Language of document : ECLI:EU:T:2022:16

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

19 janvier 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale POMODORO – Usage sérieux de la marque – Article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 – Mémoire exposant les motifs du recours – Délai de dépôt – Article 58, paragraphe 3, du règlement délégué (UE) 2018/625 – Faits invoqués ou preuves produites pour la première fois devant la chambre de recours – Article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625 – Preuve de l’usage sérieux »

Dans l’affaire T‑76/21,

Masterbuilders, Heiermann, Schmidtmann GbR, établie à Tubingue (Allemagne), représentée par Me H. Hillers, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. R. Raponi et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Francesco Cirillo, demeurant à Berlin (Allemagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 30 novembre 2020 (affaire R 715/2020-5), relative à une procédure de déchéance entre Masterbuilders, Heiermann, Schmidtmann et M. Cirillo,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de MM. A. Kornezov, président, E. Buttigieg et D. Petrlík (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 5 février 2021,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 10 mai 2021,

vu la réponse de l’EUIPO à la mesure d’organisation de la procédure du 16 juillet 2021 ainsi que les observations de la requérante,

vu la réponse de l’EUIPO à la mesure d’organisation de la procédure du 7 septembre 2021 ainsi que les observations de la requérante,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 31 mai 2012, M. Francesco Cirillo (ci-après le « titulaire de la marque ») a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal POMODORO.

3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, notamment, de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement ; appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l’accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques ; disques compacts, DVD et autres supports d’enregistrement numériques ; mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipements pour le traitement d’informations, ordinateurs ; logiciels ; extincteurs ».

4        La demande de marque a été publiée le 2 juillet 2012 et la marque contestée a été enregistrée le 9 octobre 2012.

5        Le 18 février 2019, la requérante, Masterbuilders, Heiermann, Schmidtmann GbR, a déposé une demande en déchéance de ladite marque pour non-usage. Cette demande était fondée sur les dispositions de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 et dirigée contre les produits couverts par la marque contestée qui sont compris dans la classe 9.

6        Par décision du 4 février 2020 (ci-après la « décision de la division d’annulation »), la division d’annulation de l’EUIPO a accueilli la demande en déchéance dans sa totalité.

7        Le 17 avril 2020, le titulaire de la marque a formé un recours contre cette décision, demandant que celle-ci soit annulée dans son intégralité.

8        Par décision du 30 novembre 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours a partiellement accueilli ce recours et annulé la décision de la division d’annulation dans la mesure où elle concernait les produits « Compteurs à rebours ; applications logicielles informatiques téléchargeables », compris dans la classe 9 et rejeté le recours pour le surplus.

9        En substance, la chambre de recours a estimé que les preuves produites par le titulaire de la marque, tant devant la division d’annulation que devant elle, suffisaient à prouver l’usage sérieux de la marque contestée pour ces produits.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter le recours formé par le titulaire de la marque devant la chambre de recours ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      La requérante invoque, en substance, trois moyens tirés, le premier, de la violation de l’article 68 et de l’article 101, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, pour méconnaissance du délai de dépôt du mémoire exposant les motifs du recours, le deuxième, de la violation de l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), en raison de la production d’éléments de preuve irrecevables devant la chambre de recours, et, le troisième, de l’absence de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 68 et de l’article 101, paragraphe 1, du règlement 2017/1001

13      Au point 14 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que le dépôt par le titulaire de la marque de son mémoire exposant les motifs du recours, le 13 juin 2020, respectait le délai de quatre mois pour déposer ce mémoire, tel que prévu par l’article 68, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, car la décision de la division d’annulation avait été notifiée à ce titulaire par courrier le 5 février 2020, de sorte que ledit délai expirait le 15 juin 2020.

14      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a méconnu l’article 68 et l’article 101, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, puisque, la décision de la division d’annulation ayant été notifiée au titulaire de la marque le 4 février 2020 par voie électronique, le délai de quatre mois pour que soit déposé le mémoire exposant les motifs de son recours expirait le 4 juin 2020.

15      L’EUIPO considère que les arguments de la requérante doivent être écartés. En particulier, en réponse aux mesures d’organisation de la procédure des 16 juillet et 7 septembre 2021, l’EUIPO a indiqué que la décision de la division d’annulation avait été envoyée, le 5 février 2020, au titulaire de la marque par courrier recommandé sans accusé de réception et que cette décision n’avait pas été notifiée audit titulaire par voie électronique, une tentative de la notifier au représentant de celui-ci par télécopie ayant échoué le 4 février 2020.

