Language of document : ECLI:EU:T:2022:21

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

26 janvier 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale SOILXPLORER – Motif absolu de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑300/21,

CNH Industrial NV, établie à Amsterdam (Pays-Bas), représentée par Me L. Axel Karnøe Søndergaard, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. V. Ruzek, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 26 mars 2021 (affaire R 386/2021-5), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal SOILXPLORER comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann (rapporteur), président, U. Öberg et Mme M. Brkan, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 27 mai 2021,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 23 août 2021,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 30 mars 2020, la requérante, CNH Industrial NV, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal SOILXPLORER.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 7 et 9 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 7 : « Machines agricoles pour la cartographie des sols et pour la détection, la surveillance et l’analyse des sols ; et pièces y afférentes » ;

–        classe 9 : « Capteurs électroniques pour les sols » ;

4        Par décision du 21 décembre 2020, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement des articles 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001.

5        Le 22 février 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 26 mars 2021 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, tout d’abord, elle a défini le public pertinent des produits visés dans la demande d’enregistrement comme étant composé de professionnels et décidé de prendre en compte la partie anglophone de ce public, situé en Irlande et à Malte. Ensuite, examinant le caractère descriptif de la marque demandée, elle a considéré que celle-ci serait perçue par le public pertinent comme l’expression anglaise « soil explorer » (explorateur de sol), laquelle serait comprise comme désignant la destination des produits en cause et non comme une marque capable d’indiquer l’origine commerciale de ceux-ci. Elle en a déduit que la marque demandée était purement descriptive de ces produits. Enfin, examinant le caractère distinctif de cette marque, elle a considéré que le public pertinent percevrait celle-ci comme une simple information faisant strictement référence à la finalité des produits en cause. Elle a ajouté que le public pertinent, d’une part, lirait et prononcerait cette marque comme l’expression « soil explorer » et, d’autre part, percevrait le fait que le mot « explorer » soit écrit sous la forme « xplorer » et le fait que les mots « soil » et « xplorer » soient accolés comme des astuces graphiques inaudibles ne conférant pas à la marque demandée un caractère distinctif.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et autoriser l’enregistrement de la marque demandée ou, à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire devant l’EUIPO afin qu’il prenne les mesures en conséquence ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        La requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 et, le second, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

10      Dans le cadre du premier moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir violé l’article 7 paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, en ayant considéré que la marque demandée était descriptive des produits visés dans la demande d’enregistrement.

11      En particulier, premièrement, elle reproche à la chambre de recours d’avoir attribué au mot « explorer » un sens erroné, et, en conséquence, d’avoir apprécié de façon erronée l’influence de l’élément « xplorer » sur la perception du public pertinent. Deuxièmement, elle lui reproche d’avoir considéré à tort que la marque demandée comportait l’élément « xplore » au lieu de l’élément « xplorer ». Troisièmement, elle soutient que la chambre de recours a considéré à tort que le rapport entre la marque demandée et les produits en cause était suffisamment direct et concret pour considérer que ladite marque était directement descriptive de ces produits.

12      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

13      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En vertu de l’article 7, paragraphe 2 du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

14      Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêts du 12 janvier 2005, Deutsche Post EURO EXPRESS/OHMI (EUROPREMIUM), T‑334/03, EU:T:2005:4, point 25 et jurisprudence citée, et du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, EU:T:2005:247, point 25 et jurisprudence citée].

15      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que le public pertinent était composé de professionnels faisant preuve d’un niveau de connaissances et d’attention élevé et que, la marque demandée ayant une signification en anglais, la perception du public anglophone situé en Irlande et à Malte devait être prise en considération. La requérante ne conteste pas ces appréciations.

 Sur la signification attribuée à « xplorer »

16      La chambre de recours, approuvant les appréciations de l’examinateur et se référant à l’une de ses décisions antérieures, a considéré que les termes « explorer » et « xplorer » se prononçaient de façon identique, de sorte que le terme « xplorer » serait immédiatement compris comme une orthographe alternative du terme « explorer », lequel est un mot anglais courant désignant, entre autres, un spécialiste ou un outil qui explore, examine, mène des recherches, découvre, vérifie, prospecte, etc.

