Language of document : ECLI:EU:T:2022:24

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

26 janvier 2022 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée pour une durée indéterminée – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑586/20,

MN, représenté par Me S. Orlandi, avocat,

partie requérante,

contre

Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol), représentée par M. A. Nunzi, Mmes O. Sajin et C. Falmagne, en qualité d’agents, assistés de Mes D. Waelbroeck et A. Duron, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision d’Europol du 6 mars 2020 de ne pas renouveler le contrat de travail du requérant pour une durée indéterminée et, d’autre part, à la réparation du préjudice moral que celui-ci aurait subi de ce fait,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de MM. R. da Silva Passos, président, V. Valančius (rapporteur) et M. Sampol Pucurull, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 16 septembre 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, MN, a été recruté le 1er mai 2011 par l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol) en qualité d’agent temporaire, au grade AD 5, en application de l’article 2, sous a), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») pour occuper, pour une période de cinq ans renouvelable, un poste non restreint, à savoir un poste qui n’est pas pourvu par du personnel engagé auprès des services nationaux.

2        Après l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2014, du règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (JO 2013, L 287, p. 15), le contrat du requérant a été transformé en contrat d’agent temporaire au sens de l’article 2, sous f), du RAA.

3        En 2015, le requérant a été reclassé au grade AD 6 au cours de l’exercice de reclassement 2015.

4        Le 1er mai 2016, le contrat du requérant a été renouvelé pour une période de quatre ans prenant fin le 30 avril 2020.

5        Le 4 septembre 2019, la procédure de renouvellement du contrat du requérant par un contrat à durée indéterminée a été lancée, conformément aux règles applicables au sein d’Europol.

6        Le 30 septembre 2019, le supérieur hiérarchique du requérant a recommandé le renouvellement de son contrat par un contrat à durée indéterminée en complétant la section 2 du formulaire de renouvellement dudit contrat, dédiée à l’évaluation des performances de l’agent concerné. Le 1er octobre 2019, l’adjoint de la directrice exécutive chargé de la direction à laquelle le requérant était rattaché a proposé le renouvellement de son contrat pour une durée indéterminée.

7        Le 10 janvier 2020, le chef de l’unité des ressources humaines a rempli la section 3 du formulaire de renouvellement du contrat en y précisant ce qui suit :

« [L]es informations fournies dans la section 2 sur le niveau de performance du [requérant] sont cohérentes avec les informations contenues dans son dossier personnel en ce qui concerne les évaluations à partir de 2015. Toutefois, ces informations ne sont pas cohérentes lorsqu’il est tenu compte des informations disponibles dans les rapports d’évaluation annuels de 2012-2014, dans lesquels l’évaluation des performances a été jugée “bonne”. »

8        Le 16 janvier 2020, le requérant a formulé des commentaires en réponse aux observations du chef de l’unité des ressources humaines. Il a, notamment, contesté la légitimité de ces observations, l’interprétation des mérites ne relevant pas, selon lui, de la compétence du chef de l’unité des ressources humaines.

9        Le 19 février 2020, la directrice exécutive, en sa qualité d’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement d’Europol (ci-après l’« AHCC »), a informé le requérant de son intention de ne pas renouveler son contrat par un contrat à durée indéterminée, en précisant que la régularité des « performances élevées » du requérant « n’[était] pas suffisamment démontrée par [ses] évaluations annuelles ».

10      Le 6 mars 2020, l’AHCC a adopté la décision de ne pas renouveler le contrat du requérant par un contrat à durée indéterminée (ci-après la « décision attaquée »). Par lettre du 11 mars 2020, cette décision a été notifiée au requérant.

11      Par lettre du 10 avril 2020, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne à l’encontre de la décision attaquée.

12      Par décision du 29 juin 2020, Europol a rejeté la réclamation du requérant.

 Procédure et conclusions des parties

13      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 24 septembre 2020, le requérant a formé le présent recours.

14      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, en application de l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, le requérant a demandé le bénéfice de l’anonymat. Par décision du 26 novembre 2020, le Tribunal (septième chambre) a fait droit à cette demande.

15      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a invité les parties à répondre à plusieurs questions. Les réponses à ces questions ont été produites dans le délai imparti.

16      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 16 septembre 2021.

17      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner Europol à lui verser la somme de 25 000 euros à titre de réparation du préjudice moral prétendument subi ;

–        condamner Europol aux dépens.