16      L’article 68, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 prévoit que, en cas de recours contre une décision d’une instance de l’EUIPO, un mémoire exposant les motifs du recours doit être déposé par écrit dans un délai de quatre mois à compter de la date de la notification de la décision.

17      Selon l’article 56, paragraphes 2 et 3, du règlement délégué 2018/625, les notifications adressées par l’EUIPO peuvent être faites, en particulier, par voie électronique, par courrier postal ou par service de messagerie, étant entendu que, lorsque le destinataire a indiqué ses coordonnées pour la communication par voie électronique, l’EUIPO a le choix entre ce moyen et la notification par courrier postal ou service de messagerie.

18      Ensuite, en application de l’article 58, paragraphe 1, première phrase, de ce règlement, les décisions qui font courir un délai de recours sont notifiés « par service de messagerie ou par courrier recommandé, avec accusé de réception ».

19      En outre, l’article 58, paragraphe 3, première phrase, dudit règlement dispose que, lorsque la notification est faite par service de messagerie ou courrier recommandé, avec ou sans accusé de réception, celle-ci est réputée avoir été remise à son destinataire le dixième jour après son envoi, à moins que la lettre ne soit pas parvenue au destinataire ou ne lui soit parvenue qu’à une date ultérieure.

20      Enfin, l’article 67, paragraphe 3, de ce même règlement prévoit que lorsqu’un délai est exprimé en un ou en plusieurs mois, il expire, dans le mois à prendre en considération, le jour portant le même quantième que le jour de l’événement qui fait courir le délai.

21      En l’espèce, l’EUIPO a démontré, preuve à l’appui, que la décision de la division d’annulation avait été notifiée le 5 février 2020 par voie postale, au moyen d’un courrier recommandé sans accusé de réception.

22      Or, la requérante ne parvient pas à remettre en cause cette constatation en prétendant que la décision de la division d’annulation a été notifiée, le 4 février 2020, par voie électronique, ce qui aurait eu pour effet de déclencher le délai de dépôt du mémoire exposant les motifs du recours. En effet, les trois documents sur lesquels elle s’appuie afin de contester l’allégation contraire de l’EUIPO, produits en annexe à ses observations sur les réponses de l’EUIPO aux mesures d’organisation de la procédure, ne démontrent pas qu’une notification par voie électronique a été effectuée. Le premier de ces documents – le courrier de notification au titulaire de la marque de la décision de la division d’annulation – porte la date du 4 février 2020 et indique que cette décision a été adoptée ce même jour. De même, le dossier électronique relatif à la marque contestée, accessible sur le site Internet de l’EUIPO, ne contient qu’une simple information selon laquelle cette décision a été notifiée le 5 février 2020. Le mémoire exposant les motifs du recours se limite, quant à lui, à mentionner que ladite décision a été notifiée le 4 février 2020. Ainsi, aucun de ces documents ne précise la voie par laquelle une telle notification aurait été effectuée.

23      Certes, le mémoire exposant les motifs du recours indique que la décision de la division d’annulation a été notifiée au titulaire de la marque le 4 février 2020. Pour autant, une telle indication est en contradiction avec le dossier électronique relatif à la marque contestée selon lequel ladite décision a été notifiée le 5 février 2020, ainsi qu’avec la déclaration de l’EUIPO devant le Tribunal, appuyée par une preuve d’envoi, selon laquelle cette même décision a été notifiée à cette même date par courrier recommandé sans accusé de réception, ce qui implique qu’elle a été reçue par le titulaire de la marque postérieurement à ladite date. De surcroît, aucun élément du dossier ne corrobore la thèse de la requérante.

24      Par conséquent, la requérante n’est pas parvenue à démontrer que la décision de la division d’annulation a été notifiée le 4 février 2020 par voie électronique.

25      Dans ces conditions, il convient de conclure, en conformité avec l’article 58, paragraphe 3, première phrase, du règlement délégué 2018/625, que la notification de la décision de la division d’annulation, le 5 février 2020, doit être réputée avoir été remise à son destinataire le dixième jour après cet envoi, à savoir le 15 février 2020.

26      Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que l’EUIPO a notifié cette décision par courrier recommandé sans accusé de réception et qu’un tel mode de notification méconnaît l’article 58, paragraphe 1, première phrase, dudit règlement, dès lors que ladite décision faisait courir un délai de recours.

27      Certes, il ressort de l’article 61 du règlement délégué 2018/625 que, lorsque les dispositions applicables à la notification d’un document n’ont pas été respectées, ce document est réputé notifié à la date établie comme date de sa réception.

