Language of document : ECLI:EU:T:2018:505

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

27 juillet 2018 (*)

« Recours en annulation – Aides d’État – Aide envisagée par l’Allemagne pour soutenir la production et la distribution cinématographiques – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Défaut d’affectation individuelle – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑101/17,

Apple Distribution International, établie à Cork (Irlande), représentée par Mes S. Schwiddessen, H. Lutz, N. Niejahr et A. Patsa, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme J. Samnadda, MM. G. Braun et B. Stromsky, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (UE) 2016/2042 de la Commission, du 1er septembre 2016, relative au régime d’aides SA.38418 – 2014/C (ex 2014/N), que l’Allemagne entend mettre en œuvre pour soutenir la production et la distribution cinématographiques (JO 2016, L 314, p. 63),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. A. M. Collins (rapporteur), président, R. Barents et J. Passer, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le Gesetz über Maßnahmen zur Förderung des deutschen Films (Filmförderungsgesetz) (loi sur le financement de la production cinématographique), du 25 juin 1979 (BGBl. 1979 I, p. 803), codifie un régime d’aides en faveur de la production, de la distribution et de la projection de films, lequel est financé par une taxe spéciale à verser par les entreprises du secteur du cinéma et de la vidéo ainsi que par les télédiffuseurs.

2        Le 3 décembre 2013, par la décision C(2013) 8679 final concernant l’aide d’État SA.36753 (2013/N), la Commission européenne a déclaré compatible avec l’article 107, paragraphe 3, sous d), TFUE, jusqu’au 31 décembre 2016, le régime d’aides en faveur de fournisseurs établis en Allemagne (ci-après le « régime d’aides existant »).

3        Le 4 mars 2014, la République fédérale d’Allemagne a notifié à la Commission un amendement au régime d’aides existant (ci-après l’« amendement ») conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

4        L’amendement avait un double effet. D’une part, il étendait l’assujettissement à la taxe aux fournisseurs de services de vidéo à la demande établis en dehors de l’Allemagne et réalisant des recettes auprès de clients en Allemagne grâce à une présence sur Internet en allemand. D’autre part, l’admissibilité au bénéfice de l’aide était également étendue à ces fournisseurs étrangers de services de vidéo à la demande. L’obligation de payer la taxe ne s’appliquait toutefois pas si le chiffre d’affaires des entreprises concernées était grevé, sur le lieu du siège de celles-ci, par une contribution financière comparable destinée à la promotion des œuvres cinématographiques par des institutions chargées de cette promotion. Comme c’était le cas dans le cadre du régime d’aides existant, les recettes provenant du paiement de la taxe étaient versées à un fonds. Ce fonds, géré par le Filmförderungsanstalt (Agence de promotion cinématographique, Allemagne, ci-après le « FFA »), poursuit différents objectifs culturels dans le secteur audiovisuel, en apportant notamment un soutien financier au secteur de la vidéo à la demande.

5        L’amendement devait s’appliquer à partir de la date de son approbation par la Commission et jusqu’au 31 décembre 2016. Le Nichtanwendungserlass des Beauftragten der Bundesregierung für Kultur und Medien (BKM) [décret de suspension de l’arrêté du commissaire fédéral à la culture et aux médias (BKM)], du 11 novembre 2013, précisait cependant que, si la Commission approuvait l’amendement, la taxe serait recouvrée rétroactivement à partir de la date de l’entrée en vigueur de l’amendement, à savoir le 1er janvier 2014.

6        Le 17 octobre 2014, la Commission a ouvert une enquête.

7        Le 1er septembre 2016, par la décision C(2016) 5551 final concernant l’aide d’État SA.38418 (2014/C) (ex 2014/N), adressée à la République fédérale d’Allemagne (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a conclu que l’amendement était compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous d), TFUE. Partant, elle a autorisé la mise en œuvre de l’amendement.

8        La requérante, Apple Distribution International, exploite iTunes, une plateforme numérique grâce à laquelle les consommateurs peuvent télécharger des contenus, notamment des films et des séries télévisées. Les abonnés d’iTunes payent une redevance spécifique par élément qu’ils téléchargent pour le regarder.

9        Puisque la requérante propose ses services au public allemand sur le marché allemand, elle entre dans le champ d’application de l’amendement. En vertu de celui-ci, elle doit payer une taxe calculée sur la base du chiffre d’affaires généré par ses clients établis en Allemagne pour un contenu (films, émissions de télévision, documentaires, etc.) d’une durée supérieure à 58 minutes, diffusé sur Internet en allemand.

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 février 2017, la requérante a introduit le présent recours.

11      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 18 mai 2017, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

12      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 juillet 2017, la requérante a formulé des observations sur l’exception d’irrecevabilité et demandé de joindre celle-ci au fond.

