Language of document : ECLI:EU:T:2013:460

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

16 septembre 2013 (*)

« Concurrence – Ententes – Marchés belge, allemand, français, italien, néerlandais et autrichien des installations sanitaires pour salles de bains – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE – Coordination des hausses de prix et échange d’informations commerciales sensibles – Notion d’infraction – Communication sur la coopération de 2002 – Coopération – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Calcul du montant de l’amende – Absence de capacité contributive »

Dans l’affaire T‑368/10,

Rubinetteria Cisal SpA, établie à Alzo Frazione di Pella (Italie), représentée par Mes M. Pinnarò et P. Santer, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. F. Castillo de la Torre, Mme A. Antoniadis et M. L. Malferrari, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande visant, à titre principal, à l’annulation de la décision C (2010) 4185 final de la Commission, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains) dans la mesure où elle concerne la requérante, et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe (rapporteur) et M. M. van der Woude, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 octobre 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par la décision C (2010) 4185 final, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission européenne a constaté l’existence d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains. Cette infraction, à laquelle 17 entreprises auraient participé, se serait déroulée au cours de différentes périodes comprises entre le 16 octobre 1992 et le 9 novembre 2004 et aurait pris la forme d’un ensemble d’accords anticoncurrentiels ou de pratiques concertées sur les territoires de la Belgique, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, des Pays-Bas et de l’Autriche (considérants 2 et 3 et article 1er de la décision attaquée).

2        Plus précisément, la Commission a indiqué, dans la décision attaquée, que l’infraction constatée consistait, premièrement, en la coordination, par lesdits fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains, des hausses de prix annuelles et d’autres éléments de tarification, dans le cadre de réunions régulières au sein d’associations nationales professionnelles, deuxièmement, en la fixation ou la coordination des prix à l’occasion d’événements spécifiques tels que l’augmentation du coût des matières premières, l’introduction de l’euro ainsi que l’instauration des péages routiers et, troisièmement, en la divulgation et l’échange d’informations commerciales sensibles. En outre, la Commission a constaté que la fixation des prix dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains suivait un cycle annuel. Dans ce cadre, les fabricants fixaient leurs barèmes de prix qui restaient généralement en vigueur pendant un an et servaient de base aux relations commerciales avec les grossistes (considérants 152 à 163 de la décision attaquée).

3        Les produits concernés par l’entente sont les installations sanitaires pour salles de bains faisant partie de l’un des trois sous-groupes de produits suivants : les articles de robinetterie, les enceintes de douche et accessoires ainsi que les articles en céramique (ci-après les « trois sous-groupes de produits ») (considérants 5 et 6 de la décision attaquée).

4        La requérante, Rubinetteria Cisal SpA, est une entreprise italienne qui fabrique exclusivement des articles de robinetterie (considérant 68 de la décision attaquée).

5        Le 26 mars 2007, la Commission a adopté une communication des griefs, laquelle a été notifiée à la requérante (considérant 139 de la décision attaquée).

6        Du 12 au 14 novembre 2007, une audition a été tenue, à laquelle la requérante a participé (considérant 143 de la décision attaquée).

7        Le 9 juillet 2009, la Commission a envoyé à certaines sociétés, y compris à la requérante, une lettre d’exposé des faits, attirant leur attention sur certaines preuves sur lesquelles la Commission envisageait de se fonder dans le cadre de l’adoption d’une décision finale (considérants 147 et 148 de la décision attaquée).

8        Entre le 19 juin 2009 et le 8 mars 2010, la Commission a adressé des demandes d’information supplémentaires, conformément à l’article 18 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), à plusieurs sociétés, y compris à la requérante (considérants 149 à 151 de la décision attaquée).

9        Le 23 juin 2010, la Commission a adopté la décision attaquée.

10      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les pratiques décrites au point 2 ci-dessus faisaient partie d’un plan global visant à restreindre la concurrence entre les destinataires de ladite décision et présentaient les caractéristiques d’une infraction unique et continue, dont le champ d’application couvrait les trois sous-groupes de produits et s’étendait au territoire de la Belgique, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, des Pays-Bas et de l’Autriche (considérants 778 et 793 de la décision attaquée) (ci-après l’« infraction constatée »). À cet égard, elle a notamment souligné le fait que lesdites pratiques avaient été conformes à un modèle récurrent qui s’était avéré être le même dans les six États membres couverts par l’enquête de la Commission (considérants 778 et 793 de la décision attaquée). Elle a également relevé l’existence d’associations nationales professionnelles concernant l’ensemble des trois sous-groupes de produits, qu’elle a nommées « organismes de coordination », d’associations nationales professionnelles comprenant des membres dont l’activité avait trait à au moins deux de ces trois sous-groupes de produits, qu’elle a nommées « associations multiproduits », ainsi que des associations spécialisées comprenant des membres dont l’activité portait sur l’un de ces trois sous-groupes de produits (considérants 796 et 798 de la décision attaquée). Enfin, elle a constaté la présence d’un groupe central d’entreprises ayant participé à l’entente dans différents États membres et dans le cadre d’organismes de coordination et d’associations multiproduits (considérants 796 et 797 de la décision attaquée).

11      Au regard des indications pouvant être tirées des pratiques anticoncurrentielles qui se seraient déroulées, en particulier, en Italie, celles-ci auraient été mises en œuvre au sein de deux groupes informels. Premièrement, certaines entreprises, dont la requérante, se seraient réunies au sein d’Euroitalia deux à trois fois par an entre juillet 1992 et octobre 2004. Au sein de ce groupe, qui s’était formé lorsque les producteurs allemands avaient pénétré le marché italien, les échanges d’informations auraient concerné non seulement les articles de robinetterie, mais également les articles en céramique. Deuxièmement, des réunions auraient eu lieu au sein du groupe Michelangelo (du nom de l’hôtel où les réunions se déroulaient), auxquelles la requérante n’aurait pas participé, entre la fin de l’année 1995 ou le début de l’année 1996 et le 25 juillet 2003. Durant ces réunions, les discussions auraient concerné une large gamme de produits sanitaires, en particulier les articles de robinetterie et en céramique (considérants 97 à 100 de la décision attaquée).

12      S’agissant de la participation de la requérante aux réunions d’Euroitalia, d’une part, la Commission relève que celle-ci ne conteste pas sa participation auxdites réunions de 1993 à 2004. D’autre part, elle considère que les arguments avancés par la requérante visant à établir, notamment, son rôle marginal dans l’entente ou la négligence de ses organes de direction ne remettent pas en cause le fait qu’elle a participé activement à ladite entente (voir considérants 475 et 476 de la décision attaquée).

13      S’agissant de la détermination de l’éventuelle participation des entreprises en cause à l’infraction constatée, la Commission relève qu’il n’existe pas suffisamment de preuves permettant de conclure que la requérante, ainsi que d’autres entreprises italiennes ayant participé aux réunions d’Euroitalia et de Michelangelo, étaient conscientes d’un plan d’ensemble (considérants 851 à 879 de la décision attaquée).

14      Par ailleurs, la Commission s’est fondée, pour le calcul du montant des amendes qu’elle a imposées aux entreprises visées dans la décision attaquée, sur les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement nº 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 ») (considérants 1174 à 1399 de la décision attaquée).

15      À l’article 1er, paragraphe 5, point 14, de la décision attaquée, la Commission constate que la requérante a enfreint l’article 101 TFUE en raison de sa participation à un accord continu ou à des pratiques concertées sur le territoire italien, au cours de la période allant du 15 mars 1993 au 9 novembre 2004.

16      À l’article 2, paragraphe 13, de la décision attaquée, la Commission impose une amende de 1 196 269 euros à la requérante.

