Language of document : ECLI:EU:T:2023:257

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

17 mai 2023 (*)

« Concurrence – Concentrations – Marché de l’électricité allemand – Décision déclarant la concentration compatible avec le marché intérieur – Recours en annulation – Qualité pour agir – Recevabilité – Obligation de motivation – Notion de “concentration unique” – Droit à une protection juridictionnelle effective – Droit d’être entendu – Délimitation du marché – Période d’analyse – Analyse du pouvoir de marché – Influence déterminante – Erreurs manifestes d’appréciation – Obligation de diligence »

Dans l’affaire T‑313/20,

Stadtwerke Leipzig GmbH, établie à Leipzig (Allemagne), représentée par Mes I. Zenke et T. Heymann, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Meessen et I. Zaloguin, en qualité d’agents, assistés de Mes T. Funke et A. Dlouhy, avocats,

partie défenderesse,

soutenue par

République fédérale d’Allemagne, représentée par M. J. Möller et Mme S. Costanzo, en qualité d’agents,

par

E.ON SE, établie à Essen (Allemagne), représentée par Mes C. Grave, C. Barth et D.-J. dos Santos Goncalves, avocats,

et par

RWE AG, établie à Essen, représentée par Mes U. Scholz, J. Siegmund et J. Ziebarth, avocats,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

composé, lors des délibérations, de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise, P. Nihoul, Mme R. Frendo et M. J. Martín y Pérez de Nanclares (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Jund, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience des 15 et 16 juin 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Stadtwerke Leipzig GmbH, demande l’annulation de la décision C(2019) 1711 final de la Commission, du 26 février 2019, déclarant une concentration compatible avec le marché intérieur et avec l’accord EEE (affaire M.8871 – RWE/E.ON Assets) (JO 2020, C 111, p. 1, ci-après la « décision attaquée »).

I.      Antécédents du litige

A.      Entreprises en cause

2        RWE AG est une société de droit allemand qui intervenait, au moment de la notification de l’opération de concentration envisagée, dans l’ensemble de la chaîne de fourniture d’énergie, y compris dans les domaines de la production, de la fourniture en gros, du transport, de la distribution, du commerce de détail d’énergie, ainsi que des services énergétiques aux consommateurs (tels que le relevé de compteur, la mobilité électrique, etc.) (ci-après le « marché de l’électricité »). RWE et ses filiales, y compris innogy SE, opèrent dans plusieurs États européens, à savoir en Belgique, en République tchèque, en Allemagne, en France, en Italie, au Luxembourg, en Hongrie, aux Pays‑Bas, en Pologne, en Roumanie, en Slovaquie et au Royaume‑Uni.

3        E.ON SE est une société de droit allemand qui opérait, au moment de la notification de l’opération de concentration envisagée, sur l’ensemble de la chaîne de fourniture d’électricité, qu’il s’agisse de production, de vente en gros, de distribution ou de commerce de détail d’électricité. E.ON possède et exploite des actifs de production d’électricité dans plusieurs États européens dont l’Allemagne, la France, l’Italie, la Pologne et le Royaume-Uni.

4        La requérante est une entreprise municipale de droit allemand produisant de l’électricité tant à partir de sources d’énergie conventionnelles (ci‑après l’« électricité conventionnelle »), grâce à son parc de centrales à gaz à cycle combiné produisant du chauffage urbain et de l’électricité, qu’à partir de sources d’énergie renouvelables (ci‑après l’« électricité renouvelable »), par le biais de ses parcs éoliens, de biomasse et photovoltaïques. Ses actifs de production se situent en Allemagne.

B.      Contexte de la concentration

5        La concentration en cause en l’espèce s’inscrit dans le cadre d’un échange complexe d’éléments d’actifs entre RWE et E.ON, annoncé les 11 et 12 mars 2018 par les deux entreprises concernées (ci-après l’« opération globale »). Ainsi, par le biais de la première opération, à savoir la concentration en cause en l’espèce, RWE souhaite acquérir le contrôle exclusif ou le contrôle en commun de certains actifs de production d’E.ON. La deuxième opération consiste en l’acquisition par E.ON du contrôle exclusif des activités de distribution et de commerce de détail ainsi que de certains actifs de production d’innogy contrôlée par RWE. Quant à la troisième opération, elle prévoit que RWE acquière 16,67 % des parts d’E.ON.

6        La requérante a envoyé, le 24 avril 2018, un courrier à la Commission européenne par lequel elle lui a indiqué souhaiter participer à la procédure relative aux première et deuxième opérations de concentration et, par conséquent, recevoir les documents afférents à celles-ci.

7        Le 26 juin 2018, une réunion s’est tenue entre le représentant de la requérante et la Commission, lors de laquelle celui-ci a exprimé à la Commission les inquiétudes de sa cliente au regard des première et deuxième opérations de concentration et son souhait de participer aux procédures afférentes.

8        Le 28 août 2018, une réunion individuelle s’est tenue entre la Commission et la requérante, lors de laquelle cette dernière a soumis ses observations sur les première et deuxième opérations de concentration.

9        La deuxième opération de concentration a été notifiée à la Commission le 31 janvier 2019. La Commission a, s’agissant de cette deuxième opération, adopté la décision C(2019) 6530 final, du 17 septembre 2019, déclarant une concentration compatible avec le marché intérieur et avec l’accord EEE (affaire M.8870 – E.ON/Innogy) (JO 2020, C 379, p. 16, ci-après la « concentration M.8870 »).

10      La troisième opération de concentration a été notifiée au Bundeskartellamt (Office fédéral des ententes, Allemagne) qui l’a autorisée par décision du 26 février 2019 (affaire B8-28/19, ci-après la « concentration B8-28/19 »).

C.      Procédure administrative

11      Le 22 janvier 2019, la Commission a reçu notification d’une proposition de concentration en application de l’article 4 du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, L 24, p. 1), par laquelle RWE souhaitait acquérir, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, le contrôle exclusif ou le contrôle en commun de certains actifs de production d’E.ON.

12      Le 31 janvier 2019, la Commission a procédé à la publication au Journal officiel de l’Union européenne de la notification préalable de cette concentration (affaire M.8871 – RWE/E.ON Assets) (JO 2019, C 38, p. 22, ci-après la « concentration M.8871 »), conformément à l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 139/2004.

13      Les actifs de production d’E.ON qui font partie de la concentration M.8871 comprennent, d’une part, les entités et les parts dans les entités suivantes, opérant dans le secteur des énergies renouvelables :

–        E.ON Climate & Renewables GmbH (Allemagne) ;

–        Amrum Offshore West GmbH (Allemagne) ;

–        E.ON Climate & Renewables UK Limited (Royaume‑Uni) ;

–        E.ON Climate & Renewables North America, LLC (États‑Unis) ;

–        E.ON Wind Sweden AB (Suède) ;

–        E.ON Climate & Renewables Italia Srl (Italie) ;

–        Arkona (Allemagne) mis en service début 2019, dont la production n’a pas été prise en compte pour l’établissement du chiffre de production d’E.ON de l’année 2017 ;

–        Delta Nordsee (Allemagne), site en construction au moment de l’examen de la concentration.

14      En outre, RWE acquerra 60,08 % de parts dans Rampion NewCo (Royaume‑Uni), qui détient 50 % de parts dans Rampion Offshore Wind Limited (Royaume‑Uni), acquérant ainsi une participation indirecte de 30,1 % dans Rampion Offshore Wind.

15      Les actifs de production d’E.ON qui font partie de la concentration M.8871 comprennent, d’autre part, des participations et les droits de tirage associés dans des actifs nucléaires, à savoir :

–        une participation minoritaire de 12,5 % dans Kernkraftwerke Lippe-Ems GmbH (Allemagne) ;

–        une participation minoritaire de 25 % dans Kernkraftwerk Gundremmingen GmbH (Allemagne), de même qu’une quote-part de 25 % du combustible et des déchets nucléaires ainsi que des actifs immobiliers liés à cette centrale nucléaire.

16      Dans le cadre de son examen de la concentration M.8871, la Commission a réalisé une enquête de marché et a donc transmis à certaines entreprises, dont la requérante, un questionnaire auquel celle-ci a répondu, le 30 janvier 2019.

17      Par courrier du 31 janvier 2019, la requérante a réitéré son souhait de participer à la procédure menée par la Commission et, à cette occasion, d’être entendue par la Commission dans l’hypothèse où celle-ci déciderait d’ouvrir la phase d’examen approfondi, conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement no 139/2004.

D.      Décision attaquée

18      Le 26 février 2019, la Commission a adopté la décision attaquée. La concentration M.8871 a été déclarée compatible avec le marché intérieur lors de la phase d’examen prévue à l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004 et à l’article 57 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE).

19      En substance, la Commission a analysé les effets de la concentration M.8871 principalement sur le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité en Allemagne. Dans le cadre de son analyse, la Commission a tenu compte, notamment, des effets de la concentration M.8870 et de ceux de la concentration B8-28/19. Elle a également pris en considération le risque lié aux stratégies de rétention de capacité et les analyses « Residual Supply Index » (indice de fourniture résiduelle, ci-après le « RSI » ou l’« indice RSI ») fournies par RWE et par des tiers. Elle est parvenue à la conclusion que l’augmentation de la part de marché de RWE imputable aux actifs d’E.ON était limitée et temporaire, de sorte que la concentration M.8871 ne faisait naître aucun doute sérieux quant à la compatibilité de celle-ci avec le marché intérieur. La Commission a considéré que cette conclusion n’était pas remise en cause par les autres éléments avancés par les tiers. Enfin, elle a également analysé les effets de la concentration M.8871 sur le marché du transport d’électricité en tenant compte de la relation de RWE avec Amprion GmbH, l’un des quatre gestionnaires de réseau de transport allemands.

II.    Conclusions des parties

20      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens, y compris les frais d’avocat et de déplacement, qu’elle a exposés dans le cadre de la procédure.

21      La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, E.ON et RWE, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

22      À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, six moyens tirés, le premier, d’une scission erronée de l’analyse de l’opération globale, le deuxième, d’une violation de l’obligation de motivation, le troisième, d’une violation de son droit d’être entendue, le quatrième, d’une violation de son droit à une protection juridictionnelle effective, le cinquième, d’erreurs manifestes d’appréciation et, le sixième, de la violation de l’obligation de diligence.

23      Il convient d’abord d’examiner l’exception d’irrecevabilité soulevée par RWE.

A.      Sur la recevabilité

24      Dans son mémoire en intervention, RWE excipe de l’irrecevabilité du recours en raison de l’absence de qualité pour agir de la requérante. À cet égard, elle fait valoir, en substance, que la requérante n’a pas d’intérêt individuel à demander l’annulation de la décision attaquée.

25      D’une part, RWE soutient que, au-delà d’un intérêt général en tant qu’actrice du marché, la requérante ne met pas en évidence ce qui l’individualise spécifiquement et la caractérise par rapport aux autres opérateurs et concurrents. D’autre part, le marché allemand de l’électricité ne saurait être considéré comme comprenant un nombre restreint de producteurs.

26      La requérante rétorque que, d’un point de vue formel, RWE ne peut, en tant que partie intervenante, soulever une exception d’irrecevabilité, puisqu’elle doit se limiter aux moyens d’attaque et de défense de la Commission, au soutien de laquelle elle est intervenue. D’un point de vue matériel, la requérante conteste les arguments de RWE.

27      À cet égard, il convient de rappeler que, dans ses conclusions, la Commission s’est limitée à demander que le recours soit rejeté sur le fond et n’a pas contesté la qualité pour agir de la requérante.

28      Or, selon l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53 du même statut, les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties au litige. En outre, selon l’article 142, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, l’intervenant accepte le litige dans l’état où il se trouve lors de son intervention. Il s’ensuit que RWE n’a pas qualité pour soulever une exception d’irrecevabilité et que le juge de l’Union européenne n’est donc pas tenu, en principe, d’examiner les moyens d’irrecevabilité invoqués par elle. Toutefois, selon une jurisprudence constante, le critère qui subordonne la recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale contre une décision dont elle n’est pas le destinataire aux conditions de recevabilité fixées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE constitue une fin de non-recevoir d’ordre public qu’il appartient aux juridictions de l’Union d’examiner à tout moment, même d’office (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Stichting Woonlinie e.a./Commission, C‑133/12 P, EU:C:2014:105, point 32 et jurisprudence citée). Il appartient donc au Tribunal de vérifier d’office si la requérante a qualité pour agir contre la décision attaquée.

29      Conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, une personne physique ou morale ne peut former un recours contre une décision adressée à une autre personne que si ladite décision la concerne directement et individuellement.

30      Ainsi, il convient d’examiner si la requérante est directement et individuellement concernée par la décision attaquée.

31      En premier lieu, en ce qui concerne l’affectation directe de la requérante, il y a lieu de relever que, dès lors qu’elle permettait la réalisation immédiate de la concentration M.8871, la décision attaquée était de nature à induire une modification immédiate de la situation des marchés concernés. Dans la mesure où la volonté des parties à la concentration M.8871 de réaliser cette dernière n’était pas sujette à caution, les opérateurs économiques intervenant sur le ou les marchés concernés pouvaient, à la date de la décision attaquée, tenir pour acquise une modification immédiate ou rapide de l’état du marché (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2006, easyJet/Commission, T‑177/04, EU:T:2006:187, point 32 et jurisprudence citée). Il en résulte que la requérante, active sur ce marché, est directement concernée par la décision attaquée.

32      En second lieu, s’agissant de l’affectation individuelle de la requérante, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être concernés individuellement que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire de cette décision le serait (voir arrêt du 4 juillet 2006, easyJet/Commission, T‑177/04, EU:T:2006:187, point 34 et jurisprudence citée).

33      Dans le cas d’une décision constatant la compatibilité d’une opération de concentration avec le marché intérieur, et s’agissant d’une entreprise tierce, c’est en fonction, d’une part, de sa participation à la procédure administrative et, d’autre part, de l’affectation de sa position sur le marché qu’il y a lieu de déterminer si elle est individuellement concernée. Si une simple participation à la procédure ne suffit certes pas, à elle seule, à établir que la requérante est individuellement concernée par la décision, en particulier dans le domaine des concentrations dont l’examen minutieux exige un contact régulier avec de nombreuses entreprises, il n’en demeure pas moins que la participation active à la procédure administrative constitue un élément régulièrement pris en considération par la jurisprudence en matière de concurrence, y compris dans le domaine plus spécifique du contrôle des concentrations, pour établir, en conjonction avec d’autres circonstances spécifiques, la recevabilité de son recours (voir arrêt du 4 juillet 2006, easyJet/Commission, T‑177/04, EU:T:2006:187, point 35 et jurisprudence citée).

34      C’est au regard de la jurisprudence rappelée au point 33 ci-dessus que le Tribunal a adopté une mesure d’organisation de la procédure visant à inviter les parties à soumettre, lors de l’audience, leurs observations sur la fin de non-recevoir qu’il envisageait de soulever d’office.

35      En premier lieu, s’agissant de la participation de la requérante à la procédure administrative relative à la concentration M.8871, il convient de relever que la requérante a présenté des observations écrites à la Commission par lettre du 24 avril 2018 et a ensuite été entendue lors d’une réunion individuelle s’étant tenue le 28 août 2018. Il ressort également du dossier que la requérante a envoyé une lettre, le 18 octobre 2018, visant à compléter les observations qu’elle avait soumises lors de la réunion du 28 août 2018.

36      Par lettre du 6 décembre 2018, la requérante a transmis à la Commission une étude préparée à sa demande par Oxera Consulting LLP, entreprise de conseil économique, intitulée « Transaktion zwischen E.ON und RWE : Auswirkungen auf Erstabsatz- und Regelenergiemarkt » (Opération entre E.ON et RWE : répercussions sur les marchés de la première vente et d’équilibrage), du 29 novembre 2018 (ci-après l’« étude Oxera »), à laquelle elle a adjoint, par courrier électronique du 25 janvier 2019, la base de données utilisée pour l’établissement de ladite étude.

37      Enfin, la requérante a reçu le questionnaire relatif à l’enquête de marché de la Commission le 24 janvier 2019, auquel elle a répondu le 30 janvier 2019.

38      Il résulte de ce qui précède que, ayant soumis à la Commission des observations sur la concentration M.8871, par courriers, lors d’une réunion individuelle, en fournissant sa propre étude d’impact de la concentration sur le marché, à savoir l’étude Oxera, et en répondant à l’enquête de marché, la requérante a activement participé à la procédure, ce qui, du reste, n’est pas contesté par les autres parties.

39      En second lieu, s’agissant de l’affectation individuelle de la position de la requérante sur le marché, il ressort des écritures de celle-ci qu’elle intervient, en tant que régie municipale d’électricité, à tous les niveaux de la chaîne de valeur, entre autres dans la production d’électricité, et est, par conséquent, une concurrente des parties à la concentration. Cette description de l’activité de la requérante n’a pas été contestée par les autres parties.

40      En revanche, RWE estime, en substance, que la qualité de concurrente de la requérante n’est qu’une qualité objective, qui ne la caractérise pas par rapport à tout autre concurrent se trouvant, actuellement ou potentiellement, dans une situation identique. En ce sens, elle fait notamment valoir le fait que la requérante n’établit pas de différence entre elle et les autres concurrents lorsqu’elle aborde les effets de la concentration sur sa situation concurrentielle.

41      Par ailleurs, en réponse aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience, les parties ont reconnu qu’il importait non pas de déterminer si la requérante était une concurrente principale de RWE et d’E.ON, mais si elle avait démontré être affectée par la décision attaquée en raison de circonstances particulières.

42      À cet égard, il convient de relever que la requérante a fait valoir que sa position concurrentielle serait affectée par la concentration M.8871 dans la mesure où, en modifiant la structure du marché de l’électricité allemand, celle-ci dévaloriserait les investissements importants réalisés par la requérante et calculés sur le long terme en tenant compte de l’existence d’un marché de l’électricité décentralisé et de plus en plus volatile.

43      Certes, un tel argument peut être avancé par d’autres concurrents que la requérante se trouvant dans une situation similaire.

44      Il n’en demeure pas moins qu’il se rapporte à la situation de la requérante et que, en outre, celle-ci a fait part, tant durant la procédure administrative que durant la procédure judiciaire, des vives préoccupations que soulevait chez elle cette concentration en indiquant, à plusieurs reprises, que sa position concurrentielle allait s’en trouver affectée.

45      À ce titre, elle a indiqué au Tribunal les différents projets [confidentiel] (1) qui se trouveraient affectés par la concentration M.8871. Ces planifications, détaillées dans la requête, s’étendaient sur [confidentiel] ans et étaient fondées sur l’hypothèse de l’absence de la concentration M.8871. La requérante estime que certains investissements dans les nouvelles capacités sont dévalorisés à cause de la concentration croissante du marché et de la marge de manœuvre accrue de RWE à la suite de la concentration M.8871.

46      Ainsi, compte tenu des circonstances spécifiques de la présente affaire, en particulier de l’importante implication de la requérante dans la procédure administrative, de son statut de concurrente des parties à la concentration et de l’impact potentiel sur la valeur de certains investissements spécifiquement identifiés par la requérante à la suite de la concentration, il y a lieu de considérer que la requérante est individuellement concernée par la décision attaquée.

47      La requérante étant directement et individuellement concernée par la décision attaquée, il convient de conclure que le recours est recevable.

B.      Sur le fond

1.      Considérations liminaires

48      Il convient de rappeler que, lorsque la Commission analyse une concentration au sens de l’article 2 du règlement no 139/2004, elle effectue une première phase d’investigation pour établir si la concentration soulève des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur en vertu de l’article 6, paragraphe 1, du même règlement. Si elle conclut que la concentration sous examen soulève de tels doutes, la Commission ouvre une seconde phase d’investigation à la fin de laquelle elle doit décider si la concentration entrave de façon significative la concurrence sur le marché intérieur au sens de l’article 8 du règlement no 139/2004 (arrêt du 11 décembre 2013, Cisco Systems et Messagenet/Commission, T‑79/12, EU:T:2013:635, point 45).

49      S’il est exact que, à la différence de l’article 8 du règlement no 139/2004, l’article 6 de ce règlement se réfère à l’existence ou à l’absence de doutes sérieux quant à la compatibilité de la concentration notifiée avec le marché intérieur, il n’en demeure pas moins que la Commission doit se fonder dans les deux cas sur les mêmes critères d’appréciation, tels qu’ils sont prévus à l’article 2 du même règlement. Pareillement, les exigences de preuve ne sont pas plus élevées pour les décisions prises au titre de l’article 6 du règlement no 139/2004 que pour celles prises au titre de l’article 8 du même règlement. En effet, que la Commission autorise, comme en l’espèce, une concentration à l’issue de la première phase ou après une seconde phase d’examen, les exigences de preuve requises sont identiques. La réponse à la question de savoir si la Commission peut statuer sur la base de l’article 6 ou au titre de l’article 8 du règlement no 139/2004 dépend ainsi de la disponibilité des preuves dans le temps, mais pas de leur niveau (arrêt du 11 décembre 2013, Cisco Systems et Messagenet/Commission, T‑79/12, EU:T:2013:635, point 46).

50      En ce qui concerne les exigences de preuve, il ressort de l’arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (C‑413/06 P, EU:C:2008:392, points 50 à 53), que la Commission est, en principe, tenue de prendre position soit dans le sens de l’autorisation de l’opération de concentration dont elle est saisie, soit dans celui de l’interdiction de celle-ci, selon son appréciation de l’évolution économique attribuable à l’opération en cause dont la probabilité est la plus forte. Il s’agit donc d’une appréciation de probabilités et non d’une obligation pesant sur la Commission de démontrer sans doutes raisonnables qu’une concentration ne soulève pas de problèmes de concurrence (arrêt du 11 décembre 2013, Cisco Systems et Messagenet/Commission, T‑79/12, EU:T:2013:635, point 47).

51      À cet égard, il convient de rappeler que le règlement no 139/2004 ne repose pas sur une présomption d’incompatibilité des concentrations avec le marché intérieur (arrêt du 11 décembre 2013, Cisco Systems et Messagenet/Commission, T‑79/12, EU:T:2013:635, point 48). En effet, le règlement no 139/2004 prévoit une exigence de preuve symétrique pour soit autoriser soit interdire une concentration et, partant, ne crée aucune présomption de légalité ou d’illégalité des concentrations.

52      Certes, l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement no 139/2004 ne confère à la Commission aucun pouvoir discrétionnaire quant à l’ouverture d’une phase d’investigation supplémentaire lorsqu’elle se heurte à des doutes sérieux au sujet de la compatibilité de la concentration avec le marché intérieur. En effet, lorsque la Commission éprouve des doutes sérieux quant à la compatibilité avec le marché intérieur d’une concentration, elle est tenue d’ouvrir une seconde phase d’investigation. Toutefois, même si la notion de « doutes sérieux » revêt un caractère objectif, il n’en demeure pas moins que, avant d’adopter une décision au titre de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement no 139/2004, la Commission doit effectuer des appréciations économiques complexes et qu’elle dispose, à cet effet, d’une certaine marge d’appréciation dont le Tribunal doit tenir compte (arrêts du 3 avril 2003, Royal Philips Electronics/Commission, T‑119/02, EU:T:2003:101, point 77, et du 11 décembre 2013, Cisco Systems et Messagenet/Commission, T‑79/12, EU:T:2013:635, point 49).

53      Par conséquent, que ce soit pour les décisions prises au titre de l’article 6 ou celles adoptées sur la base de l’article 8 du règlement no 139/2004, la jurisprudence prévoit un degré de contrôle juridictionnel identique. Dans les deux cas, le contrôle exercé par le juge de l’Union sur les appréciations économiques complexes de la Commission doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir. À cet égard, il convient de rappeler que le juge de l’Union doit non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêt du 11 décembre 2013, Cisco Systems et Messagenet/Commission, T‑79/12, EU:T:2013:635, point 50).

