Language of document : ECLI:EU:T:2005:45

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)
15 février 2005 (1)

« Fonctionnaires – Procédure de sélection pour le recrutement d'agents temporaires – Non-admission aux épreuves – Limite d'âge – Principe de non‑discrimination »

Dans l'affaire T-256/01,

Norman Pyres, ancien agent temporaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes G. Vandersanden et L. Levi, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et Mme F. Clotuche‑Duvieusart, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation des décisions du comité de sélection « Recherche » COM/R/A/14/2000, du 1er décembre 2000, COM/R/A/07/2000, du 4 décembre 2000, et COM/R/A/10/2000, du 7 décembre 2000, de ne pas admettre le requérant aux procédures de sélection organisées par la direction générale « Recherche », au motif qu'il ne remplissait pas la condition relative à la limite d'âge,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),



composé de MM. B. Vesterdorf, président, P. Mengozzi et Mme I. Labucka, juges,

greffier : M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 21 septembre 2004,

rend le présent



Arrêt




Antécédents du litige

1
M. Pyres, ancien agent temporaire de la Commission (ci-après le « requérant »), s’est porté candidat à trois procédures de sélection organisées par la direction générale « Recherche » sur la base d’un avis de sélection, visant à constituer plusieurs réserves de recrutement d’agents temporaires de la catégorie A, publié par la Commission entre les 25 et 30 août 2000.

2
Les trois procédures de sélection étaient les suivantes : COM/R/A/07/2000 (spécialiste dans le domaine des technologies de l’information et des communications ayant des connaissances socio‑économiques), COM/R/A/10/2000 (spécialiste en socio-économie dans le domaine des technologies de l’information et des communications) et COM/R/A/14/2000 (responsable du projet « connaissances et compétences »).

3
Le point III A de l’avis de sélection en cause prévoyait que, pour être admis à participer à la sélection COM/R/A/07/2000, les candidats devaient être nés après le 27 octobre 1954, tandis que, pour les deux sélections COM/R/A/10/2000 et COM/R/A/14/2000, les candidats devaient être nés après le 27 octobre 1949. Cet avis prévoyait également, en son point VII 1, que la limite d’âge, visée au point III A, ne s’appliquerait pas aux candidats possédant, depuis plus d’un an et de manière ininterrompue, à la date limite pour le dépôt des candidatures, la qualité de fonctionnaire ou d’agent des Communautés européennes.

4
Par lettres des 1er, 4 et 7 décembre 2000 (ci-après les « décisions attaquées »), le requérant a été informé par le secrétaire du comité de sélection qu’il n’avait pas été admis à participer aux sélections susvisées, parce qu’il ne remplissait pas, à la date du dépôt des candidatures, la condition relative à la limite d’âge prévue au point III A de l’avis de sélection.

5
Le 1er mars 2001, le requérant a introduit une réclamation contre ces trois décisions. Cette réclamation a été rejetée par décision de l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’ « AHCC ») du 24 septembre 2001.


Procédure et conclusions des parties

6
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 octobre 2001, le requérant a introduit le présent recours.

7
Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 15 janvier 2002, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal. Le requérant a déposé ses observations sur cette exception le 25 mars 2002.

8
Par ordonnance du 23 septembre 2002, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé de joindre au fond l’exception d’irrecevabilité et de réserver les dépens.

9
Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter l’exception d’irrecevabilité formulée par la défenderesse ;

annuler les décisions attaquées ;

annuler, pour autant que de besoin, la décision de l’AHCC du 24 septembre 2001 rejetant la réclamation du requérant ;

condamner la Commission à l’ensemble des dépens.

10
La défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

déclarer le recours irrecevable ou, en cas de rejet de l’exception d’irrecevabilité, rejeter le recours sur le fond ;

statuer sur les dépens comme de droit.


En droit

1. Sur la recevabilité

Arguments des parties

11
Dans son exception d’irrecevabilité, la défenderesse soutient que les moyens soulevés par le requérant visent en réalité à mettre en cause la légalité de l’avis de sélection.

12
Il en serait ainsi pour ce qui concerne tant le moyen visant à contester le choix de l’AHCC d’insérer une limite d’âge parmi les conditions d’admission spécifiées dans l’avis de sélection que le moyen mettant en cause la légalité de la dérogation en faveur des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes, prévue au point VII 1 de l’avis de sélection.

13
Dans ces conditions, l’acte faisant grief au requérant serait l’avis de sélection publié à la fin du mois d’août 2000. La réclamation et le recours du requérant, introduits respectivement les 1er mars et 10 octobre 2001, seraient tardifs et donc irrecevables.

14
Au soutien de son argumentation, la Commission invoque l’arrêt de la Cour du 11 mars 1986, Adams e.a./Commission (294/84, Rec. p. 977), lequel serait applicable par analogie au cas d’espèce qui concerne des procédures de sélection devant répondre aux mêmes exigences qu’un concours.

15
Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, le requérant souligne que, depuis l’arrêt Adams e.a./Commission, précité, invoqué par la défenderesse, la jurisprudence communautaire a évolué, reconnaissant désormais la possibilité pour le candidat à un concours d’attaquer la décision de non-admission du jury en invoquant des irrégularités entachant l’avis de concours. À cet égard, le requérant cite, notamment, l’arrêt du Tribunal du 16 septembre 1993, Noonan/Commission (T‑60/92, Rec. p. II‑911), et l’arrêt de la Cour du 11 août 1995, Commission/Noonan (C‑448/93 P, Rec. p. I‑2321).