 Procédure et conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 septembre 2010, la requérante a introduit le présent recours.

18      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

19      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 16 octobre 2012.

20      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée pour autant que la Commission la sanctionne à l’article 1er, paragraphe 5, point 14 de ladite décision et lui inflige une amende à l’article 2, paragraphe 13, de la même décision ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal n’annulerait pas l’amende qui lui a été infligée, réduire son montant à un niveau plus approprié ;

–        condamner la Commission aux dépens.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

22      À titre liminaire, il convient de rappeler que le contrôle juridictionnel exercé par le juge de l’Union européenne, s’agissant des décisions de sanction adoptées par la Commission afin de sanctionner les infractions au droit de la concurrence, repose sur le contrôle de légalité, prévu à l’article 263 TFUE, qui est complété, lorsqu’il est saisi d’une demande en ce sens, par une compétence de pleine juridiction, reconnue audit juge en vertu de l’article 31 du règlement n° 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, non encore publié au Recueil, points 53, 63 et 64). Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, le cas échéant, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou l’astreinte infligée (voir arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, KME e.a./Commission, C‑272/09 P, non encore publié au Recueil, point 103, et la jurisprudence citée ; voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06, Rec. p. II-6681, point 265).

23      À la lumière de la jurisprudence exposée au point précédent, il y a lieu d’examiner, dans un premier temps, les conclusions présentées, à titre principal, par la requérante, visant à obtenir l’annulation des articles 1er et 2 de ladite décision pour autant que ces articles la concernent et, dans un second temps, celles présentées à titre subsidiaire, visant, en substance, à ce que le Tribunal exerce sa compétence de pleine juridiction pour réformer, en la réduisant, le montant de l’amende que la Commission lui a infligée.

 Sur les conclusions, présentées à titre principal, tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée

24      À l’appui de son recours, la requérante soulève six moyens. Le premier moyen est tiré de l’absence de violation de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, compte tenu de la nature des informations échangées. Le deuxième moyen est tiré d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement ainsi que d’un défaut de motivation dans le calcul du montant de l’amende. Le troisième moyen est tiré d’une violation des règles applicables en matière de fixation du montant de l’amende. Le quatrième moyen est tiré d’erreurs dans les éléments de calcul pris en considération par la Commission pour déterminer le montant de l’amende. Le cinquième moyen est tiré d’erreurs résultant de l’absence de prise en considération de circonstances atténuantes. Le sixième moyen est tiré d’erreurs dans l’appréciation de la capacité contributive de la requérante.

 Sur le premier moyen, tiré de l’absence de violation de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, compte tenu de la nature des informations échangées

25      La requérante fait valoir que la Commission a conclu à tort qu’elle avait enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE, compte tenu de la nature des informations échangées au sein d’Euroitalia. Dans ce cadre, elle soulève quatre principaux griefs.

26      En premier lieu, la requérante fait observer que les comportements anticoncurrentiels, qui se sont déroulés en Italie, sont complètement différents de ceux qui se sont déroulés en Allemagne et en Autriche, compte tenu, notamment, de la volonté des entreprises de participer à une entente et des avantages qu’elles en retiraient. Dans ces conditions, la Commission aurait conclu, à tort, à l’existence d’une infraction unique, continue et complexe.

27      D’une part, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a examiné les comportements des entreprises en cause sur chacun des territoires des six États membres de l’Union européenne dans lesquels elle a relevé la mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles. Plus précisément, s’agissant, en particulier, des pratiques anticoncurrentielles qui se seraient déroulées sur le territoire italien, la Commission relève, aux considérants 401 et 878 de la décision attaquée, que les réunions d’Euroitalia trouvent leur origine dans la volonté des entreprises allemandes d’étendre le modèle de coopération existant en Allemagne à l’Italie, ce que la requérante ne conteste d’ailleurs pas. Auxdits considérants, la Commission constate également que les pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre en Italie sont distinctes de celles mises en œuvre en Allemagne et en Autriche.

28      D’autre part, force est de relever que, si la Commission a conclu, au considérant 796 de la décision attaquée, à l’existence d’une infraction unique, continue et complexe, elle a également constaté, aux considérants 878 et 879 de la décision attaquée, que, contrairement à ce que soutient la requérante, cette dernière ne pouvait, à l’instar des autres entreprises italiennes qui avaient participé à des pratiques anticoncurrentielles ne concernant que l’Italie, être tenue pour responsable d’une infraction unique couvrant six États membres.

29      À la lumière des constats opérés aux points 27 et 28 ci-dessus, il y a lieu de constater que le premier grief de la requérante repose sur une lecture erronée de la décision attaquée. Il doit, dès lors, être rejeté comme étant non fondé.

30      En deuxième lieu, la requérante soutient, en substance, qu’elle s’est limitée à échanger avec ses concurrents des informations commerciales non sensibles et non confidentielles.

31      Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait accord au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T‑7/89, Rec. p. II‑1711, point 256, et du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, point 199).

32      La notion de pratique concertée vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 115, et Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, point 158).

33      À cet égard, l’article 101, paragraphe 1, TFUE s’oppose à toute prise de contact, directe ou indirecte, entre des opérateurs économiques de nature soit à influer sur le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à tenir soi-même sur le marché ou que l’on envisage d’adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet une restriction de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 32 supra, points 116 et 117).

34      Un échange d’informations est contraire aux règles de concurrence de l’Union lorsqu’il atténue ou supprime le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, Rec. p. I‑10821, point 81, et la jurisprudence citée).

35      En effet, la divulgation d’informations sensibles élimine l’incertitude relative au comportement futur d’un concurrent et influence ainsi, directement ou indirectement, la stratégie du destinataire des informations (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax et Administración del Estado, C‑238/05, Rec. p. I‑11125, point 51, et la jurisprudence citée). Tout opérateur économique doit donc déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre au sein du marché intérieur et les conditions qu’il entend réserver à sa clientèle (voir arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 34 supra, point 82, et la jurisprudence citée).

36      S’il est exact que cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s’oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact direct ou indirect entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises ainsi que du volume dudit marché (voir arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 34 supra, point 83, et la jurisprudence citée).

37      Par ailleurs, le fait de ne pas respecter une entente ne change rien à l’existence même de celle-ci. En effet, les participants à une entente demeurent des concurrents dont chacun peut être tenté, à chaque moment, de profiter de la discipline des autres en matière de prix faisant l’objet d’un cartel pour baisser ses propres prix dans le but d’augmenter sa part de marché, tout en maintenant un niveau général de prix relativement élevé. En tout état de cause, le fait qu’une entreprise n’ait pas entièrement appliqué les prix convenus n’implique pas que, ce faisant, elle aurait appliqué des prix qu’elle aurait pu facturer en l’absence d’entente (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié au Recueil, points 335 et 336).

38      En l’espèce, d’une part, il convient de relever que la requérante ne conteste pas avoir participé aux 31 réunions d’Euroitalia, qui sont énumérées à l’annexe 6 de la décision attaquée. D’autre part, si elle fait valoir que les informations commerciales communiquées lors de ces réunions n’étaient ni confidentielles ni sensibles, notamment parce qu’elle aurait fixé de manière autonome les hausses de prix futures en question, que lesdites hausses auraient été annoncées aux clients préalablement à leur communication au sein d’Euroitalia ou encore que ces hausses futures n’auraient pas nécessairement été respectées, il n’en demeure pas moins qu’elle ne conteste pas que les membres d’Euroitalia s’étaient communiqué, au moins pendant la période allant du 15 mars 1993 au 9 novembre 2004, leurs hausses de prix futures.

39      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la requérante n’établit pas que la Commission ait commis une erreur en considérant que les échanges d’informations concernant les hausses de prix entre concurrents qui étaient intervenus lors des réunions d’Euroitalia constituaient une violation de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE.

