Language of document : ECLI:EU:T:2018:50

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

1er février 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Marque de l’Union européenne figurative SANTORO – Marque de l’Union européenne verbale antérieure SANGRE DE TORO – Motif relatif de refus – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑102/17,

Cantina e oleificio sociale di San Marzano, établie à San Marzano di San Giuseppe (Italie), représentée initialement par Mes F. Jacobacci et E. Truffo, puis par Me I. Carli, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. P. Sipos, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Miguel Torres, SA, établie à Vilafranca del Penedés (Espagne), représentée par Me J. Güell Serra, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 1er décembre 2016 (affaire R 2018/2015-2), relative à une procédure d’opposition entre Miguel Torres et Cantina e oleificio sociale di San Marzano,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, V. Kreuschitz (rapporteur) et Mme N. Półtorak, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 17 février 2017,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 2 mai 2017,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 11 mai 2017,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 5 novembre 2013, la requérante, Cantina e oleificio sociale di San Marzano, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ; eaux de vie ; alcool de menthe ; alcool de riz ; spiritueux ; amers [liqueurs] ; anisette ; anisette ; apéritif ; arak/arac [arack] ; boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ; boissons alcoolisées contenant des fruits ; boissons alcoolisées pré-mélangées autres qu’à base de bière ; boissons distillées ; cocktails ; curaçao ; digestifs [alcools et liqueurs] ; essences alcooliques ; extraits alcooliques ; extraits de fruits avec alcool ; genièvre [eau–de-vie] ; hydromel ; kirsch ; liqueurs ; nira [boisson alcoolisée à base de canne à sucre] ; rhum ; saké ; cidres ; poiré ; piquette ; vins ; vodka ; whisky. ».

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 234/2013, du 10 décembre 2013.

5        Le 10 mars 2014, l’intervenante, Miguel Torres, SA, a formé opposition au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001) à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés de la classe 33.

6        Les marques antérieures invoquées au soutien de l’opposition étaient la marque espagnole verbale SANGRE DE TORO, enregistrée sous le numéro 280818, désignant, notamment, les produits « vins mousseux, œnologie, vins, vermouths », de la classe 33, et la marque de l’Union européenne verbale SANGRE DE TORO, enregistrée sous le numéro 462309, désignant les produits « boissons alcoolisées (à l’exception des bières) », de la classe 33.

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement no 207/2009 (devenus article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001).

8        Le 28 août 2014, la requérante a demandé la limitation de la liste des produits aux « vins italiens ». L’EUIPO a accepté cette limitation.

9        Par décision du 25 août 2015, la division d’opposition a rejeté l’opposition, au motif qu’il n’y avait pas de risque de confusion entre les marques en conflit.

10      Le 6 octobre 2015, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 1er décembre 2016, la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a fait droit au recours et a annulé la décision de la division d’opposition (ci-après la « décision attaquée »). La chambre de recours a estimé, en substance, qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, compte tenu du caractère identique des produits et des similitudes des signes visés par la marque demandée et la marque de l’Union européenne verbale antérieure SANGRE DE TORO.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

13      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens. Le premier est tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 au motif que la chambre de recours n’aurait pas correctement apprécié la similitude des produits en cause. Le deuxième est tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 au motif que la chambre de recours n’aurait pas correctement apprécié la similitude des signes en conflit. Le troisième est tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 et d’une dénaturation des preuves eu égard à l’appréciation de la renommée de la marque antérieure.

 Observations liminaires

15      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), i), du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 2, sous a), i), du règlement 2017/1001), il convient d’entendre par marques antérieures les marques de l’Union européenne dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

16      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

17      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

18      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

19      Par ailleurs, lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union européenne, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits et des services en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

20      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner, au vu de l’appréciation exposée par la chambre de recours dans la décision attaquée, l’argumentation de la requérante tirée de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 en tant qu’elle est dirigée contre le refus d’enregistrement de la marque demandée aux fins de désigner des produits relevant de la classe 33.

 Sur le premier moyen, tiré de la similitude des produits

21      La requérante conteste le raisonnement selon lequel les produits en cause sont identiques ou au moins similaires, puisque la sous-catégorie de produits pour laquelle son signe devait être protégé, à savoir les vins italiens, est comprise dans les produits désignés par la marque antérieure, à savoir les boissons alcoolisées à l’exception des bières.

 Sur la recevabilité

22      L’EUIPO estime que le premier moyen est irrecevable, parce qu’il se limite à des affirmations qui ne sont ni claires ni cohérentes.

23      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 177, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête dans un recours dirigé contre une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO doit contenir l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens.