28      Cependant, cette disposition ne vise pas à porter atteinte à la situation juridique des destinataires des documents notifiés par l’EUIPO lorsque les vices de notification sont imputables à ce dernier. Ainsi, dans l’hypothèse où l’EUIPO aurait commis une erreur en effectuant, comme en l’espèce, une notification par courrier recommandé sans accusé de réception, l’article 61 du règlement délégué 2018/625 doit être appliqué en combinaison avec l’article 58, paragraphe 3, de ce règlement qui implique que, dans un tel cas, le document concerné n’est réputé notifié à la date établie comme date de sa réception effective que si celui-ci est parvenu au destinataire postérieurement au dixième jour qui a suivi son envoi. Or, il n’a pas été démontré que tel aurait été le cas dans la présente affaire.

29      La notification de la décision de la division d’annulation étant ainsi réputée avoir été remise le 15 février 2020, le délai pour le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours expirait, en conformité avec l’article 67, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625, le 15 juin 2020.

30      Le titulaire de la marque ayant déposé ce mémoire le 13 juin 2020, celui-ci était donc recevable.

31      Par conséquent, le premier moyen doit être écarté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625

32      Au point 19 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que le titulaire de la marque avait déposé, devant elle, de nouveaux éléments de preuve de l’usage de la marque contestée. Elle a estimé, aux points 20 et 21 de cette décision, que, conformément à l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et à l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625, elle pouvait accepter la production, pour la première fois devant elle, d’éléments de preuves qui sont pertinents et qui complètent les éléments présentés devant la division d’annulation. Au point 22 de ladite décision, la chambre de recours a considéré que, en l’espèce, lesdits éléments de preuve remplissaient ces conditions, de sorte qu’il convenait de les accepter.

33      La requérante soutient que les éléments de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée, produits par le titulaire de la marque pour la première fois dans son mémoire exposant les motifs du recours, sont irrecevables en application de l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625. Ils ne constitueraient pas de simples compléments de preuves, mais les principaux éléments de preuve produits devant l’EUIPO, leur volume étant quatre fois supérieur à celui des éléments de preuve produits devant la division d’annulation. En outre, ni le titulaire de la marque ni l’EUIPO n’expliquerait les raisons pour lesquelles ces éléments de preuve n’ont pu être produits dans le délai imparti en première instance. Or, rien ne justifierait la production tardive de tels éléments de preuve.

34      L’EUIPO considère que les arguments de la requérante doivent être écartés.

35      Selon l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, l’EUIPO peut ne pas tenir compte des preuves que les parties n’ont pas produites en temps utile.

36      Cependant, l’exercice du pouvoir d’appréciation de l’EUIPO prévu à cette disposition est encadré par l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625 qui vise, conformément au considérant 8 de ce règlement délégué, à fixer avec précision les limites du pouvoir discrétionnaire de l’EUIPO en matière d’examen des preuves déposées tardivement. Selon ledit article 27, paragraphe 4, la chambre de recours peut ainsi accepter des preuves produites pour la première fois devant elle uniquement si ces preuves satisfont à deux conditions. Premièrement, elles « semblent, à première vue, pertinent[e]s pour l’issue de l’affaire ». Deuxièmement, elles « n’ont pas été présenté[e]s en temps utile pour des raisons valables, en particulier lorsqu’[elles] viennent uniquement compléter des faits et preuves pertinents qui avaient déjà été soumis en temps utile, ou sont déposé[e]s pour contester les conclusions tirées ou examinées d’office par la première instance dans la décision objet du recours ».

37      Cette disposition vise à concilier deux impératifs potentiellement contradictoires. D’une part, en effet, il est conforme au principe de bonne administration et à la nécessité d’assurer le bon déroulement et l’efficacité des procédures que les parties se trouvent incitées à respecter les délais qui leur sont impartis par l’EUIPO à l’effet d’instruire une affaire. La circonstance que ce dernier ne puisse prendre en compte les faits et les preuves présentés par les parties en dehors des délais impartis que sous certaines conditions revêt un tel effet incitatif (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 47).

38      D’autre part, en préservant néanmoins la possibilité pour l’instance appelée à trancher le litige de prendre en compte des faits et des preuves tardivement présentés par les parties, un tel pouvoir d’appréciation est, s’agissant d’une procédure de déchéance, de nature à contribuer à éviter que fassent l’objet d’une annulation les marques dont l’usage sérieux pourrait être prouvé devant ladite chambre. Or, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, des raisons de sécurité juridique et de bonne administration militent en ce sens (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 48).

39      En ce qui concerne la première condition énoncée au point 36 ci-dessus, il n’a pas été contesté qu’elle était satisfaite en l’espèce.