54      C’est à l’aune de ces considérations qu’il convient d’examiner les moyens soulevés par la requérante.

2.      Sur le premier moyen, tiré d’une scission erronée de l’analyse de l’opération globale

55      La requérante considère, en substance, que la séparation de l’analyse de la concentration M.8870 et de la concentration M.8871 est purement formelle. Selon elle, la Commission aurait dû apprécier conjointement les deux concentrations, étant donné qu’elles dépendaient l’une de l’autre d’un point de vue économique, qu’elles avaient été convenues de manière simultanée et qu’elles étaient également juridiquement liées.

56      La requérante conclut que l’opération globale représente une seule et même concentration au sens de l’article 3 du règlement no 139/2004, car, conformément à son considérant 20, elle contient des opérations qui sont étroitement liées en ce qu’elles font l’objet d’un lien conditionnel.

57      La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, E.ON et RWE, conteste les arguments de la requérante.

a)      Sur la portée du premier moyen

58      Il ressort du premier moyen, tel qu’il est présenté dans la requête, que le reproche adressé à la Commission porte sur le fait que cette dernière n’a pas examiné ensemble les concentrations M.8870 et M.8871. Toutefois, dans le cadre, notamment, de ses observations sur le mémoire en intervention de RWE, la requérante indique que l’opération globale a un caractère unitaire et que la Commission est compétente même lorsqu’une entreprise, en l’occurrence RWE, se voit accorder, en contrepartie de l’apport de filiales à une autre société, à savoir innogy à E.ON, une participation minoritaire ne donnant aucun droit de contrôle dans l’entreprise cessionnaire, à savoir les 16,67 % dans E.ON.

59      Interrogée lors de l’audience sur la portée de son moyen, la requérante a précisé qu’elle considérait que les concentrations M.8870, M.8871 et B8-28/19 constituaient une concentration unique. Tout en reconnaissant que ces trois concentrations ont fait l’objet d’un contrôle selon des procédures différentes, à savoir une procédure régie par le droit allemand pour la concentration B8-28/19 et deux procédures distinctes régies par le droit de l’Union pour les concentrations M.8870 et M.8871, la requérante conteste le choix qui a été fait. En particulier, elle estime que la participation acquise par RWE dans E.ON de 16,67 % n’est pas une participation minoritaire et ne constitue pas une participation financière sans importance. Au contraire, elle considère qu’elle permet une influence déterminante de RWE sur E.ON. Ce serait en considération de cela qu’il faudrait apprécier si l’opération globale constituait bien une concentration unique au sens de l’article 3 du règlement no 139/2004.

60      Les précisions apportées par la requérante lors de l’audience permettent de comprendre que le premier moyen vise à reprocher à la Commission, d’une part, de ne pas avoir contrôlé la concentration B8-28/19 et, d’autre part, de ne pas avoir considéré les concentrations M.8870, M.8871 et B8-28/19 comme étant les composantes d’une concentration unique.

b)      Sur le contrôle de la concentration B8-28/19

61      Il convient de remarquer que, au point 74 de la décision attaquée, la Commission a rappelé que, dans son appréciation des effets concurrentiels de toute acquisition de contrôle, elle devait également tenir compte des participations minoritaires détenues par l’acquéreur dans d’éventuelles sociétés apparentées. En vertu de cette règle, la Commission a vérifié si la relation structurelle naissant de l’acquisition de la participation minoritaire de RWE dans E.ON, objet de la concentration B8-28/19, pourrait, d’une part, réduire l’intérêt qu’auraient RWE et E.ON à entrer en concurrence sur le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité en Allemagne et, d’autre part, donner à RWE ou à E.ON la capacité et un intérêt à exclure des concurrents, soit en amont, dans la production ou la vente en gros d’électricité, soit en aval, dans la vente au détail d’électricité en Allemagne, soit, encore, les deux (point 75 de la décision attaquée).

62      Autrement dit, la Commission a tenu compte de la participation minoritaire acquise par RWE dans E.ON dans le cadre de l’appréciation des effets de la concentration M.8871, mais elle n’a pas examiné la compatibilité de la concentration B8-28/19 avec le marché intérieur, au regard du règlement no 139/2004.

63      C’est l’Office fédéral des ententes qui a examiné la compatibilité de la concentration B8-28/19 au regard des règles posées par le droit national allemand.

64      À cet égard, la requérante fait valoir que la Commission aurait dû examiner la concentration B8-28/19, dès lors que la participation minoritaire acquise par RWE sur E.ON permettait à RWE d’exercer une influence déterminante sur E.ON.

65      Il convient de rappeler que l’article 3, paragraphes 1 et 2, du règlement no 139/2004 dispose :

« 1.      Une concentration est réputée réalisée lorsqu’un changement durable du contrôle résulte :

a)      de la fusion de deux ou de plusieurs entreprises ou parties de telles entreprises, ou

b)      de l’acquisition, par une ou plusieurs personnes détenant déjà le contrôle d’une entreprise au moins ou par une ou plusieurs entreprises, du contrôle direct ou indirect de l’ensemble ou de parties d’une ou de plusieurs autres entreprises, que ce soit par prise de participations au capital ou achat d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen.

2.      Le contrôle découle des droits, contrats ou autres moyens qui confèrent, seuls ou conjointement et compte tenu des circonstances de fait ou de droit, la possibilité d’exercer une influence déterminante sur l’activité d’une entreprise, et notamment :

a)      des droits de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens d’une entreprise ;

b)      des droits ou des contrats qui confèrent une influence déterminante sur la composition, les délibérations ou les décisions des organes d’une entreprise. »

66      Ainsi, dans la mesure où l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 vise l’influence déterminante acquise sur l’activité d’une entreprise pour qualifier l’existence d’un contrôle susceptible de caractériser une concentration, il y a lieu de déduire du reproche de la requérante que cette dernière considère la concentration B8-28/19 comme constituant une concentration au sens de l’article 3 du règlement no 139/2004 et que la Commission aurait dû, dans ces conditions, l’examiner.

67      Or, l’objet du présent recours porte formellement sur la décision de la Commission, du 26 février 2019, qui a déclaré la concentration M.8871 compatible avec le marché intérieur. À cet égard, même si la décision attaquée contient des éléments sur la participation minoritaire acquise par RWE dans E.ON de nature à faire comprendre les raisons pour lesquelles la Commission n’a pas considéré la concentration B8-28/19 comme étant une concentration au sens de l’article 3, du règlement no 139/2004, force est de constater qu’elle ne statue pas de manière explicite sur cette question et, par extension, sur la compétence de la Commission pour connaître de la compatibilité de cette concentration avec le marché intérieur. Dès lors, la requérante ne saurait faire usage du moyen tiré d’une scission erronée de l’opération globale pour demander au Tribunal de trancher une question de compétence qui n’a pas été abordée par la Commission dans la décision effectivement attaquée devant lui.

68      À cet égard, il convient encore de noter que si la requérante estimait que la concentration B8-28/19 était susceptible de revêtir une dimension au niveau de l’Union, il lui aurait appartenu d’adresser une plainte à la Commission afin de lui demander d’en connaître. Dans un tel cas, en effet, la Commission aurait été tenue de statuer sur le principe même de sa compétence d’autorité de contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 2003, Schlüsselverlag J. S. Moser e.a./Commission, C‑170/02 P, EU:C:2003:501, points 27 à 30). La décision éventuellement adoptée aurait ainsi pu faire l’objet d’un contrôle juridictionnel par le biais d’un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE. Alternativement, dans l’hypothèse d’une absence de réponse de la part de la Commission, un recours en carence, en vertu de l’article 265, troisième alinéa, TFUE, aurait pu être introduit.

69      En tout état de cause, l’acquisition d’une participation minoritaire ne peut donner lieu à une prise de contrôle, ainsi qu’il ressort des points 57 et 59 de la communication consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement no 139/2004 (JO 2008, C 95, p. 1 et rectificatif JO 2009, C 43, p. 10, ci-après la « communication consolidée sur la compétence »), que si des droits spécifiques sont attachés à la participation minoritaire, donnant lieu à un contrôle exclusif de droit, ou si l’actionnaire minoritaire obtient, en raison de circonstances particulières, un contrôle exclusif de fait.

70      Or, en l’espèce, d’une part, la requérante n’a pas soutenu que des droits spécifiques étaient attachés à la participation minoritaire acquise par RWE. En particulier, elle n’a pas fait valoir que les actions acquises étaient des actions préférentielles auxquelles seraient attachés des droits spéciaux donnant à RWE la possibilité de déterminer la stratégie commerciale d’E.ON, tel le pouvoir de nommer plus de la moitié des membres du conseil de surveillance ou d’administration, ni que RWE aurait le droit de gérer les activités d’E.ON et d’en déterminer la politique commerciale sur la base de la structure organisationnelle.

71      D’autre part, ainsi qu’il est établi aux points 374, 375 et 383 ci-après, l’accord de relations entre investisseurs conclu entre RWE et E.ON limite les droits de vote pouvant être exercés par RWE à 16,67 % lors des assemblées des actionnaires, quel que soit le taux de présence. Par conséquent, RWE ne saurait obtenir la majorité à l’assemblée générale d’E.ON, même en présence d’un faible nombre d’actionnaires. De plus, tel qu’il est indiqué, en substance, au point 388 ci-après, la requérante n’a pas avancé d’indices pour soutenir la plausibilité de l’existence d’une quelconque coordination entre [confidentiel] et RWE aux assemblées générales d’E.ON qui pourrait conférer à RWE une majorité stable dans ces assemblées. Partant, il ne saurait être considéré que RWE a acquis un contrôle exclusif de fait sur E.ON.

72      Ainsi, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la concentration B8-28/19 constitue une concentration au sens de l’article 3 du règlement no 139/2004.

c)      Sur l’existence d’une concentration unique

73      Les parties s’étant opposées, tant dans leurs écritures que lors de l’audience, sur la notion même de « concentration unique », il convient de définir cette notion avant de vérifier si celle-ci est applicable à l’opération globale.

1)      Sur la notion de « concentration unique »

74      Il convient de relever que, certes, la notion de « concentration unique » figure uniquement au considérant 20, et non dans les articles du règlement no 139/2004 (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 91).

75      Le considérant 20 du règlement no 139/2004 indique que :

« Il est utile de définir la notion de concentration de telle sorte qu’elle couvre les opérations entraînant un changement durable du contrôle des entreprises concernées et donc de la structure du marché. Il convient par conséquent d’inclure dans le champ d’application du présent règlement toutes les entreprises communes accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome. Il convient en outre de traiter comme une concentration unique des opérations qui sont étroitement liées en ce qu’elles font l’objet d’un lien conditionnel ou prennent la forme d’une série de transactions sur titres effectuées dans un délai raisonnablement bref. »

76      Néanmoins, d’une part, ce considérant ne contient pas de définition exhaustive des conditions dans lesquelles deux opérations ou plus constituent une concentration unique. D’autre part, il convient de relever qu’un considérant d’un règlement, s’il peut permettre d’éclairer l’interprétation à donner à une règle de droit, ne saurait constituer par lui-même une telle règle. Le préambule d’un acte de l’Union n’a pas de valeur juridique contraignante (voir arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 150 et jurisprudence citée).

77      Ainsi, selon la jurisprudence, le préambule d’un acte de l’Union ne saurait être invoqué ni pour déroger aux dispositions mêmes de l’acte concerné ni pour interpréter ces dispositions dans un sens manifestement contraire à leur libellé (voir arrêt du 24 novembre 2005, Deutsches Milch-Kontor, C‑136/04, EU:C:2005:716, point 32 et jurisprudence citée). Dès lors, si le considérant 20 du règlement no 139/2004 est susceptible de servir d’élément d’interprétation des dispositions de ce règlement, il ne saurait être valablement déduit du seul libellé de ce considérant une interprétation de la notion de « concentration unique » qui ne serait pas conforme à ces dispositions (arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest/Commission, C‑10/18 P, EU:C:2020:149, point 44).

78      Par conséquent, la notion de « concentration unique », qui apparaît au considérant 20 du règlement no 139/2004, doit être interprétée dans un sens compatible avec la notion de « concentration » définie à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 139/2004. En ce sens, le considérant 20 ne saurait faire l’objet d’une interprétation qui aurait pour conséquence d’élargir la portée de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 139/2004.

79      Or, eu égard au contenu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 rappelé au point 65 ci-dessus, il convient de considérer qu’une concentration unique est une concentration composée d’au moins deux opérations étroitement liées en raison d’un lien conditionnel ou de ce qu’elles prennent la forme d’une série de transactions sur titres effectuées dans un délai raisonnablement bref, et qui conduisent à un changement durable du contrôle résultant de la fusion de deux ou de plusieurs entreprises ou parties de telles entreprises, ou de l’acquisition par une ou plusieurs personnes détenant déjà le contrôle d’une entreprise au moins ou par une ou plusieurs entreprises, du contrôle direct ou indirect de l’ensemble ou de parties d’une ou de plusieurs autres entreprises.

80      Autrement dit, deux conditions doivent être remplies aux fins de considérer deux ou plusieurs opérations comme constituant une concentration unique au sens du considérant 20 et de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004. D’une part, il est nécessaire que les opérations soient interdépendantes, de sorte qu’elles ne seraient pas réalisées les unes sans les autres. D’autre part, le résultat de ces opérations doit consister à conférer à une ou plusieurs entreprises le contrôle économique, direct ou indirect, sur l’activité d’une ou de plusieurs autres entreprises (voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, EU:T:2006:64, point 109).

81      À cet égard, la requérante fait valoir que le considérant 20 du règlement no 139/2004 concrétise la volonté de la Commission, qui s’est manifestée au travers de son livre vert sur la révision du règlement (CEE) no 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises [COM(2001) 745 final, ci-après le « livre vert »], de considérer de manière très générale les échanges d’actifs comme une seule concentration afin d’assurer une appréciation cohérente de l’ensemble de l’opération.

82      Toutefois, d’une part, il convient de souligner qu’un livre vert n’a que pour but de lancer un processus de consultation au niveau de l’Union et ne saurait, dès lors, créer une obligation à la charge de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 178).

83      D’autre part, s’il est exact que, au considérant 133 du livre vert, la Commission a indiqué qu’il conviendrait de rédiger des dispositions assimilant des opérations consistant en des échanges d’actifs entre deux sociétés à des concentrations consistant en une seule opération, il n’en demeure pas moins que cette proposition n’a pas été retenue dans le règlement no 139/2004. En particulier, la modification de l’article 5 du règlement (CEE) no 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO 1989, L 395, p. 1), portant sur le calcul du chiffre d’affaires pour la détermination de la compétence de la Commission aux fins de connaître d’une opération de concentration, envisagée par le livre vert, n’a pas été apportée.

84      Ainsi, il ressort de la genèse législative du règlement no 139/2004 que la renonciation à l’inclusion de dispositions inspirées du considérant 133 du livre vert procède d’une décision délibérée du législateur de l’Union.  Ce considérant 133 n’a pas été intégré dans la version finale du règlement no 139/2004, tel qu’il a été adopté, et la seule disposition qui traite de la notion de « concentration unique » est le considérant 20 dudit règlement.

85      Par conséquent, même si la Commission était d’avis, au moment de la publication de son livre vert, que des échanges d’actifs comme ceux de l’espèce devaient être considérés comme formant une concentration unique, cela est sans pertinence pour répondre à la question de savoir si les concentrations M.8870, M.8871 et B8-28/19 constituent une concentration unique, seuls étant pertinents, à cet égard, le règlement no 139/2004 et la communication consolidée sur la compétence.

86      Or, compte tenu des conditions rappelées au point 80 ci-dessus, la notion de « concentration unique » n’a pas vocation à s’appliquer lorsque des entreprises indépendantes acquièrent le contrôle de cibles différentes, comme dans le cas d’un échange d’actifs.

2)      Application en l’espèce

i)      Sur la condition relative à l’interdépendance des opérations en cause

87      La condition relative à l’interdépendance des opérations en cause a été précisée au point 43 de la communication consolidée sur la compétence.

88      À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort des points 1 et 4 de la communication consolidée sur la compétence que celle-ci a été adoptée dans l’intérêt de garantir la transparence, la prévisibilité et la sécurité juridique de l’action menée par la Commission (arrêt du 5 octobre 2020, HeidelbergCement et Schwenk Zement/Commission, T‑380/17, EU:T:2020:471, point 132).

89      Le point 43 de la communication consolidée sur la compétence dispose :

« La conditionnalité requise implique qu’aucune des opérations ne pourrait avoir lieu sans les autres et que l’ensemble de ces opérations constitue dès lors une opération unique […]. Cette conditionnalité est normalement démontrée dès lors que les opérations sont liées en droit, c’est-à-dire lorsque les accords eux-mêmes sont liés par une conditionnalité réciproque. Si une conditionnalité de fait peut être établie de manière satisfaisante, elle peut être également suffisante pour permettre de considérer les opérations comme une opération de concentration unique. Pour ce faire, il convient d’évaluer, sur le plan économique, si chacune des opérations dépend de la réalisation des autres […]. L’interdépendance d’opérations multiples peut apparaître au vu des déclarations faites par les parties elles-mêmes ou de la conclusion simultanée des accords en cause ; en l’absence de cette simultanéité, il sera difficile de conclure à l’interconditionnalité de fait d’opérations multiples. Une absence manifeste de simultanéité pour des opérations faisant juridiquement l’objet d’un lien conditionnel sera, elle aussi, de nature à susciter le doute quant à leur véritable interdépendance. »

90      En l’espèce, il est constant que les concentrations M.8870, M.8871 et B8-28/19 font partie d’un échange complexe d’actifs entre RWE et E.ON et sont liées juridiquement entre elles. Cela ressort d’ailleurs du point 3 de la décision attaquée.

91      En outre, la décision attaquée mentionne, en note de bas de page no 34, que « [l]es contrats relatifs au transfert des actifs d’E.ON à RWE sont soumis à la clôture de l’acquisition d’innogy par E.ON qui, ainsi, acquerra, à titre temporaire […] ou à titre permanent, le contrôle des actifs qui font l’objet de la dissociation inversée ». De même, au point 74 de la décision attaquée, il est indiqué, en substance, que la participation minoritaire de 16,67 % acquise par RWE dans E.ON constitue la contrepartie qu’obtient RWE pour le transfert à E.ON de ses activités de distribution et de commerce de détail, ainsi que de certains actifs de production actuellement exploités par innogy. Il y a lieu d’en déduire que les opérations en cause sont liées en droit, c’est-à-dire que par un accord de nature contractuelle, les différentes transactions de l’échange d’actifs sont liées par une conditionnalité réciproque.

92      En toute hypothèse, les concentrations M.8870, M.8871 et B8-28/19 sont liées par une conditionnalité de fait.

93      En ce sens, les éléments permettant de reconnaître l’existence d’une conditionnalité de fait, tels qu’ils sont envisagés au point 43 de la communication consolidée sur la compétence, à savoir les déclarations faites par les parties à la concentration elles-mêmes ainsi que la conclusion simultanée des accords en cause, sont réunis en l’espèce.

94      Il en résulte que l’opération globale remplit la condition relative à l’interdépendance des opérations en cause.

ii)    Sur la condition relative au résultat

95      La condition relative au résultat a fait l’objet de précisions aux points 41 et 44 de la communication consolidée sur la compétence. Le point 41 indique que :

« Ceci étant, des opérations multiples, même faisant l’objet d’un lien conditionnel réciproque, ne peuvent être considérées comme une concentration unique que si, in fine, le contrôle est acquis par la ou les mêmes entreprises. Dans ce cas et dans ce cas seulement, deux ou plusieurs opérations peuvent être considérées comme étant unitaires par essence, constituant dès lors une concentration unique aux fins de l’article 3 [du règlement no 139/2004] […]. Cette approche exclut les scissions d’entreprises communes dans le cadre desquelles différentes parties d’une entreprise sont réparties entre ses anciennes sociétés mères. La Commission estimera que ces opérations constituent des concentrations distinctes […]. La même chose vaut pour les opérations dans lesquelles deux entreprises (ou plus) s’échangent des éléments d’actifs dans le cadre d’opérations impliquant la scission d’entreprises communes ou la cession d’éléments d’actifs. Même si les parties considèrent en principe ces opérations comme interdépendantes, l’objectif poursuivi par le règlement sur les concentrations impose de procéder à une évaluation distincte des résultats de chacune des opérations. Plusieurs entreprises acquièrent le contrôle d’éléments d’actifs différents ; un regroupement distinct de ressources s’opère pour chacune des entreprises acquéreuses, et l’incidence de chacune de ces prises de contrôle sur le marché doit être analysée séparément au titre du règlement sur les concentrations. »

96      Le point 44 dispose quant à lui :

« Le principe selon lequel des opérations multiples peuvent être assimilées à une opération de concentration unique dans les conditions décrites ci-dessus ne s’applique que s’il en résulte une prise de contrôle d’une ou de plusieurs entreprises par la ou les mêmes personnes ou entreprises. Premièrement, il peut en être ainsi lorsqu’une activité ou une entreprise individuelle est acquise par le biais de plusieurs opérations juridiques. Deuxièmement, la prise de contrôle de plusieurs entreprises – qui, en tant que telle, pourrait être assimilée à des concentrations distinctes – peut être considérée, par les liens qu’elle fait apparaître, comme constituant une concentration unique. En revanche, il n’est pas possible, en vertu du règlement sur les concentrations, d’établir un lien entre différentes opérations juridiques qui ne concernent qu’en partie la prise de contrôle d’entreprises, et en partie l’acquisition d’autres éléments d’actifs, tels que des participations minoritaires sans contrôle. Il ne serait pas compatible avec le cadre général et l’objectif du règlement sur les concentrations de considérer que des opérations différentes, faisant l’objet d’un lien conditionnel, constituent un tout indissociable dans le cadre du règlement dès lors qu’une partie seulement de ces opérations conduit à une modification du contrôle d’une cible donnée. »

97      En l’espèce, ainsi qu’il a été rappelé au point 5 ci-dessus, la concentration M.8871 vise l’acquisition par RWE d’actifs d’E.ON tandis que la concentration M.8870 vise l’acquisition par E.ON d’innogy, filiale de RWE. Quant à la concentration B8-28/19, elle permet à RWE d’acquérir une participation minoritaire de 16,67 % dans E.ON.

98      En premier lieu, il convient de constater que, s’agissant de la concentration M.8870, d’une part, et des concentrations M.8871 et B8-28/19, d’autre part, les entreprises acquéreuses sont différentes. En effet, il s’agit respectivement d’E.ON et de RWE. De même, les entreprises acquises ne sont pas les mêmes, puisque, en ce qui concerne la concentration M.8870, il s’agit d’innogy, filiale de RWE, et dans le cadre des concentrations M.8871 et B8-28/19, les entreprises cibles sont respectivement les actifs d’E.ON et E.ON.

99      En second lieu, s’agissant des concentrations M.8871 et B8-28/19, si l’entreprise acquéreuse est la même, à savoir RWE, les entreprises acquises sont différentes. En effet, dans le cadre de la concentration M.8871, RWE acquiert des actifs d’E.ON tandis que, dans le cadre de la concentration B8-28/19, c’est une participation minoritaire dans E.ON que RWE acquiert. Or, la combinaison de l’acquisition des actifs d’E.ON et de la participation minoritaire d’E.ON ne conduit pas à ce que RWE acquière un contrôle sur E.ON. En ce sens, en cédant ses actifs à RWE, E.ON n’a plus de lien avec ceux-ci, de sorte que RWE ne saurait, par leur intermédiaire, exercer une influence déterminante sur E.ON.

