Language of document : ECLI:EU:T:2020:53

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

12 février 2020 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en République démocratique du Congo – Gel des fonds – Prorogation de l’inscription du nom du requérant sur la liste des personnes visées par des mesures restrictives adoptées par l’Union de manière autonome – Première inscription du nom du requérant sur la liste des personnes visées par le comité des sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies – Obligation de motivation – Droits de la défense – Obligation pour le Conseil de communiquer les éléments nouveaux justifiant le renouvellement des mesures restrictives – Erreur de droit – Erreur manifeste d’appréciation – Droit de propriété – Proportionnalité – Présomption d’innocence – Exception d’illégalité »

Dans l’affaire T‑172/18,

Muhindo Akili Mundos, demeurant à Kinshasa (République démocratique du Congo), représenté par Mes T. Bontinck, P. De Wolf, M. Forgeois et A. Guillerme, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J.-P. Hix, Mmes S. Lejeune et H. Marcos Fraile, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (PESC) 2017/2282 du Conseil, du 11 décembre 2017, modifiant la décision 2010/788/PESC concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo (JO 2017, L 328, p. 19), de la décision d’exécution (PESC) 2018/202 du Conseil, du 9 février 2018, mettant en œuvre la décision 2010/788/PESC concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo (JO 2018, L 38, p. 19), et du règlement d’exécution (UE) 2018/197 du Conseil, du 9 février 2018, mettant en œuvre l’article 9 du règlement (CE) no 1183/2005 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre des personnes agissant en violation de l’embargo sur les armes imposé à la République démocratique du Congo (JO 2018, L 38, p. 2), en ce que ces actes concernent le requérant,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise, R. da Silva Passos (rapporteur), Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. C. Mac Eochaidh, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 4 juillet 2019,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Muhindo Akili Mundos, est un ressortissant de la République démocratique du Congo.

2        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives imposées, d’une part, par l’Organisation des Nations unies (ONU) et, d’autre part, par le Conseil de l’Union européenne en vue de l’instauration d’une paix durable en République démocratique du Congo et de l’exercice de pressions sur les personnes et entités agissant en violation de l’embargo sur les armes imposé à cet État.

A.      Mesures imposées par les Nations Unies

3        Le 12 mars 2004, le Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « Conseil de sécurité ») a adopté la résolution 1533 (2004), dans laquelle il a « réaffirm[é]  sa préoccupation devant la présence de groupes armés et de milices dans l’est de la République démocratique du Congo, en particulier dans le Nord et le Sud-Kivu et en Ituri, qui perpétuent un climat d’insécurité dans l’ensemble de la région », a « condamn[é] la poursuite des mouvements d’armes illicites vers la République démocratique du Congo » et s’est « déclar[é] déterminé à surveiller attentivement le respect de l’embargo sur les armes imposé par sa résolution 1493 du 28 juillet 2003 ».

4        Dans sa résolution 1533 (2004), le Conseil de sécurité a également décidé d’établir un comité du Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « comité des sanctions ») pour surveiller l’application de l’embargo sur les armes visant tous les groupes armés et milices étrangers et congolais opérant dans le Nord et le Sud-Kivu et en Ituri ainsi que les groupes qui ne sont pas parties à l’accord global et inclusif sur la transition en République démocratique du Congo, signé à Prétoria (Afrique du sud) le 17 décembre 2002.

5        Par sa résolution 1596 (2005), le Conseil de sécurité a décidé, au paragraphe 13, que « tous les États prendr[aient] les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire de toutes personnes dont il aura[it] été établi par le [comité des sanctions] qu’elles agiss[ai]ent en violation des mesures prises par les États membres conformément au paragraphe 1 ci-dessus » et, au paragraphe 15, que « tous les États devr[aient] […] geler immédiatement les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques se trouvant sur leur territoire à compter de l’adoption de la[dite] résolution, qui [étaient] en la possession ou sous le contrôle direct ou indirect des personnes que le [comité des sanctions] aur[ait] identifiées ».

6        Aux paragraphes 9 et 11 de sa résolution 1807 (2008), le Conseil de sécurité a réitéré les mesures prévues, décrites au point 5 ci-dessus.

7        Par sa résolution 2293 (2016), le Conseil de sécurité a décidé, au paragraphe 5 et au paragraphe 7, sous e), que « les mesures financières et les mesures concernant les déplacements imposées par les paragraphes 9 et 11 de sa résolution 1807 (2008) […] s’appliqu[ai]ent aux personnes et entités que le [comité des sanctions] aura[it] désignées au motif qu’elles se livr[ai]ent à des actes qui compromett[ai]ent la paix, la stabilité ou la sécurité de la République démocratique du Congo ou concour[ai]ent à de tels actes, c’est-à-dire : […] e) les personnes opérant en République démocratique du Congo et commettant des violations graves du droit international impliquant des actes de violence dirigés contre des enfants ou des femmes dans des situations de conflit armé, y compris des meurtres et des mutilations, des violences sexuelles, des enlèvements et des déplacements forcés ».

8        Par sa résolution 2360 (2017), le Conseil de sécurité a décidé, au paragraphe 1, « de reconduire jusqu’au 1er juillet 2018 les mesures énoncées aux paragraphes 1 à 6 de la résolution 2293 (2016) » et a réaffirmé, au paragraphe 2, que « les mesures décrites au paragraphe 5 de la résolution 2293 (2016) s’appliqu[ai]ent aux personnes et entités que le [comité des sanctions] aura[it] désignées au motif qu’elles se livr[ai]ent ou concour[ai]ent à des actes qui compromett[ai]ent la paix, la stabilité ou la sécurité de la République démocratique du Congo, tels que définis au paragraphe 7 de cette même résolution ».

9        Le 1er février 2018, le nom du requérant a été ajouté à la liste des personnes et entités visées par les mesures réaffirmées au paragraphe 2 de la résolution 2360 (2017) du Conseil de sécurité, pour le motif suivant :

« Désignation : a) Général des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), commandant de la 31e brigade ; b) Général de brigade des FARDC [...]

Date d’inscription : 1er fev. 2018

Renseignements divers : Muhindo Akili Mundos est un général des FARDC, commandant de la 31e brigade. En septembre 2014, il a été nommé commandant du secteur opérationnel des FARDC dans les zones de Beni et de Lubero, notamment l’opération Sukola I contre les Forces démocratiques alliées (ADF), fonctions qu’il a occupées jusqu’en juin 2015. Il représente également une menace pour la paix, la stabilité et la sécurité de la République démocratique du Congo au titre du paragraphe 7[, sous e),] de la résolution 2293 (2016). »

B.      Mesures imposées par l’Union

10      Le 18 juillet 2005, le Conseil a adopté, sur le fondement des articles 60, 301 et 308 CE, le règlement (CE) no 1183/2005, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre des personnes agissant en violation de l’embargo sur les armes imposé à la République démocratique du Congo (JO 2005, L 193, p. 1).

11      Le 20 décembre 2010, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2010/788/PESC, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo et abrogeant la position commune 2008/369/PESC (JO 2010, L 336, p. 30).

12      Le 12 décembre 2016, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215 TFUE, le règlement (UE) 2016/2230, modifiant le règlement no 1183/2005 (JO 2016, L 336 I, p. 1).

13      À la même date, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision (PESC) 2016/2231, modifiant la décision 2010/788 (JO 2016, L 336 I, p. 7).

14      Les considérants 2 à 4 de la décision 2016/2231 se lisent comme suit :

« (2)      Le 17 octobre 2016, le Conseil a adopté des conclusions faisant état d’une profonde préoccupation quant à la situation politique en République démocratique du Congo (RDC). En particulier, il y condamnait vivement les actes d’une extrême violence qui ont été commis les 19 et 20 septembre à Kinshasa, indiquant que ces actes ont encore aggravé la situation d’impasse dans laquelle se trouve le pays du fait de la non-convocation des électeurs à l’élection présidentielle dans le délai constitutionnel fixé au 20 décembre 2016.

(3)      Le Conseil a souligné que, afin d’assurer un climat propice à la tenue d’un dialogue et des élections, le gouvernement de la RDC doit clairement s’engager à veiller au respect des droits de l’homme et de l’État de droit et cesser toute instrumentalisation de la justice. Il a également exhorté tous les acteurs à rejeter l’usage de la violence.

(4)      Le Conseil s’est également déclaré prêt à utiliser tous les moyens à sa disposition, y compris le recours à des mesures restrictives contre ceux qui sont responsables de graves violations des droits de l’homme, incitent à la violence ou qui font obstacle à une sortie de crise consensuelle, pacifique et respectueuse de l’aspiration du peuple de la RDC à élire ses représentants. »

15      L’article 3, paragraphe 1, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, est libellé comme suit :

« Les mesures restrictives prévues à l’article 4, paragraphe 1, et à l’article 5, paragraphes 1 et 2, sont instituées à l’encontre des personnes et entités désignées par le comité des sanctions qui se livrent ou apportent un soutien à des actes qui compromettent la paix, la stabilité ou la sécurité en [République démocratique du Congo]. De tels actes comprennent :

[...]

e)      contribuer, en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes en [République démocratique du Congo] qui constituent des violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits ou des violations du droit international humanitaire, selon le cas, notamment des actes dirigés contre les civils, y compris des meurtres et des mutilations, des viols et d’autres violences sexuelles, des enlèvements, des déplacements forcés et des attaques contre des écoles et des hôpitaux ;

[...]

