dès que la procédure d’AMM d’un médicament est terminée.

26      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 mai 2015, la requérante a introduit un recours visant, en substance, à l’annulation de la décision attaquée dans la mesure où elle accorde à un tiers l’accès aux rapports litigieux. À l’appui de ce recours, elle fait valoir, en substance, que la décision attaquée viole le règlement n° 1049/2001 et l’article 339 TFUE et qu’elle porte atteinte à ses droits fondamentaux concernant la protection de la vie privée et des informations confidentielles au titre de l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que de l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »).

27      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution de la décision attaquée, dans la mesure où elle accorde à un tiers l’accès aux rapports litigieux ;

–        ordonner à l’EMA de ne pas divulguer ces rapports ;

–        à titre subsidiaire, dans un souci de précaution, ordonner à l’EMA de ne pas divulguer :

–        le rapport de supériorité sans procéder à des suppressions supplémentaires aux pages 9 (tolérance respiratoire supérieure du Vantobra par rapport au TOBI Podhaler), 11, 12 et 14 (extrapolation de la tolérance au Vantobra à partir du TOBI), 17 à 19 (observations de la requérante sur la question 1 et évaluation de la réponse) et 19 à 23 (observations de la requérante à la question 2 et évaluation de la réponse, conclusion et recommandation), conformément à l’annexe A 1 de la demande en référé ;

–        le rapport de similitude, sans procéder à des suppressions supplémentaires aux pages 9 et 10, section 2.3 (indications thérapeutiques, données de l’étude de terrain), ainsi qu’aux pages 11 et 12, section 2.3 (indications thérapeutiques, audition de médecins dans les centres de fibrose kystique), conformément à l’annexe A 2 de la demande en référé ;

–        condamner l’EMA aux dépens de la procédure de référé.

28      Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 1er juin 2015, l’EMA conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

29      La requérante a répondu aux observations de l’EMA par mémoire du 17 juin 2015. L’EMA a pris définitivement position sur celui-ci par mémoire du 25 juin 2015.

30      Par ordonnance du 22 juin 2015, le président du Tribunal a admis la société Novartis Europharm à intervenir dans la présente affaire de référé au soutien des conclusions de l’EMA. Les parties principales ayant demandé que certains éléments du dossier soient considérés comme confidentiels et ayant produit, aux fins d’être communiquée à l’intervenante, une version non confidentielle des pièces en question, le président a ordonné que la communication à cette partie des actes de procédure signifiés et à signifier soit limitée à ladite version non confidentielle, en précisant qu’une décision sur le bien-fondé de la demande de confidentialité serait prise ultérieurement au vu des objections qui pourraient être présentées à ce sujet par l’intervenante.

31      Par mémoire du 26 juin 2015, l’intervenante a émis des objections à l’égard de la plupart des éléments qui avaient été provisoirement qualifiés de confidentiels dans l’ordonnance du 22 juin 2015. Néanmoins, elle a déposé un mémoire en intervention le 30 juin 2015, dans lequel elle demande au président du Tribunal de rejeter la demande en référé et de condamner la requérante aux dépens entiers. Les parties principales ont pris position sur ce mémoire les 8 et 9 juillet 2015.

32      L’intervenante avait auparavant, le 28 mai 2015, saisi le Tribunal d’un recours visant à l’annulation de la décision du 18 mars 2015, par laquelle la Commission avait accordé l’AMM pour le Vantobra (voir points 8 et 14 ci-dessus), au motif que cette décision violait l’exclusivité commerciale dont elle bénéficiait, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 141/2000, pour son médicament TOBI Podhaler (affaire T‑269/15, Novartis Europharm/Commission).

 En droit

 Généralités

33      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure du Tribunal.

34      L’article 156, paragraphe 3, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec, EU:C:1996:381, point 30].

35      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec, EU:C:1995:257, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), EU:C:2007:209, point 25]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec, EU:C:2001:123, point 73).

36      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales. Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative au fumus boni juris est remplie

 Sur le fumus boni juris

37      Il convient de rappeler que plusieurs formules sont utilisées dans la jurisprudence pour définir, au gré des circonstances de l’espèce, la condition tenant au fumus boni juris (voir, en ce sens, ordonnance Commission/Atlantic Container Line e.a., point 35 supra, EU:C:1995:257, point 26).

38      Ainsi, il est satisfait à cette condition lorsqu’au moins un des moyens invoqués par la partie qui sollicite les mesures provisoires à l’appui du recours au fond apparaît, à première vue, non dépourvu de fondement sérieux. Tel est notamment le cas lorsque l’un des moyens avancés révèle l’existence de questions juridiques complexes dont la solution ne s’impose pas d’emblée et mérite donc un examen approfondi, qui ne saurait être effectué par le juge des référés, mais doit faire l’objet de la procédure au fond, ou lorsque le débat mené entre les parties révèle l’existence d’une controverse juridique importante dont la solution ne s’impose pas d’emblée [voir ordonnance du 10 septembre 2013, Commission/Pilkington Group, C‑278/13 P(R), EU:C:2013:558, point 67 et jurisprudence citée].

39      Dans ce contexte, il convient aussi tenir compte du fait que la procédure de référé, fondée sur un examen prima facie, n’est pas conçue pour établir la réalité de faits complexes et hautement controversés. En effet, le juge des référés ne dispose pas des moyens nécessaires pour procéder à de tels examens et, dans de nombreux cas, il ne serait que difficilement à même d’y parvenir en temps utile (voir, en ce sens, ordonnance du 24 avril 2008, Commission/Malte, C‑76/08 R, EU:C:2008:252, point 36).

40      En l’espèce, la requérante soutient qu’une divulgation des rapports litigieux méconnaîtrait leur nature confidentielle et serait constitutive d’une violation de son droit au secret professionnel garanti par l’article 339 TFUE, l’article 8 de la CEDH et l’article 7 de la charte des droits fondamentaux. Cette divulgation ne serait pas non plus justifiée par le règlement n° 1049/2001, par l’article 15, paragraphe 3, TFUE ou par la politique d’accès de l’EMA.

41      La requérante craint que ses activités économiques soient affectées négativement par la décision attaquée, parce qu’une divulgation des rapports litigieux porterait atteinte aux efforts qu’elle a entrepris pour conserver la confidentialité d’informations commerciales exclusives et, partant, encouragerait ses concurrents à mettre sur le marché une solution inhalatrice de tobramycine générique, en exploitant la stratégie, révélée dans ces rapports, qu’elle avait utilisée dans la procédure d’AMM du Vantobra. Le contenu des rapports litigieux devrait être protégé, en application de l’article 339 TFUE, parce qu’il ne se trouve pas dans le domaine public, comporte des données exclusives générées par la requérante et révèle la stratégie utilisée par celle-ci pour obtenir l’AMM du Vantobra en dépit de l’exclusivité commerciale du TOBI Podhaler.

42      Cette stratégie aurait été élaborée par la requérante grâce à son savoir-faire non enregistré, lequel présenterait une valeur patrimoniale, puisqu’il serait fondé sur des informations techniques et commerciales exclusives, ainsi que la Cour l’aurait reconnu dans son arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich (C‑283/11, Rec, EU:C:2013:28, point 34). En effet, les informations contenues dans les rapports litigieux consisteraient soit en des données brutes générées pour le compte de la requérante, notamment grâce à l’étude de marché et la consultation des experts, soit en une compilation et une analyse exclusive de données disponibles pour le public, telles que les conclusions supplémentaires tirées des données de l’essai « EAGER », analysées par diverses agences de régulation aux fins de déterminer les populations de patients qui bénéficieraient au maximum de la solution inhalatrice de tobramycine.

43      Selon la requérante, l’importante valeur commerciale des rapports litigieux ressort déjà du seul déroulement de la procédure d’autorisation (voir points 15 à 23 ci-dessus). Ainsi, au début, les informations accessibles au public concernant la supériorité clinique du Ventobra sur le TOBI Podhaler pour une importante proportion de la population concernée n’auraient pas été considérées comme concluantes et suffisantes pour justifier une dérogation à l’exclusivité commerciale du TOBI Podhaler. Toutefois, la combinaison de données issues de nouvelles études de marché, la compilation de données cliniques et de leur analyse par divers tiers ainsi que les conclusions tirées par la requérante auraient été considérées, en définitive, comme convaincantes et auraient conduit à l’octroi d’une AMM du Vantobra. Si la décision attaquée était mise en œuvre, ces éléments perdraient la majeure partie de leur valeur commerciale.

44      Dans ce contexte, la requérante précise que les informations supplémentaires qu’elle devait fournir au cours de la procédure d’autorisation, ainsi que l’évaluation supplémentaire d’informations partiellement publiques incluses dans le rapport de supériorité, étaient nécessaires pour prouver que les conditions permettant de déroger à l’exclusivité commerciale du TOBI Podhaler étaient remplies. Cela découlerait du nombre important de questions que l’EMA a posées au cours de cette procédure (voir points 15 et 18 à 22 ci-dessus). L’assemblage des données brutes confidentielles et des informations accessibles au public ainsi que les conclusions tirées par la requérante seraient reflétées dans les rapports litigieux et constitueraient des informations commerciales de valeur qui seraient sa propriété. Si ces informations tombaient dans le domaine public, il serait porté atteinte aux intérêts commerciaux de la requérante.