Appréciation du Tribunal

16
Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’une procédure de recrutement, le requérant peut, à l’occasion d’un recours dirigé contre des actes ultérieurs, faire valoir l’irrégularité des actes antérieurs qui leur sont étroitement liés (voir, notamment, arrêts de la Cour du 31 mars 1965, Ley/Commission, 12/64 et 29/64, Rec. p. 143 ; du 8 mars 1988, Sergio/Commission, 64/86, 71/86 à 73/86 et 78/86, Rec. p. 1399, point 15 ; Commission/Noonan, précité, point 17, et arrêt du Tribunal du 23 mars 2004, Theodorakis/Conseil, T‑310/02, non encore publié au Recueil, point 48). Ainsi, le Tribunal peut, au vu de la cohésion des différents actes composant la procédure de recrutement, examiner si un acte préparatoire, tel l’avis de concours, qui est étroitement lié à la décision attaquée, est éventuellement entaché d’illégalité (arrêt du Tribunal du 15 février 1996, Ryan‑Sheridan/FEACVT, T-589/93, RecFP p. I‑A‑27 et II‑77, points 23 et 25).

17
À cet égard, la Cour a précisé que le fait de ne pas avoir attaqué l’avis de concours dans les délais n’empêche pas un requérant de se prévaloir d’irrégularités intervenues lors du déroulement du concours, même si l’origine de telles irrégularités peut être trouvée dans le texte de l’avis de concours (arrêt Sergio/Commission, précité, point 15).

18
Plus précisément, lorsque le moyen tiré de l’irrégularité de l’avis de concours non attaqué en temps utile concerne la motivation de la décision individuelle attaquée, la recevabilité du recours a été admise par la jurisprudence (arrêt Noonan/Commission, précité, point 27). En effet, un candidat à un concours ne saurait être privé du droit de contester en tous ses éléments, y compris ceux qui ont été définis dans l’avis de concours, le bien‑fondé de la décision individuelle adoptée à son égard en exécution des conditions définies dans cet avis, dans la mesure où seule cette décision d’application individualise sa situation juridique et lui permet de savoir avec certitude comment et dans quelle mesure ses intérêts particuliers sont affectés (arrêt Noonan/Commission, précité, point 23).

19
En revanche, il résulte de l’arrêt Adams e.a./Commission, précité, interprété à la lumière de la jurisprudence postérieure de la Cour, que, à défaut de lien étroit entre la motivation même de la décision attaquée et le moyen tiré de l’irrégularité alléguée de l’avis de concours non attaqué en temps utile, le recours doit être déclaré irrecevable, en application des règles d’ordre public relatives aux délais de recours, auxquelles il ne saurait être dérogé, dans une hypothèse de ce type, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique (voir arrêts Adams e.a./Commission, précité, point 17, et Noonan/Commission, précité, point 27).

20
Par ailleurs, dans l’arrêt Commission/Noonan, précité, la Cour a, d’une part, souligné que la jurisprudence susmentionnée repose sur la prise en considération de la nature particulière de la procédure de recrutement qui est une opération administrative complexe composée d’une succession de décisions très étroitement liées et, d’autre part, précisé que ce fondement garde toute sa valeur dans le cas où la condition controversée fixée dans l’avis de concours est claire et précise. Elle en a, dès lors, conclu qu’il n’y a pas lieu de distinguer selon le degré de clarté et de précision de l’avis de concours (point 19).

21
La jurisprudence citée aux points 16 à 20 ci-dessus, qui a trait à des procédures de concours, s’applique, par analogie, aux procédures de recrutement d’agents temporaires.

22
S’agissant du présent recours, il convient, tout d’abord, de relever que les différents moyens et griefs soulevés par le requérant à l’encontre des décisions attaquées visent tous, en substance, à contester les dispositions de l’avis de sélection fixant une limite d’âge au-delà de laquelle l’admission aux trois procédures de recrutement en cause était refusée et établissant des dérogations à l’application d’une telle limite en faveur des fonctionnaires et des agents remplissant certaines conditions.

23
Ensuite, il y a lieu de constater que les décisions attaquées rejettent la candidature du requérant au motif que sa date de naissance est antérieure à celles fixées par l’avis de sélection. Il en est de même pour la décision de rejet de la réclamation, en date du 24 septembre 2001, qui fait état de l’absence d’incompatibilité avec le principe de non‑discrimination de la dérogation à l’application des limites d’âge prévues par l’avis de sélection en faveur des fonctionnaires et agents en service.

24
Dans ces circonstances, il ne saurait être contesté qu’il existe, en l’espèce, un lien étroit entre la motivation des décisions attaquées et les différents moyens et griefs soulevés par le requérant au soutien de son recours, tirés de l’illégalité des dispositions de l’avis de sélection relatives à la fixation et à l’application de la limite d’âge.

25
Dès lors, à la lumière de la jurisprudence mentionnée aux points 16 à 20 ci-dessus, il y a lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et de déclarer le recours recevable.

2. Sur le fond

26
À l’appui de son recours, le requérant soulève deux moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe III du statut des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes, dans sa rédaction en vigueur au moment des faits (ci-après le « statut »), d’une violation de l’article 12 du régime applicable aux autres agents, dans sa rédaction en vigueur au moment des faits (ci‑après le « RAA »), d’une violation de l’intérêt du service et d’une erreur manifeste d’appréciation. Le second moyen est tiré d’une violation du principe de non-discrimination.

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe III du statut, d’une violation de l’article 12 du RAA, d’une violation de l’intérêt du service et d’une erreur manifeste d’appréciation

Arguments des parties

27
Tout en reconnaissant que le statut accorde aux institutions un large pouvoir d’appréciation s’agissant de l’organisation d’un concours, le requérant souligne qu’une telle marge d’appréciation doit être exercée conformément aux dispositions impératives de l’article 27 du statut, aux termes duquel le « recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité ». Il s’ensuit, selon le requérant, qui renvoie sur ce point à l’arrêt du Tribunal du 21 novembre 2000, Carrasco Benítez/Commission (T‑214/99, RecFP p. I‑A‑257 et II‑1169), que les choix opérés par les institutions, dans le cadre de la large marge d’appréciation qui leur est reconnue en la matière, doivent toujours être effectués en fonction des exigences liées aux emplois à pourvoir et, plus généralement, de l’intérêt du service.