18      Europol conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme partiellement irrecevable et comme non fondé dans son intégralité ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation

19      À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant soulève deux moyens, tirés, premièrement, d’une exception d’illégalité de l’article 4, paragraphe 3, de la décision du 28 mars 2019 de la directrice exécutive d’Europol relative à la durée des contrats de travail des agents temporaires engagés au titre de l’article 2, sous f), du RAA (ci-après la « décision du 28 mars 2019 ») et, plus particulièrement, du critère subordonnant le renouvellement d’un contrat pour une durée indéterminée à la preuve d’une performance « constamment élevée » (consistently high performance) de l’agent concerné (ci-après le « critère litigieux ») et, deuxièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation portant sur l’évaluation de ses mérites.

20      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, lors de l’audience, le requérant a renoncé à son premier moyen, tiré de l’illégalité de l’article 4, paragraphe 3, de la décision du 28 mars 2019 et du critère litigieux. Il en a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

21      Il s’ensuit que seul le moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation doit être examiné.

22      Le requérant fait valoir qu’Europol a commis une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où l’AHCC a, à tort, considéré que ses performances professionnelles, relatives à la période comprise entre 2012 et 2014, n’étaient pas « élevées ».

23      En premier lieu, le requérant soutient qu’il a satisfait au critère litigieux exigé pour le renouvellement d’un contrat pour une durée indéterminée, au vu de ses rapports d’évaluation, qui démontrent un niveau élevé de compétence et de rendement.

24      Le requérant allègue que l’AHCC s’est limitée à constater que, au début de sa carrière, il pouvait améliorer ses performances dans l’exercice de ses fonctions, ce qui ressort du contenu des trois premiers rapports d’évaluation établis entre 2012 et 2014, lesquels lui attribuent une note globale qualifiée de « bonne ».

25      Premièrement, le requérant se réfère au rapport d’évaluation pour l’année 2011, établi en 2012, dans lequel il a obtenu une note « remarquable », treize notes « très bonnes » et neuf notes « bonnes ». Le requérant souligne que les qualités qu’il avait démontrées étaient toutes égales ou supérieures à celles requises pour exercer les fonctions relatives au poste qu’il occupait, ce qui a justifié qu’il a été maintenu à ce poste.

26      Deuxièmement, le requérant se réfère au rapport d’évaluation pour l’année 2012, établi en 2013, contenant douze notes « très bonnes » et seize notes « bonnes », ce qui signifie, de son point de vue, qu’il a accompli ses fonctions à un niveau égal ou supérieur au niveau attendu d’un agent débutant sa carrière au grade AD 5.

27      Troisièmement, le requérant se réfère au rapport d’évaluation pour l’année 2013, établi en 2014. Celui-ci contient neuf notes « très bonnes » et quinze notes « bonnes », qui témoignent, selon lui, de l’accomplissement de ses fonctions à un niveau égal ou supérieur au niveau attendu d’un agent temporaire au grade AD 5 ainsi que de la constance de ses mérites.

28      Le requérant soutient que ses prestations ont toujours été évaluées très positivement et qu’il est devenu un élément essentiel du service. En outre, il souligne qu’il n’a jamais obtenu une note inférieure à « bonne » et que son niveau de performance s’est progressivement et continuellement amélioré. En tout état de cause, le requérant soutient que les appréciations plus récentes sont manifestement plus pertinentes que les plus anciennes aux fins d’examiner les possibilités de renouvellement d’un contrat par un contrat à durée indéterminée. Dès lors, la décision de l’AHCC, fondée sur ses trois premiers rapports d’évaluation, est entachée d’erreurs manifestes d’appréciation.

29      Le requérant ajoute qu’il ressort de la jurisprudence et de la pratique des institutions de l’Union européenne que le niveau de performance apprécié dans les rapports d’évaluation attribuant la note « bonne » correspond à un niveau élevé.

30      En outre, selon le requérant, il est incohérent d’affirmer que les mérites qui ont justifié sa titularisation à l’issue de sa période de stage ou son reclassement en 2015 ne permettraient pas le renouvellement de son contrat.

31      En second lieu, le requérant soutient que l’AHCC n’a pas consulté ses supérieurs hiérarchiques directs afin de dissiper les doutes portant sur le niveau de ses performances au début de sa carrière, de sorte que c’est sur la base d’une lecture formelle et partielle des rapports d’évaluation que l’AHCC a conclu que ses mérites étaient insuffisants.