45      Une divulgation des rapports litigieux serait ainsi contraire à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, en ce qu’elle priverait la requérante de son avantage compétitif et permettrait à ses concurrents de copier sa stratégie afin d’obtenir une AMM dans un délai considérablement plus court et à bien moindre frais. En outre, il n’existerait aucune raison impérieuse d’intérêt général à la divulgation de ces rapports. Les informations relatives à la procédure d’autorisation fournies par l’EPAR sur le Vantobra, qui incluent des informations sur la dérogation à l’exclusivité commerciale au titre du règlement n° 141/2000 suffiraient pour servir l’intérêt public. L’EPAR sur le Vantobra mentionnerait les rapports litigieux ainsi que le fait que la dérogation à l’exclusivité commerciale du TOBI Podhaler a été demandée avec succès, sans divulguer la moindre information détaillée sur les arguments et données fournis. Ainsi, il serait permis de supposer que l’étendue des informations dans le cadre de l’EPAR est déjà le résultat d’une mise en balance des intérêts publics et privés, une divulgation d’informations supplémentaires n’étant justifiée que dans des cas exceptionnels, sous peine de mettre en péril l’équilibre établi par le règlement n° 726/2004 entre la confidentialité de la procédure bilatérale d’autorisation et la publication des informations sur le contenu de cette procédure.

46      La requérante estime que les limites à la divulgation prévues par l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 ne peuvent pas être surmontées en recourant directement à l’article 15, paragraphe 3, TFUE et à la politique d’accès de l’EMA. En effet, l’article 15, paragraphe 3, deuxième phrase, TFUE indiquerait que les limites au principe de transparence pour des raisons d’intérêt public ou privé seraient fixées « par voie de règlements par le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire ». La législation adoptée à cet égard serait le règlement n° 1049/2001, alors que la politique de l’EMA ne remplirait pas les conditions de « législation » mentionnée dans ladite disposition et ne pourrait donc pas prévaloir sur cette règlementation ou modifier l’équilibre qu’elle a établi entre le principe de transparence et les intérêts publics et privés à maintenir la confidentialité.

47      L’EMA répond que la requérante n’a pas démontré l’existence d’un fumus boni juris. Elle estime que l’argumentation présentée par la requérante ressemble beaucoup à celle avancée précédemment par d’autres laboratoires pharmaceutiques alléguant l’illégalité de décisions de l’EMA sur la divulgation d’informations cliniques et non cliniques contenues dans le dossier accompagnant des demandes d’AMM, à savoir les affaires T‑44/13, AbbVie/EMA (EU:T:2014:694), radiée le 17 juillet 2014, et T‑73/13, InterMune UK e.a./EMA (EU:T:2015:531), radiée le 29 juin 2015, dans lesquelles les requérantes se sont désistées de leurs recours en annulation. Comme l’EMA l’avait déjà exposé dans le cadre desdites affaires, la thèse générale de la requérante, selon laquelle le contenu entier des rapports litigieux devrait bénéficier d’un traitement confidentiel, serait dépourvue de fondement. En particulier, une partie importante desdits rapports serait librement accessible au public, car publiée sur des sites Internet bien connus, notamment sur le site même de l’EMA, et figurant dans l’EPAR. Par conséquent, l’allégation selon laquelle les rapports litigieux seraient intégralement protégés par les dispositions de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001 devrait être rejetée.

48      Se référant à l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, l’EMA affirme ne pas être autorisée à refuser l’accès à l’intégralité d’un document qu’elle détient, à moins qu’il n’ait été établi que chacun des éléments de ce document est confidentiel et qu’il n’existe pas un intérêt public supérieur justifiant la divulgation de chacun de ces éléments. La requérante n’ayant pas démontré en quoi chacun des éléments des rapports litigieux était confidentiel sur le plan commercial, aucun de ces éléments ne relèverait du champ d’application des exceptions visées à l’article 4 du règlement n° 1049/2001, de sorte que l’EMA serait tenue de divulguer les rapports litigieux dans leur intégralité.

49      Selon l’EMA, nulle part dans la demande en référé la requérante n’a précisé quels éléments spécifiques des rapports litigieux doivent être considérés comme étant confidentiels, puisque constituant « un savoir-faire stratégique non enregistré basé sur des informations techniques et commerciales exclusives » ou ayant « une valeur commerciale parce qu’ils sont secrets ». La thèse de la requérante selon laquelle la décision attaquée viole l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 reposerait sur une pétition de principe, qui présume la validité de l’argument même, à savoir le caractère confidentiel des rapports litigieux, qui doit toutefois être démontré. La nature circulaire de cet argument ressortirait du fait que le moyen tiré du caractère confidentiel des rapports litigieux ne repose pas sur un examen concret des informations qu’ils contiennent, ni sur l’application d’une règle spécifique protégeant leur confidentialité, mais sur l’allégation infondée selon laquelle ils seraient confidentiels sur le plan commercial parce que la requérante les considère comme des informations commerciales confidentielles.

50      Dans la mesure où la requérante fait valoir que toutes les informations contenues dans les rapports litigieux sont secrètes et lui confèrent un « avantage concurrentiel légitime sur ses concurrents », l’EMA rappelle que ces informations ont été compilées par la requérante à partir de sources accessibles au public et présentées à l’EMA par la requérante, conformément aux orientations réglementaires et aux instruments juridiques accessibles au public et en application de ceux-ci. Ces activités ne conféreraient ni une exclusivité commerciale ni une protection des données au Vantobra. En outre, le fait que le Vantobra ait bénéficié de la dérogation mentionnée à l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 141/2000 n’empêcherait pas un autre médicament de bénéficier de la même dérogation et d’entrer sur le marché des thérapies à base de tobramycine par inhalation pour le traitement de la mucoviscidose.

51      À cet égard, il y a lieu de constater que les deux rapports litigieux, qui comportent, respectivement, 27 et 24 pages et dont le caractère confidentiel est invoqué par la requérante, contiennent l’appréciation, formulé par le CHMP, de la similitude entre deux médicaments, le Vantobra et le TOBI Podhaler, et de la supériorité clinique du premier sur le second. Cette appréciation relève d’un secteur pharmaceutique très spécifique, celui des médicaments orphelins, et porte, notamment, sur des études cliniques pharmacocinétiques et de bioéquivalence. Elle soulève donc des questions qui impliquent des évaluations scientifiques de haute technicité en matière de qualité, de sécurité et d’efficacité, en vue de l’octroi d’une AMM pour le médicament Vantobra, en ce compris l’appréciation de ses caractéristiques thérapeutiques susceptibles de justifier, grâce à l’utilisation de la technique d’inhalation « eFlow », l’avis selon lequel le Vantobra présente un avantage sur le TOBI Podhaler. En examinant les rapports litigieux et, notamment, la question de savoir si l’EMA a commis des erreurs en rejetant les demandes de confidentialité de la requérante, le juge des référés est donc confronté à des problèmes complexes de nature scientifique, dont la solution ne s’impose pas d’emblée dans le cadre de la procédure de référé, mais mérite un examen minutieux par les juges du fond.

52      Dans la mesure où l’EMA et l’intervenante soulignent que de larges parties des rapports litigieux sont déjà accessibles au public, il est vrai que l’on ne saurait réclamer le traitement confidentiel d’un élément ponctuel, tel qu’un chiffre d’importance financière pour une entreprise, qui a déjà fait l’objet d’une publication accessible aux personnes intéressées. En l’espèce, cependant, la question de confidentialité soulevée dans ce contexte ne concerne pas l’un ou l’autre chiffre particulier, mais plusieurs passages de texte entiers, à l’égard desquels la requérante soutient qu’ils ne sont, dans la configuration et l’assemblage exacts de leurs éléments, généralement connus ni du public ni du cercle des opérateurs du secteur pharmaceutique. Il y a donc lieu de se demander si le fait que la requérante ait compilé des données scientifiques connues du public et y ait ajouté des données scientifiques secrètes pour en produire un ensemble d’informations complexe qui, en tant que tel, n’est pas aisément accessible peut justifier que cet ensemble reçoive un traitement confidentiel. Or, ce débat soulève également des problèmes dont la solution ne s’impose pas d’emblée dans le cadre de la procédure de référé (voir, en ce sens, ordonnance du 25 juillet 2014, Deza/ECHA, T‑189/14 R, EU:T:2014:686, point 53).

53      En effet, il ne saurait être raisonnablement exclu, à ce stade, que les juges du fond reconnaissent la confidentialité du mode d’utilisation spécifique, par la requérante, d’informations de nature non confidentielle et de nature confidentielle pour les besoins de l’évaluation, par l’EMA, de sa demande visant à obtenir l’AMM pour le médicament Vantobra, en ce qu’une telle stratégie inventive apporte une plus-value scientifique aux éléments non confidentiels pris isolément (voir, en ce sens, ordonnance Deza/ECHA, point 52 supra, EU:T:2014:686, point 54 et jurisprudence citée).