40      S’agissant de la deuxième condition mentionnée au point 36 ci-dessus, il convient de rappeler qu’une preuve complémentaire est celle qui se caractérise par un lien avec d’autres preuves déjà présentées au préalable dans le délai imparti et qui vient s’ajouter à ces dernières preuves [voir, en ce sens, arrêts du 14 mai 2019, Guiral Broto/EUIPO – Gastro & Soul (Café del Sol et CAFE DEL SOL), T‑89/18 et T‑90/18, non publié, EU:T:2019:331, point 42, et du 9 septembre 2020, Kludi/EUIPO – Adlon Brand (ADLON), T‑144/19, non publié, EU:T:2020:404, point 56].

41      En l’espèce, il est vrai que le titulaire de la marque a déposé devant la chambre de recours un nombre important d’éléments de preuve concernant l’usage de la marque contestée pour les « minuteurs », qui sont dénommés « compteurs à rebours » dans la décision attaquée (ci-après les « minuteurs »), et pour une application logicielle informatique téléchargeable permettant de télécharger une version électronique de ces minuteurs (ci-après l’« application »). De même, il est constant que ces éléments de preuve auraient pu être produits devant la division d’annulation.

42      Cependant, les éléments de preuve sur lesquels la chambre de recours a fondé ses conclusions visaient à démontrer des faits qui avaient été déjà invoqués devant la division d’annulation et ils ont la même nature que les éléments de preuves qui avaient été soumis, dans le délai imparti, à cette division. En outre, lesdits éléments de preuve ont été déposés afin de contester les conclusions de ladite division, tirées du manque de preuve de l’usage de la marque contestée pour les minuteurs et l’application pendant la période de cinq ans précédant la demande de déchéance, qui allait du 18 février 2014 au 17 février 2019 inclus. Par conséquent, les éléments de preuve produits devant la chambre de recours viennent uniquement compléter des faits et preuves pertinents déjà soumis en temps utile et contester la conclusion de la division d’annulation.

43      Ainsi en est-il, notamment, des éléments de preuve les plus volumineux déposés devant la chambre de recours. Premièrement, l’annexe 3 du mémoire exposant les motifs du recours, qui comprend un échantillon de 100 factures de vente de minuteurs, complète l’annexe 3 déposée devant la division d’annulation, qui comptait déjà quelques exemples de telles factures. Deuxièmement, l’annexe 4 de ce mémoire, qui contient une centaine de courriers électroniques qui émanent de personnes demandant à télécharger l’application, complète l’annexe 5 déposée devant la division d’annulation, qui comprenait des extraits du site Internet du titulaire de la marque, relatifs à la possibilité de télécharger cette application, une liste de personnes ayant effectué des demandes de téléchargement ainsi que plusieurs exemples de telles demandes émanant de différentes personnes. Troisièmement, l’annexe 7 dudit mémoire, qui comprend 21 articles de presse portant sur la technique servant au fonctionnement des minuteurs et sur l’application, complète l’annexe 0 déposée devant la division d’annulation, qui comportait également un certain nombre d’articles de presse portant sur ce sujet.

44      Ensuite, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que le nombre des éléments de preuve présentés pour la première fois devant la chambre de recours est largement supérieur aux éléments de preuve présentés devant la division d’annulation n’est pas de nature à rendre ces éléments irrecevables.

45      En effet, rien dans l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625, dans une autre disposition de ce règlement ou dans le règlement 2017/1001 n’indique qu’il conviendrait de rejeter des éléments de preuve, présentés pour la première fois devant la chambre de recours, lorsque leur nombre ou volume dépasse un certain seuil. Ainsi, si ces éléments remplissent les conditions prévues par ledit article 27, paragraphe 4, la chambre de recours peut les accepter.

46      Dans ces conditions, la chambre de recours a pu estimer à bon droit que les éléments de preuve présentés pour la première fois devant elle complétaient les preuves pertinentes qui avaient déjà été soumises à la division d’annulation et qu’ils n’ont pas été ainsi présentés en temps utile pour des raisons valables.

47      Il s’ensuit que la deuxième condition énoncée à l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625 peut être considérée comme remplie et que c’est, dès lors, à juste titre que la chambre de recours a accepté les éléments de preuve présentés pour la première fois devant elle.

48      Par conséquent, le deuxième moyen doit être écarté.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’absence de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée

49      Aux points 35 à 79 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré qu’il convenait d’examiner l’usage de la marque contestée au regard des indications sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de cette marque pour les produits et services pour lesquels elle est enregistrée.