28
S’agissant des procédures de sélection en cause, la Commission n’aurait aucunement expliqué les raisons qui l’ont amenée à retenir une limite d’âge et à la fixer à 45 ans ou à 51 ans. En particulier, dans la décision de rejet de la réclamation du requérant, elle se serait bornée à indiquer, d’une part, que la limite d’âge de 45 ans pour la procédure de sélection COM/R/A/07/2000 était celle habituellement fixée par l’AHCC dans le cadre des procédures de sélection pour le recrutement d’agents temporaires et, d’autre part, s’agissant des deux autres procédures de sélection, que la limite d’âge avait été relevée à 51 ans au motif qu’une expérience professionnelle de quinze ans était requise.

29
Or, selon le requérant, une justification était d’autant plus nécessaire en l’espèce que, d’une part, la limite d’âge n’est pas une condition obligatoire dans les procédures de recrutement, l’article 1er, paragraphe 1, sous g), de l’annexe III du statut ne l’envisageant qu’à titre facultatif, et, d’autre part, les procédures de sélection en cause avaient pour objet de constituer une réserve de recrutement relative à des postes de direction dans les domaines de l’administration et du conseil correspondant à des emplois de la catégorie A. L’introduction d’une limite d’âge dans ces procédures aurait eu pour effet d’exclure des candidats particulièrement qualifiés, comme le requérant, et ce au détriment de l’intérêt du service.

30
Selon le requérant, l’absence de toute justification à l’introduction d’une limite d’âge dans les procédures en cause démontre que la Commission a renoncé à exercer son pouvoir d’appréciation.

31
S’agissant des arguments développés par la Commission dans son mémoire en défense, relatifs, d’une part, aux exigences d’une gestion des carrières cohérente et, d’autre part, à la nécessité de préserver l’équilibre financier du régime de pensions, le requérant rappelle que, selon la jurisprudence et notamment l’arrêt Carrasco Benítez/Commission, précité, le seul objectif qui peut être poursuivi par l’autorité compétente dans la fixation des conditions d’une procédure de recrutement tient aux exigences liées aux emplois à pourvoir et, plus généralement, à l’intérêt du service. Il découlerait de cette jurisprudence que chaque condition prévue dans l’avis de sélection doit être nécessaire pour occuper l’emploi en cause, et non pour correspondre à une politique générale arrêtée a priori et qui lierait dans tous les cas l’institution.

32
La Commission souligne le caractère essentiellement politique du choix laissé aux institutions quant à la fixation de limites d’âge dans les procédures de recrutement. À cet égard, elle affirme avoir opéré en 1998 un choix de principe en faveur de l’abandon des limites d’âge dans les avis de concours. Cependant, une approche interinstitutionnelle se révélant nécessaire en la matière, elle se serait limitée, dans un premier temps, à relever les limites d’âge à 45 ans pour les concours dans le grade de base. Cette limite serait portée à 50 ans lorsque, comme dans le cas d’une des procédures de sélection en cause en l’espèce, une expérience professionnelle plus importante est requise.

33
Afin de justifier l’insertion d’une limite d’âge dans l’avis de sélection en cause, la Commission fait observer, en premier lieu, que les fonctionnaires recrutés pour le grade de base à plus de 50 ans auraient des perspectives de carrière assez limitées, avec peu de possibilités de promotions successives et d’avancements d’échelon. Une telle situation engendrerait des frustrations liées à une évolution de carrière insatisfaisante et donc, pour la Commission, le risque de disposer de fonctionnaires peu motivés au travail. Inversement, une promotion plus rapide des fonctionnaires plus âgés et nouvellement recrutés créerait des frustrations chez les fonctionnaires plus jeunes et constituerait une rupture d’égalité de traitement et une remise en cause du principe prévu à l’article 5, paragraphe 3, du statut selon lequel « les fonctionnaires appartenant à une même catégorie […] sont soumis respectivement à des conditions identiques […] de déroulement de carrière ». L’introduction d’une limite d’âge dans les procédures de recrutement tiendrait également compte du souci d’assurer concrètement la possibilité d’une intégration des fonctionnaires dans les services, intégration qui pose des problèmes si des fonctionnaires doivent êtres placés sous la direction de cadres plus jeunes.

34
En second lieu, la Commission soutient que la décision de prévoir des limites d’âge serait justifiée par l’impact financier qu’aurait le recrutement de personnel âgé sur le régime de pensions et sur le régime d’assurance maladie.

Appréciation du Tribunal

35
L’article 1er, paragraphe 1, sous g), de l’annexe III du statut relatif à la procédure de concours, applicable aux procédures de sélection telles que celles visées en l’espèce, prévoit que l’avis de concours doit spécifier, « éventuellement, la limite d’âge ». Cette disposition, autorisant la fixation d’une limite d’âge dans les procédures de recrutement organisées par les institutions communautaires, confère à ces dernières une faculté dont l’utilisation relève du pouvoir discrétionnaire de chaque institution (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 octobre 2004, Lutz Herrera/Commission, T‑219/02 et T‑337/02, non encore publié au Recueil, point 80).