La liste des personnes et entités concernées par le présent paragraphe figure à l’annexe I. »

16      L’article 3, paragraphe 2, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, prévoit ce qui suit :

« Les mesures restrictives prévues à l’article 4, paragraphe 1, et à l’article 5, paragraphes 1 et 2, sont instituées à l’encontre des personnes et entités :

a)      faisant obstacle à une sortie de crise consensuelle et pacifique en vue de la tenue d’élections en [République démocratique du Congo], notamment par des actes de violence, de répression ou d’incitation à la violence, ou des actions portant atteinte à l’État de droit ;

b)      contribuant, en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits en [République démocratique du Congo] ;

c)      associées à celles visées [sous] a) et b),

dont la liste figure à l’annexe II. »

17      Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, « [l]es États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes visées à l’article 3 ». Son article 4, paragraphe 2, prévoit que « [l]e paragraphe 1 n’oblige pas un État membre à refuser à ses propres ressortissants l’entrée sur son territoire ».

18      L’article 5, paragraphes 1 à 3 et 5, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, prévoit ce qui suit :

« 1. Sont gelés tous les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques que les personnes ou entités visées à l’article 3 possèdent ou contrôlent directement ou indirectement, ou qui sont détenus par des entités que ces personnes ou entités ou toute personne ou entité agissant pour leur compte ou sur leurs instructions, qui sont visées aux annexes I et II, possèdent ou contrôlent directement ou indirectement.

2. Aucun fonds, autre avoir financier ou ressource économique n’est mis directement ou indirectement à la disposition des personnes ou entités visées au paragraphe 1 ou utilisé à leur profit.

3. En ce qui concerne les personnes et entités visées à l’article 3, paragraphe 1, les États membres peuvent accorder des dérogations aux mesures visées aux paragraphes 1 et 2 du présent article pour les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques qui :

a)      sont nécessaires pour régler des dépenses ordinaires, notamment les dépenses consacrées à l’achat de vivres, au paiement de loyers ou au remboursement de prêts hypothécaires, à l’achat de médicaments et au paiement de frais médicaux, d’impôts, de primes d’assurance et de redevances de services publics ;

b)      sont exclusivement destinés au règlement d’honoraires d’un montant raisonnable et au remboursement de dépenses engagées dans le cadre de la fourniture de services juridiques ;

[...]

d)      sont nécessaires pour régler des dépenses extraordinaires, après notification par l’État membre concerné au comité des sanctions et accord de ce dernier ;

[...]

5. En ce qui concerne les personnes et entités visées à l’article 3, paragraphe 2, l’autorité compétente d’un État membre peut autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés, ou la mise à disposition de certains fonds ou ressources économiques, dans les conditions qu’elle juge appropriées, après avoir établi que les fonds ou ressources économiques concernés sont :

a)      nécessaires pour répondre aux besoins fondamentaux des personnes et entités et des membres de la famille de ces personnes physiques qui sont à leur charge, notamment pour couvrir les dépenses consacrées à l’achat de vivres, au paiement de loyers ou au remboursement de prêts hypothécaires, à l’achat de médicaments et au paiement de frais médicaux, d’impôts, de primes d’assurance et de redevances de services publics ;

b)      exclusivement destinés au règlement d’honoraires d’un montant raisonnable et au remboursement de dépenses engagées dans le cadre de la fourniture de services juridiques ;

[...]

d)      nécessaires pour régler des dépenses extraordinaires, pour autant que l’autorité compétente ait notifié aux autorités compétentes des autres États membres et à la Commission, au moins deux semaines avant l’autorisation, les motifs pour lesquels elle estime qu’une autorisation spéciale devrait être accordée. »

19      L’article 6 de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, prévoit ce qui suit :

« 1. Le Conseil modifie la liste figurant à l’annexe I sur la base des décisions prises par le Conseil de sécurité des Nations unies ou le comité des sanctions.

2. Le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, établit et modifie la liste qui figure à l’annexe II. »

20      L’article 7 de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, prévoit ce qui suit :

« 1. Lorsque le Conseil de sécurité des Nations unies ou le comité des sanctions inscrit sur la liste une personne ou entité, le Conseil inscrit la personne ou l’entité concernée sur la liste figurant à l’annexe I. Le Conseil communique sa décision à la personne ou à l’entité concernée, y compris les motifs de son inscription sur la liste, soit directement, si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en donnant à cette personne ou entité la possibilité de présenter des observations.

2. Le Conseil communique à la personne ou à l’entité concernée la décision visée à l’article 6, paragraphe 2, y compris les motifs de son inscription sur la liste, soit directement, si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en donnant à cette personne ou entité la possibilité de présenter des observations.

3. Si des observations sont formulées ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil revoit sa décision et informe la personne ou l’entité concernée en conséquence. »

21      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, il est prévu ce qui suit :

« L’annexe I contient les motifs communiqués par le Conseil de sécurité des Nations unies ou par le comité des sanctions qui ont présidé à l’inscription des personnes et entités concernées sur la liste. »

22      L’article 9 de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, prévoit ce qui suit :

« 1. La présente décision est réexaminée, modifiée ou abrogée, s’il y a lieu, en particulier compte tenu des décisions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies.

2. Les mesures visées à l’article 3, paragraphe 2, s’appliquent jusqu’au 12 décembre 2017. Elles sont prorogées, ou modifiées le cas échéant, si le Conseil estime que leurs objectifs n’ont pas été atteints. »

23      Quant au règlement no 1183/2005, l’article 2 bis, paragraphe 1, de ce dernier prévoit ce qui suit :

« L’annexe I inclut les personnes physiques ou morales, les entités ou les organismes désignés par le [c]omité des sanctions comme se livrant à des actes qui menacent la paix, la stabilité ou la sécurité en [République démocratique du Congo] ou apportant leur soutien à de tels actes. Ces actes consistent notamment à :

[...]

e)      planifier, diriger ou commettre, en [République démocratique du Congo], des actes constitutifs de violations des droits de l’homme ou d’abus ou de violations du droit humanitaire international, selon le cas, y compris les actes commis contre des civils, tels que les meurtres et les mutilations, les viols et autres violences sexuelles, les enlèvements et les déplacements forcés, les attaques contre des écoles et des hôpitaux. »

24      Aux termes de l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du même règlement, tel que modifié par le règlement 2016/2230, il est prévu ce qui suit :

« 1. L’annexe I bis comprend les personnes physiques ou morales, les entités ou les organismes désignés par le Conseil pour l’un des motifs suivants :

[...]

b)      préparant, dirigeant ou commettant des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits en [République démocratique du Congo]. »

25      Le 29 mai 2017, le Conseil a adopté, sur le fondement notamment de l’article 31, paragraphe 2, TUE et de l’article 6, paragraphe 2, de la décision 2010/788, la décision d’exécution (PESC) 2017/905, mettant en œuvre la décision 2010/788  (JO 2017, L 138 I, p. 6). À la même date, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) 2017/904, mettant en œuvre l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 1183/2005 (JO 2017, L 138 I, p. 1).

26      Le considérant 2 du règlement d’exécution 2017/904 et de la décision d’exécution 2017/905 se lit comme suit :

« Le 12 décembre 2016, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2016/2231 en réponse aux entraves au processus électoral et aux violations des droits de l’homme qui y sont liées en République démocratique du Congo (RDC). Le 6 mars 2017, le Conseil a adopté des conclusions dans lesquelles il s’est déclaré gravement préoccupé par la situation politique en RDC provoquée par le blocage dans la mise en œuvre de l’accord politique inclusif du 31 décembre 2016, ainsi que par la situation sécuritaire dans plusieurs régions du pays, où un usage disproportionné de la force a été observé. »

27      Le nom du requérant a été ajouté par la décision d’exécution 2017/905 sur la liste des personnes et entités figurant à l’annexe II de la décision 2010/788 (ci-après la « liste figurant à l’annexe II ») et par le règlement d’exécution 2017/904 sur la liste des personnes et entités figurant à l’annexe I bis du règlement no 1183/2005.

28      Dans l’annexe II de la décision 2010/788, telle que modifiée par la décision d’exécution 2017/905, et dans l’annexe I bis du règlement no 1183/2005, telle que modifiée par le règlement d’exécution 2017/904, le Conseil a justifié l’adoption des mesures restrictives visant le requérant par les motifs suivants :

« Muhindo Akili Mundos était le commandant des [Forces armées de la République démocratique du Congo], dans le cadre de l’opération Sukola I, responsable d’opérations militaires contre les Forces démocratiques alliées (ADF) d’août 2014 à juin 2015. Il a recruté et équipé d’anciens combattants d’un groupe armé local pour participer à des exécutions extrajudiciaires et à des massacres à partir d’octobre 2014. Muhindo Akili Mundos a donc contribué, en les planifiant, dirigeant ou commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme en [République démocratique du Congo]. »

29      Le 30 mai 2017, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis à l’attention des personnes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2010/788, mise en œuvre par la décision d’exécution 2017/905, et par le règlement no 1183/2005, mis en œuvre par le règlement d’exécution 2017/904, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo (JO 2017, C 169, p. 4). Dans cet avis, il était notamment précisé que les personnes concernées pouvaient adresser au Conseil, avant le 1er octobre 2017, une demande de réexamen de la décision par laquelle leurs noms avaient été inscrits, d’une part, sur la liste figurant à l’annexe II et, d’autre part, sur la liste des personnes et entités figurant à l’annexe I bis du règlement no 1183/2005, en y joignant des pièces justificatives. Ledit avis indiquait également que toute observation reçue serait prise en compte aux fins du réexamen ultérieur effectué par le Conseil, en application de l’article 9 de la décision 2010/788.

