Language of document : ECLI:EU:T:2022:46

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

2 février 2022 (*)

« Politique économique et monétaire – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Missions spécifiques de surveillance confiées à la BCE – Décision de retrait de l’agrément d’un établissement de crédit – Inculpation de l’actionnaire principal dans un pays tiers – Critère d’honorabilité – Perception de l’honorabilité par le marché – Présomption d’innocence – Proportionnalité – Droits de la défense »

Dans l’affaire T‑27/19,

Pilatus Bank plc, établie à Ta’Xbiex (Malte),

Pilatus Holding Ltd., établie à Ta’Xbiex,

représentées par Me O. Behrends, avocat,

parties requérantes,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par Mme E. Yoo, MM. M. Puidokas et A. Karpf, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Commission européenne, représentée par MM. D. Triantafyllou, A. Nijenhuis et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la BCE du 2 novembre 2018 retirant à Pilatus Bank son agrément pour l’accès aux activités d’établissement de crédit,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),

composé de M. M. van der Woude, président, Mmes M. J. Costeira (rapporteure), M. Kancheva, M. B. Berke et Mme T. Perišin, juges,

greffier : M. I. Pollalis, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 26 février 2021,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Les requérantes, Pilatus Bank plc et Pilatus Holding Ltd., sont respectivement, un établissement de crédit moins important établi à Malte et soumis à la surveillance prudentielle directe de la Malta Financial Services Authority (MFSA, Autorité maltaise des services financiers) et l’actionnaire majoritaire direct de cet établissement de crédit.

2        Selon un communiqué de presse publié par le United States Department of Justice (ministère de la Justice des États-Unis), le 19 mars 2018, M. Ali Sadr, l’actionnaire de la première requérante détenant indirectement 100 % de son capital et des droits de vote, a été arrêté aux États-Unis sous six chefs d’inculpation liés à sa supposée participation à un système par lequel environ 115 millions de dollars des États-Unis (USD) versés pour financer un projet au Venezuela auraient été détournés au profit de personnes et d’entreprises iraniennes.

3        Selon l’acte d’inculpation adopté par le United States Attorney for the Southern District of New York (procureur des États-Unis pour le district sud de New York), certains fonds utilisés pour établir et financer la première requérante en 2013 avaient une origine illégale liée au projet au Venezuela.

4        À la suite de l’inculpation de M. Sadr aux États-Unis, la première requérante a notamment reçu des demandes de retrait de dépôts pour un montant total de 51,4 millions d’euros, c’est-à-dire environ 40 % des dépôts figurant à son bilan.

5        Le 21 mars 2018, la MFSA a adopté une directive relative au retrait ou à la suspension des droits de vote par laquelle elle a ordonné, notamment, que M. Sadr soit démis de son poste de dirigeant de la première requérante avec effet immédiat ainsi que de toutes ses autres fonctions décisionnelles au sein de celle-ci, qu’il suspende l’exercice de ses droits de vote et qu’il s’abstienne de toute représentation juridique ou en justice de ladite requérante.

6        Le même jour, la MFSA a adopté la directive relative au moratoire, par laquelle elle a enjoint à la première requérante de n’autoriser aucune transaction bancaire, en particulier les retraits et les dépôts par les actionnaires et les membres du conseil de direction de ladite requérante.

7        Le 22 mars 2018, la MFSA a adopté la directive relative à la nomination d’une personne compétente, afin de confier à cette personne, en substance, l’exercice de l’essentiel des pouvoirs normalement dévolus aux organes de direction de la première requérante en ce qui concerne les activités spécifiques et les actifs de cette dernière.

8        Le 29 juin 2018, la Banque centrale européenne (BCE) a reçu une proposition de la MFSA de retirer l’agrément pour l’accès aux activités d’établissement de crédit de la première requérante, en application de l’article 14, paragraphe 5, du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63).

9        Le 2 août 2018, la MFSA a soumis à la BCE une proposition révisée de retrait de l’agrément pour l’accès aux activités d’établissement de crédit de la première requérante.

10      Par une lettre du 31 août 2018, la BCE a invité la première requérante à présenter ses observations concernant le projet de décision de retrait d’agrément dans les cinq jours ouvrés suivant la date de réception de ladite lettre.

11      Le 6 septembre 2018, la première requérante a demandé une prolongation du délai d’audition de 14 jours ainsi que l’accès au dossier de cette procédure.

12      À la demande de la première requérante, le délai a été prorogé une première fois jusqu’au 17 septembre 2018, puis une seconde fois jusqu’au 21 septembre suivant.

13      Par lettre du 13 septembre 2018, la BCE a accordé un accès au dossier de la procédure administrative à la première requérante.

14      Le 21 septembre 2018, la première requérante a transmis ses observations concernant le projet de décision de retrait d’agrément, exprimant l’opposition de sa direction et de ses actionnaires à celui-ci.

15      Le 2 novembre 2018, la BCE a adopté, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013, la décision par laquelle elle a retiré l’agrément de la première requérante pour l’accès aux activités d’établissement de crédit (ci-après la « décision attaquée »).

II.    Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 janvier 2019, les requérantes ont introduit le présent recours.

17      La BCE a déposé le mémoire en défense le 28 mars 2019.

18      Par décision du 17 mai 2019, le président de l’ancienne deuxième chambre du Tribunal a admis la Commission européenne à intervenir au soutien des conclusions de la BCE.

19      La Commission a déposé le mémoire en intervention dans le délai imparti.

20      Les requérantes ont déposé leurs observations sur le mémoire en intervention le 2 août 2019.

21      Les requérantes ont déposé la réplique le 28 juin 2019 et la BCE a déposé la duplique le 21 août 2019.

22      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, le juge rapporteur a été affectée à la neuvième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

23      Sur proposition de la deuxième chambre du Tribunal, celui-ci a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

24      Par décision du président du Tribunal du 25 février 2021, un nouveau juge assesseur et président de chambre a été désigné pour compléter la formation.

25      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (neuvième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et les parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 26 février 2021.

26      Le 26 février 2021, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, invité la BCE à répondre à une question et les autres parties à faire valoir leur point de vue. Il a été déféré à cette demande dans les délais impartis.

27      Par décision du président du Tribunal du 12 août 2021, la présente affaire a été attribuée à une nouvelle juge rapporteure.

28      À la suite du décès de M. le juge Berke survenu le 1er août 2021, les trois juges dont le présent arrêt porte la signature ont poursuivi les délibérations, conformément à l’article 22 et à l’article 24, paragraphe 1, du règlement de procédure.

29      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la BCE aux dépens.

30      La BCE, soutenue par la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable en ce qui concerne la seconde requérante ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé en ce qui concerne ladite requérante ;

–        rejeter le recours comme non fondé en ce qui concerne la première requérante ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité

31      La BCE, soutenue par la Commission, fait valoir, en substance, que le recours est irrecevable en ce qu’il a été déposé au nom et pour le compte de la seconde requérante, car celle-ci n’a pas démontré disposer d’un intérêt personnel et distinct à l’annulation de la décision attaquée et être directement et individuellement concernée par ladite décision.

32      Les requérantes indiquent que le recours est recevable en tant qu’il a été introduit par la seconde requérante, qui est l’actionnaire majoritaire direct de la première requérante.

33      À cet égard, il convient de rappeler que les actionnaires d’un établissement de crédit dont l’agrément pour l’accès aux activités d’un établissement de crédit a été retiré ne sont pas directement concernés par la décision de retrait d’agrément (voir, en ce sens, arrêt du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a., C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923, points 107 à 115 et dispositif).

34      Ainsi, et comme le font valoir la BCE et la Commission, le recours est irrecevable en tant qu’il a été introduit par la seconde requérante.

B.      Sur le fond

35      À l’appui du recours, les requérantes soulèvent onze moyens.

36      Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013 et du principe de bonne administration. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur d’appréciation quant à l’existence d’un motif de retrait d’agrément. Le troisième moyen est tiré d’un défaut d’exercice par la BCE de son pouvoir d’appréciation ou d’un exercice inapproprié de ce pouvoir. Le quatrième moyen est tiré de l’absence d’examen des faits pertinents et d’appréciation impartiale et objective de ces faits. Les cinquième à huitième moyens sont tirés, respectivement, d’une violation du principe de proportionnalité, d’une violation du principe nemo auditur, d’une violation du droit à la présomption d’innocence et d’une violation du principe d’égalité de traitement. Le neuvième moyen est tiré d’une violation de l’article 19 et du considérant 75 du règlement no 1024/2013 ainsi que d’un détournement de pouvoir. Le dixième moyen est tiré d’une violation des droits de la défense et, en particulier, du droit d’être entendu et le onzième moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation.

1.      Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013 et du principe de bonne administration

37      Les requérantes soutiennent que la BCE n’a pas assumé ses responsabilités en vertu de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013 et qu’elle a violé l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en permettant à la MFSA d’effectuer de facto un retrait d’agrément en l’absence de toute procédure régulière en adoptant les directives du 21 et 22 mars 2018 et dans la mesure où celle-ci s’est contentée d’entériner la décision de la MFSA.

38      La décision attaquée serait illégale, puisqu’elle ne serait, en substance, qu’une simple confirmation d’un fait accompli créé par la MFSA, et non une véritable décision de la BCE.

39      Dans ce contexte, la BCE aurait dû, selon les requérantes, intervenir au titre de l’article 6, paragraphe 5, sous c), du règlement no 1024/2013 et de son obligation d’assurer des normes élevées de surveillance, en substance, pour garantir le respect des exigences prudentielles concernées, de la répartition des compétences en ce qui concerne les décisions de retrait d’agrément et des règles fondamentales de procédures, notamment le besoin de toute banque d’être véritablement représentée par ses propres représentants à l’égard de l’autorité réglementaire, plutôt que d’être « représentée » par une personne contrôlée par cette autorité.

40      La BCE et la Commission contestent ces arguments.

41      En premier lieu, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1024/2013, la BCE est seule compétente pour agréer les établissements de crédit et retirer les agréments à l’égard notamment de tous les établissements de crédit établis dans les États membres dont la monnaie est l’euro.

42      En outre, l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013 prévoit que la BCE peut retirer l’agrément d’un établissement de crédit de sa propre initiative dans les cas prévus par le droit applicable de l’Union européenne, après consultation de l’autorité compétente nationale de l’État membre participant où l’établissement de crédit est établi, ou sur proposition de cette autorité compétente nationale.

43      Ainsi qu’il ressort de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013, la MFSA ne dispose pas de la compétence pour retirer les agréments des établissements de crédit, mais seulement pour proposer, le cas échéant, à la BCE de procéder à un tel retrait.