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable et fondé ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

14      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      Par actes déposés au greffe du Tribunal respectivement les 23 et 29 mai et 2 juin 2017, la République française, la République fédérale d’Allemagne et le FFA ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

16      Le 27 février 2018, à titre de mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité la Commission, d’une part, à indiquer sa position sur l’argument de la requérante selon lequel sa position concurrentielle serait affectée substantiellement par la décision attaquée, et, d’autre part, à présenter ses observations sur la question de savoir si la requérante serait affectée de manière directe par la décision attaquée.

17      La Commission a donné suite à cette mesure d’organisation de la procédure dans le délai qui lui avait été imparti.

 En droit

18      En vertu de l’article 130, paragraphes 1 et 7, du règlement de procédure, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité ou l’incompétence sans engager le débat au fond. En l’espèce, la Commission ayant demandé qu’il soit statué sur l’irrecevabilité, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sur cette demande sans poursuivre la procédure.

19      À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cet article, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

20      En l’espèce, il est constant que la décision attaquée a pour unique destinataire la République fédérale d’Allemagne. Par ailleurs, la requérante ne se prévaut pas de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. En tout état de cause, il convient de relever que le Tribunal a déjà dit pour droit, dans le cadre d’un recours introduit contre la même décision dans l’affaire enregistrée sous le numéro T‑818/16 et ayant un objet similaire, que la décision attaquée comportait des mesures d’exécution et, partant, que ledit recours ne remplissait pas les conditions de recevabilité prévues par la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (arrêt du 16 mai 2018, Netflix International et Netflix/Commission, T‑818/16, non publié, EU:T:2018:274, points 33 et 44).

21      Dans ces conditions, le présent recours n’est recevable, que dans la mesure où la requérante est directement et individuellement concernée par la décision attaquée, en vertu de la deuxième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

 Sur l’affectation individuelle de la requérante

22      L’argumentation de la requérante selon laquelle la décision attaquée l’affecte individuellement s’articule en deux branches. En premier lieu, l’amendement affecterait substantiellement sa position concurrentielle sur le marché. En second lieu, elle appartiendrait à un groupe fermé d’entreprises qui sont tenues de s’acquitter de la taxe pour la période allant de 2014 à 2016.

23      La Commission conteste cette argumentation.

24      Tout d’abord, il convient de relever que la Cour a jugé que le fait qu’un acte a, par sa nature et sa portée, un caractère général en ce qu’il s’applique à la généralité des opérateurs économiques intéressés n’exclut pas pour autant qu’il puisse concerner individuellement certains d’entre eux (voir, en ce sens, arrêts du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil, C‑309/89, EU:C:1994:197, point 19, et du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, point 58 et jurisprudence citée).

25      Ensuite, il y a lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que les personnes physiques ou morales ne satisfont à la condition relative à l’affectation individuelle que si l’acte attaqué les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle d’un destinataire (arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223 ; voir, également, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 72 et jurisprudence citée).

26      Une partie requérante peut, notamment, démontrer qu’elle bénéficie d’un « statut particulier » au sens de l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17), lorsque sa position sur le marché concerné est affectée substantiellement par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 35). Il appartient alors à la requérante d’indiquer de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision de la Commission est susceptible de léser ses intérêts légitimes en affectant substantiellement sa position sur le marché en cause (arrêt du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, EU:C:2007:698, point 41).

27      En outre, lorsque un acte affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres du groupe, ces personnes peuvent être individuellement concernées par cet acte en tant qu’elles font partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques. Il peut en être notamment ainsi lorsque l’acte modifie les droits acquis par le particulier antérieurement à son adoption (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2008, Commission/Infront WM, C‑125/06 P, EU:C:2008:159, points 71 et 72 et jurisprudence citée).

28      Toutefois, la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels s’applique une mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure dès lors que cette application est effectuée en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (voir arrêt du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 47 et jurisprudence citée).

29      C’est à la lumière des considérations énoncées ci-dessus qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante.

30      À l’appui de la première branche de son argumentation, selon laquelle la décision attaquée affecte substantiellement sa position concurrentielle sur le marché, la requérante affirme que l’aide en cause est conçue pour avoir une incidence sur la structure du marché pour la fourniture de services récréatifs vidéo grand public en Allemagne, en transférant la demande vers les produits offerts par l’industrie cinématographique allemande. Elle prétend que, eu égard à son modèle commercial, elle ne bénéficiera pas de manière significative de l’aide malgré sa contribution substantielle, et, en tout état de cause, dans une moindre mesure que ses concurrents distributeurs de copies de divertissement vidéo grand publique stockés sur support physique, certains distributeurs de vidéo à la demande étrangers, ainsi que les distributeurs de vidéo à la demande nationaux.