100    Dans ces circonstances, il ne saurait être admis que les opérations de concentration visent, comme résultat, l’acquisition du contrôle d’une ou de plusieurs entreprises par la ou les mêmes entreprises. En définitive, en dehors de l’interdépendance créée volontairement par RWE et E.ON, il n’existe pas de lien fonctionnel entre les concentrations M.8870, M.8871 et B8-28/19, dès lors que l’opération globale de l’espèce n’est pas une opération par laquelle plusieurs transactions intermédiaires sont réalisées afin d’aboutir au contrôle d’une ou de plusieurs entreprises par la ou les mêmes entreprises.

101    Il en résulte que l’opération globale ne remplit pas la condition relative au résultat.

3)      Notion de « concentration unique » et exigence d’une appréciation globale

102    La requérante soutient qu’il est contradictoire, pour la Commission, d’analyser la concentration M.8871 et la concentration M.8870 de manière séparée tout en prenant en compte, dans le cadre de l’examen de la concentration M.8871, le transfert d’innogy à E.ON.

103    À cet égard, la Commission invoque la règle de priorité.

104    Selon cette règle, en substance, la Commission va tenir compte, lors de l’appréciation des effets d’une opération de concentration, des effets d’une opération de concentration notifiée antérieurement à celle soumise au contrôle.

105    En vertu de cette règle, la Commission aurait tenu compte, dans le cadre de l’analyse de la concentration M.8871, de la concentration M.8870 au motif que cette dernière aurait été notifiée avant la concentration M.8871.

106    Toutefois, lors de l’audience, en réponse aux questions posées par le Tribunal, la Commission a reconnu que, d’une part, la règle de priorité n’avait pas été mentionnée dans la décision attaquée et que, d’autre part, il n’était pas nécessaire de l’invoquer pour expliquer la prise en compte de la concentration M.8870 dans l’analyse de la concentration M.8871. À cet égard, le seul fait que ces deux concentrations sont liées serait suffisant pour expliquer que la Commission a tenu compte de la concentration M.8870 dans le cadre de la décision attaquée.

107    Il y a lieu de relever que la règle de priorité résulte de la seule pratique décisionnelle de la Commission et n’est prévue par aucune disposition du règlement no 139/2004 ou du règlement (CE) no 802/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement no 139/2004 (JO 2004, L 133 p. 1).

108    En l’espèce, formellement, la concentration M.8871 a été notifiée le 22 janvier 2019, soit antérieurement à la concentration M.8870, notifiée le 31 janvier 2019.

109    Dès lors, même si le Tribunal entérinait l’existence de la règle de priorité, dans les termes définis par la Commission, elle ne saurait, en tout état de cause, être pertinente pour justifier que les effets produits par la concentration M.8870 aient été pris en compte aux fins de l’analyse des effets de la concentration M.8871.

110    Cela étant, la légalité d’une décision se prononçant sur la compatibilité d’une concentration avec le marché intérieur doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission disposait au moment où elle l’a arrêtée. Ainsi, l’appréciation, par la Commission, de la compatibilité d’une concentration avec le marché intérieur doit tenir compte des circonstances de fait et de droit existant au moment de la notification de cette concentration et dont la portée économique peut être évaluée au moment où intervient cette décision (voir arrêt du 20 octobre 2021, Polskie Linie Lotnicze “LOT”/Commission, T‑296/18, EU:T:2021:724, point 55 et jurisprudence citée).

111    Or, dans le cadre d’un échange d’actifs, tel que celui de l’espèce, la Commission, de même que les parties notifiantes aux différentes opérations de concentration, peut anticiper les effets sur le marché intérieur que la mise en œuvre probable de chaque opération de concentration sera susceptible d’avoir, de manière séparée et conjointe. En effet, l’interdépendance de droit et de fait des opérations de concentration en l’espèce permet à la Commission de concevoir la situation de la structure du marché après leur réalisation.

112    Ainsi, en l’espèce, compte tenu de l’interdépendance des opérations de concentration en cause, une application mécanique de la règle de priorité pourrait avoir des effets arbitraires sur la portée de l’analyse de la Commission.

113    Il convient encore d’ajouter que l’objectif poursuivi par la notion de « concentration unique » est de permettre l’examen conjoint de transactions qui visent, in fine, le même résultat, à savoir l’acquisition par une ou plusieurs entreprises du contrôle économique, direct ou indirect, sur l’activité d’une ou de plusieurs autres entreprises. Cela est justifié par le fait que, dans un tel cas de figure, les transactions envisagées soulèvent les mêmes problématiques et engendrent des conséquences de même nature sur le marché intérieur.

114    Cette interprétation est conforme à l’interprétation qu’il convient de donner au considérant 20 et à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, en se fondant tant sur sa finalité que sur son économie générale (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2017, Austria Asphalt, C‑248/16, EU:C:2017:643, point 20 et jurisprudence citée).

115    En revanche, lorsque, comme en l’espèce, les opérations de concentration n’ont pas vocation à produire le même résultat, elles ne sont pas unitaires par essence et n’ont pas à être examinées ensemble, en tant que transactions faisant partie d’une concentration unique, puisqu’elles ne soulèvent pas nécessairement les mêmes problématiques et ne produiront pas des effets de même nature sur le marché. En effet, dans un tel cas de figure, plusieurs entreprises acquièrent le contrôle d’éléments d’actifs différents, de sorte qu’un regroupement distinct de ressources s’opère pour chacune des entreprises acquéreuses et que l’incidence sur le marché de chacune de ces acquisitions de contrôle est différente.

116    Pour autant, si elles présentent un lien permettant à la Commission d’anticiper les effets probables sur le marché de chaque concentration, il appartient à la Commission d’en tenir compte dans l’appréciation globale de l’ensemble des éléments de preuve pertinents qu’elle réalise de chacune de ces opérations. En effet, dans ce cas, chacune des opérations en cause constitue, au regard des autres opérations, un élément dont doit tenir compte la Commission dans son analyse globale des effets de l’opération sur le marché intérieur.

117    Il en résulte qu’il n’est en rien contradictoire de la part de la Commission d’analyser de manière séparée les concentrations M.8870 et M.8871 en cause tout en tenant compte, dans la décision attaquée, de l’impact qu’elles ont respectivement l’une sur l’autre.

118    Pour les mêmes raisons, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel, en tenant compte de la concentration M.8870, la Commission a anticipé le résultat de l’évaluation de cette concentration, de sorte qu’elle aurait dû examiner les deux opérations de concentration ensemble.

119    En effet, aux fins d’examiner au mieux l’impact que la concentration M.8871 serait susceptible d’avoir sur le marché intérieur, la Commission était tenue de prendre en considération un marché susceptible d’être modifié par la réalisation potentielle de la concentration M.8870. Cela ne signifie pas pour autant que les deux opérations de concentration auraient dû être analysées dans le cadre d’une seule procédure, dès lors qu’elles ne remplissaient pas les conditions pour être considérées comme faisant partie d’une concentration unique, ou que le résultat de l’analyse de la concentration M.8870 a été préjugé.

d)      Conclusion

120    L’une des deux conditions pour la reconnaissance de l’existence d’une concentration unique faisant défaut en l’espèce, à savoir la condition relative au résultat, c’est à juste titre que la Commission a considéré que les concentrations M.8870, M.8871 et B8-28/19 ne constituaient pas les composantes d’une concentration unique.

121    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

3.      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

122    La requérante considère que la motivation de la décision attaquée est extrêmement succincte et ne rend pas justice à la complexité et aux effets de l’opération globale. Elle fait valoir que l’exposé de la Commission se base sur des descriptions générales et se résume, sur le fond, quasi exclusivement à l’argument non étayé selon lequel la croissance de RWE résultant de la concentration est minime et, en tout état de cause, temporaire en raison de la sortie du nucléaire.

123    Selon la requérante, la motivation de la décision attaquée ne fait au mieux apparaître que vaguement la manière dont les nombreuses objections soulevées à l’égard de la concentration ont été entendues, appréciées et mises en balance. La requérante serait, en tout cas, dans l’impossibilité de vérifier le bien‑fondé de l’autorisation accordée. De même, la Commission n’aurait pas du tout examiné d’autres aspects concurrentiels de la concentration.

124    La Commission, soutenue par E.ON et RWE, conteste les arguments de la requérante.

125    Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences dudit article 296 doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 166 et jurisprudence citée).

126    Toutefois, l’auteur d’un tel acte n’est pas tenu de prendre position sur des éléments clairement secondaires ou d’anticiper des objections potentielles. De plus, le degré de précision de la motivation d’une décision doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles elle doit intervenir. Ainsi, la Commission ne viole pas son obligation de motivation si, lorsqu’elle exerce son pouvoir de contrôle des opérations de concentration, elle n’inclut pas dans sa décision de motivation précise quant à l’appréciation d’un certain nombre d’aspects de la concentration qui lui semblent manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires pour l’appréciation de cette dernière. Une telle exigence serait en effet difficilement compatible avec l’impératif de célérité et les brefs délais de procédure qui s’imposent à la Commission lorsqu’elle exerce son pouvoir de contrôle des opérations de concentration et qui font partie des circonstances particulières d’une procédure de contrôle de ces opérations (arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 167).

127    Il en résulte que, lorsque la Commission déclare une opération de concentration compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004, l’exigence de motivation est satisfaite si cette décision expose clairement les raisons pour lesquelles la Commission considère que la concentration en question, le cas échéant après modifications apportées par les entreprises concernées, ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur (voir arrêt du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, EU:T:2009:144, point 193 et jurisprudence citée).

128    À cet égard, s’il est vrai que la Commission n’est pas obligée, dans la motivation des décisions adoptées en application de la réglementation relative au contrôle des opérations de concentration, de prendre position sur tous les éléments et tous les arguments invoqués devant elle, y compris ceux clairement secondaires pour l’appréciation à livrer, il n’en demeure pas moins qu’elle doit exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision. En outre, la motivation doit être logique, ne présentant notamment pas de contradiction interne (arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 169).

129    De plus, il ressort de la jurisprudence que le défaut ou l’insuffisance de motivation constitue un moyen tiré de la violation des formes substantielles et distinct, en tant que tel, du moyen pris de l’inexactitude des motifs de la décision, dont le contrôle relève de l’examen du bien-fondé de cette décision (voir arrêt du 19 juin 2009, Qualcomm/Commission, T‑48/04, EU:T:2009:212, point 175 et jurisprudence citée).

130    C’est à l’aune de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner le deuxième moyen invoqué par la requérante.

131    Premièrement, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a défini le marché pertinent en expliquant les raisons pour lesquelles elle retenait une telle définition (points 11 à 24 de la décision attaquée).

132    Deuxièmement, la Commission a donné des explications sur la structure du marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité en Allemagne et a exposé la répartition des parts de marché entre les opérateurs y exerçant leurs activités (points 25 à 29 de la décision attaquée) avant d’analyser l’augmentation de la part de RWE à la suite de la concentration. À cet égard, elle a notamment tenu compte de l’impact du transfert de certains actifs d’innogy à E.ON (points 30 à 35 de la décision attaquée). De plus, elle a rappelé le fonctionnement des deux régimes de subvention des actifs qui produisent de l’électricité renouvelable, tels qu’ils sont prévus par le Gesetz für den Ausbau erneuerbarer Energien (Erneuerbare-Energien-Gesetz – EEG 2017) (loi allemande sur les énergies renouvelables), du 21 juillet 2014 (BGBl. 2014 I, p. 1066, ci-après la « loi EEG ») (points 36 à 39 de la décision attaquée). Après avoir rappelé ces différents éléments ainsi que le point de vue de RWE (points 40 à 42 de la décision attaquée), elle a procédé à l’appréciation de l’impact de la concentration sur le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité en Allemagne et est parvenue à la conclusion que, à première vue, il était peu probable que l’augmentation nette résultant de la concentration limitée et, en tout état de cause, de nature temporaire renforcerait de manière substantielle le pouvoir de RWE sur ledit marché (points 43 à 47 de la décision attaquée). Nonobstant ce constat, la Commission a considéré opportun, eu égard au fonctionnement du marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité, d’examiner le risque lié aux stratégies de rétention de capacité. À ce titre, elle a notamment tenu compte des réponses à l’enquête de marché qu’elle avait menée (points 48 à 58 de la décision attaquée). Elle a également examiné les analyses RSI présentées par RWE et par des tiers et a conclu que la concentration ne faisait naître aucun doute sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur (points 59 à 66 de la décision attaquée). Enfin, elle a tenu compte des inquiétudes supplémentaires soulevées par des tiers et a, de ce fait, analysé celles-ci (points 67 à 73 de la décision attaquée).

133    Troisièmement, la Commission a examiné la question de l’impact de l’acquisition par RWE d’une participation de 16,67 % d’E.ON (points 74 à 78 de la décision attaquée). De ce fait, d’une part, elle a analysé si cette acquisition était susceptible d’accentuer les effets horizontaux de la concentration et est parvenue à la conclusion que l’acquisition par RWE d’une participation de 16,67 % d’E.ON ne modifierait pas la conclusion selon laquelle il était peu probable que la concentration renforcerait, de manière substantielle, la capacité et l’intérêt de RWE à se lancer dans des interventions de rétention de capacité (points 79 à 81 de la décision attaquée). D’autre part, la Commission a appréhendé les effets verticaux de la concentration et, à ce titre, le verrouillage des intrants ainsi que le verrouillage de la clientèle (points 82 à 88 de la décision attaquée). Constatant que certains participants à l’enquête de marché s’inquiétaient de la répercussion de la concentration sur la liquidité du marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité ainsi que sur l’accès de RWE à des informations sur les stratégies et les activités d’E.ON, la Commission a également analysé ces questions (points 89 à 95 de la décision attaquée).

134    Quatrièmement, la Commission a abordé et analysé la question de la relation de RWE avec Amprion (points 96 à 100 de la décision attaquée).

135    Il en résulte que la Commission a exposé de manière motivée les raisons l’ayant conduite à adopter la décision attaquée.

136    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante.

137    En premier lieu, il convient de noter que la requérante reproche essentiellement à la Commission de s’être principalement, voire uniquement, fondée sur le constat selon lequel l’augmentation des parts de marché de RWE ne serait que marginale et temporaire. Elle considère, en substance, que la Commission a utilisé ce seul motif pour rejeter les arguments avancés par les tiers aux fins de contester la compatibilité de la concentration avec le marché intérieur.

138    Si la même explication est avancée, sans nuances, pour rejeter des arguments qui soulèvent des problèmes différents, il y a lieu de s’interroger sur la qualité de la motivation de la décision en cause. En effet, même s’il s’agit d’une explication particulièrement convaincante, elle doit néanmoins être adaptée ou accompagnée d’éléments permettant de comprendre en quoi elle est pertinente pour rejeter des arguments portant sur des aspects différents.

139    Cela dit, en l’espèce, il importe de souligner que la décision attaquée est une décision adoptée sur le fondement de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004, pour le type desquelles le Tribunal a admis, ainsi qu’il ressort, en substance, de la jurisprudence rappelée aux points 126 et 127 ci-dessus, qu’une motivation qui ne couvrirait pas, de manière exhaustive, tous les éléments invoqués devant elle était possible.

140    Il convient donc de trouver un juste équilibre entre une motivation qui serait, en réalité, artificielle, car fondée notamment sur une justification stéréotypée, et une motivation qui exigerait un effort disproportionné de la part de l’institution concernée au regard de la nature de la décision adoptée.

141    En l’espèce, il ne saurait être nié que la Commission a répété à plusieurs reprises que, selon elle, la concentration ne soulevait pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché, car l’augmentation de la production de RWE qui en résultait serait, d’une part, limitée et, d’autre part, en tout état de cause, temporaire. Ce motif se trouve dans l’examen de l’augmentation résultant de la concentration (points 31 et 35 de la décision attaquée) et dans l’appréciation générale de la Commission (points 44 à 47 de la décision attaquée).

142    Ces points constituent donc le noyau dur de l’appréciation de la Commission.

143    Néanmoins, dans le cadre de son analyse, la Commission ne s’est pas contentée de ce constat pour aboutir à la conclusion que la concentration ne soulevait pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur. En effet, la Commission a également tenu compte, dans le cadre de l’examen du risque lié aux stratégies de rétention de capacité, des spécificités liées à la production d’électricité éolienne et a examiné l’intérêt que pourrait tirer RWE de stratégies de rétention de capacité en prenant en considération le fonctionnement du régime de subvention dont bénéficiaient les actifs de production d’électricité renouvelable et du profit qu’elle pourrait tirer de sa détention d’actifs nucléaires (points 52, 53, 57 et 58 de la décision attaquée). De même, lors de l’examen des inquiétudes supplémentaires soulevées par des tiers, la Commission a considéré que, s’agissant de l’avantage concurrentiel dans l’attribution des subventions pour le développement et la construction de nouveaux actifs de production d’électricité renouvelable que pourrait acquérir RWE, il était peu susceptible de se concrétiser compte tenu, notamment, de la structure fragmentée de la production issue d’énergies renouvelables en Allemagne (point 69 de la décision attaquée). Pareillement, en ce qui concerne l’intérêt à produire des prévisions délibérément erronées concernant la production d’électricité renouvelable, la Commission s’est basée sur les réponses à l’enquête de marché selon lesquelles les fournisseurs n’avaient pas, de manière générale, intérêt à produire de telles prévisions (point 71 de la décision attaquée). Le même constat peut être dressé au regard de l’analyse de l’impact de l’acquisition par RWE de 16,67 % des parts d’E.ON sur les effets horizontaux et verticaux de la concentration. En effet, la Commission a examiné l’influence que RWE serait à même d’exercer sur E.ON et l’intérêt qu’elle représenterait pour ces deux entités (voir, en particulier, points 81, 85, 87, 88, 91 et 94 de la décision attaquée). Enfin, s’agissant de la relation verticale avec Amprion, la Commission a évoqué le partage du contrôle d’Amprion entre RWE et Commerz Real AG ainsi que la législation allemande et de l’Union en plus de l’augmentation marginale et temporaire de RWE pour en conclure que la concentration était peu susceptible d’avoir pour effet de verrouiller l’accès d’Amprion au réseau de transport (points 98 et 100 de la décision attaquée).

144    Par conséquent, l’argument principal invoqué par la requérante, tel qu’il est rappelé au point 137 ci-dessus, doit être rejeté.

145    En deuxième lieu, l’argument de la requérante fondé sur le nombre peu élevé de pages de la décision attaquée doit être rejeté. En effet, l’appréciation du respect, par une institution, de son obligation de motivation doit se faire uniquement au regard du contenu de sa décision. En ce sens, le nombre de pages est indifférent, puisqu’une motivation, même brève, peut satisfaire aux règles rappelées au point 125 ci-dessus, en permettant à la personne concernée de comprendre les raisons pour lesquelles la décision a été adoptée (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2018, Syriatel Mobile Telecom/Conseil, T‑411/16, non publié, EU:T:2018:902, point 79). De plus, il a déjà été jugé que la légalité d’une décision ne saurait dépendre du nombre des considérants de celle-ci [arrêt du 5 octobre 2020, HeidelbergCement et Schwenk Zement/Commission, T‑380/17, EU:T:2020:471, point 363 (non publié)] ou qu’une motivation succincte n’était pas nécessairement contraire aux exigences de l’article 296 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2013, Cisco Systems et Messagenet/Commission, T‑79/12, EU:T:2013:635, point 111).

146    En troisième lieu, conformément à la jurisprudence rappelée au point 129 ci-dessus, il convient d’écarter de l’examen du moyen tiré de l’obligation de motivation les arguments de la requérante visant à reprocher, en substance, à la Commission d’avoir erronément constaté que la croissance de RWE était négligeable et uniquement temporaire en raison de la sortie du nucléaire. En effet, bien qu’elle formule ces arguments pour soutenir que la Commission n’a pas motivé sa conclusion, elle remet en cause, en réalité, le bien-fondé de ce constat. Il en va ainsi des arguments selon lesquels la Commission a illégalement compensé l’augmentation de RWE résultant de la concentration en tenant compte du transfert d’actifs d’innogy vers E.ON, a nié l’influence de RWE sur E.ON en raison de l’acquisition par RWE de 16,67 % des parts d’E.ON ainsi que le fait que l’augmentation des parts de marché de RWE n’est pas sans importance ou que le rôle pivot de RWE a connu une hausse significative. Ces arguments tendent, en effet, à démontrer une erreur manifeste d’appréciation des effets de la concentration M.8871 par la Commission et non une insuffisance de motivation de la décision attaquée.

147    En quatrième lieu, concernant les aspects concurrentiels que la Commission n’aurait pas examinés, force est de relever que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 128 ci-dessus, elle n’était pas obligée de prendre position explicitement sur ceux qui étaient clairement secondaires. De plus, s’agissant de la position de RWE dans le domaine des services d’équilibrage et auxiliaires, si la Commission a expliqué pourquoi elle n’estimait pas nécessaire de conduire une analyse séparée de l’impact de la concentration sur ce marché, elle a tout de même procédé à une telle analyse (voir point 46 de la décision attaquée). En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a examiné les analyses RSI produites par des tiers de même qu’elle a analysé les conséquences pour le marché de l’autorisation de cette concentration (voir points 59 et suivants de la décision attaquée).

148    En cinquième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la motivation de la décision attaquée ne fait au mieux apparaître que vaguement la manière dont les nombreuses objections soulevées à l’égard de la concentration ont été entendues, appréciées et mises en balance, il convient de le rejeter. En effet, il ressort de la décision attaquée, notamment de ses points 63, 64, 67 à 73 et 89 à 94, que la Commission a pris en compte les observations soumises par des tiers, dont certaines se recoupaient, et y a apporté une réponse.

149    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a fourni une motivation suffisante pour lui permettre de comprendre les raisons pour lesquelles elle a considéré que la concentration ne soulevait pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, et pour permettre au juge d’exercer son contrôle.

4.      Sur le troisième moyen, tiré de la violation du droit de la requérante d’être entendue

150    La requérante fait valoir que la procédure a violé son droit de participation. En effet, premièrement, elle considère que la Commission n’a pas pris en compte sa contribution. Deuxièmement, la Commission aurait dû, notamment en entendant la requérante et en la faisant participer plus largement à la procédure, clarifier la question de savoir si certaines approches spécifiques de l’étude Oxera étaient inexactes et, le cas échéant, lesquelles. Troisièmement, il n’y aurait pas eu de vrai dialogue durant la procédure devant la Commission.

151    La violation du droit de participation de la requérante serait également révélée, d’une part, par l’opposition de la Commission à l’accès de la requérante au dossier fermé de l’Office fédéral des ententes et, d’autre part, par le simple renvoi fait par la Commission à des analyses de tiers sur la position de marché de RWE qui sont construites avec des paramètres d’entrée différents et qui sont parvenues à d’autres conclusions, sans que la Commission ait jugé nécessaire de clarifier les contradictions constatées.

152    La Commission conteste les arguments de la requérante.

153    En premier lieu, il convient de relever que, en soutenant qu’elle n’a pas été suffisamment impliquée dans la procédure administrative et que son « droit de participation » a été violé, la requérante invoque, en substance, une violation de son droit d’être entendue.

154    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 11, sous c), du règlement no 802/2004, le droit d’être entendu en application de l’article 18 du règlement no 139/2004 est ouvert aux tiers, à savoir les personnes physiques ou morales justifiant d’un intérêt suffisant, notamment les clients, les fournisseurs et les concurrents au sens de l’article 18, paragraphe 4, deuxième phrase, du règlement no 139/2004.

