Language of document : ECLI:EU:T:2009:522

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

17 décembre 2009(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale R.U.N. – Marques communautaire et nationale verbales antérieures ran – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009] – Obligation de motivation – Article 73 du règlement n° 40/94 (devenu article 75 du règlement n° 207/2009) – Refus partiel d’enregistrement »

Dans l’affaire T‑490/07,

Notartel SpA – Società informatica del Notariato, établie à Rome (Italie), représentée par Mes M. Bosshard et M. Balestriero, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Sempio, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

SAT.1 SatellitenFernsehen GmbH, établie à Berlin (Allemagne)

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 22 octobre 2007 (affaire R 1267/2006-4), relative à une procédure d’opposition entre SAT.1 SatellitenFernsehen GmbH et Notartel SpA – Società informatica del Notariato,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. A. W. H. Meij, président, V. Vadapalas et L. Truchot (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 21 décembre 2007,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 17 avril 2008,

à la suite de l’audience du 20 mai 2009,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 9 février 1999, la requérante, Notartel SpA – Società informatica del Notariato, a présenté une demande de marque communautaire, en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal R.U.N.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 35, 38 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 35 : « Création et gestion de banques de données par le biais de la saisie, du traitement et la mise à jour de données juridiques et administratives ; fourniture en ligne et sur demande de données juridiques et administratives » ;

–        classe 38 : « Fourniture de services de transmission de données sur un réseau » ;

–        classe 42 : « Programmation et production de logiciels ; activités de recherche liées à la production de bases de données ; recherche et fourniture d’informations juridiques et administratives ; services de certification liés au marketing électronique des services ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 92/1999, du 22 novembre 1999.

5        Le 21 février 2000, SAT.1 SatellitenFernsehen GmbH (ci-après « SAT.1 ») a formé une opposition à l’enregistrement de la marque demandée sur la base des marques antérieures suivantes désignant notamment des produits et des services relevant des classes 9, 35, 38, 41 et 42 visées à l’article 1er de l’arrangement de Nice :

–        ran, marque communautaire verbale déposée le 1er avril 1996 et enregistrée le 26 septembre 2005,

–        ran, marque allemande verbale déposée le 1er septembre 1994 et enregistrée le 20 janvier 1995.

6        À l’appui de son opposition, SAT. 1 invoquait le risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009], entre les marques R.U.N. et ran concernant les produits et les services des classes 9, 35, 38, 41 et 42 couverts par les marques antérieures et visait les services couverts par la demande de la requérante, tels qu’énoncés au point 3 ci-dessus.

7        Par décision du 27 juillet 2006, la division d’opposition de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) a rejeté l’opposition. Considérant que les signes étaient différents sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, elle a conclu qu’il n’existait aucun risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

8        Le 26 septembre 2006, l’opposante a formé un recours devant l’OHMI contre cette décision.

9        Par décision du 22 octobre 2007 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a partiellement accueilli le recours, au motif qu’un risque de confusion existait en raison de la similarité entre les signes et de l’identité ou de la similitude entre les services en cause de la classe 38, à savoir, pour la marque demandée, la « fourniture de services de transmission de données sur un réseau » et, pour les marques antérieures, la « transmission et diffusion de programmes radio et télévisés, incluant la transmission par câble, communications par satellite et autres moyens techniques similaires, transmission de sons ou d’images par satellite, collecte et fourniture d’informations, fourniture d’informations de presse et d’autres informations non destinées à la publicité », ainsi qu’entre les services de « programmation et de production de logiciels » de la classe 42 et les produits suivants de la classe 9 : « programmes informatiques stockés sur des bandes, cassettes, cartouches et modules, disques, films, cartes perforées, bande perforée et mémoires à semi-conducteurs ; supports de données électroniques ». Elle a, par conséquent, annulé la décision de la division d’opposition en ce qu’elle avait rejeté l’opposition quant à la « fourniture de services de transmission de données sur un réseau », relevant de la classe 38, et à la « programmation et production de logiciels », relevant de la classe 42. Elle a rejeté la demande de marque R.U.N. pour ces services et rejeté le recours de l’opposante concernant les autres services.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée, en ce qu’elle a accueilli l’opposition ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée, en ce qu’elle a considéré comme fondée l’opposition concernant les services de la classe 38 visés par la marque demandée ;

–        rejeter, en tout état de cause, tout recours éventuel futur ou demande contraire en confirmant à cet effet les parties de la décision attaquée ne faisant pas l’objet du présent recours ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

11      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–         rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

12      Lors de l’audience, la requérante a déclaré renoncer à son troisième chef de conclusions, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience.