24      Pour qu’un recours soit recevable, il faut que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même [arrêt du 18 octobre 2016, Eveready Battery Company/EUIPO – Hussain (POWER EDGE), T‑824/14, non publié, EU:T:2016:614, point 15]. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui [arrêts du 9 juillet 2010, Exalation/OHMI (Vektor-Lycopin), T‑85/08, EU:T:2010:303, point 33, et du 13 septembre 2016, Perfetti Van Melle Benelux/EUIPO – PepsiCo (3D), T‑390/15, non publié, EU:T:2016:463, point 16].

25      En l’espèce, il ressort à suffisance de la requête que la requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les produits en cause sont identiques, car les produits visés par la marque antérieure ne seraient pas les boissons alcoolisées, à l’exception des bières, mais les vins espagnols.

26      L’exposé des arguments de la requérante a été suffisamment clair pour permettre à l’EUIPO et à l’intervenante de préparer leur défense, ainsi que cela ressort de leurs mémoires en réponse respectifs, et de permettre au Tribunal de statuer sur le présent moyen, ainsi que cela ressort des appréciations exposées ci-après.

27      Partant, le premier moyen est recevable et doit être examiné sur le fond.

 Sur le fond

28      À l’appui de sa contestation du raisonnement selon lequel les produits en cause sont identiques ou au moins similaires, puisque les produits pour laquelle son signe devait être enregistré sont compris dans la catégorie plus large des produits visés par la marque antérieure, la requérante estime que ledit raisonnement constitue une interprétation erronée des enseignements des arrêts du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys (C‑307/10, EU:C:2012:361), et du 14 juillet 2005, Reckitt Benckiser (España)/OHMI – Aladin (ALADIN) (T‑126/03, EU:T:2005:288). Il ressortirait de ces arrêts que l’exactitude de la description est le critère essentiel d’interprétation à appliquer à la lecture de la liste des produits et des services protégés par un enregistrement, afin que les limites de la protection soient pleinement comprises et interprétées par tout tiers éventuel et notamment les concurrents potentiels.

29      La requérante estime que, en l’espèce, l’intervenante a demandé la protection d’une large gamme de produits, mais n’a démontré un usage sérieux de la marque que pour un seul type de produits, à savoir le vin de Catalogne (Espagne). Par conséquent, la protection de la marque antérieure devrait se limiter au vin espagnol, qui peut être rouge ou blanc, et il n’existerait pas de proximité entre ces produits et les vins italiens de la marque demandée, qui sont exclusivement des vins rouges. Selon la requérante, lesproduits désignés par la marque antérieure et le produit désigné par la marque demandée seraient si différents en raison de leur origine, de leur méthode de production, du cépage utilisé, des canaux de distribution et des indications géographiques que la marque demandée ne risquerait pas d’évoquer les marques antérieures dans l’esprit du public concerné, de sorte que la décision attaquée devrait être annulée.

30      L’EUIPO et l’intervenante estiment que la chambre de recours a considéré à bon droit que les produits étaient identiques.

31      Au vu de ces arguments, il importe d’observer que la contestation par la requérante de l’identité des produits visés par les signes en conflit se fonde sur la prémisse que la marque antérieure ne protège que le vin espagnol. En effet, selon la requérante, l’intervenante n’aurait démontré l’usage sérieux de sa marque que pour le vin de Catalogne, de sorte que ladite marque ne protègerait que le vin espagnol. Il n’y aurait dès lors pas de similitude entre les vins italiens et espagnols.

32      En outre, il importe de rappeler que la marque de l’Union européenne verbale antérieure SANGRE DE TORO fondant l’opposition désigne les boissons alcoolisées, à l’exception des bières.

33      En vertu de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), sur requête du demandeur, le titulaire d’une marque de l’Union européenne antérieure qui a formé opposition apporte la preuve que, au cours des cinq dernières années qui précèdent la publication de la demande de marque de l’Union européenne, la marque de l’Union européenne antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée. À défaut d’une telle preuve, l’opposition est rejetée.

34      En l’espèce, la requérante n’a pas demandé la preuve de l’usage sérieux de la marque de l’Union européenne antérieure au cours de la procédure devant l’EUIPO. Par conséquent, l’étendue de la protection conférée par ladite marque ne saurait être limitée aux seuls vins espagnols. Les produits protégés par ladite marque sont dès lors les boissons alcoolisées, à l’exception des bières.