36
À cet égard, il convient de relever que le statut confère un large pouvoir d’appréciation aux institutions en matière d’organisation de concours (arrêts du Tribunal du 8 novembre 1990, Bataille e.a./Parlement, T‑56/89, Rec. p. II‑597, point 42, et Carrasco Benítez/Commission, précité, point 52). En particulier, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer les critères de capacité exigés par les emplois à pourvoir et pour déterminer, en fonction de ces critères et dans l’intérêt du service, les conditions et modalités d’organisation d’un concours (arrêt du Tribunal du 16 octobre 1990, Gallone/Conseil, T‑132/89, Rec. p. II‑549, point 27). Ce pouvoir d’appréciation trouve à s’exercer tant lorsque, conformément à l’article 29, paragraphe 1, premier alinéa, du statut, l’institution décide de pourvoir aux vacances d’emplois par la voie de l’organisation d’un concours général ou interne (arrêts Gallone/Conseil, précité, point 27 ; Bataille e.a./Parlement, précité, point 42, et arrêt du Tribunal du 6 mars 1997, de Kerros et Kohn-Bergé/Commission, T‑40/96 et T‑55/96, RecFP p. I‑A‑47 et II‑135, point 39) que lorsque, en application de l’article 29, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut, elle décide d’ouvrir une procédure de concours en vue de constituer une réserve de recrutement (arrêt Noonan/Commission, précité, point 43). Il y a lieu de considérer que le même pouvoir d’appréciation revient aux institutions lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, de l’organisation de procédures de sélection visant à constituer une réserve de recrutement d’agents temporaires.

37
Il est de jurisprudence constante que l’exercice de ce large pouvoir d’appréciation doit être compatible avec les dispositions impératives de l’article 27, premier alinéa, du statut, selon lesquelles le but de toute procédure de recrutement est d’assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité et, dès lors, que le choix que ménage le large pouvoir d’appréciation reconnu en la matière à l’AIPN doit toujours être opéré en fonction des exigences liées aux emplois à pourvoir et, plus généralement, de l’intérêt du service (arrêts du Tribunal du 12 novembre 1998, Carrasco Benítez/Commission, T‑294/97, RecFP p. I‑A‑601 et II‑1819, point 43 ; du 21 novembre 2000, Carrasco Benítez/Commission, précité, point 53 ; Gallone/Conseil, précité, point 27, et Noonan/Commission, précité, point 43).

38
Il est également de jurisprudence constante que, lorsque les institutions sont titulaires d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle du Tribunal se limite à la question de savoir si, eu égard aux considérations qui ont pu conduire l’administration à un certain choix, celle-ci s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. En outre, ce contrôle n’implique pas que le Tribunal substitue sa propre appréciation à celle de l’institution (arrêt du Tribunal du 17 octobre 2002, Cocchi et Hainz/Commission, T‑330/00 et T‑114/01, RecFP p. I‑A‑193 et II‑987, point 66, et la jurisprudence citée).

39
C’est à la lumière des principes exposés ci-dessus qu’il convient d’apprécier en l’espèce la légalité de la condition contestée figurant dans l’avis de sélection.

40
S’agissant des raisons invoquées par la Commission pour justifier son choix par rapport à l’intérêt du service, celles-ci tiennent, pour l’essentiel, à une gestion cohérente des carrières et à l’exigence d’éviter les effets négatifs résultant du recrutement de personnel peu motivé en raison des perspectives réduites de carrière et qui, eu égard à leur âge avancé, s’intégrerait difficilement dans un milieu de travail plus jeune.

41
À cet égard, il y a lieu de relever, à titre liminaire, qu’aucun élément ne permet d’inférer, sur un plan technique, que le fait d’être nés avant la date limite imposée par l’avis de sélection pour les procédures de sélection en cause empêcherait les candidats concernés d’accomplir les tâches liées aux emplois à pourvoir ou aurait des effets négatifs sur la qualité du travail des intéressés ou sur leur rendement. Au contraire, l’expérience et les qualifications dont un candidat peut disposer en raison de son âge et de son parcours professionnel devraient, en principe, lui permettre d’assurer un travail de qualité élevée. Par conséquent, sous cet aspect, les critères énoncés à l’article 27 du statut, repris dans les mêmes termes à l’article 12 du RAA en ce qui concerne les agents temporaires, ne permettent pas d’écarter un tel candidat (voir, par analogie, s’agissant de la légalité de la disposition d’un avis de concours excluant les candidats en possession d’un diplôme universitaire, arrêt Noonan/Commission, précité, point 34).

42
Cependant, force est de constater que la durée de la période de service qu’un fonctionnaire est censé effectuer au sein d’une institution est d’autant plus limitée que son âge de recrutement est élevé et proche de l’âge de la retraite, qui, pour les contrats d’agent temporaire, est fixé par l’article 47 du RAA à 65 ans. Par ailleurs, une fois recruté par l’institution à l’issue d’une sélection, un fonctionnaire, même très expérimenté, sera soumis à une période de formation lui permettant de se familiariser avec les méthodes de travail et les procédures internes à l’institution et il sera, éventuellement, tenu d’effectuer un stage. Il lui faudra, en outre, une certaine période avant de s’intégrer dans son milieu de travail et d’être en mesure tant de travailler en équipe que de satisfaire entièrement les attentes de sa hiérarchie. Or, cette période initiale d’adaptation réduit ultérieurement la durée effective du service qu’un fonctionnaire proche de l’âge de la retraite pourrait accomplir au sein de l’institution qui l’a recruté.

43
Les considérations qui précèdent s’appliquent également à la présente espèce. En effet, s’il est vrai que l’avis de sélection en cause visait le recrutement d’agents temporaires, qui, par définition, ne sont destinés à exercer leurs fonctions auprès des institutions que pour une période limitée, il importe cependant de souligner que les candidats sélectionnés sur la base de cet avis étaient destinés à être recrutés au titre de l’article 2, sous d), du RAA. Or, aux termes de l’article 8, cinquième alinéa, du RAA, « l’engagement à durée déterminée d’un agent visé à l’article 2, [sous …] d) ne peut être renouvelé qu’une fois à durée déterminée » et « [t]out renouvellement ultérieur de cet engagement devient à durée indéterminée ».

44
En l’espèce, l’avis de sélection prévoyait expressément que le contrat d’engagement initial, d’une durée de cinq ans, était renouvelable et ne fixait aucune limite quant au nombre et à la durée des renouvellements admis. Dans de telles circonstances, tout candidat sélectionné pouvait se voir proposer, au bout d’une période minimale de cinq ans, un engagement à durée indéterminée.