13      Elle a également, en réponse à une question écrite posée par le Tribunal, déclaré se désister de son recours pour tous les services de la classe 38 autres que les services de transmission de données sur réseau qui diffèrent des services de transmission de programmes télévisés comprenant des programmes de divertissement, d’information, de journaux télévisés et de publicité ou de promotion, et a précisé que les services dont elle revendiquait la protection par la marque demandée étaient les services de transmission de données administratives et juridiques.

 En droit

14      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, respectivement, de la violation de l’article 73 du règlement n° 40/94 [devenu article 75 du règlement n° 207/2009] et de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 73 du règlement n° 40/94

Arguments des parties

15      La requérante fait valoir que la chambre de recours a énoncé une série de principes de droit pertinents, qu’elle a qualifiés de contraignants, aux fins de l’appréciation de la similitude entre les signes et entre les produits et les services en cause, mais qu’elle a, lors de l’appréciation concrète du cas d’espèce, appliqué des principes de droit différents, ce qui constitue « une motivation contradictoire et donc insuffisante ».

16      Le caractère contradictoire de la motivation de la décision attaquée résulterait de ce que la chambre de recours aurait affirmé, au point 13 de ladite décision, que la similitude entre les signes et entre les produits et les services en cause devait être appréciée du point de vue d’un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé et, au point 14, que le public pertinent, pour la majeure partie des produits et des services en cause, à l’exception des produits relevant de la classe 9, serait composé de spécialistes. Toutefois, lors de l’examen de l’existence d’un risque de confusion des signes en cause, la chambre de recours se serait limitée à vérifier que les signes semblaient similaires des points de vue phonétique et conceptuel pour les consommateurs parlant anglais.

17      La chambre de recours n’aurait donc pas identifié le public pertinent du point de vue commercial. Ce faisant, elle n’aurait pas respecté les principes de droit qu’elle avait elle-même énoncés, dans la mesure où elle n’aurait pas vérifié la similitude entre les signes du point de vue du spécialiste pour tous les produits ou services autres que ceux appartenant à la classe 9. Elle n’aurait pas davantage vérifié si cette similitude était visible pour un consommateur normalement informé, raisonnablement attentif et avisé, en ce qui concerne les produits appartenant à la classe 9.

18      En conséquence, selon la requérante, l’appréciation de la similitude entre les signes aurait été effectuée par la chambre de recours sur la base d’un « jugement abstrait », c’est-à-dire sans lien avec la perception des consommateurs moyens concernés par les signes en cause. Une telle motivation présenterait « un caractère contradictoire et donc insuffisant ».

19      La requérante considère que le raisonnement de la chambre de recours est affecté de la même contradiction en ce qui concerne la similitude entre les produits et les services en cause, laquelle a été également appréciée de manière abstraite, dès lors que cette appréciation de la similitude « entre les signes » n’a pas été opérée du point de vue du consommateur spécialisé.

20      L’OHMI conteste le bien-fondé de l’argumentation de la requérante.

Appréciation du Tribunal

21      En vertu de l’article 73, première phrase, du règlement n° 40/94, les décisions de l’OHMI doivent être motivées. Selon la jurisprudence, cette obligation a la même portée que celle consacrée par l’article 253 CE et son objectif est de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge communautaire d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [arrêts du Tribunal du 3 décembre 2003, Audi/OHMI (TDI), T‑16/02, Rec. p. II‑5167, points 87 et 88 ; du 28 avril 2004, Sunrider/OHMI – Vitakraft-Werke Wührmann et Friesland Brands (VITATASTE et METABALANCE 44), T‑124/02 et T‑156/02, Rec. p. II‑1149, points 72 et 73, et du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, Rec. p. II‑1927, point 43].