155    De plus, l’article 18, paragraphe 4, du règlement no 139/2004 dispose :

« Dans la mesure où la Commission ou les autorités compétentes des États membres l’estiment nécessaire, elles peuvent aussi entendre d’autres personnes physiques ou morales. Si des personnes physiques ou morales justifiant d’un intérêt suffisant, et notamment des membres des organes d’administration ou de direction des entreprises concernées ou des représentants reconnus des travailleurs de ces entreprises, demandent à être entendues, il est fait droit à leur demande. »

156    L’article 16, paragraphe 1, du règlement no 802/2004 dispose quant à lui :

« Si des tiers demandent, par écrit, à être entendus conformément à l’article 18, paragraphe 4, deuxième phrase, du règlement (CE) no 139/2004, la Commission les informe, par écrit, de la nature et de l’objet de la procédure et leur fixe un délai pour lui faire connaître leur point de vue. »

157    Ainsi, dans le cadre de la procédure de contrôle de l’Union des concentrations, le droit d’être entendu est explicitement accordé aux tiers, tels que la requérante, qui justifient d’un intérêt suffisant et qui ont fait la demande d’être entendus, par l’article 18, paragraphe 4, du règlement no 139/2004 et par l’article 11, sous c), et l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 802/2004.

158    Ces tiers disposent du droit d’être entendus par la Commission, à leur demande, afin de faire connaître leur point de vue sur les effets préjudiciables du projet de concentration notifié à leur égard, un tel droit devant néanmoins être concilié, d’une part, avec le respect des droits de la défense des parties à la concentration et, d’autre part, avec le but principal du règlement, qui est d’assurer l’efficacité du contrôle et la sécurité juridique des entreprises soumises à son application (voir arrêt du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, EU:T:2009:144, point 202 et jurisprudence citée). C’est donc dans le cadre d’un tel système de protection des droits respectifs des intéressés et des tiers qu’il convient de déterminer si, en l’espèce, le droit de la requérante a été méconnu.

159    Or, il ressort du dossier que la requérante a fait plein usage de la possibilité offerte aux tiers de participer à la procédure administrative et d’exprimer son point de vue sur la concentration.

160    En effet, ainsi que l’a indiqué la Commission dans le mémoire en défense, et ainsi qu’il a été signalé aux points 35 à 38 ci-dessus, la requérante a transmis à la Commission ses observations sur la concentration en cause, tout d’abord, dans le cadre de sa lettre du 24 avril 2018 et, ensuite, lors d’une réunion individuelle s’étant tenue le 28 août 2018.

161    Il ressort également du dossier que la requérante a envoyé une lettre, le 18 octobre 2018, visant à compléter les observations qu’elle avait soumises lors de la réunion du 28 août 2018.

162    Par lettre du 6 décembre 2018, la requérante a transmis à la Commission l’étude Oxera, à laquelle elle a adjoint, par courrier électronique du 25 janvier 2019, la base de données utilisée pour l’établissement de ladite étude.

163    Enfin, la requérante a reçu le questionnaire relatif à l’enquête de marché de la Commission le 24 janvier 2019, auquel elle a répondu le 30 janvier 2019. La requérante ne disposait pas d’autres droits de participation.

164    Dans ces conditions, la requérante ne saurait reprocher à la Commission de ne pas lui avoir permis d’expliquer suffisamment son point de vue au cours de la procédure administrative.

165    En deuxième lieu, s’agissant de la question de l’accès au dossier de l’Office fédéral des ententes, il suffit de constater que la demande de la requérante, qui concernait le dossier relatif à la concentration B8-28/19, a été présentée à l’Office fédéral des ententes le 18 mars 2019, soit postérieurement à l’adoption de la décision attaquée. Par conséquent, la décision de rejet de ladite demande, rendue le 15 avril 2019 par l’Office fédéral des ententes, ne saurait avoir joué aucun rôle dans le respect, par la Commission, du droit d’être entendue de la requérante dans le cadre de la procédure ayant mené à l’adoption de la décision attaquée.

166    Au surplus, il y a lieu de remarquer que si la requérante reproche à la Commission de s’être opposée à sa demande, elle avait formulé celle-ci en faisant valoir son intérêt à avoir accès au dossier pour sa participation dans la procédure relative à la concentration M.8870 et ne soutient pas que, en l’absence de la communication de ce dossier, elle a été dans l’incapacité de présenter des observations sur la concentration M.8871 examinée par la Commission.

167    En troisième lieu, en critiquant la Commission pour ne pas avoir suffisamment pris en considération son point de vue ainsi que les arguments et les éléments qu’elle avait avancés durant la procédure administrative, la requérante vise à reprocher à la Commission de ne pas avoir apprécié les circonstances de l’espèce de la même manière qu’elle.

168    En effet, elle fait valoir que la Commission n’a pas souhaité clarifier certains points tels que certaines approches spécifiques de l’étude Oxera ou les contradictions constatées entre les analyses de tiers sur la position de marché de RWE, mais, ce faisant, elle omet de préciser que, dans la décision attaquée, la Commission a reconnu l’existence de divergences entre les analyses soumises par les tiers tout en faisant remarquer qu’elles s’accordaient toutes sur certains points (voir point 62 de la décision attaquée). Or, la Commission s’est fondée sur ces points de convergence pour dresser ses conclusions. De surcroît, la requérante ne précise pas quelle clarification elle aurait pu donner, s’agissant de l’étude Oxera ou des contradictions constatées, si la Commission l’avait interrogée sur ces points.

169    Ainsi, par son argument, la requérante ne reproche pas tant à la Commission de ne pas l’avoir entendue que les conclusions qu’elle a tirées des différentes observations qui lui ont été transmises. Partant, cet argument est, dans le cadre de l’examen du présent moyen, inopérant.

170    Il en va de même s’agissant des conclusions de l’Office fédéral des ententes que la Commission se serait contentée de reprendre.

171    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le troisième moyen.

5.      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du droit à une protection juridictionnelle effective

172    La requérante fait valoir que la publication de la décision attaquée est intervenue après un laps de temps considérable. Or, cette publication tardive aurait conduit à une violation de son droit à une protection juridictionnelle effective. À cet égard, le fait que le délai de recours de deux mois n’a commencé à courir qu’à partir de la date de publication de la décision attaquée, même s’il est exact, ne légitimerait pas de vider de son contenu le droit à une protection juridictionnelle effective.

173    Par ailleurs, la requérante soutient, en substance, que le fait que l’article 20 du règlement no 139/2004 ne prescrive pas la publication au Journal officiel des décisions adoptées sur le fondement de l’article 6, paragraphe 1, sous b), dudit règlement ne justifierait pas une publication tardive de la décision attaquée. À cet égard, selon sa propre pratique administrative et en vertu de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, la Commission publierait les décisions adoptées sur le fondement de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004.

174    Enfin, elle estime, en substance, que la Commission ne saurait se retrancher derrière le contexte, à savoir le fait qu’elle devait traiter en priorité la concentration M.8870, ni derrière les demandes de corrections ponctuelles déposées par RWE et E.ON pour justifier le temps pris pour la publication de la décision attaquée.

175    La Commission, soutenue par E.ON et RWE, conteste les arguments de la requérante.

176    À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, « [t]oute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article ».

177    Ce droit à une protection juridictionnelle effective exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard ou qui lui fait grief, soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite sur sa demande, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 1987, Heylens e.a., 222/86, EU:C:1987:442, points 15 et 17 ; du 17 novembre 2011, Gaydarov, C‑430/10, EU:C:2011:749, point 41, et du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 100 et jurisprudence citée).

178    En application de la jurisprudence rappelée au point 177 ci-dessus, étant donné que la décision attaquée, qui devait être notifiée aux parties à l’opération de concentration en vertu de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, était en outre de nature à affecter de manière directe et individuelle des tiers à l’opération de concentration, la Commission avait l’obligation, pour garantir le droit à une protection juridictionnelle effective de ces tiers, d’adopter les mesures de publicité adéquates afin que lesdits tiers puissent connaître les motifs sur lesquels était fondée la décision attaquée.

179    En l’espèce, il n’est pas contesté que la requérante a pu connaître les motifs de la décision attaquée et présenter, en conséquence, des moyens et des éléments aux fins d’en demander l’annulation. De même, force est de relever qu’elle a été mise en mesure d’introduire un recours contre la décision attaquée devant le Tribunal.

180    La requérante considère, toutefois, que son droit à une protection juridictionnelle effective a été violé en raison de la publication tardive de la décision attaquée.

181    À cet égard, premièrement, il convient certes de relever, à l’instar de la Commission, que, selon l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, la Commission ne publie au Journal officiel que les décisions qu’elle arrête en application de l’article 8, paragraphes 1 à 6, et des articles 14 et 15, à l’exception des décisions provisoires prises en application de l’article 18, paragraphe 2, accompagnées de l’avis du comité consultatif, dudit règlement.

182    Ainsi, en l’espèce, dès lors que la décision attaquée a été adoptée en vertu de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004 qui n’est pas expressément visé par l’article 20, paragraphe 1, du même règlement, la Commission n’était pas tenue, en vertu du règlement no 139/2004, de procéder à la publication de la décision attaquée au Journal officiel.

183    Néanmoins, il y a lieu de remarquer que, en pratique, lors de l’adoption de décisions fondées sur l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004, la Commission procède à la publication, au Journal officiel, d’une communication indiquant que le texte intégral de la décision sera rendu public, après suppression des secrets d’affaires qu’il pourrait contenir, et pourra être consulté soit sur le site Internet de la Commission, soit sur EUR-Lex.

184    De plus, au point 5 du document intitulé « Guidance on the preparation of public versions of Commission Decisions adopted under the Merger Regulation » (document d’orientation sur l’élaboration des versions publiques des décisions de la Commission adoptées conformément au règlement sur les concentrations), du 26 mai 2015 (ci-après le « document d’orientation »), la Commission indique que, conformément au principe de transparence découlant de l’article 15 TFUE et à une pratique bien établie, elle publie également, sur son site Internet, les versions non confidentielles des décisions adoptées conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004 et à l’article 6, paragraphe 1, sous b), lu conjointement avec l’article 6, paragraphe 2, dudit règlement. En outre, au point 2 du même document, la Commission affirme qu’elle met autant d’informations que possible à la disposition du public et ne s’abstient de divulguer des informations que dans la mesure où cela est couvert par son obligation de secret professionnel ou par d’autres exceptions d’ordre public.

185    Or, selon la jurisprudence, la Commission est tenue par les communications qu’elle adopte en matière de contrôle des concentrations, dans la mesure où elles ne s’écartent pas des normes du traité et du règlement no 139/2004 (arrêt du 3 avril 2003, BaByliss/Commission, T‑114/02, EU:T:2003:100, point 143 ; voir, également, arrêt du 9 juillet 2007, Sun Chemical Group e.a./Commission, T‑282/06, EU:T:2007:203, point 55 et jurisprudence citée). En outre, ces règles indicatives, définissant les lignes de conduite que la Commission entend suivre, contribuent à garantir la transparence, la prévisibilité et la sécurité juridique de son action (voir, en ce sens, arrêt du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, EU:C:2002:143, point 52 et jurisprudence citée).

186    S’il est vrai que la jurisprudence citée au point précédent visait à établir le caractère contraignant, pour la Commission, de sa communication concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement no 4064/89 et au règlement (CE) no 447/98 de la Commission (JO 2001, C 68, p. 3) et des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, C 31, p. 5, ci-après les « lignes directrices »), celle-ci est toutefois pertinente, qu’il s’agisse d’une ligne de conduite relative à l’appréciation de situations dont la Commission a à connaître ou d’une ligne de conduite relative à une règle procédurale. En effet, admettre le contraire reviendrait à conférer à la Commission le choix discrétionnaire de publier ou non des décisions pourtant susceptibles d’affecter la situation juridique de tiers, ce qui est incompatible avec le droit à une protection juridictionnelle effective et avec le principe de sécurité juridique.

187    Par ailleurs, d’une part, s’agissant de la conformité du document d’orientation aux normes du traité et du règlement no 139/2004, si l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 ne mentionne pas la publication des décisions adoptées sur le fondement de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du même règlement au Journal officiel, rien n’interdit à la Commission de les publier par un autre biais, ainsi qu’elle le fait déjà en pratique.

188    D’autre part, aux termes de l’article 1er, deuxième alinéa, TUE, au sein de l’Union, les décisions sont prises dans le plus grand respect du principe d’ouverture. En outre, le principe de transparence, consacré à l’article 15 TFUE, s’impose à la Commission. Ce principe permet notamment d’assurer une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel ainsi que de garantir une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 45).

189    Par conséquent, le document d’orientation ne va à l’encontre ni du règlement no 139/2004 ni du traité. Dès lors, il convient d’admettre, contrairement à ce qu’ont soutenu la Commission, E.ON et RWE, que la Commission s’est imposée l’obligation de publier les décisions qu’elle adopte, conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004, et ce dans le respect de la confidentialité à assurer quant aux informations soumises au secret professionnel ou à d’autres exceptions d’ordre public. Une telle publication des décisions adoptées sur le fondement de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 est cohérente avec l’obligation pour la Commission, rappelée au point 178 ci-dessus, de garantir, par des mesures de publicité adéquates, le droit des tiers, directement et individuellement affectés par de telles décisions, à une protection juridictionnelle effective.

190    Or, deuxièmement, il est constant que la décision attaquée a été adoptée le 26 février 2019 et qu’une communication la concernant a fait l’objet d’une publication au Journal officiel le 3 avril 2020, soit 402 jours après. Ce délai est objectivement long, ainsi que l’a reconnu la Commission lors de l’audience.

191    Néanmoins, sans qu’il soit besoin d’examiner le bien-fondé des raisons avancées par la Commission pour justifier le délai pris pour la publication de la décision attaquée, il convient de relever que la publication tardive d’un acte de l’Union au Journal officiel demeure sans influence sur la validité de cet acte (arrêt du 23 novembre 1999, Portugal/Conseil, C‑149/96, EU:C:1999:574, point 54).

192    Troisièmement, l’argument de la requérante selon lequel son recours ne saurait être considéré comme effectif en raison du fait que, compte tenu de la date de publication de la décision attaquée, elle n’a pu introduire un recours que plus de 402 jours après son adoption, ce qui aurait conduit à exposer le marché à un déploiement sans entraves des conséquences concurrentielles de la concentration, ne saurait non plus influencer la validité de la décision attaquée.

193    En effet, dans l’hypothèse où la décision attaquée serait annulée, la Commission serait tenue, en vertu de l’article 266 TFUE, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt rendu à son égard et, en outre, de replacer les parties dans la situation antérieure à la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêts du 31 mars 1971, Commission/Conseil, 22/70, EU:C:1971:32, point 60, et du 13 décembre 2017, Crédit mutuel Arkéa/BCE, T‑712/15, EU:T:2017:900, point 43).

194    De plus, si elle estime avoir subi un préjudice en raison de la publication tardive de la décision attaquée, la requérante peut introduire un recours en indemnité contre la Commission, conformément à l’article 268 TFUE.

195    Partant, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen, en ce qu’il est pris d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective de la requérante en raison de la publication tardive de la décision attaquée, comme étant inopérant.

6.      Sur le cinquième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation

a)      Considérations liminaires

196    Par le cinquième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation, la requérante fait valoir, en substance, que la Commission a matériellement et manifestement considéré à tort que la concentration était compatible avec le marché intérieur alors qu’elle aurait dû engager la phase de la procédure prévue à l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement no 139/2004 et, par suite, déclarer la concentration incompatible avec le marché intérieur au titre de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 139/2004.

197    S’agissant de l’intensité du contrôle juridictionnel et des exigences de preuve requises, il est renvoyé aux rappels de jurisprudence effectués aux points 48 à 53 ci-dessus.

198    À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 139/2004, doivent être déclarées incompatibles avec le marché intérieur les opérations de concentration qui entraveraient de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante.

199    Il convient de relever qu’il appartient à la Commission d’évaluer globalement le résultat du faisceau d’indices utilisé pour évaluer la situation de concurrence. Il se peut, à cet égard, que certains éléments soient privilégiés et que d’autres soient écartés. Cet examen et la motivation qu’il comporte font l’objet du contrôle de légalité exercé par le Tribunal sur les décisions de la Commission en matière de concentrations (arrêt du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T‑342/07, EU:T:2010:280, point 136).

200    De plus, selon une jurisprudence constante, les règles de fond du règlement no 139/2004 et, en particulier son article 2, confèrent à la Commission un certain pouvoir discrétionnaire, notamment pour ce qui est des appréciations d’ordre économique et, en conséquence, le contrôle par le juge de l’exercice d’un tel pouvoir, qui est essentiel dans la définition des règles en matière de concentration, doit être effectué compte tenu de la marge d’appréciation que sous-tendent les normes de caractère économique faisant partie du régime des concentrations (voir arrêt du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T‑342/07, EU:T:2010:280, point 29 et jurisprudence citée).

201    Si la Commission dispose d’une marge d’appréciation en matière économique dans les domaines donnant lieu à des appréciations économiques complexes, cela n’implique pas que le juge de l’Union doive s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique. En effet, le juge de l’Union doit, notamment, non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêts du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C‑12/03 P, EU:C:2005:87, point 39, et du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, EU:T:2009:144, point 54).

202    Il convient également de rappeler que la question de savoir si l’appréciation matérielle selon laquelle la concentration en cause ne soulevait pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, au titre de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004, relève de l’examen de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, afin de vérifier si c’est à bon droit que la Commission s’est fondée sur la disposition précitée pour rendre sa décision, il convient d’analyser si la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste dans son appréciation des effets du projet de concentration sur la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2013, Spar Österreichische Warenhandels/Commission, T‑405/08, non publié, EU:T:2013:306, point 48).

203    C’est à l’aune de ces considérations qu’il convient d’examiner si la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation.

204    La requérante soulève, en substance, quatre griefs visant à faire valoir l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation de la Commission. La requérante reproche notamment à la Commission, par le premier grief, d’avoir procédé à une définition erronée du marché pertinent, par le deuxième grief, d’avoir procédé à une délimitation erronée de la période d’analyse, par le troisième grief, d’avoir procédé à une appréciation erronée du pouvoir de marché de RWE et, par le quatrième grief, d’avoir procédé à une appréciation erronée de la relation entre RWE et E.ON.

b)      Sur le premier grief, tiré d’une définition erronée du marché pertinent

205    La requérante reproche à la Commission de s’être écartée, sans justification, de la délimitation du marché pertinent telle qu’elle a été réalisée par l’Office fédéral des ententes en vertu d’une pratique décisionnelle constante. En ce sens, la Commission se référerait à un « marché de l’électricité produite de manière conventionnelle » qui, en réalité, n’existerait pas et qui engloberait l’électricité destinée aux chemins de fer et à la consommation propre industrielle.

206    Selon la requérante, il convient de distinguer le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité conventionnelle de celui de la production d’électricité renouvelable. Ce dernier marché serait autonome, étant donné qu’il est soumis au régime d’aide prévu par la loi EEG et que, contrairement au marché en gros d’électricité conventionnelle, les prix n’y sont pas, pour l’essentiel, fixés en fonction de l’offre et de la demande. De plus, la requérante relève que, dans le passé, la pratique décisionnelle relative au droit des ententes a consisté à, notamment, traiter les services d’équilibrage et auxiliaires en tant que segment du marché autonome.

207    La Commission conteste les arguments de la requérante.

208    Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la définition adéquate du marché en cause est une condition nécessaire et préalable à toute appréciation portée sur l’impact concurrentiel d’une opération de concentration (voir arrêt du 27 janvier 2021, KPN/Commission, T‑691/18, non publié, EU:T:2021:43, point 63 et jurisprudence citée).

209    Le marché des produits concernés par l’opération doit être défini en tenant compte de l’ensemble du contexte économique, de manière à pouvoir apprécier la puissance économique effective de la ou des entreprises en cause, et il importe, à cet effet, de définir au préalable les produits qui, sans être substituables à d’autres produits, sont suffisamment interchangeables avec les produits qu’elles proposent, en fonction non seulement de leurs caractéristiques propres, mais également des conditions de concurrence et de la structure de la demande et de l’offre sur le marché (arrêt du 6 juin 2002, Airtours/Commission, T‑342/99, EU:T:2002:146, point 20).

210    Ensuite, selon une jurisprudence constante, la définition du marché en cause, dans la mesure où elle implique des appréciations économiques complexes de la part de la Commission, ne saurait faire l’objet que d’un contrôle restreint de la part du juge de l’Union (arrêts du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 482, et du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, EU:T:2009:144, point 53). Selon une jurisprudence également constante, le contrôle juridictionnel des appréciations de la Commission en matière de définition des marchés de référence est celui de l’erreur manifeste (arrêt du 30 septembre 2003, Cableuropa e.a./Commission, T‑346/02 et T‑347/02, EU:T:2003:256, point 119 ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 juin 2002, Airtours/Commission, T‑342/99, EU:T:2002:146, points 26 et 32).

211    À cet égard, il convient de rappeler que le juge de l’Union a accepté que la Commission puisse laisser ouverte la définition du marché du produit en cause dans la mesure où aucune des définitions du marché ne permettait de constater l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective à la suite de la concentration, ainsi qu’il résultait de manière claire et sans équivoque des motifs explicités par la Commission dans la décision en cause (arrêt du 26 octobre 2017, KPN/Commission, T‑394/15, non publié, EU:T:2017:756, point 60).

212    Enfin, le juge de l’Union a reconnu que si la Commission n’était pas tenue par les appréciations relatives aux marchés pertinents réalisées dans ses précédentes décisions, cela ne signifiait pas pour autant que de telles appréciations passées ne pouvaient pas être prises en compte par la Commission lors de son analyse comme un élément pertinent parmi d’autres si rien n’indiquait que les conditions de concurrence sur le marché pertinent avaient substantiellement changé par rapport aux précédentes décisions (voir, en ce sens, arrêt du 11 janvier 2017, Topps Europe/Commission, T‑699/14, non publié, EU:T:2017:2, point 93).

213    En l’espèce, premièrement, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du point 13 de la décision attaquée, la Commission a suivi sa pratique décisionnelle antérieure consistant à définir le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité comme comprenant le négoce sur le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité produite au sein d’un certain marché géographique ainsi que l’électricité physiquement importée dans ce marché géographique par l’intermédiaire d’interconnecteurs, indépendamment de la source de l’électricité produite.

214    Pour autant, la Commission a tenu compte, ainsi qu’il ressort du point 14 de la décision attaquée, de la pratique de l’Office fédéral des ententes qui, contrairement à la Commission, distingue, en substance, le marché de l’électricité conventionnelle et celui de l’électricité issue d’énergies renouvelables bénéficiant de subventions publiques au titre de la loi EEG.

215    Cependant, la Commission a, en substance, considéré, au point 15 de la décision attaquée, qu’une telle distinction n’était pas nécessaire aux fins de l’analyse de l’impact de la concentration dès lors qu’aucun problème de concurrence ne surviendrait, que l’on considère ces deux marchés ensemble ou séparément.

216    Par ailleurs, la Commission a relevé, au point 16 de la décision attaquée, que, par le passé, elle avait segmenté le marché entre la production et la fourniture en gros d’électricité, d’une part, et les services d’équilibrage et auxiliaires, d’autre part, mais que, en l’espèce, cela n’était pas nécessaire étant donné qu’aucun problème de concurrence ne surviendrait même si un marché distinct de services d’équilibrage et auxiliaires était défini.

217    Deuxièmement, la Commission a identifié, aux points 21 et 22 de la décision attaquée, le marché du transport de l’électricité comme un marché distinct de celui de la production et de la fourniture en gros d’électricité.

218    Enfin, troisièmement, la Commission a considéré, aux points 23 et 24 de la décision attaquée, que la définition du marché de la fourniture au détail d’électricité pouvait demeurer ouverte, tant en ce qui concerne les produits que l’étendue géographique, dès lors que, quelle que soit la définition retenue, la concentration ne posait pas de problème de concurrence.