40      Les sept arguments avancés par la requérante à cet égard n’infirment pas la constatation opérée au point précédent.

41      Premièrement, la requérante fait valoir qu’elle a toujours cherché à se maintenir sur le marché sans augmenter ses prix, comme cela ressortirait des considérants 424, 427, 431 et 436 de la décision attaquée.

42      À cet égard, il convient, certes, de constater que, dans la décision attaquée, la Commission a relevé que, au cours des réunions d’Euroitalia du 27 mai 1997 (considérant 424 de la décision attaquée), du 26 janvier 1998 (considérant 427 de ladite décision), du 16 octobre 1998 (considérant 431 de ladite décision) et du 15 octobre 1999 (considérant 436 de ladite décision), la requérante avait explicitement indiqué qu’elle n’augmenterait pas ses prix futurs. Toutefois, force est également de relever que la requérante ne conteste pas les constats opérés par la Commission, auxdits considérants de la décision attaquée, aux termes desquels les autres membres d’Euroitalia ont, durant ces quatre réunions, annoncé leurs hausses de prix futures. Dans ces conditions, malgré le fait que la requérante ait annoncé qu’elle n’augmenterait pas ses prix futurs, la simple prise de connaissance des intentions des autres membres d’Euroitalia d’augmenter leurs prix était de nature à influer sur son comportement sur le marché ainsi que sur celui de ses concurrents et, partant, à fausser le jeu normal de la concurrence.

43      Dès lors, le premier argument de la requérante doit être rejeté comme étant non fondé.

44      Deuxièmement, la requérante fait valoir que les informations qu’elle communiquait au cours des réunions d’Euroitalia étaient déjà connues de ses clients et, partant, du marché. À cet égard, d’une part, elle fait observer que ce fait ressort clairement des considérants 412, 413, 415, 419, 438, 444, 451 et 459 de la décision attaquée. D’autre part, la Commission se serait appuyée à tort sur le constat figurant au considérant 415 de la décision attaquée pour conclure, au considérant 916 de cette dernière, que la requérante annonçait ses prévisions de prix au sein d’Euroitalia avant que lesdits prix ne soient communiqués à ses clients.

45      D’abord, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les concurrents s’échangeaient, au sein d’Euroitalia, leurs hausses de prix futures, qu’ils avaient préalablement communiquées à leurs clients, et ces hausses étaient donc connues du marché, d’une part, il y a lieu de constater que la requérante se contente de renvoyer, à l’appui de ses affirmations, à 8 des 31 réunions d’Euroitalia. Or, même s’il devait être considéré qu’aucune infraction n’avait été commise lors de ces 8 réunions, une telle considération n’invaliderait pas les constats selon lesquels des échanges d’informations illicites s’étaient déroulés au cours d’autres réunions d’Euroitalia auxquelles la requérante avait participé. D’autre part, et en toute hypothèse, comme la Commission le fait observer à juste titre aux considérants 917 et 918 de la décision attaquée, sans que, au demeurant, la requérante le conteste, il ressort de la jurisprudence citée au point 36 ci-dessus que la seule prise de contact, directe ou indirecte, entre concurrents, dont l’objet ou l’effet est de nature à influer sur le comportement de l’un ou de plusieurs d’entre eux, est prohibée. Dans ces conditions, le fait que la requérante n’ait divulgué ses prix à ses concurrents qu’après les avoir divulgués à ses propres clients demeure sans influence sur le constat de sa participation à l’infraction en cause.

46      Ensuite, la requérante fait valoir que, pour constater, au considérant 916 de la décision attaquée, qu’elle annonçait au sein d’Euroitalia ses hausses de prix futures avant que ces dernières ne soient communiquées à ses clients, la Commission a opéré, à tort, un renvoi au considérant 415 de la décision attaquée. À cet égard, il y a lieu de relever que, s’il ressort dudit considérant que la requérante a, lors de la réunion du 22 mars 1994, annoncé qu’elle avait augmenté ses prix de 6 % dès le mois de janvier 1994, elle ne conteste pas que d’autres membres de l’entente, tels que Mamoli Robinetteria SpA et Rubinetterie Teorema SpA, ont, pour leur part, annoncé leurs hausses de prix respectives pour les mois de juin et d’avril suivants, comme cela ressort également dudit considérant. Dans ces conditions, quand bien même la requérante aurait augmenté ses prix avant la réunion d’Euroitalia du 22 mars 1994, cela ne remettrait pas en cause le constat selon lequel, lors de cette réunion à laquelle elle ne conteste pas avoir participé, d’autres membres d’Euroitalia avaient annoncé leurs hausses de prix futures. La Commission n’a donc commis aucune erreur d’appréciation quant à la participation de la requérante à des discussions anticoncurrentielles lors de cette réunion.

47      Dans ces conditions, le deuxième argument de la requérante doit être rejeté comme étant non fondé.

48      Troisièmement, la requérante soutient qu’elle n’a jamais participé à une réunion d’Euroitalia au cours de laquelle les échanges d’informations aient donné lieu à une fixation de prix, comme cela ressort des considérants 434, 438 et 440 de la décision attaquée. Par ailleurs, elle n’aurait jamais pris part à des discussions bilatérales ayant un objet anticoncurrentiel.

49      À cet égard, il convient de relever que la Commission ne constate nullement, dans la décision attaquée, que la requérante ait participé à des réunions ayant donné lieu à des fixations de prix ou qu’elle ait pris part à des discussions bilatérales ayant un objet anticoncurrentiel. En effet, d’une part, comme il ressort notamment du considérant 403 de ladite décision, la Commission a constaté que les discussions au sein d’Euroitalia visaient « la coordination de hausses de prix futures (en relation avec les années ou cycles de prix suivants) et d’autres informations sur les prix futurs (tels que des remises/rabais offerts aux clients et des prix minimaux pour certains produits) ». D’autre part, comme il découle de la jurisprudence citée aux points 33 à 36 ci-dessus, de tels échanges constituent une violation de l’article 101 TFUE, quand bien même les concurrents ne se seraient pas mis d’accord sur le montant exact des hausses de prix futures qu’ils entendaient mettre en œuvre.

50      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le troisième argument de la requérante comme étant non fondé.

51      Quatrièmement, la requérante fait valoir qu’elle n’a jamais pris part à des discussions visant au contrôle de l’application des hausses de prix dont elle et ses concurrents avaient préalablement discuté, comme cela ressortirait des considérants 452 et 453 de la décision attaquée.

52      La Commission y constate, en substance, que, lors des réunions d’Euroitalia du 14 février et des 17 et 18 juin 2003, les participants ont discuté de l’application des précédentes hausses de prix ainsi que des hausses de prix futures.

53      À cet égard, d’une part, il suffit de relever que, comme il ressort de l’annexe 6 de la décision attaquée, la requérante n’a pas participé aux deux réunions mentionnées au point précédent. Dans ces conditions, elle ne saurait valablement invoquer les considérants 452 et 453 de la décision attaquée pour établir qu’elle n’a pas pris part aux discussions, au sein d’Euroitalia, visant à contrôler l’application de précédentes hausses de prix, dès lors que la Commission n’a pas pris en considération lesdites réunions pour asseoir ses conclusions. D’autre part, et en revanche, force est de constater, notamment, que la requérante ne conteste pas le constat de la Commission, mentionné au considérant 459 de la décision attaquée, selon lequel la réunion d’Euroitalia des 3 et 4 juin 2004, à laquelle elle a participé, a donné lieu à des discussions touchant à l’application des hausses de prix dont les concurrents avaient discuté lors de réunions antérieures. La Commission n’a donc pas commis d’erreur à cet égard.