50      En ce qui concerne la durée de l’usage de la marque contestée pour les minuteurs et l’application relevant de la classe 9, la chambre de recours a observé, au point 35 de la décision attaquée, que cette marque avait été utilisée pour les minuteurs depuis 2013 et que l’application pouvait être téléchargée depuis octobre 2018. S’agissant du lieu de l’usage de ces produits, elle a constaté, au point 37 de cette décision, que les minuteurs avaient été vendus dans 23 États membres et que l’application avait été téléchargée par des clients dans toute l’Union.

51      Aux points 38 à 53 de ladite décision, s’agissant de l’importance de l’usage pour les minuteurs et l’application, la chambre de recours a tout d’abord constaté que les ventes des minuteurs approchaient des 2 700 unités et qu’un tel nombre devait être regardé comme suffisant pour démontrer l’usage sérieux, eu égard au fait que le faible volume global des ventes était compensé par la fréquence de l’usage et la portée territoriale de celui-ci. Ensuite, la chambre de recours a relevé que l’application avait été téléchargée 1 621 fois depuis octobre 2018, principalement par des clients demeurant dans l’Union. Selon elle, ce nombre pouvait être considéré comme significatif et comme démontrant que le titulaire de la marque entendait maintenir une part de marché pour cette application sous la marque contestée.

52      Quant à la nature de l’usage de la marque contestée telle qu’elle est enregistrée, la chambre de recours a considéré, aux points 54 à 79 de la même décision, que les éléments de preuve indiquaient suffisamment la nature de l’usage de ladite marque sous sa forme enregistrée et fonctionnant en tant que marque.

53      En revanche, la chambre de recours a considéré qu’il n’existait pas de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits relevant de la classe 9 autres que les minuteurs et l’application. La chambre de recours a donc conclu que l’usage sérieux de cette marque n’avait été prouvé que pour ces deux produits et que le recours du titulaire de la marque devrait être rejeté s’agissant des autres produits de la classe 9.

54      D’une part, la requérante soutient que le faible nombre de minuteurs vendus ne saurait être considéré comme justifié pour maintenir ou créer des parts de marché pour ces produits. En outre, le nombre de personnes susceptibles d’avoir acheté lesdits produits serait très faible. Selon elle, le titulaire de la marque n’est pas un revendeur de ces mêmes produits, mais se concentre sur la diffusion de la technique de gestion du temps qu’il a mise au point.

55      D’autre part, la requérante considère que l’usage sérieux de la marque quant à l’application n’a pas été non plus démontré, le titulaire de la marque ayant uniquement présenté un site Internet sur lequel figurait une icône intitulée « Demander un logiciel » sans avoir démontré le nombre de téléchargements qu’il revendiquait. De plus, le terme « pomodoro » ne serait employé que pour dénommer le projet de minuteur et il ne serait pas démontré que les demandes de téléchargement soient liées au titulaire de la marque.

56      L’EUIPO considère qu’il convient d’écarter les arguments de la requérante.

57      En premier lieu, dans la mesure où la requérante renvoie à ses observations produites devant la division d’annulation, le 28 août 2019, et à celles produites devant la chambre de recours, le 14 août 2020, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Selon une jurisprudence bien établie, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête elle-même [arrêts du 16 novembre 2017, Nanogate/EUIPO (metals), T‑767/16, non publié, EU:T:2017:809, point 31, et du 8 juillet 2020, Scorify/EUIPO – Scor (SCORIFY), T‑328/19, non publié, EU:T:2020:311 point 20].

58      De même, il n’incombe pas au Tribunal de se substituer aux parties en essayant de rechercher les éléments pertinents dans les documents auxquels elles se réfèrent (arrêts du 16 novembre 2017, metals, T‑767/16, non publié, EU:T:2017:809, point 32, et du 8 juillet 2020, SCORIFY, T‑328/19, non publié, EU:T:2020:311, point 21).

59      Par conséquent, les arguments de la requérante figurant dans les observations qu’elle a présentées au cours de la procédure administrative devant l’EUIPO, auxquelles elle se borne à renvoyer, doivent être rejetés comme étant irrecevables.

60      En deuxième lieu, il convient de relever qu’il n’est pas contesté que la période de cinq ans précédant la demande de déchéance, pour laquelle le titulaire de la marque devait démontrer l’usage sérieux de la marque contestée, allait du 18 février 2014 au 17 février 2019 inclus, comme mentionné au point 33 de la décision attaquée.

61      En ce qui concerne, en troisième lieu, l’importance de l’usage de la marque contestée pour les minuteurs, il ressort de la jurisprudence qu’une marque fait l’objet d’un « usage sérieux » lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque [arrêts du 21 novembre 2013, Recaro/OHMI – Certino Mode (RECARO), T‑524/12, non publié, EU:T:2013:604, point 19, et du 23 septembre 2020, Polfarmex/EUIPO – Kaminski (SYRENA), T‑677/19, non publié, EU:T:2020:424, point 39].