31      Les arguments de la requérante ne sauraient être retenus. La Cour a, certes, reconnu la recevabilité d’un recours concernant une mesure qui avait pour objectif d’avoir un impact sur la structure du marché sur lequel l’intéressée étaient active, notamment en ce qu’elle prévoyait expressément, et de manière mesurée, la réduction substantielle de la demande de certains biens produits par l’intéressée (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 56).

32      Cependant, il ressort de l’arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission (C‑487/06 P, EU:C:2008:757) que la taxe en cause avait pour finalité de déplacer une partie de la demande des granulats vierges vers d’autres matériaux, lesquels en étaient exonérés, afin d’encourager leur emploi en tant que granulats et de réduire l’extraction de granulats vierges. De ce fait, la taxe modifiait de manière générale la répartition du marché entre les granulats vierges, qui y sont assujettis, et les matériaux de substitution, qui en sont exonérés (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 56).

33      En l’espèce, l’amendement vise à étendre l’aide disponible sous le régime d’aides existant aux distributeurs de vidéo à la demande établis en dehors de l’Allemagne, qui seront, en contrepartie de la reconnaissance de leur éligibilité, également assujettis à la taxe permettant de financer cette aide. Partant, l’amendement s’apparente à un projet de modernisation du régime d’aides existant en reconnaissance de l’importance croissante de la fourniture de services de vidéo à la demande délocalisés.

34      Ainsi, contrairement aux circonstances propres à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission (C‑487/06 P, EU:C:2008:757), il convient de constater que les éléments de preuve avancés par la requérante en l’espèce ne permettent pas de démontrer que le régime d’aides existant en général, ou l’amendement en particulier, ait eu pour finalité ou pour effet de modifier la répartition du marché par un transfert de la demande en faveur de l’industrie cinématographique allemande.

35      En effet, la requérante ne saurait être dispensée de l’obligation d’indiquer de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision attaquée est susceptible de léser ses intérêts légitimes en affectant substantiellement sa position sur le marché en cause (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, EU:C:2007:698, point 41).

36      À cet égard, il convient de rappeler que l’affectation substantielle de la position concurrentielle d’une entreprise peut être déduite d’éléments de preuve tels qu’une importante baisse du chiffre d’affaires, des pertes financières non négligeables, une diminution significative des parts de marché, un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence de la mesure contestée (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 53).

37      Or, la seule circonstance qu’un acte est susceptible d’exercer une certaine influence sur les rapports de concurrence existant sur le marché pertinent et que l’entreprise concernée se trouve dans une quelconque relation de concurrence avec un, ou plusieurs, bénéficiaire(s) de cet acte ne saurait suffire pour que ladite entreprise puisse être considérée comme individuellement concernée par ledit acte (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 99 et jurisprudence citée).

38      En l’espèce, la requérante se limite à invoquer son inéligibilité à la quasi-totalité de l’aide contestée, contrairement à certains de ses concurrents, sans présenter d’éléments de preuve qui permettraient d’établir l’importance de l’impact que cette circonstance pourrait avoir sur sa position concurrentielle.

39      Les éléments de preuve avancés par la requérante, tout d’abord, se rapportent au faible pourcentage de son catalogue potentiellement éligible au bénéfice du régime d’aides, du fait du format ou de l’origine du contenu proposé, ainsi que de la nature des dépenses liées à leur distribution. Ensuite, la requérante fournit des documents constatant l’écart entre le financement accordé à la distribution de films stockés sur support physique et celui accordé à la distribution de films via des services de vidéos à la demande, en faveur du premier moyen de distribution. Enfin, les derniers éléments de preuve concernent la différence entre le modèle commercial de la requérante et celui de certains de ses concurrents qui favorisent la production de contenu allemand et européen, et, de ce fait, seraient susceptibles de bénéficier davantage du régime d’aides en cause.

40      Il convient de constater que, au regard de la jurisprudence rappelée aux points 36 et 37 ci-dessus, les éléments de preuve avancés par la requérante ne permettent pas une évaluation de l’impact que pourrait avoir l’aide en cause sur sa position concurrentielle.

41      Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante, selon lequel sa position concurrentielle est affectée substantiellement du fait qu’elle percevrait des bénéfices considérablement inférieurs à la charge fiscale qui finance l’aide en cause, il n’est pas de nature à altérer cette conclusion. À cet égard, il convient de constater que la requérante n’avance aucun élément de preuve permettant de conclure que la somme payable afin de financer l’aide, bien qu’elle soit non négligeable, serait de nature à affecter substantiellement sa position concurrentielle sur le marché.