35      De plus, il a été jugé que les modalités particulières de commercialisation des produits en cause ne sont pas pertinents aux fins de l’analyse prospective du risque de confusion entre lesdites marques, dès lors que celles–ci peuvent varier dans le temps et en fonction de la volonté des titulaires des marques en conflit (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2007, T.I.M.E. ART/OHMI, C‑171/06 P, non publié, EU:C:2007:171, point 59).

36      Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a apprécié le risque de confusion entre les marques en conflit en comparant les boissons alcoolisées, à l’exception de la bière, visées par la marque antérieure et les vins italiens, visés par la marque demandée.

37      Elle a également conclu à juste titre que les produits étaient identiques. En effet, selon une jurisprudence constante, lorsque les produits visés par la marque antérieure incluent les produits visés par la marque demandée, ces produits sont considérés comme identiques [arrêts du 7 juillet 2005, Miles International/OHMI – Biker Miles (Biker Miles), T‑385/03, EU:T:2005:276, point 32 ; du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 34, et du 2 juin 2010, Procaps/OHMI – Biofarma (PROCAPS), T‑35/09, non publié, EU:T:2010:220, point 37]. Or, les boissons alcoolisées, à l’exception de la bière, désignées par la marque antérieure, incluent les vins italiens, désignés par la marque demandée.

38      Les appréciations qui précèdent ne sont pas remises en cause par les arrêts du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys (C‑307/10, EU:C:2012:361), et du 14 juillet 2005, ALADIN (T‑126/03, EU:T:2005:288), invoqués par la requérante. En effet, les considérations de l’arrêt du 14 juillet 2005, ALADIN (T‑126/03, EU:T:2005:288, point 45), invoquées par la requérante, supposent que l’usage sérieux de la marque antérieure ait été dûment mis en cause. Or, ainsi qu’exposé au point 34 ci-dessus, tel n’est pas le cas en l’espèce.

39      S’agissant de l’invocation de l’arrêt du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys (C‑307/10, EU:C:2012:361), il convient d’observer que la Cour a jugé que certaines des indications générales figurant aux intitulés de classes de la classification de Nice sont, en elles-mêmes, suffisamment claires et précises pour permettre aux autorités compétentes et aux opérateurs économiques de déterminer l’étendue de la protection conférée par la marque (arrêt du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys, C‑307/10, EU:C:2012:361, point 54). Or, en ce que la marque antérieure vise les boissons alcooliques, à l’exception de la bière, force est de constater que cette identification des produits en cause est suffisamment claire et précise pour permettre aux autorités compétentes et aux opérateurs économiques de déterminer l’étendue de la protection. Partant, la requérante invoque en vain le manque de précision des produits visés par la marque antérieure pour alléguer l’absence d’identité entre les produits en cause.

40      Pour les motifs qui précèdent, il convient de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la similitude des signes en conflit

41      La requérante estime que les signes en conflit sont différents sur le plan conceptuel, sur le plan graphique et qu’ils sont suffisamment distincts sur le plan phonétique. L’EUIPO et l’intervenante contestent ces arguments.

42      Au vu de ces contestations, il importe de rappeler que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

43      En l’espèce, après avoir considéré que le niveau d’attention du public pertinent était globalement moyen, la chambre de recours a estimé que les signes comparés étaient réputés similaires dans leur ensemble, en raison, surtout, de leur similitude phonétique et, dans une moindre mesure, de leurs similitudes visuelles, tandis que la comparaison conceptuelle des signes était essentiellement neutre du point de vue d’une partie significative et pertinente du public de l’Union, à savoir la partie qui ne perçoit aucun concept dans les signes en conflit ou qui ne perçoit qu’une référence à un arbre ou à une vigne, qu’un élément qui ne sera vu que comme une simple décoration ou même qu’une référence descriptive aux produits.

44      En ce qui concerne la définition du public pertinent, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause (voir arrêt du 13 février 2007, RESPICUR, T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée).