32      Selon le requérant, la décision de l’AHCC de ne pas renouveler son contrat par un contrat à durée indéterminée est contraire aux recommandations de ses supérieurs hiérarchiques. Il fait valoir que l’AHCC est soumise à un devoir de motivation lorsqu’elle abaisse la note d’un fonctionnaire par rapport à l’évaluation antérieure.

33      Europol conteste l’argumentation du requérant.

34      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la possibilité de renouveler un contrat d’agent temporaire constitue une simple possibilité laissée à l’appréciation de l’autorité compétente, les institutions disposant d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services, en fonction des missions qui leur sont dévolues, et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service (arrêts du 10 octobre 2014, EMA/BU, T‑444/13 P, EU:T:2014:865, point 28, et du 17 janvier 2017, LP/Europol, T‑719/15 P, non publié, EU:T:2017:7, point 59). Cette jurisprudence apparaît d’autant plus pertinente lorsqu’il s’agit, comme dans le cas d’espèce, de remplacer un contrat à durée déterminée par un contrat à durée indéterminée, qui crée un lien plus stable et sans limite de temps entre l’institution et l’agent concerné.

35      À cet égard, il convient de relever que, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dévolu aux institutions au sujet du renouvellement des contrats, le contrôle du juge est limité à la vérification de l’absence d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir (voir arrêt du 24 novembre 2015, Commission/D’Agostino, T‑670/13 P, EU:T:2015:877, point 32 et jurisprudence citée). Par ailleurs, une erreur peut seulement être qualifiée de manifeste lorsqu’elle est aisément perceptible et peut être détectée à l’évidence, à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner l’exercice par l’administration de son pouvoir d’appréciation (voir arrêt du 11 novembre 2020, AD/ECHA, T‑25/19, non publié, EU:T:2020:536, point 94 et jurisprudence citée).

36      Établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision prise sur la base de cette appréciation suppose donc que les éléments de preuve, qu’il incombe à la partie requérante d’apporter, soient suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut toujours être admise comme justifiée et cohérente (voir arrêt du 13 décembre 2017, HQ/OCVV, T‑592/16, non publié, EU:T:2017:897, point 31 et jurisprudence citée).

37      Par ailleurs, à la différence des fonctionnaires, dont la stabilité d’emploi est garantie par le statut des fonctionnaires de l’Union européenne, les agents temporaires relèvent d’un autre régime, à la base duquel se trouve le contrat d’emploi conclu avec l’institution concernée. Il ressort de l’article 47, paragraphe 1, sous b), du RAA que la durée de la relation de travail entre une institution et un agent temporaire engagé à durée déterminée est, précisément, régie par les conditions établies dans le contrat conclu entre les parties (arrêt du 13 décembre 2018, Wahlström/Frontex, T‑591/16, non publié, EU:T:2018:938, point 46).

38      Toutefois, il convient de relever que, lorsqu’une administration a, par directive interne, adopté un régime spécifique, destiné en particulier à garantir la transparence du processus de renouvellement des contrats ainsi que l’application correcte de certaines conditions de procédure, ce régime s’analyse comme une autolimitation du pouvoir d’appréciation de l’institution, dont l’administration ne peut s’écarter, sous peine d’enfreindre le principe d’égalité de traitement, qu’en précisant clairement les raisons pouvant justifier ce changement (arrêt du 26 septembre 2017, Hanschmann/Europol, T‑562/16, non publié, EU:T:2017:664, point 67).

39      Ainsi, la décision du 28 mars 2019, qui définit la politique générale d’Europol en matière de renouvellement des contrats, constitue une directive interne au sens de la jurisprudence citée au point 38 ci-dessus. L’article 4 de cette décision a pour effet de mettre en place un régime spécifique énonçant le principe du renouvellement des contrats pour une durée indéterminée sous certaines conditions, parmi lesquelles les performances d’un agent, qui, évaluées sur la base des rapports d’évaluation, doivent satisfaire au critère litigieux.

40      Il convient de relever que le critère litigieux n’est pas défini avec précision dans la décision du 28 mars 2019. Cependant, interrogées à ce sujet par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure et à l’audience, les parties sont convenues que ce critère signifiait que les performances de l’agent devaient être régulièrement et continuellement élevées, ce qui autoriserait des fluctuations restreintes du niveau de performance, pendant une période limitée, à condition que celles-ci n’affectent pas le schéma prédominant de performance élevée de l’agent concerné.

