Language of document : ECLI:EU:T:2014:115

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

12 mars 2014(*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant un radiateur de chauffage – Dessin ou modèle antérieur – Motif de nullité – Absence de caractère individuel – Absence d’impression globale différente – Article 6 et article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 6/2002 – Saturation de l’état de l’art – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑315/12,

Tubes Radiatori Srl, établie à Resana (Italie), représentée par Mes S. Verea, K. Muraro, M. Balestriero et P. Menapace, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par M. F. Mattina, puis par M. P. Bullock, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Antrax It Srl, établie à Resana, représentée par ML. Gazzola, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’OHMI du 3 avril 2012 (affaire R 953/2011-3), relative à une procédure de nullité entre Antrax It Srl et Tubes Radiatori Srl,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, F. Dehousse (rapporteur) et J. Schwarcz, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 13 juillet 2012,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 24 octobre 2012,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 6 novembre 2012,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 6 mars 2013,

vu le mémoire en duplique de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 31 mai 2013,

à la suite de l’audience du 22 octobre 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Tubes Radiatori Srl, est titulaire du dessin ou modèle communautaire n° 000169370-0002, déposé le 13 avril 2004 auprès du Deutsches Patent- und Markenamt (Office allemand des brevets et des marques), conformément à l’article 35, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), transmis le 26 avril 2004 à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) et publié au Bulletin des dessins et modèles communautaires le 24 août 2004.

2        Le dessin ou modèle contesté s’applique, selon les termes de la demande de dessin ou modèle, à un radiateur de chauffage (« radiatore per riscaldamento ») et est représenté comme suit :

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3        Le 3 novembre 2009, l’intervenante, Antrax It Srl, a présenté devant l’OHMI une demande en nullité du dessin ou modèle contesté, qui a été enregistrée sous la référence ICD7050. Cette demande en nullité était fondée sur l’article 25, paragraphe 1, sous b), et l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002.

4        À l’appui de sa demande en nullité, l’intervenante a invoqué, à l’encontre du dessin ou modèle contesté, deux dessins ou modèles compris dans l’enregistrement multiple allemand n° DE 40110481.8, effectué au nom de la société THE HEATING COMPANY BVBA (THC), et étendu à la France, à l’Italie et au Benelux, en tant qu’enregistrement multiple international sous la référence DM/060899, consécutivement à une demande publiée le 30 septembre 2002.

5        L’intervenante a joint à sa demande en nullité les vues 1.1/1.2 et 4.1/4.2 suivantes, contenues dans l’enregistrement multiple international DM/060899 :

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6        L’intervenante joint également à sa demande de nullité les agrandissements suivants des vues 1.2 et 4.2 susvisées :

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7        Par décision du 7 mars 2011, la division d’annulation a déclaré la nullité du dessin ou modèle contesté, pour absence de caractère individuel au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002.

8        Cette décision a fait l’objet d’un recours de la requérante formé le 4 mai 2011.

9        Par décision du 3 avril 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours.

10      S’agissant des dessins ou modèles invoqués au soutien de la demande en nullité, la chambre de recours a expressément décidé de limiter son examen à celui de l’antériorité représentée par le dessin ou modèle de l’enregistrement multiple international DM/060899 présenté sur les vues 4.1 et 4.2 (ci-après le « dessin ou modèle 4.1/4.2 antérieur ») (point 14, in fine, de la décision attaquée).

11      La chambre de recours n’a donc pas fondé son appréciation sur le dessin ou modèle de l’enregistrement multiple international DM/060899 présenté sur les vues 1.1 et 1.2.

12      La chambre de recours a considéré que le degré de liberté du créateur était relativement élevé (point 26 de la décision attaquée).

13      Dans le cadre de sa comparaison des impressions globales suscitées par le dessin ou modèle contesté et le dessin ou modèle 4.1/4.2 antérieur (ci-après, pris ensemble, les « dessins ou modèles en cause »), la chambre de recours a relevé que ces dessins ou modèles représentaient tous deux des radiateurs de forme rectangulaire verticale et allongée, constitués de deux collecteurs horizontaux légèrement saillants, liés sur la partie avant par une suite d’éléments verticaux (tubes radiants), de section quadrangulaire, légèrement distants les uns des autres. Elle a relevé que ces caractéristiques déterminaient essentiellement l’impression globale produite par les modèles en question (point 27 de la décision attaquée).

14      La chambre de recours a considéré que l’aspect général des radiateurs en cause était de nature à ne pas produire chez l’utilisateur averti une impression globale significativement différente, que celui-ci observe le radiateur de face, de côté ou selon des angles de vue intermédiaires, comme cela se produit le plus souvent au cours d’une utilisation normale. Elle a indiqué partager l’avis de la division d’annulation sur le fait que la section différente des collecteurs horizontaux (circulaire dans le modèle contesté, rectangulaire dans le modèle antérieur) ne suffisait pas à modifier significativement l’impression visuelle depuis chacun des angles de vue précités. En effet, au cours d’une utilisation normale des radiateurs de chauffage, cette partie des radiateurs se trouverait appuyée au mur et serait donc presque occultée (point 28 de la décision attaquée).