30      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 août 2017, le requérant ainsi que sept autres personnes ont introduit un recours visant, en substance, à l’annulation du règlement d’exécution 2017/904 et de la décision d’exécution 2017/905, pour autant que ces actes les concernaient. Ce recours a été enregistré sous le numéro d’affaire T‑582/17.

31      Le 11 décembre 2017, à l’issue du processus de réexamen des mesures litigieuses, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision (PESC) 2017/2282, modifiant la décision 2010/788 (JO 2017, L 328, p. 19). L’article 1er de cette décision a ainsi remplacé le texte de l’article 9, paragraphe 2, de la décision 2010/788 par le texte suivant :

« Les mesures visées à l’article 3, paragraphe 2, s’appliquent jusqu’au 12 décembre 2018. Elles sont prorogées, ou modifiées le cas échéant, si le Conseil estime que leurs objectifs n’ont pas été atteints. »

32      Par lettre du 12 février 2018, le Conseil a informé le représentant du requérant que le Conseil de sécurité avait décidé de l’inscrire sur la liste des personnes et entités auxquelles s’appliquaient les mesures imposées aux paragraphes 13 et 15 de sa résolution 1596 (2005). Dans ce même courrier, le Conseil a informé le représentant du requérant de l’adoption de sa décision d’exécution (PESC) 2018/202, du 9 février 2018, mettant en œuvre la décision 2010/788 (JO 2018, L 38, p. 19), et de son règlement d’exécution (UE) 2018/197, du 9 février 2018, mettant en œuvre l’article 9 du règlement no 1183/2005 (JO 2018, L 38, p. 2). Par ces deux actes, le Conseil a inscrit le nom du requérant, respectivement, sur la liste figurant à l’annexe I, et non plus à l’annexe II, de la décision 2010/788 et sur la liste figurant à l’annexe I, et non plus à l’annexe I bis, du règlement no 1183/2005.

33      Les motifs retenus pour l’inscription du nom du requérant sur la liste figurant à l’annexe I de la décision 2010/788, telle que modifiée par la décision d’exécution 2018/202, et sur la liste figurant à l’annexe I du règlement no 1183/2005, tel que modifié par le règlement d’exécution 2018/197, sont les suivants :

« Désignation : a) général des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), commandant de la 31e brigade ; b) général de brigade des FARDC.

[...]

Date de désignation par les Nations unies : 1er février 2018.

Renseignements divers : Muhindo Akili Mundos est un général des FARDC, commandant de la 31e brigade. En septembre 2014, il a été nommé commandant du secteur opérationnel des FARDC dans les zones de Beni et de Lubero, notamment l’opération Sukola I contre les Forces démocratiques alliées (ADF), fonctions qu’il a occupées jusqu’en juin 2015. Il représente également une menace pour la paix, la stabilité et la sécurité de la République démocratique du Congo au titre du paragraphe 7[, sous e),] de la résolution 2293 (2016).

[...]

Motifs ayant présidé à l’inscription sur la liste :

Muhindo Akili Mundos a été inscrit sur la liste le 1er février 2018, en application des critères énoncés au paragraphe 7[, sous e),] de la résolution 2293 (2016), tels que réaffirmés dans la résolution 2360 (2017).

Renseignements complémentaires :

D’août 2014 à juin 2015, Muhindo Akili Mundos était commandant de l’armée congolaise chargé des opérations militaires contre les Forces démocratiques alliées (ADF) pendant l’opération militaire Sukola I. Sous le commandement de Mundos, l’unité des FARDC n’est pas intervenue pour empêcher les Forces démocratiques alliées de commettre des atteintes [aux] droits de l’homme, notamment des attaques visant des civils. Mundos a recruté et équipé des ex-combattants de groupes armés locaux pour qu’ils participent à des exécutions extrajudiciaires et aux massacres perpétrés par les Forces démocratiques alliées.

Alors qu’il était le commandant de l’opération Sukola I des FARDC, Mundos a également commandé une faction d’un sous-groupe des Forces démocratiques alliées, connue sous le nom de ADF-Mwalika, et lui a apporté un appui. Sous le commandement de Mundos, les ADF-Mwalika ont perpétré des attaques contre des civils avec l’appui supplémentaire de combattants des FARDC, elles aussi commandées par Mundos durant ces opérations. »

34      Par ailleurs, par arrêt du 26 mars 2019, Boshab e.a./Conseil (T‑582/17, non publié, EU:T:2019:193), le Tribunal a rejeté le recours mentionné au point 30 ci-dessus.

C.      Procédure et conclusions des parties

35      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 mars 2018, le requérant a introduit le présent recours.

36      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 5 juin 2018, le requérant a, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, présenté une demande d’adaptation de la requête tendant à étendre les conclusions de la requête à la décision d’exécution 2018/202 et au règlement d’exécution 2018/197 en tant que ces actes le concernaient. Le Conseil a présenté des observations sur le mémoire en adaptation le 6 juillet 2018.

37      Par décision du 12 octobre 2018, le président de la neuvième chambre du Tribunal a décidé de joindre la présente affaire aux affaires T‑170/18, Kande Mupompa/Conseil, T‑171/18, Boshab/Conseil, T‑173/18, Ramazani Shadary/Conseil, T‑174/18, Mutondo/Conseil, T‑175/18, Ruhorimbere/Conseil, T‑176/18, Mende Omalanga/Conseil, et T‑177/18, Kazembe Musonda/Conseil, aux fins de la phase écrite et de l’éventuelle phase orale de la procédure.

38      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure. Le 15 mai 2019, le Tribunal a renvoyé l’affaire devant la neuvième chambre élargie.

39      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 4 juillet 2019.

40      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision 2017/2282, dans la mesure où elle maintient son nom dans l’annexe II de la décision 2010/788 et dans l’annexe I bis du règlement no 1183/2005, la décision d’exécution 2018/202, dans la mesure où elle inscrit son nom dans l’annexe I de la décision 2010/788, et le règlement d’exécution 2018/197, dans la mesure où il inscrit son nom dans l’annexe I du règlement no 1183/2005 ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

41      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        à titre subsidiaire, en cas d’annulation de la décision 2017/2282 ou de la décision d’exécution 2018/202, maintenir les effets de la décision annulée à l’égard du requérant jusqu’à l’expiration du délai de pourvoi contre l’arrêt du Tribunal ou, si un pourvoi est introduit dans ce délai, jusqu’au rejet de celui-ci ;

–        condamner le requérant aux dépens.

II.    En droit

A.      Sur la recevabilité de l’adaptation des conclusions

42      Ainsi qu’il ressort du point 36 ci-dessus, le requérant a adapté les conclusions de son recours afin que celles-ci visent non seulement la décision 2017/2282, mais également la décision d’exécution 2018/202 et le règlement d’exécution 2018/197.

43      Dans ses observations sur le mémoire en adaptation, le Conseil excipe de l’irrecevabilité d’une telle demande en adaptation pour trois séries de raisons. Premièrement, le Conseil soutient que le règlement d’exécution 2018/197 et la décision d’exécution 2018/202 ne peuvent être considérés comme ayant le même objet que la décision 2017/2282, seul acte visé par les conclusions en annulation de la requête. À cet égard, le Conseil souligne que les actes visés par la demande en adaptation font passer le requérant d’un régime de mesures restrictives adoptées par le Conseil de manière autonome à un régime de mesures décidées sur la base d’une décision du Conseil de sécurité, ce qui implique que le nom du requérant n’est plus inscrit dans la même annexe de la décision 2010/788, que les motifs d’une telle inscription sont différents et que la durée d’application des mesures restrictives à son égard est devenue indéterminée. Deuxièmement, le Conseil fait valoir que la demande en adaptation présentée par le requérant a été introduite au-delà du délai prévu à l’article 263 TFUE, le requérant ayant déposé son mémoire en adaptation le 5 juin 2018 alors que le Conseil l’avait informé de l’adoption des actes faisant l’objet dudit mémoire par courrier adressé à son représentant le 12 février 2018. Troisièmement, le Conseil souligne que la demande en adaptation ne respecte pas les exigences de clarté requises par l’article 76 du règlement de procédure.

44      Par ailleurs, en ce qui concerne spécifiquement le règlement d’exécution 2018/197, le Conseil fait valoir que cet acte ne remplace ni ne modifie aucun acte dont le requérant a demandé l’annulation dans son recours, qui ne porte que sur la décision 2017/2282.

45      À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 86, paragraphe 1, du règlement de procédure dispose que, lorsqu’un acte, dont l’annulation est demandée, est remplacé ou modifié par un autre acte ayant le même objet, la partie requérante peut, avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, adapter la requête pour tenir compte de cet élément nouveau.

46      D’une part, s’agissant du règlement d’exécution 2018/197, cet acte n’a aucune incidence sur le seul acte visé par la requête, à savoir la décision 2017/2282. En effet, le règlement d’exécution 2018/197 a pour objet de modifier les listes figurant aux annexes I et I bis du règlement no 1183/2005. Or, contrairement à ce qu’indique le requérant dans le premier chef de conclusions de la requête, la décision 2017/2282 n’a pas eu pour objet de modifier le règlement no 1183/2005 et de maintenir l’inscription de son nom sur la liste des personnes et entités figurant à l’annexe I bis de ce règlement. À cet égard, rien n’empêchait le requérant, afin de contester la légalité du règlement d’exécution 2018/197, d’introduire un recours en annulation contre cet acte en tant qu’il le concernait.

47      D’autre part, en ce qui concerne la décision d’exécution 2018/202, il convient d’examiner le recours au fond sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le Conseil à cet égard [voir, en ce sens, arrêt du 4 avril 2019, Sharif/Conseil, T‑5/17, EU:T:2019:216, point 34 (non publié) et jurisprudence citée].