17      La requérante soutient que plusieurs dictionnaires en ligne, tels que le Cambridge Dictionary, le Collins Dictionary, le Meeriam-Webster Dictionary, l’Oxford Learner’s Dictionary et le Macmillan Dictionary, dont elle produit des extraits, définissent le mot « explorer » comme visant une « personne » ou « quelqu’un » qui se rend dans des endroits inconnus afin de découvrir ce qui s’y trouve. Dès lors, l’expression « explorateur de sol » personnifierait la marque demandée dans le contexte des produits en cause, ce qui rendrait cette marque fantaisiste et d’aspect inhabituel, de sorte à conférer à l’élément « xplorer » et à la marque demandée un caractère distinctif. Or, la chambre de recours se serait, à tort, fondée sur une définition du mot « explorer » qui résulterait de certaines de ses décisions antérieures et non de définitions issues de dictionnaires ou du sens habituel et communément admis de ce mot.

18      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

19      En premier lieu, il convient de relever que la définition du mot « explorer » retenue par la chambre de recours vise « un spécialiste ou un outil » qui explore, examine, mène des recherches, découvre, vérifie, et prospecte. Dès lors que cette définition inclut « un spécialiste », c’est-à-dire une personne, elle n’entre pas en contradiction avec les définitions invoquées par la requérante.

20      En second lieu, ainsi que l’EUIPO le fait valoir à juste titre, l’une des définitions données du mot « explorer » par l’Oxford English Dictionary est « un navire, un véhicule, etc., utilisé pour l’exploration, par exemple un sous-marin ou (lors d’une utilisation ultérieure) dans l’espace ». Cette définition est accompagnée d’exemples, datés de 1830 à 1992, d’utilisation du mot « explorer » dans un sens illustrant cette définition, tels que « submarine explorer » (explorateur sous-marin), « lunar explorer » (explorateur lunaire) et « robotic mobile explorer » (exlporateur mobile robotisé).

21      Il en résulte que c’est à tort que la requérante soutient que la chambre de recours a pris en considération une définition erronée du mot « explorer », qui ne serait pas issue du dictionnaire ou du sens habituel de ce mot.

22      Il s’ensuit que l’argument de la requérante tiré de la personnification de la marque demandée, qui conférerait à celle-ci un aspect inhabituel et un caractère fantaisiste et distinctif, repose sur une prémisse erronée et, partant, doit être également écarté.

 Sur la prise en considération erronée d’un élément absent de la marque demandée

23      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir apprécié le caractère descriptif de la marque demandée en tenant compte, à tort, d’un élément « xplore » au lieu de l’élément « xplorer ». Ces deux éléments ayant un sens différent, les appréciations de la chambre de recours seraient nécessairement viciées par cette erreur.

24      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

25      Il convient de relever que, au point 44 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé ce qui suit : « [e]n l’espèce, l’élément “soil”, combiné à l’élément “xplore” (perçu comme signifiant explorer), pourrait être utilisé pour décrire la destination ou d’autres caractéristiques des produits désignés par la marque [demandée] ».

26      Certes, la marque demandée étant constituée du signe verbal « soilxplorer », l’appréciation de la chambre de recours visée au point précédent, qui tient compte d’un élément « xplore » et non de l’élément « xplorer », ne saurait être considérée comme étant pertinente pour apprécier le caractère descriptif de la marque demandée.

27      Toutefois, force est de constater que les points 22, 23, 24, 25, 35, 36, 41 et 51 de la décision attaquée comportent chacun une mention du signe « soilxplorer » ou de l’élément « xplorer ». Dès lors, la mention, au demeurant unique, d’un élément « xplore » au point 44 de cette décision n’est pas de nature à faire douter que la chambre de recours a bel et bien apprécié le caractère descriptif de la marque demandée, et non d’un autre signe, et que, à cette fin, elle a pris en considération l’élément « xplorer » compris dans ladite marque.

28      Partant, l’argument de la requérante doit être écarté.

 Sur l’absence d’un rapport suffisamment direct et concret entre la marque demandée et les produits en cause

29      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré, à tort, que la marque demandée présentait avec les produits visés dans la demande d’enregistrement un rapport suffisamment direct et concret, au sens de la jurisprudence rappelée au point 14 ci-dessus, de nature à permettre de considérer que cette marque était descriptive.