45
De même, il importe de relever que les sélections auxquelles le requérant s’est porté candidat visaient à la constitution de plusieurs réserves de recrutement, dont le but était d’assurer à la Commission une disponibilité en personnel en vue de pourvoir les emplois qui deviendraient vacants. Les personnes sélectionnées n’étaient donc censées se voir proposer un engagement qu’au moment et dans la mesure où une vacance d’emploi surviendrait au cours de la période de validité des listes de réserve, qui, aux termes de l’avis de sélection, devait expirer, au plus tard, le 31 décembre 2003, à savoir plus de trois ans après la publication de cet avis. Dans ces circonstances, la durée du service qu’un candidat retenu déjà proche de l’âge de la retraite au moment du dépôt de sa candidature aurait été en mesure d’assurer une fois recruté pouvait s’en trouver ultérieurement réduite.

46
Or, le choix que fait une institution, lors de l’organisation d’une procédure de sélection en vue de la constitution d’une liste de réserve de recrutement d’agents temporaires, de s’assurer que les agents nouvellement recrutés ne soient pas empêchés, en raison de leur âge, d’accomplir leurs services au sein de cette institution pour une période de temps minimale ne saurait être considéré comme incompatible avec l’intérêt du service, même si un tel choix implique l’exclusion de candidats qui pourraient disposer de qualifications et d’une expérience plus élevées que les candidats admis.

47
Par ailleurs, en l’espèce, la Commission a fixé les limites d’âge pour chaque procédure de sélection en tenant compte des exigences liées aux différents niveaux d’emplois que les listes de réserve étaient destinées à pourvoir. Ainsi, elle a prévu une limite d’âge de 45 ans pour la procédure COM/R/A/07/2000, dont le but était de constituer une liste de réserve en vue de pourvoir des emplois dans les carrières A 8/A 5. Elle a, en revanche, relevé cette limite, en la portant à 51 ans, pour les procédures COM/R/A/10/2000 et COM/R/A/14/2000, qui visaient à sélectionner des agents destinés à occuper des emplois dans les carrières A 4 et A 3 pour lesquels une expérience de quinze années au moins était requise.

48
Dans ces circonstances, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions lors de l’organisation des procédures de recrutement et, corrélativement, de l’étendue limitée du contrôle du juge communautaire en la matière, il ne saurait être conclu que les décisions attaquées, dans la mesure où elles constituent l’application automatique de la condition de l’avis de concours contestée par le requérant, sont entachées d’une erreur manifeste d’appréciation. De même, au vu des raisons exposées ci-dessus, il n’est pas permis de conclure que l’institution défenderesse, en fixant cette condition, ne s’est pas tenue dans des limites raisonnables.

49
Dès lors, le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

Sur le second moyen, tiré d’une violation du principe de non-discrimination

50
Ce moyen se subdivise en deux branches : la première est tirée de ce que la Commission aurait violé le principe de non-discrimination en ce qu’elle a fixé une limite d’âge ; la seconde est tirée de ce que les agents en service et les candidats externes auraient fait l’objet d’un traitement différent.

Sur la première branche du second moyen

    Arguments des parties

51
Le requérant soutient que, lorsqu’une institution décide, en faisant usage de la possibilité prévue par l’article 1er, paragraphe 1, sous g), de l’annexe III du statut, d’introduire une limite d’âge dans un avis de concours, il lui appartient de justifier son choix de manière objective et raisonnable par référence à un objectif légitime et de veiller à ce que les moyens mis en œuvre pour réaliser un tel objectif soient appropriés et nécessaires. À défaut, la mesure serait discriminatoire.

52
En l’espèce, selon le requérant les objectifs énoncés par la Commission dans son mémoire en défense ne sont pas légitimes et les mesures arrêtées pour les atteindre sont disproportionnées.

53
En premier lieu, le requérant indique que, si ces objectifs étaient réellement fondés, on comprendrait mal les raisons qui ont amené la Commission à s’engager à supprimer toute limite d’âge pour les procédures de recrutement ouvertes après le mois d’avril 2002, ainsi que cela résulterait du rapport annuel 2000 du Médiateur européen. En effet, si l’inclusion d’une limite d’âge s’imposait pour permettre une gestion cohérente des carrières et pour assurer l’équilibre financier des régimes de pensions et de sécurité sociale, la Commission ne saurait y renoncer sans mettre en péril ces objectifs. Le requérant souligne également qu’aucune mesure visant à pallier les prétendus effets négatifs d’une suppression des limites d’âge dans les procédures de recrutement n’a été prise, à sa connaissance, par la Commission.

54
En deuxième lieu, les objectifs avancés par la Commission ne sauraient justifier une discrimination en raison de l’âge. À cet égard, le requérant rappelle, tout d’abord, que, dans le cadre d’une enquête ouverte le 30 avril 2001, le Médiateur européen a réfuté les arguments avancés par l’institution intéressée, en précisant, d’une part, qu’il était possible de gérer correctement les carrières de personnes d’âge différent et, d’autre part, qu’un motif financier ne pouvait justifier un traitement discriminatoire.

55
Ensuite, s’agissant des arguments de la Commission relatifs à la gestion cohérente des carrières, à la faible motivation des fonctionnaires âgés et aux difficultés d’intégration des ce derniers dans un milieu de travail constitué de fonctionnaires plus jeunes, le requérant fait observer qu’un fonctionnaire nouvellement recruté âgé de 45 ans ou plus aura d’avantage de chances d’être classé au grade supérieur du grade de base. Par ailleurs, l’expérience, la sagesse et la stabilité que les personnes âgées peuvent apporter dans leur environnement de travail constitueraient des facteurs facilitant leur intégration même au sein d’un milieu plus jeune. Par conséquent, les risques évoqués par la Commission ne seraient pas réels ou, à tout le moins, seraient limités et ne justifieraient, en toute hypothèse, pas une violation du principe de non-discrimination.