B.      Sur le fond

48      À l’appui de ses conclusions en annulation de la décision 2017/2282 et de la décision d’exécution 2018/202 (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées »), le requérant soulève quatre moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’obligation de motivation et du droit d’être entendu, le deuxième, d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation, le troisième, d’une violation du droit au respect de la vie privée et familiale, du droit de propriété et du principe de proportionnalité et, le quatrième, d’une part, de l’illégalité de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et de l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005, s’agissant des conclusions dirigées contre la décision 2017/2282, et, d’autre part, de l’illégalité de l’article 3, paragraphe 1, sous e), de la décision 2010/788 et de l’article 2 bis, paragraphe 1, sous e), du règlement no 1183/2005, s’agissant des conclusions dirigées contre la décision d’exécution 2018/202.

1.      Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et du droit d’être entendu

49      Le premier moyen se décompose en deux branches, tirées, respectivement, la première, d’une violation de l’obligation de motivation et, la seconde, d’une violation du droit d’être entendu.

a)      Sur la première branche du premier moyen

50      Dans la première branche du premier moyen, le requérant fait valoir que le Conseil a violé l’obligation de motivation d’un acte faisant grief prévue à l’article 296 TFUE. Le requérant soutient que la motivation des décisions attaquées est particulièrement succincte, le Conseil ne formulant aucune accusation précise, ni aucun fait particulier et identifiable qui permettrait sans doute sérieux de lui attribuer les reproches formulés à son égard dans ladite motivation. Selon le requérant, les décisions attaquées sont ainsi fondées sur de simples affirmations présomptives, impossibles à vérifier et qui le placent dans l’obligation d’apporter des preuves négatives de l’inexistence des faits généraux qui lui sont reprochés, entraînant un renversement de la charge de la preuve.

51      Le Conseil conteste ces arguments.

52      À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motiver un acte faisant grief, telle que prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union européenne et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte. L’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit de l’Union auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses. Partant, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief, son absence ne pouvant être régularisée par le fait que l’intéressé prend connaissance des motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union (arrêt du 7 décembre 2011, HTTS/Conseil, T‑562/10, EU:T:2011:716, point 32).

53      Ensuite, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 54, et du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 82).

54      L’obligation de motivation à laquelle le Conseil est tenu porte, d’une part, sur l’indication de la base juridique de la mesure adoptée et, d’autre part, sur les circonstances qui permettent de considérer que l’un ou l’autre des critères d’inscription est rempli dans le cas des intéressés (arrêt du 18 septembre 2014, Central Bank of Iran/Conseil, T‑262/12, non publié, EU:T:2014:777, point 86).

55      Par conséquent, il y a lieu d’examiner si la motivation de l’acte attaqué contient des références explicites au critère d’inscription litigieux et si, le cas échéant, cette motivation peut être regardée comme suffisante pour permettre à la partie requérante de vérifier le bien-fondé de l’acte attaqué, de se défendre devant le Tribunal et à ce dernier d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2014, Central Bank of Iran/Conseil, T‑262/12, non publié, EU:T:2014:777, point 88).

56      Enfin, la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure restrictive doit non seulement identifier la base juridique de cette mesure, mais également les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 52, et du 25 mars 2015, Central Bank of Iran/Conseil, T‑563/12, EU:T:2015:187, point 55).

57      En l’espèce, il convient de souligner que la décision 2017/2282 a pour objet de proroger l’inscription du nom du requérant sur la liste figurant à l’annexe II en maintenant les motifs retenus par le Conseil, lors de l’inscription initiale de son nom sur cette liste, dans la décision d’exécution 2017/905, qui a modifié la décision 2010/788. Par la décision d’exécution 2018/202, le Conseil a, en vue de mettre en œuvre une décision du comité des sanctions, retiré le nom du requérant de la liste figurant à l’annexe II et l’a inscrit sur la liste figurant à l’annexe I de la décision 2010/788 (ci-après la « liste figurant à l’annexe I »), en reproduisant les motifs retenus par le comité des sanctions à son égard.

58      Selon le requérant, tant les motifs retenus pour l’inscription de son nom sur la liste figurant à l’annexe II que ceux retenus pour une telle inscription sur la liste figurant à l’annexe I sont particulièrement succincts, le Conseil ne formulant aucun reproche précis qui permettrait de lui attribuer les accusations formulées à son égard dans lesdits motifs.

59      À cet égard, d’une part, il convient de rappeler que l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788, inséré dans cette dernière par la décision 2016/2231, établit que l’annexe II comprend les personnes et entités qui ont été regardées par le Conseil comme « contribuant, en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits en [République démocratique du Congo] ». D’autre part, l’article 3, paragraphe 1, sous e), de la décision 2010/788, telle que modifiée par la décision 2016/2231, dispose que l’annexe I comprend les personnes et entités désignées par le comité des sanctions qui « contribu[ent], en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes en [République démocratique du Congo] qui constituent des violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits ou des violations du droit international humanitaire ».

60      Il convient également de rappeler que les éléments factuels figurant dans les motifs retenus par le Conseil dans la décision 2010/788, telle que modifiée par la décision 2017/2282 pour le maintien du nom du requérant sur la liste figurant à l’annexe II, puis dans ceux retenus par le Conseil dans la décision d’exécution 2018/202 pour son inscription sur la liste figurant à l’annexe I, visent sa qualité de commandant des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et son implication, lors de l’opération militaire « Sukola I » menée contre le groupe Forces démocratiques alliées (ADF) entre août 2014 et juin 2015, dans le recrutement et l’armement d’anciens combattants d’un groupe armé local pour participer à des exécutions extrajudiciaires et à des massacres à partir d’octobre 2014 (voir points 28 et 33 ci-dessus).

61      Une telle motivation identifie les éléments spécifiques et concrets, portant aussi bien sur les fonctions professionnelles exercées par le requérant que sur le type d’acte visé, et fait état de ce que le requérant aurait été impliqué dans de graves violations des droits de l’homme en République démocratique du Congo. Elle permet, en effet, de comprendre les raisons ayant conduit le Conseil à adopter des mesures restrictives à l’encontre du requérant portant sur sa prétendue responsabilité, au titre de ses fonctions au sein des FARDC, dans des exécutions extrajudiciaires et des massacres.

62      Ainsi que le Conseil le fait valoir à juste titre, la motivation de l’inscription du nom du requérant sur la liste figurant à l’annexe II et, ensuite, sur la liste figurant à l’annexe I expose les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles les critères d’inscription mentionnés au point 59 ci-dessus lui étaient applicables et, notamment, d’une part, mentionne une base juridique clairement identifiée et qui renvoie auxdits critères d’inscription et, d’autre part, repose sur des motifs se rapportant aux activités du requérant lui permettant de comprendre les raisons ayant justifié l’inscription de son nom sur les listes en cause. Par ailleurs, le contexte de l’adoption des décisions attaquées était connu du requérant, étant donné qu’il a contesté, en substance, devant le Tribunal, la légalité de la première inscription de son nom sur la liste figurant à l’annexe II, ainsi que cela a été rappelé aux points 30 et 34 ci-dessus. Or, les motifs de cette inscription n’ont pas été modifiés par la décision 2017/2282 et, par ailleurs, les motifs de l’inscription de son nom sur la liste figurant à l’annexe I, consécutifs à la décision d’exécution 2018/202, sont, en substance, demeurés identiques.

63      Par conséquent, le requérant ne pouvait raisonnablement ignorer que, lorsque, par la décision 2017/2282, le Conseil a confirmé les motifs de l’inscription initiale de son nom sur la liste figurant à l’annexe II, décidée dans la décision d’exécution 2017/905, puis, par la décision d’exécution 2018/202, a retenu des motifs en substance identiques pour inscrire son nom sur la liste figurant à l’annexe I, il s’est référé au fait que, au vu de ses fonctions de commandant des FARDC, il était responsable du recrutement et de l’équipement d’anciens combattants d’un groupe armé local et qu’il disposait du pouvoir de fait d’influencer ces combattants, prétendument responsables d’exécutions extrajudiciaires et de massacres.

64      À la lumière des motifs d’inscription de son nom sur la liste figurant à l’annexe II et sur la liste figurant à l’annexe I, le requérant était en mesure de contester utilement le bien-fondé des mesures restrictives adoptées à son égard. Il lui était donc loisible de contester la réalité des faits mentionnés retenus pour de telles inscriptions, notamment en niant sa qualité de commandant des FARDC ou son implication dans le recrutement de membres d’un groupe armé local, ou en contestant que ces derniers aient participé à des exécutions extrajudiciaires et à des massacres. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait en substance dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation.

65      Il s’ensuit que la motivation des décisions attaquées était suffisante pour permettre au requérant d’en contester la validité et au Tribunal d’exercer son contrôle de légalité. La première branche du premier moyen doit dès lors être rejetée.

b)      Sur la seconde branche du premier moyen

66      Par la seconde branche du premier moyen, le requérant soutient que le Conseil a violé son droit d’être entendu. Il considère que, s’il est vrai que l’effet de surprise nécessaire à une mesure de gel de fonds implique que le Conseil n’est pas tenu de procéder à une audition préalablement à l’inscription initiale du nom d’une personne ou d’une entité sur une liste imposant des mesures restrictives, il n’en demeure pas moins que, dans le cadre, comme en l’espèce, d’un réexamen d’une telle décision d’inscription initiale, ledit effet n’a plus lieu d’être et le principe du contradictoire doit être respecté en ce qui concerne tant la communication des motifs préalablement à la décision de maintien sur la liste figurant à l’annexe II que le droit à être auditionné. Il ajoute qu’il a sollicité une audition auprès du Conseil, mais que, à la date de dépôt du présent recours, celui-ci ne s’était pas prononcé sur une telle demande.