22      Il ressort également de la jurisprudence que, lorsque l’OHMI refuse l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire, il doit, pour motiver sa décision, indiquer le motif de refus, absolu ou relatif, qui s’oppose à cet enregistrement, ainsi que la disposition dont ce motif est tiré et exposer les circonstances factuelles qu’il a retenues comme étant prouvées et qui, selon lui, justifient l’application de la disposition invoquée. Une telle motivation est, en principe, suffisante pour satisfaire aux exigences évoquées au point 21 ci-dessus (arrêt Mozart, précité, point 46).

23      En l’espèce, contrairement à ce que prétend la requérante, la décision attaquée ne repose pas sur une motivation contradictoire.

24      Après avoir, d’une part, rappelé, au point 13 de la décision attaquée, la règle selon laquelle, aux fins de l’appréciation globale du risque de confusion, le consommateur moyen de la catégorie des produits en cause doit être raisonnablement informé, attentif et avisé et, d’autre part, constaté, au point 14 de la même décision, que, dans le cas d’espèce, pour la plupart des services en cause, le public pertinent se composait de spécialistes et, s’agissant des produits de la classe 9, comprenait à la fois le grand public et des consommateurs spécialisés, la chambre de recours a procédé à la comparaison des signes en cause, au point 16 de la décision attaquée, et des produits et services en cause, au point 17 de la même décision.

25      C’est donc par des motifs dépourvus de toute contradiction que la chambre de recours a rappelé les critères caractérisant le consommateur moyen avant de préciser que, en l’espèce, le public pertinent n’était composé qu’en partie de consommateurs moyens, les autres consommateurs ayant une connaissance spécialisée de certains services et des produits de la classe 9.

26      La chambre de recours a, en outre, contrairement à ce que soutient la requérante, identifié le public pertinent du point de vue de sa connaissance des produits et des services en cause.

27      S’agissant, enfin, de l’argument selon lequel la chambre de recours a apprécié la similitude entre les signes et entre les produits et les services sur le fondement d’un « jugement abstrait », sans lien avec la perception du public pertinent, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle, qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation. En l’espèce, un tel argument ne relève pas du moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation, mais de celui pris du bien-fondé de la décision. Par conséquent, il n’y a pas lieu d’examiner, au titre du contrôle du respect de l’obligation de motivation, la légalité au fond des motifs invoqués par la chambre de recours pour justifier sa décision (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, Rec. p. II‑2197, points 58 et 59).

28      Cet argument sera donc examiné dans le cadre du second moyen.

29      Il ressort de ce qui précède que la chambre de recours a motivé sa décision d’une manière qui n’est pas contradictoire. Par ailleurs, il résulte tant des motifs retenus par le Tribunal que de l’examen de l’ensemble de la décision attaquée que la chambre de recours a permis aussi bien à la requérante de connaître les justifications de la décision attaquée qu’au juge communautaire d’exercer son contrôle sur la légalité de ladite décision. Elle a ainsi satisfait à l’obligation de motivation qui lui incombait en vertu de l’article 73 du règlement n° 40/94.

30      Partant, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

Arguments des parties

31      La requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur de droit en appliquant des principes de droit différents de ceux qui ont été exactement énoncés, ce qui l’a conduit à conclure à tort à l’existence d’un risque de confusion entre les signes verbaux ran et R.U.N. et entre les produits et les services en cause.

32      Elle considère que l’application par la chambre de recours des principes qui permettent d’apprécier la similitude entre les signes, en vue d’établir l’existence du motif de refus d’enregistrement d’une marque prévu à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, aurait dû la conduire à rejeter le recours de l’opposante dans son intégralité.

33      La requérante fait valoir que, en recherchant l’existence d’un risque de confusion entre les signes verbaux en cause sur les plans phonétique et conceptuel pour les consommateurs parlant anglais, la chambre de recours n’a tenu compte que de la dimension territoriale du public concerné, oubliant de l’identifier également du point de vue commercial, et n’a pas examiné la question de la similitude entre les signes du point de vue d’un public spécialisé, qui est en l’espèce le public de référence pour tous les produits et les services autres que ceux appartenant à la classe 9.

34      La chambre de recours n’aurait pas non plus vérifié si la similitude entre les signes était perceptible, pour l’ensemble des produits et des services, y compris ceux de la classe 9, pour un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

35      La requérante ajoute que, si la perception du public pertinent avait été prise en considération, les similitudes phonétiques et conceptuelles existant entre les deux signes n’auraient pu être considérées comme suffisantes pour juger qu’un spécialiste du secteur pourrait les confondre en ce qui concerne les produits autres que ceux de la classe 9. S’agissant des produits de la classe 9, la chambre de recours aurait négligé de considérer que le consommateur pertinent de logiciels est ce spécialiste, consommateur attentif, informé et avisé, donc certainement capable de distinguer les signes en question, même en présence de ces similitudes.

