Language of document : ECLI:EU:T:2008:444

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

15 octobre 2008 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demandes de marques communautaires verbales Ferromix, Inomix et Alumix – Marques communautaires verbales antérieures FERROMAXX, INOMAXX et ALUMAXX – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans les affaires jointes T‑305/06 à T‑307/06,

Air Products and Chemicals, Inc., établie à Allentown, Pennsylvanie (États-Unis), représentée par Mes S. Heurung et C. Probst, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme S. Laitinen et M. D. Botis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Messer Group GmbH, établie à Sulzbach (Allemagne), représentée par Mes W. Graf v. Schwerin et J. Schmidt, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre trois décisions de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 12 septembre 2006 (affaires jointes R 1270/2005‑2 et R 1408/2005‑2 ; R 1226/2005‑2 et R 1398/2005‑2 ; R 1225/2005‑2 et R 1397/2005‑2), relatives aux procédures d’opposition entre Air Products and Chemicals, Inc. et Messer Group GmbH,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de Mme V. Tiili (rapporteur), président, M. F. Dehousse et Mme I. Wiszniewska-Białecka, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu les requêtes déposées au greffe du Tribunal le 13 novembre 2006,

vu les mémoires en réponse de l’OHMI déposés au greffe du Tribunal le 28 février 2007,

vu les mémoires en réponse de l’intervenante déposés au greffe du Tribunal le 9 mars 2007,

vu la jonction des présentes affaires aux fins de la procédure orale et de l’arrêt,

à la suite de l’audience du 9 juillet 2008,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 20 mai 2003, l’intervenante, Messer Griesheim GmbH, devenue Messer Group GmbH, a présenté trois demandes de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        Les marques dont l’enregistrement a été demandé sont les marques verbales Ferromix, Inomix et Alumix.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 1 et 4 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 1 : « Gaz et mélanges de gaz, également sous forme liquide ou dissoute, pour le traitement thermique de matériaux ; gaz pour la soudure et la découpe ; gaz de protection » ;

–        classe 4 : « Combustibles liquides et gazeux ».

4        Ces demandes ont été publiées au Bulletin des marques communautaires n° 8/2004, du 23 février 2004.

5        Le 21 avril 2004, la requérante, Air Products and Chemicals, Inc., a formé trois oppositions, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94, à l’encontre de l’enregistrement des marques demandées.

6        S’agissant de la marque demandée Ferromix, l’opposition était fondée sur l’enregistrement communautaire n° 1 286 632, déposé le 23 août 1999 et enregistré le 4 septembre 2000, de la marque verbale FERROMAXX, désignant, notamment, des produits relevant de la classe 1 (« Gaz et mélanges de gaz pour la soudure, la découpe et la vaporisation thermique de l’acier à base d’alliage carbo-ferritique »).

7        En ce qui concerne la marque demandée Inomix, l’opposition était fondée sur l’enregistrement communautaire n° 1 286 582, déposé le 23 août 1999 et enregistré le 28 août 2000, de la marque verbale INOMAXX, désignant, notamment, des produits relevant de la classe 1 (« Gaz et mélanges de gaz pour la soudure, la découpe et la vaporisation thermique de l’acier inoxydable »).

8        Quant à la marque demandée Alumix, l’opposition était fondée sur l’enregistrement communautaire n° 1 286 616, déposé le 23 août 1999 et enregistré le 29 août 2000, de la marque verbale ALUMAXX, désignant, notamment, des produits relevant de la classe 1 (« Gaz et mélanges de gaz pour la soudure, la découpe et la vaporisation thermique de l’aluminium et des alliages d’aluminium »).

9        Les oppositions étaient dirigées contre tous les produits désignés dans les demandes de marques communautaires, à savoir les produits relevant des classes 1 et 4. Elles étaient fondées sur les produits relevant de la classe 1, couverts par les marques antérieures.