15      La chambre de recours a relevé que les différences entre les dessins ou modèles en cause mises en évidence par la requérante concernaient, en substance, la forme et les dimensions de la section des éléments radiants ainsi que leur profondeur et, donc, la vision du mur à l’arrière (point 29 de la décision attaquée).

16      La chambre de recours a mentionné l’argument de la requérante selon lequel les éléments radiants du dessin ou modèle 4.1/4.2 antérieur présentaient une section rectangulaire et une plus grande profondeur par rapport aux éléments radiants du dessin ou modèle contesté qui, en outre, étaient de section carrée. Elle a également mentionné l’argument de la requérante selon lequel ces différences influeraient sur l’impression globale des dessins ou modèles en cause, en particulier en ce qui concernerait la marge différente de vision oblique du mur à l’arrière. Selon la requérante, le mur à l’arrière disparaîtrait, dans une vue oblique, du champ visuel de l’observateur, tandis que, dans le cas du modèle contesté, la profondeur moindre des éléments permettrait de voir le mur à l’arrière selon un angle de vision plus grand, avec comme conséquence que le modèle contesté se caractériserait par une plus grande légèreté et une plus grande amplitude par rapport à la vue précitée du modèle antérieur (point 30 de la décision attaquée).

17      La chambre de recours a considéré que ces différences invoquées par la requérante au sujet de la section des tubes n’étaient pas suffisantes pour déterminer une modification significative de l’impression globale produite par chacun des dessins ou modèles en cause, compte tenu des caractéristiques communes de ces dessins ou modèles (point 31 de la décision attaquée).

18      En outre, la chambre de recours a considéré que l’affirmation de la requérante à propos de la prétendue vision différente du mur à l’arrière, dans les deux dessins ou modèles en cause, depuis un point du vue oblique, ne correspondait pas à un examen des vues obliques respectives mentionnées pour ces dessins ou modèles (voir, en particulier, la vue 2.3 du dessin ou modèle contesté et la vue 4.1 du dessin ou modèle 4.1/4.2 antérieur), qui étaient très similaires. La chambre de recours a relevé, en particulier, qu’il ressortait de la vue 4.1 du dessin ou modèle 4.1/4.2 antérieur que le mur à l’arrière ne « disparai[ssai]t » pas de la vue de l’observateur, mais restait visible dans une certaine mesure, depuis un point de vue oblique (point 31 de la décision attaquée).

19      La chambre de recours a noté que la requérante semblait négliger le fait que, dans le dessin ou modèle 4.1/4.2 antérieur, l’espace qui séparait les tubes était très semblable à l’espace qui séparait les tubes du dessin ou modèle contesté, avec comme conséquence, en particulier pour la vision de face, qui avait le plus d’impact au cours d’une utilisation normale d’un radiateur de chauffage, que le degré de vision du mur à l’arrière (et donc l’impression de « légèreté ») était presque identique dans les deux cas (point 31 de la décision attaquée).

20      La chambre de recours a conclu que les dessins ou modèles en cause produisaient les mêmes impressions globales sur l’utilisateur averti, que le dessin ou modèle contesté était donc dépourvu de caractère individuel et qu’il convenait de rejeter le recours (point 32 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        annuler la décision attaquée et, en conséquence, dire et juger valide le dessin ou modèle contesté ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

22      L’OHMI et l’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

23      La requérante se prévaut d’un moyen unique, tiré de la violation de l’article 6 du règlement n° 6/2002, la chambre de recours ayant commis des erreurs dans son appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté.

24      Préalablement à l’examen de ce moyen, il convient d’examiner, à titre liminaire, certaines objections de l’OHMI et de l’intervenante.

 Examen liminaire de certaines objections de l’OHMI et de l’intervenante

–       Sur la recevabilité de certaines pièces produites seulement devant le Tribunal

25      L’OHMI et l’intervenante contestent la recevabilité devant le Tribunal de la figure 2, insérée au point 27 de la requête, de la figure 6, insérée au point 47 de la requête, et de trois documents constitués de deux expertises judiciaires et d’une synthèse des résultats d’expertise, produits, respectivement, en annexes 14 à 16 de la requête. En effet, ces vues et documents n’auraient été produits qu’au stade de la procédure devant le Tribunal.

26      La requérante soutient que ces éléments sont recevables.

27      Il convient de rappeler que le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 61 du règlement n° 6/2002, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière de documents présentés pour la première fois devant lui [arrêts du Tribunal du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), T‑9/07, Rec. p. II‑981, point 24, et du 13 novembre 2012, Antrax It/OHMI – THC (Radiateurs de chauffage), T‑83/11 et T‑84/11, non encore publié au Recueil, point 28 ; voir également, par analogie, arrêt du Tribunal du 14 mai 2009, Fiorucci/OHMI – Edwin (ELIO FIORUCCI), T‑165/06, Rec. p. II‑1375, points 21 et 22, et la jurisprudence citée].