41      À cet égard, aucune limite n’étant fixée et eu égard au large pouvoir d’appréciation reconnu à l’AHCC par la jurisprudence citée au point 34 ci-dessus, Europol était en droit de prendre en compte les informations contenues dans le dossier personnel du requérant depuis sa prise de fonctions auprès de cette agence, afin de vérifier si la performance de celui-ci satisfaisait au critère litigieux et en vue d’offrir des contrats à durée indéterminée aux agents les plus méritants et d’assurer ainsi l’intérêt du service.

42      Dans le cadre de cet examen comparatif des mérites, Europol était en droit de prendre en considération tous les rapports d’évaluation, aussi bien ceux établis au début de la carrière du requérant que ceux qui portaient sur les périodes plus récentes et proches de la procédure de renouvellement.

43      Une telle approche garantit, en outre, le respect des principes d’égalité et de non-discrimination, chaque agent temporaire engagé en vertu de l’article 2, sous f), du RAA étant évalué au vu de ses performances depuis le jour de son entrée en fonctions auprès d’Europol.

44      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que celle-ci est fondée, en substance, sur le constat selon lequel quatre rapports d’évaluation du requérant sur un total de neuf années d’emploi n’atteignaient pas le seuil de performance requis pour l’octroi d’un contrat à durée indéterminée.

45      À cet égard, il ressort de la décision attaquée que la nécessité d’améliorer les compétences essentielles du requérant a été abordée à plusieurs reprises dans les rapports d’évaluation portant sur les années 2012 à 2014. En outre, même si la décision attaquée relève une amélioration dans le rapport d’évaluation de l’année 2015, il n’en demeure pas moins que l’analyse qualitative de tous les rapports d’évaluation ne permet pas d’établir que le requérant a fait preuve, depuis son entrée en fonctions, d’une performance conforme au critère litigieux.

46      Cette appréciation, contestée par le requérant, peut être considérée comme justifiée et cohérente, en dépit des éléments avancés par ce dernier.

47      Premièrement, s’agissant du grief selon lequel Europol aurait, à tort, considéré que les mérites du requérant au titre des années 2011 à 2013 n’étaient pas élevés, force est de constater que la note globale des rapports d’évaluation du requérant portant sur lesdites années n’était pas « remarquable » ni « très bonne », mais seulement « bonne ».

48      Certes, le requérant prétend que, selon la jurisprudence, la note « bonne » correspond à un niveau « élevé ».

49      Toutefois, chaque institution adopte des règles d’évaluation de son personnel qui lui sont propres. En l’espèce, les évaluations du requérant portant sur les années 2011 à 2013 ont été menées conformément à la décision du conseil d’administration d’Europol, en date du 7 octobre 2011, relative au processus d’évaluation du personnel, selon laquelle l’appréciation « remarquable » est décernée lorsque la performance de l’agent évalué est fréquemment supérieure au niveau requis pour le poste, l’appréciation « très bon », lorsque la performance est supérieure au niveau requis, l’appréciation « bon », lorsque la performance correspond au niveau requis pour le poste occupé, l’appréciation « en dessous de moyen », lorsque la performance se situe en dessous du niveau requis, et l’appréciation « insuffisant », lorsque la performance est sensiblement inférieure au niveau requis.

50      Il en résulte que la note globale « bonne » ne correspond pas à une performance « élevée », à savoir allant au-delà de ce qui est attendu ou requis pour l’exercice des fonctions dans le poste. En effet, la performance aurait dû être considérée comme « élevée » dans l’hypothèse où le requérant aurait reçu l’appréciation globale « très bonne » ou « remarquable », ce qui n’est pas le cas.

51      Certes, ainsi qu’il ressort des rapports d’évaluation portant sur les années 2011 à 2013, le requérant a obtenu plusieurs notes qualifiées de « très bonnes ».

52      Toutefois, les compétences essentielles pour un juriste, à savoir les capacités d’analyse juridique, les compétences organisationnelles et les connaissances de la législation de l’Union, ont été évaluées dans ces rapports comme devant être encore améliorées.

53      En particulier, l’analyse qualitative du rapport d’évaluation relatif à l’année 2014 montre que, même si les prestations du requérant ont été considérées comme « satisfaisantes », les connaissances de la législation de l’Union, les compétences organisationnelles et les capacités d’analyse juridique ont été identifiées comme nécessitant une amélioration. Il en ressort que les performances du requérant pendant l’année 2014 ne peuvent pas non plus être regardées comme « élevées ».