44      Or, ainsi qu’il a été rappelé aux points 8 et 9 ci-dessus, c’est la BCE qui a, conformément à l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013, décidé de retirer l’agrément de la première requérante sur proposition de la MFSA.

45      En outre, il y a lieu de constater que, quand bien même la MFSA aurait excédé ses compétences et aurait adopté une décision de retrait d’agrément, une telle décision, adoptée par une autorité compétente nationale, ne constituerait pas, à la différence de la décision ayant donné lieu à l’arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest (C‑219/17, EU:C:2018:1023), un acte d’ouverture, préparatoire ou de proposition non contraignante de la décision attaquée et ne serait donc pas de nature à entacher celle-ci d’illégalité (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest, C‑219/17, EU:C:2018:1023, point 44).

46      De même, dès lors que les directives de la MFSA sur le moratoire et sur la désignation de la personne compétente, qui sont mentionnées aux points 5 et 7 ci-dessus, ne sont pas des actes d’ouverture, préparatoires ou de proposition non contraignante de la décision attaquée, leur illégalité éventuelle n’est pas de nature à entacher la décision attaquée d’illégalité.

47      En effet, les directives de la MFSA en cause, bien que concernant la même situation, sont d’autres décisions qui n’ont pas été adoptées en application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1024/2013.

48      Dès lors, les arguments des requérantes ne permettent pas de considérer que la décision attaquée a été adoptée en violation de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013.

49      En deuxième lieu, en ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel la BCE aurait dû intervenir au titre de l’article 6, paragraphe 5, sous b), du règlement no 1024/2013, il y a lieu de rappeler que, en vertu de cette disposition, si cela s’avère nécessaire pour assurer une application cohérente de normes élevées de surveillance, la BCE peut décider d’exercer elle-même directement toutes les compétences pertinentes à l’égard d’un ou de plusieurs établissements de crédit.

50      Toutefois, l’article 6, paragraphe 5, sous b), du règlement no 1024/2013 donne à la BCE la faculté de décider d’exercer elle-même directement toutes les compétences pertinentes à l’égard d’un établissement de crédit, mais ne lui impose pas l’obligation d’exercer elle-même la surveillance directe d’un établissement de crédit.

51      Il en résulte que la BCE peut décider d’intervenir, au titre de l’article 6, paragraphe 5, sous b), du règlement no 1024/2013, si et quand elle estime que son intervention est nécessaire afin d’éviter une application incohérente de normes élevées de surveillance par les autorités nationales compétentes.

52      Dès lors que les requérantes ne démontrent pas que l’absence d’intervention de la BCE, en l’espèce, aurait entraîné une application incohérente de normes élevées de surveillance, il ne saurait être valablement reproché à la BCE de ne pas être intervenue au titre de l’article 6, paragraphe 5, sous b), du règlement no 1024/2013 et d’une prétendue obligation d’assurer des normes élevées de surveillance.

53      Il en résulte que le fait que la BCE n’a pas décidé d’exercer elle-même la surveillance directe de la première requérante n’est pas susceptible d’entacher la décision attaquée d’illégalité.

54      Eu égard à ce qui précède, les arguments des requérantes ne permettent pas de considérer que la décision attaquée a été adoptée en violation de l’article 14, paragraphe 5, et de l’article 6, paragraphe 5, sous c), du règlement no 1024/2013.

55      En troisième lieu, en ce qui concerne la violation du principe de bonne administration, les requérantes se contentent d’affirmer que, en permettant à la MFSA d’effectuer de facto un retrait d’agrément en l’absence de toute procédure régulière, la BCE a méconnu leur droit de voir leurs affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable.

56      Dès lors que les requérantes n’étayent pas leur grief tiré de la violation du principe de bonne administration par des arguments spécifiques et qu’elles se contentent de mentionner ce principe, il y a lieu de considérer que ce grief est irrecevable en application de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

57      Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation quant à l’existence d’un motif de retrait d’agrément

58      Les requérantes soutiennent, en substance, que la décision attaquée est entachée d’une erreur d’appréciation en ce que la BCE a fondé le retrait de l’agrément sur l’existence d’un acte d’inculpation pour des infractions financières à l’égard de M. Sadr.

59      À cet égard, les requérantes font valoir que la BCE ne pouvait se fonder sur un simple communiqué de presse émis par les autorités états-uniennes, en particulier dans la mesure où ce communiqué précisait que toute affirmation de fait qu’il contenait devait être considérée comme une allégation.

60      En outre, les requérantes estiment que la BCE n’a pas examiné les faits décrits dans l’acte d’inculpation en cause ni relevé leur nature générale. En particulier, elles affirment que la BCE n’a pas tenu compte du fait qu’il s’agissait d’une inculpation pour violation des règles relatives aux sanctions états-uniennes contre la République islamique d’Iran, alors que le comportement incriminé ne serait pas illégal sous l’angle du droit de l’Union.

61      La BCE et la Commission contestent cette argumentation.

62      Il convient de rappeler le cadre juridique applicable au retrait d’agrément et la motivation de la décision attaquée concernant l’existence d’un motif de retrait d’agrément, puis de vérifier si, ainsi que le font valoir les requérantes, la BCE a commis une erreur d’appréciation à cet égard.

63      En premier lieu, l’actionnaire et l’établissement de crédit étant deux personnes distinctes, il convient de vérifier, à titre liminaire, si un fait relatif à un actionnaire d’un établissement de crédit peut être pertinent pour une décision de surveillance prudentielle de cet établissement, telle que le retrait de son agrément.

64      À cet égard, tout d’abord, il convient de rappeler que l’article 4, paragraphe 1, sous a), et l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013, qui a été adopté pour assurer la sécurité et la solidité des établissements de crédit et la stabilité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre (article 1, paragraphe 1, dudit règlement), prévoient que la BCE est compétente pour agréer les établissements de crédit et retirer les agréments des établissements de crédit dans les cas prévus par le droit applicable de l’Union.

65      Ainsi qu’il est précisé au considérant 20 du règlement no 1024/2013, l’agrément préalable pour l’accès à l’activité d’établissement de crédit est un dispositif prudentiel clé, visant à garantir que cette activité ne puisse être exercée que par les opérateurs dotés d’une solide base économique, d’une organisation leur permettant d’assumer les risques spécifiques inhérents à la prise de dépôts et à l’octroi de crédits ainsi que d’un personnel de direction qualifié.

66      En outre, aux termes de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1024/2013, aux fins de l’accomplissement des missions qui lui sont confiées et en vue d’assurer des normes de surveillance de niveau élevé, la BCE applique toutes les dispositions pertinentes du droit de l’Union et, lorsque celui-ci comporte des directives, le droit national transposant ces directives.

67      Ensuite, d’une part, il convient de constater que l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338), dispose que les autorités compétentes refusent l’agrément pour démarrer l’activité d’établissement de crédit si, compte tenu de la nécessité de garantir une gestion saine et prudente de cet établissement, elles ne sont pas satisfaites de la qualité des actionnaires ou des associés, notamment lorsque les critères énoncés à l’article 23, paragraphe 1, de cette directive ne sont pas respectés.

68      L’article 23, paragraphe 1, de la directive 2013/36 prévoit les critères qu’un actionnaire candidat à l’acquisition d’une participation qualifiée dans un établissement de crédit doit respecter pour être considéré comme approprié au regard de l’objectif de garantir une gestion saine et prudente des établissements de crédit compte tenu de son influence probable sur l’établissement de crédit concerné. Parmi ces critères figure, notamment, un critère d’honorabilité.

69      Le critère d’honorabilité prévu à l’article 23 de la directive 2013/36 est repris en droit maltais à l’article 13, A, paragraphe 9, du Banking Act (loi bancaire, chapitre 371 des lois de Malte), du 15 novembre 1994, qui reprend la même formulation que la directive.

70      D’autre part, en vertu de l’article 18 de la directive 2013/36, les autorités compétentes peuvent retirer un agrément accordé lorsqu’un établissement de crédit ne remplit plus les conditions d’octroi de l’agrément.

71      Il résulte d’une lecture conjointe des dispositions mentionnées aux points 64 à 70 ci-dessus que les critères que les candidats acquéreurs doivent respecter pour être autorisés à acquérir une participation qualifiée, y compris le critère de l’honorabilité, sont applicables à l’évaluation de la qualité des actionnaires effectuée aux fins du retrait d’un agrément pour l’accès aux activités d’établissement de crédit.

72      Il s’ensuit qu’un agrément pour l’accès aux activités d’un établissement de crédit peut être retiré par les autorités compétentes si, compte tenu de la nécessité de garantir une gestion saine et prudente de cet établissement et d’assurer la sauvegarde et la solidité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre, lesdites autorités ne sont pas satisfaites de la qualité des actionnaires ou des associés susceptibles d’exercer une influence sur celui-ci, notamment en raison de leur manque d’honorabilité.

73      En deuxième lieu, il importe de relever que la notion d’honorabilité est une notion juridique indéterminée. En effet, l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2013/36 ne contient pas une définition exhaustive de ladite notion ou une liste des comportements susceptibles de rentrer dans le champ d’application de ladite notion. Cela suppose que les autorités compétentes examinent au cas par cas si le critère d’honorabilité est respecté par un actionnaire candidat à l’acquisition d’une participation qualifiée dans un établissement de crédit, en tenant compte des faits pertinents, des raisons qui sous-tendent ledit critère et des objectifs que ce critère vise à assurer. Le principe de sécurité juridique ne s’oppose donc pas à ce que lesdites autorités jouissent d’une marge d’appréciation dans l’application du critère en question.

74      En outre, en application d’une jurisprudence constante aux fins d’interpréter une disposition de droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, EU:C:2005:362, point 41 et jurisprudence citée).

75      À cet égard, premièrement, le point 10.9 des orientations communes relatives à l’évaluation prudentielle des acquisitions et des augmentations de participations qualifiées dans des entités du secteur financier, adoptées par l’Autorité bancaire européenne (ABE), l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP) et l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), indique, d’une part, qu’un candidat acquéreur devrait être considéré comme honorable s’il n’existe aucune preuve fiable du contraire et si l’autorité de surveillance cible n’a pas de motif raisonnable de douter de son honorabilité et, d’autre part, que toutes les informations pertinentes disponibles aux fins de l’évaluation devraient être prises en compte.

76      Deuxièmement, il convient de relever que, au sens courant, l’honorabilité se réfère à la qualité d’une personne qui se conforme aux normes et aux règles d’usage ainsi qu’à la réputation dont cette personne jouit auprès du public quant à cette aptitude et à son comportement.