10      Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

11      Par décisions du 6 octobre 2005 (INOMAXX/Inomix et ALUMAXX/Alumix) et du 13 octobre 2005 (FERROMAXX/Ferromix), la division d’opposition a accueilli les oppositions en ce qui concerne les produits relevant de la classe 1, couverts par les demandes de marques communautaires, et les a rejetées en ce qui concerne les produits relevant de la classe 4, visés par ces demandes. Elle a considéré, en substance, que les marques étaient visuellement et phonétiquement similaires et que les produits relevant de la classe 1 étaient identiques ou très similaires et que, partant, un risque de confusion n’était pas exclu.

12      La requérante a formé, le 14 octobre 2005 (INOMAXX/ Inomix et ALUMAXX/Alumix) et le 27 octobre 2005 (FERROMAXX/Ferromix), trois recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, contre les décisions de la division d’opposition.

13      L’intervenante a formé, le 22 novembre 2005 (INOMAXX/Inomix et ALUMAXX/Alumix) et le 23 novembre 2005 (FERROMAXX/Ferromix), trois recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, contre les décisions de la division d’opposition.

14      Par décisions du 12 septembre 2006 (ci-après les « décisions attaquées »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté les recours de la requérante et a accueilli les recours de l’intervenante. Elle a ainsi annulé les décisions de la division d’opposition et rejeté les oppositions de la requérante dans leur intégralité. Elle a considéré que les produits concernés étaient en partie identiques (classe 1) et en partie fortement similaires (classe 4). S’agissant de la comparaison des signes, elle a considéré que les similitudes entre les marques en cause se limitaient essentiellement à un élément secondaire, voire négligeable (respectivement « ferro », « ino » et « alu »), descriptif de certaines caractéristiques des produits concernés et que les signes en conflit présentaient des différences importantes d’un point de vue visuel, phonétique et conceptuel. Elle a conclu que, compte tenu de la faiblesse du caractère distinctif intrinsèque de l’élément commun et du niveau élevé de vigilance et d’attention requis de la part du public pertinent, les signes en cause produisaient des impressions générales suffisamment différentes pour écarter tout risque de confusion ou d’association dans l’esprit du public pertinent, même si les signes devaient être enregistrés pour des produits identiques ou extrêmement similaires dans les classes 1 et 4.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut, dans les affaires T‑305/06 à T‑307/06, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        rejeter les demandes d’enregistrement des marques Ferromix, Alumix et Alumix ;

–        notifier l’arrêt à l’OHMI ;

–        condamner l’intervenante aux dépens.

16      Lors de l’audience, la requérante a modifié ses conclusions concernant les dépens et conclut désormais que l’OHMI soit condamné aux dépens.

17      L’OHMI conclut, dans les affaires T‑305/06 à T‑307/06, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par l’OHMI.

18      L’intervenante conclut, dans les affaires T‑305/06 à T‑307/06, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        confirmer les décisions attaquées ;

–        rejeter les recours ;

–        notifier l’arrêt à l’OHMI ;

–        condamner la requérante aux dépens.

19      Lors de l’audience, la requérante a renoncé à ses deuxième et troisième chefs de conclusions, ce dont le Tribunal a pris acte. L’intervenante a également renoncé à son troisième chef de conclusions, ce dont le Tribunal a pris acte.

 En droit

 Sur la recevabilité du renvoi global par l’intervenante aux écrits présentés devant l’OHMI

20      L’intervenante renvoie à l’intégralité du contenu de ses observations écrites présentées devant l’OHMI les 17 janvier 2005, 10 et 29 mars 2006 qu’elle a jointes à ses réponses devant le Tribunal.

21      Il convient de rappeler à cet égard que, selon une jurisprudence bien établie, en vertu de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, applicable en matière de propriété intellectuelle conformément à l’article 130, paragraphe 1, et à l’article 132, paragraphe 1, de ce règlement, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête elle‑même [voir arrêt du Tribunal du 19 octobre 2006, Bitburger Brauerei/OHMI – Anheuser-Busch (BUD, American Bud et Anheuser Busch Bud), T‑350/04 à T‑352/04, Rec. p. II‑4255, point 33, et la jurisprudence citée]. Cette jurisprudence est transposable au mémoire en réponse de l’autre partie à une procédure d’opposition devant la chambre de recours, intervenant devant le Tribunal, en vertu de l’article 46 du règlement de procédure, applicable en matière de propriété intellectuelle conformément à l’article 135, paragraphe 1, deuxième alinéa, de ce règlement [arrêt du Tribunal du 13 juillet 2004, AVEX/OHMI – Ahlers (a), T‑115/02, Rec. p. II‑2907, point 11].