54      Dans ces conditions, le quatrième argument de la requérante doit être rejeté comme étant non fondé.

55      Cinquièmement, la requérante soutient que les membres d’Euroitalia ne se conformaient pas nécessairement aux hausses de prix dont ils discutaient, comme cela ressortirait des considérants 421 et 422 de la décision attaquée.

56      Au considérant 421 de la décision attaquée, la Commission relève que, lors de la réunion du 14 octobre 1996, la requérante, Rubinetterie Teorema, RAF Rubinetteria SpA et Hansa Metallwerke AG ont communiqué leurs intentions de ne pas augmenter leurs prix pour l’année 1997. Au considérant 422 de ladite décision, la Commission indique que, tandis que certaines des entreprises en cause se sont conformées à leur décision prise l’année précédente, d’autres, à l’instar de la requérante notamment, ont annoncé leur décision d’augmenter leurs prix.

57      Or, il y a lieu de constater que, conformément à la jurisprudence citée au point 37 ci-dessus, la circonstance, à la supposer avérée, que certaines entreprises, telles que la requérante, n’aient pas respecté leur décision initiale de ne pas procéder à des hausses de prix futures, en dépit de ce qu’elles avaient annoncé lors de réunions précédentes d’Euroitalia, ne modifie pas le constat selon lequel l’échange d’informations commerciales sensibles entre les concurrents en question constituait une entente au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

58      Le cinquième argument de la requérante doit donc être rejeté comme étant non fondé.

59      Sixièmement, la requérante considère que la décision attaquée comprend des contradictions et est insuffisamment motivée. À cet égard, elle relève que la Commission estime, au considérant 446 de la décision attaquée, qu’il ressort des documents qu’elle a saisis lors des inspections menées lors de son enquête, que les participants aux réunions d’Euroitalia avaient prévu d’augmenter leurs prix. Cela serait en contradiction avec le constat figurant à la note en bas de page n° 556 de ladite décision, aux termes duquel ces documents ne sont pas lisibles et ne portent pas de dates précises.

60      Or, si, à la note en bas de page n° 556 de la décision attaquée, la Commission reconnaît que les preuves qu’elle a réunies lors de l’inspection auprès de Zucchetti Rubinetteria SpA ne sont pas toujours lisibles et ne portent pas de dates précises, elle considère toutefois que le recoupement des informations résultant desdits documents avec celles résultant des documents réunis lors des inspections effectuées auprès de Grohe SpA et de Hansgrohe SR, qu’elle identifie dans la décision attaquée, permet de confirmer que les discussions touchant aux hausses de prix, qu’elle décrit au considérant 446 de la décision attaquée, ont bien eu lieu le 28 septembre 2001.

61      D’une part, force est donc de constater que la décision attaquée n’est pas entachée d’une insuffisance de motivation, dès lors qu’elle permet à la requérante de connaître les motifs pour lesquels la Commission a considéré que des discussions illicites s’étaient tenues le 28 septembre 2001. D’autre part, la requérante n’avance ni argument ni preuve montrant que la Commission avait commis une erreur d’appréciation en constatant, sur la base de l’ensemble des documents dont cette dernière disposait, que des hausses de prix futures avaient été discutées lors de ladite réunion.

62      Dans ces conditions, le sixième argument de la requérante, pour autant qu’elle invoque tant une violation de l’obligation de motivation qu’une erreur d’appréciation, doit être rejeté comme étant non fondé.

63      Septièmement, la requérante fait valoir que les objections qu’elle a formulées au cours de la procédure administrative n’ont reçu aucune réponse dans la décision attaquée.

64      Il y a lieu de rappeler à cet égard que, aux considérants 475 et 476 de la décision attaquée, la Commission expose les observations formulées par la requérante en réponse à la communication des griefs et à la lettre d’exposé des faits qui lui ont été signifiées. En substance, d’une part, la Commission y constate que la requérante reconnaît avoir participé aux réunions d’Euroitalia de 1993 à 2004, au cours desquelles les hausses de prix futures étaient communiquées entre les membres. D’autre part, elle relève que les observations formulées par la requérante, qui touchent notamment à son rôle marginal dans l’entente, à la conduite négligente de ses dirigeants, au caractère distinctif de son portefeuille de produits haut de gamme et à l’absence d’effets anticoncurrentiels, compte tenu du niveau de concurrence sur le marché et des négociations menées avec les grossistes, ainsi que le fait que l’entente en question n’aurait concerné que ses barèmes de prix standards, sont traitées dans la deuxième section de la décision attaquée, ayant trait à l’appréciation juridique des faits. La Commission ajoute, au considérant 476 de ladite décision, que la requérante « a activement participé à toutes les discussions sur les prix menées lors des réunions d'Euroitalia, et ce de manière systématique et soutenue sur une longue période », et que « le caractère relativement plus informel d’Euroitalia ne diminue en rien la gravité et la nature anticoncurrentielle de la coordination des prix en Italie ».

65      À la lumière des constats opérés au point précédent, d’une part, il convient de relever que la requérante ne remet pas en cause le rappel fait par la Commission, aux considérants 475 et 476 de la décision attaquée, des observations qu’elle avait soumises au cours de la procédure administrative. D’autre part, il y a lieu de constater que ces observations visent toutes à minimiser la gravité de l’infraction en cause et, partant, l’importance de l’amende qui pouvait lui être infligée. En revanche, comme la Commission l’a relevé à juste titre au considérant 476 de la décision attaquée, les observations de la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause le constat de l’existence même d’une infraction. Par ailleurs, et en toute hypothèse, il convient de relever que la Commission a répondu aux observations de la requérante, mentionnées au point 64 ci-dessus, dans le cadre de l’examen des circonstances atténuantes, aux considérants 1228 à 1260 de la décision attaquée.

66      Le septième argument de la requérante doit, dès lors, être rejeté comme étant non fondé.

67      Dans ces conditions, les sept arguments soulevés par la requérante et, partant, le deuxième grief dans son ensemble doivent être rejetés.

68      En troisième lieu, d’une part, la requérante soutient que la Commission a manqué de vérifier si une condition indispensable à la constatation d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE était remplie en l’espèce, à savoir si le commerce entre États membres était affecté de manière significative. D’autre part, la requérante fait valoir que, si elle reconnaît avoir échangé des informations avec les autres participants aux réunions d’Euroitalia, la condition qu’il existe une collaboration concertée ou consciente visant à restreindre la concurrence n’est pas, en revanche, remplie en l’espèce, dès lors que lesdites réunions revêtaient un caractère informel.

69      Premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’a pas établi que le commerce entre États membres était affecté de manière significative, d’une part, il convient de constater que la requérante n’avance aucun argument visant à remettre en cause l’analyse de la Commission, figurant aux considérants 981 à 986 de la décision attaquée, relative à l’affectation du commerce entre États membres en l’espèce. Or, auxdits considérants, la Commission a rappelé qu’une infraction à l’article 101 TFUE impliquait que le commerce entre États membres ait été affecté et les motifs pour lesquels elle a considéré que tel était le cas en l’espèce, notamment en raison du fait que le secteur des installations sanitaires pour salles de bains, en ce compris les articles de robinetterie produits par la requérante, était caractérisé par un volume important d’échanges entre les États membres.

70      D’autre part, il ressort de la jurisprudence que la Commission n’a pas l’obligation de démontrer que la participation de la requérante à un accord et à une pratique concertée a eu un effet sensible sur les échanges entre États membres dès lors que les pratiques en cause sont susceptibles de détourner les courants commerciaux de l’orientation qu’ils auraient autrement connue (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, ICI/Commission, T‑13/89, Rec. p. II‑1021, point 304, et la jurisprudence citée).