67      Dans la réplique, d’une part, le requérant fait valoir qu’il n’a jamais été entendu par les organes relevant de l’ONU lors de l’élaboration des différents rapports utilisés par le Conseil pour soutenir la décision 2017/2282, ce qui ne respecterait pas les critères établis dans la jurisprudence et démontrerait qu’il aurait dû être entendu préalablement à l’adoption de cette décision, d’autant plus qu’il a fourni au Conseil, le 21 février 2018, des éléments susceptibles de mettre en question le bien-fondé des motifs retenus. D’autre part, le requérant soutient que, par rapport à la décision initiale d’inscription de son nom sur la liste figurant à l’annexe II, le Conseil a retenu de nouveaux éléments de preuve à son égard en vue de l’adoption de la décision 2017/2282.

68      Dans son mémoire en adaptation, le requérant soutient que la décision d’exécution 2018/202 a été adoptée en méconnaissance de son droit d’être entendu, pour les mêmes motifs que ceux qu’il a exposés dans le cadre de la seconde branche du premier moyen du recours dirigée contre la décision 2017/2282.

69      Le Conseil conteste ces arguments en soulignant que la décision 2017/2282 repose sur les mêmes motifs que ceux ayant fondé l’inscription initiale du nom du requérant sur la liste figurant à l’annexe II, en vertu de la décision d’exécution 2017/905. Il s’ensuivrait qu’il n’était pas tenu d’entendre le requérant avant d’adopter la décision 2017/2282. En outre, dans ses observations sur le mémoire en adaptation, le Conseil fait valoir qu’il a échangé une correspondance avec le représentant du requérant lors de la procédure qui a précédé l’adoption de la décision d’exécution 2018/202.

1)      Considérations liminaires

70      Aux termes de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), toute personne a le droit d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard.

71      Selon la jurisprudence, dans le cadre d’une procédure portant sur l’adoption de la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne sur une liste figurant à l’annexe d’un acte portant mesures restrictives, le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective exige que l’autorité compétente de l’Union communique à la personne concernée les éléments dont elle dispose à l’encontre de ladite personne pour fonder sa décision, afin que cette personne puisse défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union. En outre, lors de cette communication, l’autorité compétente de l’Union doit permettre à cette personne de faire connaître utilement son point de vue en ce qui concerne les motifs retenus contre elle (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 111 et 112, et du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, EU:T:2006:384, point 93).

72      S’agissant d’un premier acte par lequel les fonds d’une personne ou d’une entité sont gelés, le Conseil n’est pas tenu de communiquer au préalable à la personne ou à l’entité concernée les motifs sur lesquels il entend fonder l’inscription initiale de son nom sur la liste des personnes et entités dont les fonds sont gelés. En effet, une telle mesure, afin de ne pas compromettre son efficacité, doit, par sa nature même, pouvoir bénéficier d’un effet de surprise et s’appliquer immédiatement. Dans un tel cas, il suffit, en principe, que l’institution procède à la communication des motifs à la personne ou à l’entité concernée et ouvre le droit à l’audition de celle-ci concomitamment avec l’adoption de la décision de gel des fonds ou immédiatement après celle-ci (arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 61).

73      En revanche, dans le cas d’une décision subséquente de gel de fonds par laquelle le nom d’une personne ou d’une entité figurant déjà sur la liste des personnes et entités dont les fonds sont gelés est maintenu sur cette liste, cet effet de surprise n’est plus nécessaire afin d’assurer l’efficacité de la mesure, de sorte que l’adoption d’une telle décision doit, en principe, être précédée d’une communication des éléments retenus à charge ainsi que de l’opportunité conférée à la personne ou à l’entité concernée d’être entendue (arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 62).

74      À cet égard, la Cour a souligné que l’élément de protection qu’offraient l’exigence de communication des éléments à charge et le droit de présenter des observations avant l’adoption d’actes qui maintiennent le nom d’une personne ou d’une entité sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives était fondamental et essentiel aux droits de la défense. Cela est d’autant plus vrai que les mesures restrictives en question ont une incidence importante sur les droits et les libertés des personnes et des groupes visés (arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 64).

75      Ce droit d’être entendu préalablement à l’adoption de tels actes s’impose lorsque le Conseil a retenu, dans la décision portant maintien de l’inscription de son nom sur cette liste, de nouveaux éléments contre cette personne, à savoir des éléments qui n’étaient pas pris en compte dans la décision initiale d’inscription de son nom sur cette même liste (voir, en ce sens, arrêts du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 26 et jurisprudence citée, et du 7 avril 2016, Central Bank of Iran/Conseil, C‑266/15 P, EU:C:2016:208, point 33).

76      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, en l’espèce, le Conseil a respecté le droit du requérant d’être entendu, dans le cadre de l’adoption, d’une part, de la décision 2017/2282 et, d’autre part, de la décision d’exécution 2018/202.

2)      En ce qui concerne la décision 2017/2282

77      Certes, comme le souligne le Conseil, le maintien de l’inscription du nom du requérant sur la liste figurant à l’annexe II, décidé dans la décision 2017/2282, est fondé sur les mêmes motifs que ceux qui ont justifié l’adoption de l’acte initial imposant les mesures restrictives en question.

78      Toutefois, cette circonstance ne saurait à elle seule impliquer que le Conseil n’était pas tenu de respecter les droits de la défense du requérant, et en particulier de lui donner la possibilité de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments de fait sur la base desquels il a adopté la décision 2017/2282, portant maintien de l’inscription de son nom sur la liste figurant à l’annexe II.

79      En effet, l’existence d’une violation des droits de la défense doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce, notamment de la nature de l’acte en cause, du contexte de son adoption et des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 102 et jurisprudence citée).

80      À cet égard, il convient de souligner que les mesures restrictives ont une nature conservatoire et, par définition, provisoire, dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption, ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2014, Yusef/Commission, T‑306/10, EU:T:2014:141, points 62 et 63). C’est en ce sens que l’article 9, paragraphe 2, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, prévoit que les mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo s’appliquent jusqu’au 12 décembre 2017 et sont « prorogées, ou modifiées le cas échéant, si le Conseil estime que leurs objectifs n’ont pas été atteints ».

81      Il s’ensuit que, lors du réexamen périodique de ces mesures restrictives, il appartient au Conseil de procéder à une appréciation actualisée de la situation et d’établir un bilan de l’impact de telles mesures, en vue de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des noms des personnes et entités concernées sur la liste figurant à l’annexe II ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion concernant lesdites personnes et entités.

82      À cet égard, dans l’arrêt du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil (T‑288/15, EU:T:2018:619, point 316 et jurisprudence citée), le Tribunal a jugé que le respect des droits de la défense impliquait que le Conseil communique aux parties requérantes, avant d’adopter une décision portant renouvellement des mesures restrictives à leur égard, les éléments par lesquels il avait procédé, lors du réexamen périodique des mesures en cause, à une réactualisation des informations qui avaient justifié l’inscription initiale de leur nom sur la liste des personnes faisant l’objet de telles mesures restrictives.

83      Ainsi, en l’espèce, au regard de l’objectif initial visé par les mesures restrictives à l’encontre de la République démocratique du Congo, à savoir, en substance, assurer un climat propice à la tenue d’élections et faire cesser toute violation des droits de l’homme (voir point 14 ci-dessus), il convient de considérer que le Conseil était tenu, lors du réexamen périodique des mesures restrictives imposées au requérant, de lui communiquer, le cas échéant, les éléments nouveaux par lesquels il avait réactualisé les informations concernant non seulement sa situation personnelle, mais également la situation politique et sécuritaire en République démocratique du Congo.

84      Or, il ressort des pièces du dossier que le Conseil, ainsi que ce dernier l’a confirmé lors de l’audience en réponse à une question posée par le Tribunal, a adopté la décision 2017/2282 en tenant compte, en plus des informations dont il disposait déjà lors de l’inscription initiale du nom du requérant sur la liste figurant à l’annexe II, de celles contenues dans le document interne du 23 octobre 2017, portant la référence COREU CFSP/1492/17. Premièrement, ce document du 23 octobre 2017 mentionnait l’absence, à cette date, de publication d’un calendrier électoral et l’annonce par la Commission électorale nationale indépendante, le 11 octobre 2017, de la nécessité d’au moins 504 jours pour organiser des élections. Deuxièmement, dans le même document, il était indiqué que la Mission de l’Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo (Monusco) avait rapporté, d’une part, une dégradation de la situation sécuritaire dans de nombreuses parties de la République démocratique du Congo et, d’autre part, un accroissement de l’instabilité régionale après le départ de civils fuyant les zones de conflit. Troisièmement, ledit document faisait état de ce que les libertés de réunion, d’opinion et d’expression étaient toujours réprimées, ainsi qu’en témoignaient l’interdiction de manifestations contre l’absence de publication d’un calendrier électoral et, en août 2017, le blocage des médias sociaux après l’annonce d’une grève générale.

85      De même, il ressort des conclusions du Conseil du 11 décembre 2017 que ce dernier avait connaissance, au moment de l’adoption de la décision 2017/2282, d’un autre élément d’actualisation, à savoir l’annonce d’un calendrier électoral ayant fixé, le 5 novembre 2017, les élections présidentielles au 23 décembre 2018. Toutefois, une telle annonce n’a pas empêché le Conseil de considérer que le statu quo persistait en République démocratique du Congo.

