Language of document : ECLI:EU:T:2021:621

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT
DE LA TROISIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

21 septembre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative Swisse – Motifs absolus de refus – Intervention – Association ayant pour objet la défense des intérêts de ses membres – Absence de représentativité – Absence d’intérêt à la solution du litige »

Dans l’affaire T‑486/20,

Health and Happiness (H&H) Hong Kong Ltd, établie à Hong Kong (Chine), représentée par M. D. Rose, Mme L. Flascher, solicitors, et M. N. Saunders, QC,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Ivanauskas et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Giuliani SpA, établie à Milan (Italie), représentée par Me S. de Bosio, avocat,

ayant pour objet, d’une part, un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 25 mai 2020 (affaire R 2185/2019‑5), relative à une procédure de nullité entre Giuliani et Health and Happiness (H&H) Hong Kong, et, d’autre part, un recours incident formé, à titre subsidiaire, à l’encontre de la même décision,

LE PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le 2 juillet 2003, Swisse Vitamins Pty. Ltd., prédécesseur en droit de la requérante, Health and Happiness (H&H) Hong Kong Ltd, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant, avec revendication des couleurs rouge, noire et blanche :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Vitamines, préparations de vitamines, formules à base d’herbes, compléments minéraux et éléments nutritifs comprenant des vitamines, minéraux, éléments nutritifs et formules à base d’herbes en capsules, tablettes et en forme liquide ».

4        Le 4 février 2005, la marque a été enregistrée en tant que marque de l’Union européenne sous le numéro 3252152 pour l’ensemble des produits visés au point précédent.

5        Le 9 mars 2018, l’intervenante, Giuliani SpA, a présenté une demande en nullité de la marque contestée, au titre de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), g), h) et i), de ce règlement, et de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du même règlement, pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        Par décision du 26 juillet 2019, la division d’annulation a annulé la marque contestée. Elle a considéré, en substance, que cette marque était dépourvue de caractère distinctif et qu’il n’était pas nécessaire d’examiner les autres causes de nullité invoquées.

7        Le 26 septembre 2019, la requérante a formé un recours contre la décision de la division d’annulation, au titre des articles 66 à 68 du règlement 2017/1001.

8        Par décision du 25 mai 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Elle a examiné la cause de nullité prévue à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement. Elle a estimé que c’était à juste titre que la division d’annulation avait accueilli la demande en nullité sur la base de cette dernière disposition, dans la mesure où il ressortait des arguments et des éléments de preuve dont elle disposait que la marque contestée ne serait pas considérée comme indicative d’une origine commerciale, mais plutôt comme une indication de ce que les produits provenaient de Suisse. Ces informations seraient dépourvues de caractère distinctif. Par ailleurs, la division d’annulation aurait estimé à juste titre qu’il n’était pas nécessaire d’évaluer le caractère prétendument trompeur de la marque contestée. Enfin, la chambre de recours a indiqué qu’elle partageait la position de la requérante selon laquelle les autres causes de nullité n’étaient invoquées que de manière fragmentaire par l’intervenante. Toutefois, ce constat n’aurait aucune incidence en l’espèce, étant donné qu’elle approuvait la décision de la division d’annulation rendue sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 août 2020, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision attaquée.

10      Les mémoires en réponse de l’EUIPO et de l’intervenante ont été déposés au greffe du Tribunal respectivement les 20 octobre et 3 novembre 2020.

11      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 3 novembre 2020, l’intervenante a introduit un recours incident en vertu des articles 182 et suivants du règlement de procédure du Tribunal.

12      Par actes déposés au greffe du Tribunal respectivement les 5 et 11 janvier 2021, l’EUIPO et la requérante ont soulevé des exceptions d’irrecevabilité du recours incident.

13      Par ordonnance du 16 septembre 2021, le Tribunal (troisième chambre) a rejeté le recours incident comme irrecevable.

14      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 novembre 2020, l’Association pour la protection de l’origine des cosmétiques suisses (Swisscos), a demandé à intervenir, sur le fondement des articles 142 et 143 du règlement de procédure du Tribunal, d’une part, dans le recours principal au soutien des conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante et, d’autre part, dans le recours incident au soutien des conclusions de l’intervenante.