62      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’importance et la fréquence de l’usage de la marque [arrêts du 15 juillet 2015, Deutsche Rockwool Mineralwoll/OHMI – Recticel (λ), T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 22, et du 23 septembre 2020, SYRENA, T‑677/19, non publié, EU:T:2020:424, point 42].

63      L’importance ou l’étendue de l’usage qui a été fait d’une marque dépendent, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part (arrêts du 15 juillet 2015, λ, T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 31, et du 23 septembre 2020, SYRENA, T‑677/19, non publié, EU:T:2020:424, point 45).

64      En l’espèce, le titulaire de la marque a tout d’abord produit, devant la division d’annulation, une déclaration, mentionnée au point 43 de la décision attaquée et à laquelle est annexé un rapport dénommé « Pomodoro Timer Sales Report for the Period 18.02.2014-18.02.2019 » qui indique que 2 765 minuteurs ont été vendus pendant la période mentionnée au point 60 ci-dessus. Ce document distingue selon que ces ventes de minuteurs ont été effectuées à l’unité (9 articles vendus), par lots de huit minuteurs (2 056 articles vendus) ou à l’unité avec un livre sur la méthode développée par lui (700 articles vendus).

65      Ensuite, devant la chambre de recours, le titulaire de la marque a produit un rapport de la plate-forme de commerce électronique « Shopify » (ci-après le « rapport Shopify »), établi pour ladite période, dont il ressort que 970 articles ont été vendus à l’aide de cette plate-forme dans 23 États membres pour une somme totale d’environ 28 000 euros.

66      Enfin, en vue de corroborer les ventes découlant des documents susmentionnés, le titulaire de la marque a produit, toujours devant la chambre de recours, un échantillon de 100 factures, dont la numérotation n’est pas consécutive, relatives aux ventes de 1 645 minuteurs réalisées au cours de la même période dans 23 États membres.

67      Or, en ce qui concerne le caractère probant de ces documents, la requérante ne saurait soutenir qu’il existe une contradiction significative entre les éléments de preuve produits devant la division d’annulation, d’une part, et ceux produits devant la chambre de recours, d’autre part. Certes, au point 45 de la décision attaquée, il est relevé que le rapport Shopify indique un volume de ventes de 970 articles. Cependant, outre que ce volume de ventes pourrait ne représenter qu’une partie des ventes de minuteurs sur la période mentionnée au point 60 ci-dessus, ledit volume de ventes, à savoir 970 articles, s’explique par le fait que ce rapport identifie certaines ventes de lot de huit minuteurs comme un seul article vendu au lieu de huit articles vendus. En effet, il ressort du rapport « Pomodoro Timer Sales Report for the Period 18.02.2014-18.02.2019 », produit devant la division d’annulation, que chaque vente de lots de huit minuteurs se voit attribuer un code, à savoir 002-001-G-S, et que 2 056 minuteurs ont été vendus par lots de huit. Or, le même code se retrouve également dans le rapport Shopify pour identifier la vente de 258 articles, lesquels, s’agissant de lots de huit minuteurs, impliquent la vente de 2 064 minuteurs.

68      Il s’ensuit qu’il n’existe pas de contradiction significative entre les éléments de preuve produits au cours de la procédure devant l’EUIPO.

69      En outre, en dehors de l’argument lié à une telle contradiction, la requérante n’a présenté aucun autre élément mettant en cause le caractère probant des documents mentionnés aux points 64 à 66 ci-dessus.

70      Dans ces conditions, il convient de considérer que, ainsi que cela apparaît au point 43 de la décision attaquée, le titulaire de la marque a suffisamment établi qu’il avait vendu environ 2 700 minuteurs au cours de la période mentionnée au point 60 ci-dessus, ces ventes couvrant l’ensemble de cette période et étant réalisées dans 23 États membres.

71      Certes, ce volume de ventes n’apparaît pas comme étant très significatif.

72      Néanmoins, le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous une marque ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché, de sorte qu’il n’est pas nécessaire que l’usage d’une marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux, un usage même minime pouvant donc être suffisant pour être qualifié de sérieux, à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque (arrêts du 15 juillet 2015, λ, T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 32, et du 23 septembre 2020, SYRENA, T‑677/19, non publié, EU:T:2020:424, point 46).