219    Par son argumentation, d’une part, la requérante reproche, en substance, à la Commission de s’être écartée, sans donner d’explications à ce sujet, de sa propre pratique décisionnelle antérieure en ne distinguant pas le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité de celui des services d’équilibrage et auxiliaires, et en ne distinguant pas, dans le cadre de la délimitation du marché de fourniture au détail, un marché propre à l’électricité destinée aux chemins de fer et à la consommation propre industrielle. D’autre part, la requérante considère que c’est à tort et sans donner davantage d’explications que la Commission s’est écartée de la pratique décisionnelle de l’Office fédéral des ententes qui fait une distinction entre le marché de l’électricité conventionnelle, comprenant à la fois l’électricité issue de sources d’énergie conventionnelles et de sources d’énergie renouvelables ne bénéficiant pas de la loi EEG, et le marché de l’électricité renouvelable, comprenant l’électricité issue de sources d’énergie renouvelables bénéficiant de la loi EEG, lorsqu’elle a défini le marché de produits en cause.

220    En premier lieu, il convient toutefois de constater qu’il résulte des points 213 à 218 ci-dessus que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a expliqué pourquoi, premièrement, elle décidait de ne pas adopter la même définition du marché que l’Office fédéral des ententes, deuxièmement, elle ne distinguait pas le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité de celui des services d’équilibrage et auxiliaires et, troisièmement, dans le cadre de la délimitation du marché de fourniture au détail, elle ne procédait pas à une différenciation en fonction du type de clients. À cet égard, elle a indiqué que, selon elle, quelles que soient les définitions du marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité et du marché de la fourniture au détail d’électricité finalement retenues, la concentration ne posait pas de problème de concurrence.

221    Or, la requérante n’a avancé aucun argument spécifique pour remettre en cause l’appréciation de la Commission. En ce sens, elle n’explique pas, concrètement, pour quelles raisons la Commission aurait dû retenir une définition différente des deux marchés en question. En particulier, elle n’avance aucun élément relatif aux caractéristiques propres aux différentes sources d’énergie, à leur absence d’interchangeabilité, aux conditions de concurrence et à la structure de la demande et de l’offre sur ces marchés, justifiant de les segmenter davantage. Certes, elle évoque, dans la requête, le fait que le marché de l’électricité issue de sources d’énergie renouvelables bénéficiant de la loi EEG est un marché autonome dans la mesure où, contrairement au marché de l’électricité conventionnelle, les prix n’y sont, pour l’essentiel, pas fixés en fonction de l’offre et de la demande, mais elle ne développe pas davantage son propos, de sorte que cette affirmation n’est pas de nature à remettre en cause la définition retenue par la Commission.

222    En second lieu, premièrement, s’agissant de la définition du marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité en ce qu’elle inclut les services d’équilibrage et auxiliaires, d’une part, il résulte de la jurisprudence rappelée au point 212 ci-dessus, que la Commission n’est pas tenue par les appréciations relatives aux marchés pertinents réalisées dans ses précédentes décisions. Dès lors, elle pouvait décider, en l’espèce, de ne pas distinguer le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité de celui des services d’équilibrage et auxiliaires.

223    D’autre part, il ressort des points 46 et 47 de la décision attaquée que la Commission a tout de même analysé les effets de la concentration dans l’hypothèse où il aurait convenu d’envisager un marché distinct pour les services d’équilibrage et auxiliaires.

224    Deuxièmement, pour autant que la Commission n’a pas suivi la définition retenue par l’Office fédéral des ententes du marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité, d’une part, il convient de relever que la Cour a indiqué que, eu égard à la répartition précise des compétences sur laquelle repose le règlement no 139/2004, les décisions des autorités nationales ne sauraient lier la Commission dans le cadre des procédures de contrôle des concentrations (arrêt du 18 décembre 2007, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, C‑202/06 P, EU:C:2007:814, point 56). Dès lors, la Commission n’était pas tenue de retenir la même définition du marché pertinent que l’Office fédéral des ententes.

225    D’autre part, quand bien même la Commission a décidé de laisser la définition du marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité ouverte et de ne pas retenir la même définition du marché que l’Office fédéral des ententes, elle a néanmoins analysé, aux points 31, 34, 45, 47 et 99 de la décision attaquée, l’impact de l’augmentation des parts de marché de RWE liée à la concentration dans l’hypothèse où les marchés de la production d’énergies renouvelables bénéficiant de la loi EEG et de celles n’en bénéficiant pas seraient distincts. Par conséquent, elle a tenu compte du marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité tel qu’il est défini par l’Office fédéral des ententes.

226    Troisièmement, en ce qui concerne la définition du marché de fourniture au détail de l’électricité, la Commission a indiqué, en notes de bas de page nos 27 et 29 de la décision attaquée, que le chiffre relatif à la production totale d’électricité en Allemagne, toutes sources d’énergie confondues, indiqué dans le tableau 1, et celui relatif à la production d’électricité conventionnelle, indiqué dans le tableau 2, comprenaient également la consommation actuelle propre aux chemins de fer. Elle a précisé que, même en excluant le volume lié à ces éléments, les parts de marché des différents producteurs d’électricité allemands resteraient substantiellement inchangées.

227    Or, si la requérante considère que, ce faisant, la Commission a tenu compte d’un volume réel du marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité de 396,6 térawattheures (TWh), pour l’année 2017, au lieu d’un volume s’élevant à 363,5 TWh, elle n’indique pas que cela a eu un impact notable sur la répartition des parts de marché telle qu’elle est présentée par la Commission dans la décision attaquée.

228    Il résulte de tout ce qui précède que la requérante ne parvient pas à démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation lors de la définition du marché pertinent. Il convient, dès lors, de rejeter le grief tiré d’une définition erronée du marché pertinent.

c)      Sur le deuxième grief, tiré d’une délimitation erronée de la période d’analyse

229    La requérante reproche à la Commission de s’être limitée à une période d’analyse trop courte en s’arrêtant à la période antérieure à 2022. En outre, d’une part, la Commission n’aurait tenu compte que de la sortie du nucléaire et, d’autre part, elle n’aurait pas pris en considération le fait que le secteur de l’énergie était caractérisé par des cycles d’investissements à long terme, calculés sur 15 à 20 ans. Or, le marché allemand de l’électricité se trouverait irrémédiablement confronté à la transition énergétique et climatique qui bouleverserait toutes les constantes antérieures. Enfin, la requérante remarque que, dans sa pratique antérieure, la Commission a tenu souvent compte, dans ses prévisions, de longues périodes d’amortissement.

230    La Commission, soutenue par E.ON, conteste les arguments de la requérante.

231    Il convient de rappeler que, dans le contrôle des concentrations, il est exigé de la Commission qu’elle fournisse un pronostic sur l’évolution future du marché. En effet, elle doit apprécier si une concentration est de nature à entraver de manière significative une concurrence effective sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Cela résulte de l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004.

232    Cette analyse prospective nécessite d’être effectuée avec une grande attention, dès lors qu’il ne s’agit pas d’examiner des événements du passé, pour lesquels sont souvent disponibles de nombreux éléments permettant d’en comprendre les causes, ni même des événements présents, mais bien de prévoir les événements qui se produiront dans l’avenir, selon une probabilité plus ou moins forte, si aucune décision interdisant ou précisant les conditions de la concentration envisagée n’est adoptée. L’analyse prospective consistant à examiner en quoi une opération de concentration pourrait modifier les facteurs déterminant l’état de la concurrence sur un marché donné afin de vérifier s’il en résulterait une entrave significative à une concurrence effective requiert d’imaginer les divers enchaînements de cause à effet, afin de retenir ceux dont la probabilité est la plus forte (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, EU:T:2005:456, point 64).

233    Enfin, ainsi qu’il a été rappelé, en substance, au point 110 ci-dessus, l’appréciation par la Commission de la compatibilité avec le marché intérieur d’une opération de concentration entre entreprises doit être effectuée uniquement sur la base des circonstances de fait et de droit existant au moment de la notification de cette opération et non sur la base d’éléments hypothétiques dont la portée économique ne peut être évaluée au moment où intervient la décision d’autorisation (voir arrêt du 13 septembre 2010, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑279/04, non publié, EU:T:2010:384, point 327 et jurisprudence citée).

234    Il en résulte qu’il est attendu de la Commission qu’elle procède à une appréciation des effets de la concentration sur une période dont la durée maximale ne saurait dépasser l’horizon de la survenance, à un degré de certitude suffisant, de certains événements. Plus l’événement à prévoir est éloigné dans le temps, plus l’incertitude quant à son occurrence est grande. En ce sens, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle se prête à une analyse prospective sur la base d’éléments dont elle ne serait pas en mesure d’envisager, avec une marge d’erreur raisonnable, les effets sur le long terme.

235    En l’espèce, en premier lieu, force est de constater que la Commission s’est soumise à une analyse prospective en tenant compte de la transition énergétique et de la sortie du nucléaire, événements revêtant un degré de certitude suffisant, à la date d’adoption de la décision attaquée, puisque décidés par le gouvernement allemand.

236    À ce titre, la Commission a examiné les effets de la concentration sur les parts de marché détenues par RWE en distinguant deux périodes, à savoir celle courant entre la réalisation de ladite concentration jusqu’au 31 décembre 2022 et celle postérieure à cette date, comme il ressort, en particulier, des points 30 et 35 de la décision attaquée. La Commission a fait de même en ce qui concerne l’analyse relative aux effets de la concentration sur le risque lié aux stratégies de rétention de capacité (points 56, 80 et 81 de la décision attaquée), sur le rôle pivot de RWE (points 62 et 65 de la décision attaquée) et sur le marché de transport de l’électricité (points 99 et 100 de la décision attaquée). La date du 31 décembre 2022 a été retenue dans la mesure où, conformément au Gesetz zur geordneten Beendigung der Kernenergienutzung zur gewerblichen Erzeugung von Energie (loi sur l’arrêt ordonné de l’utilisation de l’énergie nucléaire pour la production industrielle d’énergie), du 22 avril 2002 (BGBl. 2002 I, p. 1351), les actifs nucléaires concernés par la concentration devaient être fermés au plus tard à cette date.

237    Il convient de remarquer que, dans le cadre de l’analyse de l’avantage concurrentiel dans l’attribution des subventions pour le développement et la construction de nouveaux actifs de production issue d’énergies renouvelables que RWE pourrait acquérir grâce à la concentration, il ressort des points 68 et 69 de la décision attaquée que la Commission ne s’est pas limitée dans le temps. Cela est également vrai s’agissant de l’analyse effectuée par la Commission, aux points 82 à 88 de la décision attaquée, de la question de savoir si l’acquisition par RWE de la participation minoritaire dans E.ON pourrait donner lieu à un verrouillage des intrants ou de la clientèle, de l’analyse du risque de répercussions négatives sur la liquidité du marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité, faite aux points 89 à 91 de la décision attaquée, et de celle du risque d’accès, par RWE, à des informations sur les stratégies et les activités d’E.ON en aval, réalisée aux points 92 à 94 de la décision attaquée.

238    Ainsi, force est de constater que la Commission ne s’est pas arrêtée à la période antérieure à 2022.

239    Il convient, dès lors, de rejeter l’argument de la requérante visant à reprocher à la Commission de s’être limitée à la période antérieure à 2022.

240    En second lieu, dès lors que la Commission a envisagé la période postérieure à 2022 sans toutefois préciser l’horizon maximal sur lequel elle s’est placée pour analyser les effets de la concentration, il est raisonnable de considérer qu’elle s’est fondée sur une période de 3 à 5 ans à compter de la notification de la concentration, faite en 2019, pour conduire son analyse.

241    Cette interprétation est corroborée par les écritures de la Commission et d’E.ON.

242    À cet égard, la requérante considère que la Commission aurait dû envisager une période de 15 à 20 ans. Une telle période tiendrait compte, d’une part, des cycles d’investissement propres au marché de l’électricité et, d’autre part, des bouleversements que connaît ce marché en raison de la transition énergétique et de la sortie du nucléaire. Elle reproche d’ailleurs à la Commission de n’avoir pris en considération que la sortie du nucléaire et de ne pas avoir suivi sa pratique décisionnelle antérieure.

243    S’agissant des décisions de la Commission citées par la requérante à l’appui de son argumentation, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que celles-ci ont été adoptées dans un contexte économique et politique différent de celui de l’espèce.

244    Ainsi, en ce qui concerne la décision C(2005) 5593 final de la Commission, du 21 décembre 2005, déclarant une concentration compatible avec le marché commun et l’accord EEE (affaire COMP/M.3696 – E.ON/MOL), elle concernait le marché de l’électricité hongrois de 2005 qui était destiné à connaître de nombreux changements comme en attestaient, notamment, les projets de construction de centrales déjà décidés (voir, en particulier, points 150, 594, 601 et 602). S’agissant de la décision C(2009) 9059 final de la Commission, du 12 novembre 2009, déclarant la compatibilité avec le marché commun d’une concentration (affaire COMP/M.5549 – EDF/Segebel), non seulement elle concernait le marché de l’électricité français, belge et néerlandais de 2009, mais, en outre, la transaction elle-même prévoyait certains délais pour la réalisation de certaines étapes (voir, en particulier, points 66 et 75 de ladite décision). Enfin, pour ce qui est de la décision de la Commission, du 7 mai 2002, déclarant la compatibilité avec le marché commun d’une concentration (affaire COMP/M.2745 – Shell/Enterprise Oil), elle visait le marché du Royaume-Uni de 2002 et les données fournies par les parties notifiantes et les tiers avaient permis à la Commission de se fonder sur une période de 10 ans.

245    Ainsi, loin d’avoir décidé, de manière abstraite, de considérer une période de plus de 10 ans pour analyser les effets des concentrations qui lui avaient été notifiées, simplement parce qu’elles relevaient du marché de l’électricité, la Commission l’a fait parce qu’elle avait en sa possession des éléments lui permettant, avec une certitude raisonnable, d’envisager l’évolution du marché durant ce laps de temps et, par conséquent, les effets des concentrations.

246    Il convient, dès lors, de s’interroger sur la question de savoir si, dans le cas d’espèce, la Commission avait en sa possession des éléments qui lui auraient permis de procéder à une analyse prospective plus éloignée dans le temps.

247    À cet égard, ainsi qu’il a été indiqué au point 235 ci-dessus, la Commission a tenu compte de la transition énergétique et de la sortie du nucléaire. Cela est reflété dans le fait que, d’une part, la Commission a mentionné, à plusieurs reprises dans la décision attaquée, la sortie du nucléaire et, d’autre part, elle a abordé les effets de la concentration en prenant en considération l’impact de la loi EEG.

248    Ce constat suffit à écarter l’argument de la requérante tiré de ce que la Commission n’aurait retenu que la sortie du nucléaire.

249    Par ailleurs, force est de constater que, si la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que, sur le marché de l’électricité, les cycles d’investissement s’étalaient sur des périodes de 15 à 20 ans, elle ne mentionne que ses projets d’investissement. Ainsi, elle ne fait pas état d’investissements que pourrait réaliser RWE, à la suite de la concentration, susceptibles de modifier le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité. Au contraire, même, elle signale que, selon elle, RWE et E.ON pourraient être dissuadées de réaliser des investissements massifs à la suite de la concentration. Il en résulte qu’il n’était pas certain, à la date d’adoption de la décision attaquée, que RWE et E.ON feraient, à la suite de la concentration, des investissements de nature à modifier la structure du marché. Dès lors, même à supposer que les cycles d’investissement s’étalent bien sur des périodes de 15 à 20 ans, comme le soutient la requérante, la Commission ne pouvait fonder son analyse prospective sur une telle période pour cette seule raison.

250    Quant au potentiel impact de la sortie du charbon, mentionné à la fois par la requérante et par RWE, il convient de relever que cette sortie est prévue par le Gesetz zur Reduzierung und zur Beendigung der Kohleverstromung (loi sur la réduction et la fin de la production d’électricité à partir du charbon), du 8 août 2020 (BGBl. 2020 I, p. 1818, ci-après la « loi sur la sortie du charbon »). Autrement dit, elle est postérieure à l’adoption de la décision attaquée de sorte qu’il serait possible de considérer que, pour cette seule raison, la Commission ne pouvait tenir compte des effets de cette loi pour déterminer la période sur laquelle elle devait réaliser son analyse.

251    Toutefois, il y a lieu de remarquer que cette loi a été adoptée à la suite de la remise d’un rapport du 31 janvier 2019 établi par la Kommission für Wachstum, Strukturwandel und Beschäftigung (commission pour la croissance, les mutations structurelles et l’emploi, Allemagne), nommée par le gouvernement fédéral allemand le 6 juin 2018. Ce rapport contenait des recommandations pour l’établissement d’un plan visant à la réduction et à l’élimination progressives de la production d’électricité à partir du charbon, ainsi que les mesures juridiques, économiques, d’accompagnement social, de renaturation et de politique structurelle nécessaires à la réalisation de celui-ci. La date de sortie du charbon était envisagée pour 2038.

252    À cet égard, la requérante invoque la disparition d’Uniper SE pour soutenir que la structure du marché va changer au profit de RWE. Uniper est une ancienne compagnie d’énergie et une filiale d’E.ON, acquise par Fortum Oyj à la suite de la décision C(2018) 3921 final de la Commission, du 15 juin 2018, déclarant une concentration compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE (affaire M.8660 – Fortum/Uniper).

253    Or, s’agissant d’Uniper, il y a lieu de relever que le rapport mentionné au point 251 ci-dessus ne se prononçait pas sur une date précise de fermeture de ses centrales électriques au charbon, mais indiquait que l’exploitant de la mine de charbon fournissant Uniper envisageait une exploitation jusqu’au milieu des années 2030.

254    En outre, il ressort du communiqué de presse du gouvernement fédéral allemand, du 15 janvier 2020, mentionné par la Commission dans la duplique, qu’un accord a été conclu entre le gouvernement fédéral allemand et les Länder pour la sortie du charbon. Cet accord visait à mettre en œuvre les recommandations de la commission pour la croissance, les mutations structurelles et l’emploi. De plus, dans le communiqué de presse d’Uniper du 30 janvier 2020, l’entreprise faisait part de sa volonté de sortir progressivement du charbon et de ce que le rapport de la commission pour la croissance, les mutations structurelles et l’emploi proposait que le gouvernement fédéral allemand parvienne à un accord avec elle afin que la centrale électrique au charbon Datteln 4 ne soit pas mise en service en échange d’une compensation financière. C’est dans ce contexte qu’a été adoptée la loi sur la sortie du charbon. Il convient encore de remarquer que si l’article 4 de cette loi prévoit un calendrier de réduction et d’arrêt des émissions des centrales à charbon, il ne cite pas, contrairement à la loi sur la sortie du nucléaire, les noms des centrales concernées.

255    Ainsi, même si la Commission avait connaissance qu’une loi sur la sortie du charbon était en préparation et qu’Uniper arrêterait l’exploitation de ses centrales électriques au charbon, elle n’était toutefois pas en mesure de connaître les modalités exactes de la mise en œuvre de cette loi, voire de les envisager, puisque, en tout état de cause, elles n’ont été précisées qu’en janvier 2020. De surcroît, la requérante ne s’intéresse qu’à Uniper sans tenir compte des effets probables de cette loi sur la situation de RWE qui détient également des centrales à charbon. Dès lors que, enfin, les actifs de production d’électricité conventionnelle d’E.ON concernés par la concentration sont des actifs nucléaires et non des centrales électriques à charbon, il y a lieu de conclure que la Commission n’avait pas à prendre en considération les changements induits par cette loi sur le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité pour anticiper d’une manière raisonnable les effets de la concentration sur un marché ainsi redéfini. Cela se justifiait d’autant plus que, la sortie du charbon devant s’étaler jusqu’en 2038, un tel exercice aurait exigé de la Commission une projection dans un futur très lointain pouvant être marqué par la survenance d’autres changements non encore prévisibles et pourtant susceptibles de modifier encore la structure du marché.

256    Il convient, dès lors, de rejeter l’argument de la requérante à cet égard, de même que son argument relatif au changement de la structure du marché en raison de la détérioration de la position d’Uniper du fait de la fermeture de ses centrales électriques au charbon.

257    En outre, la requérante soutient que la loi de sortie du charbon provoquerait une distorsion de la concurrence dans la mesure où le gouvernement allemand doterait RWE de moyens financiers considérables. À cet égard, force est de constater, en tout état de cause, que, ainsi que le soutient la Commission, cette dernière n’a précisément pas qualifié le mécanisme d’appel d’offres de la République fédérale d’Allemagne de distorsion de la concurrence. Au contraire, elle a conclu que les aides que constituent ces moyens financiers sont compatibles avec le marché intérieur [décision C(2020) 8065 final de la Commission, du 25 novembre 2020, relative à l’aide d’État SA.58181 (2020/N) – Mécanisme d’appels d’offres pour la sortie du charbon en Allemagne].

258    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la Commission ne disposait pas d’éléments lui permettant de se livrer à une analyse prospective fondée sur une période plus longue que celle qu’elle a retenue, à savoir 3 à 5 ans à compter de la notification de la concentration. Elle n’a donc pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lors de la délimitation de la période d’analyse.

259    Il convient donc de rejeter le grief tiré d’une délimitation erronée de la période d’analyse.

d)      Sur le troisième grief, tiré de l’appréciation erronée du pouvoir de marché de RWE

260    La requérante reproche à la Commission d’avoir évalué de manière erronée la position de marché de RWE, en concluant que l’augmentation du pouvoir de marché de RWE n’était pas une entrave. En premier lieu, elle soutient que la Commission n’a tenu compte, pour analyser le pouvoir de marché de RWE, que des parts de marché de cette entreprise. En second lieu, la Commission aurait commis une erreur dans l’analyse des parts de marchés et d’autres facteurs pertinents, à savoir le rôle pivot de RWE sur le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité, les incitations de RWE à des stratégies de rétention de capacité et à d’autres usages stratégiques de son portefeuille de production et le rôle pivot de RWE sur le marché des services d’équilibrage et auxiliaires.

261    La Commission, soutenue par E.ON et RWE, conteste les arguments de la requérante.

262    Il convient d’examiner chacune des critiques soulevées par la requérante en débutant par celle relative aux facteurs pris en compte par la Commission.

1)      Sur les éléments pris en compte par la Commission aux fins de son analyse du pouvoir de marché de RWE

263    La requérante critique la Commission pour avoir procédé à l’analyse du pouvoir de marché croissant de RWE en se fondant exclusivement sur les parts de marché, sans tenir compte de facteurs supplémentaires. La Commission aurait réduit l’analyse du pouvoir de marché aux parts de marché des producteurs, calculées sur la base des quantités d’électricité produites et des capacités, sans recourir à d’autres facteurs pertinents selon les standards du contrôle des concentrations et utilisés dans des analyses antérieures du marché allemand de la production et de la fourniture en gros d’électricité. La requérante fait plus spécifiquement référence au degré de concentration calculé sur la base de l’indice de Herfindahl-Hirschman (ci-après l’« IHH »), au rôle pivot de RWE, montré par l’indice RSI, aux analyses produites par des tiers et à l’étude Oxera ou encore à l’enquête de marché. Ainsi, la Commission n’aurait pas abordé la majeure partie des problèmes concurrentiels résultant de la concentration. Ce faisant, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation.

264    À cet égard, il y a lieu de relever que, dans son examen, la Commission a traité les parts de marché principalement dans la section 5.1.1 de la décision attaquée, intitulée « Structure du marché » (points 25 à 29), et dans la section 5.1.2 de la décision attaquée, intitulée « L’augmentation résultant de la concentration » (points 30 à 35).

265    En outre, la Commission a détaillé « Le régime de subvention des actifs qui produisent à partir d’énergies renouvelables » (section 5.1.3 de la décision attaquée, points 36 à 39) ainsi que « Le point de vue de la partie notifiante » (section 5.1.4 de la décision attaquée, points 40 à 42), reposant principalement sur, premièrement, la faiblesse des parts de marché cumulées, deuxièmement, l’augmentation minime de celles-ci, troisièmement, la présence d’autres concurrents et, quatrièmement, la non-augmentation du rôle pivot de RWE.