15      La demande d’intervention a été signifiée aux parties, conformément à l’article 144, paragraphe 1, du règlement de procédure.

16      Dans ses observations, déposées au greffe du Tribunal le 4 décembre 2020, l’EUIPO a indiqué ne pas s’opposer à cette demande. Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 7 janvier 2021, l’intervenante a soutenu la demande d’intervention.

17      Dans ses observations, déposées au greffe du Tribunal le 7 janvier 2021, la requérante s’est opposée à la demande d’intervention et a demandé à ce que Swisscos soit condamnée aux dépens.

 En droit

18      Swisscos indique avoir été créée par les entreprises de cosmétique suisses pour protéger l’authenticité suisse (la « swissness »), la renommée des produits cosmétiques suisses ainsi que la garantie de la provenance suisse de tout produit portant l’indication de provenance suisse dans le secteur de la dermatologie cosmétologique contre des marques trompeuses ou d’autres formes de tromperie. Elle fait valoir qu’il ressort de l’article 2 de ses statuts qu’elle est une association ayant pour but de défendre et de promouvoir les intérêts des producteurs suisses de produits cosmétiques, de parfumerie et de branches annexes en Suisse et à l’étranger. Ce but impliquerait, notamment, que l’association, premièrement, « prenne toutes les mesures afin d’empêcher l’utilisation, sur un produit cosmétique, de parfumerie ou de branches annexes, de l’emblème national, des mots “Suisse”, “Schweizer” ou “schweizerische”, “svizzera”, “swiss” ou “swiss made” ou leur équivalent dans une autre langue, ainsi que l’utilisation d’un tel terme dans le cadre de toute autre activité concernant le produit, lorsque le produit en question n’a pas son origine en Suisse selon l’ordonnance du Conseil fédéral (suisse) sur l’utilisation des indications de provenance suisses pour les produits cosmétiques du 23 novembre 2016 (RS 232.112.3) », deuxièmement, « promeuve la marque Swisscos déposée à titre de marque verbale et de marque figurative, en Suisse et à l’étranger, par toutes les mesures adéquates, notamment par des actions de relations publiques et en participant, le cas échéant, à des manifestations », troisièmement, « défende les intérêts communs de ses membres auprès des autorités sur le plan national et international et représente ses membres devant ces autorités » et, quatrièmement, « sauvegarde d’une manière générale les intérêts communs de ses membres ».

19      Swisscos ajoute qu’elle est titulaire de la marque internationale figurative désignant l’Union européenne « SWISSCOS COSMETIC GUARANTEE », enregistrée le 21 juin 2017, sous le no 1370733, et qui couvrirait également les lotions et les sérums pour le bien-être de la peau et des cheveux. Cette marque est représentée comme suit :

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20      Swisscos aurait un intérêt à l’annulation de la marque contestée au motif que cette dernière serait composée d’un terme qui constituerait une imitation, voire une usurpation, de l’indication de provenance, « SWISS » ou « SUISSE », de l’État et de la communauté suisses et serait comparable à la marque internationale SWISSCOS COSMETIC GUARANTEE, qui servirait à distinguer l’origine géographique suisse pour les produits cosmétiques des membres de Swisscos. La marque contestée serait à la fois dépourvue de caractère distinctif et trompeuse, étant donné que la requérante l’aurait enregistrée pour des produits qui ne proviendraient pas de Suisse et, a fortiori, ne seraient pas conformes au droit suisse.

21      Par ailleurs, Swisscos souscrit aux arguments figurant dans les mémoires en réponse de l’EUIPO et de l’intervenante. Elle ajoute, en substance, que, contrairement à ce que prétend la requérante, celle-ci n’aurait pas pu invoquer, dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO, l’acquisition par la marque contestée d’un caractère distinctif par l’usage, non seulement parce qu’elle prétendrait avoir utilisé cette marque uniquement en Italie, mais également parce qu’une telle utilisation aurait été trompeuse, puisque la requérante n’aurait jamais fabriqué de produits en Suisse. Enfin, Swisscos présente une lettre de soutien à sa demande d’intervention de l’institut fédéral de la propriété intellectuelle (Suisse) du 17 novembre 2020, dans laquelle ce dernier relève que l’ordonnance du Conseil fédéral suisse du 23 novembre 2016 (voir point 18 ci-dessus) réglemente de manière précise et spécifique les conditions qui doivent être remplies afin qu’un produit cosmétique puisse utiliser l’indication géographique « swiss » ou « Switzerland ».