54      S’il est vrai que les sources utilisées par la requérante sont largement accessibles au public, il n’en reste pas moins que leur évaluation et leur compilation, sur la base d’une étude de marché qu’elle a effectuée afin de démontrer l’existence et l’importance significative d’une population de patients cibles du Vantobra en raison de leur intolérance à une inhalation de poudre sèche ont été nécessaires pour établir, devant l’EMA et la Commission, la similitude et la supériorité clinique du Vantobra par rapport au TOBI Podhaler. Or, les résultats de cette étude de marché n’ont jamais été divulgués au public et n’ont été utilisés que dans le cadre de la procédure de demande d’AMM du Ventobra, à l’exception d’une brève synthèse présentée à un cercle restreint de médecins spécialistes lors d’une conférence scientifique en juin 2014. Il en va de même de la compilation de données d’essais cliniques incluse, notamment, dans le rapport de supériorité. Il appartiendra aux juges du fond d’évaluer, le cas échéant, si le degré de nouveauté et l’ampleur des investissements mobilisés à cet effet par la requérante en temps et en ressources financières sont suffisants pour justifier le traitement confidentiel sollicité.

55      En outre, dans l’hypothèse où les juges du fond retiendraient l’argument de la requérante tiré de la nature confidentielle des rapports litigieux en tant que tels, pris globalement, et estimeraient que ces rapports constituent une catégorie d’informations spécifique bénéficiant d’une présomption générale de confidentialité, d’une part, la question d’une divulgation partielle des données publiques y figurant ne se poserait pas, étant donné qu’un document couvert par une telle présomption échappe à l’obligation d’une divulgation partielle (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, Rec, EU:C:2012:393, point 133, et du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, Rec, EU:C:2014:112, point 134). D’autre part, il n’y aurait pas lieu de procéder à un examen individuel de chacun des éléments figurant dans les rapports litigieux, en vue de vérifier si une divulgation précisément dudit élément pourrait porter concrètement et effectivement atteinte aux intérêts commerciaux de la requérante (voir, en ce sens, arrêt Commission/EnBW, précité, EU:C:2014:112, point 93 et jurisprudence citée).

56      La question de savoir si les rapports litigieux constituent une catégorie d’informations spécifique bénéficiant, en raison de leur nature même, d’une présomption générale de confidentialité devrait amener les juges du fond à évaluer si, ainsi que la requérante le prétend, les éléments publics et non publics des rapports litigieux forment un ensemble inséparable revêtant une valeur économique qui, en tant que tel, est soustrait à l’application de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001. En tout état de cause, pour les besoins de la présente procédure, il paraît insensé, et inutile pour l’intervenante, qui a demandé à l’EMA l’accès aux rapports litigieux, de permettre par voie de référé une divulgation limitée strictement aux données qui se trouvent déjà dans le domaine public. En effet, l’intervenante, qui appartient au milieu professionnel intéressé à ce type d’informations, devrait aisément trouver accès à ces passages des rapports litigieux par le biais d’instruments de recherche appropriées sur l’internet (voir, en ce sens, ordonnance Deza/ECHA, point 52 supra, EU:T:2014:686, point 56).

57      Les juges du fond devraient encore tenir compte du fait que la requérante invoque le droit fondamental d’une entreprise au secret de la vie privée, consacré à l’article 8 de la CEDH, dont la teneur correspond à celle de l’article 7 de la charte des droits fondamentaux, en faisant valoir qu’une divulgation des rapports litigieux porterait atteinte à ses secrets commerciaux, la Cour ayant reconnu la nécessité d’interdire la divulgation d’informations qualifiées de confidentielles, afin de préserver le droit fondamental d’une entreprise au respect de la vie privée, consacré à l’article 8 de la CEDH et à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2008, Varec, C‑450/06, Rec, EU:C:2008:91, points 47 et 48). Or, ainsi que la requérante l’a relevé à juste titre, la protection conférée par ces dispositions relevant du droit primaire ne saurait être infirmée par une simple pratique administrative, telle que la politique d’accès de l’EMA.

58      Par ailleurs, à supposer que les rapports litigieux puissent être considérés comme couverts par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, la question de savoir si un intérêt public supérieur n’en justifierait pas moins la divulgation nécessitera une mise en balance entre l’intérêt commercial de la requérante à ce que ces rapports ne soient pas divulgués et l’intérêt général qui vise à garantir au public un accès aussi large que possible aux documents détenus par l’Union. Or, une telle mise en balance des différents intérêts en présence exigera des appréciations délicates qui doivent être réservées aux juges du fond (voir, en ce sens, ordonnance Deza/ECHA, point 52 supra, EU:T:2014:686, point 61), d’autant qu’il faut prendre en considération que l’intervenante invoque, quant à elle, également un droit fondamental, à savoir son droit à un recours effectif consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, en alléguant qu’elle doit disposer des rapports litigieux afin d’étayer son recours visant à l’annulation de la décision ayant accordé à la requérante l’AMM pour le Vantobra et de pouvoir protéger ainsi l’exclusivité commerciale du TOBI Podhaler (voir point 32 ci-dessus). Au demeurant, cette mise en balance des intérêts, à opérer par les juges du fond, ne saurait être confondue avec celle qui sera effectuée pour les besoins de la présente procédure de référé (voir points 64 à 73 ci-après).

59      Dans la mesure où l’EMA et l’intervenante soulignent encore l’importance de la transparence dans l’intérêt de la santé humaine ainsi que dans celui des médecins et des patients, il ne saurait être exclu que de telles considérations soient prises en considération pour la solution du litige principal. Cependant, ces parties s’abstiennent d’exposer les raisons d’urgence particulière qui nécessiteraient une divulgation immédiate des rapports litigieux, en raison d’une dangerosité non seulement potentielle, mais réelle, du médicament Vantobra, et qui s’opposeraient, dès lors, à l’octroi des mesures provisoires sollicitées. En tout état de cause, il semble plus approprié de prendre en compte l’éventuelle dangerosité du Vantobra lors de l’examen de la légalité de la décision ayant accordé à la requérante l’AMM pour le Vantobra dans le cadre de l’affaire T‑269/15 (voir point 32 ci-dessus).

60      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater, sans préjudice de la valeur des arguments avancés par l’EMA et par l’intervenante, dont le bien-fondé fera l’objet d’un examen par les juges du fond, que la présente affaire soulève des questions complexes qui ne sauraient, à première vue, être considérées comme manifestement dénuées de pertinence, mais dont la solution mérite un examen approfondi dans le cadre de la procédure principale, d’autant plus que les problèmes de confidentialité spécifiques qui viennent d’être exposés, ainsi que la nouvelle politique d’accès pratiquée par l’EMA, n’ont pas encore fait l’objet d’une décision du juge de l’Union, ainsi que l’EMA l’a reconnu au point 78 de ses observations du 1er juin 2015.

61      En effet, à la suite des désistements intervenus dans les affaires T‑44/13, AbbVie/EMA (T:2014:694) et T‑73/13, InterMune UK e.a./EMA (T:2015:531) (voir point 47 ci-dessus), le Tribunal n’est plus saisi des questions – similaires à celles soulevées en l’espèce – concernant l’éventuelle confidentialité des rapports d’études cliniques et non cliniques d’un médicament présentés à l’EMA aux fins d’obtenir une AMM. En outre, dans l’affaire T‑189/14, Deza/ECHA, concernant des questions de confidentialité dans le domaine chimique –comparables à celles objet du cas d’espèce –, la procédure est toujours pendante, de sorte que le Tribunal n’a pas encore statué sur le caractère confidentiel d’un rapport sur la sécurité chimique soumis à l’Agence européenne des produits chimiques aux fins d’obtenir l’autorisation d’utilisation d’une substance chimique. S’agissant des arrêts du 28 janvier 2015, Evonik Degussa/Commission (T‑341/12, Rec, EU:T:2015:51) et Akzo Nobel e.a./Commission (T‑345/12, Rec, EU:T:2015:50), du 7 juillet 2015, Axa Versicherung/Commission (T‑677/13, Rec, EU:T:2015:473), ainsi que du 15 juillet 2015, Pilkington Group/Commission (T‑462/12, Rec, EU:T:2015:508) et AGC Glass Europe e.a./Commission (T‑465/12, Rec, EU:T:2015:505), ils portent sur le caractère confidentiel d’informations fournies à la Commission dans le cadre d’une procédure d’infraction aux règles de concurrence et ne permettent pas de tirer des enseignements utiles pour le point de savoir si des documents scientifiques et hautement techniques, tels que les rapports litigieux, doivent recevoir, de par leur nature même, un traitement confidentiel.