28      S’agissant des documents produits en annexes 14 à 16 de la requête, il convient de relever qu’ils constituent des pièces nouvelles dont l’OHMI ne disposait pas. La circonstance alléguée par la requérante que certains de ces documents auraient été disponibles trop tard pour pouvoir être produits devant la chambre de recours ne change rien à cette constatation [voir, en ce sens, s’agissant de documents ultérieurs à la décision attaquée, arrêt du Tribunal du 12 novembre 2008, Lego Juris/OHMI – Mega Brands (Brique de Lego rouge), T‑270/06, Rec. p. II‑3117, points 15, 17 et 21 à 23]. Les documents produits en annexes 14 à 16 de la requête sont donc irrecevables.

29      S’agissant de la figure 6 reproduite au point 47 de la requête, la requérante soutient qu’elle l’aurait déjà produite en annexe 1 aux motifs de son recours devant la chambre de recours. Il ressort, cependant, du dossier que, contrairement à ce que soutient la requérante, sur les cinq photographies qui composent la figure 6, seule la première en partant de la gauche, qui montre deux radiateurs côte-à-côte, figurait en annexe 1 auxdits motifs de recours. Les quatre autres photographies de cette figure ne figuraient pas dans le dossier de l’OHMI et sont donc irrecevables.

30      S’agissant de la figure 2 reproduite au point 27 de la requête, il est exact, comme le relève la requérante dans la réplique, que cette figure intègre la vue 2.3 de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté. Toutefois, cette figure 2 complète la vue 2.3 de côtes dimensionnelles et d’un schéma jamais produits devant l’OHMI et constitue, dans cette mesure, un document nouveau dont l’OMHI ne disposait pas.

31      Il résulte des considérations qui précèdent, relatives aux figures 6 et 2 mentionnées aux point 25, 29 et 30 ci-dessus, que ces dernières ne sont recevables devant le Tribunal que pour ceux des éléments les composant qui étaient à la disposition de la chambre de recours, à savoir, pour la figure 6, la première photographie en partant de la gauche et, pour la figure 2, la vue 2.3.

–       Sur la pertinence des arguments de la requérante fondés sur une comparaison entre des modèles de radiateurs équipés de tubes radiants de section carrée

32      La requérante, sur la base d’une comparaison de vues de radiateurs équipés de tubes radiants de section carrée (modèles de radiateurs « Carré » et « KUBIK »), tente d’établir le caractère individuel du dessin ou modèle contesté.

33      L’OHMI et l’intervenante remarquent que la requérante méconnait que la chambre de recours a limité son examen à une comparaison du dessin ou modèle contesté avec le dessin ou modèle 4.1/4.2 antérieur (à tubes radiants de section rectangulaire). Les arguments de la requérante fondés sur le modèle de radiateur « Carré » (à tubes radiants de section carrée) seraient donc sans rapport avec l’examen mené par la chambre de recours, qui aurait porté sur le dessin ou modèle 4.1/4.2 antérieur.

34      Il convient de rappeler que, effectivement, la chambre de recours a expressément limité son examen du caractère individuel du dessin ou modèle contesté à une comparaison entre ce dessin ou modèle et le dessin ou modèle 4.1/4.2 antérieur (point 14 de la décision attaquée) et qu’elle a conclu, à l’issue de cette comparaison, que le dessin ou modèle contesté ne présentait pas de caractère individuel.

35      Il s’ensuit que tous les arguments susvisés de la requérante, par lesquels cette dernière cherche, en définitive, par une comparaison de modèles de radiateurs équipés de tubes radiants de section carrée, à établir le caractère individuel du dessin ou modèle contesté par rapport au dessin ou modèle mentionné au point 10 ci-dessus, sont dépourvus de pertinence.

–       Sur la recevabilité et la force probante de photographies de produits réels présentés comme résultant de l’application des dessins ou modèles en cause

36      La requérante a produit des photographies de radiateurs qui seraient l’application des dessins ou modèles en cause. Il s’agit des photographies produites à la figure 6 au point 47 de la requête, photographies dont il a été constaté (voir points 30 et 31 ci-dessus) que seule la première en partant de la gauche était recevable devant le Tribunal.

37      L’intervenante s’oppose à la production de ces photographies par la requérante. Il convient, donc, d’examiner cette objection à l’égard de la photographie recevable. L’intervenante fait valoir que la requérante ne compare pas les dessins ou modèles en cause, mais des produits appliquant prétendument ces dessins ou modèles, ce qui serait arbitraire et incorrect.

38      Il convient de relever que la Cour, dans son arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic (C‑281/10 P, Rec. p. I‑10153), a examiné la question de l’examen par le Tribunal d’échantillons de produits réels, dans un cas où ces échantillons avaient déjà été soumis à l’examen de la division d’annulation et de la chambre de recours.