86      Partant, bien que, par la décision 2017/2282, le Conseil ait reconduit les mesures restrictives à l’encontre du requérant pour des motifs identiques à ceux retenus, pour l’inscription initiale de son nom sur la liste figurant à l’annexe II, dans la décision d’exécution 2017/905, les éléments d’actualisation visés aux points 84 et 85 ci-dessus constituent des éléments nouveaux qui ont été pris en compte par le Conseil lors de l’adoption de la décision 2017/2282. En conséquence, le Conseil aurait dû recueillir les observations du requérant sur ces éléments préalablement à l’adoption d’une telle décision, conformément à ce qui a été énoncé au point 83 ci-dessus. Or, il est constant que tel n’a pas été le cas.

87      Est sans incidence à cet égard le fait que, d’une part, l’inscription initiale du nom du requérant sur la liste figurant à l’annexe II a été suivie de la publication au Journal officiel d’un avis aux personnes concernées par lesdites mesures, aux termes duquel ces personnes étaient invitées à présenter au Conseil, avant le 1er octobre 2017, une demande de réexamen, et que, d’autre part, le requérant n’a pas fait usage de cette possibilité. En effet, le Conseil ne saurait être déchargé de l’obligation qui pèse sur lui de respecter les droits de la défense au motif qu’une personne faisant l’objet de mesures restrictives a la possibilité de demander que de telles mesures cessent de lui être appliquées.

88      Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant pouvait prévoir que le Conseil conclurait au statu quo concernant la situation en République démocratique du Congo en prenant en compte les éléments décrits aux points 84 et 85 ci-dessus, relatifs à l’absence de publication d’un calendrier électoral, à l’aggravation de la situation sécuritaire et à la perpétuation de la répression de libertés publiques dans de nombreuses régions du pays, éléments sur lesquels le requérant n’a pas été mis en mesure de transmettre ses observations avant l’adoption de la décision 2017/2282. Il convient à cet égard de rappeler que les mesures restrictives ont un caractère provisoire (voir point 80 ci-dessus), lequel est garanti par les dispositions mêmes de la décision 2017/2282 (voir point 31 ci-dessus).

89      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la décision 2017/2282 est intervenue à l’issue d’une procédure au cours de laquelle les droits de la défense du requérant n’ont pas été respectés.

90      Cependant, il ne saurait être déduit de tout ce qui précède que l’absence de communication par le Conseil au requérant des éléments nouveaux mentionnés dans le document interne du 23 octobre 2017, portant la référence COREU CFSP/1492/17, et dans les conclusions du Conseil du 11 décembre 2017 ainsi que la circonstance que le requérant n’a pas été mis en mesure de transmettre ses observations sur ces éléments avant que le Conseil n’adopte la décision 2017/2282 emportent l’annulation de cette dernière.

91      En effet, il incombe au juge de l’Union de vérifier, lorsqu’il est en présence d’une irrégularité affectant les droits de la défense, si, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l’espèce, la procédure en cause aurait pu aboutir à un résultat différent dans la mesure où le requérant aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de cette irrégularité (voir, en ce sens, arrêts du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C‑141/08 P, EU:C:2009:598, points 81, 88, 92, 94 et 107, et du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil, T‑288/15, EU:T:2018:619, point 325 et jurisprudence citée).

92      Or, en l’espèce, aucun élément du dossier ne laisse supposer que, si le requérant s’était vu communiquer les éléments nouveaux par lesquels le Conseil a actualisé son appréciation de la situation politique et sécuritaire en République démocratique du Congo, les mesures restrictives concernées auraient pu ne pas être maintenues à son égard.

93      À cet égard, il convient de relever que le requérant n’a pas fourni d’indice précis indiquant que, s’il avait été mis en mesure, antérieurement à l’adoption de la décision 2017/2282, de présenter ses observations sur les éléments nouveaux décrits aux points 84 et 85 ci-dessus, il aurait été en mesure de remettre en cause leur contenu ou leur pertinence en vue de la prorogation de l’inscription de son nom sur la liste figurant à l’annexe II.

94      D’ailleurs, en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, le requérant n’a pas contesté, en tant que telle, l’existence d’un statu quo en République démocratique du Congo entre le moment de l’inscription initiale de son nom sur la liste figurant à l’annexe II, décidée le 29 mai 2017, et l’adoption de la décision 2017/2282, portant maintien des mesures restrictives en cause.

95      Dans ces conditions, il n’est pas possible de considérer que, même si le requérant s’était vu communiquer les éléments mentionnés aux points 84 et 85 ci-dessus préalablement à l’adoption de la décision 2017/2282, l’issue de la procédure eût pu être différente. Aussi le fait que le Conseil a retenu certains éléments nouveaux lorsqu’il a renouvelé les mesures restrictives à l’égard du requérant n’est-il pas de nature à entacher d’illégalité la décision 2017/2282.

96      Par ailleurs, pour autant que le requérant tire argument, au soutien de la seconde branche du premier moyen, de la circonstance qu’il n’aurait pas été entendu par les organes relevant de l’ONU dans le cadre de l’élaboration, par ces derniers, de rapports invoqués par le Conseil au soutien de la décision 2017/2282, il suffit de relever que les juridictions de l’Union sont incompétentes pour contrôler la conformité avec les droits fondamentaux des enquêtes conduites par de tels organes (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 65).

97      Enfin, l’argument du requérant selon lequel le Conseil aurait dû procéder à son audition doit être écarté, étant donné que ni la réglementation en cause ni le principe général du respect des droits de la défense ne lui confèrent le droit à une audition formelle (voir, par analogie, arrêt du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, EU:T:2013:397, point 105 et jurisprudence citée).

98      Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la seconde branche du premier moyen comme non fondée en ce qui concerne la décision 2017/2282.

3)      En ce qui concerne la décision d’exécution 2018/202

99      Par la décision d’exécution 2018/202, le Conseil a procédé à l’inscription initiale du nom du requérant sur la liste figurant à l’annexe I, relative aux personnes et aux entités qui ont été désignées par le comité des sanctions.

100    Pour autant, cette décision ne constitue pas le premier acte par lequel les fonds du requérant ont été gelés, ce qui, en application de la jurisprudence citée au point 72 ci-dessus, aurait permis au Conseil de lui communiquer les motifs de son inscription sur la liste figurant à l’annexe I et de le mettre en mesure d’exercer son droit d’être entendu concomitamment avec l’adoption de ladite décision ou immédiatement après celle-ci. En effet, selon cette même jurisprudence, si le Conseil n’est pas tenu d’informer la personne visée par des mesures restrictives avant la première adoption desdites mesures, c’est afin de ne pas compromettre leur efficacité, ce qui implique qu’elles doivent pouvoir bénéficier d’un effet de surprise et s’appliquer immédiatement.

101    Or, dans les circonstances particulières de la présente affaire, la décision d’exécution 2018/202, portant première inscription du requérant sur la liste figurant à l’annexe I, a été adoptée à un moment où la décision 2017/2282 produisait toujours pleinement ses effets, à savoir le maintien des mesures restrictives à l’égard du requérant jusqu’au 12 décembre 2018, si bien qu’il n’existait aucun risque que l’efficacité de telles mesures restrictives fût compromise.

102    Partant, comme dans le cas de l’adoption d’une décision maintenant le nom d’une personne ou d’une entité sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives (voir jurisprudence citée au point 75 ci-dessus), le Conseil était tenu, en l’espèce, de respecter le droit d’être entendu du requérant préalablement à l’adoption de la décision d’exécution 2018/202, pour autant que, lors de l’adoption de cette décision, il ait retenu de nouveaux éléments contre lui, c’est-à-dire des éléments sur lesquels le requérant n’a pas été mis en mesure de présenter ses observations dans le cadre de l’adoption d’une décision antérieure le concernant.

103    À cet égard, il convient de souligner que la décision d’exécution 2018/202 a pour objet de mettre en œuvre la décision par laquelle, le 1er février 2018, le comité des sanctions a décidé d’imposer des mesures restrictives à l’égard du requérant en inscrivant le nom de ce dernier sur la liste figurant à l’annexe I, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231 (voir point 20 ci-dessus). Conformément à l’article 8, paragraphe 1, de la même décision, le Conseil a, dans cette liste, repris les motifs retenus par le comité des sanctions qui ont présidé à l’imposition, par cet organe, de mesures restrictives à l’égard du requérant (voir point 21 ci-dessus).

104    Ainsi, la décision du comité des sanctions du 1er février 2018 constitue un élément nouveau qui a été pris en compte par le Conseil lors de l’adoption de la décision d’exécution 2018/202. En conséquence, le Conseil aurait dû recueillir les observations du requérant sur cette décision du comité des sanctions préalablement à l’adoption de la décision d’exécution 2018/202.

105    Or, il ne ressort pas du dossier que tel aurait été le cas. Au contraire, contrairement à ce qu’indique le Conseil, les seuls éléments fournis par ce dernier montrent qu’il a informé les représentants successifs du requérant de l’adoption de la décision d’exécution 2018/202, respectivement, par des courriers du 12 février et du 28 mai 2018, soit postérieurement à une telle adoption.

106    Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la décision d’exécution 2018/202 est intervenue à l’issue d’une procédure au cours de laquelle les droits de la défense du requérant n’ont pas été respectés.

107    Cela étant, conformément à ce qui a été exposé au point 91 ci-dessus, pour déterminer les conséquences de l’irrégularité constatée au point 106 ci-dessus, il incombe au Tribunal de vérifier si, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l’espèce, la procédure en cause aurait pu aboutir à un résultat différent dans la mesure où le requérant aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de cette irrégularité.