71      Dans ces conditions, le premier argument de la requérante, selon lequel la Commission a manqué d’établir l’existence d’une affectation significative du commerce entre États membres, doit être rejeté comme étant non fondé.

72      Deuxièmement, doit être rejeté comme étant non fondé l’argument de la requérante selon lequel, si elle reconnaît avoir échangé des informations avec ses concurrents au sein d’Euroitalia, elle n’a commis aucune infraction à l’article 101 TFUE dans la mesure où la Commission n’a pas établi qu’il existait une collaboration concertée ou consciente visant à fixer les prix. En effet, comme il ressort de la jurisprudence exposée aux points 33 à 36 ci-dessus, le fait que les membres d’Euroitalia aient échangé des informations concernant leurs hausses de prix futures constitue une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, quand bien même ils ne se seraient pas mis d’accord sur le montant desdites hausses. Cela découle du fait que la divulgation systématique d’informations commerciales sensibles élimine l’incertitude relative aux comportements futurs des concurrents sur le marché et influence ainsi, directement ou indirectement, la stratégie des destinataires desdites informations.

73      Dans ces conditions, il convient de rejeter le second argument de la requérante et, partant, son troisième grief comme étant non fondés.

74      En quatrième lieu, la requérante fait valoir que la Commission a insuffisamment pris en considération, dans la détermination du montant de l’amende, le fait que les conséquences de sa participation aux réunions d’Euroitalia avaient été limitées et n’avaient produit aucun effet anticoncurrentiel.

75      D’une part, cet argument doit être considéré comme étant inopérant, dès lors qu’il ne vient pas à l’appui du premier moyen. En effet, pour autant que la requérante fait valoir, à cet égard, que la Commission a insuffisamment pris en considération, dans le calcul du montant de l’amende, la circonstance que l’entente au sein d’Euroitalia n’avait pas eu d’effet sur la concurrence, cette circonstance ne permet pas d’établir que la Commission ait violé l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en concluant à l’existence d’une entente, ce que la requérante fait valoir au titre de son premier moyen (voir point 25 ci-dessus). D’autre part, et en toute hypothèse, force est de constater que la requérante se contente d’affirmer que l’entente en cause est restée sans influence sur la concurrence, sans toutefois avancer ni argument ni preuve remettant en cause l’analyse de la Commission, mentionnée aux considérants 914 à 941 de la décision attaquée, selon laquelle les pratiques en cause entraînaient une restriction de concurrence.

76      Dans ces conditions, le quatrième grief doit être rejeté comme étant, en partie, inopérant et, en partie, non fondé. Il y a lieu, en conséquence, de rejeter le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement ainsi que d’un défaut de motivation dans le calcul du montant de l’amende

77      La requérante fait valoir que, en lui imposant une amende d’un montant équivalent à 10 % de son chiffre d’affaires, la Commission a, d’une part, violé les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement et, d’autre part, omis de motiver la décision attaquée. En effet, dans ladite décision, la Commission aurait décrit les différents degrés de participation des entreprises parties à l’infraction, sans, toutefois, en tirer aucune conséquence dans la détermination du montant final de l’amende devant être imposée à chacune. Or, selon la requérante, à la différence des autres entreprises, elle n’a pas été tenue pour responsable de l’infraction unique et continue, n’a pas fait partie de l’association Michelangelo, n’a jamais eu de contacts bilatéraux avec d’autres entreprises, son rôle dans l’entente étant modeste et marginal, n’a pas été impliquée dans une infraction concernant les trois sous-groupes de produits, ne détenait qu’une part de marché non significative, n’était pas en mesure d’influer sur le marché local ou international ou encore d’orienter la politique de prix des autres concurrents et, enfin, manquait d’expérience en matière de droit de la concurrence. Par ailleurs, la Commission aurait dû prendre en considération la taille et l’importance des entreprises en cause dans la détermination du montant de l’amende.

78      Premièrement, s’agissant du grief de la requérante selon lequel la Commission a violé son obligation de motivation, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée).

79      En l’espèce, il y a lieu de constater que la Commission a expliqué, dans la décision attaquée, les différentes étapes du calcul l’ayant conduite à abaisser le niveau de l’amende calculée en fonction des lignes directrices de 2006, afin que son montant n’excède pas, in fine, 10 % du chiffre d’affaires de la requérante, ce que, par ailleurs, cette dernière ne conteste pas. En effet, comme il ressort du tableau E de la décision attaquée, figurant sous le considérant 1226 de la décision attaquée, et du considérant 1260 de ladite décision, le montant de base de l’amende qu’encourait la requérante s’élevait à 11 300 000 euros sans que la Commission ne relève aucune circonstance aggravante ou atténuante susceptible de modifier ce montant. C’est donc, comme cela ressort des considérants 1261 à 1264 de la décision attaquée, afin de respecter le plafond de 10 % de son chiffre d’affaires prévu par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 que la Commission a, comme il ressort du tableau F reproduit sous le considérant 1264 de la décision attaquée, réduit le montant de l’amende à imposer à la requérante à 1 196 269 euros, qui est le montant final auquel cette dernière a été condamnée à l’article 2, paragraphe 13, de la décision attaquée.

80      À la lumière des considérants de la décision attaquée exposés au point précédent, force est donc de constater que la décision attaquée fait apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement ayant conduit la Commission à imposer à la requérante une amende équivalant à 10 % de son chiffre d’affaires.

81      Dans ces conditions, le premier grief de la requérante doit être rejeté comme étant non fondé.

82      Deuxièmement, s’agissant du grief de la requérante selon lequel la Commission a violé le principe d’égalité de traitement, dans la mesure où celle-ci s’est vu imposer, à l’instar d’autres entreprises ayant eu un comportement infractionnel plus grave que le sien, une amende d’un montant maximal de 10 % de son chiffre d’affaires, il convient de rappeler d’abord que, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement est violé lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt de la Cour du 13 décembre 1984, Sermide, 106/83, Rec. p. 4209, point 28, et arrêt du Tribunal du 30 septembre 2009, Hoechst/Commission, T‑161/05, Rec. p. II‑3555, point 79).

83      De plus, conformément à la jurisprudence, le plafond de 10 % du chiffre d’affaires, visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, constitue une limite, uniformément applicable à toutes les entreprises et articulée en fonction de la taille de chacune d’elles, visant à éviter des amendes d’un niveau excessif et disproportionné. Cette limite supérieure a ainsi un objectif distinct et autonome par rapport à celui des critères de gravité et de durée de l'infraction. La circonstance que le montant final de l’amende est égal au plafond de 10 % du chiffre d’affaires ne signifie donc pas qu’il a été calculé sur le seul fondement de cette limite, mais que ledit montant, qui devrait être fixé en principe au vu de la gravité et de la durée de l’infraction, a été réduit au niveau de ladite limite (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, points 281, 282 et 289).

84      À la lumière de la jurisprudence exposée aux points 82 et 83 ci-dessus, d’une part, il convient de relever que, même si les circonstances avancées par la requérante et rappelées au point 77 ci-dessus, visant à faire valoir que la gravité de son comportement infractionnel est moindre que celle caractérisant le comportement d’autres entreprises membres de l’entente, étaient fondées, cela resterait toutefois sans influence sur le constat selon lequel la Commission a agi, en l’espèce, conformément au principe d’égalité de traitement. En effet, c’est de manière non discriminatoire qu’elle a appliqué le plafond de 10 % du chiffre d’affaires, prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, à l’ensemble des entreprises sanctionnées dans la décision attaquée.