30      À cet égard, la requérante soutient qu’il ressort de la décision attaquée qu’au moins trois étapes mentales sont nécessaires pour que le public pertinent perçoive la marque demandée comme ayant la signification retenue par la chambre de recours, ce qui serait incompatible avec la constatation d’un rapport suffisamment direct et concret entre cette marque et les produits en cause. Ainsi, dans une première étape, la chambre de recours aurait relevé que le public pertinent percevrait la marque demandée comme signifiant « explorateur de sol ». Dans une deuxième étape, elle aurait considéré que le public, afin de donner un sens à cette expression dans le contexte des produits en cause, ferait un lien avec l’exploration des sols. Dans une troisième étape, elle aurait affirmé que le public comprendrait que l’exploration des sols faisait référence à la cartographie, la détection, la surveillance et l’analyse des sols afin de recueillir des données telles que celles relatives à la texture de ces sols, à leur teneur relative en eau, à leur degré de tassement, c’est-à-dire des données qui sont généralement utilisées dans l’agriculture moderne pour accroître la productivité.

31      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

32      En l’espèce, la chambre de recours, approuvant les appréciations de l’examinateur, a relevé que le terme « soil » désignait la « substance à la surface de la Terre dans laquelle les plantes se développent »,; « la couche de la surface de la Terre qui permet la vie végétale » et que la marque demandée serait perçue par le public pertinent comme l’expression « soil explorer », signifiant « explorateur de sols ». La requérante ne conteste pas ces appréciations.

33      La chambre de recours a ajouté que, eu égard à la perception du public pertinent, la marque demandée se bornerait à informer celui-ci que les produits en cause étaient des dispositifs et des machines destinés à l’exploration du sol, à savoir, notamment la cartographie, la détection, la surveillance et l’analyse des sols afin de recueillir des données telles que celles relatives à la texture de ces sols, à leur teneur relative en eau ou à leur degré de tassement, c’est-à-dire des données qui étaient généralement utilisées dans l’agriculture moderne pour accroître la productivité. Elle a déduit de ces constatations que la marque demandée indiquait directement la destination des produits en cause, constituant ainsi un message purement descriptif.

34      À cet égard, il convient de constater que la requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle l’élément « soil » ne pouvait être compris par le public pertinent que comme une référence à la définition de ce mot, rappelée au point 32 ci-dessus. S’agissant de l’élément « xplorer », elle ne conteste pas davantage que cet élément serait perçu comme une orthographe alternative du substantif « explorer » (explorateur), dérivé du verbe « to explore » (explorer), et qu’il serait, pour cette raison, aisément associé à des notions telles que « rechercher », « examiner », « étudier » ou « inspecter ».

35      Eu égard aux considérations non contestées qui précèdent, il convient de considérer que c’est sans effectuer d’effort mental particulier que le public pertinent comprendra la marque demandée comme signifiant « explorateur de sol ».

36      De surcroît, eu égard à la composition du public pertinent, constitué de professionnels faisant preuve d’un niveau de connaissances et d’attention élevé, il convient de considérer que c’est sans réaliser davantage d’effort que ce public associera la marque demandée à l’exploration des sols.

37      En outre, eu égard à la nature des produits visés dans la demande d’enregistrement, rappelés au point 3 ci-dessus, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré que la marque demandée se bornerait à informer le public pertinent que ces produits étaient des dispositifs et des machines destinés à l’exploration du sol, à savoir, notamment la cartographie, la détection, la surveillance et l’analyse des sols afin de recueillir des données telles que celles relatives à la texture de ces sols, à leur teneur relative en eau ou à leur degré de tassement.

38      Partant, contrairement à ce que soutient la requérante, c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté un rapport suffisamment direct et concret entre la marque demandée et les produits en cause, tiré du fait que cette marque serait comprise par le public pertinent comme indiquant directement, sans autre réflexion, la destination de ces produits. Dès lors, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que la marque demandée était descriptive de ces produits, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001.

39      Par conséquent, le premier moyen doit être écarté.

40      Par ailleurs, dans la mesure où il ressort très clairement de l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 qu’il suffit que l’un des motifs absolus de refus énumérés dans cette disposition s’applique pour qu’un signe ne puisse pas être enregistré en tant que marque de l’Union européenne [arrêts du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, EU:C:2002:506, point 29, et du 14 septembre 2004, Applied Molecular Evolution/OHMI (APPLIED MOLECULAR EVOLUTION), T‑183/03, EU:T:2004:263, point 29], il convient de rejeter l’ensemble du recours, sans qu’il soit besoin de statuer sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Sur les dépens

41      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il convient de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      CNH Industrial NV est condamnée aux dépens.

Spielmann

Öberg

Brkan

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 janvier 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.