73      Or, en l’espèce, ledit volume de ventes a été réalisé pour des produits spécifiques, lesquels ne sont pas de consommation courante, à savoir les minuteurs, dans le secteur de la vente au détail par Internet. Ensuite, ce volume a été atteint pendant les premières années de commercialisation de ces produits, celle-ci ayant débuté en 2013. En outre, étant donné que les minuteurs ont été vendus dans 23 États membres pendant toute la période mentionnée au point 60 ci-dessus, ces ventes avaient une grande constance dans le temps et une large étendue territoriale.

74      Ces circonstances compensent ainsi le faible volume de minuteurs commercialisés, de sorte qu’un tel volume peut être donc considéré comme suffisant, dans le secteur de la vente au détail par Internet, pour maintenir ou créer des parts de marché pour ces produits, étant entendu que l’exigence selon laquelle la marque doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [arrêt du 10 juin 2020, Leinfelder Uhren München/EUIPO – Schafft (Leinfelder), T‑577/19, non publié, EU:T:2020:259, point 24].

75      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel le nombre de personnes ayant acheté des minuteurs – soit à l’unité, soit par lots de huit, soit avec un livre – s’élève à moins de 200 personnes par an. Une telle circonstance n’est pas de nature à démontrer à elle seule que la marque contestée n’aurait pas fait l’objet d’un usage sérieux, puisque, d’une part, un tel chiffre n’est pas négligeable et, d’autre part, le constat d’un tel usage résulte d’une appréciation globale qui tient compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 2015, λ, T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 23, et du 23 septembre 2020, SYRENA, T‑677/19, non publié, EU:T:2020:424, point 43), notamment de la grande constance dans le temps de l’usage de cette marque, ce qui implique une certaine interdépendance de ces facteurs, comme cela est le cas en l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 73 ci-dessus. À cet égard, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement (voir arrêts du 15 juillet 2015, λ, T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 23 et jurisprudence citée, ainsi que du 23 septembre 2020, SYRENA, T‑677/19, non publié, EU:T:2020:424, point 43).

76      De même, si la requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur en classant les minuteurs en tant que « compteurs à rebours » au lieu de les classer comme « minuteurs de cuisine, non électriques », elle n’apporte aucune précision de nature à éclairer le Tribunal sur l’incidence d’une telle erreur, à la supposer établie, sur la légalité de la décision attaquée.

77      En quatrième lieu, s’agissant de l’usage sérieux de l’application, il convient tout d’abord de constater que, contrairement à ce que la requérante affirme, le titulaire de la marque n’a pas prouvé cet usage uniquement en présentant la page d’un site Internet sur laquelle figurerait une icône à l’aide de laquelle il est possible de demander le téléchargement de l’application.

78      En effet, ce titulaire a également soumis, dans l’annexe 4 de son mémoire exposant les motifs du recours, un relevé du nombre de téléchargements de l’application qui émane du service de messagerie électronique Gmail dont il ressort que 1 621 demandes de téléchargements ont été effectuées au cours de la période mentionnée au point 60 ci-dessus.

79      En outre, ainsi que la chambre de recours l’a relevé au point 49 de la décision attaquée, le titulaire de la marque a soumis à ladite chambre un échantillon d’une centaine de demandes de téléchargement de l’application qui vise à corroborer ce volume de 1 621 demandes.

80      Tout comme l’EUIPO le relève, d’une part, un tel échantillon est suffisamment important et fiable pour corroborer le fait que le téléchargement de l’application a été demandé 1 621 fois. D’autre part, la très forte proportion, au sein de cet échantillon, de demandes de téléchargement émanant de personnes demeurant ou établies dans l’Union, à savoir 99 %, corrobore l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le téléchargement de cette application avait été effectué principalement par des clients « dans l’Union ».

81      Or, la requérante n’a pas apporté d’éléments susceptibles de remettre en cause le caractère probant de ces éléments de preuve.

82      En effet, elle se borne à affirmer qu’il n’y a eu aucun téléchargement de l’application à partir du site Internet du titulaire de la marque, dès lors qu’il était nécessaire d’envoyer une demande de téléchargement par courrier électronique.

83      Cependant, un tel fait n’est pas susceptible, par lui-même, de démontrer l’absence de téléchargements de l’application, puisque rien ne s’oppose à ce qu’un tel téléchargement soit soumis à une autorisation préalable du titulaire de la marque.

84      Dans ces conditions, il convient de considérer que, au cours de la période mentionnée au point 60 ci-dessus, la marque contestée a été utilisée aux fins de l’exploitation de l’application, laquelle a fait l’objet de 1 621 demandes de téléchargements, et ce principalement dans l’Union.