39      Dans cette affaire, la partie requérante soutenait qu’il était erroné de fonder l’évaluation des dessins ou modèles en conflit sur une comparaison d’échantillons de produits réels présentés par les parties pour illustrer leurs propos (arrêt PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, point 38 supra, point 70).

40      La Cour a jugé, cependant, que, « dans la mesure où, en matière de dessins ou modèles, la personne qui procède à la comparaison est un utilisateur averti qui […] se distingue du simple consommateur moyen, il n’[était] pas erroné de prendre en compte, lors de l’évaluation de l’impression globale des dessins ou modèles en cause, les produits effectivement commercialisés et correspondant à ces dessins ou modèles » (arrêt PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, point 38 supra, point 73).

41      C’est donc à tort que, en l’espèce, l’intervenante tente de s’opposer, par principe, à la possibilité pour une partie de se prévaloir, au-delà des vues figurant dans l’enregistrement d’un dessin ou modèle, du produit réel appliquant ce dessin ou modèle.

42      Il convient, toutefois, que ce produit réel, qu’il soit invoqué directement ou – comme en l’espèce – par l’intermédiaire d’une photographie, corresponde à l’application exacte du dessin ou modèle. La charge de la preuve à cet égard incombe à la partie qui se prévaut de ce produit réel.

43      En l’espèce, l’intervenante a contesté une telle correspondance entre les photographies produites par la requérante et le dessin ou modèle contesté.

44      Or, force est de constater que, confrontée à cette objection, la requérante n’a pas prouvé ni même sollicité de prouver – dans sa demande de dépôt d’une réplique – que les radiateurs dont elle produisait des photographies étaient bien l’application des dessins ou modèles en cause.

45      Il s’ensuit que la seule photographie qui, au sein de la figure 6, a été déclarée recevable devant le Tribunal pour avoir déjà été produite au stade de la procédure devant l’OHMI, doit être écartée comme dénuée de force probante.

–       Sur la pertinence de références à des dimensions concrète des produits

46      L’intervenante conteste comme arbitraires les références opérées par la requérante à des dimensions concrètes de produits.

47      Il convient de relever que la protection demandée porte sur un dessin ou modèle indépendamment des dimensions concrètes des produits auxquels ce dessin ou modèle est destiné à être appliqué. Au surplus, aucune preuve n’a été rapportée par la requérante d’une quelconque contrainte réglementaire ou technique qui imposerait des dimensions particulières aux collecteurs ou aux tubes radiants des produits susceptibles d’appliquer les dessins ou modèles en cause. Dans ce contexte, seules sont donc pertinentes, aux fins de la comparaison des impressions globales produites par les dessins ou modèles en cause, et au-delà d’autres éventuelles considérations relatives aux choix de formes et d’agencement des tubes radiants et des collecteurs, les considérations relatives aux différences dans les rapports de proportions internes de ces dessins ou modèles (voir, en ce sens, arrêt Radiateurs de chauffage, point 27 supra, points 67 et 71).

–       Sur une erreur de fait commise par la division d’annulation et reprise par la chambre de recours

48      Au point 28 de la décision attaquée (voir point 14 ci-dessus), la chambre de recours a indiqué « partage[r] l’avis de la division d’annulation sur le fait que la section différente des collecteurs horizontaux (circulaire dans le modèle contesté, rectangulaire dans le dessin ou modèle 4.1/4.2 antérieur) ne suffi[sai]t pas à déterminer une modification significative de l’impression visuelle ».

49      L’intervenante objecte que la chambre de recours a, ce faisant, repris à son compte une erreur de fait commise par la division d’annulation dans l’appréciation de la forme de la section des collecteurs du dessin ou modèle 4.1/4.2 antérieur. En réalité, les collecteurs du dessin ou modèle 4.1/4.2 antérieur seraient non pas rectangulaires, comme l’auraient considéré la division d’annulation puis la chambre de recours, mais circulaires, comme ceux du dessin ou modèle contesté.

50      Il convient de relever qu’un examen attentif du dessin et modèle 4.1/4.2 antérieur confirme l’objection de l’intervenante et le caractère circulaire de la section des collecteurs de ce dessin ou modèle.

51      À la suite de cet examen liminaire de certaines objections de l’intervenante et de l’OHMI, il convient d’examiner le moyen d’annulation unique soulevé par la requérante.

 Sur le moyen unique, tiré de la violation de l’article 6 du règlement n° 6/2002

52      Dans le cadre de ce moyen, la requérante fait valoir que la chambre de recours a commis des erreurs dans son appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté. Les différences entre les dessins ou modèles en cause seraient telles que les impressions globales produites sur l’utilisateur averti seraient différentes et que le dessin ou modèle contesté ne serait, donc, pas dépourvu de caractère individuel.

53      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

54      En vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, la protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel.

55      Selon l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002, un dessin ou modèle communautaire enregistré est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité.

56      L’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 6/2002 précise que, pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.