42      Il s’ensuit qu’il convient de rejeter l’argument selon lequel la position concurrentielle de la requérante est affectée substantiellement.

43      À l’appui de la deuxième branche de son argumentation, relative à l’existence d’un cercle restreint d’opérateurs dont ferait partie la requérante, il convient de relever que la Cour a, certes, jugé que, lorsque l’acte attaqué affectait un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte avait été pris et en fonction de critères propres aux membres du groupe, ces personnes pouvaient être individuellement concernées par cet acte en tant qu’elles faisaient partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques (arrêt du 27 février 2014, Stichting Woonlinie e.a./Commission, C‑133/12 P, EU:C:2014:105, point 46).

44      Toutefois, en l’espèce, il convient de constater que la requérante n’est affectée par la décision attaquée qu’en tant que distributeur de vidéos à la demande étranger qui fournit des services en allemand sur le territoire allemand au même titre que d’autres sociétés dans le secteur concerné. La règlementation nationale autorisée par la décision attaquée ne s’applique donc à la requérante qu’en raison de sa situation objective de droit et de fait en vertu d’une règle générale (voir, en ce sens, ordonnance du 26 avril 2016, EGBA et RGA/Commission, T‑238/14, non publiée, EU:T:2016:259, point 67 et jurisprudence citée).

45      Ce constat n’est pas remis en cause par le fait que l’amendement autorisé par la décision attaquée, datant du 1er septembre 2016, ne s’est appliqué que jusqu’au 31 décembre 2016. Une telle circonstance n’est pas de nature à établir l’existence d’un cercle restreint d’opérateurs économiques qui confèrerait un statut particulier à la requérante. En effet, lorsque la taxe a été conçue, adoptée et mise en œuvre au niveau national à la suite de l’adoption de la décision attaquée, elle avait vocation à s’appliquer à tous les acteurs du marché remplissant des critères objectifs (voir, en ce sens, ordonnance du 27 août 2008, Adomex/Commission, T‑315/05, non publiée, EU:T:2008:300, point 27, et arrêt du 16 décembre 2011, Enviro Tech Europe et Enviro Tech International/Commission, T‑291/04, EU:T:2011:760, point 109).

46      En outre, le marché de la distribution de vidéos à la demande étant dynamique, et l’entrée de nouveaux acteurs, ou la sortie d’acteurs existants, étant par conséquent possible, les opérateurs affectés par la décision attaquée constituaient alors un groupe ouvert.

47      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que le fait de faire partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques peut résulter du fait que la partie requérante était détentrice de droits particuliers avant l’adoption de la décision (voir, en ce sens, arrêts du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C‑152/88, EU:C:1990:259, point 12 ; du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, points 61 à 63, et du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, EU:C:2014:100, points 61 et 62). Toutefois, la requérante n’établit pas qu’elle bénéficiait de quelconques droits acquis au sens de la jurisprudence, avant l’adoption de la décision attaquée ou de la règlementation nationale, qui pourraient avoir été affectés par celles-ci.

48      Par conséquent, à défaut pour la requérante d’établir son affectation individuelle, il y a lieu de constater qu’elle ne remplit pas les conditions cumulatives énoncées dans le cadre de la deuxième hypothèse envisagée par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

49      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que le recours est irrecevable.

 Sur les demandes d’intervention

50      Conformément à l’article 144, paragraphe 3, du règlement de procédure, lorsque la partie défenderesse dépose une exception d’irrecevabilité ou d’incompétence, visée à l’article 130, paragraphe 1, dudit règlement, il n’est statué sur la demande d’intervention qu’après le rejet ou la jonction de l’exception au fond.

51      En l’espèce, le recours étant rejeté comme irrecevable dans son ensemble, il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes d’intervention présentées par la République fédérale d’Allemagne, la République française et le FFA.

 Sur les dépens

52      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière, à l’exception de ceux afférents aux demandes d’intervention.

53      En application de l’article 144, paragraphe 10, du règlement de procédure, la requérante, la Commission, la République fédérale d’Allemagne, la République française et le FFA supporteront chacun leurs propres dépens afférents aux demandes d’intervention.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes d’intervention présentées par la République fédérale d’Allemagne, la République française et le Filmförderungsanstalt.

3)      Apple Distribution International est condamnée à supporter ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par la Commission européenne à l’exception de ceux afférents aux demandes d’intervention.

4)      Apple Distribution International, la Commission, la République fédérale d’Allemagne, la République française et le Filmförderungsanstalt supporteront chacun leurs propres dépens afférents aux demandes d’intervention.

Fait à Luxembourg, le 27 juillet 2018.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

A. M. Collins


*      Langue de procédure : l’anglais.