22      Il n’incombe pas au Tribunal de se substituer aux parties en essayant de rechercher les éléments pertinents dans les documents auxquels elles se réfèrent [arrêt du Tribunal du 17 avril 2008, Dainichiseika Colour & Chemicals Mfg./OHMI – Pelikan (Représentation d’un pélican), T‑389/03, non publié au Recueil, point 19]. Dès lors, le mémoire en réponse de l’intervenante, en ce qu’il renvoie aux écrits déposés par lui devant l’OHMI, est irrecevable dans la mesure où le renvoi global qu’il contient n’est pas rattachable aux arguments développés dans le mémoire en réponse.

 Sur le fond

23      La requérante invoque un moyen unique à l’appui de ses recours, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Elle soutient qu’il existe un risque de confusion entre les marques en cause.

24      L’OHMI et l’intervenante contestent l’existence d’un risque de confusion.

25      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), i), du règlement nº 40/94, il convient d’entendre par marques antérieures les marques communautaires dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

26      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement.

27      Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

28      Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Cependant, il convient de tenir compte de la circonstance que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image non parfaite qu’il en a gardée en mémoire. Il convient également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause (arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26).

29      En l’espèce, les marques sur lesquelles les oppositions étaient fondées sont des marques communautaires. Dès lors, le territoire pertinent pour l’analyse du risque de confusion est l’ensemble du territoire de l’Union européenne.

 Sur le public pertinent

30      La requérante ne conteste pas la définition du public pertinent en tant que tel, mais le niveau d’attention que la chambre de recours lui a accordé, affectant ainsi, selon la requérante, l’appréciation de la similitude des marques en cause.

31      Selon la chambre de recours, les produits en cause sont des substances chimiques, à savoir des gaz, utilisées pour la soudure, le coupage et le traitement thermique de matériaux. Il serait constant que des produits aussi spécialisés seraient principalement destinés aux professionnels du secteur de la métallurgie au sens large, et plus particulièrement de l’industrie de la soudure. Cependant, la chambre de recours a estimé qu’il ressortait des éléments de preuve produits par la requérante qu’il existe également des bouteilles de gaz plus petites destinées à être utilisées par les bricoleurs désireux de souder à domicile. Selon la chambre de recours, ces bricoleurs représentent plus qu’une partie insignifiante du public pertinent.

32      La chambre de recours a également considéré que, compte tenu de la complexité technique et des risques liés à l’utilisation des gaz de soudure, même un bricoleur moyen disposait d’un minimum de connaissances techniques spécialisées pour pratiquer en toute sécurité une activité aussi dangereuse. Elle a constaté que, par conséquent, bien que son niveau de vigilance et d’attention ne soit nullement comparable à celui d’un soudeur professionnel, il était vraisemblable que le bricoleur moyen possède le minimum de connaissances techniques spécialisées requis pour pratiquer en toute sécurité une activité techniquement complexe et dangereuse, comme la soudure de métaux, et qu’il fera preuve d’un degré d’attention relativement élevé lorsqu’il choisira et utilisera des substances dangereuses comme les gaz de soudure.

33      La requérante fait valoir que le fait d’avoir une connaissance de base des techniques de soudure ne peut être considéré comme étant identique au fait de faire preuve d’un niveau d’attention élevé lors de l’achat du gaz pour la soudure.