85      Or, bien que ce volume ne soit pas particulièrement significatif, il n’est pas non plus symbolique. En effet, eu égard aux usages considérés comme justifiés dans le secteur de la vente par Internet d’applications informatiques téléchargeables pour maintenir ou créer des parts de marché au profit de tels produits, un tel volume, provenant principalement d’États membres, doit être considéré comme suffisamment important pour démontrer la fréquence et l’étendue territoriale de l’usage de la marque contestée dans la commercialisation de l’application, plus particulièrement dans un contexte où, comme il ressort du point 35 de la décision attaquée, cette application ne pouvait être téléchargée que depuis octobre 2018, soit pendant moins de six mois au cours de la période mentionnée au point 60 ci-dessus.

86      Ensuite, l’usage de la marque contestée pour l’application ne saurait être mis en cause, comme le soutient la requérante, au motif que cette marque aurait été utilisée, dans ce but, sous la forme « Pomodoro Timer Project – Request Software ».

87      En effet, la preuve de l’usage sérieux d’une marque, dans le cadre d’une procédure d’annulation, comprend également la preuve de l’utilisation de cette marque sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de ladite marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée. À cet égard, il importe de souligner que l’objectif de l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement 2017/1001, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2015, λ, T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 27 et jurisprudence citée).

88      Or, en l’espèce, il est constant que la marque contestée figurait sur les demandes de téléchargement de l’application, accompagnée d’autres termes comme « technique », « timer » et « project », lesquels doivent être considérés, ainsi que la chambre de recours l’a relevé au point 61 de la décision attaquée, comme des ajouts de nature descriptive qui n’altèrent pas le caractère distinctif de la marque contestée. À cet égard, la circonstance qu’il ne serait pas prouvé que les téléchargements de l’application aient été effectivement réalisés n’est pas susceptible de remettre en cause la preuve de l’usage de la marque contestée apportée par les documents se référant aux demandes de téléchargement et, plus largement, au site Internet du titulaire de la marque, puisqu’il est suffisant que l’usage de la marque porte sur des produits dont la commercialisation, préparée par l’entreprise en vue de la conquête d’une clientèle, est imminente.

89      Enfin, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir démontré le lien entre différents éléments de preuve produits devant cette dernière et le titulaire de la marque, en ce que certains de ces éléments, qui proviennent de tiers, viseraient une société Cirillo Consulting GmbH et non ledit titulaire. Il en irait ainsi des demandes de téléchargement de l’application et du témoignage figurant en annexe 6 du mémoire exposant les motifs du recours, par lequel un ingénieur expose des projets d’adaptation du site Internet du titulaire de la marque à partir duquel ces téléchargements peuvent avoir lieu.

90      À cet égard, il suffit de rappeler que l’usage de la marque par une société économiquement liée au titulaire de la marque est présumé être un usage de ladite marque fait avec le consentement du titulaire et est donc à considérer comme fait par le titulaire, conformément à l’article 18, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 [arrêts du 17 février 2011, J & F Participações/OHMI – Plusfood Wrexham (Friboi), T‑324/09, non publié, EU:T:2011:47, point 32, et du 30 janvier 2015, Now Wireless/OHMI – Starbucks (HK) (now), T‑278/13, non publié, EU:T:2015:57, point 38].

91      Or, il ressort de l’examen des différents éléments de preuve produits par le titulaire de la marque, notamment de l’en-tête des factures de vente de minuteurs, que celui-ci est le gérant de la société Cirillo Consulting et de la société FC-Garage GmbH, qui apparaissent comme les entités commercialisant tant les minuteurs que l’application auprès du public, de tels éléments démontrant que l’usage de la marque contestée est tourné vers l’extérieur et non pas effectué seulement au sein de l’entreprise du titulaire de la marque (voir, en ce sens, arrêts du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 39, et du 23 septembre 2020, SYRENA, T‑677/19, non publié, EU:T:2020:424, point 41).

92      Dès lors, l’usage de la marque contestée par ces deux sociétés, que ce soit pour la commercialisation des minuteurs ou pour celle de l’application, est présumé être un usage de cette marque fait avec le consentement de son titulaire.

93      Il découle de tout ce qui précède qu’il convient d’écarter le troisième moyen et, avec lui, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

94      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, la requérante a succombé et l’EUIPO a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens dans la présente procédure. Par suite, il y a lieu de condamner la requérante à supporter, outre ses propres dépens, l’intégralité des dépens exposés par l’EUIPO au titre de la présente procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Masterbuilders, Heiermann, Schmidtmann GbR supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) aux fins de la procédure devant le Tribunal.

Kornezov

Buttigieg

Petrlík

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 janvier 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.