77      Ainsi, l’honorabilité dépend non seulement du comportement d’une personne, mais également de la perception de ce comportement par autrui.

78      Troisièmement, il importe de rappeler que l’évaluation de l’honorabilité des actionnaires des établissements de crédit vise à garantir une gestion saine et prudente de ces établissements, à garantir en permanence la qualité et la solidité financière des propriétaires des établissements de crédit et, ainsi, à assurer la sauvegarde et la solidité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre (considérants 16, 17 et 22 du règlement 1024/2013).

79      Or, la réalisation des objectifs poursuivis par la réglementation dont fait partie l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2013/36 dépend étroitement de la confiance du public et des acteurs du marché bancaire à l’égard des établissements de crédit. En effet, la perte d’une telle confiance peut entraîner une perte de financement pour ces établissements et générer ainsi un risque non seulement pour l’établissement en cause, mais pour le système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre.

80      Dès lors, il y a lieu de considérer que l’honorabilité des actionnaires des établissements de crédit doit être évaluée en prenant en compte la conformité de leur conduite avec les lois et les réglementations applicables ainsi que la perception de cette conduite et de leur réputation par le public et par les acteurs des marchés financiers.

81      En troisième lieu, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la BCE a considéré que la première requérante ne remplissait plus les conditions pour bénéficier d’un agrément pour l’accès aux activités d’un établissement de crédit et que cette situation ne pouvait être corrigée en raison des dommages irréversibles à sa réputation et à son modèle d’affaires.

82      Tout d’abord, la BCE a rappelé que M. Sadr détenait indirectement 100 % du capital et des droits de vote de la première requérante.

83      Ensuite, la BCE a relevé qu’il ressortait d’un communiqué de presse publié le 19 mars 2018 par le ministère de la Justice des États-Unis que M. Sadr avait été arrêté aux États-Unis sous six chefs d’inculpation, liés à sa supposée participation à un système par lequel environ 115 millions d’USD versés pour financer un complexe de logements au Venezuela auraient été détournés au profit de personnes et d’entreprises iraniennes, et qu’il avait été libéré sous caution après avoir remis ses passeports et ses documents de voyage, tout en étant soumis à une surveillance électronique.

84      En outre, la BCE a indiqué que l’acte d’inculpation en cause avait suscité une attention forte des médias internationaux ainsi que des articles de presse négatifs sur la première requérante, ce qui aurait eu pour effet de ternir sérieusement la réputation de cette dernière, en particulier du fait des allégations du procureur des États-Unis pour le district sud de New York, selon lesquelles certains fonds utilisés pour établir et financer ladite requérante en 2013 auraient eu une origine illégale liée au projet au Venezuela.

85      La BCE a alors considéré, en substance, que, tout en prenant en compte la présomption d’innocence et le fait que les charges contre M. Sadr n’étaient que de simples allégations, l’inculpation de celui-ci était de nature à soulever de sérieux doutes quant à son intégrité en tant qu’actionnaire de la première requérante.

86      La BCE a également précisé que, selon les orientations communes mentionnées au point 75 ci-dessus, l’intégrité d’un actionnaire est évaluée au cas par cas et qu’elle n’est pas remise en cause uniquement en cas de condamnation définitive, mais qu’il y a lieu de prendre en compte toute information provenant de sources crédibles et fiables. Ainsi, des procédures pénales en cours, notamment quand il s’agit de l’imputation de certaines infractions pénales, telles que la fraude ou la criminalité financière, y compris le blanchiment d’argent, pouvaient avoir une incidence sur la réputation de la personne concernée et, partant, sur l’établissement de crédit supervisé.

87      La BCE a ajouté que, en l’espèce, la structure de l’actionnariat de la première requérante était d’une pertinence particulière, dans la mesure où cette structure faisait de M. Sadr l’actionnaire ultime et unique exerçant le contrôle de ladite requérante.

88      Dès lors que M. Sadr, en sa qualité de détenteur d’une participation qualifiée lui conférant le contrôle de la première requérante, ne possédait plus, selon la BCE, la qualité nécessaire au sens de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 23, paragraphe 1, sous a), de la directive 2013/36 ainsi que des dispositions nationales de transposition de ces dispositions, elle en a déduit qu’il y avait des motifs pour considérer que ladite requérante ne remplissait plus les conditions dans lesquelles son agrément lui avait été accordé.

89      Par ailleurs, la BCE a détaillé, en substance, les motifs pour lesquels l’existence de poursuites était suffisante, dans le cadre de la surveillance prudentielle qui, à la différence des procédures pénales, a pour objectif d’anticiper et de prévenir les risques, et non de sanctionner des personnes, pour remettre en cause l’honorabilité de l’actionnaire concerné.

90      En effet, selon la BCE, la surveillance prudentielle nécessite une perspective prospective prenant en compte la dépendance des marchés financiers à la confiance du public dans les acteurs des marchés financiers, de sorte qu’il était justifié de tenir compte de l’inculpation de M. Sadr. Elle estimait, en effet, que ladite inculpation remettait directement en cause la réputation de l’actionnaire unique de la première requérante auprès du public, malgré l’absence de condamnation définitive.

91      Il en irait d’autant plus ainsi que les poursuites en cause auraient eu, en l’espèce, un impact sur la réputation de la première requérante elle-même, qui aurait conduit à un sentiment de marché préjudiciable attesté par le nombre significatif de demandes de retrait des dépôts intervenus à la suite de l’engagement des poursuites, représentant plus de 40 % du montant total des dépôts figurant au bilan de ladite requérante, mais aussi à la cessation des relations bancaires correspondantes.

92      L’inculpation de M. Sadr aurait d’ailleurs été l’un des facteurs de la dégradation du ratio de risque, établi par une agence de notation, du secteur bancaire maltais dans son ensemble, ce qui ressortirait des références à ces poursuites, parmi d’autres, dans le rapport d’évaluation de cette agence.

93      De surcroît, d’une part, la BCE s’est appuyée sur une lettre du principal emprunteur de la première requérante sollicitant la fin anticipée de son prêt, lequel représentait 90 % des contrats de prêts de ladite requérante, ce qui en faisait, partant, la source principale de revenu de cette dernière.

94      D’autre part, la BCE a pris en compte le fait que, parmi les 10 % de contrats de prêts restants, représentant cinq prêts, trois emprunteurs n’honoraient plus les paiements du principal et des intérêts, alors que les deux autres avaient sollicité la fin anticipée de leur prêt.

95      La décision attaquée a donc été explicitement motivée par les différentes raisons décrites aux points 81 à 94 ci-dessus, lesquelles remettaient en cause l’objectif de garantir une gestion saine et prudente de cet établissement de crédit et celui d’assurer la sauvegarde du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre.

96      En quatrième lieu, dans ce contexte, il convient d’apprécier si, en l’espèce, l’inculpation en cause, en vertu du droit d’un pays tiers, de l’actionnaire détenant indirectement le contrôle intégral de la première requérante, pour des infractions financières d’une certaine gravité, était en mesure d’affecter son honorabilité de façon à mettre en cause la situation financière de l’établissement et la solidité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre.

97      Premièrement, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la décision attaquée est entachée d’une erreur d’appréciation en ce que la BCE a fondé le retrait de l’agrément sur l’existence d’un acte d’inculpation pour des infractions financières à l’égard de M. Sadr, il y a lieu de constater que la BCE a estimé que ladite inculpation était susceptible de faire naître un doute quant à l’honorabilité et à la qualité de cet actionnaire détenant une participation qualifiée dans un établissement de crédit au sens de l’article 23 de la directive 2013/36 et, partant, quant au caractère sain et prudent de la gestion de cet établissement.

98      Il importe également de relever que la BCE a souligné que, au regard des spécificités du marché bancaire, qui dépend étroitement de la confiance des déposants et des partenaires d’un établissement de crédit, et plus largement du public, un tel doute devait être considéré comme suffisant pour justifier que les autorités compétentes envisagent d’adopter des mesures destinées à limiter l’incidence de telles inculpations sur la gestion de l’établissement de crédit en cause et sur la solidité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre.

99      Plus particulièrement, la décision de retrait a été motivée par les effets négatifs concrets que l’acte d’inculpation à l’encontre de l’actionnaire détenant indirectement le contrôle total de la première requérante avait eus sur la réputation de cet actionnaire et de cette requérante, sur la confiance du public à son égard et, par conséquent, sur le caractère sain de sa gestion et la solidité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre.

100    Parmi ces effets, la BCE a identifié les demandes significatives de retrait de dépôts que l’acte d’inculpation a entraînées, représentant plus de 40 % du montant total des dépôts figurant au bilan de la première requérante, la cessation des relations bancaires correspondantes et la résiliation des contrats des emprunteurs principaux de ladite requérante, mais aussi la dégradation du ratio de risque établi par une agence de notation concernant le secteur bancaire maltais dans son ensemble.

101    À cet égard, il y a lieu de constater que, si l’inculpation d’un actionnaire détenant indirectement une participation qualifiée dans un établissement de crédit ne saurait suffire, à elle seule, à remettre en cause son honorabilité, la perception négative de cette honorabilité par le public et les clients ainsi que les partenaires de cet établissement de crédit, à la suite d’une telle inculpation, à condition d’être démontrée sur la base d’éléments concrets, peut justifier le retrait de l’agrément de l’établissement concerné pour autant qu’elle soit de nature à créer un risque pour ledit établissement et le marché bancaire dans son ensemble.

102    En effet, en raison de l’importance de la confiance du public dans les acteurs du marché bancaire, la prise en compte de sa perception de l’honorabilité d’un actionnaire inculpé est justifiée au regard des objectifs de la surveillance prudentielle, en ce que celle-ci vise à contribuer à la réalisation de l’objectif de sauvegarder la solidité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre.

103    Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument des requérantes tiré de ce que la BCE n’a pas pris en considération l’incidence de l’acte d’inculpation sur la gestion saine et prudente de la première requérante, il convient de préciser que la perception de l’honorabilité par le marché est un élément qui doit être déterminé par référence aux circonstances objectives du cas d’espèce.

104    À cet égard, il importe de souligner que les requérantes ne contestent pas que l’inculpation de l’actionnaire principal de la première requérante a eu une incidence négative sur l’évaluation du ratio de risque établi par une agence de notation du secteur bancaire maltais dans son ensemble et a entraîné des retraits de dépôts et la cessation des relations bancaires correspondantes ainsi que la résiliation des contrats de ses principaux emprunteurs.

105    Les requérantes se limitent à affirmer que l’acte d’inculpation en cause a eu une incidence limitée et que les retraits de dépôts étaient extrêmement limités.