266    À la lumière des parts de marché et des éléments mentionnés au point précédent, la Commission a effectué son analyse dans la section 5.1.5 intitulée « L’appréciation de la Commission » (points 43 à 65). La Commission y a déterminé que, compte tenu de l’augmentation limitée et de nature temporaire des parts de marché dans l’ensemble du marché ou dans tous les segments envisagés, il serait peu probable, à première vue, que cette augmentation renforce de manière substantielle le pouvoir de marché de RWE (point 47 de la décision attaquée).

267    Toutefois, la Commission ne s’est pas arrêtée à ce constat. En effet, elle a reconnu que, en raison de la nature du marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité, une entreprise qui détenait des parts de marché limitées pouvait, néanmoins, être en mesure d’influer sur les prix. Par conséquent, elle a analysé la capacité et l’intérêt de RWE à influer sur les prix (point 48 de la décision attaquée). La Commission a commencé cette analyse par l’évaluation du risque lié aux stratégies de rétention de capacité (points 49 à 58 de la décision attaquée) et elle a conclu que, compte tenu du portefeuille de production de RWE et des réponses à l’enquête de marché, la concentration n’accroîtrait pas la capacité de RWE à retenir une partie de sa production dans une mesure déterminante (point 54 de la décision attaquée). La Commission a examiné, par la suite, les analyses RSI présentées par RWE et par des tiers (section 5.1.5.1 de la décision attaquée, points 59 à 65) et en a conclu que celles-ci ne la conduiraient pas à changer sa conclusion, à savoir que la concentration ne modifierait pas substantiellement la capacité ou l’intérêt de RWE à fausser la concurrence (point 65 de la décision attaquée).

268    Eu égard aux parts de marché et, en particulier, à leur augmentation faible et temporaire, à son analyse de la capacité de rétention de RWE et aux analyses du rôle pivot de RWE, la Commission a constaté que la concentration ne faisait naître aucun doute sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur. Pour la Commission, ce constat est valable indépendamment du fait que le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité en Allemagne soit considéré comme comprenant l’ensemble de la production ou comme étant segmenté entre la production d’électricité conventionnelle et celle d’électricité renouvelable (section 5.1.6 de la décision attaquée, point 66).

269    De plus, eu égard à la nature de l’industrie concernée, la Commission a décidé d’analyser d’autres éléments qui pourraient montrer une incidence concurrentielle sur les marchés, tels que les analyses basées sur l’indice RSI par rapport au rôle pivot ou à l’indice « Return on Withholding Capacity Index » (indice de rendement sur les capacités retenues, ci-après l’« indice RWC ») pour analyser la capacité de rétention. La Commission a également pris en compte les réponses à l’enquête de marché, auxquelles elle a fait plusieurs références (points 53, 59, 67, 71, 92, 94 et note de bas de page no 9 de la décision attaquée). Enfin, la Commission a analysé les inquiétudes émises par des tiers ayant répondu à l’enquête de marché sur la participation minoritaire de RWE dans E.ON ainsi que sur les effets de la concentration sur des marchés autres que le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité en Allemagne.

270    Certes, ainsi que le soutient la requérante, la Commission n’a pas analysé, dans la décision attaquée, l’indice IHH.

271    Selon le point 14 des lignes directrices, le degré de concentration donne souvent une première indication utile sur la structure du marché et sur l’importance des parties à la concentration. Il ressort également du point 16 des lignes directrices que le degré de concentration global d’un marché peut constituer une donnée précieuse sur les conditions de concurrence. Or, selon ce dernier point, pour mesurer les degrés de concentration, la Commission utilise souvent l’IHH, lequel est égal à la somme des carrés des parts de marché de chacune des entreprises présentes sur le marché. Si le niveau absolu de l’IHH peut donner une première indication des pressions concurrentielles qui s’exerceront sur le marché à l’issue de l’opération de concentration, la variation de l’IHH, connue sous le nom de « delta », est un indicateur utile de la modification du degré de concentration qui résultera directement de l’opération. Toutefois, ni le point 14 ni le point 16 des lignes directrices n’imposent à la Commission de traiter de l’IHH dans toutes ses décisions (voir arrêt du 7 juin 2013, Spar Österreichische Warenhandels/Commission, T‑405/08, non publié, EU:T:2013:306, points 65 et 66 et jurisprudence citée).

272    Il convient de constater, par ailleurs, que les points 19 à 21 des lignes directrices définissent, pour l’essentiel, les seuils de l’IHH en dessous desquels une concentration ne pose pas, en toute probabilité, de problèmes concurrentiels. Ainsi, dans les lignes directrices, la Commission estime, notamment, qu’il est peu probable qu’une opération soulève des problèmes de concurrence horizontaux sur un marché lorsque l’IHH, à l’issue de l’opération, est compris entre 1 000 et 2 000 et que le delta est inférieur à 250, ou lorsque l’IHH, à l’issue de l’opération, est supérieur à 2 000 et que le delta est inférieur à 150, sauf dans des cas exceptionnels.

273    En l’espèce, force est de relever que la requérante ne fournit pas ses propres calculs de l’IHH. Or, il lui appartenait de le faire afin de démontrer que, si la Commission en avait tenu compte, elle serait parvenue à une conclusion différente quant aux effets de la concentration sur le marché.

274    Il résulte de ce qui précède que non seulement la Commission a tenu compte d’autres facteurs pertinents que les parts de marché pour apprécier le pouvoir de marché de RWE, mais que, en outre, la requérante n’a pas démontré en quoi la prise en compte de l’IHH, ce qui n’était pas requis selon la jurisprudence citée au point 271 ci-dessus, ou d’éventuels autres facteurs auraient été susceptibles de remettre en cause les conclusions de la Commission.

275    Il convient, dès lors, d’examiner l’analyse qu’a faite la Commission, premièrement, des parts de marché détenues par RWE et, deuxièmement, des autres facteurs.

2)      Sur l’analyse des parts de marché

276    La requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation des parts de marché.

277    À cet égard, en premier lieu, la requérante fait usage de données différentes de celles transmises par les parties à la concentration sur lesquelles la Commission se serait fondée pour analyser les parts de marché de RWE. Or, il convient de constater que la requérante n’indique pas l’existence d’une règle juridique interdisant à la Commission de prendre appui sur les données fournies par les parties à la concentration elles-mêmes dans le cadre de la procédure administrative ou, au contraire, l’obligeant à mener sa propre enquête de marché indépendamment des données fournies par les parties à la concentration (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2013, Spar Österreichische Warenhandels/Commission, T‑405/08, non publié, EU:T:2013:306, point 126).

278    En outre, la requérante se borne à utiliser ses propres données sans expliquer les raisons pour lesquelles les données utilisées par la Commission ne seraient pas correctes.

279    Or, il ne saurait suffire à la requérante d’utiliser des données différentes de celles utilisées par la Commission dans la décision attaquée aux fins d’établir l’erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission sans apporter d’élément concret de nature à démontrer que la prise en compte des données dans la décision attaquée constitue une erreur manifeste d’appréciation de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2013, Spar Österreichische Warenhandels/Commission, T‑405/08, non publié, EU:T:2013:306, point 156).

280    Il résulte de ce qui précède que la requérante n’a pas démontré que les données utilisées par la Commission étaient incorrectes.

281    En second lieu, il convient de vérifier si la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans son analyse des données qu’elle a retenues.

282    Il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de son appréciation des effets anticoncurrentiels d’une opération de concentration, la Commission compare les conditions de concurrence telles qu’elles résulteraient de l’opération notifiée avec celles que connaîtrait le marché si la concentration n’avait pas lieu (arrêt du 23 mai 2019, KPN/Commission, T‑370/17, EU:T:2019:354, point 115).

283    Il convient de relever que l’existence de parts de marché d’une grande ampleur est hautement significative et le rapport entre les parts de marché détenues par l’entreprise (ou par les entreprises) partie(s) à la concentration et par ses (leurs) concurrents, en particulier ceux qui la (les) suivent immédiatement, constitue un indice valable de l’existence d’une position dominante. En outre, une part de marché particulièrement élevée peut en elle-même constituer la preuve de l’existence d’une position dominante, surtout lorsque les autres opérateurs sur le marché ne détiennent que des parts beaucoup moins importantes (arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, EU:T:2006:64, point 201). A contrario, les concentrations qui, en raison de la part de marché limitée des entreprises concernées, ne sont pas susceptibles d’entraver une concurrence effective peuvent être présumées compatibles avec le marché intérieur (considérant 32 du règlement no 139/2004).

284    Il ressort du point 17 des lignes directrices, d’une part, que seule une part de marché particulièrement élevée de 50 % et plus peut, en elle-même, constituer la preuve de l’existence d’une position dominante sur le marché et, d’autre part, que si avec une part de marché inférieure à 50 % l’opération de concentration peut néanmoins soulever des problèmes de concurrence, c’est en raison d’autres facteurs, notamment la puissance des concurrents et leur nombre (arrêt du 7 juin 2013, Spar Österreichische Warenhandels/Commission, T‑405/08, non publié, EU:T:2013:306, point 59).

285    C’est donc dans ce cadre qu’il convient de déterminer si, en l’espèce, comme l’avance la requérante, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en évaluant de manière erronée la position de marché de RWE et en concluant que l’augmentation du pouvoir de marché de RWE n’était pas une entrave.

286    En l’espèce, premièrement, la Commission a noté, aux points 26 et suivants de la décision attaquée, que, sur le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité, RWE détenait, avant la concentration, dans le marché de la production totale d’électricité, une part de marché comprise entre 20 % et 30 %, à savoir [confidentiel] %, pour la production d’électricité et comprise entre 20 % et 30 %, à savoir [confidentiel] %, pour la capacité de production installée. Grâce à la concentration, RWE acquerrait une part de marché supplémentaire s’élevant entre 0 % et 1 %, à savoir [confidentiel] %, (soit [confidentiel] TWh) de la production totale d’électricité et s’élevant entre 0 % et 1 %, à savoir [confidentiel] %, (soit [confidentiel] MW) de la capacité de production installée (point 27, tableau 1 et note de bas de page no 26 de la décision attaquée). Toutefois, en raison de la concentration M.8870, l’augmentation ne s’établirait plus qu’entre 0 % et 1 %, à savoir [confidentiel] %, pour la production d’électricité (soit [confidentiel] TWh) et qu’entre 0 % et 1 %, à savoir [confidentiel] %, (soit [confidentiel] MW) pour la capacité de production installée (point 34 et note de bas de page no 36 de la décision attaquée). Cela s’explique par le fait que, par le biais de la concentration M.8870, certains actifs de production d’innogy, ancienne filiale de RWE, seraient transférés à E.ON.

287    Deuxièmement, la Commission a relevé, s’agissant de la production d’électricité conventionnelle, que, avant la concentration, RWE détenait une part de marché comprise entre 30 % et 40 %, à savoir [confidentiel] %, pour la production d’électricité et comprise entre 20 % et 30 %, à savoir [confidentiel] %, pour la capacité de production installée et que la concentration conférerait à RWE une part de marché supplémentaire s’élevant entre 0 % et 1 %, à savoir [confidentiel] %, (soit [confidentiel] TWh) pour la production d’électricité ou s’élevant entre 0 % et 1 %, à savoir [confidentiel] % (soit environ [confidentiel] MW) pour la capacité de production installée (point 28, tableau 2 et note de bas de page no 28 de la décision attaquée). Du fait de la concentration M.8870, l’augmentation ne s’établirait plus qu’entre 0 % et 1 %, à savoir [confidentiel] %, pour la production d’électricité (point 34 de la décision attaquée).

288    Troisièmement, en ce qui concerne la production d’électricité renouvelable, la Commission a noté que, avant la concentration, RWE détenait une part de marché comprise entre 0 % et 5 %, à savoir [confidentiel] %, pour la production d’électricité et comprise entre 0 % et 5 %, à savoir [confidentiel] %, pour la capacité de production installée et que la concentration conférerait à RWE une part de marché supplémentaire s’élevant entre 0 % et 1 %, à savoir [confidentiel] %, (soit [confidentiel] TWh) pour la production d’électricité et s’élevant entre 0 % et 1 %, à savoir [confidentiel] %, (soit environ [confidentiel] MW) pour la capacité de production installée (point 29, tableau 3 et note de bas de page no 31 de la décision attaquée). Du fait de la concentration M.8870, l’augmentation ne s’établirait alors plus qu’entre 0 % et 1 %, à savoir [confidentiel] %, pour la production d’électricité (point 34 de la décision attaquée).

289    Par conséquent, la concentration conférerait à RWE une part de marché supplémentaire s’élevant au maximum entre 0 % et 1 %, à savoir [confidentiel] %. Une augmentation aussi limitée ne saurait être considérée comme étant, en soi, significative.

290    Il convient d’en conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la concentration n’entraînerait pas d’augmentation significative des parts de marché détenues par RWE, et ce quelle que soit la délimitation du marché retenue.

291    En outre, par la mise hors service de Gundremmingen C prévue pour le 31 décembre 2021 et par celle d’Emsland prévue au plus tard pour le 31 décembre 2022, une partie de l’augmentation des parts de marché sera encore résorbée, à savoir [confidentiel] des [confidentiel] TWh de production et [confidentiel] des [confidentiel] MW de la capacité de production installée. Ainsi, l’augmentation qui subsiste de manière durable sera celle relative à la capacité des parcs éoliens et qui s’élève à [confidentiel] MW. Dans la mesure où l’augmentation des parts de marché sur le marché de l’électricité conventionnelle repose exclusivement sur l’acquisition des centrales nucléaires, cette augmentation devait disparaître complètement à la suite de la sortie du nucléaire prévue au plus tard pour le 31 décembre 2022. Ainsi, l’augmentation nette des parts de marché après la réalisation de la concentration M.8871 ne s’établira plus qu’entre 0 % et 1 %, à savoir [confidentiel] %, (soit [confidentiel] TWh) pour la production d’électricité sur le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité. De plus, par la sortie du nucléaire prévue au plus tard pour le 31 décembre 2022, la production d’électricité devait diminuer de [confidentiel] TWh. Par conséquent, l’augmentation des parts de marché à la suite de la concentration sera temporaire, voire négative, à partir de 2023.

292    Au vu de ce qui précède, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en concluant que l’augmentation réelle résultant de la concentration était de nature uniquement temporaire dès lors qu’elle devait disparaître en grande partie une fois les actifs nucléaires définitivement fermés d’ici à la fin 2022 (point 35 de la décision attaquée). Ainsi, la faible augmentation, passant de [confidentiel] % à [confidentiel] % dans le marché de la production et de la fourniture d’électricité conventionnelle en Allemagne, disparaîtra une fois la sortie du nucléaire réalisée.

293    Cette conclusion ne peut pas être remise en cause par les autres arguments de la requérante.

294    Premièrement, en ce qui concerne l’argument selon lequel la Commission aurait méconnu le fait que RWE dominait le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité avant la concentration, il est certes vrai que la Commission ne fait pas mention, dans la décision attaquée, de l’existence d’une position dominante préexistante de RWE. Cependant, dès lors que la Commission est capable d’établir sur la base des éléments du dossier qu’une concentration n’est pas susceptible de créer ou de renforcer une position dominante, la Commission n’est pas tenue d’établir, au préalable, si l’entreprise concernée jouissait déjà d’une position dominante.

295    La Commission n’a donc pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en n’analysant pas si RWE était une entreprise dominante avant la concentration.

296    En tout état de cause, comme il est indiqué au point 310 ci-après, le principal élément quantitatif sur lequel se base la requérante pour étayer l’existence d’une position dominante préexistante de RWE, à savoir le rôle pivot qu’occuperait RWE et mesuré par l’indice RSI de l’étude Oxera, ne constitue pas un indice d’une telle position.

297    Deuxièmement, la requérante fait valoir que l’acquisition quasi totale de l’ensemble de la production d’électricité renouvelable d’E.ON permettrait à RWE de se détacher encore plus nettement en tant que premier producteur d’électricité conventionnelle et de devenir le premier producteur d’électricité renouvelable. Cette combinaison lui ouvrirait des marges de manœuvre considérables sur le marché, ce qui aggraverait les effets de la concentration sur la concurrence eu égard aux barrières structurelles élevées à l’entrée et à la nécessité d’investissements en capital très importants et d’une planification à long terme.

298    À cet égard, ainsi qu’il a été constaté aux points 290 et 292 ci-dessus, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a considéré que l’augmentation des parts de marché était limitée et temporaire. En outre, la Commission souligne à juste titre que, s’agissant de la production à partir d’énergies renouvelables, E.ON et RWE ont une très petite part de marché cumulée, s’élevant seulement entre 0 % et 5 %, à savoir [confidentiel] %. S’agissant de la production issue de sources d’énergie conventionnelles, bien que RWE soit le plus gros fournisseur en Allemagne ([confidentiel] %), l’augmentation nette est limitée ([confidentiel] %) et, en tout état de cause, entièrement due à des actifs fonctionnant à partir d’énergie nucléaire qui devaient être mis à l’arrêt définitif d’ici à la fin 2022 (point 45 de la décision attaquée). Ainsi, la Commission a conclu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que, à première vue, il était peu probable que cette augmentation renforcerait de manière substantielle le pouvoir de RWE sur le marché allemand de la production et de la fourniture en gros d’électricité (point 47 de la décision attaquée).

299    Il résulte de ce qui précède que, en ce qui concerne l’analyse des parts de marché détenues par RWE, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

3)      Sur le rôle pivot de RWE sur le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité

300    La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir examiné de manière exhaustive le renforcement du rôle pivot de RWE sur le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité montré notamment par l’indice RSI.

301    Selon la requérante, à la lumière notamment de l’étude Oxera, RWE jouait déjà, avant la concentration, un rôle pivot sur le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité, ce qui reflétait une position dominante. Par la concentration, le rôle pivot de RWE se trouverait renforcé.

302    Ainsi qu’il ressort du point 60 de la décision attaquée, une analyse RSI consiste à déterminer si une société joue un rôle pivot, c’est-à-dire si elle est indispensable à la satisfaction de la demande. Dans la pratique, le RSI sert à vérifier, pour toutes les heures d’une année donnée, si la capacité des concurrents est suffisante pour répondre à la demande une fois l’entité issue de l’opération de concentration retirée du marché.

303    À cet égard, la Commission a expliqué, au point 60 de la décision attaquée, que l’Office fédéral des ententes et la Monopolkommission (commission des monopoles, Allemagne) ont estimé que, dès lors qu’un fournisseur jouait un rôle pivot pendant plus de 5 % des heures d’une année donnée, cela était indicatif d’un pouvoir de marché.

304    Cependant, tout en reconnaissant son utilité, la Commission a estimé, au point 61 de la décision attaquée, que l’indice RSI souffrait de certaines limites dont il importait de tenir compte lors de l’examen des effets des concentrations. En effet, une société qui ne joue pas de rôle pivot peut néanmoins influer sur les prix de gros, par exemple par la rétention de capacités. Elle a également relevé qu’une société qui jouait pourtant un rôle pivot pouvait n’avoir qu’un intérêt limité à l’exercer dès lors que la demande résiduelle ne pouvant être satisfaite par des concurrents était faible.

305    Néanmoins, tout en expliquant pourquoi elle considérait que les analyses RSI étaient d’une utilité limitée dans le contrôle des concentrations, la Commission les a prises en compte et examinées. À cet égard, il est loisible à la Commission, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation en la matière, d’attirer l’attention sur les limites du modèle des analyses économiques basées sur l’indice RSI à prendre en compte dans l’évaluation globale de la concentration (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T‑342/07, EU:T:2010:280, points 116 à 118). Dès lors, la requérante ne saurait reprocher à la Commission d’avoir tenu compte des limites des analyses basées sur l’indice RSI dans le cadre de son analyse du rôle pivot joué par RWE.

306    De plus, la Commission a indiqué, en note de bas de page no 46 de la décision attaquée, sans être contredite par la requérante, que, en fonction des tiers, l’augmentation du rôle pivot, à savoir l’augmentation absolue du pourcentage de toutes les heures de l’année pendant lesquelles RWE serait indispensable pour répondre à la demande, se situait entre 0,4 % et 1,1 % pour 2017 et entre 0,7 % et 1,1 % pour 2019.

307    En outre, il ressort du point 62 de la décision attaquée que les diverses analyses RSI présentées à la Commission s’accordent toutes sur le fait que, d’une part, RWE serait à court terme, à savoir jusqu’en 2022, un fournisseur indispensable pour la satisfaction de la demande pendant sensiblement moins de 10 % de toutes les heures de l’année et, d’autre part, toute augmentation des périodes lors desquelles RWE reste indispensable disparaîtrait au plus tard à la suite de la sortie du nucléaire prévue pour la fin de l’année 2022.

308    Par ailleurs, la Commission a souligné, au point 64 de la décision attaquée, que seule l’étude Oxera envisageait un scénario fondé sur une rétention de la capacité de production éolienne et le contrôle des actifs de production à base de sources d’énergie conventionnelles d’E.ON dont les effets étaient relativement plus importants. La Commission a toutefois considéré que les hypothèses sur lesquelles ledit scénario reposait n’étaient pas étayées par les faits de l’espèce : d’une part, RWE n’aurait pas été en mesure d’opérer une rétention de capacité de la production issue d’énergies renouvelables heure par heure dans la mesure où les actifs de production issue d’énergies renouvelables ne se prêtaient pas aux interventions de rétention ; d’autre part, sa participation minoritaire dans E.ON ne conférait pas à RWE le plein contrôle sur la gestion quotidienne des actifs conservés par E.ON.

309    À cet égard, ainsi qu’il est constaté aux points 322 et 391 ci-après, les affirmations de la Commission selon lesquelles, d’une part, les installations de production d’électricité renouvelable ne se prêtent pas à la rétention et, d’autre part, RWE n’acquerra pas de contrôle sur les opérations quotidiennes d’E.ON sont étayées. Ainsi, la Commission a pu estimer, de manière plausible, que les hypothèses sur lesquelles le modèle de l’étude Oxera reposait ne reflétaient pas la réalité.

310    En outre, l’étude Oxera ne saurait étayer, par l’intermédiaire du rôle pivot de RWE, l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective. Tout d’abord, il ressort de cette étude que, en 2019, sans la concentration, RWE jouerait un rôle pivot durant 4 % des heures de l’année, se plaçant ainsi en-dessous du seuil de 5 %, indicatif d’un pouvoir de marché selon l’Office fédéral des ententes et la Commission des monopoles, de sorte que l’on ne saurait conclure à une position dominante de RWE à cet égard avant la concentration. Ensuite, l’augmentation du RSI à la suite de la concentration serait limitée. Ainsi, pour 2019, ce modèle prévoit que la part des heures de l’année durant lesquelles RWE joue un rôle pivot passe de 4 % en l’absence de la concentration à 5,5 % à la suite de la concentration, et pour 2022 de 8,6 % en l’absence de la concentration à 9,9 % à la suite de la concentration. Cela signifie donc que l’augmentation des heures durant lesquelles RWE joue un rôle pivot augmente de 1,5 points de pourcentage pour 2019 et de 1,3 points de pourcentage pour 2022. Ainsi, l’augmentation du rôle pivot de RWE constatée par l’étude Oxera n’est pas radicalement différente de celle constatée par les tiers et rappelée au point 306 ci-dessus. En outre, les valeurs du RSI pour l’année 2024 sont identiques pour la situation en l’absence et à la suite de la concentration, ce qui démontre qu’il n’y a aucun accroissement du rôle pivot de RWE à cause de la concentration à la suite de la sortie du nucléaire.

311    Il ressort de ce qui précède que la requérante n’a pas démontré l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’analyse faite par la Commission du rôle pivot de RWE.