85      D’autre part, compte tenu de la gravité de l’infraction à laquelle la requérante a participé, à savoir un échange d’informations concernant des hausses de prix futures, et de la durée de sa participation à ladite infraction, à savoir plus de onze ans, ces deux facteurs suffisent à justifier que la requérante se soit vu imposer une amende correspondant au plafond légal de 10 % de son chiffre d’affaires, à l’instar des autres entreprises italiennes sanctionnées dans la décision attaquée pour leur comportement anticoncurrentiel sur le territoire italien qui, comme elle, n’étaient pas dans l’incapacité financière de s’acquitter d’une amende correspondant à 10 % de leur chiffre d’affaires respectif.

86      Partant, le deuxième grief de la requérante doit être rejeté comme étant non fondé.

87      Troisièmement, s’agissant du grief de la requérante selon lequel la Commission a violé le principe de proportionnalité en lui imposant une amende correspondant à 10 % de son chiffre d’affaires, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, ce principe exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêts de la Cour du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, Rec. p. I‑4023, point 13, et du 5 mai 1998, Royaume‑Uni/Commission, C‑180/96, Rec. p. I‑2265, point 96 ; arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T‑30/05, non publié au Recueil, point 223).

88      Dans le cadre des procédures engagées par la Commission pour sanctionner les violations des règles de concurrence, l’application du principe de proportionnalité implique que les amendes ne doivent pas être démesurées par rapport aux objectifs visés, c’est‑à‑dire par rapport au respect de ces règles, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence doit être proportionné à l’infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité de celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 532, et Prym et Prym Consumer/Commission, point 87 supra, points 223 et 224, et la jurisprudence citée). En particulier, le principe de proportionnalité implique que la Commission doit fixer l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (arrêts du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, Rec. p. II‑3435, points 226 à 228, et du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, Rec. p. II‑1255, point 171).

89      En l’espèce, d’une part, il y a lieu de rappeler que la requérante ne conteste aucun des facteurs pris en compte par la Commission, en application des lignes directrices de 2006, pour fixer une amende d’un montant de 11 300 000 euros, qu’elle a ensuite ramené à 1 196 269 euros afin de tenir compte du plafond de 10 % de son chiffre d’affaires. D’autre part, et en toute hypothèse, compte tenu de la gravité de l’infraction en cause, qui consistait en une entente secrète, à laquelle la requérante a activement participé et couvrant l’ensemble du territoire d’un État membre, ainsi que de la longue participation de la requérante à ladite infraction, à savoir plus de onze ans, comme cela ressort de l’annexe 6 et des considérants 437 et 446 de la décision attaquée, il y a lieu de juger que l’imposition à la requérante d’une amende équivalant à 10 % de son chiffre d’affaires est conforme au principe de proportionnalité. Aucun des facteurs avancés par la requérante et exposés au point 77 ci-dessus, qu’ils soient pris isolément ou conjointement, ne permet de considérer que, compte tenu de la gravité et de la durée de l’entente en cause, la Commission aurait imposé une amende disproportionnée à la requérante en l’espèce.

90      À la lumière de ce qui précède, il convient de rejeter comme étant non fondés les trois griefs avancés par la requérante et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des règles applicables en matière de fixation du montant de l’amende

91      La requérante fait valoir que la Commission doit, conformément à la jurisprudence, prendre en considération la capacité économique effective des entreprises à fausser la concurrence et leur poids spécifique sur le marché et, par conséquent, l’influence réelle de leur comportement infractionnel sur le marché. Or, la Commission n’aurait pas pris en considération une telle influence, alors même qu’elle a reconnu que la requérante avait joué un rôle marginal par rapport aux autres entreprises ayant participé à l’infraction unique.

92      À titre préalable, il y a lieu de relever que la requérante n’avance aucun argument visant à établir que la Commission a violé les lignes directrices de 2006 lors de la détermination du montant de l’amende qui lui a été imposée. Dans ces conditions, il convient d’examiner exclusivement la question de savoir si, en calculant le montant de ladite amende en application des lignes directrices de 2006, la Commission a omis de prendre en considération l’influence réelle du comportement infractionnel de la requérante sur le marché.

93      À cet égard, il suffit de constater que, en faisant reposer notamment son calcul du montant des amendes imposées aux entreprises destinataires de la décision attaquée sur « la valeur des ventes des biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE », la Commission a pris en considération, conformément au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, l’influence sur le marché du comportement infractionnel de chaque entreprise, compte tenu de leur taille. En l’espèce, il n’est pas contesté que la Commission a, au considérant 1220 de la décision attaquée, pris en considération un pourcentage de la valeur des ventes des entreprises en cause, afin de calculer le montant de base de l’amende qui leur a été imposée.

94      Ainsi, le calcul du montant de base de l’amende imposée à chaque entreprise reflète leur poids respectif sur le marché et, partant, l’influence réelle de leur comportement infractionnel sur ledit marché.

95      Par ailleurs, la jurisprudence à laquelle la requérante renvoie, à savoir l’arrêt de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission (C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, points 174 et 175), et l’arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission (T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, Rec. p. II‑1181, point 160), ne saurait infirmer la conclusion exposée au point 94 ci-dessus. En effet, dans ces deux arrêts, a été examinée la légalité d’amendes imposées en vertu de l’application des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CECA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 1998 »). Or, à la différence des lignes directrices de 2006, qui ont été appliquées par la Commission dans la décision attaquée, les lignes directrices de 1998 ne prenaient pas en considération, au titre du montant de base de l’amende, le chiffre d’affaires des entreprises ayant participé à une entente, mais renvoyaient à un montant forfaitaire qui était déterminé en fonction de la seule gravité de l’infraction. Pour ce motif, lesdits arrêts ne permettent pas d’établir que la méthode de calcul de l’amende appliquée dans la décision attaquée, telle qu’elle est prévue par les lignes directrices de 2006, conduit, à tort, à omettre de prendre en considération les effets du comportement infractionnel de la requérante sur le marché. Cet argument de la requérante doit donc être rejeté comme étant non fondé.

96      À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs dans les éléments de calcul pris en considération par la Commission pour déterminer le montant de l’amende

97      La requérante fait valoir que, dans le cadre du calcul du montant de l’amende, la Commission a commis une erreur d’appréciation en prenant en considération la totalité du chiffre d’affaires résultant de ses ventes, alors même que, au cours des réunions d’Euroitalia, seuls les barèmes standards de prix, c’est-à-dire ceux touchant aux prix bruts pratiqués par les grossistes vis-à-vis des consommateurs (par opposition aux barèmes spéciaux de prix, c’est-à-dire ceux touchant aux prix destinés à leurs gros clients pour des articles réalisés spécifiquement pour ces derniers), étaient discutés. Or, seule une petite part de son chiffre d’affaires total aurait été réalisée, en 2004, en Europe, avec des barèmes standards de prix.

98      La Commission s’oppose à cette argumentation.

99      Le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 prévoit que, aux fins de la détermination du montant de base de l’amende, la Commission peut se fonder sur « la valeur des biens auxquels l’infraction se rapporte directement ou indirectement ».

100    En l’espèce, il ressort des déclarations mêmes de la requérante que les discussions touchant aux barèmes standards de prix influençaient également ses barèmes spéciaux de prix. En effet, comme l’a indiqué la requérante dans ses écritures et en réponse aux questions orales du Tribunal lors de l’audience, certains produits vendus normalement sous le barème standard de prix étaient vendus selon les barèmes de prix spéciaux, c’est-à-dire en accordant une remise supplémentaire à certains gros clients.