62      Par conséquent, il n’existe pas de jurisprudence qui permettrait de répondre aisément aux questions de confidentialité devant être tranchées en l’espèce par l’arrêt à rendre ultérieurement sur le fond. Il s’agit là de questions de principe inédites qui ne sauraient être tranchées, pour la première fois, par le juge des référés, mais requièrent un examen approfondi dans le cadre de la procédure principale (voir, en ce sens, ordonnance Deza/ECHA, point 52 supra, EU:T:2014:686, point 63).

63      Il y a donc lieu d’admettre l’existence d’un fumus boni juris en ce qui concerne les rapports litigieux.

 Sur la mise en balance des intérêts

64      Selon une jurisprudence bien établie, la mise en balance des intérêts consiste pour le juge des référés à déterminer si l’intérêt de la partie qui sollicite les mesures provisoires à en obtenir l’octroi prévaut ou non sur l’intérêt que présente l’application immédiate de l’acte litigieux, en examinant, plus particulièrement, si l’annulation éventuelle de cet acte par le juge du fond permettrait le renversement de la situation qui aurait été provoquée par son exécution immédiate et, inversement, si le sursis à l’exécution dudit acte serait de nature à faire obstacle à son plein effet, au cas où le recours principal serait rejeté (voir, en ce sens, ordonnances du 11 mai 1989, Radio Telefis Eireann e.a./Commission, 76/89 R, 77/89 R et 91/89 R, Rec, EU:C:1989:192, point 15, et du 26 juin 2003, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 R et C‑217/03 R, Rec, EU:C:2003:385, point 142).

65      S’agissant plus particulièrement de la condition selon laquelle la situation juridique créée par une ordonnance de référé doit être réversible, il y a lieu de noter que la finalité de la procédure de référé se limite à garantir la pleine efficacité de la future décision au fond [voir, en ce sens, ordonnance du 27 septembre 2004, Commission/Akzo et Akcros, C‑7/04 P(R), Rec, EU:C:2004:566, point 36]. Par conséquent, cette procédure a un caractère purement accessoire par rapport à la procédure principale sur laquelle elle se greffe (ordonnance du 12 février 1996, Lehrfreund/Conseil et Commission, T‑228/95 R, Rec, EU:T:1996:16, point 61), de sorte que la décision prise par le juge des référés doit présenter un caractère provisoire, en ce sens qu’elle ne saurait ni préjuger du sens de la future décision au fond ni la rendre illusoire en la privant d’effet utile (ordonnances du 17 mai 1991, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90 R, Rec, EU:C:1991:220, point 24, et du 12 décembre 1995, Connolly/Commission, T‑203/95 R, Rec, EU:T:1995:208, point 16).

66      Il s’ensuit nécessairement que l’intérêt défendu par une partie à la procédure de référé n’est pas digne de protection lorsque cette partie demande au juge des référés d’adopter une décision qui, loin de présenter un caractère purement provisoire, aurait pour effet de préjuger du sens de la future décision au fond et de la rendre illusoire en la privant d’effet utile.

67      En l’espèce, le Tribunal sera appelé à statuer, dans le cadre du litige principal, sur le point de savoir si la décision attaquée – par laquelle l’EMA a rejeté la demande de confidentialité de la requérante et manifesté son intention de divulguer à un tiers les rapports litigieux – doit être annulée pour méconnaissance de la nature confidentielle de ces rapports, en ce que leur divulgation serait constitutive d’une violation, notamment, de l’article 8 de la CEDH, de l’article 7 de la charte des droits fondamentaux et de l’article 339 TFUE. À cet égard, il est évident que, pour conserver l’effet utile d’un arrêt annulant la décision attaquée, la requérante doit être en mesure d’éviter que l’EMA ne procède à une divulgation illicite desdits rapports. Or, un arrêt d’annulation serait rendu illusoire et privé d’effet utile si la présente demande en référé était rejetée, ce rejet ayant pour conséquence de permettre à l’EMA la divulgation immédiate des rapports litigieux et donc de facto de préjuger du sens de la future décision au fond, à savoir un rejet du recours en annulation.

68      Il s’ensuit que l’intérêt de l’EMA à voir rejeter la demande en référé doit céder devant l’intérêt défendu par la requérante, d’autant plus que l’octroi des mesures provisoires sollicitées ne reviendrait qu’à maintenir le statu quo pour une période limitée, alors que l’EMA, loin d’affirmer qu’une divulgation des rapports litigieux répondait à un besoin impérieux de protéger la santé publique, s’est limitée à invoquer, notamment, le principe général de transparence (voir point 59 ci-dessus).

69      En ce qui concerne l’intérêt de l’intervenante, qui a demandé à l’EMA de divulguer les rapports litigieux, il est vrai qu’elle peut se prévaloir d’un droit d’accès aux documents des institutions, organes et organismes de l’Union au titre de l’article 15, paragraphe 3, TFUE. Cependant, l’exercice de ce droit serait simplement retardé en cas d’octroi des mesures provisoires demandées par la requérante, ce qui signifierait une restriction temporelle à l’usage de ce droit, alors que le droit de la requérante à voir protéger la nature confidentielle de ces rapports serait réduit à néant en cas de rejet de la demande en référé.

70      Pour autant que l’intervenante invoque son droit à un recours effectif, consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, en soutenant qu’elle doit avoir accès aux rapports litigieux afin de pouvoir protéger l’exclusivité commerciale de son médicament TOBI Podhaler et étayer son recours visant à l’annulation de la décision par laquelle la Commission a accordé à la requérante l’AMM pour le Vantobra (affaire T‑269/15, voir point 32 ci-dessus), il ne saurait être nié qu’un tel accès pourrait être utile pour cette partie, puisque l’octroi de l’AMM pour le Vantobra a effectivement été justifié par l’avis favorable fondé par l’EMA sur les rapports litigieux. Cependant, il semble que le point de savoir si et, le cas échéant, dans quelle mesure l’intervenante pourrait se voir accorder un accès aux rapports litigieux doive être tranché, de préférence, par les juges appelés à statuer dans le litige dans l’affaire T‑269/15.

71      En effet, dans l’hypothèse où la Commission se fonderait, dans le litige dans l’affaire T‑269/15, sur les rapports litigieux pour justifier la similitude et la supériorité clinique du Vantobra sur le TOBI Podhaler, il appartiendrait à l’intervenante d’en demander l’accès et aux juges du fond d’apprécier s’il conviendrait de lui accorder l’accès sollicité, en vue de respecter son droit à un recours effectif, étant entendu que, en cas d’accès auxdits rapports, l’intervenante serait empêchée d’en faire un éventuel usage inapproprié, puisqu’elle ne pourrait les exploiter qu’aux fins de la défense de sa propre cause dans le cadre de l’affaire T‑269/15, à l’exclusion de tout autre but (voir, en ce sens, ordonnance Commission/Pilkington Group, point 38 supra, EU:C:2013:558, point 57 ; arrêt du 17 juin 1998, Svenska Journalistförbundet/Conseil, T‑174/95, Rec, EU:T:1998:127, points 135 à 137, et ordonnance du 28 avril 1999, Van Parys e.a./Commission, T‑11/99 R, Rec, EU:T:1999:86, point 22). En revanche, dans l’hypothèse où les rapports litigieux seraient divulgués en application du règlement n° 1049/2001, dans le cadre de la présente procédure, cette divulgation acquerrait un effet erga omnes en ce sens qu’ils pourraient être communiqués à d’autres demandeurs et que toute personne aurait le droit d’y accéder (voir, en ce sens, arrêt du 21 octobre 2010, Agapiou Joséphidès/Commission et EACEA, T‑439/08, EU:T:2010:442, point 116). Or, un tel effet erga omnes dépasserait manifestement la sphère des intérêts légitimes de l’intervenante, qui ne vise qu’à se prévaloir de son droit à un recours effectif aux fins de l’affaire T‑269/15.

72      Au demeurant, il ne paraît pas exclu que l’intervenante puisse réussir à atteindre l’objectif visé dans l’affaire T‑269/15, à savoir l’annulation de la décision d’octroi de l’AMM pour le Vantobra, sans avoir recours aux rapports litigieux, dans l’hypothèse où elle parviendrait à persuader le Tribunal de ce que cette décision est entachée d’un défaut de motivation du fait précisément que la Commission ne lui a pas dévoilé le contenu pertinent de ces rapports.

73      Il s’ensuit que l’intérêt de la requérante doit, dans le cadre de la présente procédure, primer également celui de l’intervenante.

 Sur l’urgence

74      Afin de démontrer le caractère urgent des mesures provisoires sollicitées, la requérante fait valoir qu’une divulgation prématurée des rapports litigieux lui causerait très certainement un dommage sérieux et irréparable, puisqu’elle permettrait à ses concurrents de mettre sur le marché une solution inhalatrice de tobramycine générique dans un délai considérablement plus court et à moindre frais que pour elle. Compte tenu du fait que le délai estimé nécessaire pour développer et mettre sur le marché un médicament générique pour la nébulisation de tobramycine est approximativement de trois ans, il serait fort probable que non seulement la société Pharmaero ApS avec son produit TobrAir®, mais également d’autres entreprises pharmaceutiques, parviendraient, en exploitant le savoir-faire de la requérante consigné dans les rapports litigieux, à entrer sur le marché durant la période d’exclusivité commerciale du TOBI Podhaler (voir point 13 ci-dessus).