106    Or, il ressort des preuves fournies par la BCE en réponse à une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal que la situation de la première requérante s’était fortement détériorée après l’inculpation de M. Sadr.

107    En particulier, ainsi qu’il a été indiqué dans la décision attaquée et ainsi qu’en atteste la demande de résiliation de prêt du principal emprunteur, mais aussi l’autorisation de la MFSA à la première requérante d’accepter le remboursement anticipé de ce prêt, fournies par la BCE, ladite requérante avait perdu la majeure partie de son portefeuille de prêt et, partant, sa capacité à générer des revenus.

108    En outre, ainsi qu’il a été indiqué dans la décision attaquée et ainsi qu’en attestent les demandes de fermeture de comptes et de transferts de fonds correspondants émanant de plusieurs déposants, fournies par la BCE, la première requérante avait reçu d’importantes demandes de retrait de la part des déposants.

109    Les difficultés de capitalisation et de liquidités de la première requérante ont également été reconnues par les membres du directoire dans leur lettre à la personne compétente du 10 mai 2018, de même que les demandes de retrait de dépôts de la part de trois déposants, qui ont été fournies par la BCE. Dans cette lettre, les dirigeants anticipent même le remboursement dans un délai raisonnable de tous les déposants.

110    Au demeurant, même à supposer que les retraits de dépôts aient été plus limités que ce que la BCE a considéré, ainsi que le soutiennent les requérantes, les autres effets identifiés suffisent, en tout état de cause, à démontrer que l’acte d’inculpation en cause, dans la mesure où il a porté atteinte à l’honorabilité de l’actionnaire unique de la première requérante telle que perçue par le public, a eu des effets négatifs importants sur le caractère sain de la gestion de cette requérante et la solidité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre.

111    Par conséquent, dès lors que l’inculpation de M. Sadr a affecté sa réputation personnelle et celle de la première requérante, dont il était l’actionnaire unique, et a entraîné une série d’effets négatifs mettant en cause la solidité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre, l’argument des requérantes tiré de ce que la BCE n’a pas pris en considération l’incidence de l’acte d’inculpation en cause sur la gestion saine et prudente de ladite requérante doit également être rejeté.

112    En effet, ainsi qu’il résulte des points 99 à 111 ci-dessus, la BCE s’est fondée sur un faisceau d’éléments et d’effets négatifs qui se sont enchaînés après l’acte d’inculpation en cause et qui révèlent, sur une base objective, la perception négative par les clients de l’honorabilité de son actionnaire et leur manque de confiance dans la première requérante à la suite de cet acte, lesquels généraient un risque pour ladite requérante et pour le système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre.

113    Ainsi, compte tenu de la nécessité d’assurer la gestion saine et prudente des établissements de crédit et la sauvegarde et la solidité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre, la BCE n’a pas commis d’erreur en considérant que, en raison de l’inculpation de M. Sadr et de la perception corrélative de son honorabilité par les déposants et les emprunteurs de la première requérante, qui s’est traduite par d’importantes conséquences négatives pour la situation de cette dernière, le manque d’honorabilité de cet actionnaire telle que perçue par le marché bancaire justifiait le retrait de l’agrément de ladite requérante pour l’accès aux activités d’un établissement de crédit.

114    Troisièmement, en ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel la BCE aurait dû examiner le comportement reproché dans l’acte d’inculpation en cause et les faits réels, d’une part, il y a lieu de constater que la BCE n’a pas de pouvoirs d’enquête criminelle et ne peut pas interférer avec les activités des autorités qui ont de tels pouvoirs. D’autre part, imposer à la BCE de procéder à des vérifications factuelles d’un acte d’inculpation avant de prendre les mesures destinées à limiter les risques pour le marché générés par un établissement de crédit dont l’actionnaire a été inculpé pour des soupçons d’infractions financières au regard desquels des effets négatifs ont déjà commencé à se manifester irait à l’encontre de l’objectif de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1024/2013 ainsi que de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 23 de la directive 2013/36, qui impliquent une réaction préventive rapide et efficace.

115    À cet égard, il importe de souligner que les requérantes ne contestent pas les faits ayant donné lieu à l’acte d’inculpation, mais se limitent à affirmer qu’ils ne sont pas illégaux en droit de l’Union et que leur illégalité dans le droit de l’État tiers concerné soulève des doutes.

116    Toutefois, au regard des effets négatifs concrets pour la première requérante et le secteur bancaire maltais qui s’étaient déjà manifestés, il ne saurait être valablement reproché à la BCE de ne pas avoir tenu compte du fait que l’acte d’inculpation en cause concernait des violations aux règles relatives aux sanctions états-uniennes contre la République islamique d’Iran, alors que le comportement incriminé pourrait ne pas être illégal sous l’angle du droit de l’Union ou du fait qu’il s’agirait de violations exclusivement techniques sur lesquelles des doutes pouvaient subsister.

117    En effet, même à supposer que les agissements ayant justifié l’inculpation de M. Sadr aux États-Unis ne soient pas illégaux en vertu du droit de l’Union ou même en vertu du droit de l’État tiers concerné, l’élément le plus important à prendre en compte n’était pas, ainsi que l’a indiqué la BCE à la page 8 de la décision attaquée, le bien-fondé des poursuites contenues dans l’acte d’inculpation en cause, qui d’ailleurs ne relève pas de sa compétence, mais les conséquences desdites poursuites sur la réputation de M. Sadr, sur la situation de la première requérante et sur le marché bancaire dans son ensemble.

118    En effet, la BCE a apprécié l’honorabilité de l’actionnaire de la première requérante, telle que perçue par le public, et les acteurs concernés ont réagi à l’inculpation de cet actionnaire sans tenir compte de son bien-fondé en application du droit de l’État tiers concerné ou du droit de l’Union.

119    Il n’en demeure pas moins que, dans une telle hypothèse, il appartient à la BCE de prendre en compte, le cas échéant, tout élément présenté dans le cadre de la procédure administrative qui serait susceptible de démontrer l’absence d’incidence de telles poursuites sur la réputation ou la gestion de l’établissement concerné et qui pourrait découler, éventuellement, du caractère abusif ou manifestement dénué de fondement de telles poursuites.

120    Quatrièmement, pour les mêmes motifs, et contrairement à ce que font valoir les requérantes, il ne saurait non plus être considéré que, en adoptant la décision attaquée, la BCE a reconnu ou rendu exécutoires les sanctions adoptées par les États-Unis contre les opérateurs faisant du commerce avec l’Iran au sens de l’article 4 du règlement (CE) no 2271/96 du Conseil, du 22 novembre 1996, portant protection contre les effets de l’application extraterritoriale d’une législation adoptée par un pays tiers, ainsi que des actions fondées sur elle ou en découlant (JO 1996, L 309, p. 1), tel que dernièrement modifié par le règlement délégué (UE) 2018/1100 de la Commission, du 6 juin 2018, modifiant l’annexe du règlement no 2271/96 (JO 2018, L 199 I, p. 1).

121    Cinquièmement, les requérantes affirment que les effets identifiés dans la décision attaquée résultent non exclusivement de l’acte d’inculpation en cause, mais également des mesures prudentielles adoptées par la MFSA à la suite de cet acte d’inculpation.

122    Néanmoins, quelle que soit l’incidence des mesures de la MFSA, il ne saurait être valablement reproché à la BCE d’avoir tiré les conséquences des effets négatifs pour la gestion de la première requérante et le marché bancaire qui s’étaient déjà produits à la suite de l’acte d’inculpation en cause en procédant au retrait de l’agrément de ladite requérante.

123    Sixièmement, contrairement à ce que considèrent les requérantes, il est sans incidence que l’influence probable de M. Sadr ait été, au moment de l’adoption de la décision attaquée, temporairement suspendue par les mesures prudentielles adoptées par la MFSA du fait de la suspension de ses droits de vote.

124    En effet, en raison de leur caractère temporaire, les mesures de la MFSA n’étaient pas de nature à écarter durablement l’influence de l’actionnaire concerné sur la gestion de la première requérante.

125    En outre, la décision attaquée n’a pas été motivée uniquement par les risques que pourrait faire courir l’actionnaire concerné sur la gestion de la première requérante, mais l’a été aussi par l’existence d’effets négatifs concrets sur la réputation et le caractère sain de la gestion de cette requérante que l’acte d’inculpation en cause avait déjà produits, indépendamment de toute décision de cet actionnaire.

126    L’argument des requérantes tiré de ce que la BCE n’a pas pris en considération la suppression de l’influence probable de l’actionnaire concerné sur la première requérante, qui aurait privé de pertinence son honorabilité, doit donc être rejeté.

127    Septièmement, au regard des effets négatifs concrets subis par la première requérante et identifiés dans la décision attaquée, les allégations des requérantes selon lesquelles les chefs d’inculpation à l’égard de M. Sadr n’avaient pas de lien avec ladite requérante et les faits pertinents étaient antérieurs à son existence doivent être rejetées comme inopérantes.

128    Huitièmement, en ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel la référence à des retraits de dépôts n’est pas pertinente, puisque le retrait d’agrément a été fondé sur la qualité de l’actionnaire détenant indirectement le contrôle de la première requérante, et non sur un défaut de liquidités ou une insuffisance de fonds propres, il ne saurait prospérer, dans la mesure où lesdits retraits ont été identifiés comme des conséquences négatives concrètes des problèmes de réputation et de gestion rencontrés par ladite requérante, survenus en relation avec l’acte d’inculpation qui concerne cet actionnaire indirect, et non pour caractériser un risque de défaut de liquidités ou d’insuffisance de fonds propres.

129    Neuvièmement, ainsi qu’il a été conclu au point 71 ci-dessus, et contrairement à ce que font valoir les requérantes, l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2013/36, lu conjointement avec son article 18, rend les critères utilisés aux fins d’apprécier si une acquisition de participations qualifiées dans un établissement de crédit doit être autorisée applicables à l’appréciation de la possibilité d’octroyer ou de retirer un agrément pour l’accès aux activités d’un établissement de crédit.

130    Dès lors, il ne saurait être valablement reproché à la BCE de s’être appuyée, pour l’interprétation de la notion d’honorabilité, sur les lignes directrices de l’ABE concernant les acquisitions de participations qualifiées au soutien de son raisonnement.

131    Néanmoins, il ne ressort pas des dispositions visées au point 130 ci-dessus ou des dispositions de la directive 2013/36 que la procédure qui doit être suivie pour les retraits d’agrément soit soumise aux mêmes exigences que la procédure qui doit être suivie pour les demandes d’autorisation de participations qualifiées.