4)      Sur les incitations de RWE à des stratégies de rétention de capacité et à d’autres usages stratégiques de son portefeuille de production

312    La requérante fait valoir que la Commission aurait nié à tort le potentiel de rétention de capacité de RWE, d’une part, en se référant au caractère négligeable de la croissance de RWE et, d’autre part, en se fondant sur l’enquête de marché au lieu d’estimer les marges de manœuvre supplémentaires. À cet égard, la requérante soutient notamment que l’indice RWC relatif au rendement sur les capacités retenues révèle que RWE aurait été en mesure d’influencer les prix et d’optimiser les revenus de son portefeuille en retenant des capacités déjà avant la concentration du fait de son pouvoir de marché. Par la concentration, RWE pourrait retenir des capacités supplémentaires et profiter encore davantage des augmentations de prix. Ainsi, l’indice RWC relatif au rendement sur les capacités retenues révélerait que la rétention était rentable pour RWE plusieurs milliers d’heures par an.

313    Les stratégies de rétention de capacité par les fournisseurs consistent à retenir physiquement ou économiquement une partie de leur production pour déclencher une augmentation des prix, ce qui nécessite, pour en profiter, la combinaison d’une production flexible (le charbon et le gaz) qui peut être retenue et d’une production de base (l’énergie nucléaire, le lignite et les énergies renouvelables) qui demeurerait opérationnelle et profiterait de la hausse résultante des prix.

314    En premier lieu, il convient de rappeler qu’il appartient à la Commission d’évaluer globalement le résultat du faisceau d’indices utilisé pour évaluer la situation de concurrence. En application de cette évaluation globale, la Commission peut privilégier certains éléments et en écarter d’autres. Le Tribunal doit contrôler la légalité de cet examen et sa motivation (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T‑342/07, EU:T:2010:280, point 136).

315    Il convient de constater que, au point 51 de la décision attaquée, la Commission a estimé que la capacité supplémentaire acquise par RWE ne renforçait pas de manière substantielle sa capacité ou son intérêt à se livrer à des rétentions de capacité.

316    D’une part, les installations d’énergie produite à partir de sources d’énergie renouvelables ont, parmi les technologies de production flexible, les coûts marginaux les plus bas, de sorte qu’elles sont les plus coûteuses à retenir (point 52 de la décision attaquée). Les producteurs d’électricité ont confirmé, lors de l’enquête de marché, que ces installations étaient habituellement exploitées à pleine capacité et que leur rétention, possible sur le plan technique, ne faisait de sens, économiquement parlant, que dans les rares circonstances où les prix de gros étaient négatifs (point 53 de la décision attaquée). La Commission a estimé, au point 54 de la décision attaquée, que l’acquisition des parcs éoliens du fait de la concentration n’accroissait pas la capacité de rétention de RWE dans une quelconque mesure déterminante. Il ressort du point 57 de la décision attaquée qu’elle n’accroissait pas non plus l’intérêt de RWE à se livrer à des rétentions de capacité, dès lors que l’augmentation nette temporaire de [confidentiel] TWh de la capacité renouvelable éolienne était rémunérée au titre du régime de la « vente directe » de sorte qu’une hausse des prix sur le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité tendait à réduire considérablement la mesure dans laquelle une installation qui bénéficiait de la loi EEG profitait d’une hausse des prix sur ledit marché.

317    D’autre part, la Commission a relevé, aux points 55, 56 et 58 de la décision attaquée, que l’augmentation de la capacité de rétention de RWE par l’acquisition des capacités nucléaires était temporaire et limitée à [confidentiel] TWh ou entre 0 % et 1 %, à savoir [confidentiel] %, de la production totale et était peu susceptible d’avoir un effet sensible sur l’intérêt de RWE à se lancer dans une stratégie de rétention de capacité.

318    La Commission a précisé, au point 63 de la décision attaquée, que seule l’étude Oxera a présenté un modèle de simulation qui visait à estimer l’intérêt qu’aurait RWE à envisager des rétentions de capacité. La Commission a tiré de ce modèle la conclusion que, dans le cas d’une rétention des capacités de production reposant sur des sources d’énergie conventionnelles, telles que les centrales au gaz et au charbon, les effets de la concentration étaient très limités.

319    Ainsi, il ressort de la décision attaquée, plus particulièrement de son point 65, que la Commission a analysé l’étude Oxera, par le biais de laquelle la requérante essaie d’étayer ses affirmations sur la possibilité et les incitations de RWE à retenir des capacités, et qu’elle a conclu que les diverses analyses présentées, y compris l’étude Oxera, n’avaient pas modifié ses conclusions.

320    En deuxième lieu, il convient de vérifier si la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans son analyse du risque d’une rétention des capacités de production.

321    Comme il a été signalé aux points 290 et 292 ci-dessus, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste en considérant que l’augmentation des parts de marché n’était pas significative et, en tout état de cause, que cette augmentation serait temporaire. Il convient d’en déduire qu’aucune capacité supplémentaire de rétention ne saurait non plus découler de la concentration à partir de la sortie du nucléaire prévue pour la fin de l’année 2022. Cette constatation est confirmée par l’étude Oxera, dont le modèle montre que, pour l’année 2024, il n’y aura aucune incitation supplémentaire de rétention par rapport à la situation avant la concentration.

322    En ce qui concerne les capacités ou incitations supplémentaires à la rétention acquises à court terme, c’est-à-dire jusqu’à la sortie du nucléaire prévue pour la fin de l’année 2022, d’une part, s’agissant des installations d’énergie renouvelable, la Commission a constaté que les participants à l’enquête de marché indiquaient que les installations fonctionnant aux énergies renouvelables n’étaient pas susceptibles d’être engagées dans des stratégies de rétention. Il convient également de constater que la requérante ne remet pas en cause la constatation de la Commission selon laquelle les installations d’énergie renouvelable présentent les coûts marginaux les plus bas des installations d’énergie, de sorte qu’elles sont les plus rentables et les moins susceptibles d’être retenues. La Commission a également vérifié si l’acquisition temporaire d’une capacité renouvelable supplémentaire pouvait inciter RWE à retenir ses installations d’énergie autres que les installations d’énergie renouvelable. À cet égard, elle a noté qu’une éventuelle hausse des prix causée par la rétention d’autres installations d’énergies aurait signifié que la rémunération des installations renouvelables par la loi EEG diminuerait. Ainsi, à la nature temporaire des possibles augmentations de la capacité de rétention, il faudrait ajouter que toute incitation supplémentaire à la rétention à court terme découlant de la capacité d’énergie renouvelable serait limitée.

323    D’autre part, quant à l’acquisition d’une participation minoritaire dans le capital des centrales nucléaires d’Emsland et de Gundremmingen C, les capacités ou incitations supplémentaires à la rétention seraient temporaires et limitées, en raison de leur arrêt d’ici à la fin de l’année 2022. Il convient également de constater que l’étude Oxera n’a pas établi l’existence d’une augmentation significative des incitations à retenir. En ce qui concerne l’énergie provenant de sources d’énergie conventionnelles, l’étude Oxera ne montre, à cet égard, aucune variation significative des prix et du nombre d’heures rentables liée au retrait d’une centrale au gaz après la concentration. Dans le cas du retrait d’une centrale au charbon, le nombre d’heures rentables est un peu plus élevé pour les années 2019 et 2022 et pratiquement identique en 2024.

324    Au vu de ce qui précède, il convient de constater que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne son analyse de la possibilité et des incitations à retenir des capacités de RWE à la suite de la concentration.

325    En troisième lieu, il convient d’analyser les préoccupations supplémentaires de la requérante liées au potentiel usage stratégique du portefeuille de production de RWE, à savoir, premièrement, l’établissement de prévisions délibérément erronées dans le domaine de l’électricité renouvelable éolienne, deuxièmement, l’usage stratégique du laps de temps entre le marché du jour d’avant et le marché infrajournalier plus volatil et, troisièmement, la manipulation des prix.

326    À cet égard, la Commission a noté, au point 71 de la décision attaquée, que la profitabilité d’une stratégie basée sur des prévisions délibérément erronées pour provoquer une demande plus forte en services d’équilibrage caractérisés par des prix plus élevés était difficile à établir et que, de surcroît, la majorité des concurrents ayant participé à l’enquête de marché avaient indiqué que les fournisseurs n’avaient généralement aucun intérêt à fournir des prévisions erronées de la production issue à partir de sources d’énergie renouvelables. La Commission a conclu, au point 72 de la décision attaquée, que la concentration ne pourrait avoir d’effets que dans deux scénarios alternatifs, à savoir si les capacités renouvelables de RWE augmentaient de manière significative ou si la position de RWE était renforcée sur le marché des services d’équilibrage et auxiliaires. La requérante n’ayant ni contesté la pertinence de ces deux scénarios ni présenté d’autres hypothèses dans lesquelles la concentration pourrait avoir des effets, il y a lieu de vérifier uniquement si ces deux scénarios se sont réalisés en l’espèce.

327    Or, en ce qui concerne les capacités éoliennes et les capacités dans le domaine des services d’équilibrage et auxiliaires, il a été conclu, respectivement au point 290 ci-dessus et au point 331 ci-après, que la Commission a pu estimer sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que les augmentations dues à la concentration étaient limitées et temporaires. En outre, la capacité ou les incitations de RWE d’arbitrer les prix de quelque façon que ce soit ne sont pas liées à la capacité ou aux incitations à retenir des capacités ou au marché d’équilibrage dans la mesure où la vente sur le marché journalier et la vente sur le marché infrajournalier ont lieu sur le même marché, celui de la production et de la fourniture en gros d’électricité. La nature limitée et temporaire de toute augmentation de la capacité de RWE aboutit à la même conclusion : la capacité et les incitations de RWE à manipuler les prix ne peuvent augmenter que d’une manière limitée et temporaire en raison de la concentration. Par conséquent, aucun des deux scénarios envisagés au point 326 ci-dessus ne s’est réalisé.

328    En tout état de cause, quel que soit l’effet que les augmentations de capacités pourraient avoir à court terme, celles-ci sont incertaines et la requérante n’a pas établi, conformément au niveau de preuve requis, l’existence d’un indice sérieux d’une entrave significative à une concurrence effective à cet égard.

329    Partant, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation dans son analyse des inquiétudes supplémentaires découlant d’un usage stratégique du portefeuille de production de RWE.

5)      Sur le rôle pivot de RWE sur le marché des services d’équilibrage et auxiliaires

330    La requérante fait valoir, en substance, que RWE aurait déjà été un fournisseur pivot sur le marché des services d’équilibrage et auxiliaires avant la concentration et que, par la concentration, le nombre d’heures au cours desquelles RWE jouerait un rôle pivot resterait le même mais qu’E.ON disparaîtrait en tant que concurrente. Selon la requérante, la Commission n’avait pas examiné de manière spécifique le fait que RWE aurait assuré un rôle pivot dans le domaine des services d’équilibrage et auxiliaires.

331    En premier lieu, il convient de relever que la Commission, au point 46 de la décision attaquée, a conclu que, dans le marché des services d’équilibrage et auxiliaires, l’augmentation résultant de la concentration serait très limitée et temporaire. La Commission a noté que la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables n’était habituellement pas utilisée à des fins d’équilibrage et que les capacités nucléaires devaient être préqualifiées pour cet usage. Cette préqualification résulte du processus entamé par un fournisseur souhaitant participer au marché d’équilibrage au moyen d’une unité de production, et qui s’est annoncé auprès du gestionnaire de réseau de transport compétent pour l’appel d’offres en matière d’énergie d’équilibrage. Or, en ce qui concerne les capacités nucléaires acquises, d’une part, la centrale d’Emsland était certes préqualifiée, mais RWE détenait déjà la totalité des droits de commercialisation de l’énergie de réserve. D’autre part, la centrale de Gundremmingen C est préqualifiée pour la constitution de réserves primaires, à savoir les premières réserves d’électricité activées automatiquement en cas de déséquilibre du réseau, et tertiaires, à savoir les troisièmes réserves d’électricité activées par le gestionnaire de réseau de transport selon un mécanisme d’ajustement, mais n’a jamais pris part à la mise aux enchères des réserves primaires.

332    Il convient de constater que la requérante reconnaît que le nombre d’heures pendant lesquelles RWE exerce un rôle pivot sur le marché des services d’équilibrage et auxiliaires ne changerait pas du fait de la concentration. En outre, l’étude Oxera relève que, dans la pratique, les centrales nucléaires ne seraient pas utilisées à des fins d’équilibrage et indique qu’il n’est pas probable que la concentration ait un effet direct sur le marché des services d’équilibrage et auxiliaires.

333    De ce fait, la concentration n’a pas d’incidence sur la mesure dans laquelle RWE est indispensable à la satisfaction de la demande totale d’électricité sur le marché des services d’équilibrage et auxiliaires. La Commission a donc conclu, sans commettre d’erreur manifeste, que le degré de rôle pivot de RWE sur le marché des services d’équilibrage et auxiliaires n’augmenterait pas.

334    En second lieu, s’agissant de l’impact de la disparition d’E.ON en tant que concurrente, il y a lieu de noter que, selon l’étude Oxera, le renforcement de la position de RWE sur le marché des services d’équilibrage et auxiliaires découlait de cette disparition. La relation entre RWE et E.ON est analysée aux points 339 à 391 ci-après, mais il est d’ores et déjà possible de constater que, avec les faibles capacités de production qu’elle conservait après la vente d’Uniper à Fortum, E.ON ne pouvait déjà plus avoir, avant la réalisation de la concentration, une importance pertinente sur le marché des services d’équilibrage et auxiliaires. De plus, les actifs cédés à RWE par le biais de la concentration n’avaient pas, avant la concentration, des capacités à des fins d’équilibrage pour les raisons détaillées au point 331 ci-dessus.

335    Il en résulte que la requérante ne parvient pas à remettre en cause le bien-fondé des constatations faites par la Commission dans la décision attaquée relatives au rôle pivot que RWE jouerait sur le marché des services d’équilibrage et auxiliaires.

6)      Conclusion

336    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que, sous réserve de l’examen du bien-fondé des arguments de la requérante relatifs à la proximité des parties à la concentration (voir points 339 à 346 ci-après) et à l’élimination durable d’E.ON (voir points 347 à 365 ci-après), la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation quant à son analyse de l’impact de la concentration sur le pouvoir de marché de RWE. À cet égard, c’est à juste titre qu’elle a considéré que l’examen des parts de marché acquises du fait de la concentration ainsi que d’autres facteurs ne révélait pas que la concentration était susceptible de modifier de manière significative le pouvoir de marché de RWE. Par conséquent, il convient de rejeter le grief de la requérante tiré d’une appréciation erronée du pouvoir de marché de RWE.

e)      Sur le quatrième grief, tiré de l’appréciation erronée de la relation entre RWE et E.ON

337    La requérante soutient, en substance, que la Commission n’a pas examiné de manière appropriée la relation entre RWE et E.ON et, en particulier, les liens d’interdépendance et la proximité entre RWE et E.ON, l’élimination durable d’E.ON, l’influence décisive de RWE sur E.ON et la répartition des marchés de l’électricité décidée par RWE et E.ON. À cet égard, si elle avait examiné de manière correcte et complète les faits liés à la relation entre RWE et E.ON et s’était pliée à une appréciation économique diligente, la Commission n’aurait pas déclaré la concentration compatible avec le marché intérieur.

338    La Commission, soutenue par E.ON et RWE, conteste les arguments de la requérante.

1)      Sur les liens d’interdépendance et la proximité entre RWE et E.ON

339    La requérante soutient que, en ne prenant pas en compte les liens d’interdépendance et la proximité entre RWE et E.ON, la Commission a erronément déterminé le pouvoir de marché de RWE.

340    Premièrement, quant aux participations directes ou indirectes de RWE et d’E.ON dans des entreprises du secteur de l’énergie en Allemagne, la requérante estime, en substance, que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation étant donné qu’elle n’a pas pris en considération les participations détenues par RWE et E.ON dans l’ensemble du secteur de l’énergie.

341    Toutefois, la requérante n’explique pas l’incidence que ces participations pourraient avoir pour l’analyse des entraves à la concurrence liées à la concentration. En effet, la requérante se borne à mentionner le nombre de participations de RWE et d’E.ON dans d’autres entreprises sans expliquer si celles-ci sont actives dans les marchés pertinents, ni les positions qu’elles occupent dans le marché, ni la manière dont leur relation avec RWE et E.ON pourrait entraver la concurrence ou si ces entraves hypothétiques seraient des conséquences liées à la concentration.

342    En outre, force est de relever que la Commission a effectivement pris en compte, lors de son appréciation de la concentration, les capacités de production détenues par des filiales et des entreprises dans le capital desquelles RWE et E.ON ont des participations. Ainsi, dans les parts de marché attribuées à RWE et à E.ON dans le tableau 1 de la décision attaquée, la Commission a imputé à RWE et à E.ON l’ensemble des capacités de production que ces dernières contrôlent de manière directe ou indirecte par l’intermédiaire de filiales. Par conséquent, la Commission a bien pris en considération les participations directes ou indirectes de RWE et d’E.ON.

343    Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel E.ON et RWE seraient structurées et positionnées de manière très similaire, elle soutient, en substance, que cette proximité constitue un indice supplémentaire du pouvoir de marché de RWE.

344    À cet égard, la requérante n’explique toutefois pas comment le parallélisme de l’évolution des cours en bourse de ces deux valeurs, ainsi que du résultat d’exploitation identifié ou le fait qu’E.ON et RWE aient leur siège dans la même ville affecteraient l’application du droit des concentrations et, en particulier, comment ces éléments pourraient avoir une incidence sur la création ou le renforcement d’une position dominante de RWE. Ces éléments ont, au contraire, une nature simplement incidente. En effet, le fait que les deux entreprises aient leur siège à Essen (Allemagne) est dénué de pertinence pour apprécier les effets de la concentration sur le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité. Quant à l’évolution parallèle de leurs revenus et de leur valeur boursière, elle peut s’expliquer par l’évolution normale de deux entreprises actives dans le même secteur.

345    Troisièmement, de même, la requérante n’explique pas comment la simple proximité géographique du personnel de RWE et d’E.ON pourrait aboutir à l’émergence d’une concertation entre les deux entreprises contraire à l’article 101 TFUE ou au droit des concentrations.

346    Partant, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne les liens d’interdépendance et la proximité entre RWE et E.ON.

2)      Sur l’élimination durable d’E.ON

347    La requérante fait valoir que la Commission aurait omis d’examiner la disparition d’E.ON et les conséquences négatives pour la concurrence qui en résultaient, ce qui serait le problème concurrentiel central posé par la concentration.

348    La requérante soutient, en substance, qu’E.ON exerçait une pression concurrentielle saine face à RWE et que le résultat le plus significatif de la concentration est la disparition durable d’E.ON en tant que concurrente potentielle dans le domaine de la production d’électricité renouvelable et sur le marché des services d’équilibrage et auxiliaires. Ainsi, la Commission aurait méconnu le point 27 des lignes directrices à la lumière de, premièrement, la proximité entre les parties à la concentration en termes de concurrence, deuxièmement, la capacité des entreprises parties à la concentration de freiner l’expansion de plus petits concurrents et, troisièmement, l’élimination par la concentration d’un important moteur de la concurrence.

349    Il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été mentionné au point 185 ci-dessus, la Commission est tenue par les communications qu’elle adopte en matière de contrôle des concentrations, dans la mesure où elles ne s’écartent pas des normes du traité et du règlement no 139/2004 (arrêts du 3 avril 2003, BaByliss/Commission, T‑114/02, EU:T:2003:100, point 143, et du 7 juin 2013, Spar Österreichische Warenhandels/Commission, T‑405/08, non publié, EU:T:2013:306, point 58).

350    Or, les lignes directrices n’exigent pas un examen dans tous les cas de tous les éléments qu’elles mentionnent, la Commission disposant d’un pouvoir d’appréciation lui permettant de prendre ou de ne pas prendre en considération certains éléments (arrêt du 7 juin 2013, Spar Österreichische Warenhandels/Commission, T‑405/08, non publié, EU:T:2013:306, point 274).

351    Enfin, le contrôle juridictionnel du Tribunal sur la décision attaquée ne saurait se limiter au seul examen de la prise en compte ou de l’ignorance par la Commission d’éléments mentionnés dans les lignes directrices comme pertinents pour l’appréciation des effets d’une concentration sur la concurrence. Le Tribunal doit également considérer, dans le cadre de ce contrôle, si les éventuelles omissions de la Commission sont susceptibles de mettre en cause sa conclusion selon laquelle la présente concentration ne soulève pas de doutes sérieux au regard de sa compatibilité avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2007, Sun Chemical Group e.a./Commission, T‑282/06, EU:T:2007:203, point 61 et jurisprudence citée).

352    Il convient de constater qu’il ressort de la décision attaquée que les parts de marché détenues par RWE avant la concentration (en 2017) étaient limitées, à savoir comprises entre 20 % et 30 % (plus précisément [confidentiel] %) dans le marché de la production totale d’électricité en Allemagne, entre 30 % et 40 % (plus précisément [confidentiel] %) dans le marché de la production de l’électricité conventionnelle en Allemagne et entre 0 % et 5 % (plus précisément [confidentiel] %) dans le marché de la production de l’électricité renouvelable en Allemagne et que les augmentations respectives après la concentration s’élevant entre 0 % et 1 % (à savoir [confidentiel] %), entre 0 % et 1 % (à savoir [confidentiel] %) et entre 0 % et 1 % (à savoir [confidentiel] %) dans ces marchés sont limitées (points 27 à 29 de la décision attaquée). L’augmentation serait même plus réduite dès lors que certains des actifs de production d’innogy seront transférés à E.ON à titre permanent à l’issue de la concentration M.8870, de sorte que l’augmentation des parts de marché de RWE après la concentration serait de [confidentiel] %, [confidentiel] % et [confidentiel] % dans ces marchés respectifs (points 33 et 34 de la décision attaquée).

353    Par rapport à la production d’électricité renouvelable, la Commission a constaté, à la lumière des parts de marché et à juste titre, que cette production était fragmentée, répartie entre de nombreux fournisseurs, et qu’avec [confidentiel] TWh en 2017, RWE possédait une part située entre 0 % et 5 %, à savoir inférieure à [confidentiel] %, et que les actifs d’E.ON étaient encore moins importants, avec [confidentiel] TWh, soit entre 0 % et 1 %, à savoir [confidentiel] % (point 29 de la décision attaquée). La Commission a également constaté, par rapport à la capacité totale installée, que RWE possédait une part située entre 0 % et 5 %, à savoir [confidentiel] %, et que la capacité de production issue de sources d’énergie renouvelables des actifs d’E.ON s’élevait à [confidentiel] MW environ, ce qui représente entre 0 % et 1 %, approximativement [confidentiel] %, de la capacité installée de production allemande issue de sources d’énergie renouvelables (note de bas de page no 31 de la décision attaquée).

354    Comme il ressort des points 290, 292 et 321 ci-dessus, la Commission a conclu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que l’augmentation des parts de marché de RWE en raison de la concentration était limitée et temporaire.

355    Au vu de ce qui précède, même si la Commission a omis d’analyser certains éléments qui seraient requis par le point 27 des lignes directrices, de telles omissions ne seraient pas susceptibles de remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle la concentration ne soulève pas de doutes sérieux au regard de sa compatibilité avec le marché intérieur.

356    En outre, la requérante se méprend sur la portée du point 27 des lignes directrices. Les lignes directrices mentionnent comme éléments concurrentiels à examiner dans le cadre des effets non coordonnés, premièrement, si les parties à la concentration sont des concurrents proches (points 28 à 30), deuxièmement, si l’entité issue de la concentration peut freiner l’expansion des concurrents (point 36) ou, troisièmement, si l’opération de concentration élimine un important moteur de la concurrence (points 37 et 38).