54      Dans les rapports d’évaluation subséquents, à savoir à partir de 2016, les compétences essentielles, à savoir les compétences analytiques, les compétences organisationnelles et les connaissances de la législation de l’Union ont été régulièrement mentionnées comme « continuant de s’accroître », ce qui montre que le travail du requérant en ce qui concerne lesdites performances ne correspondait pas aux attentes de ses supérieurs.

55      Certes, les performances du requérant ont progressé pour atteindre, en 2015, le niveau « élevé ». Toutefois, il convient de souligner que, selon le critère litigieux, les performances de l’agent concerné doivent être « constamment élevées », ce qui ne s’est pas vérifié pour les rapports d’évaluation relatifs aux années antérieures.

56      En outre, ainsi qu’il ressort du dossier, le requérant est le seul agent dont le contrat n’a pas été renouvelé pour une période indéterminée à avoir obtenu trois rapports d’évaluation successifs dont la note globale correspondait au niveau « bon », en lien avec des compétences essentielles pour sa fonction, sur une période de neuf années d’emploi.

57      Deuxièmement, concernant le maintien du requérant à son poste à l’issue de sa période de stage, il convient de rappeler que, selon l’article 14 du RAA, un agent temporaire est maintenu à son poste s’il fait preuve pendant une période de stage en principe de neuf mois de « qualités professionnelles suffisantes » et d’une « conduite appropriée ». En revanche, la procédure portant sur le renouvellement du contrat d’un agent temporaire d’Europol pour une durée indéterminée a une nature différente, ce qui explique que la performance soit évaluée pendant plusieurs années afin de démontrer l’existence d’un schéma de performance « constamment élevée ».

58      Ainsi, le requérant ne peut valablement prétendre que le maintien à son poste à l’issue de sa période de stage démontrerait qu’il remplissait les conditions requises pour obtenir un contrat à durée indéterminée.

59      Troisièmement, quant à l’argument du requérant selon lequel le fait qu’il a été reclassé au grade supérieur au cours de l’exercice de reclassement de l’année 2015 impliquerait nécessairement une performance élevée entre 2011 et 2015, il convient de constater que, ainsi que l’affirme Europol, le reclassement est un processus comparatif et dépend largement de la qualité et de la taille du groupe d’agents éligibles au même grade. Le fait que le requérant a été considéré comme méritant le reclassement au grade supérieur au cours de l’exercice de reclassement de l’année 2015 ne démontre pas que son niveau de performance correspondait au niveau requis pour le renouvellement de son contrat pour une durée indéterminée.

60      Ainsi, il résulte de tout ce qui précède que, pendant quatre années sur une période de neuf années d’emploi, les performances du requérant n’ont pas atteint le niveau « élevé », de sorte qu’il ne saurait être reproché à Europol d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en décidant de ne pas renouveler son contrat à durée déterminée par un contrat à durée indéterminée.

61      Cette appréciation ne saurait être remise en cause par le fait que les supérieurs hiérarchiques du requérant ont recommandé de renouveler son contrat pour une durée indéterminée.

62      En effet, selon la procédure de renouvellement des contrats prévue par Europol, les supérieurs hiérarchiques soumettent une recommandation à l’unité des ressources humaines, laquelle contrôle la cohérence globale de cette recommandation avec le contenu du dossier de l’agent concerné. L’AHCC prend en considération la contribution de l’unité des ressources humaines et prend la décision finale en tenant compte de l’intérêt du service.

63      La recommandation des supérieurs hiérarchiques ne revêtant pas un caractère contraignant, l’AHCC regarde tous les éléments disponibles dans le dossier, à savoir ladite recommandation, les observations de l’unité des ressources humaines, les commentaires de l’agent concerné et ses rapports d’évaluation, avant de prendre une décision définitive.

64      C’est ainsi que, en l’espèce, l’AHCC a estimé, en tenant compte de ces informations, que quatre des neuf rapports d’évaluation avaient mis en évidence un niveau de performance qui ne pouvait être considéré comme satisfaisant le critère litigieux.

65      Quatrièmement, concernant le grief tiré de ce que l’AHCC n’a pas consulté les supérieurs hiérarchiques du requérant au sujet des doutes qu’elle était susceptible d’éprouver quant au niveau de performance de celui-ci, il convient de souligner, d’une part, qu’il ne ressort pas du dossier que l’AHCC aurait eu de tels « doutes », comme le prétend le requérant, et, d’autre part, qu’elle a tenu compte des recommandations des supérieurs hiérarchiques, comme il sera démontré ci-après.