34      Le Tribunal relève qu’il est constant que le public pertinent est constitué non seulement des professionnels de soudure, mais également des bricoleurs. Il est également constant que le niveau d’attention des professionnels doit être considéré comme élevé. S’agissant des bricoleurs utilisant les produits concernés, il y a lieu de considérer que leur niveau d’attention doit être présumé plus élevé que le niveau d’attention d’un consommateur de produits de consommation courante, étant donné les éventuels dangers liés à l’utilisation de ces produits. Cependant, le niveau d’attention des bricoleurs ne saurait être considéré comme étant aussi élevé que celui des professionnels.

35      Par conséquent, il y a lieu de constater que la chambre de recours a défini correctement le public pertinent ainsi que son niveau d’attention.

 Sur la similitude des produits

36      Il n’est pas contesté que les produits couverts par les marques en cause sont partiellement identiques et partiellement fortement similaires. S’agissant des produits relevant de la classe 1, la division d’opposition ainsi que la chambre de recours avaient considéré qu’ils étaient identiques. Quant aux produits relevant de la classe 4, revendiqués pour les marques demandées, la division d’opposition avait considéré qu’ils n’étaient pas analogues aux produits relevant de la classe 1, couverts par les marques antérieures. Cependant, la chambre de recours a considéré que ces produits étaient fortement similaires. Ni l’intervenante ni les autres parties ne contestent ces conclusions de la chambre de recours. Ainsi, il n’y a pas lieu d’examiner davantage la similitude des produits concernés.

 Sur la comparaison des signes

37      Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [voir arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips‑Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II‑4335, point 47, et la jurisprudence citée].

38      La requérante considère que les signes en conflit sont similaires, tandis que l’OHMI et l’intervenante concluent à leur absence de similitude.

39      Les signes en conflit sont les suivants :

Marques antérieures

Marques demandées

FERROMAXX

Ferromix

INOMAXX

Inomix

ALUMAXX

Alumix

40      Il s’agit de marques verbales, qui peuvent être considérées comme étant constituées, chacune, de deux éléments, à savoir des préfixes « ferro », « ino » ou « alu », et des suffixes « maxx » ou « mix ».

41      S’agissant du préfixe « ferro », la chambre de recours a considéré qu’il serait perçu par le public pertinent comme une abréviation courante du mot « fer », dont le symbole chimique est « Fe », ou, comme l’indique la spécification des produits de la requérante, de l’expression « acier à base d’alliage carbo-ferritique ». Cela vaudrait également dans les États membres où d’autres termes du langage courant désigneraient le fer, comme le mot « eisen » en allemand.

42      En ce qui concerne le préfixe « ino », la chambre de recours a considéré que le mot « inox » était un synonyme communément connu de l’expression « acier inoxydable », également dans les États membres où d’autres termes du langage courant désignent l’acier inoxydable, et que le préfixe « ino » serait immédiatement perçu par le public pertinent comme une abréviation du mot « inox ».

43      S’agissant du préfixe « alu », la chambre de recours a considéré qu’il serait perçu par le public pertinent comme une abréviation courante du mot « aluminium », dont le symbole chimique est « Al », y compris dans les États membres où il existe un mot distinct pour désigner le même matériau.

44      Selon la chambre de recours, lorsque ces préfixes sont utilisés en relation avec des gaz employés, par exemple, pour la soudure des métaux, où le type de gaz utilisé dépend du matériau à assembler, ils seront perçus par le public pertinent comme un élément descriptif des caractéristiques des gaz chimiques concernés. En effet, la requérante présenterait elle-même sur son site Internet sa gamme de gaz de protection en expliquant que les gaz FERROMAXX seraient destinés à être utilisés avec l’acier au carbone et l’acier allié, les gaz INOMAXX avec l’acier inoxydable et les gaz ALUMAXX avec l’aluminium. La chambre de recours a donc estimé que leur caractère distinctif intrinsèque était extrêmement limité, voire inexistant, dans les signes en conflit considérés dans leur ensemble.

45      La requérante conteste que l’affirmation selon laquelle, pour le public pertinent, notamment les bricoleurs non spécialisés, ces préfixes sont descriptifs, car les produits concernés ne consistent pas en de l’acier à base d’alliage, de l’acier inoxydable ou de l’aluminium. Les bricoleurs ne pourraient pas savoir que différents types de gaz peuvent être utilisés pour souder différents types de matériaux.