36      La requérante estime, ensuite, que le raisonnement de la chambre de recours est entaché de la même erreur de droit et affecté de la même contradiction en ce qui concerne la similitude entre les produits et les services en cause.

37      S’agissant des services relevant de la classe 38, la requérante fait valoir que la chambre de recours a fait une appréciation abstraite de la similitude entre la fourniture de services de transmission de données sur réseau, services couverts par la demande de marque communautaire, et la transmission et la diffusion de programmes radio et télévisés, services des marques antérieures relevant de la classe 38. Elle aurait conclu à un haut degré de similitude entre ces services en se référant à la notion générale de réseau informatique, sans tenir compte du point de vue du spécialiste, informé et raisonnablement attentif et avisé. Elle aurait aussi omis de procéder à une appréciation de la similitude entre les signes effectuée du point de vue du spécialiste, informé et raisonnablement attentif et avisé. Celui-ci ne pourrait jamais considérer comme similaires les services de transmission de données sur réseau et la transmission de programmes radio et télévisés. Le consommateur européen percevrait ces services comme différents tant du point de vue de l’offre que de celui de la demande. Elle ajoute que, si la transmission de programmes de radio et de télévision entre dans la catégorie de la transmission de données sur un réseau, elle se caractérise, toutefois, par le contenu des données, images et sons, alors que la transmission de données sur un réseau peut avoir pour objet des données « si disparates » qu’il n’est pas possible d’identifier avec clarté un secteur commercial en particulier.

38      En réponse à une question écrite posée par le Tribunal, la requérante a précisé que l’opposition visant les services de la classe 38 de la marque demandée n’aurait pas dû être accueillie pour les services relatifs à la télématique sur réseau concernant la gestion et le fonctionnement de bases de données en matière légale ou administrative.

39      S’agissant de l’existence d’une similitude entre les services de programmation et de production de logiciels couverts par la classe 42, visés par la demande de marque, d’une part, et les produits de la classe 9, d’autre part, la requérante estime que la chambre de recours a également omis de se placer du point de vue du consommateur moyen, raisonnablement informé, attentif et avisé. L’affirmation selon laquelle les produits logiciels sur support fixe et les services de programmation et de production de logiciels seraient hautement complémentaires, au motif que les fabricants de ces programmes fournissent habituellement les services de maintenance et de mise à jour, serait purement « abstraite », sans référence au consommateur pertinent, qui n’aurait pas été identifié, ni à sa perception concrète des signes en cause.

40      Selon la requérante, les produits et les services en cause n’ont pas le même public de référence. Le consommateur de logiciels produits sur support fixe serait habituellement un consommateur moyen ou un petit entrepreneur qui, contrairement aux moyennes et grandes entreprises, ne s’adresserait pas à des fournisseurs de services de programmation et de production de logiciels personnalisés. De plus, l’achat de logiciels exigerait de vérifier la compatibilité de ces programmes avec l’ordinateur utilisé, de sorte que même un consommateur moyen raisonnablement informé, attentif et avisé, se montrerait plus attentif, lors de l’achat de ces produits, que pour l’acquisition de produits ayant un prix analogue, mais dont l’utilisation serait moins complexe. Cette attention lui permettrait de distinguer les signes qui désignent des produits similaires, même si, comme en l’espèce, lesdits signes présentent eux-mêmes une similitude.

41      L’OHMI conteste le bien-fondé de l’argumentation de la requérante.

Appréciation du Tribunal

42      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque communautaire demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

43      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public pertinent puisse croire que les produits ou les services désignés par les marques en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, points 33 et 34, et la jurisprudence citée).

44      Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte, et notamment la similitude des marques et celle des produits ou des services couverts (voir arrêt de la Cour du 15 mars 2007, T.I.M.E. ART/OHMI, C‑171/06 P, non publié au Recueil, point 35, et la jurisprudence citée).