101    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme étant non fondé.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’erreurs résultant de l’absence de prise en considération de circonstances atténuantes

102    La requérante fait valoir que la Commission a violé l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 ainsi que les dispositions des lignes directrices de 2006 relatives aux circonstances atténuantes. D’abord, la requérante soutient que la Commission aurait dû prendre en considération le fait que, à la différence des entreprises multinationales ayant déposé des demandes tendant à bénéficier de la communication de la Commission sur l’immunité d’amende et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci‑après la « communication de 2002 sur la coopération »), elle est une petite entreprise à gestion familiale qui ne disposait pas, à l’époque des faits, d’un service juridique interne et d’une expérience en matière de droit de la concurrence. Ensuite, la Commission aurait dû prendre en considération le fait que la requérante avait coopéré de manière transparente et en temps utile avec elle, à la suite des sollicitations de cette institution et en lui fournissant tous les éléments utiles en sa possession.

103    La Commission s’oppose à cette argumentation.

104    En premier lieu, il convient de relever que la requérante invoque une violation de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 et non de l’article 23, paragraphe 3, dudit règlement. Selon l’article 23, paragraphe 2, sous a), dudit règlement, la Commission peut « infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence [ … ]elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [101 TFUE et 102 TFUE] ». Or, outre le fait que, comme il ressort du texte même de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003, la Commission peut infliger une amende à une entreprise commettant une infraction par simple négligence, c’est-à-dire sans avoir conscience ni intention de la commettre, les autres circonstances invoquées par la requérante, à savoir le fait qu’elle soit une entreprise artisanale à gestion familiale et qu’elle ait coopéré pendant la procédure administrative, sont sans influence sur le pouvoir conféré à la Commission par l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 d’infliger des amendes aux entreprises participant à des ententes.

105    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante selon lequel la Commission a violé l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003.

106    En second lieu, pour autant que la requérante invoque une violation des dispositions des lignes directrices de 2006 relatives aux circonstances atténuantes, il importe de rappeler que le paragraphe 29 desdites lignes directrices, est libellé comme suit :

« Le montant de base de l’amende peut être réduit lorsque la Commission constate l’existence de circonstances atténuantes, telles que :

–        lorsque l’entreprise concernée apporte la preuve qu’elle a mis fin à l’infraction dès les premières interventions de la Commission. Ceci ne s’appliquera pas aux accords ou pratiques de nature secrète (en particulier les cartels) ;

–        lorsque l’entreprise concernée apporte la preuve que l’infraction a été commise par négligence ;

–        lorsque l’entreprise concernée apporte la preuve que sa participation à l’infraction est substantiellement réduite et démontre par conséquent que, pendant la période au cours de laquelle elle a adhéré aux accords infractionnels, elle s’est effectivement soustraite à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché ; le seul fait qu’une entreprise a participé à une infraction pour une durée plus courte que les autres ne sera pas considéré comme une circonstance atténuante, puisque cette circonstance est déjà reflétée dans le montant de base ;

–        lorsque l’entreprise concernée coopère effectivement avec la Commission, en dehors du champ d’application de la communication sur la [coopération] et au-delà de ses obligations juridiques de coopérer ;

–        lorsque le comportement anticoncurrentiel a été autorisé ou encouragé par les autorités publiques ou la réglementation. »

107    Premièrement, s’agissant du point de savoir si la Commission a omis, à tort, de tenir compte de la demande de réduction du montant de l’amende de la requérante fondée sur le fait qu’elle est une petite entreprise artisanale à gestion familiale, d’une part, force est de constater qu’un tel facteur ne figure pas parmi les circonstances atténuantes susceptibles d’ouvrir droit à une réduction du montant de l’amende en vertu des lignes directrices de 2006. Dans ces conditions, la Commission n’a pas commis d’erreur en n’octroyant à ce titre aucune réduction à la requérante. D’autre part, il y a lieu de relever, en toute hypothèse, que la petite taille d’une entreprise se reflète dans le montant de l’amende qui lui est imposée, sans même que ce facteur soit pris en considération au titre des circonstances atténuantes. En effet, dans la mesure où, comme il ressort du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, le montant de base de l’amende est calculé par rapport aux ventes de biens auxquels l’infraction se rapporte directement ou indirectement, la taille de la requérante a été prise en considération dans le cadre du calcul du montant de l’amende. La Commission n’a donc commis aucune erreur en ne prenant pas ce facteur en considération dans le cadre de l’examen des circonstances atténuantes pouvant donner lieu à une réduction du montant de base de l’amende.

108    Par ailleurs, la requérante fait valoir qu’elle n’était pas consciente de l’illégalité des discussions s’étant tenues au sein d’Euroitalia, compte tenu du fait qu’elle ne disposait pas d’un service juridique interne et de son manque d’expérience en droit de la concurrence. D’abord, pour autant que cet argument doive être compris en ce sens que la requérante soutient avoir participé à une infraction par négligence au sens du paragraphe 29, deuxième tiret, des lignes directrices de 2006, il convient de rappeler que, comme le fait observer à juste titre la Commission, elle a participé pendant plus de onze ans aux réunions d’Euroitalia sans que des procès-verbaux officiels des discussions anticoncurrentielles qui s’y étaient tenues aient été établis. Ce facteur tend à montrer que les membres de ce groupe prenaient soin de ne pas laisser de trace officielle de leurs discussions illicites. Dans ces conditions, la Commission pouvait légitimement considérer que les entreprises concernées, dont la requérante, avaient conscience d’enfreindre les dispositions du droit de la concurrence. Ensuite, et en toute hypothèse, comme la Commission l’a relevé au considérant 1231 de la décision attaquée, il ressort de la jurisprudence que, pour qu’une entreprise soit considérée comme ayant enfreint les dispositions du droit de la concurrence de manière délibérée, il n’est pas nécessaire que l’entreprise ait eu conscience d’enfreindre ces règles, il suffit qu’elle n’ait pu ignorer que sa conduite avait pour objet de restreindre la concurrence (arrêt du Tribunal du 12 juillet 2001, Tate & Lyle e.a./Commission, T‑202/98, T‑204/98 et T‑207/98, Rec. p. II‑2035, point 127). En l’espèce, dans la mesure où les discussions avaient précisément pour objet de coordonner les hausses futures de prix entre les concurrents, la requérante doit être considérée comme ayant participé aux pratiques anticoncurrentielles au sein d’Euroitalia de manière délibérée.

109    Dans ces conditions, la requérante n’a pas rapporté la preuve que la Commission ait commis une erreur en ne lui octroyant aucune réduction du montant de l’amende en raison de sa négligence. Le premier grief de la requérante doit donc être rejeté.

110    Deuxièmement, s’agissant du bien-fondé de l’absence de prise en compte de la demande de réduction du montant de l’amende présentée par la requérante au titre de sa coopération avec la Commission, il convient de rappeler que, au paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices de 2006, la Commission s’est engagée, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation des circonstances atténuantes qu’elle est tenue de prendre en considération lors du calcul du montant des amendes, à octroyer une réduction du montant de l’amende lorsqu’une entreprise coopère effectivement avec elle en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération et au-delà de ses obligations juridiques de coopérer.

111    Toutefois, l’application du paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices de 2006 ne saurait avoir pour conséquence de priver la communication de 2002 sur la coopération de son effet utile. En effet, il ressort du libellé et de l’économie de ladite communication que les entreprises ne peuvent, en principe, obtenir une réduction du montant de l’amende au titre de leur coopération que lorsqu’elles satisfont aux conditions strictes prévues par ladite communication.

112    Dès lors, afin de préserver l’effet utile de la communication de 2002 sur la coopération, ce ne peut être que dans des situations exceptionnelles que la Commission est tenue d’octroyer une réduction du montant de l’amende à une entreprise sur la base du paragraphe 29, quatrième tiret, des lignes directrices de 2006. Tel est le cas, notamment, lorsque la coopération d’une entreprise, tout en allant au-delà de son obligation légale de coopérer sans toutefois lui donner droit à une réduction du montant de l’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération, est d’une utilité objective pour la Commission. Une telle utilité doit être constatée lorsque la Commission se repose dans sa décision finale sur des éléments de preuve qu’une entreprise lui a fournis dans le cadre de sa coopération et en l’absence desquels la Commission n’aurait pas été en mesure de sanctionner totalement ou partiellement l’infraction en cause (arrêt du Tribunal du 17 mai 2011, Arkema France/Commission, T-343/08, Rec. p. II-2287, point 170).