75      La requérante rappelle que la demande en référé vise à empêcher ses concurrents de copier les informations confidentielles précieuses qu’elle a fournies à l’EMA lors de la procédure d’autorisation du Vantobra. Ces informations, qui ont été incluses dans les rapports litigieux, contiendraient les arguments essentiels et la stratégie de la requérante pour démontrer que sont réunies les conditions nécessaires en vue d’une dérogation à l’exclusivité commerciale actuellement en vigueur pour le TOBI Podhaler. Il serait, certes, légitime que d’autres entreprises pharmaceutiques veuillent, elles aussi, mettre sur le marché leurs produits potentiellement similaires au cours de la période d’exclusivité commerciale du TOBI Podhaler. Toutefois, ces entreprises devraient développer leur propre stratégie et avancer leurs propres arguments fondés sur leurs propres recherches et efforts, incluant un investissement considérable en temps et en argent, à l’instar de la requérante, au lieu de se contenter de copier les éléments fournis par celle-ci.

76      La requérante craint que, en cas de rejet de la demande en référé, ses concurrents profiteraient d’un avantage concurrentiel injustifié et que, parallèlement, sa propre position concurrentielle se trouverait affaiblie. En effet, l’expérience montrerait que de nouveaux produits entrant sur un marché relativement petit où seuls quelques opérateurs sont présents ont un impact significatif sur la part de marché de chacun de ces opérateurs. Cela aurait été le cas lorsque le TOBI Podhaler est arrivé sur le marché modeste de la tobramycine inhalée en 2011. Dès 2012, le TOBI Podhaler aurait obtenu une part de marché des ventes de paquets mensuel de 22 % en Autriche, en Allemagne, en Espagne, en France, en Italie, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Cette part de marché se serait accrue pour parvenir à un total de 38 % en 2013, c’est-à-dire durant la deuxième année de présence sur le marché.

77      La requérante en conclut que chaque mois de report de l’entrée sur le marché de concurrents qui doivent surmonter, eux-mêmes, les obstacles à l’entrée sur le marché sans avoir accès à ses informations exclusives contenues dans les rapports litigieux constitue un avantage commercial considérable, même s’il ne peut être quantifié avec exactitude. Divulguer le savoir-faire de la requérante conduirait inévitablement à une perte irréversible de sa position concurrentielle, puisque la durée d’activité limitée avec moins de concurrents ne pourrait jamais être compensée, une fois que des concurrents supplémentaires seraient entrés sur le marché, étant donné que ce préjudice ne saurait être quantifié au moment où il survient. En effet, l’entrée prématurée d’un nouveau concurrent sur le marché entraînerait un désavantage concurrentiel permanent pour les opérateurs déjà présents sur le marché, l’importance et l’évolution de ce désavantage étant difficiles à prévoir.

78      Selon l’EMA, en revanche, la requérante n’a pas démontré que le préjudice invoqué était suffisamment prévisible, grave et irréparable. En particulier, la requérante n’aurait pas produit de preuves établissant, à suffisance de droit, qu’il est urgent d’ordonner les mesures provisoires sollicitées. L’EMA réitère son argument selon lequel le contenu des rapports litigieux ne saurait être considéré, globalement, comme étant confidentiel au niveau commercial, puisque de nombreuses informations qu’ils contiennent sont, prises isolément, dans le domaine public et disponibles à partir de plusieurs sources publiques. Or, des informations accessibles au public ne sauraient être considérées comme confidentielles, en tant que « savoir-faire non enregistré sur des informations techniques et commerciales exclusives » ou en ayant « une valeur commerciale parce qu’elles sont secrètes ». En outre, étant donné qu’une partie importante des informations contenues dans lesdits rapports est publique, un refus en bloc de divulguer ces informations constituerait une violation manifeste de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001. Par conséquent, l’argument selon lequel la divulgation des rapports litigieux, dans leur ensemble, constituerait une violation irréversible des droits fondamentaux de la requérante devrait être rejeté.

79      Dans ce contexte, l’EMA se réfère à l’ordonnance du 28 novembre 2013, EMA/AbbVie [C‑389/13 P(R), EU:C:2013:794, points 40 et 54], selon laquelle il ne suffit pas d’alléguer, de façon abstraite, une atteinte à des droits fondamentaux pour établir que le dommage qui pourrait en découler aurait nécessairement un caractère irréparable, le juge des référés étant tenu d’examiner, un par un, les arguments et les éléments de preuve présentés par la requérante en vue d’établir le caractère nécessaire du maintien de la confidentialité de certaines données ou de certains documents, afin d’éviter la survenance d’un préjudice grave et irréparable. Dans l’hypothèse où la requérante apporterait une telle preuve à l’égard de « certaines données ou de certains documents », le principe de protection juridictionnelle effective, consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, exigerait que la mesure provisoire sollicitée lui soit accordée « en ce qui concerne ces données ou ces documents seulement ».

80      Rappelant qu’une partie importante du contenu des rapports litigieux se trouve déjà dans le domaine public et est donc accessible aux concurrents de la requérante, l’EMA relève que nulle part dans la demande en référé cette dernière n’a identifié les éléments de ces documents dont la divulgation violerait ses droits fondamentaux et serait susceptible de lui causer un préjudice grave et irréparable. En particulier, la requérante n’aurait pas démontré quelles parties non publiques précises des rapports litigieux permettraient, par leur divulgation, à ses concurrents de mettre sur le marché une solution générique de tobramycine pour nébuliseur dans un délai sensiblement plus court et à un coût nettement moindre que pour elle et comment cela se produirait.

81      L’intervenante ajoute que la requérante n’a ni quantifié ni précisé les investissements en temps et en argent qui auraient été nécessaires afin d’obtenir l’AMM pour le Vantobra, étant donné que la demande s’était appuyée, à cet effet, sur les études cliniques qui avaient été menées par l’intervenante dans le cadre de l’AMM du médicament TOBI, utilisé comme médicament de référence. La période d’exclusivité des données relatives au TOBI étant arrivée à son terme, la requérante aurait pu renvoyer au dossier d’AMM du TOBI afin de démontrer la sécurité et l’efficacité du Vantobra, en extrapolant les résultats des études menées pour le TOBI. Cela signifierait que la requérante n’a pas mené de nouvelles études cliniques et qu’il lui suffisait de fournir des informations visant à combler les différences quant au dosage et au nébuliseur pour obtenir l’AMM. En réalité, la requérante n’aurait pas obtenu une autorisation pour un nouveau médicament, mais se serait procuré une autorisation pour une copie d’un médicament existant, à savoir le TOBI. Par conséquent, ses investissements auraient été relativement insignifiants, comparés au développement de nouveaux médicaments, puisque l’ensemble des données sous-tendant sa demande de dérogation était constitué d’une étude de marché, menée dans seulement deux États membres auprès d’un nombre (probablement) limité de patients, et d’une compilation d’informations accessibles au public. Il serait donc peu probable qu’une divulgation des rapports litigieux puisse procurer un avantage significatif à des concurrents potentiels de la requérante. Enfin, celle-ci n’aurait produit aucun élément de preuve sur le type du préjudice allégué, sur l’étendue de ce préjudice, sur la probabilité de sa survenance et sur son caractère grave et irréparable.

82      À cet égard, il y a lieu de souligner que la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par le juge de l’Union. C’est pour atteindre cet objectif que l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire [ordonnance du 14 décembre 2001, Commission/Euroalliages e.a., C‑404/01 P(R), Rec, EU:C:2001:710, points 61 et 62]. C’est à cette dernière partie qu’il appartient d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au fond, sans avoir à subir un préjudice de cette nature (voir ordonnance Commission/Pilkington Group, point 38 supra, EU:C:2013:558, point 36 et jurisprudence citée).

83      S’il est exact que, pour établir l’existence d’un préjudice grave et irréparable, il n’est pas nécessaire d’exiger que la survenance du préjudice soit établie avec une certitude absolue et qu’il suffit que celui-ci soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant, il n’en reste pas moins que la partie qui sollicite une mesure provisoire demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel préjudice (voir ordonnance Commission/Pilkington Group, point 38 supra, EU:C:2013:558, point 37 et jurisprudence citée).

84      Il importe de relever que, en l’espèce, le préjudice invoqué résulte de la divulgation d’informations prétendument confidentielles. Aux fins de l’appréciation de l’existence d’un préjudice grave et irréparable, le juge des référés doit nécessairement partir de la prémisse selon laquelle les informations prétendument confidentielles le sont effectivement, conformément aux allégations formulées par la requérante aussi bien dans le recours au fond que dans le cadre de la procédure de référé (voir, en ce sens, ordonnances Commission/Pilkington Group, point 38 supra, EU:C:2013:558, point 38, et EMA/AbbVie, point 79 supra, EU:C:2013:794, point 38).