45      Aux fins de l’appréciation globale du risque de confusion, le consommateur moyen des produits en cause est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Par ailleurs, il convient de tenir compte du fait que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire. Il y a lieu également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, Rec. p. II‑4359, point 28, et du 30 juin 2004, BMI Bertollo/OHMI – Diesel (DIESELIT), T‑186/02, Rec. p. II‑1887, point 38 ; voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26].

46      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le présent moyen. Par celui-ci, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir apprécié, dans la décision attaquée, la similitude entre les signes et entre les produits et les services en se plaçant du point de vue du public pertinent, ce qui suppose qu’il soit procédé à la comparaison des signes et à la comparaison des produits et des services.

–        Sur la comparaison des signes

47      Deux marques sont similaires, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, lorsque, du point de vue du public concerné, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêt du Tribunal du 25 novembre 2003, Oriental Kitchen/OHMI – Mou Dybfrost (KIAP MOU), T‑286/02, Rec. p. II‑4953, point 38 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 28].

48      Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, sont pertinents les aspects visuel, phonétique et conceptuel, l’appréciation de la similitude devant être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 25).

49      En outre, le consommateur moyen perçoit normalement un signe comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir, par analogie, arrêt SABEL, précité, point 23).

50      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, au point 16 de la décision attaquée, que les signes en cause présentaient une « similitude globale notable » sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

51      La requérante ne conteste pas l’analyse des signes effectuée par la chambre de recours, en elle-même, mais reproche à celle-ci de ne pas s’être placée du point de vue du consommateur pertinent dans la recherche de l’existence d’une similitude entre les signes.

52      Or, après avoir défini le public pertinent en constatant, au point 14 de la décision attaquée, qu’il était composé de spécialistes pour la plupart des services en cause et, pour les produits de la classe 9, du grand public et de consommateurs spécialisés, la chambre de recours a considéré que, au regard de la similitude globale notable que présentaient les deux signes en présence, ces signes devaient être jugés comme étant similaires, tout au moins dans l’esprit des consommateurs pertinents ayant une bonne maîtrise de l’anglais, ce dont il résulte qu’elle a bien examiné la similitude entre les signes du point de vue du public pertinent.

53      La requérante n’invoque, au soutien de son grief, aucun élément de nature à établir que le raisonnement au terme duquel la chambre de recours a conclu à l’existence d’une similitude entre les signes en cause est erroné et que ces signes seraient perçus différemment par le public pertinent.

54      L’argument selon lequel la perception du public pertinent n’a pas été prise en considération pour apprécier les similitudes phonétiques et conceptuelles existant entre les deux signes constitue une simple affirmation de la requérante, laquelle ne précise pas en quoi ces similitudes, dont elle admet pourtant l’existence, n’auraient pas dû être considérées par la chambre de recours comme suffisantes pour que le public concerné puisse confondre les signes en cause.

55      Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que, dans l’esprit des consommateurs pertinents ayant une bonne maîtrise de l’anglais, les signes en cause étaient similaires.

–        Sur la comparaison des produits et des services

56      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou ces services. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire [voir arrêt de la Cour du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, Rec. p. I‑4237, point 85, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 1er juillet 2008, Apple Computer/OHMI – TKS-Teknosoft (QUARTZ), T‑328/05, non publié au Recueil, point 35].

57      Les produits ou les services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise [arrêts du Tribunal du 1er mars 2005, Sergio Rossi/OHMI – Sissi Rossi (SISSI ROSSI), T‑169/03, Rec. p. II‑685, point 60, et du 15 mars 2006, Eurodrive Services and Distribution/OHMI – Gómez Frías (euroMASTER), T‑31/04, non publié au Recueil, point 35].

58      En l’espèce, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir apprécié la similitude entre les produits et les services en cause de manière abstraite, sans se placer du point de vue du spécialiste, informé et raisonnablement attentif et avisé, s’agissant des services relevant de la classe 38, et, s’agissant des services couverts par la classe 42 et des produits de la classe 9, sans se placer du point de vue du consommateur moyen, également informé et raisonnablement attentif et avisé.

59      La chambre de recours a considéré, au point 17 de la décision attaquée, que les services en cause de la classe 38 étaient très similaires, puisque les contenus des services de transmission en cause devaient tous être considérés comme des données pouvant faire l’objet d’un service de transmission via un réseau informatique, couvert par la marque demandée.