56
En ce qui concerne les arguments relatifs à l’exigence d’assurer l’équilibre financier des régimes de pensions et d’assurance maladie, le requérant souligne que l’article 11 de l’annexe VIII du statut permet à un fonctionnaire recruté de faire transférer ses droits à pension acquis auprès d’une caisse nationale de pensions dans le régime communautaire de pensions. De plus, le requérant fait observer que, selon l’article 83, paragraphe 4, du statut, si le montant de la contribution des fonctionnaires se révèle insuffisant pour assurer le financement du tiers des prestations prévues au régime de pensions, les autorités budgétaires peuvent apporter les modifications nécessaires aux taux des contributions ou à l’âge de la retraite : cela assure l’équilibre financier du régime de pensions. Il en serait de même pour le régime commun d’assurance maladie qui comporte ses propres mécanismes de régulation visant à en assurer l’équilibre financier. Ainsi, l’article 72, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut établit que le tiers de la contribution nécessaire pour assurer cette couverture est à la charge de l’affilié, et l’article 23 de la réglementation relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes fixe les limites des contributions des institutions et organes concernés au financement du régime d’assurance maladie. D’autres dispositions de cette réglementation prévoiraient des mécanismes de couverture du déficit mettant en cause l’équilibre financier du régime.

57
Par conséquent, à supposer même que des objectifs de caractère purement financier puissent justifier une dérogation au principe de non‑discrimination, en l’espèce, une remise en cause de ce principe constituerait un moyen disproportionné pour atteindre l’objectif évoqué par la Commission d’assurer l’équilibre financier des régimes de pensions et d’assurance maladie.

58
En troisième lieu, le requérant rappelle le caractère fondamental du principe de non-discrimination en tant que principe fondateur du droit communautaire, qui doit trouver à s’appliquer en toutes matières et dans toutes circonstances. Il souligne que, indépendamment de sa portée et de son effet contraignant, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO 2000, C 364, p. 1), énonce, en son article 21, que toute discrimination fondée sur l’âge est interdite et inscrit ainsi une telle interdiction parmi les principes généraux résultant de la tradition constitutionnelle des États membres et relevant de l’ordre juridique communautaire. Il fait observer, enfin, que la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dans la mesure où elle a été adoptée par une déclaration solennelle, elle-même adoptée et signée par la Commission européenne, engage cette institution qui est donc tenue de la respecter non seulement lorsqu’elle adopte des actes législatifs, mais également dans tous ses actes d’administration, telles les décisions qu’elle prend à l’égard de ses fonctionnaires.

59
La Commission soutient que les éléments mentionnés dans son mémoire en défense, tenant à une gestion cohérente des carrières et à l’exigence de préserver l’équilibre financier des régimes de pensions et d’assurance maladie, justifient d’une manière raisonnable et objective l’introduction d’une limite d’âge dans les procédures de recrutement et visent un objectif parfaitement légitime.

    Appréciation du Tribunal

60
Dans le cadre de cette branche du second moyen, le Tribunal est appelé à examiner si, en fixant une limite d’âge dans les procédures de sélection en cause, la Commission a violé le principe général de non-discrimination dont le respect s’impose aux institutions communautaires en tant que principe fondamental du droit communautaire.

61
Selon une jurisprudence constante, ce principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée (arrêts de la Cour du 19 octobre 1977, Ruckdeschel e.a., 117/76 et 16/77, Rec. p. 1753, point 7, et du 16 octobre 1980, Hochstrass/Cour de justice, 147/79, Rec. p. 3005, point 7 ; arrêts du Tribunal du 26 septembre 1990, Beltrante e.a./Conseil, T‑48/89, Rec. p. II‑493, point 34, et Lutz Herrera/Commission, précité, point 93). Il ressort ainsi qu’il y a violation du principe de non-discrimination lorsque deux catégories de personnes, dont les situations factuelle et juridique ne présentent pas des différences essentielles, se voient appliquer un traitement différent ou lorsque des situations différentes sont traitées de manière identique (arrêts du Tribunal du 15 mars 1994, La Pietra/Commission, T‑100/92, RecFP p. I‑A‑83 et II‑275, point 50, et du 16 avril 1997, Kuchlenz‑Winter/Commission, T‑66/95, Rec. p. II-637, point 55). Pour qu’une différence de traitement puisse être compatible avec le principe général de non-discrimination, cette différence doit être justifiée sur la base d’un critère objectif et raisonnable et proportionnée par rapport au but poursuivi par cette différenciation (arrêt du Tribunal du 2 mars 2004, Di Marzio/Commission, T‑14/03, non encore publié au Recueil, point 83).

62
En matière d’emploi dans la fonction publique communautaire, le principe de non-discrimination trouve son expression à l’article 5, paragraphe 3, du statut, qui exige que les fonctionnaires appartenant à une même catégorie ou à un même cadre soient soumis à des conditions identiques de recrutement, et à l’article 27, deuxième alinéa, du statut, qui impose que les fonctionnaires soient choisis sans distinction de race, de convictions politiques, philosophiques ou religieuses, de sexe ou d’orientation sexuelle et indépendamment de leur état civil ou de leur situation familiale. L’article 12, paragraphe 1, deuxième alinéa, du RAA reproduit, en ce qui concerne les agents temporaires, le libellé de l’article 27, deuxième alinéa, du statut.

63
Il résulte des écritures de la Commission que celle-ci justifie l’établissement des limites d’âge dans les procédures de recrutement en cause par deux objectifs. Ces objectifs tiennent, d’une part, à l’exigence d’une gestion cohérente des carrières au sein de l’institution et, d’autre part, à la nécessité de garantir que les fonctionnaires ou agents recrutés exercent leur activité un minimum de temps, en liaison avec les droits fixés par le statut concernant les régimes de pensions et d’assurance maladie.