113    En l’espèce, d’une part, force est de constater que la requérante n’a pas déposé de demande tendant à bénéficier de la communication de 2002 sur la coopération et qu’elle n’a pas coopéré avec la Commission, au-delà de ses obligations juridiques, c’est-à-dire en lui fournissant des informations allant au-delà de ce qu’elle était tenue de lui donner, conformément à ses obligations résultant du règlement n° 1/2003, ce qu’elle ne prétend d’ailleurs pas. D’autre part, et en toute hypothèse, la requérante ne fait pas valoir ni ne démontre que la Commission s’est reposée sur des éléments de preuve, figurant dans la décision attaquée, qu’elle lui avait fournis alors même qu’elle n’y était pas tenue en application de ses obligations résultant du règlement n° 1/2003 et en l’absence desquels la Commission n’aurait pas été en mesure de sanctionner totalement ou partiellement l’entente en cause.

114    Dans ces conditions, le second grief de la requérante et, partant, le cinquième moyen dans son ensemble doivent être rejetés comme étant non fondés.

 Sur le sixième moyen, tiré d’erreurs dans l’appréciation de la capacité contributive de la requérante

115    La requérante soutient, en substance, que la Commission a considéré à tort qu’elle ne devait pas bénéficier d’une réduction du montant de l’amende en vertu du paragraphe 35 des lignes directrices de 2006. Elle soulève deux griefs à cet égard.

116    Le paragraphe 35 des lignes directrices de 2006 prévoit ce qui suit :

« Dans des circonstances exceptionnelles, la Commission peut, sur demande, tenir compte de l’absence de capacité contributive d’une entreprise dans un contexte social et économique particulier. Aucune réduction d’amende ne sera accordée à ce titre par la Commission sur la seule constatation d’une situation financière défavorable ou déficitaire. Une réduction ne pourrait être accordée que sur le fondement de preuves objectives que l’imposition d’une amende, dans les conditions fixées par les présentes lignes directrices, mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et conduirait à priver ses actifs de toute valeur ».

117    Par son premier grief, la requérante soutient que la décision attaquée est contradictoire, dans la mesure où la Commission ne lui a pas accordé de réduction en vertu du paragraphe 35 des lignes directrices de 2006, alors même qu’elle avait constaté que sa situation financière justifiait l’application d’une réduction à ce titre.

118    Il convient de relever qu’il ressort des considérants 1331 et 1332 de la décision attaquée que, tout en reconnaissant les difficultés financières de la requérante, la Commission a toutefois estimé que cette dernière ne devait pas bénéficier d’une réduction du montant de l’amende. À cet égard, d’une part, la Commission constate que la requérante ne lui a pas transmis d’informations permettant d’examiner la situation financière du groupe qui la détenait au jour de l’adoption de la décision attaquée. D’autre part, les informations publiques concernant ledit groupe montreraient que la société mère, qui est en bonne santé financière, peut faire face à l’amende imposée à sa filiale. À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de considérer que les motifs avancés par la Commission, dans la décision attaquée, pour justifier le refus de réduction au titre de l’absence de capacité contributive ne sont pas contradictoires.

119    Le premier grief de la requérante doit donc être rejeté comme étant non fondé.

120    Par son second grief, la requérante reproche à la Commission de s’être contentée d’examiner sa capacité à s’acquitter de l’amende, alors même que, selon la jurisprudence, la capacité contributive d’une entreprise s’apprécie dans son contexte social particulier, constitué par les conséquences que le paiement de l’amende aurait, notamment, concernant l’augmentation du chômage ou la détérioration des secteurs économiques en amont et en aval de l’entreprise concernée.

121    À cet égard, il suffit de constater que la requérante n’avance ni argument ni preuve établissant que, compte tenu de la situation financière du groupe auquel elle appartient, l’amende qui lui a été imposée met irrémédiablement en danger sa viabilité économique et conduit à priver ses actifs de toute valeur, conformément au paragraphe 35 des lignes directrices de 2006.

122    Dans ces conditions, la Commission n’était pas tenue d’examiner les conséquences d’une éventuelle défaillance de la requérante dans le secteur économique en cause pour rejeter la demande de réduction du montant de l’amende qu’elle avait formulée.

123    Le second grief de la requérante et, partant, le sixième moyen dans son ensemble doivent être rejetés comme étant non fondés.

124    Les six moyens soulevés par la requérante ayant été écartés, il y a lieu de rejeter ses conclusions visant à obtenir l’annulation partielle de la décision attaquée.

 Sur les conclusions, soulevées à titre subsidiaire, tendant à la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante

125    La requérante demande au Tribunal, par son deuxième chef de conclusions, de réduire le montant de l’amende qui lui a été imposée par la Commission à un niveau qui serait plus approprié. À cet égard, elle demande, plus précisément, que le montant de l’amende soit réduit par le Tribunal à un montant symbolique ou que seul son chiffre d’affaires relatif aux ventes d’articles de robinetterie, sur le marché italien, relevant des barèmes standards de prix soit pris en considération.

126    Il importe de rappeler, à cet égard, que, selon la jurisprudence, d’une part, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal doit effectuer sa propre appréciation, en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce et en respectant les principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt Romana Tabacchi/Commission, point 22 supra, points 179 et 280) ou encore le principe d’égalité de traitement (arrêt Erste Group Bank e.a./Commission, point 95 supra, point 187).

127    D’autre part, l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office. Dès lors, à l’exception des moyens d’ordre public qu’il est tenu de soulever d’office, telle l’absence ou l’insuffisance de motivation de la décision attaquée, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de cette dernière et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (voir, en ce sens, arrêt Chalkor/Commission, point 22 supra, point 64).

128    En l’espèce, d’une part, le Tribunal estime, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, qu’aucun des éléments dont la requérante s’est prévalue à un quelconque titre dans la présente affaire, ni aucun motif d’ordre public, ne justifie qu’il fasse usage de ladite compétence pour réduire le montant de l’amende imposée par la Commission. D’autre part, compte tenu, en particulier, de la gravité de l’infraction consistant en une entente secrète, sur le territoire italien, touchant aux hausses de prix futures et de sa longue durée, à savoir onze années, l’amende imposée par la Commission, qui a été limitée à 10 % du chiffre d’affaires de la requérante, constitue une sanction appropriée permettant de réprimer, de manière proportionnée et dissuasive, son comportement anticoncurrentiel.

129    Dans ces conditions, le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu de réduire le montant de l’amende infligée par la Commission à la requérante.

130    Partant, le recours dans son ensemble doit être rejeté.

 Sur les dépens

131    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Rubinetteria Cisal SpA est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 2013.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur les conclusions, présentées à titre principal, tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée

Sur le premier moyen, tiré de l’absence de violation de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, compte tenu de la nature des informations échangées

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement ainsi que d’un défaut de motivation dans le calcul du montant de l’amende

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des règles applicables en matière de fixation du montant de l’amende

Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs dans les éléments de calcul pris en considération par la Commission pour déterminer le montant de l’amende

Sur le cinquième moyen, tiré d’erreurs résultant de l’absence de prise en considération de circonstances atténuantes

Sur le sixième moyen, tiré d’erreurs dans l’appréciation de la capacité contributive de la requérante

Sur les conclusions, soulevées à titre subsidiaire, tendant à la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.