132    Contrairement à ce que font valoir les requérantes, la décision attaquée n’est donc pas entachée d’erreur en ce qu’elle a été adoptée à la suite d’une procédure de retrait d’agrément n’ayant pas respecté les exigences, notamment en termes de délais, prévues pour la procédure d’autorisation de participations qualifiées, car ces exigences ne sauraient être appliquées par analogie à la procédure de retrait d’agrément pour laquelle de telles exigences ne sont pas prévues.

133    Au regard de tous les éléments identifiés dans la décision attaquée pour établir, d’une part, le défaut d’honorabilité de l’actionnaire de la première requérante, notamment eu égard à sa perception par le public concerné, et, d’autre part, les effets négatifs que cette perception a eus sur ladite requérante, pris ensemble, les arguments des requérantes selon lesquels la décision attaquée est entachée d’une erreur d’appréciation en ce que la BCE a fondé le retrait de l’agrément sur l’existence d’un acte d’inculpation pour des infractions financières à l’égard de M. Sadr doivent donc être rejetés.

134    Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté.

3.      Sur le troisième moyen, tiré d’un défaut d’exercice par la BCE de son pouvoir d’appréciationou d’un exercice inapproprié de ce pouvoir

135    Les requérantes font valoir que la décision attaquée est viciée dans la mesure où la BCE n’a pas exercé son pouvoir d’appréciation ou l’a exercé de manière inappropriée.

136    Les requérantes indiquent que le fait que la BCE a décidé de retirer l’agrément implique qu’elle estimait ne pas avoir de pouvoir d’appréciation, qu’elle s’est contentée de confirmer le fait accompli par la MFSA et qu’elle a changé d’avis après avoir initialement conclu qu’un retrait d’agrément n’était pas justifié.

137    La BCE et la Commission contestent ces arguments.

138    À cet égard, tout d’abord, il convient de relever que le fait que la BCE a décidé de retirer l’agrément et le fait qu’elle a suivi la proposition de la MFSA ne sauraient démontrer qu’elle n’a pas exercé de pouvoir d’appréciation.

139    Ensuite, il y a lieu de constater que la BCE a procédé, ainsi qu’il ressort des pages 5 à 12 de la décision attaquée, à une analyse détaillée, qui lui est propre, de la situation de la première requérante et ne s’est pas limitée à tirer les conséquences des décisions de la MFSA.

140    Il ne peut donc être valablement reproché à la BCE, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, d’avoir confirmé le fait accompli par la MFSA et de ne pas avoir exercé son pouvoir d’appréciation.

141    Enfin, même à supposer que la BCE ait changé d’avis au cours de la procédure administrative, un tel élément n’est pas de nature à démontrer un défaut d’exercice ou un exercice inapproprié de son pouvoir d’appréciation.

142    Au contraire, le fait que la BCE ait envisagé différentes solutions, à le supposer établi, tendrait plutôt à confirmer qu’elle a effectivement procédé à une appréciation et ne s’est pas contentée de tirer les conséquences des décisions de la MFSA.

143    Les requérantes restent donc en défaut de démontrer que la BCE n’a pas exercé son pouvoir d’appréciation ou qu’elle l’a exercé de manière inappropriée.

144    Par conséquent, le troisième moyen doit être rejeté.

4.      Sur le quatrième moyen, tiré de l’absence d’examen des faits pertinents et d’appréciation impartiale et objective de ces faits

145    Les requérantes soutiennent, en substance, que la BCE n’a pas examiné les faits pertinents de manière impartiale et objective, en ce qu’elle n’a pas apprécié l’effet réel de l’inculpation de M. Sadr sur la réputation de la première requérante ou distingué les faits en question des effets des mesures adoptées par la MFSA et de déclarations publiques de la BCE, dès lors que la décision attaquée se fonde sur des conclusions de la MFSA qui ont pour fondement des allégations des autorités répressives états-uniennes qui ne sont que préliminaires et très approximatives.

146    La BCE et la Commission contestent ces arguments.

147    À cet égard, il suffit de constater que, au soutien du quatrième moyen, les requérantes se limitent à réitérer les arguments formulés au soutien du deuxième moyen.

148    Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 62 à 133 ci-dessus, le quatrième moyen doit donc être rejeté.

5.      Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

149    Les requérantes font valoir que la décision attaquée est contraire au principe de proportionnalité en ce que, en substance, les considérations relatives à la proportionnalité sont dépourvues de lien avec le motif de retrait de l’agrément, à savoir l’inculpation de M. Sadr aux États-Unis, en ce que l’influence relative de cet actionnaire ne justifiait pas de reconnaître que son inculpation représentait un risque pour la gestion de la première requérante et en ce que la BCE n’a pas considéré de manière appropriée d’autres solutions moins restrictives qu’un retrait d’agrément.

150    La BCE et la Commission contestent ces arguments.

151    Dans la décision attaquée, tout d’abord, la BCE a indiqué que l’objectif du retrait d’agrément était de mettre fin au non-respect de la loi par la première requérante et d’empêcher des dommages aux déposants et aux autres créditeurs de cette requérante ainsi qu’au secteur bancaire national dans son ensemble qui pourraient résulter de la perte de qualité de l’actionnaire principal de ladite requérante.

152    En outre, au regard du bilan et des dommages survenus pour la réputation de la première requérante, la BCE a considéré que la vente de cette requérante à un tiers n’avait pas de chances réalistes de succès, notamment du fait de son absence très probable de valeur de franchise.

153    À cet égard, la BCE a précisé prendre en compte la détérioration du capital de la première requérante ainsi que des liquidités de cette dernière, liée aux dommages à la réputation de celle-ci à la lumière de la couverture médiatique négative dont elle avait fait l’objet, et s’est fondée sur des informations, fournies par la personne compétente à la demande de la MFSA, attestant, en substance, de l’absence de viabilité de la première requérante.

154    La BCE s’est également appuyée sur une lettre du principal emprunteur de la première requérante sollicitant, au regard des faits rapportés notamment dans l’acte d’inculpation, la fin anticipée d’un prêt, lequel aurait représenté 90 % des contrats de prêts de ladite requérante et, partant, la source principale de revenu de cette dernière.

155    De plus, la BCE a pris en compte le fait que, parmi les 10 % de contrats de prêts de la première requérante restants, représentant cinq prêts, trois emprunteurs n’honoraient plus les paiements du principal et des intérêts, alors que les deux autres avaient sollicité la fin anticipée de leurs prêts.

156    Par ailleurs, la BCE a souligné que les chances de la première requérante de se refinancer apparaissaient très limitées, dès lors que le portefeuille de prêt de celle-ci avait décliné de 159 millions d’euros en mars 2017 à 66 millions d’euros en mars 2018, que celle-ci avait souffert d’une couverture négative, du fait de l’inculpation de M. Sadr et d’une enquête de l’ABE sur des violations potentielles de la loi par les autorités maltaises dans sa supervision, et que la fin de la majorité des relations de celle-ci avec des banques correspondantes l’avait forcée à transférer les fonds possédés avec ces autres banques à la Bank Ċentrali ta’ Malta (Banque centrale de Malte).

157    Ensuite, la BCE a indiqué qu’il ressortait des informations fournies par la personne compétente, en substance, que le capital de la première requérante se détériorait, qu’elle était privée de sources de financement et avait peu de perspective pour en trouver de nouvelles et que ses liquidités demeuraient précaires.

158    Enfin, après avoir indiqué que les mesures adoptées par la MFSA ne pourraient remédier à la situation et restaurer la viabilité de la première requérante, mais aussi que cette dernière subissait des pertes opérationnelles mensuelles, la BCE a estimé que, au regard du risque pour les déposants et les créanciers de ladite requérante, toute autre mesure prudentielle équivalente dans un laps de temps raisonnable devait être considérée comme irréaliste.

159    La BCE en a conclu qu’il était nécessaire de procéder au retrait d’agrément de la première requérante.

160    Le retrait de l’agrément de la première requérante a donc été considéré comme proportionné, au motif que cette mesure était nécessaire au regard des difficultés de financement, de la gravité des manquements et du manque de viabilité de ladite requérante ayant résulté du fait que son actionnaire unique ne remplissait plus la condition d’honorabilité eu égard à sa perception par le public, pour assurer l’objectif de rétablissement de la légalité, de garantir sa gestion saine, de limiter les risques pour ses déposants et ses créanciers ainsi que les risques pour le système financier au sein de l’Union et à Malte.

161    En outre, l’objectif poursuivi par le retrait d’agrément de la première requérante a été considéré comme ne pouvant être atteint par d’autres mesures prudentielles ou par la vente à des tiers en raison de l’atteinte à la réputation, de l’absence de valeur et des difficultés de financement et de liquidités de ladite requérante.

162    À cet égard, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité exige, selon une jurisprudence constante, que les actes des institutions de l’Union soient propres à assurer la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs (voir arrêt du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 67 et jurisprudence citée).

163    En premier lieu, en ce qui concerne l’objectif poursuivi par le retrait d’agrément de la première requérante, il suffit de relever que la décision attaquée poursuit, notamment, l’objectif légitime prévu par la réglementation en cause d’assurer la gestion saine et prudente des établissements de crédit ainsi que la sauvegarde et la solidité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre.

164    Dès lors qu’il ne s’agit pas du seul objectif poursuivi, l’argument des requérantes relatif au caractère prétendument abstrait de l’objectif de rétablissement de la légalité n’est pas susceptible de remettre en cause la légalité de la décision attaquée.

165    En deuxième lieu, s’agissant de l’aptitude de la décision attaquée à assurer la réalisation des objectifs consistant à garantir la gestion saine et prudente des établissements de crédit ainsi que la sauvegarde et la solidité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre, il suffit de constater que le retrait de l’agrément d’un établissement de crédit, en ce qu’il empêche cet établissement de continuer à exercer ses activités, est apte à contribuer à l’objectif d’éviter que la gestion de cet établissement de crédit ne soit ni saine ni prudente et d’éviter que ses activités fassent courir un risque pour la sauvegarde et la solidité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre.

166    En troisième lieu, il convient donc de vérifier si la décision attaquée a dépassé les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs.

167    À cet égard, les requérantes font valoir que les objectifs poursuivis auraient pu être atteints de façon plus proportionnée, d’une part, par la vente de la première requérante à un tiers et, d’autre part, par des déclarations publiques de la BCE visant, en substance, à minimiser les effets de l’inculpation de l’actionnaire de ladite requérante.

168    S’agissant, premièrement, de la vente à un tiers, la BCE a considéré que, au regard des demandes de retrait de dépôts, de la cessation des relations bancaires correspondantes ayant forcé la première requérante à transférer ses fonds possédés en commun à la Bank Ċentrali ta’ Malta, de l’absence très probable de valeur de franchise et de viabilité, de la détérioration du capital et des liquidités ainsi que de la résiliation des contrats des principaux emprunteurs de cette requérante, la vente de cette dernière à un tiers n’avait pas de chances réalistes de succès.