66      En effet, même s’il n’est pas contesté par Europol que l’AHCC n’a pas consulté les supérieurs hiérarchiques du requérant, il s’avère néanmoins, à la lecture de la décision attaquée, que l’AHCC a tenu compte de l’analyse effectuée par l’évaluateur du requérant ainsi que de la recommandation formulée par l’adjoint de la directrice exécutive chargé de la direction dans laquelle travaillait le requérant. En effet, il convient de constater que c’est sur la base des appréciations contenues dans les rapports d’évaluation du requérant concernant les résultats professionnels antérieurs que l’AHCC a décidé de ne pas renouveler son contrat par un contrat à durée indéterminée.

67      À cet égard, le requérant conteste les conclusions que l’AHCC a tirées de ses rapports d’évaluation et reproche à celle-ci d’avoir usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée, en fondant la décision attaquée sur certaines remarques figurant dans lesdits rapports concernant ses capacités d’analyse juridique, ses compétences organisationnelles et sa connaissance de la législation de l’Union.

68      Il ressort de la décision attaquée que l’AHCC a pris en compte les notes globales attribuées et les commentaires insérés dans les rapports d’évaluation par l’évaluateur et le validateur. En effet, c’est au vu des remarques de ces derniers que l’AHCC a jugé que les performances du requérant n’atteignaient pas un niveau « élevé » pendant quatre années sur une période de neuf années d’emploi, et qu’elle en a conclu que le critère litigieux n’était pas satisfait dans son cas.

69      Par ailleurs, il ressort clairement de la décision attaquée que l’AHCC se fonde sur toutes les informations fournies, tant par les supérieurs hiérarchiques que par les commentaires formulés dans les rapports d’évaluation du requérant, et que, nonobstant les commentaires positifs, ces derniers demeurent insuffisants au regard du schéma prédominant de performance du requérant.

70      Cinquièmement, quant à l’allégation du requérant selon laquelle une décision doit être motivée lorsqu’elle abaisse la note d’un fonctionnaire par rapport à l’évaluation antérieure, il convient de constater que l’AHCC n’a pas abaissé la note du requérant. Elle a simplement tenu compte des appréciations mentionnées dans les rapports d’évaluation pour conclure que le critère litigieux n’était pas satisfait en l’espèce.

71      À la lumière de ces remarques, et compte tenu du large pouvoir d’appréciation de l’AHCC en matière de renouvellement des contrats à durée déterminée par des contrats à durée indéterminée, il apparaît que, même si les rapports d’évaluation des années 2011 à 2013 du requérant contenaient également des appréciations positives sur ses performances, et nonobstant les appréciations positives de ses supérieurs hiérarchiques, il ne peut être reproché à Europol d’avoir, en considérant que les performances du requérant ne satisfaisaient pas au critère litigieux, entaché la décision attaquée d’une erreur manifeste d’appréciation.

72      Compte tenu de ce qui précède, force est de constater que le requérant n’est pas parvenu à démontrer que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

73      Il s’ensuit que le moyen tiré de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation doit être rejeté comme dépourvu de tout fondement.

 Sur les conclusions indemnitaires

74      Au soutien de sa demande en indemnité, le requérant fait valoir qu’il a subi un préjudice moral s’élevant à la somme de 25 000 euros.

75      À cet égard, le requérant fait valoir que la décision attaquée a été prise six semaines avant l’expiration de son contrat et dans un contexte de crise sanitaire. À la suite de l’expiration de son contrat, il se serait retrouvé dans une situation de stress et d’incertitude et dans l’impossibilité de retourner dans son pays d’origine à cause de la crise sanitaire. En outre, selon lui, la décision attaquée comporte une appréciation négative de ses capacités à s’acquitter de ses fonctions qui est de nature à le blesser et à lui causer un important préjudice moral.

76      Selon Europol, il convient de rejeter la demande indemnitaire du requérant.

77      Il suffit, d’emblée, de rappeler que les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées, soit comme étant irrecevables, soit comme étant non fondées (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 202 et jurisprudence citée).

78      Dans la mesure où, en l’espèce, le préjudice moral invoqué par le requérant a un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont été rejetées, il y a lieu, par conséquent, de rejeter également ses conclusions indemnitaires, conformément à la jurisprudence citée au point 77 ci-dessus.

79      Il résulte de l’ensemble des appréciations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par Europol.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions d’Europol.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      MN est condamné aux dépens.

da Silva Passos

Valančius

Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 janvier 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.