357    Or, à cet égard, premièrement, il suffit de rappeler que les parties à la concentration sont RWE et les actifs d’E.ON, et non RWE et E.ON, de sorte qu’E.ON ne va pas disparaître du fait de la concentration. Deuxièmement, la requérante paraît affirmer que RWE et E.ON sont des concurrentes proches et qu’elles pourraient freiner l’expansion des autres concurrents. Toutefois, la question est de savoir si, d’une part, les actifs d’E.ON acquis par RWE et RWE sont des concurrents proches et, d’autre part, si les actifs d’E.ON acquis par RWE et RWE peuvent freiner l’expansion des concurrents. Or, la requérante part de la prémisse erronée que RWE a acquis l’entièreté d’E.ON par le biais de sa participation minoritaire, ce qui n’est pas correct, ainsi qu’il est établi aux points 366 à 391 ci-après.

358    Troisièmement, en ce qui concerne la disparition de la pression concurrentielle sur RWE exercée par E.ON en raison de la concentration, il convient de relever que la simple baisse de la pression concurrentielle qui résulterait, notamment, de la disparition d’une entreprise ayant un rôle plus important que ses parts de marché ne le laisseraient entendre ne suffirait pas, en elle-même, à prouver une entrave significative à une concurrence effective.

359    À cet égard, il convient de constater que la réduction de la capacité de production d’E.ON n’est pas seulement la conséquence de la concentration.

360    En effet, d’une part, sans que cela soit contesté par la requérante, force est de relever qu’E.ON avait déjà pris la décision, de manière autonome, de céder des parties essentielles de son activité de production d’électricité conventionnelle, à l’exception essentiellement des capacités des centrales nucléaires, à son ancienne filiale, Uniper, et de vendre la part qu’elle détenait dans le capital de cette dernière à Fortum.

361    D’autre part, la fermeture des centrales nucléaires d’E.ON devant intervenir, au plus tard à la fin de l’année 2022, a été décidée par le législateur allemand, de sorte que, même si E.ON avait conservé ces actifs, elle n’aurait plus pu les exploiter à partir de cette date. Ainsi, l’activité de production d’électricité d’E.ON avait déjà fortement diminué avant la concentration et avait vocation à diminuer encore davantage.

362    De surcroît, il peut être déduit du tableau 1 de la décision attaquée que seulement environ [confidentiel] de la production totale d’E.ON en 2017 sera acquise par RWE. Par rapport à l’énergie conventionnelle, la partie de la production totale d’E.ON en 2017 acquise par RWE sera seulement d’environ [confidentiel] (tableau 2 de la décision attaquée). Quant à l’énergie renouvelable, RWE acquerra quatre septièmes de la production d’E.ON (tableau 3 de la décision attaquée). Ainsi, E.ON ne disparaît pas en tant que concurrente à la suite de la concentration.

363    Par conséquent, si l’importance d’E.ON sur le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité est en train de diminuer, cela n’est pas exclusivement lié à la concentration, mais résulte également d’autres opérations engagées par cet opérateur.

364    Par ailleurs, il convient encore de relever que la Commission a tenu compte de critères allant au-delà des parts de marché (points 48 et suivants de la décision attaquée). Ainsi, si la Commission a évalué le rapport concurrentiel entre E.ON et RWE sur la base, principalement, de l’analyse des parts de marché, il n’en demeure pas moins que la Commission a examiné d’autres éléments comme le rôle pivot ou les capacités de rétention de RWE (voir point 267 ci-dessus), ainsi que la participation minoritaire de RWE dans E.ON (voir point 372 ci-après).

365    Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas méconnu le point 27 des lignes directrices.

3)      Sur l’influence décisive de RWE sur E.ON

366    La requérante soutient que la participation dans E.ON ne conférerait pas seulement à RWE une influence décisive sur d’importantes décisions d’entreprise, mais que l’effet et le véritable objectif de l’opération globale seraient plutôt de permettre à RWE de contrôler l’activité opérationnelle d’E.ON et d’exclure concrètement et durablement E.ON de la concurrence concernant la production, écartant la possibilité qu’E.ON redevienne à nouveau producteur et concurrent de RWE. Ainsi, RWE pourrait restreindre la concurrence et renforcer sa position dans la production par le biais de son influence en tant qu’actionnaire d’E.ON.

367    À titre liminaire, il convient de préciser que, dans le cadre du contrôle juridictionnel du fond de la décision attaquée, le Tribunal ne doit pas examiner si l’influence exercée par RWE sur E.ON était déterminante, au sens de l’article 3 du règlement no 139/2004, mais uniquement si RWE était susceptible d’exercer une influence décisive sur E.ON (voir point 76 de la décision attaquée), de sorte que la concentration soit susceptible de créer une entrave significative à la concurrence effective au sens de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 139/2004.

368    À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé au point 114 ci-dessus, lorsque l’interprétation littérale d’une disposition de droit de l’Union ne permet pas d’en apprécier la portée exacte, il y a lieu d’interpréter la réglementation en cause en se fondant tant sur sa finalité que sur son économie générale.

369    S’agissant des objectifs poursuivis par le règlement no 139/2004, il ressort de ses considérants 5, 6 et 8 que celui-ci vise à s’assurer que les restructurations des entreprises n’entraînent pas de préjudice durable pour la concurrence. Par conséquent, selon ces considérants, le droit de l’Union doit comporter des dispositions applicables aux concentrations qui seraient susceptibles d’entraver de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci et permettant un contrôle effectif de toutes les concentrations en fonction de leur effet sur la structure de la concurrence dans l’Union. Dès lors, ce règlement devrait s’appliquer aux modifications structurelles importantes dont l’effet sur le marché s’étend au-delà des frontières nationales d’un État membre (arrêt du 7 septembre 2017, Austria Asphalt, C‑248/16, EU:C:2017:643, points 20 et 21).

370    D’un point de vue concurrentiel, la détention de participations minoritaires entre concurrents peut aussi produire des effets anticoncurrentiels coordonnés en influant sur la capacité et la motivation des acteurs du marché à s’entendre tacitement ou explicitement afin de réaliser des bénéfices supraconcurrentiels.

371    Dès lors, la Commission est tenue de vérifier, dans le cadre de l’analyse de la concentration, si la participation minoritaire acquise par RWE dans E.ON est susceptible d’aboutir à une entrave significative de la concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci.

372    En l’espèce, la Commission a analysé, dans la décision attaquée, d’une part, les effets horizontaux, à savoir la réduction de l’intérêt de RWE et d’E.ON à entrer en concurrence dans le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité, et, d’autre part, les effets verticaux, définis comme la capacité ou l’intérêt de RWE et d’E.ON à exclure des concurrents en amont et en aval (points 75 et 79 à 95 de la décision attaquée).

373    La Commission, RWE et E.ON font mention de l’accord de relations entre investisseurs conclu entre RWE et E.ON pour minimiser l’influence que RWE pourrait avoir sur E.ON à la suite de l’acquisition d’une participation minoritaire de 16,67 %.

374    Premièrement, il ressort de cet accord que les droits de vote pouvant être exercés par RWE sont limités à 16,67 % lors des assemblées des actionnaires, quel que soit le taux de présence (point 76 de la décision attaquée).

375    Cette limitation a pu conduire la Commission à estimer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que RWE n’aurait aucune influence significative sur l’exploitation journalière des actifs de production d’E.ON (point 81 de la décision attaquée). À cet égard, même si RWE devient, par cette participation, le plus gros actionnaire d’E.ON et si l’actionnariat d’E.ON est fragmenté, il n’en demeure pas moins que les droits de vote de RWE seront toujours limités à la taille de sa participation, quel que soit le nombre d’actions représentées lors du vote à l’assemblée des actionnaires, ce qui empêche, de fait, RWE d’adopter des décisions stratégiques et d’obtenir même un contrôle négatif sur E.ON par le biais d’une minorité de blocage au sein de l’assemblée des actionnaires.

376    La dispersion de l’actionnariat d’E.ON n’est pas susceptible de remettre en cause cette appréciation. En effet, même si le taux de présence aux assemblées générales peut être plus réduit lorsque l’actionnariat d’une entreprise est fragmenté, les droits de vote de RWE seront toujours limités à 16,67 %.

377    De surcroît, par le biais de cet accord, RWE s’engage à ne pas exercer ses droits de vote conjointement avec d’autres actionnaires minoritaires, à ne pas acquérir de parts supplémentaires, à ne pas modifier la structure juridique ou financière ni la gestion d’E.ON et à ne pas utiliser ses droits de vote contre le conseil d’administration ou le conseil de surveillance.

378    Toutes ces limitations à l’exercice des droits sociaux de RWE restreignent l’influence que serait susceptible d’exercer RWE sur E.ON.

379    La requérante considère, à tort, que l’accord de relations entre investisseurs est dénué de pertinence à cause de sa nature contractuelle.

380    À cet égard, il convient de relever que, dans le cadre de l’application de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 139/2004, le contrôle découle des droits, contrats ou autres moyens conférant la possibilité d’exercer une influence déterminante. A contrario, le manque de possibilité d’exercer une influence déterminante peut provenir de dispositions contractuelles. Par analogie, l’existence ou l’absence d’une influence décisive susceptible de contribuer à la création d’une entrave significative à la concurrence effective au sens de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 139/2004 doit pouvoir découler d’une disposition contractuelle.

381    En tout état de cause, et indépendamment du traitement de cet accord par le droit allemand, le non-respect de l’accord de relations entre investisseurs ou une modification de cet accord, dans la mesure où ce non-respect permettrait à RWE d’acquérir une influence déterminante sur E.ON, en fait ou en droit, devrait être examiné en tant que nouvelle concentration soumise à l’obligation de notification au titre de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 139/2004.

382    Ainsi, l’argument selon lequel RWE obtiendrait une influence décisive sur E.ON à la suite de l’acquisition de la participation minoritaire, compte tenu du fait que RWE deviendrait le plus gros actionnaire individuel d’E.ON et que l’actionnariat d’E.ON est fragmenté, n’est pas étayé par les faits. Dès lors, la requérante ne parvient pas à démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation à cet égard.

383    Deuxièmement, concernant l’impact d’une participation faible aux assemblées générales sur la capacité de RWE à influencer E.ON, il suffit de relever que la limitation que l’accord de relations entre investisseurs impose sur les droits de vote de RWE empêche RWE d’exercer une influence décisive sur l’assemblée générale d’E.ON. Même si, comme le prétend la requérante, le taux de présence à une assemblée générale d’E.ON n’était que de 38,35 % en moyenne au cours des sept années précédant la concentration, RWE ne pourrait pas exercer ses droits de vote à hauteur de plus de 6,39 % du capital social d’E.ON. L’argument selon lequel l’histoire et la culture communes et le chevauchement de leurs activités dans le marché sont autant d’indices que RWE poursuit des intérêts stratégiques au sein d’E.ON, et pas seulement des intérêts financiers, est dénué de pertinence à la lumière des stipulations de l’accord de relations entre investisseurs.

384    Troisièmement, la requérante soutient que la Commission n’a pas examiné de manière appropriée l’influence groupée exercée par RWE et [confidentiel]. À cet égard, la requérante fait valoir que [confidentiel] détenait, au moment de l’adoption de la décision attaquée, environ 6,5 % des actions d’E.ON et environ 6,18 % des actions de RWE.

385    Il convient de remarquer que les « actionnariats communs », autrement dit la détention par les mêmes investisseurs institutionnels d’actions dans des entreprises concurrentes et ses effets concurrentiels non coordonnés, ont été récemment pris en considération par la Commission.

386    Dans sa pratique décisionnelle, la Commission a estimé que, en présence d’un actionnariat commun, qui était une réalité dans certains secteurs, les mesures de concentration, telles que les parts de marché ou l’IHH, étaient susceptibles de sous-estimer le niveau de concentration de la structure de marché et, par conséquent, le pouvoir de marché des parties. Dès lors, l’actionnariat commun dans ces industries devait être considéré comme un élément de contexte dans l’appréciation de toute entrave significative à la concurrence effective [voir, à titre d’exemples, décision C(2017) 1946 final de la Commission, du 27 mars 2017, déclarant une concentration compatible avec le marché intérieur et avec le fonctionnement de l’accord EEE (Affaire M.7932 – Dow/DuPont), points 4 et 81, et décision C(2018) 1709 final de la Commission, du 21 mars 2018, déclarant une concentration compatible avec le marché intérieur et avec le fonctionnement de l’accord EEE (Affaire M.8084 – Bayer/Monsanto), points 224 et 3303].

387    Or, même à supposer que la réduction des pressions concurrentielles sur les autres concurrents puisse résulter d’un actionnariat commun, le seul effet de cette réduction n’est en principe pas à lui seul suffisant pour démontrer une entrave significative à une concurrence effective dans le cadre d’une théorie du préjudice fondée sur des effets non coordonnés.

388    En l’espèce, la requérante n’a pas avancé d’indices pour soutenir la plausibilité de l’existence d’une quelconque coordination entre [confidentiel] et RWE aux assemblées générales d’E.ON. À cet égard, la requérante n’explique pas dans quelle mesure [confidentiel] intervient dans la gestion d’E.ON ou de RWE. Même à supposer établie une capacité d’influence sur la gestion d’E.ON ou de RWE, la requérante reste en défaut d’identifier des indices capables d’établir que la présence de [confidentiel] dans le capital de RWE et d’E.ON constitue un élément indiquant qu’il existe déjà une tendance à la domination collective (voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2002, Airtours/Commission, T‑342/99, EU:T:2002:146, point 91).

389    L’omission de toute mention par la Commission d’une telle relation ne saurait donc constituer une erreur manifeste d’appréciation de sa part.

390    Quatrièmement, en ce qui concerne l’influence sur la composition des conseils d’administration et de surveillance, il convient de relever que, selon l’article 12, paragraphe 3, des statuts d’E.ON, les résolutions du conseil de surveillance d’E.ON sont adoptées à la majorité simple des suffrages exprimés et qu’aucune résolution du conseil de surveillance d’E.ON ne nécessite de majorité qualifiée pour être adoptée. Avec un membre sur quatorze, RWE n’a qu’un poids très restreint au sein du conseil de surveillance d’E.ON et n’est donc pas en mesure d’opposer un véto à l’adoption des résolutions du conseil de surveillance d’E.ON. Quant au conseil d’administration, dont les membres sont nommés par le conseil de surveillance, il suffit de relever que, dès lors que RWE ne contrôle pas le conseil de surveillance, elle ne contrôle pas non plus le conseil d’administration.

391    Il convient donc de constater que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne l’influence que RWE a sur E.ON en raison de l’acquisition d’une participation minoritaire.

4)      Sur la répartition des marchés de l’électricité décidée par RWE et E.ON

392    La requérante soutient en substance que, par l’opération globale, RWE et E.ON se sont réparti les étapes de la chaîne de valeur sur le marché allemand de l’électricité ce qui représente une restriction de la concurrence, en violation de l’article 101 TFUE.

393    Il convient de relever que, ainsi qu’il résulte de l’article 21, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, ce dernier est seul applicable aux concentrations telles que définies à l’article 3 de ce règlement, pour lesquelles le règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1) ne trouve, en principe, pas à s’appliquer. En revanche, ce dernier règlement demeure applicable aux comportements des entreprises qui, sans constituer une opération de concentration au sens du règlement no 139/2004, sont néanmoins susceptibles d’aboutir à une coordination entre elles contraire à l’article 101 TFUE et qui, pour ce motif, sont soumis au contrôle de la Commission ou des autorités de concurrence nationales (arrêt du 7 septembre 2017, Austria Asphalt, C‑248/16, EU:C:2017:643, points 32 et 33).

394    Le fait que l’objet de la décision attaquée concerne une opération de concentration n’est pas contesté. Au vu de ce qui précède, l’argument tiré d’une violation de l’article 101 TFUE est inopérant.

5)      Conclusion

395    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a apprécié la relation entre RWE et E.ON et la manière dont celle-ci serait susceptible d’être modifiée en raison de la concentration et, par conséquent, d’impacter la concurrence sur le marché intérieur. Il convient, dès lors, de rejeter le grief de la requérante relatif à une appréciation erronée de la relation entre RWE et E.ON.

f)      Conclusion sur le cinquième moyen

396    Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’a pas commis d’erreurs manifestes d’appréciation lors de la définition du marché pertinent, la délimitation de la période d’analyse, l’appréciation du pouvoir de marché de RWE ainsi que celle de la relation entre RWE et E.ON. Par conséquent, la Commission a conclu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que la concentration ne soulevait pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004.

397    Il convient, dès lors, de rejeter l’ensemble du cinquième moyen.

7.      Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de diligence

398    La requérante fait valoir, en substance, que la Commission aurait examiné les faits de manière insuffisante, en violation de son obligation de diligence. Ainsi, la Commission n’aurait pas constaté, avec circonspection et soin, les circonstances susceptibles d’avoir une incidence sur le résultat du processus décisionnel. Elle n’aurait pas non plus pris en considération les éléments factuels et les informations soumis par les parties et les tiers ayant participé à la procédure ou tenu compte d’autres paramètres pertinents.

399    La Commission conteste les arguments de la requérante.

400    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans les cas où les institutions de l’Union disposent d’un pouvoir d’appréciation, comme dans le domaine du contrôle des concentrations, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figurent, notamment, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce, le droit de l’intéressé de faire connaître son point de vue ainsi que celui de voir motiver la décision de façon suffisante (arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14, et du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T‑342/07, EU:T:2010:280, point 31).

401    Dans le domaine du contrôle des concentrations, la Commission dispose, selon une jurisprudence bien établie, d’une marge d’appréciation, notamment pour ce qui est des appréciations d’ordre économique. Le respect par celle-ci des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives, dont l’obligation de diligence qui lui impose d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce, prend donc, dans ledit domaine, d’autant plus d’importance (arrêt du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, EU:T:2009:144, point 164).

402    La Commission étant soumise, dans ce domaine, au respect de l’obligation de diligence dans le cadre de son action, il lui incombe de constater, avec le soin nécessaire, les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice de son pouvoir d’appréciation en rassemblant les éléments factuels indispensables à l’exercice dudit pouvoir et susceptibles d’avoir une incidence significative sur le résultat du processus décisionnel. Cette obligation implique, premièrement, que la Commission est tenue de prendre en considération tant les éléments factuels et les informations qui lui sont soumis par les parties notifiantes que ceux soumis par tout autre tiers participant activement à la procédure et, deuxièmement, qu’elle est tenue, le cas échéant, de rechercher lesdits éléments factuels par le biais d’enquêtes de marché ou de demandes de renseignements adressées aux acteurs du marché (arrêt du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, EU:T:2009:144, point 165).

403    Cependant, il y a lieu de relever que, dans ce domaine, l’exigence du respect par la Commission des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives, et donc également celle du respect de l’obligation de diligence, doit être interprétée, à l’instar de celle du respect du devoir de motivation, d’une façon compatible avec l’impératif de célérité qui caractérise l’économie générale du règlement no 139/2004 et qui impose à la Commission de respecter des délais stricts lorsqu’elle exerce son pouvoir d’appréciation (voir arrêt du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, EU:T:2009:144, point 166 et jurisprudence citée).

404    À la lumière des constatations faites notamment dans le cadre du cinquième moyen, il ne saurait être nié que la Commission a examiné avec le soin nécessaire tous les éléments de fait et de droit pertinents, puisqu’elle a pris en considération tous les éléments factuels et les informations fournis tant par la partie notifiante que par les tiers ayant participé à la procédure. La Commission a également fait ses propres recherches par le biais de l’enquête de marché et de demandes de renseignements adressées aux acteurs du marché. Il ressort d’ailleurs clairement de la décision attaquée que la Commission a tenu compte des résultats de ces recherches.

405    Il convient, dès lors, de rejeter le sixième moyen.

C.      Sur la demande de comparution personnelle ou, à titre subsidiaire, d’audition de témoins

406    Le 30 mai 2022, la requérante a déposé auprès du greffe du Tribunal une demande de comparution personnelle, lors de l’audience, de A, ancien président d’E.ON, de B, ancien président de RWE, et de C, directeur de la huitième division décisionnelle de l’Office fédéral des ententes. À titre subsidiaire, elle a demandé qu’une audition de ces témoins soit organisée.

407    La Commission, E.ON et RWE s’opposent, en substance, à la comparution personnelle et, à titre subsidiaire, à l’audition des personnes mentionnées au point précédent.

408    À cet égard, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (voir arrêt du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 77 et jurisprudence citée).

409    Il appartient ainsi au Tribunal d’apprécier la pertinence d’une demande de comparution personnelle ou d’audition de témoins par rapport à l’objet du litige et à la nécessité de procéder à une comparution personnelle ou à l’audition des témoins cités (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 78 et jurisprudence citée).

410    En l’espèce, outre l’absence d’explication par la requérante, conformément à l’article 88, paragraphe 2, du règlement de procédure, des raisons pour lesquelles ces demandes de mesures d’instruction n’ont été présentées qu’après que la phase écrite de la procédure a été clôturée et seulement deux semaines avant l’audience et leur caractère imprécis, dès lors que la requérante n’a pas indiqué les points spécifiques sur lesquels il aurait convenu d’entendre ces trois personnes, il doit être relevé que les éléments contenus dans le dossier et les explications données lors de l’audience sont suffisants pour permettre au Tribunal de se prononcer, celui-ci ayant pu utilement statuer sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés en cours d’instance et au vu des documents déposés par les parties.

411    Il n’y a donc pas lieu de donner suite aux demandes de mesures d’instruction.

412    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

413    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, par E.ON et par RWE, conformément aux conclusions de ces dernières.

414    En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. La République fédérale d’Allemagne supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Stadtwerke Leipzig GmbH supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne, par E.ON SE et par RWE AG.

3)      La République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.

Gervasoni

Madise

Nihoul

Frendo

 

      Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 mai 2023.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Entreprises en cause

B. Contexte de la concentration

C. Procédure administrative

D. Décision attaquée

II. Conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la recevabilité

B. Sur le fond

1. Considérations liminaires

2. Sur le premier moyen, tiré d’une scission erronée de l’analyse de l’opération globale

a) Sur la portée du premier moyen

b) Sur le contrôle de la concentration B8-28/19

c) Sur l’existence d’une concentration unique

1) Sur la notion de « concentration unique »

2) Application en l’espèce

i) Sur la condition relative à l’interdépendance des opérations en cause

ii) Sur la condition relative au résultat

3) Notion de « concentration unique » et exigence d’une appréciation globale

d) Conclusion

3. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

4. Sur le troisième moyen, tiré de la violation du droit de la requérante d’être entendue

5. Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du droit à une protection juridictionnelle effective

6. Sur le cinquième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation

a) Considérations liminaires

b) Sur le premier grief, tiré d’une définition erronée du marché pertinent

c) Sur le deuxième grief, tiré d’une délimitation erronée de la période d’analyse

d) Sur le troisième grief, tiré de l’appréciation erronée du pouvoir de marché de RWE

1) Sur les éléments pris en compte par la Commission aux fins de son analyse du pouvoir de marché de RWE

2) Sur l’analyse des parts de marché

3) Sur le rôle pivot de RWE sur le marché de la production et de la fourniture en gros d’électricité

4) Sur les incitations de RWE à des stratégies de rétention de capacité et à d’autres usages stratégiques de son portefeuille de production

5) Sur le rôle pivot de RWE sur le marché des services d’équilibrage et auxiliaires

6) Conclusion

e) Sur le quatrième grief, tiré de l’appréciation erronée de la relation entre RWE et E.ON

1) Sur les liens d’interdépendance et la proximité entre RWE et E.ON

2) Sur l’élimination durable d’E.ON

3) Sur l’influence décisive de RWE sur E.ON

4) Sur la répartition des marchés de l’électricité décidée par RWE et E.ON

5) Conclusion

f) Conclusion sur le cinquième moyen

7. Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de diligence

C. Sur la demande de comparution personnelle ou, à titre subsidiaire, d’audition de témoins

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’allemand.


1 Données confidentielles occultées.