169    Or, les requérantes ne contestent pas l’existence de demandes de retrait de dépôts auprès de la première requérante, mais seulement leur ampleur. Elles ne contestent pas non plus la cessation des relations bancaires correspondantes, le transfert des fonds de la première requérante à la Bank Ċentrali ta’ Malta et le départ de ses emprunteurs principaux, lesquels constituaient sa principale source de financement.

170    Les requérantes se limitent à affirmer que les demandes de retrait de dépôts étaient extrêmement limitées et que la première requérante avait une valeur de franchise sur la base d’estimations indépendantes, était viable et réalisait de bons résultats.

171    Toutefois, les requérantes ne sauraient valablement prétendre que la première requérante était viable, avait une valeur de franchise et réalisait de bons résultats tout en admettant qu’elle avait perdu ses principaux emprunteurs et ses principales sources de financement et qu’elle devait faire face à des demandes de retrait de dépôts et à la cessation des relations avec les banques correspondantes ayant entraîné le transfert de ses fonds à la Bank Ċentrali ta’ Malta.

172    S’agissant, deuxièmement, de la possibilité pour la BCE de faire des déclarations publiques afin, en substance, de minimiser les effets de l’acte d’inculpation en cause sur la première requérante, force est de constater que, au regard de l’atteinte à la réputation de l’actionnaire de ladite requérante et, par conséquent, à la réputation de cette dernière ainsi que de l’importance des difficultés financières qui s’étaient manifestées à la suite de l’inculpation de cet actionnaire et avant l’adoption de la décision attaquée, de telles déclarations n’auraient pu constituer une mesure alternative apte à réaliser les objectifs de gestion saine et prudente de cette requérante et de sauvegarde du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre.

173    Par conséquent, il ne saurait être valablement reproché à la BCE de ne pas avoir envisagé ces mesures alternatives.

174    Eu égard à ce qui précède, il ne saurait être considéré que la décision attaquée allait au-delà de ce qui était nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis.

175    En quatrième lieu, les requérantes font valoir une série d’arguments, tirés d’erreurs de droit, d’une violation de l’obligation de motivation et d’une erreur d’appréciation.

176    Tout d’abord, les requérantes soutiennent que la décision attaquée « n’examine pas » la question de savoir si un retrait d’agrément est proportionné lorsqu’il s’avère qu’une banque a un actionnaire indirect qui n’a prétendument plus la qualité requise, parce qu’il a été inculpé aux États-Unis.

177    Or, il suffit de constater que les explications fournies dans la décision attaquée (voir points 152 à 160 ci-dessus) font apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de la BCE et ont permis aux requérantes de connaître les justifications du retrait de l’agrément de la première requérante ainsi qu’au Tribunal d’exercer son contrôle (voir points 161 à 171 ci-dessus).

178    Ensuite, les requérantes soutiennent que les éléments invoqués relatifs à la situation financière de la première requérante sont dépourvus de fondement et de preuve au regard du motif invoqué, c’est-à-dire l’absence de qualité appropriée de son actionnaire principal.

179    Cet argument reprend, en substance, l’argument des requérantes selon lequel la BCE n’a pas vérifié ou prouvé que l’acte d’inculpation de l’actionnaire de la première requérante avait eu une incidence sur l’honorabilité de cet actionnaire et la réputation de ladite requérante à même de justifier le retrait de l’agrément de cette dernière.

180    Toutefois, ainsi qu’il résulte de l’analyse du deuxième moyen ainsi que des points 160, 161 et 172 ci-dessus, en raison de la prise en compte des effets négatifs subis par la première requérante, il ne saurait être valablement reproché à la BCE de ne pas avoir démontré le lien entre l’inculpation en cause et les difficultés financières de ladite requérante relevées dans la décision attaquée résultant de l’honorabilité de l’actionnaire concerné et de la perception de cette honorabilité par le public.

181    En outre, les requérantes soutiennent que la décision attaquée ne prend pas suffisamment en compte la faiblesse de l’influence de l’actionnaire concerné sur la gestion de la première requérante et du risque qu’il représente pour cette gestion.

182    Néanmoins, ainsi qu’il ressort des points 123 à 126 ci-dessus, il ne saurait être valablement reproché à la BCE de ne pas avoir tenu compte de l’absence d’influence de M. Sadr résultant de la suspension de ses droits de vote par la MFSA en raison du caractère temporaire de cette mesure.

183    En effet, au regard des effets négatifs concrets déjà subis par la première requérante, cet argument n’est pas de nature à démontrer que le retrait de l’agrément ne pouvait pas être considéré comme nécessaire du seul fait que l’actionnaire de ladite requérante avait une influence faible en raison de la privation de ses droits de vote avant l’adoption de la décision attaquée.

184    Enfin, quant à l’argument des requérantes selon lequel la BCE se contredit, puisque, dans l’affaire relative au gouverneur de la Banque centrale de Lettonie qui a donné lieu à l’arrêt du 26 février 2019, Rimšēvičs et BCE/Lettonie (C‑202/18 et C‑238/18, EU:C:2019:139), elle a soutenu devant la Cour, contrairement à ce qu’elle a fait dans la décision attaquée, qu’un acte d’inculpation formel pour corruption ne justifiait pas de démettre la personne inculpée de ses fonctions et a insisté pour que des éléments concrets soient produits, il suffit de constater que cette affaire n’avait pas le même objet que la présente affaire et ne concernait pas l’évaluation de l’honorabilité et de la qualité de l’actionnaire d’un établissement de crédit ni leurs effets sur un tel établissement.

185    Par conséquent, le cinquième moyen doit être rejeté.

6.      Sur le sixième moyen, tiré d’une violation du principe nemo auditur

186    Selon les requérantes, en substance, les principales difficultés de la première requérante ont résulté de façon décisive des actes de la MFSA, notamment de la réaction inappropriée de cette dernière à l’inculpation de M. Sadr aux États-Unis, ainsi que de l’absence d’intervention de la BCE. Elles estiment que les problèmes de réputation de ladite requérante étaient principalement dus aux déclarations publiques et aux fuites provenant de la MFSA et de la BCE. Ainsi, cette dernière ne devrait pas pouvoir invoquer à l’appui de la décision attaquée les conséquences de son propre comportement répréhensible du fait qu’elle n’a pas rempli sa mission correctement.

187    La BCE et la Commission contestent ces arguments.

188    À cet égard, ainsi qu’il ressort du point 53 ci-dessus, la BCE n’est pas soumise à l’obligation d’exercer elle-même la surveillance directe d’un établissement de crédit et, par conséquent, une absence d’intervention ne saurait lui être valablement reprochée. Ainsi, il ne peut donc être considéré qu’elle n’a pas rempli sa mission correctement à cet égard.

189    Dès lors, le fait que la BCE n’ait pas décidé d’exercer elle-même la surveillance directe de la première requérante n’est pas de nature à entacher la décision attaquée d’illégalité.

190    En outre, il doit être rappelé que, ainsi qu’il ressort des points 45 à 53 ci-dessus, la circonstance que des actes de la MFSA n’ayant pas été adoptés dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée seraient illégaux n’est pas de nature à entacher ladite décision d’illégalité dans la mesure où il ne s’agit pas d’actes préparatoires à cette décision.

191    Enfin, en ce qui concerne l’allégation des requérantes selon laquelle les problèmes de réputation de la première requérante sont principalement dus aux déclarations publiques et aux fuites provenant de la MFSA et de la BCE, il suffit de constater qu’elles n’identifient aucune déclaration ou fuite au soutien de leur affirmation, de sorte que ces faits allégués et les conséquences qu’elles cherchent à en tirer ne sont pas établis.

192    Les arguments relatifs à une violation du principe nemo auditur doivent donc être rejetés.

193    Par conséquent, le sixième moyen doit être rejeté.

7.      Sur le septième moyen, tiré d’une violation du droit à la présomption d’innocence

194    Selon les requérantes, la BCE a violé le droit à la présomption d’innocence de la première requérante en s’appuyant sur l’acte d’inculpation en cause sans avoir examiné les faits relatifs à cet acte et en l’interprétant de manière inexacte.

195    La BCE et la Commission contestent ces arguments.

196    À cet égard, il doit être rappelé que le principe de présomption d’innocence, énoncé à l’article 6, paragraphe 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et à l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, constitue un droit fondamental qui confère aux particuliers des droits dont le juge de l’Union garantit le respect (voir arrêt du 2 septembre 2009, El Morabit/Conseil, T‑37/07 et T‑323/07, non publié, EU:T:2009:296, point 39 et jurisprudence citée).

197    Le principe de présomption d’innocence exige que toute personne accusée d’une infraction soit présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Il ne s’oppose pas à l’adoption de mesures qui n’ont pas pour objet d’engager une procédure pénale à l’encontre de la personne visée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil, T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427, point 40 et jurisprudence citée).

198    Le principe de présomption d’innocence ne s’oppose donc pas à l’adoption de mesures qui ne constituent pas une sanction et n’impliquent aucune accusation de nature criminelle (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 janvier 2015, Gossio/Conseil, T‑406/13, non publié, EU:T:2015:7, point 97), ainsi qu’à l’adoption de mesures qui ne constituent pas une constatation du fait qu’une infraction a été effectivement commise (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 mai 2017, Makhlouf/Conseil, T‑410/16, non publié, EU:T:2017:349, point 125 et jurisprudence citée).

199    Il y a donc lieu de vérifier si, à la lumière de ces principes, les arguments des requérantes permettent de considérer que la présomption d’innocence de la première requérante a été violée.

200    Premièrement, l’absence de réexamen des faits relatifs à l’acte d’inculpation en cause ne permet pas de considérer que la présomption d’innocence de la première requérante a été violée.

201    En effet, la BCE a indiqué clairement dans la décision attaquée que l’acte d’inculpation en cause contenait des allégations.

202    Il ne saurait donc être considéré que la décision attaquée impliquait une accusation de nature criminelle ou constituait une constatation du fait qu’une infraction avait effectivement été commise au sens de la jurisprudence rappelée aux points 197et 198 ci-dessus.

203    Dans ces conditions, le fait pour la BCE de ne pas avoir réexaminé les faits contenus dans l’acte d’inculpation en cause n’est pas de nature à démontrer une violation du principe de présomption d’innocence.