22      À titre subsidiaire, Swisscos estime que le Tribunal, dans l’hypothèse où il jugerait que la division d’annulation n’était pas en droit de déclarer nulle la marque contestée au motif qu’elle était dépourvue de caractère distinctif, devrait néanmoins confirmer la décision attaquée sur le fondement des autres moyens de nullité invoqués par l’intervenante, tels qu’énoncés dans son recours incident.

23      En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige autre qu’un litige entre États membres, entre institutions de l’Union ou entre États membres, d’une part, et institutions de l’Union, d’autre part, est en droit d’intervenir à ce litige.

24      La notion d’intérêt à la solution du litige, au sens de cette disposition, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens soulevés. En effet, par « solution » du litige, il faut entendre la décision finale demandée au juge saisi, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt. Il convient, notamment, de vérifier que la partie intervenante est touchée directement par l’acte attaqué et que son intérêt à la solution du litige est certain (voir ordonnance du président de la Cour du 12 mars 2019, Allemagne/Esso Raffinage, C‑471/18 P, non publiée, EU:C:2019:198, point 13 et jurisprudence citée, et ordonnance du 26 octobre 2017, La Quadrature du Net e.a./Commission, T‑738/16, non publiée, EU:T:2017:775, point 19 et jurisprudence citée). En principe, un intérêt à la solution du litige ne saurait être considéré comme suffisamment direct que dans la mesure où cette solution est de nature à modifier la position juridique du demandeur en intervention (voir ordonnance du président de la Cour du 9 octobre 2018, Pologne/Commission, C‑181/18 P, non publiée, EU:C:2018:826, point 6 et jurisprudence citée).

25      En outre, est admise l’intervention d’associations représentatives qui ont pour objet la protection de leurs membres dans des affaires soulevant des questions de principe de nature à affecter ces derniers (voir ordonnance du président de la Cour du 13 novembre 2019, Yokohama Rubber et EUIPO/Pirelli Tyre, C‑818/18 P et C‑6/19 P, non publiée, EU:C:2019:979, point 6 et jurisprudence citée, et ordonnance du 26 octobre 2017, La Quadrature du Net e.a./Commission, T‑738/16, non publiée, EU:T:2017:775, point 20 et jurisprudence citée).

26      Une association peut ainsi être admise à intervenir dans une affaire si elle est représentative d’un nombre important de personnes concernées, voire d’entreprises actives dans le secteur concerné, si son objet comprend la protection des intérêts de ses membres, si l’affaire peut soulever des questions de principe affectant ces personnes concernées, ou le fonctionnement du secteur concerné et, donc, si les intérêts de ses membres peuvent être affectés dans une mesure importante par l’arrêt à intervenir (ordonnance du 30 novembre 2016, Stena Line Scandinavia/Commission, T‑631/15, non publiée, EU:T:2016:718, points 17 et 24, et ordonnance du 26 octobre 2017, La Quadrature du Net e.a./Commission, T‑738/16, non publiée, EU:T:2017:775, point 21 et jurisprudence citée). Les questions soulevées dans le cadre de l’affaire doivent présenter un rapport suffisamment étroit avec les objectifs généraux poursuivis par l’association (voir ordonnance du 26 octobre 2017, La Quadrature du Net e.a./Commission, T‑738/16, non publiée, EU:T:2017:775, point 22 et jurisprudence citée).

27      Le juge de l’Union a adopté une interprétation large du droit d’intervention des associations qui, selon lui, vise à permettre de mieux apprécier le cadre des affaires, tout en évitant une multiplicité d’interventions individuelles qui compromettraient l’efficacité et le bon déroulement de la procédure (voir ordonnance du 30 novembre 2016, Stena Line Scandinavia/Commission, T‑631/15, non publiée, EU:T:2016:718, point 18 et jurisprudence citée).

28      Encore faut-il, toutefois, que la demande d’intervention présentée par une telle association contienne l’exposé des circonstances établissant son droit d’intervenir au litige, conformément à l’article 143, paragraphe 2, sous f), du règlement de procédure (ordonnance du président de la Cour du 12 mars 2019, Allemagne/Esso Raffinage, C‑471/18 P, non publiée, EU:C:2019:198, point 15).