64
Il ne saurait être nié que la période de service d’un fonctionnaire ou d’un agent au sein d’une institution est d’autant plus limitée qu’il est recruté à un âge avancé. Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 47, paragraphe 1, sous c), et de l’article 47, paragraphe 2, sous b), du RAA, le contrat d’un agent temporaire, tant à durée déterminée qu’à durée indéterminée, expire à la fin du mois au cours duquel l’agent atteint l’âge de 65 ans et que, en vertu de l’article 39, paragraphe 2, du RAA, lors de la cessation de ses fonctions, l’agent visé à l’article 2, sous a), c), ou d), a droit à la pension d’ancienneté dans les conditions prévues aux dispositions du titre V, chapitre 3, du statut et de l’annexe VIII du statut. Or, un fonctionnaire ou un agent recruté à un âge avancé dispose d’une période de service et de perspectives de carrière auprès de l’institution objectivement plus limitées que les fonctionnaires ou agents moins âgés, ce qui peut constituer un facteur important à prendre en considération par l’AIPN au regard tant de l’intérêt du service, ainsi qu’il a été souligné au point 46 ci-dessus, que du nécessaire équilibre financier du régime communautaire de pensions (voir arrêt Lutz Herrera/Commission, précité, point 99).

65
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les objectifs invoqués par la Commission pour légitimer l’établissement de limites d’âge dans les procédures de recrutement en cause s’avèrent objectivement et raisonnablement justifiées et que les décisions litigieuses, portant rejet des candidatures en application automatique de ces limites d’âge, n’ont pas enfreint le principe général de non‑discrimination (voir arrêt Lutz Herrera/Commission, précité, point 100).

66
S’agissant des arguments que le requérant tire de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui prévoit, à son article 21, que toute discrimination fondée sur l’âge est interdite, il convient de constater que, s’il est vrai qu’elle a été invoquée à plusieurs reprises par le juge communautaire comme source d’inspiration pour la reconnaissance et la protection des droits des citoyens et comme critère de référence des droits garantis par l’ordre juridique communautaire, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit, à l’heure actuelle, d’une déclaration qui n’est pas dotée de force juridique contraignante (arrêt Lutz Herrera/Commission, précité, point 88).

67
Il convient, enfin, de relever, à titre surabondant, que, si le nouveau statut, entré en vigueur le 1er mai 2004, établit, à son article 1er quinquies, qu’est interdite toute discrimination fondée, notamment, sur l’âge, il maintient néanmoins l’article 1er, paragraphe 1, sous g), de l’annexe III du statut, préservant ainsi la faculté pour chaque institution d’insérer une limite d’âge dans les avis de concours lorsqu’elle l’estime opportun et lorsque la fixation d’une telle limite s’avère objectivement et raisonnablement justifiée.

68
Au vu de l’ensemble des motifs exposés ci-dessus, la première branche du second moyen ne saurait prospérer.

Sur la seconde branche du second moyen

    Arguments des parties

69
Le requérant conteste le traitement différencié dont les candidats externes, d’une part, et les agents en service, d’autre part, font en l’espèce l’objet. En prévoyant que la limite d’âge prévue pour les candidats externes ne serait pas applicable aux agents en service auprès de la Commission depuis plus d’un an et de manière ininterrompue, à la date limite pour le dépôt des candidatures, l’avis de sélection aurait enfreint le principe de non-discrimination.

70
Dans la mesure où elle autorise un tel traitement différencié sans justification objective, la disposition contenue à l’article 1er, paragraphe 1, sous g), de l’annexe III du statut doit, selon le requérant, être déclarée incompatible avec le principe de non-discrimination.

71
Le requérant estime que, en ce qui concerne l’application d’une limite d’âge, les candidats externes et les agents déjà en service ne se trouvent pas dans une situation différente. En effet, les motifs pour lesquels la Commission a tenté de justifier une limite d’âge, à savoir les difficultés d’intégration de l’agent âgé dans un milieu de travail constitué d’agents plus jeunes et les exigences liées à l’équilibre des régimes de pensions et d’assurance maladie, seraient également valables à l’égard des agents déjà en service au sein de l’institution.

72
Le requérant fait observer, à cet égard, que les procédures de recrutement en cause n’étaient pas des concours de titularisation visant à stabiliser la situation d’emploi des agents en service auprès de l’institution.

73
Il souligne également qu’un candidat externe, tel que lui, peut avoir travaillé au sein de l’institution en tant qu’agent, et ce même pour une période supérieure à un an, sans pour autant se voir reconnaître le même traitement que les agents en service. À cet égard, le requérant s’interroge sur le lien particulier que des agents peuvent avoir entretenu à l’issue d’une seule année de service avec l’institution et sur la raison pour laquelle cette seule année de service les place dans une situation privilégiée par rapport aux candidats externes en ce qui concerne l’application d’une limite d’âge.

74
Le requérant souligne, en outre, qu’il a été au service de la Commission en tant qu’agent temporaire pendant plus de trois ans et qu’il a cessé ses fonctions en juillet 2000, soit seulement cinq mois avant le dépôt de ses candidatures aux procédures de sélection en cause.

75
Enfin, le requérant s’appuie sur l’arrêt de Kerros et Kohn‑Bergé/Commission, précité, qui, selon lui, fournit des indications quant aux critères d’appréciation du caractère justifié des motifs qui ont conduit la Commission à soustraire à l’application de la condition relative à la limite d’âge les agents en service depuis seulement une année.

76
Selon la défenderesse, le principe de non-discrimination n’est pas méconnu en l’espèce, étant donné la sensible différence entre la situation des agents en service et celle des candidats externes.