46      Il y a lieu de rejeter l’argumentation de la requérante à cet égard. En effet, il apparaît que même les bricoleurs amateurs peuvent reconnaître dans ces préfixes les significations que l’OHMI leur a données. Si les bricoleurs font de la soudure, ils doivent connaître l’existence de différents types de gaz pour souder différents types de matériaux. De même, les préfixes concernés sont à ce point courants que même un public n’ayant aucun lien avec le secteur de la métallurgie pourrait leur attribuer de telles significations.

47      Par conséquent, il convient de constater que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que le préfixe « ferro » renvoie à l’expression « acier à base d’alliage carbo-ferritique », le préfixe « ino » à l’expression « acier inoxydable » et le préfixe « alu » au mot « aluminium ». Partant, il y a également lieu d’approuver la constatation de la chambre de recours, selon laquelle ces éléments sont descriptifs des produits concernés et, ainsi, n’ont qu’un caractère distinctif intrinsèquement faible.

48      S’agissant des suffixes « maxx » et « mix », la chambre de recours a considéré qu’ils n’étaient pas non plus particulièrement distinctifs. Selon la chambre de recours, bien que sa graphie soit légèrement déformée en raison des deux lettres « x », le suffixe « maxx » des marques antérieures présente d’une connotation élogieuse dans la mesure où il évoque clairement un niveau maximal de performances, d’efficacité et de qualité. Cette constatation serait corroborée par le site Internet de la requérante, qui indiquerait que « [p]our mettre au point notre gamme Maxx de gaz de protection, nous avons […] procédé à des tests rigoureux, sous conditions de travail réelles », et que « [l]e résultat [consiste en de] plus hauts niveaux de performance pour maximiser votre productivité, [la réduction d]es rebuts et [l’amélioration de] votre environnement de travail ». Quant au suffixe « mix », il s’agirait d’un nom anglais courant largement utilisé sur le territoire de l’Union européenne, notamment pour former des noms des marques. Selon la chambre de recours, lorsqu’il est utilisé en relation avec des produits chimiques dans le domaine de la soudure, où les « mélanges de gaz » utilisés varient en fonction des matériaux à assembler et des caractéristiques de soudure désirées, il informe simplement le consommateur que le produit concerné est un mélange bien spécifique de substances chimiques réservé à une utilisation précise.

49      Effectivement, le suffixe « maxx » présente une connotation élogieuse en ce qu’il renvoie au mot « maximum », donc à un niveau maximal de performances et d’efficacité. Contrairement à ce que soutient la requérante, cet élément a également un caractère distinctif faible, malgré la présence des deux lettres « x » à la fin du suffixe. De même, le suffixe « mix » renvoie clairement aux mélanges bien spécifiques de substances chimiques, ce qui est corroboré par le fait que la description des produits concernés contient les « mélanges de gaz ». Partant, il a également un caractère distinctif faible.

50      Par conséquent, il y a lieu de constater que la chambre de recours a considéré à juste titre que le public pertinent percevrait les signes en cause comme la juxtaposition en un mot de deux éléments intrinsèquement faibles, chacun étant descriptif, ou du moins évocateur, des caractéristiques essentielles des produits concernés. Dans ces circonstances, il convient de considérer que les marques verbales en conflit ne contiennent aucun élément dominant et doivent être comparées dans leur ensemble.

51      S’agissant de la comparaison des marques en cause, la chambre de recours a considéré qu’il existait des différences visuelles et phonétiques significatives qui compensaient largement la similitude liée à la présence de l’élément descriptif commun (« ferro », « ino » ou « alu »).

52      Cette constatation ne saurait être approuvée. En effet, le début de chaque marque demandée, qui sera perçu et entendu en premier, est identique au début de chaque marque antérieure respective (« ferro », « ino » ou « alu »). En outre, les éléments finaux « maxx » et « mix » commencent par la lettre « m » et finissent par la lettre « x ». Le fait que la lettre située entre les lettres « m » et « x » n’est pas la même (« a » et « i »), ainsi que le fait que les marques antérieures contiennent une lettre « x » supplémentaire à la fin ne suffisent pas pour écarter toute similitude visuelle et phonétique entre les marques en cause. En tout état de cause, la présence des deux lettres « x » n’affecte aucunement la comparaison phonétique.