29      En premier lieu, il convient de rejeter l’allégation de la requérante selon laquelle le règlement de procédure du Tribunal ne prévoit pas qu’une personne morale qui n’était pas partie à la procédure devant la chambre de recours puisse intervenir dans la procédure de recours contre la décision de cette dernière devant le Tribunal. En effet, s’il est exact que le titre quatrième du règlement de procédure, intitulé « du contentieux relatif aux droits de la propriété intellectuelle » ne prévoit pas expressément la possibilité d’une telle intervention, il résulte de l’article 191 du règlement de procédure que sous réserve des dispositions particulières de son titre quatrième, les dispositions de son titre troisième sont applicables aux procédures visées par le titre quatrième. Ainsi, la possibilité pour une personne qui n’était pas partie à la procédure devant la chambre de recours d’intervenir dans un recours devant le Tribunal contre la décision de cette chambre est régie par le chapitre quatorzième du titre troisième, consacré à l’intervention dans le cadre des recours directs [voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 16 septembre 2013, Golam/OHMI – Pentafarma (METABOL), T‑486/12, non publiée, EU:T:2013:544, point 12].

30      Cette conclusion est corroborée par la circonstance que, sous l’empire de son règlement de procédure du 2 mai 1991, le Tribunal avait déjà apprécié des demandes d’intervention présentées par de telles personnes dans des recours dirigés contre des décisions des chambres de recours de l’EUIPO à l’aune des règles s’appliquant aux autres recours que ceux relatifs aux droit de la propriété intellectuelle [ordonnance du 2 mars 2011, Vuitton Malletier/OHMI – Friis Group International (Représentation d’un dispositif de verrouillage), T‑237/10, EU:T:2011:67, points 33 à 37]. En tout état de cause, de telles demandes d’intervention sont couvertes par l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice [ordonnance du 20 novembre 2019, Glaxo Group/EUIPO (Nuance de couleur pourpre), T‑187/19, non publiée, EU:T:2019:810, points 20 à 23]. Par ailleurs, la Cour a déjà admis un tiers à un litige devant la chambre de recours à intervenir au stade du pourvoi contre un arrêt du Tribunal rendu dans le cadre d’un tel litige (ordonnance du président de la Cour du 13 novembre 2019, Yokohama Rubber et EUIPO/Pirelli Tyre, C‑818/18 P et C‑6/19 P, non publiée, EU:C:2019:979). Or, une situation où une personne ne serait, par principe, pas admise à intervenir devant le Tribunal, alors qu’elle le serait devant la Cour, irait à l’encontre de l’esprit et de l’économie des règles qui gouvernent la procédure devant les juges de l’Union.

31      En deuxième lieu, contrairement à ce que prétend la requérante, rien dans le statut de la Cour de justice ni dans le règlement de procédure, n’empêche une association d’intervenir dans un recours devant le Tribunal relatif à un litige concernant la validité d’une marque de l’Union européenne pour la seule raison que la date de la demande d’enregistrement de cette marque, voire celles de la publication de cette demande ou de l’enregistrement de cette marque sont antérieures à la constitution de ladite association.

32      En troisième lieu, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la demande d’intervention de Swisscos a un autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties. En effet, si Swisscos demande d’intervenir au soutien des conclusions de l’intervenante formulées dans son recours incident, qui a déjà été rejeté comme irrecevable (voir point 13 ci-dessus), elle demande également d’intervenir au soutien des conclusions de l’intervenante et de l’EUIPO présentées dans leurs mémoires en réponse dans le cadre du recours principal (voir point 14 ci-dessus).

33      En quatrième lieu, c’est à juste titre, en revanche, que la requérante fait valoir que Swisscos n’a pas démontré satisfaire aux conditions prévues à l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice.

34      Premièrement, si Swisscos se présente comme une association qui représente, promeut et défend les intérêts de ses membres, elle ne justifie toutefois pas disposer de la qualité d’association représentative au sens de la jurisprudence citée aux points 25 à 26 ci‑dessus.

35      Swisscos n’avance aucun argument pour démontrer qu’elle est représentative d’un nombre important d’entreprises actives dans le secteur concerné. Or, il a été rappelé au point 28 ci-dessus qu’il appartient à l’association demanderesse en intervention d’exposer dans sa demande d’intervention, des circonstances établissant son droit d’intervenir au litige.