57      L’article 63 du règlement n° 6/2002 dispose que, « [a]u cours de la procédure, l’[OHMI] procède à l’examen d’office des faits », mais que « dans une action en nullité, l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties ».

58      En premier lieu, s’agissant de la définition de l’utilisateur averti, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la notion d’« utilisateur averti » au sens de l’article 6 du règlement n° 6/2002 ne vise ni un fabricant ni un vendeur du produit dans lequel le dessin ou modèle concerné est destiné à être incorporé ou auquel il est destiné à être appliqué. L’utilisateur averti est une personne dotée d’une vigilance particulière et qui dispose d’une certaine connaissance de l’état de l’art antérieur, c’est-à-dire du patrimoine des dessins ou modèles relatifs au produit en cause qui ont été divulgués à la date du dépôt du dessin ou modèle concerné (arrêt Représentation d’un support promotionnel circulaire, point 27 supra, point 62).

59      Par ailleurs, la qualité d’« utilisateur » implique que la personne concernée utilise le produit dans lequel est incorporé le dessin ou modèle en conformité avec la finalité à laquelle ce produit est destiné [arrêt du Tribunal du 22 juin 2010, Shenzhen Taiden/OHMI – Bosch Security Systems (Équipement de communication), T‑153/08, Rec. p. II‑2517, point 46).

60      Le qualificatif « averti » suggère en outre que, sans être un concepteur ou un expert technique, l’utilisateur connaît les différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d’un certain degré de connaissances quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d’un degré d’attention relativement élevé lorsqu’il les utilise (arrêt Équipement de communication, point 59 supra, point 47).

61      Toutefois, cette circonstance n’implique pas que l’utilisateur averti soit en mesure de distinguer, au-delà de l’expérience qu’il a accumulée du fait de l’utilisation du produit concerné, les aspects de l’apparence du produit qui sont dictés par la fonction technique de ce dernier de ceux qui sont arbitraires (arrêt Équipement de communication, point 59 supra, point 48).

62      Dans son arrêt PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, point 38 supra (point 53), la Cour a indiqué que la notion d’utilisateur averti devait être comprise comme une notion intermédiaire entre celle de consommateur moyen, applicable en matière de marques, auquel il n’est demandé aucune connaissance spécifique et qui en général n’effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d’homme de l’art, expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, la notion d’utilisateur averti peut s’entendre comme désignant un utilisateur doté non d’une attention moyenne, mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré.

63      En l’espèce, la chambre de recours a défini l’utilisateur averti comme celui qui achète des radiateurs de chauffage pour les installer dans son habitation. La chambre de recours a ajouté que celui-ci doit être « averti » en ce sens qu’il doit avoir eu la possibilité de voir et de comparer des dessins ou modèles de radiateurs, en consultant des revues de design et d’aménagement, en visitant des magasins spécialisés et en naviguant sur l’internet. En d’autres termes, selon la chambre de recours, cette personne, sans être un expert en dessin industriel (comme le serait un architecte ou un décorateur d’intérieur), est au courant de ce qu’offre le marché, des tendances de la mode et des caractéristiques de base du produit (point 21 de la décision attaquée).

64      Il convient de relever que cette définition, à laquelle au demeurant la requérante souscrit, est correcte.

65      En deuxième lieu, s’agissant de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle, l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 6/2002 dispose qu’il convient de tenir compte, dans cette appréciation, du degré de liberté du créateur dans l’élaboration de ce dessin ou modèle.

66      Le degré de liberté du créateur d’un dessin ou modèle est défini à partir, notamment, des contraintes liées aux caractéristiques imposées par la fonction technique du produit ou d’un élément du produit, ou encore des prescriptions légales applicables au produit auquel le dessin ou modèle est appliqué. Ces contraintes conduisent à une normalisation de certaines caractéristiques, devenant alors communes aux dessins ou modèles appliqués au produit concerné [arrêts du Tribunal Représentation d’un support promotionnel circulaire, point 27 supra, point 67 ; du 9 septembre 2011, Kwang Yang Motor/OHMI – Honda Giken Kogyo (Moteur à combustion interne), T‑11/08, non publié au Recueil, point 32, et Radiateurs de chauffage, point 27 supra, point 44].

67      Partant, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est grande, moins des différences mineures entre les dessins ou modèles comparés suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti. À l’inverse, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est restreinte, plus les différences mineures entre les dessins ou modèles comparés suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti. Ainsi, un degré élevé de liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle renforce la conclusion selon laquelle les dessins ou modèles comparés ne présentant pas de différences significatives produisent une même impression globale sur l’utilisateur averti (arrêts Moteur à combustion interne, point 66 supra, point 33, et Radiateurs de chauffage, point 27 supra, point 45).