60      Contrairement à ce qu’affirme la requérante, la chambre de recours, après avoir identifié le public pertinent, a donc apprécié la similitude entre les services en cause relevant de la classe 38 de manière concrète, en se référant à un critère objectif précis, en l’occurrence la transmission via un réseau informatique.

61      La requérante n’invoque, au soutien de son grief, aucun élément de nature à établir que le raisonnement au terme duquel la chambre de recours a conclu à l’existence d’une similarité entre les services en cause relevant de la classe 38 est erroné et que ces services seront perçus différemment par le public pertinent.

62      Elle reconnaît même, au point 16 de la requête, que la télématique constitue le « point commun » entre les services de transmission en cause, se bornant à ajouter que ces services se caractérisent par le contenu particulier de la transmission, représenté par des images et/ou des sons, alors que la transmission de données sur un réseau peut avoir pour objet des données « si disparates » qu’il n’est pas possible d’identifier avec clarté un secteur commercial en particulier, sans dire en quoi le public pertinent, composé de spécialistes, ne pourrait jamais considérer comme similaires les transmissions de programmes de radio et de télévision et les services télématiques.

63      L’argument selon lequel un spécialiste du secteur concerné n’aurait pas porté la même appréciation constitue donc une simple affirmation de la requérante.

64      La chambre de recours, au point 17 de la décision attaquée, a également constaté que, d’une part, les services de la requérante couverts par la classe 42 tendaient à la fabrication de produits de la marque antérieure relevant de la classe 9 et que, d’autre part, ces produits et ces services étaient fortement complémentaires.

65      La complémentarité que la chambre de recours relève entre les produits et les services en cause relevant des classes 9 et 42 n’apparaît nullement abstraite, contrairement à ce qu’allègue la requérante, mais se fonde sur la perception du public pertinent, tel que défini au point 14 de la décision attaquée, et sur la constatation, au point 17, que les fabricants de programmes informatiques offrent souvent le service de maintenance et de mise à jour de ces programmes.

66      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation de la requérante selon laquelle les produits et les services en cause ne s’adressent pas au même public, au motif que le consommateur de produits logiciels sur support fixe serait habituellement un consommateur moyen ou un petit entrepreneur peu enclin, contrairement aux grandes entreprises, à recourir à des fournisseurs de services de programmation créés et « personnalisés » par ces derniers selon les exigences spécifiques de l’acheteur.

67      En effet, le public de référence est, pour ces produits et ces services, partiellement commun, car les produits relevant de la classe 9 couverts par les marques antérieures sont non seulement destinés au grand public, mais aussi aux entreprises de toute dimension, qui, tout autant que le consommateur moyen, font usage de programmes informatiques stockés sur des supports fixes dans l’exercice de leurs activités économiques.

68      Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que les produits et les services en cause étaient similaires.

–        Sur l’appréciation globale du risque de confusion

69      Le risque de confusion dans l’esprit du public pertinent doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, dont l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés, un faible degré de similitude entre ces derniers pouvant être compensé par un degré élevé de similitude entre les signes, et inversement [arrêts du Tribunal Fifties, précité, points 26 et 27, et du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 31 et 32 ; voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, points 16 et 17].

70      Ce risque est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure est important (voir, par analogie, arrêt SABEL, précité, point 24). Les marques dont le caractère distinctif est élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance qu’en a le public concerné sur le marché, jouissent en effet d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (voir, par analogie, arrêt Canon, précité, point 18).

71      Il y a donc lieu de constater que c’est à bon droit que la chambre de recours a relevé, au point 22 de la décision attaquée, que le signe antérieur ran était doté d’un caractère distinctif moyen et que, en raison de la similitude entre les signes et entre certains produits et services des marques antérieures et certains services de la marque demandée, il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent en ce qui concerne les produits de la classe 9 et les services des classes 38 et 42 en cause.

72      Partant, le second moyen doit être rejeté.

73      Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son intégralité, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la demande de désistement partiel présentée par la requérante lors de l’audience et visée au point 13 du présent arrêt.

 Sur les dépens

74      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Notartel SpA – Società informatica del Notariato est condamnée aux dépens.

Meij

Vadapalas

Truchot

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 décembre 2009.

Signatures


** Langue de procédure : l’italien.