36      Par ailleurs, si l’annexe S5 de la demande d’intervention contient une liste de 17 sociétés et autant de marques, Swisscos n’a avancé aucun argument ni élément de preuve qui permettrait d’apprécier s’il s’agit d’un nombre important d’entreprises suisses dans le secteur concerné.

37      Deuxièmement, Swisscos n’a pas identifié les questions de principe de nature à affecter ses membres, qui seraient soulevées dans la présente affaire. À supposer qu’il s’agisse de la question de savoir si la marque contestée est dépourvue de caractère distinctif et, de ce fait, trompeuse, étant donné que la requérante l’aurait enregistrée pour des produits qui ne proviendraient pas de Suisse (voir point 20 ci‑dessus), il y aurait lieu de constater qu’une telle question ne va pas au-delà du périmètre du présent litige et ne saurait être considérée comme une question de principe de nature à affecter les membres de Swisscos ou le fonctionnement du secteur concerné, à savoir celui des cosmétiques suisses. De surcroît, si le recours incident soulève la question du caractère trompeur de la marque contestée, il a déjà été rejeté comme irrecevable (voir point 13 ci-dessus). Quant au recours principal, il concerne plutôt la conformité de la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision attaquée, voire la question de savoir si la chambre de recours s’est placée au moment pertinent, c’est-à-dire, à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, pour l’examen de son caractère distinctif. En tout état de cause, la demande d’intervention ne précise pas de quelle manière ces questions sont susceptibles d’affecter les membres de Swisscos ou le fonctionnement du secteur concerné.

38      Troisièmement, en ce qui concerne l’objectif de promouvoir la marque SWISSCOS COSMETIC GUARANTEE et l’argument selon lequel l’intérêt de Swisscos à l’annulation de la marque contestée consiste dans le fait que cette dernière est comparable à la marque SWISSCOS COSMETIC GUARANTEE, il y a lieu de constater que Swisscos n’en conclut pas qu’il existerait un risque de confusion entre ces marques. Par ailleurs, il ressort de sa demande d’intervention qu’elle ne soutient pas les conclusions de l’intervenante et de l’EUIPO, c’est-à-dire, en fin de compte, vise à obtenir l’annulation de la marque contestée, au motif qu’elle entend empêcher un concurrent de ses membres d’utiliser une marque prétendument similaire à la sienne, mais au motif que la marque contestée serait trompeuse. Swisscos précise elle‑même que sa marque SWISSCOS COSMETIC GUARANTEE « sert à distinguer l’origine géographique suisse pour les produits cosmétiques [de ses membres] », ce qui correspond à l’objectif qui a présidé à sa constitution.

39      Partant, contrairement à ce qui est exigé par la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus, Swisscos, en sa qualité de titulaire de la marque SWISSCOS COSMETIC GUARANTEE, fait état d’un intérêt par rapport aux moyens soulevés, mais non par rapport aux conclusions elles-mêmes.

40      Ainsi, Swisscos ne justifie pas d’un intérêt à la solution du présent litige au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice.

41      Il s’ensuit que la demande d’intervention de Swisscos doit être rejetée.

 Sur les dépens

42      En vertu de l’article 133 du règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance. La présente ordonnance mettant fin à l’instance à l’égard de Swisscos, il convient de statuer sur les dépens afférents à sa demande d’intervention.

43      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, lu conjointement avec l’article 144, paragraphe 6, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Swisscos ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens et ceux de la requérante, afférents à la procédure en intervention, conformément aux conclusions de cette dernière. L’EUIPO et l’intervenante n’ayant pas formulé de conclusions à cet égard, ils supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande d’intervention de l’Association pour la protection de l’origine des cosmétiques suisses (Swisscos) est rejetée.

2)      Swisscos est condamnée à supporter ses propres dépens et ceux de Health and Happiness (H&H) Hong Kong Ltd afférents à la procédure en intervention.

3)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et Giuliani SpA supporteront leurs propres dépens afférents à la procédure en intervention.

Fait à Luxembourg, le 21 septembre 2021.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

A. M. Collins


*      Langue de procédure : l’anglais.