68      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a rappelé que, devant elle, la requérante avait soutenu que les critères esthétiques mais surtout fonctionnels auxquels devrait prétendument se soumettre le créateur lorsqu’il concevrait le projet d’un nouveau radiateur limiteraient fortement son autonomie, en provoquant un fort encombrement du secteur correspondant et en excluant en conséquence la possibilité pour un modèle de se différencier sensiblement des autres modèles présents sur le marché. La chambre de recours a relevé que la requérante se limitait, toutefois, à cette affirmation d’ordre général, omettant de démontrer quels seraient ces critères esthétiques et fonctionnels nécessaires (point 23 de la décision attaquée).

69      La chambre de recours a, notamment, relevé que la circonstance qu’un radiateur doive disposer, à tout le moins, d’un faisceau de tubes dans lesquels circule un fluide qui se refroidit en libérant de la chaleur dans l’air ambiant n’influence pas de manière significative la forme et l’aspect général du radiateur et que, pour ce qui est, en particulier, de la forme des tubes radiants, il est possible d’imaginer des configurations différentes au niveau de la section. La chambre a ajouté que la requérante n’a pas présenté d’éléments étayant son allégation selon laquelle les exigences techniques ou fonctionnelles limiteraient considérablement le degré de liberté du créateur (points 24 et 25 de la décision attaquée).

70      La chambre de recours a donc rejeté l’allégation de la requérante et considéré que le degré de liberté du créateur pouvait être défini comme étant relativement élevé (point 26 de la décision attaquée).

71      Devant le Tribunal, la requérante ne conteste pas ces énonciations de la chambre de recours.

72      Elle fait seulement valoir que, dans une décision antérieure du 17 avril 2008 (affaire R 976/2007-3) (ci-après la « décision R 976/2007‑3 »), la troisième chambre de recours de l’OHMI a considéré que « dans un secteur comme les radiateurs pour le chauffage, notoirement saturé et dans lequel la conception des composants est souvent dictée par des contraintes techniques (l’eau chaude doit entrer dans le collecteur horizontal, puis traverser les éléments verticaux rayonnant avant de sortir par un autre collecteur horizontal), la créativité du designer se manifeste forcément dans le dessin des détails, lesquels sont toutefois potentiellement capables d’influencer l’aspect général de l’objet [et que] en d’autres termes, la liberté du créateur est tout à fait limitée ».

73      Ces considérations exprimées dans la décision R 976/2007-3 contrediraient, selon la requérante, la position adoptée en l’espèce par la chambre de recours.

74      Il convient de relever, que, selon la jurisprudence en matière de marque communautaire, applicable mutatis mutandis en matière de dessins ou modèles communautaires, l’OHMI est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union européenne. Si, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’OHMI doit prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement ou en nullité d’un dessin ou modèle doit être strict et complet afin d’éviter que des dessins ou modèles ne soient enregistrés ou maintenus de manière indue. C’est ainsi qu’un tel examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement ou le maintien d’un dessin ou modèle en tant que dessin ou modèle communautaire dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le dessin ou modèle en cause ne relève pas d’un motif de refus ou d’une cause de nullité [voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, Rec. p. I‑1541, points 73 à 77, et la jurisprudence citée ; arrêts du Tribunal du 22 novembre 2011, LG Electronics/OHMI (DIRECT DRIVE), T‑561/10, non publié au Recueil, point 31, et du 8 novembre 2012, Hartmann/OHMI (Nutriskin Protection Complex), T‑415/11, non publié au Recueil, point 36).

75      En l’espèce, aucun élément, et notamment pas l’appréciation contenue dans la décision R 976/2007-3 invoquée par la requérante, n’impose de conclure que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a commis une erreur en considérant que le degré de liberté du créateur était relativement élevé.

76      En effet et premièrement, il convient de rappeler que la requérante n’a pas prouvé, en l’espèce, devant la chambre de recours, l’existence de contraintes techniques et légales de nature à limiter la liberté du créateur.

77      Deuxièmement, les énonciations de la décision R 976/2007‑3, relatives à l’existence de prétendues contraintes techniques qui découleraient du fait que « de l’eau chaude doit entrer dans un collecteur horizontal, puis traverser des éléments verticaux rayonnant avant de sortir par un autre collecteur horizontal », sont non seulement peu convaincantes, mais encore démenties en l’espèce par la requérante elle-même.

78      Pour ce qui est, tout d’abord, du caractère peu convaincant de ces énonciations, il convient de relever que celles-ci sont efficacement contredites par les considérations du point 24 de la décision attaquée, où la chambre de recours retient que la circonstance qu’un radiateur doive disposer d’un faisceau de tubes radiants dans lesquels circule un fluide calorifère n’influence de manière significative ni la configuration de ces tubes, ni la forme et l’aspect général du radiateur.

79      Au même point de la décision attaquée, la chambre de recours ajoute, sans que cela soit sérieusement contesté par la requérante, qu’il ne semble pas que la forme rectangulaire verticale allongée du radiateur et la forme rectangulaire des tubes soient nécessaires pour garantir une quelconque fonctionnalité de l’appareil. Enfin, pour ce qui est de la forme des tubes, la chambre de recours, relève, à juste titre, que des configurations différentes peuvent être imaginées.