85      Par conséquent, en l’espèce, il y a lieu de considérer, pour les besoins du présent examen de l’urgence, que les rapports litigieux revêtent un caractère confidentiel. Il s’ensuit que les arguments par lesquels l’EMA conteste ce caractère doivent être rejetés.

86      Il y a lieu de relever ensuite que, si le préjudice causé par la publication sur l’internet d’informations prétendument confidentielles n’est pas comparable, en principe, notamment en ce qui concerne sa nature et son mode prévisible de survenance, au préjudice lié à la divulgation de telles informations à un tiers, notamment à leur utilisation à des fins commerciales (voir, en ce sens, ordonnance EMA/AbbVie, point 79 supra, EU:C:2013:794, point 50), il ne saurait être exclu, par définition et d’un point de vue conceptuel, que le préjudice résultant d’une telle divulgation à un tiers soit, quant à lui, qualifié de grave et d’irréparable (ordonnance Deza/ECHA, point 52 supra, EU:T:2014:686, point 81).

87      En tout état de cause, la question de savoir dans quelle mesure la divulgation d’informations prétendument confidentielles cause un préjudice de cette nature dépend d’une combinaison de circonstances, telles que, notamment, l’importance sur les plans professionnel et commercial des informations pour l’entreprise qui réclame leur protection et l’utilité de celles-ci pour d’autres entreprises présentes sur le marché qui sont susceptibles d’en prendre connaissance et de les utiliser par la suite (voir, en ce sens, ordonnances Commission/Pilkington Group, point 38 supra, EU:C:2013:558, point 42 ; EMA/AbbVie, point 79 supra, EU:C:2013:794, point 42, et Deza/ECHA, point 52 supra, EU:T:2014:686, point 82).

88      En ce qui concerne plus particulièrement le préjudice invoqué par la requérante en l’espèce, il a été jugé qu’un préjudice financier objectivement considérable ou même non négligeable pouvait être considéré comme « grave », sans qu’il soit nécessaire de le rapporter systématiquement au chiffre d’affaires de l’entreprise qui craint de le subir [voir, en ce sens, ordonnance du 7 mars 2013, EDF/Commission, C‑551/12 P(R), Rec, EU:C:2013:157, points 32 et 33 ; voir également, par analogie, ordonnance du 8 avril 2014, Commission/ANKO, C‑78/14 P‑R, Rec, EU:C:2014:239, point 34].

89      Les rapports litigieux, de nature pharmaceutique, comportent des évaluations scientifiques de haute technicité en matière de qualité, de sécurité et d’efficacité et justifient l’octroi d’une AMM pour le médicament Vantobra de la requérante, au motif que les caractéristiques thérapeutiques de ce médicament présentent un avantage sur un autre médicament similaire. Ces rapports touchent donc à l’activité productrice et commerciale de la requérante. De plus, eu égard aux parts de marché que le Vantobra en tant que médicament supérieur au TOBI Podhaler pourrait atteindre dans la concurrence avec celui-ci (voir point 76 ci-dessus), ils sont objectivement susceptibles d’être utilisées sur le plan de la concurrence. En ce qui concerne la valeur patrimoniale des rapports litigieux, elle est attestée par le déroulement de la procédure d’autorisation du Vantobra devant l’EMA : c’est après environ 30 mois de procédure et grâce à un dialogue constant avec le CHMP (voir points 15 à 23 ci-dessus) que la requérante est parvenue – en combinant des informations de nature publique avec des données issues de sa nouvelle étude de marché et en les analysant – à convaincre le CHMP et la Commission de la similitude et de la supériorité clinique du Vantobra sur le TOBI Podhaler, étant précisé que les éléments tant publics que non publics compilés par la requérante ont tous été repris dans les rapports litigieux. Ceux-ci peuvent également être pertinents pour le développement et la planification futurs de la requérante en ce qui concerne la mise sur les marchés les plus divers du médicament Vantobra. Il s’ensuit que les rapports litigieux, dont le caractère confidentiel doit être présumé dans le contexte de l’urgence (voir points 84 et 85 ci-dessus), constituent un bien immatériel susceptible d’être utilisé à des fins compétitives, dont la valeur risquerait d’être sérieusement réduite, voire anéantie, s’ils perdaient leur caractère secret (voir, en ce sens, ordonnance Deza/ECHA, point 52 supra, EU:T:2014:686, point 85).

90      Par ailleurs, le caractère grave du préjudice invoqué par la requérante est également établi par le motif suivant : d’une part, l’existence d’un fumus boni juris a été justifiée, en l’espèce, par le fait que la demande de confidentialité présentée par la requérante soulevait des questions complexes qui nécessitaient un examen approfondi devant être effectué par les juges du fond ; d’autre part, le juge des référés, aux fins d’apprécier l’urgence, doit partir de la prémisse selon laquelle les informations prétendument confidentielles le sont effectivement (voir point 84 ci-dessus). Or, une information de nature économique n’est qualifiée de confidentielle que si sa divulgation risque de léser gravement les intérêts commerciaux et financiers de celui qui en est le titulaire (voir, en ce sens, arrêts du 18 septembre 1996, Postbank/Commission, T‑353/94, Rec, EU:T:1996:119, point 87 ; du 30 mai 2006, Bank Austria Creditanstalt/Commission, T‑198/03, Rec, EU:T:2006:136, point 71, et du 12 octobre 2007, Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, T‑474/04, Rec, EU:T:2007:306, point 65). Il s’ensuit que l’appréciation de la question de savoir si une divulgation des rapports litigieux causerait à la requérante un préjudice « simple » ou « grave » ne saurait être détachée de l’examen approfondi à effectuer par les juges du fond dans la procédure principale. Eu égard à son rôle accessoire par rapport à celui des juges du fond, le juge des référés est donc, en toute hypothèse, tenu de présumer, pour les besoins de la présente procédure, non seulement la confidentialité des rapports litigieux, mais également le caractère grave du préjudice susceptible d’être causé à la requérante par une divulgation desdits rapports (voir, en ce sens, ordonnance Deza/ECHA, point 52 supra, EU:T:2014:686, point 86).

91      Par conséquent, la requérante a établi, à suffisance de droit, la gravité du préjudice financier qu’elle risque d’encourir en cas de divulgation des rapports litigieux.

92      Cette conclusion n’est pas infirmée par la circonstance que la requérante a présenté, à titre subsidiaire, des conclusions visant à ordonner à l’EMA de ne divulguer en aucun cas certains éléments spécifiques figurant dans les rapports litigieux (voir point 27 ci-dessus). En effet, ces conclusions subsidiaires n’ont été formulées que par précaution, dans l’hypothèse où le juge des référés estimerait que les rapports litigieux n’étaient pas confidentiels dans leur globalité. Il ne saurait en être déduit que seule une divulgation desdits éléments spécifiques seraient de nature à causer à la requérante un préjudice grave, car, autrement, elle serait punie pour avoir choisi, à titre préventif, une stratégie procédurale en vue d’être protégée le plus possible. Dans ces circonstances, il convient d’interpréter cette approche procédurale de la requérante en ce sens qu’une divulgation des rapports litigieux, pris globalement, lui causerait un préjudice « grave », tandis que le préjudice subi en cas de divulgation des éléments particulièrement sensibles, identifiés dans les conclusions présentées à titre subsidiaire, serait « extrêmement grave ».

93      En ce qui concerne le caractère irréparable du préjudice invoqué, il convient d’examiner d’abord la prévisibilité de la survenance du préjudice susceptible d’être causé à la requérante par une divulgation des rapports litigieux au tiers qui a présenté à l’EMA une demande en ce sens.

94      Il est vrai qu’une telle divulgation d’informations à une personne individuelle est d’une nature autre qu’une publication d’informations sur l’internet, telle que celle en cause dans l’ordonnance Commission/Pilkington Group, point 38 supra (EU:C:2013:558). Dans cette dernière hypothèse, le préjudice redouté par l’entreprise concernée n’est pas immédiatement causé par la publication sur l’internet en tant que telle. Encore faut-il que les personnes éventuellement intéressées par les informations en cause, notamment des concurrents, soient informées de cette publication et prennent effectivement connaissance des informations, en vue de les utiliser à des fins dommageables. Une telle publication sur l’internet ne fait donc que placer l’entreprise concernée dans une situation de vulnérabilité générale, laquelle peut être exploitée, à tout moment, par des personnes intéressées, ce qui est susceptible de causer des préjudices à ladite entreprise (voir, en ce sens, ordonnance Deza/ECHA, point 52 supra, EU:T:2014:686, point 88).