53      Dès lors, il y a lieu de relever que les marques en cause sont similaires du point de vue visuel et phonétique.

54      En ce qui concerne la comparaison conceptuelle, la chambre de recours a considéré que les éléments descriptifs communs contribuaient à accentuer la valeur de chacun des éléments supplémentaires des marques en cause, à savoir les éléments « maxx » et « mix », dont les connotations conceptuelles étaient totalement différentes.

55      Le Tribunal relève que les marques en cause présentent des différences sur le plan conceptuel. En effet, les connotations liées aux éléments « maxx » et « mix » conduisent à une certaine différenciation. Cependant, étant donné que les débuts des marques ont une signification identique et que l’ensemble renvoie soit à un métal avec un effet maximal (ou à un gaz avec un effet maximal, utilisé pour un métal spécifique), soit à un mélange de métal (ou à un mélange de gaz, utilisé pour un métal spécifique), les significations ne sont pas à ce point lointaines que ces différences pourraient suffire pour neutraliser les similitudes visuelles et phonétiques.

56      Dans ces circonstances, il convient de conclure que les marques en cause, appréciées globalement, sont similaires. Par conséquent, la constatation de la chambre de recours, selon laquelle les similitudes entre les marques en cause se limitent essentiellement à un élément secondaire, voire négligeable (« ferro », « ino » ou « alu »), descriptif de certaines caractéristiques des produits concernés, et selon laquelle les signes présentent des différences importantes d’un point de vue visuel, phonétique et conceptuel, ne saurait être approuvée.

 Sur le risque de confusion

57      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, et notamment la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17).

58      La chambre de recours a considéré que, compte tenu du caractère distinctif intrinsèque faible des éléments communs « ferro », « ino » et « alu » et du niveau élevé de vigilance et d’attention requis de la part du public pertinent, les signes en cause produisaient des impressions générales suffisamment différentes pour écarter tout risque de confusion ou d’association dans l’esprit du public pertinent, même si les signes devaient être enregistrés pour des produits identiques ou extrêmement similaires relevant des classes 1 et 4.

59      En ce qui concerne le caractère distinctif faible des éléments communs et des marques antérieures dans leur ensemble, il y a lieu de rappeler que la reconnaissance d’un caractère faiblement distinctif de la marque antérieure n’empêche pas de constater l’existence d’un risque de confusion. En effet, si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion (voir, par analogie, arrêt Canon, précité, point 24), il n’est qu’un élément parmi d’autres intervenant lors de cette appréciation. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment, en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services visés [arrêt du Tribunal du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, Rec. p. II‑5213, point 70 ; voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 mars 2005, L’Oréal/OHMI – Revlon (FLEXI AIR), T‑112/03, Rec. p. II‑949, point 61].

60      En outre, l’argument de l’OHMI et de l’intervenante à cet égard aurait pour effet de neutraliser le facteur tiré de la similitude des marques au profit de celui fondé sur le caractère distinctif de la marque antérieure, auquel serait accordé une importance excessive. Il en résulterait que, dès lors que la marque antérieure n’est dotée que d’un faible caractère distinctif, un risque de confusion n’existerait qu’en cas de reproduction complète de celle‑ci par la marque dont l’enregistrement est demandé, et ce quel que soit le degré de similitude entre les signes en cause (ordonnance de la Cour du 27 avril 2006, L’Oréal/OHMI, C‑235/05 P, non publiée au Recueil, point 45). Un tel résultat ne serait toutefois pas conforme à la nature même de l’appréciation globale que les autorités compétentes sont chargées d’entreprendre en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 (arrêt de la Cour du 15 mars 2007, T.I.M.E. ART/Devinlec et OHMI, C‑171/06 P, non publié au Recueil, point 41, et arrêt PAGESJAUNES.COM, précité, point 71).