80      Pour ce qui est, ensuite, du démenti par la requérante elle-même des énonciations de la décision R 976/2007-3, il résulte des termes du point 40 de la requête. Audit point, la requérante a dressé une liste des différents facteurs qu’il conviendrait, selon elle, de prendre en considération pour la détermination du caractère individuel d’un radiateur de chauffage.

81      Or, les termes mêmes – non limitatifs – de cette liste ne laissent absolument aucun doute quant à la grande étendue des possibilités ouvertes, en terme de design, dans le domaine des radiateurs de chauffage : « [tubes radiants …] verticaux, horizontaux, inclinés, convexes, orthogonaux par rapport au collecteur etc. ; [tubes radiants] carrés, rectangulaires, en D, etc. ; densité des [tubes radiants] ; […] caractéristiques de forme et de […] section [des collecteurs] ; position relative du collecteur par rapport aux tubes [radiants] ; dimension du collecteur par rapport à la profondeur des tubes [radiants] ».

82      Troisièmement, il convient de relever que les énonciations de la décision R 976/2007-3 relatives à une liberté prétendument limitée du créateur reposent également sur des considérations liées à la saturation de l’état de l’art.

83      Or, le Tribunal a rejeté la prétention selon laquelle la liberté du créateur pourrait être limitée par le souci de se conformer à une tendance générale en matière de design. En effet, le Tribunal a indiqué qu’une tendance générale en matière de design est pertinente, tout au plus, par rapport à la perception esthétique du dessin ou modèle concerné et peut, donc, éventuellement, exercer une influence sur le succès commercial du produit dans lequel ce dessin ou modèle est incorporé [arrêts du Tribunal du 22 juin 2010, Shenzhen Taiden/OHMI – Bosch Security Systems (Équipement de communication), T‑153/08, Rec. p. II‑2517, point 58, et Radiateurs de chauffage, point 27 supra, point 94].

84      Ce faisant, le Tribunal a refusé qu’une tendance générale en matière de design puisse être considérée comme un facteur de limitation de la liberté du créateur, dès lors que c’est précisément cette liberté du créateur qui lui permet de découvrir de nouvelles formes, de nouvelles tendances, ou encore d’innover dans le cadre d’une tendance existante (arrêt Radiateurs de chauffage, point 27 supra, point 95).

85      Il s’ensuit que la circonstance que l’OMHI a, dans une décision antérieure, estimé qu’il existait une situation de saturation de l’état de l’art dans le secteur des radiateurs de chauffage, est, indépendamment même de la question de la véracité de cette considération, sans incidence pour la détermination du degré de liberté du créateur.

86      Il résulte des considérations qui précèdent que la requérante ne parvient pas à contredire la conclusion de la chambre de recours, dans la décision attaquée, selon laquelle le degré de liberté du créateur du dessin ou modèle contesté était élevé.

87      Cela étant, il n’en reste pas moins qu’une saturation de l’état de l’art, si elle ne saurait être considérée comme limitant la liberté du créateur, peut être de nature, lorsqu’elle est avérée, à rendre l’utilisateur averti plus sensible aux différences de détail des dessins ou modèles en cause (voir, en ce sens, arrêt Radiateurs de chauffage point 27 supra, point 81), avec pour conséquence qu’un dessin ou modèle peut, du fait d’une saturation de l’état de l’art, avoir un caractère individuel du fait de caractéristiques qui, en l’absence d’une telle saturation, ne seraient pas susceptibles de susciter une différence d’impression globale sur l’utilisateur averti.

88      Or, en l’espèce, il convient de relever que la requérante a expressément prétendu, dès la procédure devant la division d’annulation, que le secteur était encombré.

89      La division d’annulation, tout en n’évoquant pas expressément cette prétention, s’est exprimée en des termes suggérant plutôt l’admission de sa part d’une certaine saturation de l’état de l’art. Elle a ainsi considéré que « l’utilisateur averti connait bien tous les radiateurs de chauffage du type auquel le dessin ou modèle contesté se réfère [, qu’il] est conscient de tous les modèles existants [et qu’il] sait que ces modèles existent en une vaste gamme d’exemplaires qui diffèrent par la couleur, les lignes et les formes » (point 24 de la décision de la division d’annulation).

90      Cette considération n’était pas ignorée de la chambre de recours, qui l’a expressément mentionnée au point 5, deuxième tiret, de la décision attaquée.

91      La chambre de recours était, en outre, également directement saisie de la prétention de la requérante relative à un encombrement du secteur (voir point 7, premier et troisième tirets, deuxièmes phrases, et point 23 de la décision attaquée).

92      Or, la chambre de recours, dans son appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté (points 27 à 32 de la décision attaquée), n’a pas évoqué cette prétention, ne fût-ce même pour l’écarter.

93      Cette omission intervient alors même qu’existait, comme le signale la requérante devant le Tribunal, une décision antérieure de l’OHMI (la décision R 976/2007-3) dans laquelle la troisième chambre de recours de l’OHMI avait, dans un contexte factuel proche, estimé que le secteur des radiateurs de chauffage était « notoirement encombré ».