204    À cet égard, il convient de souligner que la surveillance prudentielle, qui vise à assurer la gestion saine des établissements de crédit et la sauvegarde de la solidité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre, poursuit des objectifs différents des objectifs des poursuites criminelles, qui, elles, visent à sanctionner des comportements punis par la loi.

205    Ainsi, l’élément le plus important à prendre en compte n’est pas le bien-fondé des poursuites contenues dans l’acte d’inculpation en cause, sur lequel la BCE n’a pas pris position, mais les conséquences desdites poursuites sur la réputation de la première requérante et de son actionnaire unique ainsi que sur la solidité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre.

206    Deuxièmement, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la BCE n’a pas prouvé que les violations d’exigences prudentielles alléguées avaient effectivement été commises, il y a lieu de relever qu’il se confond avec les erreurs d’appréciation alléguées au soutien du deuxième et du quatrième moyen.

207    Dès lors, cet argument doit être rejeté pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 62 à 134 ci-dessus.

208    Par conséquent, le septième moyen doit être rejeté.

8.      Sur le huitième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement

209    Les requérantes invoquent une discrimination découlant de ce qu’aucune autre banque détenue par un citoyen maltais dont les actionnaires ou les dirigeants ont été formellement inculpés n’a été traitée de la même manière et de ce que la décision attaquée ne contient aucune analyse comparative à cet égard.

210    La BCE et la Commission contestent ces arguments.

211    Il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement ou de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 15 avril 2010, Gualtieri/Commission, C‑485/08 P, EU:C:2010:188, point 70).

212    À cet égard, les requérantes se limitent à alléguer que de nombreux actionnaires et même des dirigeants de nombreuses banques ont été formellement inculpés par les autorités sans que cela affecte leur situation, sans pour autant apporter la moindre preuve d’une telle allégation. Ainsi, il suffit de constater qu’elles n’ont pas établi qu’une autre banque détenue par un citoyen maltais et dont les actionnaires ou les dirigeants auraient été formellement inculpés pour des infractions pénales financières avait été traitée d’une manière différente.

213    En outre, il ne découle pas du principe d’égalité de traitement que la BCE est tenue, afin de justifier le respect dudit principe, de faire figurer dans la motivation de chacune de ses décisions de nature prudentielle une analyse comparative présentant, le cas échéant, d’autres établissements placés dans une situation similaire et les mesures qu’elle aurait décidé d’adopter à leur égard.

214    L’argument tiré d’un défaut d’analyse comparative dans la décision attaquée doit donc également être rejeté.

215    Par conséquent, le huitième moyen doit être rejeté.

9.      Sur le neuvième moyen, tiré d’une violation de l’article 19 et du considérant 75 du règlement no 1024/2013 et d’un détournement de pouvoir

216    Selon les requérantes, la chronologie de l’adoption des décisions de la MFSA et de la BCE, la prétendue formulation de critiques et de fausses allégations par un parti d’opposition et par certains médias, mais aussi par la MFSA et l’ABE, et les circonstances suspectes de la nomination de la personne compétente, ainsi que les circonstances de l’ensemble de l’affaire et l’absence de justification plausible dans la décision attaquée, donneraient des raisons de penser, en substance, que la MFSA n’a pas examiné de manière appropriée l’inculpation de M. Sadr.

217    Les requérantes en déduisent que le souhait d’être considérée comme une autorité de régulation efficace ainsi que l’intention de créer une mission lucrative pour une société de conseil avec laquelle la personne compétente désignée a des liens étaient les véritables motivations qui sous-tendaient les mesures de la MFSA et, partant, la décision attaquée, ce qui caractériserait une violation par la BCE de son obligation d’indépendance et un détournement de pouvoir.

218    La BCE et la Commission contestent ces arguments.

219    À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 19 du règlement no 1024/2013, la BCE et les autorités compétentes nationales agissant au sein du mécanisme de surveillance unique agissent de manière indépendante dans l’accomplissement des missions que leur confie ledit règlement. Quant au considérant 75 de ce règlement, il énonce que, afin de pouvoir s’acquitter efficacement des missions de surveillance qui lui sont confiées, la BCE devrait pouvoir les exercer en toute indépendance, et notamment indépendamment de toute influence politique indue et de toute ingérence du secteur susceptibles de nuire à son indépendance opérationnelle.

220    Il importe également de rappeler qu’un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (arrêt du 10 mars 2005, Espagne/Conseil, C‑342/03, EU:C:2005:151, point 64).

221    Il convient donc de vérifier si les arguments des requérantes permettent de considérer que la décision attaquée a été adoptée en violation de l’article 19 et du considérant 75 du règlement no 1024/2013 et s’ils contiennent des indices objectifs, pertinents et concordants que cette décision a été prise dans le but déterminant d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce.

222    D’emblée, il y a lieu de constater que les arguments des requérantes visent exclusivement la poursuite d’objectifs autres que les objectifs poursuivis par la réglementation en cause par la MFSA et un prétendu manque d’indépendance de cette autorité nationale et qu’elles soutiennent que de tels éléments sont de nature à entacher la décision attaquée d’illégalité.

223    Toutefois, même à supposer que la MFSA ait manqué à son obligation d’indépendance et poursuivi des objectifs autres que les objectifs affichés, il ne saurait en être déduit que la décision attaquée est entachée des mêmes vices.

224    En effet, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1024/2013, la BCE est seule compétente pour agréer les établissements de crédit et retirer les agréments de ceux-ci.

225    Les décisions de la BCE sont donc adoptées sur la base d’une appréciation autonome de celle de la MFSA, en fonction de l’ensemble des circonstances pertinentes, y compris les éléments contenus dans la décision de proposition de la MFSA.

226    Dès lors qu’il en résulte que la BCE n’est pas tenue de suivre la décision de proposition de la MFSA, les prétendus manquements de la MFSA ne sauraient caractériser un manque d’indépendance de la part de la BCE et, partant, constituer une violation de l’article 19 et du considérant 75 du règlement no 1024/2013.

227    En outre, force est de constater que les requérantes n’apportent aucun élément susceptible de faire apparaître, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, que la décision attaquée a été adoptée par la BCE dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce.

228    De plus, ainsi qu’il résulte de l’analyse du deuxième moyen, la décision attaquée a été adoptée par la BCE dans le but d’assurer la sauvegarde et la solidité du système financier au sein de l’Union et dans chaque État membre.

229    Les requérantes restent donc en défaut de démontrer que la décision attaquée poursuivait des objectifs autres que les objectifs poursuivis par la réglementation pertinente.

230    Par conséquent, le neuvième moyen doit être rejeté.

10.    Sur le dixième moyen, tiré de la violation des droits de la défense et, en particulier, du droit d’être entendu

231    Tout d’abord, les requérantes affirment que les droits de la défense et le droit d’être entendu de la première requérante ont été méconnus, car cette dernière a été privée de sa représentation légale et d’une représentation effective du fait de la nomination de la personne compétente, laquelle aurait été considérée, au cours de la procédure administrative, comme la seule représentante de ladite requérante.

232    Les requérantes en déduisent que le droit d’être entendu de la première requérante n’a pas été respecté, car il a été accordé à la personne compétente, alors qu’il aurait dû être accordé aux administrateurs de ladite requérante.

233    Par ailleurs, les administrateurs de la première requérante n’auraient pas accès aux documents et aux systèmes informatiques détenus par ladite requérante, ni à ses ressources financières, ce qui empêcherait cette dernière d’étayer par des preuves ses allégations sur sa valeur et le respect des exigences réglementaires. Cette requérante n’aurait pas non plus pu et ne pourrait toujours pas financer sa représentation légale.

234    La BCE et la Commission contestent ces arguments.

235    À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de relever que les droits de la défense, parmi lesquels compte le droit d’être entendu, figurent au nombre des droits fondamentaux qui font partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union et sont consacrés par la charte des droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêts du 23 septembre 2015, Cerafogli/BCE, T‑114/13 P, EU:T:2015:678, point 32 et jurisprudence citée, et du 5 octobre 2016, ECDC/CJ, T‑395/15 P, non publié, EU:T:2016:598, point 53).

236    Le droit d’être entendu est protégé non seulement par les articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux, qui garantissent le respect des droits de la défense ainsi que du droit à un procès équitable dans le cadre de toute procédure juridictionnelle, mais également par l’article 41 de celle-ci, qui assure le droit à une bonne administration.

237    L’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux prévoit ainsi que le droit à une bonne administration comporte, notamment, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2016, ECDC/CJ, T‑395/15 P, non publié, EU:T:2016:598, point 54 et jurisprudence citée).

238    Le respect des droits de la défense exige que toute personne à l’encontre de laquelle une décision faisant grief peut être prise soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge pour fonder la décision litigieuse (voir, en ce sens, arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 66, du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d'Iran/Conseil, T-228/02, EU:T:2006:384, point 91, et du 19 janvier 2016, Mitsubishi Electric/Commission, T‑409/12, EU:T:2016:17, point 38. ).

239    À cet égard, il y a lieu de prendre en compte, ce que d’ailleurs les requérantes ne contestent pas, le fait que la première requérante a reçu le courrier de la BCE du 31 août 2018, dans lequel celle-ci l’a invitée à présenter ses observations sur le projet de décision de retrait d’agrément, ainsi que son courrier du 13 septembre 2018, par lequel elle lui a accordé un accès au dossier de la procédure administrative, auxquels elle s’est limitée à répondre qu’elle confirmait son opposition à la décision envisagée.

240    Il y a aussi lieu de prendre en compte le fait que la première requérante a disposé d’un délai total de trois semaines pour formuler ses observations sur le projet de décision de retrait d’agrément.

241    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la première requérante a été mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge dans la décision attaquée.

242    En deuxième lieu, en ce qui concerne les arguments des requérantes selon lesquels les droits de la défense de la première requérante ont été violés en raison de l’impossibilité, pour ses administrateurs, de rémunérer son conseil et d’accéder à ses ressources et à ses informations, il y a lieu de constater que ces circonstances résultent exclusivement de la désignation de la personne compétente, considérée au cours de la procédure administrative comme la seule représentante de ladite requérante, laquelle relève de la seule compétence de la MFSA en application du droit maltais.

243    Or, ainsi qu’il résulte des points 45 et 46 ci-dessus, une telle décision nationale de désignation d’une personne compétente ne constitue pas un acte, adopté par une autorité compétente nationale, d’ouverture, préparatoire ou de proposition non contraignante de la décision attaquée et n’est donc pas de nature, en tout état de cause, à entacher celle-ci d’illégalité (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest, C‑219/17, EU:C:2018:1023, point 44).