108    À cet égard, il ne saurait être considéré que, si le requérant s’était vu communiquer la décision du comité des sanctions du 1er février 2018 avant l’adoption de la décision d’exécution 2018/202, cette dernière aurait pu ne pas être adoptée.

109    En effet, d’une part, le requérant n’a pas fourni d’indice précis indiquant qu’il aurait été en mesure de remettre en cause le contenu ou la pertinence de la décision du comité des sanctions en vue de l’inscription de son nom sur la liste figurant à l’annexe I.

110    D’autre part, il convient de relever que le requérant a été mis en mesure de faire valoir ses observations sur les motifs retenus dans la décision d’exécution 2017/905, portant inscription initiale de son nom sur la liste figurant à l’annexe II, en sollicitant une demande de réexamen, conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la décision 2010/788, ce qu’il a été expressément invité à faire, avant le 1er octobre 2017, par l’avis publié au Journal officiel le 30 mai 2017 (voir point 29 ci-dessus). Malgré l’existence d’une telle possibilité, le requérant n’a présenté au Conseil aucun élément susceptible d’entraîner le retrait de l’inscription de son nom sur la liste figurant à l’annexe II, inscription que le Conseil a décidé de proroger dans la décision 2017/2282.

111    Or, ainsi qu’il a été constaté aux points 62 et 63 ci-dessus, les éléments factuels figurant dans les motifs retenus par le comité des sanctions, repris par le Conseil pour l’inscription du nom du requérant sur la liste figurant à l’annexe I, sont en substance identiques à ceux que le Conseil avait déjà retenus pour son inscription initiale sur la liste figurant à l’annexe II, décidée dans la décision d’exécution 2017/905. Partant, il ne ressort pas du dossier que, si le requérant s’était vu communiquer la décision du comité des sanctions du 1er février 2018 en temps utile, la décision du Conseil portant inscription de son nom sur la liste figurant à l’annexe I, prise dans la décision d’exécution 2018/202, aurait pu ne pas être adoptée.

112    Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 96 et 97 ci-dessus, le requérant ne peut valablement tirer argument du fait qu’il n’a pas été entendu par des organes relevant de l’ONU, ni du fait que le Conseil n’a pas organisé d’audition le concernant.

113    Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la seconde branche du premier moyen comme non fondée en ce qui concerne la décision d’exécution 2018/202 et, dès lors, d’écarter ce moyen dans son ensemble.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation

114    Par le deuxième moyen, le requérant soutient que le Conseil a commis une erreur lorsqu’il a conclu que celui-ci avait « contribu[é], en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme en République démocratique du Congo ».

115    Le présent moyen se décompose en deux branches. Par la première branche, le requérant soutient, en substance, que le Conseil a commis une erreur de droit lorsque, par la décision 2017/2282, il a maintenu l’inscription de son nom sur la liste figurant à l’annexe II en raison de faits qui, au moment de l’adoption de cette décision, avaient cessé. Par la seconde branche, le requérant conteste l’appréciation portée par le Conseil sur ses fonctions et ses missions ainsi que la présence d’éléments factuels suffisamment précis et concrets au soutien du maintien de l’inscription de son nom sur la liste figurant à l’annexe II.

116    Dans son mémoire en adaptation, le requérant renvoie au deuxième moyen tel que développé dans la requête, en n’avançant aucun argument spécifique à l’encontre de la décision d’exécution 2018/202.

a)      Sur la première branche du deuxième moyen

117    Par la première branche du deuxième moyen, telle que développée à l’encontre de la décision 2017/2282, le requérant soutient que les faits retenus par le Conseil, dans les motifs d’inscription de son nom sur la liste figurant à l’annexe II, relèveraient d’une période temporelle dépassée. En effet, il ressortirait de l’emploi du participe présent à l’article 3, paragraphe 2, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, que les faits reprochés aux personnes ou entités qui font l’objet de mesures restrictives devraient perdurer au moment de leur renouvellement. Or, la référence, dans les motifs d’inscription du nom du requérant sur la liste figurant à l’annexe II, à des faits qui se seraient produits en 2014 traduirait son absence d’implication actuelle dans les faits qui lui étaient reprochés, au jour de l’adoption de la décision 2017/2282 et, dès lors, entraînerait l’obsolescence des mesures restrictives en question.

118    Le requérant ajoute que, en maintenant ces mesures pour des faits qui n’étaient plus actuels, le Conseil aurait adopté, en réalité, une sanction pénale déguisée, alors que les mesures restrictives ont uniquement une portée conservatoire, dont l’objectif est d’amener les destinataires de celles-ci à modifier leur comportement.

119    À cet égard, il importe de souligner que, ainsi que cela a été rappelé au point 16 ci-dessus, l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, dispose que les mesures restrictives sont instituées à l’encontre des personnes et des entités « contribuant, en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits en [République démocratique du Congo] ». C’est sur ce fondement que le nom du requérant a été initialement inscrit sur la liste figurant à l’annexe II, par la décision d’exécution 2017/905, au motif que, en tant que commandant des FARDC, il était responsable du recrutement de membres d’un groupe armé local qui auraient perpétré des exécutions extrajudiciaires et des massacres (voir point 28 ci-dessus). Par la décision 2017/2282, le Conseil a prorogé les mesures restrictives à l’encontre du requérant jusqu’au 12 décembre 2018, en conservant à l’identique les motifs de l’inscription initiale de son nom sur la liste figurant à l’annexe II (voir point 31 ci-dessus).

120    Or, premièrement, il ne saurait être considéré que l’emploi, à l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, du participe présent dans la définition des critères d’inscription sur la liste figurant à l’annexe II implique que les faits à l’origine de l’inscription du nom d’une personne ou d’une entité sur cette liste doivent perdurer au moment où l’inscription ou le maintien de cette inscription sont décidés. En effet, il a déjà été jugé que, en matière d’inscription sur une liste des noms de personnes et entités visées par des mesures restrictives, le participe présent renvoie au sens général propre aux définitions légales, et non à une période temporelle donnée (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 108).

121    Deuxièmement, le fait que les motifs d’inscription du nom du requérant sur la liste figurant à l’annexe II font référence à des faits qui se sont produits avant l’adoption de la décision 2017/2282 et qui étaient terminés à cette date n’implique pas nécessairement l’obsolescence des mesures restrictives maintenues à son égard par cette décision. À l’évidence, dans la mesure où le Conseil a décidé de se référer, dans les motifs d’inscription du nom du requérant sur la liste figurant à l’annexe II, à des situations concrètes impliquant des forces dont il faisait partie, il ne pouvait être question que d’agissements dans le passé. Une telle référence ne saurait donc être considérée comme dépourvue de pertinence au seul motif que les agissements en cause relèvent d’un passé plus ou moins éloigné (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2015, Tomana e.a./Conseil et Commission, T‑190/12, EU:T:2015:222, point 236).

122    Cette interprétation est corroborée par l’article 9, paragraphe 2, seconde phrase, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2017/2282, aux termes duquel les mesures restrictives en cause sont prorogées, ou modifiées le cas échéant, si le Conseil estime que leurs objectifs n’ont pas été atteints. Sous peine de priver cette disposition de son effet utile, il y a lieu de considérer qu’elle permet le maintien sur la liste figurant à l’annexe II des noms de personnes et d’entités n’ayant commis aucune nouvelle violation des droits de l’homme au cours de la période précédant le réexamen, si ce maintien reste justifié au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes et, notamment, au regard du fait que les objectifs visés par les mesures restrictives n’ont pas été atteints (voir, par analogie, arrêt du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 108).

123    En conséquence, contrairement à ce que fait valoir le requérant, les motifs d’inscription de son nom sur la liste figurant à l’annexe II ne confèrent pas aux mesures restrictives dont il a fait l’objet, et qui ont été prolongées par la décision 2017/2282, un caractère pénal.

124    En ce qui concerne la décision d’exécution 2018/202, il y a lieu de relever que l’article 3, paragraphe 1, sous e), de la décision 2010/788 dispose que les mesures restrictives sont imposées à l’encontre des personnes désignées par le comité des sanctions qui « contribu[ent], en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes en [République démocratique du Congo] qui constituent des violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits ou des violations du droit international humanitaire, selon le cas, notamment des actes dirigés contre les civils, y compris des meurtres et des mutilations, des viols et d’autres violences sexuelles, des enlèvements, des déplacements forcés et des attaques contre des écoles et des hôpitaux » (voir point 15 ci-dessus).

125    Ainsi, étant donné que le contenu de cette disposition est sensiblement identique à celui de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788, il y a également lieu, s’agissant de la décision d’exécution 2018/202, de rejeter la première branche du premier moyen pour les motifs exposés aux points 120 et 121 ci-dessus.

b)      Sur la seconde branche du deuxième moyen

126    Par la seconde branche du deuxième moyen, le requérant soutient que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant son implication, en marge de l’opération « Sukola I », dans le recrutement et dans l’équipement de membres d’un groupe armé local pour participer à des exécutions extrajudiciaires et à des massacres.

127    Tout d’abord, le requérant soutient que le Conseil s’est, à tort, fondé uniquement sur ses fonctions de commandant au sein des FARDC, sans retenir d’éléments factuels suffisamment précis et concrets pour permettre de lui imputer les actes d’intimidation susmentionnés.