95      Or, une divulgation des rapports litigieux au tiers, qui a présenté à l’EMA une demande en ce sens au titre du règlement n° 1049/2001, à savoir l’intervenante, placerait la requérante dans une situation de vulnérabilité au moins aussi menaçante que celle analysée dans l’ordonnance Commission/Pilkington Group, point 38 supra (EU:C:2013:558). En effet, cette partie prendrait immédiatement connaissance desdits rapports et pourrait les exploiter aussitôt à toutes les fins qui lui paraîtraient utiles, d’autant que l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001 dispense le demandeur de toute obligation de justifier sa demande d’accès. La requérante devrait donc s’attendre à ce que leur divulgation soit susceptible d’affaiblir sa position compétitive. Elle se trouverait, dès lors, dans une situation de vulnérabilité qui entraînerait pour elle un risque de préjudice (voir, en ce sens, ordonnance Deza/ECHA, point 52 supra, EU:T:2014:686, point 89).

96      À cela s’ajoute que la divulgation d’un document, au titre du règlement n° 1049/2001, acquiert un effet erga omnes en ce sens que ce document peut être communiqué à d’autres demandeurs et que toute personne a le droit d’y accéder (voir point 71 ci-dessus). Par conséquent, à la suite d’une divulgation des rapports litigieux, non seulement l’intervenante serait libre de les exploiter, mais tous les concurrents de la requérante pourraient s’adresser, eux-mêmes – le cas échéant par le biais de particuliers agissant pour leur compte –, à l’EMA pour obtenir ces mêmes informations directement. L’effet erga omnes susmentionné permettrait même à l’EMA de publier, de sa propre initiative, les rapports litigieux sur son site Internet, une telle démarche étant d’ailleurs loin d’être hypothétique, puisque, dans le cadre de la présente affaire, l’EMA défend avec force la thèse selon laquelle les rapports litigieux doivent être rendus accessibles au public (voir, en ce sens, ordonnance Deza/ECHA, point 52 supra, EU:T:2014:686, point 90).

97      Or, une fois les rapports litigieux divulgués, il serait fortement probable que des concurrents, actuels ou potentiels, de la requérante ayant un intérêt réel à pouvoir les exploiter essayeraient de se les procurer, afin de les utiliser pour leurs propres besoins scientifiques et commerciaux, notamment en vue de produire un médicament similaire au Vantobra et d’obtenir l’autorisation pour sa commercialisation sur les marchés les plus divers situés dans ou hors de l’Union. Si l’EMA semble douter de l’utilité des rapports litigieux à des fins compétitives, il suffit de relever que le juge des référés n’est pas particulièrement bien placé pour émettre, en connaissance de cause, des pronostics fiables sur la manière dont les concurrents de la requérante pourraient exploiter ces informations scientifiques, une fois divulguées, en fonction de leurs intérêts de recherche, de développement et de commercialisation individuels (voir, en ce sens, ordonnance Deza/ECHA, point 52 supra, EU:T:2014:686, point 91).

98      Par conséquent, la survenance du préjudice financier que subirait la requérante en raison d’une telle exploitation future, par ses concurrents, des rapports litigieux ne saurait être qualifiée de purement hypothétique. Il est plutôt prévisible avec un degré de probabilité suffisant que la situation de vulnérabilité dans laquelle serait placée la requérante en cas de divulgation de ces rapports se transformerait pour elle en un préjudice financier (voir, en ce sens, ordonnance Deza/ECHA, point 52 supra, EU:T:2014:686, point 92).

99      Au demeurant, si la prise de connaissance et l’utilisation, par les personnes intéressées, d’informations publiées sur l’internet n’ont pas été considérées comme hypothétiques dans l’ordonnance Commission/Pilkington Group, point 38 supra (EU:C:2013:558), il doit en aller de même de la prise de connaissance et de l’utilisation, par les personnes intéressées, d’informations qui, après avoir été divulguées à un tiers, deviendraient librement accessibles à tous les concurrents de l’entreprise titulaire de ces informations. Sous cet aspect, la différence entre ces deux modes d’accès consiste en la seule technique de communication concrètement appliquée (ordonnance Deza/ECHA, point 52 supra, EU:T:2014:686, point 93).

100    S’agissant de déterminer si le préjudice financier que la requérante risquerait de subir en cas de divulgation des rapports litigieux peut être chiffré, il convient de relever que la requérante devrait s’attendre à ce qu’un nombre indéterminé et théoriquement illimité de concurrents actuels et potentiels dans le monde entier se procurent ces rapports afin de procéder à de nombreuses utilisations qui, selon l’état d’avancement de leurs programmes de recherche et de développement, entraîneraient des effets préjudiciables à court, à moyen ou à long terme, susceptibles de déjouer, dès l’origine, toute stratégie d’expansion de la requérante. Il se pourrait même que ces rapports, devenus publiquement accessibles, parviennent à des concurrents, sans que la requérante en soit informée. Cela serait notamment le cas si l’EMA procédait à leur publication sur son site Internet ou si ces concurrents obtenaient leur divulgation par le biais de demandes introduites par des particuliers agissant pour leur compte, dont l’identité et l’intention d’utilisation ne seraient pas dévoilées à la requérante. Cette dernière serait ainsi confrontée à la difficulté insurmontable d’instaurer un système de surveillance destiné à détecter, à une échelle mondiale, comment ses concurrents exploiteraient à court, à moyen ou à long terme les rapports litigieux pour en tirer des avantages concurrentiels, notamment pour commercialiser, eux-mêmes, avec ou sans autorisation, le médicament en cause dans des pays tiers (voir, en ce sens, ordonnance Deza/ECHA, point 52 supra, EU:T:2014:686, point 94).

101    Il s’avère, dès lors, impossible d’apprécier l’impact concret qu’une divulgation des rapports litigieux pourrait avoir sur les intérêts économiques et financiers de la requérante. Il s’ensuit que le préjudice qu’elle risquerait de subir en cas de divulgation desdits rapports ne peut être chiffré de manière adéquate.

102    Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de constater que la condition relative à l’urgence est remplie en l’espèce, la survenance probable, pour la requérante, d’un préjudice grave et irréparable étant établie à suffisance de droit. Eu égard aux particularités du contentieux de la protection d’informations prétendument confidentielles, la requérante n’est pas tenue d’établir, de surcroît, qu’elle se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril sa survie économique ou que ses parts de marché seraient gravement et irrémédiablement affectées si les mesures provisoires demandées n’étaient pas accordées (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance Commission/ANKO, point 88 supra, EU:C:2014:239, points 26 et suivants).

103    En tout état de cause, même si le préjudice allégué par la requérante n’avait pas pu être qualifié d’irréparable, le juge des référés aurait été empêché d’examiner la confidentialité de chaque donnée individuelle figurant dans les rapports litigieux, en vue de ne faire droit à la demande en référé, éventuellement, que de manière partielle (voir, en ce sens, ordonnance Deza/ECHA, point 52 supra, EU:T:2014:686, point 98).

104    En effet, dans la mesure où il a été jugé, au point 53 de l’ordonnance EMA/AbbVie, point 79 supra (EU:C:2013:794), que la célérité requise en matière de référé n’était pas susceptible, « à elle seule », de s’opposer à un tel examen individuel, force est de constater que c’est non seulement ledit impératif de célérité, mais en tout premier lieu le caractère purement accessoire et donc limité de ses compétences, qui empêche le juge des référés d’y procéder dans le cadre de son examen de la condition relative à l’urgence (voir, en ce sens, ordonnance Deza/ECHA, point 52 supra, EU:T:2014:686, point 99).

105    D’abord, il serait incohérent que le juge des référés reconnaisse l’existence d’un fumus boni juris en raison de la nature des informations couvertes par une demande de confidentialité ainsi que du caractère complexe des questions de confidentialité soulevées, en relevant que la réponse à ces questions mérite un examen approfondi à effectuer par les seuls juges du fond (voir, en ce sens, ordonnance Commission/Pilkington Group, point 38 supra, EU:C:2013:558, points 67 et 70), pour revenir ensuite sur ce résultat dans le cadre de son examen de l’urgence en permettant la divulgation de certaines données individuelles, alors qu’il ne saurait être exclu que les juges du fond refuseront, quant à eux, d’effectuer un tel examen concret et individuel du caractère confidentiel des données individuelles et préféreront examiner si les catégories d’informations invoquées par la requérante doivent, en raison de leur nature même, bénéficier d’une présomption générale de confidentialité (voir point 55 ci-dessus).

106    Ensuite, le juge des référés doit tenir compte, également dans le cadre de son examen de l’urgence, de la nature intrinsèquement accessoire et provisoire de la procédure de référé par rapport à la procédure principale ainsi que de la nécessité de ne pas préjuger, au stade du référé, de l’issue de l’affaire au fond. Étant donné que ces considérations relatives à la nature de la procédure de référé sont déterminantes pour le résultat final de cette procédure en tant que telle, elles ne peuvent pas être confinées aux seuls domaines du fumus boni juris et de la mise en balance des intérêts. En effet, l’interdiction faite au juge des référés de rendre illusoire, par une ordonnance de référé, la future décision au fond en la privant d’effet utile (ordonnance CIRFS e.a./Commission, point 65 supra, EU:C:1991:220, point 24) vise à éviter, notamment, que soient neutralisées par avance les conséquences de la décision à rendre ultérieurement sur le fond (ordonnance du 20 juillet 1981, Alvarez/Parlement, 206/81 R, Rec, EU:C:1981:189, point 6).