45      Dès lors que les produits en cause consistent en, d’une part, des vins italiens et, d’autre part, des boissons alcooliques, à l’exception de la bière, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le public pertinent était notamment composé de consommateurs moyens manifestant un degré d’attention moyen lors de l’achats de ces produits. En effet, ainsi que cela a déjà été jugé à de multiples reprises, tant les acheteurs de vins en général que de boissons alcoolisées comprendront des consommateurs moyens faisant preuve d’un niveau d’attention raisonnable à l’égard de ces produits [voir, en ce sens, arrêts du 20 novembre 2007, Castellani/OHMI – Markant Handels und Service (CASTELLANI), T‑149/06, EU:T:2007:350, point 48 ; du 14 mai 2013, Masottina/OHMI – Bodegas Cooperativas de Alicante (CA’ MARINA), T‑393/11, non publié, EU:T:2013:241, points 23 à 25 ; du 27 novembre 2014, Cantina Broglie 1/OHMI – Camera di Commercio, Industria, Artigianato e Agricoltura di Verona (Ripassa ZENATO), T‑154/11, non publié, EU:T:2014:997, point 22, et du 31 mai 2017, Alma-The Soul of Italian Wine/EUIPO – Miguel Torres (SOTTO IL SOLE ITALIANO SOTTO il SOLE), T‑637/15, EU:T:2017:371, point 38]. De plus, si, comme la chambre de recours l’a indiqué, il est exact que lesdites boissons peuvent également être destinées à un public manifestant un niveau élevé d’attention, lors de l’appréciation du risque de confusion, il y a lieu de prendre en considération le public ayant le niveau d’attention le moins élevé [voir, en ce sens, arrêt du 19 avril 2013, Hultafors Group/OHMI – Società Italiana Calzature (Snickers), T‑537/11, non publié, EU:T:2013:207, point 27].

46      Par ailleurs, la marque antérieure prise en compte par la chambre de recours étant une marque de l’Union européenne, c’est à juste titre qu’elle en a déduit qu’il convenait d’apprécier l’existence d’un risque de confusion en prenant en compte la perception des signes par le consommateur moyen de l’Union.

 Sur la similitude visuelle

47      La requérante estime que les deux signes sont différents sur le plan graphique et renvoie à cet égard à un tableau juxtaposant les deux signes.

48      Cet argument ne permet pas de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les signes présentent, dans l’ensemble, un certain degré de similitude sur le plan visuel. En effet, outre le fait que la requérante n’avance aucun argument précis à cet égard, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que si le signe demandé se distinguait de la marque antérieure en raison de ses éléments figuratifs et de l’absence des lettres « gre » et « de », les signes coïncidaient par les lettres « san » et « toro ». Compte tenu du fait que l’élément verbal du signe contesté est entièrement présent dans la marque antérieure, les signes doivent être considérés comme présentant un certain degré de similitude sur le plan visuel.

 Sur la similitude phonétique

49      La requérante estime que les signes en conflit sont suffisamment distincts l’un de l’autre sur le plan phonétique, puisqu’ils ne partagent que le préfixe « san » et le mot « toro », mais que leurs accents toniques sont différents.

50      Cet argument ne permet pas de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les signes sont similaires dans l’ensemble sur le plan phonétique. En effet, ainsi que la chambre de recours l’a indiqué à juste titre, dans le secteur des vins, les consommateurs sont habitués à les désigner et à les reconnaître en fonction de l’élément verbal, en particulier lors de commandes dans des bars et les restaurants. De plus, compte tenu du fait que les signes en conflit partagent le même préfixe « san » et la même terminaison « toro », ils seront perçus comme étant similaires d’un point de vue phonétique. Les deux syllabes supplémentaires du signe antérieur par rapport au signe demandé entraineront, certes, un rythme et une prononciation différents. Toutefois, ces différences ne prévalent pas sur la similitude phonétique due aux éléments communs « san » et « toro ». Enfin, s’agissant des différents accents toniques des termes « san » et « toro » invoqués par la requérante, force est de constater que cette différence ne sera pas perçue par l’ensemble du public pertinent. En effet, si ces accents peuvent être perçus par la partie du public pertinent maîtrisant l’espagnol et l’italien, ils ne le seront pas pour le public pertinent ne maîtrisant que d’autres langues de l’Union.

 Sur la similitude conceptuelle

51      La requérante considère que les signes en conflit sont différents sur le plan conceptuel. En effet, d’une part, le terme « santoro » visé par la demande de marque se rattacherait, d’un point de vue conceptuel, exclusivement à l’idée de sainteté et l’élément graphique partagerait le même champ sémantique, car il représenterait un arbre symbolisant la vie qui a poussé sur un champ béni. D’autre part, le terme « sangre » de la marque antérieure serait perçu comme se référant à au sang et cette référence est connue dans toute l’Union en raison de la boisson sangria, qui évoque la couleur du vin rouge et du sang. La combinaison des termes « sangre » et « toro » symboliserait pour le consommateur la tradition espagnole de la corrida et des ferias organisées dans toute l’Espagne.

52      Au vu de ces arguments, il convient de rappeler que, compte tenu du fait que la marque antérieure est une marque de l’Union européenne et qu’elle couvre les boissons alcoolisées, à l’exception de la bière, l’existence d’un risque de confusion doit s’apprécier en prenant en compte la perception des signes par le consommateur moyen de l’Union (voir point 46 ci-dessus).