94      Devant le Tribunal, l’OHMI reconnaît que, au cours de la procédure administrative devant lui, la requérante a prétendu que l’état de l’art dans le domaine des radiateurs muraux était saturé et que, par conséquent, l’utilisateur avisé serait conscient du fait que les radiateurs muraux verticaux pourraient présenter un certain nombre de caractéristiques communes et, partant, ferait plus attention aux détails de ces modèles. L’OHMI fait toutefois valoir que la requérante n’a pas prouvé l’existence d’autres dessins ou modèles de même type que le dessin ou modèle contesté.

95      Force est de constater que cette dernière considération constitue une tentative de motivation tardive de la décision attaquée, irrecevable devant le Tribunal. En effet, selon une jurisprudence constante, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief, son absence ne pouvant pas être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union [arrêt de la Cour du 13 juin 2013, Versalis (anciennement Polimeri Europa)/Commission, C‑511/11 P, non encore publié au Recueil, point 141 ; voir arrêt Radiateurs de chauffage, point 27 supra, point 90, et la jurisprudence citée]

96      En outre, il convient de rappeler que le défaut de motivation constitue un moyen d’ordre public qui doit être soulevé d’office par le juge de l’Union (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 67, et arrêt du Tribunal du 12 juillet 2001, UK Coal/Commission, T‑12/99 et T‑63/99, Rec. p. II‑2153, point 199).

97      Quant à l’argument de l’intervenante, avancé lors de l’audience, selon lequel la présente affaire se distinguerait de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Radiateurs de chauffage, point 27 ci-dessus supra, en ce que, dans cette affaire Radiateurs de chauffage, des preuves de la saturation de l’état de l’art auraient été rapportées devant l’OHMI tandis que tel ne serait pas le cas en l’espèce, il convient de le rejeter.

98      En effet et indépendamment du fait que cet argument n’a été invoqué qu’au stade de l’audience, force est de constater que celui-ci, qui se rapporte à de prétendus éléments de fait qui figureraient, selon l’intervenante, dans une autre affaire que celle dont le Tribunal est saisi en l’espèce, n’est pas étayé.

99      Or, eu égard tant aux règles de preuve qu’aux exigences découlant du principe du contradictoire, il n’appartient pas au Tribunal de pallier la carence d’une partie dans l’administration de la preuve qui incombe à celle-ci, au moyen de la connaissance propre que le Tribunal pourrait avoir de prétendus éléments factuels appartenant prétendument à une autre affaire que celle dont il est saisi (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 janvier 2002, Gerry Plant e.a./Commission et South Wales Small Mines, C‑480/99 P, Rec. p. I‑265, point 24), prétendus éléments factuels qui ne figurent pas dans le présent litige et dont, par conséquent, la requérante n’a pas connaissance.

100    En conclusion de l’ensemble des considérations qui précèdent, dans la mesure où, premièrement, la saturation de l’état de l’art était invoquée par la requérante devant la division d’annulation, deuxièmement, la division d’annulation avait procédé à certaines considérations susceptibles de suggérer qu’elle convenait de l’existence d’une certaine saturation, troisièmement, l’argument était réitéré par la requérante devant la chambre de recours et, quatrièmement, une décision antérieure de la chambre de recours avait invoqué le caractère « notoirement encombré » du secteur des radiateurs de chauffage, c’est à tort que la chambre de recours, dans la décision attaquée, a conclu à l’absence de caractère individuel du dessin ou modèle contesté sans faire aucune référence à cette question, fut-ce pour se démarquer des appréciations opérées antérieurement.

101    Dans ce contexte, duquel il ressort que la chambre de recours n’a pas motivé la décision attaquée sur une question soulevée devant elle et pertinente pour l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté, il convient d’annuler la décision attaquée, le recours étant, eu égard aux motifs d’annulation, rejeté pour le surplus.

 Sur les dépens

102    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

103    En application de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, l’intervenante au soutien de l’OHMI supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 3 avril 2012 (affaire R 953/2011-3) est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      L’OHMI supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Tubes Radiatori Srl.

4)      Antrax It Srl supportera ses propres dépens.

Forwood

Dehousse

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 mars 2014.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Conclusions des parties

En droit

Examen liminaire de certaines objections de l’OHMI et de l’intervenante

– Sur la recevabilité de certaines pièces produites seulement devant le Tribunal

– Sur la pertinence des arguments de la requérante fondés sur une comparaison entre des modèles de radiateurs équipés de tubes radiants de section carrée

– Sur la recevabilité et la force probante de photographies de produits réels présentés comme résultant de l’application des dessins ou modèles en cause

– Sur la pertinence de références à des dimensions concrète des produits

– Sur une erreur de fait commise par la division d’annulation et reprise par la chambre de recours

Sur le moyen unique, tiré de la violation de l’article 6 du règlement n° 6/2002

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.