107    Or, les conséquences et l’effet utile d’un éventuel arrêt d’annulation mettant fin à la procédure principale ne sauraient être limités à la constatation du caractère confidentiel des rapports litigieux et de l’illégalité de leur divulgation. Ils consisteraient plutôt pour la requérante, en cas d’annulation de la décision attaquée, à voir assurer que ne soit divulguée aucune donnée figurant dans ces rapports dont le caractère confidentiel aurait été reconnu par les juges du fond, et ce indépendamment du point de savoir si une telle divulgation lui causerait un préjudice réparable ou irréparable. C’est d’ailleurs dans le même sens que, dans le domaine des mesures restrictives, le président de la Cour a envisagé les conséquences concrètes de la future décision judiciaire au fond, en jugeant que l’octroi d’un sursis à l’exécution de l’acte imposant le gel des fonds d’une entreprise pourrait être de nature à faire obstacle au « plein effet » de cet acte, dans l’hypothèse où le recours visant à son annulation serait rejeté, du fait qu’un tel sursis à exécution permettrait à cette entreprise de procéder immédiatement au retrait de tous les fonds déposés auprès des banques tenues d’en assurer le gel et de vider ses comptes bancaires avant le prononcé de la décision au fond [ordonnance du 14 juin 2012, Qualitest FZE/Conseil, C‑644/11 P(R), EU:C:2012:354, points 72 à 74].

108    Ainsi, il convient de faire une distinction nette entre le présent contentieux, relatif à la protection d’informations prétendument confidentielles, et le contentieux relatif à la légalité d’obligations de paiement imposées par une décision de la Commission, telle qu’une amende ou l’obligation de rembourser une aide d’État. En effet, dans ce dernier contentieux, le rejet d’une demande en référé pour défaut de préjudice grave et irréparable ne saurait neutraliser par avance les conséquences d’une future annulation de la décision attaquée, en ce que le requérant obtiendrait la restitution de la somme d’argent versée ou remboursée, intérêts inclus, et serait ainsi pleinement rétabli dans ses droits pécuniaires (voir, en ce sens, ordonnance Deza/ECHA, point 52 supra, EU:T:2014:686, point 103).

109    Eu égard aux particularités du contentieux visant la protection de documents prétendument confidentiels, il n’est pas non plus approprié pour le juge des référés d’envisager une solution partielle consistant à ne protéger que certaines données, tout en permettant d’accorder l’accès à d’autres. En effet, dans l’hypothèse où les juges du fond admettraient le principe d’une présomption générale de confidentialité pour les rapports litigieux, ces rapports échapperaient à l’obligation d’une divulgation partielle (voir point 55 ci-dessus). Le juge des référés de l’Union, tenant compte de ses compétences purement accessoires – qui restent largement en-deçà du rôle bien plus autonome reconnu à certains de ses homologues nationaux par leur droit interne respectif –, ne saurait donc autoriser un accès partiel sans priver d’effet utile cette décision des juges du fond (voir, en ce sens, ordonnance Deza/ECHA, point 52 supra, EU:T:2014:686, point 104).

110    Enfin, le juge des référés ne saurait faire une application mécanique et rigide du critère lié au caractère irréparable du préjudice financier invoqué. Il doit plutôt tenir compte des circonstances qui caractérisent chaque affaire (voir, en ce sens, ordonnance du 28 avril 2009, United Phosphorus/Commission, T‑95/09 R, EU:T:2009:124, point 74 et jurisprudence citée), d’autant que ledit critère, d’origine purement prétorienne et ne figurant ni dans les traités ni dans le règlement de procédure, doit être laissé inappliqué lorsqu’il est inconciliable avec les impératifs d’une protection provisoire effective [voir, en ce sens, ordonnance du 23 avril 2015, Commission/Vanbreda Risk & Benefits, C‑35/15 P(R), Rec, EU:C:2015:275, point 30]. Or, les articles 278 TFUE et 279 TFUE, dispositions de droit primaire, autorisent le juge des référés à ordonner un sursis à exécution s’il estime « que les circonstances l’exigent » et à prescrire les mesures provisoires « nécessaires » (ordonnance du 24 février 2014, HTTS et Bateni/Conseil, T‑45/14 R, EU:T:2014:85, point 51). Ainsi qu’il vient d’être exposé ci-dessus, ces conditions sont remplies dans le présent contentieux relatif à la protection d’informations prétendument confidentielles, d’autant plus que, l’existence d’un fumus boni juris ayant été admise, l’introduction tant du recours principal que de la demande en référé ne saurait être qualifiée de manœuvre dilatoire de la part de la requérante visant à retarder, sans motif légitime, une divulgation des rapports litigieux (voir, en ce sens, ordonnance Deza/ECHA, point 52 supra, EU:T:2014:686, point 105).

111    En conséquence, toutes les conditions étant réunies à cet effet, il y a lieu de faire droit à la demande de sursis à l’exécution de la décision attaqué. De plus, il convient d’enjoindre à l’EMA de ne pas divulguer les rapports litigieux.

 Sur les questions de confidentialité soulevées par l’intervention de Novartis Europharm

112    Il convient de rappeler que, en vertu de l’ordonnance accueillant la demande d’intervention de Novartis Europharm, celle-ci ne s’est vu communiquer, conformément aux demandes présentées par les parties principales en ce sens, qu’une version non confidentielle des pièces du dossier. Par mémoire du 26 juin 2015, l’intervenante a émis des objections à l’égard du traitement confidentiel qui avait été réservé aux pièces du dossier (voir points 30 et 31 ci-dessus) et demandé à obtenir l’accès au dossier intégral de l’affaire.

113    Aucune des objections émises par l’intervenante ne saurait être retenue.

114    Dans la mesure où l’intervenante demande l’accès aux rapports litigieux, il suffit de relever que, dans la procédure principale, se pose précisément la question de savoir si ces rapports peuvent être considérés comme présentant un caractère confidentiel et, partant, s'il y a lieu d'annuler la décision attaquée. Dans ces circonstances, les rapports en cause doivent, à ce stade de la procédure, être gardés secrets vis-à-vis de l’intervenante, sous peine de faire perdre son objet au recours visant à l’annulation de la décision attaquée et de neutraliser par avance les conséquences de l’arrêt à rendre ultérieurement sur le fond (voir, en ce sens, ordonnances du 16 novembre 2012, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑345/12 R, Rec, EU:T:2012:605, point 26 et jurisprudence citée, et du 12 juin 2015, Deza/ECHA, T‑189/14, EU:T:2015:400, point 34).

115    En ce qui concerne les autres pièces de procédure, il convient de relever que les données occultées dans la version non confidentielle de ces pièces portent sur l’étude de marché réalisée par la requérante, sur les sources d’information qu’elle avait utilisées pour établir la supériorité du Vantobra sur le TOBI Podhaler et sur la description des groupes de patients bénéficiant de l’application du Vantobra. Or, il s’agit là d’éléments qui figurent également dans les rapports litigieux, dont le caractère confidentiel vient d’être constaté. Il s’ensuit que, à ce stade et dans l’attente de la décision au fond, ces éléments doivent être tenus secrets vis-à-vis de l’intervenante.

116    Au demeurant, tant la procédure principale que la procédure de référé qui se greffe sur cette dernière portent, en définitive, sur le point de savoir si les rapports litigieux doivent être divulgués à l’intervenante ou si, en raison de l’éventuelle nature confidentielle de ce type de documents, une telle divulgation doit lui être refusée. Dans ces circonstances, il importe d’exclure, autant que possible, que l’intervenante puisse accéder prématurément à des données susceptibles d’être couvertes par une telle confidentialité. Dès lors, cette partie doit se contenter, dans ce contentieux spécifique, de défendre son intérêt à la solution du litige sur une base générale et en invoquant des arguments de principe, ce qu’elle a d’ailleurs fait dans son mémoire en intervention du 30 juin 2015.

117    Par conséquent, il y a lieu de rejeter la demande de l’intervenante visant à obtenir l’accès au dossier intégral de l’affaire.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Il est sursis à l’exécution de la décision EMA/271043/2015 de l’Agence européenne des médicaments (EMA), du 24 avril 2015, dans la mesure où elle accorde à un tiers, en vertu du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, l’accès au rapport d’appréciation (EMA/CHMP/702525/2014) concernant la similitude du Vantobra avec le Cayston et le TOBI Podhaler ainsi qu’au rapport d’appréciation (EMA/CHMP/778270/2014) concernant la supériorité clinique du Vantobra sur le TOBI Podhaler.

2)      Il est enjoint à l’EMA de ne pas divulguer les deux rapports mentionnés au point 1.

3)      La demande de Novartis Europharm Ltd visant à obtenir l’accès au dossier intégral de l’affaire est rejetée.

4)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 1er septembre 2015.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.


1 La présente ordonnance fait l’objet d’une publication par extraits.