244    En tout état de cause, s’agissant d’une décision prévue par le droit maltais et relevant de la compétence de la MFSA, la BCE ne saurait être tenue pour responsable des conséquences qu’une telle décision a entraînées.

245    En effet, l’obligation de respecter le droit d’être entendu des destinataires de ses décisions n’implique pas, pour une institution, l’obligation de s’assurer et de permettre que, en application des dispositions de droit national, ces destinataires aient la possibilité de rémunérer un avocat et d’avoir accès à leurs ressources afin de pouvoir exercer leur droit d’être entendu.

246    S’il en allait autrement, cela signifierait que les décisions des institutions de l’Union pourraient être entachées d’illégalité pour des motifs liés à l’application de règles de droit national, qui ne relèvent pas de leur compétence, et sur laquelle elles n’ont aucun contrôle.

247    Il ne saurait être valablement reproché non plus à la BCE de ne pas avoir, au titre de son pouvoir général de donner des instructions aux autorités compétentes nationales dans le cadre du mécanisme de surveillance unique, empêché la MFSA d’adopter la décision, destinée à assurer le respect des règles prudentielles, de nomination d’une personne compétente, dans le seul but de permettre aux administrateurs de la première requérante de disposer de ses fonds afin de rémunérer leur conseil et d’avoir accès à des documents et à des informations destinés à leur permettre d’exercer leur droit d’être entendu.

248    En effet, d’une part, la BCE n’est tenue à aucune obligation à cet égard, au-delà de l’obligation de recueillir les observations des destinataires de ses décisions, et, d’autre part, si tel était le cas, la réalisation des objectifs des règles de surveillance prudentielle nationales et de l’Union serait compromise.

249    Par voie de conséquence, les circonstances avancées par les requérantes, même à les supposer établies, ne sont pas de nature à entacher la décision attaquée d’illégalité.

250    Dans de telles circonstances, il appartiendrait à des parties requérantes de contester la légalité de la désignation de la personne compétente au niveau national et, le cas échéant, des décisions de cette personne ayant refusé de faire droit à leurs demandes de fonds destinés à rémunérer leur conseil ou leurs demandes d’accès à des ressources ou à des informations, au besoin, en formulant une demande de décision préjudicielle afin de demander à la Cour d’apprécier si le droit de l’Union, notamment le droit à une protection juridictionnelle effective, s’oppose à de telles décisions ou à la nomination d’une personne compétente.

251    La première requérante pouvait également, sous réserve de remplir les conditions exigées, solliciter l’accès à des documents ou à des informations auprès de la BCE, mais également solliciter une aide juridictionnelle de la part du Tribunal ou une demande de mesure d’organisation de la procédure visant à obtenir des documents utiles.

252    À cet égard, il doit également être relevé que, malgré plusieurs demandes de report de délais ou d’audience et demandes de suspension au cours de la présente procédure, les requérantes n’ont pas fait état devant le Tribunal de preuves attestant que la première requérante avait effectué des démarches, au cours de la présente procédure, auprès de la MFSA ou des juridictions maltaises afin de permettre à son conseil d’obtenir l’accès à des ressources ou à des documents.

253    Par conséquent, le dixième moyen doit être rejeté.

11.    Sur le onzième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

254    Selon les requérantes, la décision attaquée a été adoptée en violation de l’obligation de motivation en raison du caractère superficiel et vague de son raisonnement, lequel ne permettrait pas de déterminer si celle-ci était justifiée, d’apprécier la gravité du comportement prétendument répréhensible à l’origine de l’inculpation de M. Sadr aux États-Unis et de vérifier si ledit comportement était répréhensible sous l’angle du droit de l’Union.

255    La BCE et la Commission contestent ces arguments.

256    Il y a lieu de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (arrêts du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 462 ; du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 148, et du 6 septembre 2013, Iran Insurance/Conseil, T‑12/11, non publié, EU:T:2013:401, point 70).

257    La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications des mesures prises et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 15 novembre 2012, Al‑Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al‑Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 138 et jurisprudence citée).

258    Toutefois, si la motivation d’un acte de l’Union, exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte concerné de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la Cour d’exercer son contrôle, il n’est toutefois pas exigé qu’elle spécifie tous les éléments de droit ou de fait pertinents (arrêts du 19 novembre 2013, Commission/Conseil, C‑63/12, EU:C:2013:752, point 98, et du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 70).

259    En premier lieu, il convient de constater que la décision attaquée fait apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de la BCE, de sorte que sa motivation permet à la première requérante de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle.

260    En effet, il ressort clairement de la décision attaquée qu’elle a été motivée par l’inculpation de M. Sadr aux États‑Unis pour des infractions de nature financière et l’effet négatif de cette inculpation sur la réputation de celui-ci et la situation financière de la première requérante, lesquels remettaient en cause l’objectif de garantir une gestion saine et prudente de cet établissement de crédit

261    Il apparaît également clairement que le retrait de l’agrément de la première requérante a été considéré comme proportionné, au motif que cette mesure était nécessaire, au regard des difficultés de financement, de la gravité des manquements et du manque de viabilité de la banque ayant résulté de l’inculpation de son actionnaire et de l’atteinte à la réputation de celle-ci, pour assurer l’objectif de rétablissement de la légalité, de garantir sa gestion saine, de limiter les risques pour ses déposants et ses créanciers ainsi que les risques pour le marché bancaire maltais et européen.

262    Par ailleurs, l’objectif poursuivi par ce retrait a été considéré comme ne pouvant être atteint par d’autres mesures prudentielles ou par la vente de la première requérante à des tiers en raison de l’atteinte à sa réputation, de son absence de valeur et de ses difficultés de financement et de liquidités.

263    Dans ces conditions, l’argument des requérantes selon lequel le caractère superficiel et vague du raisonnement figurant dans la décision attaquée ne permet pas de déterminer si celle-ci était justifiée doit être rejeté.

264    En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que la motivation de la décision attaquée ne permet pas d’apprécier la gravité du comportement prétendument répréhensible à l’origine de l’inculpation de M. Sadr aux États-Unis et de vérifier si ledit comportement était répréhensible.

265    Toutefois, il est précisé dans la décision attaquée que l’acte d’inculpation en cause concerne des infractions financières, identifiées, qui sont considérées comme étant de nature à soulever de sérieux doutes quant à son intégrité en tant qu’actionnaire de la première requérante.

266    En outre, la décision attaquée contient une référence à des liens renvoyant à des sites Internet officiels permettant de prendre connaissance de l’acte d’inculpation de M. Sadr aux États-Unis et du communiqué de presse publié à cette occasion.

267    Dès lors que les accusations ayant conduit à l’inculpation de M. Sadr aux États-Unis sont identifiées dans la décision attaquée et que celle-ci renvoie à l’acte d’inculpation en cause, il ne saurait être considéré que la motivation de ladite décision ne permet pas d’apprécier la gravité du comportement prétendument répréhensible à l’origine de ladite inculpation, contrairement à ce que font valoir les requérantes.

268    Les arguments des requérantes quant à l’impossibilité d’apprécier la gravité du comportement prétendument répréhensible à l’origine de l’inculpation de M. Sadr aux États-Unis et de vérifier si ledit comportement était répréhensible ne sauraient donc prospérer.

269    Par conséquent, le onzième moyen doit être rejeté.

IV.    Sur les demandes de suspension, de mesures d’organisation de la procédure et de mesures d’instruction des requérantes

270    En premier lieu, par une lettre du 25 février 2021, les requérantes ont introduit une demande de mesure d’organisation, d’instruction et d’expertise visant à établir que, au cours de la procédure devant le Tribunal, les allégations contre M. Sadr avaient fait l’objet d’un non-lieu aux États-Unis.

271    La BCE et la Commission ont présenté leurs observations sur cette demande.

272    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où cet acte a été adopté (voir arrêt du 11 mai 2017, Suède/Commission, C‑562/14 P, EU:C:2017:356, point 63 et jurisprudence citée), de telle sorte que des actes postérieurs à l’adoption d’une décision ne peuvent affecter la validité de celle-ci (arrêt du 17 octobre 2019, Alcogroup et Alcodis/Commission, C‑403/18 P, EU:C:2019:870, points 45 et 46).

273    Dès lors que l’abandon des charges contre M. Sadr est intervenu postérieurement à l’adoption de la décision attaquée, il n’était pas, en application de la jurisprudence citée au point 272 ci-dessus, de nature à affecter sa légalité, de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande des requérantes.

274    En deuxième lieu, par une lettre du 21 mai 2021, les requérantes ont introduit une demande de mesure d’organisation et d’instruction visant à leur permettre de prendre position sur les conclusions de l’avocat général Hogan dans l’affaire Bank Melli Iran (C‑124/20, EU:C:2021:386), qui concernent l’interprétation du règlement no 2271/96 tel que dernièrement modifié par le règlement délégué 2018/1100.

275    La BCE et la Commission ont présenté leurs observations sur cette demande.

276    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, pour les raisons exposées au point 120 ci-dessus, le règlement no 2271/96 n’a pas d’incidence sur le présent recours.

277    En effet, la BCE n’a pas reconnu ou rendue exécutoire une décision de sanction au sens du règlement no 2271/96, puisqu’elle a apprécié l’honorabilité de l’actionnaire concerné telle que perçue par le marché et que les acteurs concernés ont réagi à l’inculpation sans tenir compte de son bien-fondé en application du droit de l’État tiers concerné ou du droit de l’Union.

278    Partant, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande des requérantes.

279    En troisième lieu, dans une lettre du 21 février 2021, les requérantes ont demandé une suspension de la procédure afin de « donner à la BCE et à la MFSA la possibilité de se conformer à la nouvelle jurisprudence maltaise confirmant que l’accès à la banque est une condition préalable à une représentation effective ».

280    La BCE et la Commission ont été entendues sur cette demande.

281    Or, dès lors que, ainsi qu’il a été indiqué aux points 245 et 246 ci-dessus, la BCE n’est tenue par aucune obligation de se conformer à la jurisprudence maltaise et que la première requérante n’a pas fait état de démarches entreprises devant la MFSA ou les juridictions maltaises, la suspension de la présente procédure ne saurait être considérée comme exigée par la bonne administration de la justice au sens de l’article 69, sous d), du règlement de procédure.

282    Il n’y a donc pas lieu de faire droit à cette demande des requérantes.

283    Au regard de ce qui précède, le recours doit donc être rejeté dans son intégralité.

V.      Sur les dépens

284    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens exposés par la BCE, conformément aux conclusions de cette dernière.

285    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Dès lors, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Pilatus Bank plc et Pilatus Holding Ltd. supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Banque centrale européenne (BCE).

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Van der Woude

Costeira

Kancheva

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 février 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.