61      En ce qui concerne l’argument de l’intervenante, selon lequel les commandes des gaz de soudure du type concerné ne se font que par contact direct avec le fabricant et selon lequel il n’existe pas de sources communes aux gaz concurrents différentes des autres industries ni de commerce de gros ou de revente, il suffit de constater qu’il n’est aucunement étayé. En tout état de cause, ce qui importe, ce ne sont pas les conditions concrètes dans lesquelles les produits de la requérante ou de l’intervenante sont commercialisées, mais la description des produits visés par les marques antérieures et par les marques demandées [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec. p. II‑4891, point 67]. Or, dans ces descriptions, il n’y a aucune limitation quant aux lieux de vente, et il ne pourrait être déduit de la nature des produits concernés qu’ils ne seraient pas commercialisés également, notamment, par vente au détail, aux côtés de produits identiques d’un autre producteur.

62      En outre, s’agissant de l’argument de l’intervenante selon lequel, d’une part, les soudeurs recourent principalement aux noms des producteurs pour distinguer en général l’origine des différents gaz et, d’autre part, les noms des produits concernés n’ont qu’une signification secondaire et ne sont pas considérés comme des indications d’origine, mais comme des indications relatives à la destination des ingrédients, car ils contiennent des éléments descriptifs, il suffit de constater que cet argument revient à alléguer que les marques demandées se heurtent aux motifs absolus de refus et ne devraient pas être enregistrées, ce qui ne relève pas, dans le cadre d’une procédure d’opposition, de la compétence du Tribunal.

63      Il résulte de tout ce qui précède que, dans les circonstances de l’espèce, il existe un risque de confusion entre les marques en cause. Étant donné l’identité (classe 1) et la forte similitude (classe 4) des produits en cause et la similitude entre les marques en cause, le niveau d’attention plus élevé du public concerné ne suffit pas pour écarter le risque que ce public et, notamment, les bricoleurs amateurs compris dans ce public, puissent croire que les produits en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement.

64      Par conséquent, il y a lieu d’accueillir le moyen unique de la requérante et d’annuler les décisions attaquées.

 Sur les dépens

65      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

66      En l’espèce, l’OHMI et l’intervenante ont succombé.

67      La requérante a conclu, dans sa requête, que l’intervenante soit condamnée aux dépens. Cependant, lors de l’audience, elle a modifié ses conclusions et a demandé à ce que l’OHMI soit condamné aux dépens, ce que l’OHMI a contesté.

68      Or, il ressort d’une jurisprudence constante que le fait que la partie qui a obtenu gain de cause n’ait conclu en ce sens qu’à l’audience ne s’oppose pas à ce que sa demande soit accueillie [arrêt de la Cour du 29 mars 1979, NTN Toyo Bearing e.a./Conseil, 113/77, Rec. p. 1185 ; arrêts du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T‑64/89, Rec. p. II‑367, point 79 ; du 16 novembre 2006, Jabones Pardo/OHMI – Quimi Romar (YUKI), T‑278/04, non publié au Recueil, point 75, et du 12 septembre 2007, Consorzio per la tutela del formaggio Grana Padano/OHMI – Biraghi (GRANA BIRAGHI), T‑291/03, Rec. p. II-3081, point 92].

69      Dans ces circonstances, il y a lieu de condamner l’OHMI à supporter, outre ses propres dépens, les dépens de la requérante. L’intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Les décisions de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 12 septembre 2006 (affaires jointes R 1270/2005‑2 et R 1408/2005‑2 ; R 1226/2005‑2 et R 1398/2005‑2 ; R 1225/2005‑2 et R 1397/2005‑2) sont annulées.

2)      L’OHMI est condamné à supporter, outre ses propres dépens, les dépens d’Air Products and Chemicals, Inc.

3)      Messer Group GmbH supportera ses propres dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 octobre 2008.

Tiili

Dehousse

Wiszniewska-Białecka

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      V. Tiili


* Langue de procédure : l’anglais.