77
L’objectif poursuivi par l’article 1er, paragraphe 1, sous g), de l’annexe III du statut, sur lequel se fonde la disposition contestée de l’avis de sélection, serait principalement d’assurer une certaine continuité dans la carrière du personnel en service ainsi que la continuité du service.

    Appréciation du Tribunal

78
Par la seconde branche de son second moyen, le requérant soutient, en substance, que la Commission a violé le principe de non-discrimination, dans la mesure où elle aurait traité de manière différente les agents en service par rapport aux candidats externes, en exemptant les premiers, à certaines conditions, de la limite d’âge applicable aux deuxièmes.

79
Il y a lieu d’examiner ce moyen uniquement dans la mesure où l’argumentation développée à son soutien vise à faire valoir que la situation du requérant n’était pas distincte de celle d’un agent de la Commission ayant accompli un an de service ininterrompu au service de celle-ci et que, de ce fait, le traitement réservé à un tel agent dans le cadre des procédures de recrutement en cause, quant à l’application des limites d’âge, devait être étendu au requérant sous peine d’enfreindre le principe d’égalité de traitement.

80
Il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement n’est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir point 60 ci-dessus).

81
L’article 1er, paragraphe 1, sous g), de l’annexe III du statut autorise expressément les institutions à prévoir dans les avis de concours qui comportent une limite d’âge le report de cette limite pour les agents en service depuis au minimum un an.

82
Cette disposition prévoit donc qu’une catégorie de candidats aux procédures de recrutement organisées par les institutions communautaires, constituée notamment par les agents ayant un minimum d’ancienneté dans le service, puisse être traitée de manière différente et plus favorable par rapport aux candidats qui ne satisfont pas à ces conditions.

83
Les candidats faisant partie de cette catégorie appartiennent à la fonction publique communautaire et entretiennent avec l’institution dans laquelle ils fournissent leurs services un rapport d’emploi actuel et continu. De ce fait, ils se distinguent tant des candidats externes qui n’ont jamais intégré la fonction publique communautaire que des candidats externes qui, à l’instar du requérant, ont été au service des institutions mais qui ont cessé leurs fonctions avant le dépôt de leur candidature.

84
Ainsi que la Commission l’a souligné à juste titre dans ses écritures, le traitement plus favorable accordé par l’article 1er, paragraphe 1, sous g), de l’annexe III du statut aux agents remplissant un minimum d’ancienneté de service trouve essentiellement sa justification dans le souci de leur permettre de poursuivre, indépendamment de leur âge, la carrière qu’ils ont entamée et qu’ils effectuent dans la fonction publique communautaire et, éventuellement, de progresser vers une situation d’emploi permanente. Cette disposition a également pour objectif d’assurer une certaine continuité du service, en permettant aux agents qui disposent d’une certaine expérience au sein de l’institution, pour autant qu’ils réussissent le concours ou la sélection, de poursuivre leur travail au service de l’institution concernée.

85
Or, il y a lieu de considérer, d’une part, qu’il existe une différence objective entre la situation factuelle et juridique des candidats à une procédure de recrutement organisée par une institution qui sont agents au service de cette institution depuis un an ou plus et les candidats à cette même procédure qui n’ont pas cette qualité et, d’autre part, que la non-application aux candidats appartenant à la première catégorie des limites d’âge éventuellement fixées dans le cadre de cette procédure, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, sous g), de l’annexe III du statut, constitue une mesure justifiée par des objectifs légitimes et manifestement non disproportionnée.

86
Cette conclusion vaut également dans l’hypothèse où, comme en l’espèce, la non‑application de la limite d’âge en faveur des agents en service est prévue dans le cadre d’une procédure visant à la constitution d’une réserve de recrutement d’agents temporaires.

87
De même, elle ne saurait être remise en cause à l’égard des candidats externes qui, à l’instar du requérant, ont été au service de l’institution qui organise la procédure de recrutement, mais qui ne l’étaient plus au moment du dépôt de leur candidature, et ce indépendamment tant de la durée de leur emploi au sein de cette institution que de la date à laquelle ils ont cessé leurs fonctions. En effet, l’un des éléments qui justifie, au vu des objectifs poursuivis, le traitement différencié des candidats internes par rapport aux candidats externes, prévu par l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe III, du statut, est précisément le caractère actuel de leur lien avec l’institution concernée.

88
Par ailleurs, aucun argument permettant d’infirmer cette conclusion ne saurait être tiré de l’arrêt de Kerros et Kohn-Bergé/Commission, précité. En effet, dans cet arrêt, le Tribunal a constaté que la condition tendant à exclure la participation aux concours internes à l’institution des agents temporaires ne pouvant pas faire valoir une ancienneté de service de trois ans révolus sans interruption en qualité d’agent visé au RAA n’était pas conforme à l’intérêt du service et ne permettait pas à la Commission de réaliser les objectifs qu’elles s’étaient fixés. La condition litigieuse dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt visait donc, ainsi que le souligne à juste tire la Commission, une même catégorie de personnes, à savoir les agents temporaires en service de l’institution, et non, comme en l’espèce, deux catégories objectivement différentes de candidats aux procédures de sélection en cause, constituées, d’une part, des candidats externes à l’institution organisatrice des sélections et, d’autre part, des candidats internes à cette institution.

89
La seconde branche du second moyen ne saurait donc prospérer.

90
Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le second moyen doit être rejeté.

91
Dès lors, le recours doit être rejeté dans son ensemble.


Sur les dépens

92
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

93
Le requérant ayant succombé en ses conclusions et la défenderesse ayant conclu à ce qu’il soit statué sur les dépens comme de droit, il y a lieu d’ordonner que chacune des parties supportera ses propres dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)
Le recours est rejeté.

2)
Chaque partie supportera ses propres dépens.

Vesterdorf

Mengozzi

Labucka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 février 2005.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1
Langue de procédure :le français.