53      Or, contrairement à ce qu’allègue la requérante, une partie non négligeable des consommateurs de l’Union ne percevront pas le terme « santoro » comme se rattachant exclusivement à l’idée de sainteté. L’origine latine de ce terme et la diffusion du latin et du christianisme en Europe au cours des siècles ne permettent pas d’établir que ledit terme ou son préfixe « san » ou « sanct » seront perçus par l’ensemble du public pertinent comme se référant au concept de sainteté.

54      De même, la représentation graphique d’un arbre voire d’une vigne sur le signe demandé ne sera pas perçu par l’ensemble du public pertinent comme symbolisant la vie crée par la nature, par la bonté ou ayant poussé sur un champ béni. La requérante allègue également à tort que le terme sera perçu par l’ensemble du public pertinent comme un mot désignant un nom ou un adjectif italien.

55      S’agissant des termes « sangre » et « toro » de la marque antérieure, la requérante allègue à tort que le terme « sangre » sera perçu par l’ensemble du public pertinent comme ayant une signification en raison de sa proximité avec le terme « sangria ». En effet, il ne peut être considéré que le terme « sangre » sera perçu de la sorte par notamment les consommateurs pertinents hongrois, finlandais, bulgares, polonais ou suédois.

56      Partant, même si la partie du public pertinent maîtrisant les langues espagnole et italienne percevra une différence claire en ce qui concerne la comparaison conceptuelle des signes en conflit, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que celle-ci était essentiellement neutre du point de vue d’une partie significative et pertinente du public de l’Union, à savoir la partie qui ne perçoit aucun concept dans les signes en conflit ou qui ne perçoit qu’une référence à un arbre ou à une vigne, qu’un élément qui ne sera vu que comme une simple décoration ou même qu’une référence descriptive aux produits.

 Sur le risque de confusion

57      Au vu des appréciations qui précèdent et de l’appréciation globale du risque de confusion faite par la chambre de recours qui n’est pas contestée par la requérante, il convient de constater un risque de confusion entre les marques en conflit. En effet, compte tenu du fait que les produits sont identiques, du niveau d’attention moyen du public pertinent, du fait que les signes sont similaires phonétiquement et, dans une moindre mesure, visuellement, du fait que les produits en cause sont notamment généralement consommés sur commande orale, du caractère distinctif intrinsèque normal de la marque antérieure et du fait que le consommateur doit se fier à l’image imparfaite qu’il a gardée en mémoire d’une marque, il convient de confirmer l’existence d’un risque de confusion entre la marque antérieure et le signe faisant l’objet de la demande de marque.

58      Pour les motifs qui précèdent, il convient de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’appréciation de la renommée de la marque antérieure

59      La requérante souhaite, par souci d’exhaustivité, indiquer que l’intervenante n’a pas démontré la renommée de la marque antérieure. Aucun des éléments avancés par l’intervenante ne permettrait de démontrer ladite renommée.

60      L’EUIPO et l’intervenante estiment que le troisième moyen est irrecevable, parce que la chambre de recours ne s’est pas prononcée sur la renommée de la marque antérieure. L’intervenante estime, en tout état de cause, que les documents présentés par elle devant la division d’opposition démontrent clairement que la marque antérieure jouit d’une renommée en Espagne en ce qui concerne les vins.

61      Au vu de ces arguments, il convient d’observer que, au point 55 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, puisque l’opposition était pleinement accueillie en application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et du caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure, il n’était pas nécessaire d’évaluer les éléments de preuve concernant le caractère distinctif élevé de la marque antérieure compte tenu de sa renommée.

62      Pour les motifs repris ci-dessus, il convient de confirmer l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle il existait un risque de confusion entre le signe dont l’enregistrement était demandé et la marque antérieure en tenant compte de son caractère distinctif intrinsèque. Par conséquent, la chambre de recours pouvait, sans commettre d’erreur, considérer qu’il n’était pas nécessaire d’évaluer les éléments avancés par l’intervenante afin de prouver le caractère distinctif élevé de la marque antérieure compte tenu de sa renommée.

63      Les arguments avancés par la requérante à l’appui de la position selon laquelle l’intervenante n’aurait pas démontré la renommée de la marque antérieure sont dès lors inopérants.

64      Pour ces motifs, il convient également de rejeter le troisième moyen et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

65      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Cantina e oleificio sociale di San Marzano est condamnée aux dépens.

Frimodt Nielsen

Kreuschitz

Półtorak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er février 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.