128    Ensuite, le requérant conteste la valeur probante des différents documents sur lesquels le Conseil se fonde dans le mémoire en défense. En ce sens, le requérant souligne que, d’une part, ces documents ne sont pas pertinents, étant donné qu’ils ne le concernent pas le requérant. D’autre part, le Conseil ne pourrait valablement prendre appui sur des rapports des Nations unies que pour autant que, dans le cadre de l’élaboration de ces rapports, la personne concernée ait été entendue, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

129    Par ailleurs, le requérant soutient que le Conseil n’est pas fondé à lui imposer des mesures restrictives en raison de son rôle dans l’opération « Sukola I », étant donné qu’une telle opération aurait été menée dans un cadre légal après avoir fait l’objet d’une décision politique, avec pour objectif de neutraliser le groupe des ADF. À cet égard, le requérant souligne que des membres de ce groupe ont fait l’objet d’un procès qui a donné lieu à un arrêt de la cour militaire du Nord-Kivu (République démocratique du Congo) du 19 janvier 2018.

130    Enfin, en tout état de cause, le requérant affirme que les FARDC ont recouru à la force légale de manière proportionnée, dans une situation problématique, et que si des soldats avaient commis des actes répréhensibles, des enquêtes seraient ouvertes et des sanctions pourraient être prononcées contre eux.

131    Le Conseil conteste ces arguments.

132    Selon la jurisprudence, l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

133    Une telle appréciation doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre l’entité sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime ou, en général, les situations combattues (voir arrêt du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 99 et jurisprudence citée).

134    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’activité de la Cour et du Tribunal est régie par le principe de libre appréciation des preuves et le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. À cet égard, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 224 et jurisprudence citée).

135    En l’espèce, afin de soutenir les motifs selon lesquels le requérant a été impliqué, en tant que commandant des FARDC, dans le cadre de l’opération « Sukola I », dans le recrutement et l’équipement d’un groupe armé local ayant perpétré des exécutions extrajudiciaires et des massacres à partir d’octobre 2014, le Conseil prend appui sur le rapport final du groupe d’experts des Nations unies sur la République démocratique du Congo.

136    Dans ce rapport, qui contient une partie intitulée « Soutien apporté par certains officiers de l’armée congolaise à des groupes armés », le groupe d’experts rapporte, aux paragraphes 198 à 204, qu’il « s[av]ait que huit personnes [avaie]nt été contactées en 2014 par le général Mundos pour participer aux tueries », que « [t]rois membres des ADF-Mwalika lui [avaie]nt fait savoir que, des mois avant le début des tueries en septembre 2014, le général Mundos avait persuadé certains éléments de leur groupe de fusionner avec d’autres recrues » et que, « [s]elon eux, le général a[vait] financé et équipé le groupe en armes, munitions et uniformes des FARDC » et « [était] venu à plusieurs reprises dans leur camp, parfois revêtu d’un uniforme des FARDC et parfois en civil ».

137    En outre, ce rapport contient plusieurs informations concernant un grand nombre de meurtres perpétrés dans le cadre de ce conflit sur le territoire de Beni (République démocratique du Congo). Au paragraphe 185 dudit rapport, il est fait notamment référence au fait que « [d]es sources de la société civile participant aux enquêtes estiment qu’au moins 550 civils ont été tués depuis septembre 2014 », que « le [g]roupe d’experts conclut que plusieurs groupes sont impliqués dans les tueries » et qu’« [i]l a également constaté que des officiers des FARDC [avaie]nt joué un rôle dans l’appui à certains groupes armés ». Dans le même document, au paragraphe 195, il est mentionné qu’« [u]n total de 15 personnes, dont 4 chefs locaux et des éléments des ADF, ont indiqué au [g]roupe que les conflits locaux avaient joué un rôle important dans les tueries perpétrées dans le territoire de Beni », que « [l]es différends liés au contrôle des terres ou à l’exercice du commandement [avaie]nt conduit à la création de milices locales », que « certains dirigeants locaux [avaie]nt également établi des liens avec différentes factions des ADF pour renforcer leur position » et que « [l]es éléments d’information recueillis montr[ai]ent également que certains officiers des FARDC [avaie]nt joué un rôle dans les meurtres en soutenant les groupes locaux ». Au paragraphe 203 du même rapport, il est encore mentionné qu’« [u]n ancien combattant maï-maï a également déclaré au [g]roupe d’experts qu’il avait été recruté par le général Mundos » et « a indiqué que le général l’avait rencontré et lui avait expliqué qu’un camp de formation était en cours de constitution […] et serait opérationnel dans les semaines à venir ».

138    S’agissant de la valeur probante du rapport du groupe d’experts des Nations unies sur la République démocratique du Congo, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, en l’absence de pouvoirs d’enquête dans des pays tiers, l’appréciation des autorités de l’Union doit, de fait, se fonder sur des sources d’information accessibles au public, des rapports, des articles de presse ou d’autres sources d’information similaires (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 107).

139    En outre, contrairement à ce que soutient le requérant, l’attribution d’une valeur probante à un document présenté par le Conseil, parmi une pluralité de sources, en tant qu’élément de preuve au soutien de l’imposition de mesures restrictives, tel que le rapport du groupe d’experts des Nations unies sur la République démocratique du Congo en l’espèce, n’est nullement conditionnée au fait que la personne visée par ces mesures ait été entendue par l’auteur du document en cause. En effet, ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée au point 134 ci-dessus, la valeur probante d’un tel document dépend uniquement d’une appréciation de sa crédibilité. Aussi convient-il, conformément à cette jurisprudence, d’apprécier la valeur probante du rapport du groupe d’experts des Nations unies sur la République démocratique du Congo en examinant les circonstances de son élaboration ainsi que son destinataire et en se demandant si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable.

140    À cet égard, il convient de constater que, selon le paragraphe 4 de ce rapport, le groupe d’experts « a fondé ses conclusions sur des documents et, dans la mesure du possible, sur des observations faites directement sur les lieux par les experts eux-mêmes » et que, « [à] défaut, il a cherché à faire corroborer les informations obtenues par au moins trois sources indépendantes dignes de foi ».

141    Partant, bien qu’il ressorte du paragraphe 204 du rapport du groupe d’experts des Nations unies sur la République démocratique du Congo que le requérant a été informé par ledit groupe des preuves existant contre lui et a nié sa responsabilité, la méthode d’élaboration d’un tel rapport, ainsi que le fait qu’il provienne d’une organisation internationale telle que l’ONU, permettent au Tribunal de le prendre en compte et de considérer sa valeur probante comme étant suffisante, à la lumière de la jurisprudence mentionnée au point 134 ci-dessus, pour soutenir les motifs retenus par le Conseil dans les décisions attaquées, selon lesquels le requérant, en tant que commandant des FARDC, dans le cadre de l’opération Sukola I, avait recruté et équipé d’anciens combattants d’un groupe armé local pour participer à des exécutions extrajudiciaires et à des massacres à partir d’octobre 2014.

142    Il convient, à ce stade, d’examiner les autres arguments présentés par le requérant et tendant à remettre en cause le bien-fondé de l’appréciation à l’issue de laquelle le Conseil a décidé de maintenir son nom sur la liste figurant à l’annexe II puis de l’inscrire sur la liste figurant à l’annexe I.

143    D’une part, le requérant soutient que, premièrement, l’opération « Sukola I » a fait l’objet d’une décision politique afin de neutraliser le groupe des ADF, dont plusieurs membres ont été condamnés par la cour militaire du Nord-Kivu, deuxièmement, que son action en tant que commandant des FARDC s’est inscrite dans un cadre légal imposant le respect des droits de l’homme et, troisièmement, que le Conseil n’avait pas démontré que le recours à la force était disproportionné.

144    Aucun de ces arguments n’est toutefois de nature à remettre en cause les éléments retenus par le Conseil relatant l’implication de membres des FARDC, dont le requérant, dans le recrutement et l’équipement de membres de milices locales dans le territoire de Beni afin de participer à des tueries. Un tel mode d’action ne peut être considéré ni comme proportionné ni comme respectant les dispositions de droit congolais imposant aux FARDC le respect des droits de l’homme.

145    D’autre part, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel les motifs d’inscription de son nom sur la liste figurant à l’annexe II puis sur la liste figurant à l’annexe I ne reposent pas sur des éléments factuels suffisamment précis et concrets, mais se fondent uniquement sur les fonctions qu’il exerce, il y a lieu de rappeler que le Conseil n’est pas tenu de démontrer une implication personnelle du requérant dans les actes de répression visés par les mesures restrictives litigieuses. En effet, il est suffisant à cet égard que le Conseil, du fait des responsabilités importantes exercées par le requérant, puisse légitimement considérer que celui-ci faisait partie des responsables de la répression contre la population civile (voir, en ce sens, arrêts du 3 juillet 2014, Alchaar/Conseil, T‑203/12, non publié, EU:T:2014:602, point 141, et du 26 mars 2019, Boshab e.a./Conseil, T‑582/17, non publié, EU:T:2019:193, point 80).

146    Or, en l’espèce, il ressort des éléments utilisés par le Conseil que ce sont des effectifs appartenant aux FARDC, au sein desquelles le requérant exerçait les fonctions de commandant au moment des faits en question, qui ont participé au recrutement et à l’armement de membres de groupes armés locaux en marge de l’opération « Sukola I ». En outre, il convient de relever que le requérant a également été directement mis en cause pour avoir participé à de telles actions.

147    Partant, le présent argument doit être écarté.

148    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la seconde branche du deuxième moyen comme non fondée et, dès lors, ce moyen dans son ensemble.

3.      Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du droit au respect de la vie privée et familiale, du droit de propriété et du principe de proportionnalité

149    Par le troisième moyen, le requérant reproche au Conseil d’avoir méconnu le principe de proportionnalité en lui ayant imposé des mesures restrictives portant atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale et à son droit de propriété.

150    En ce sens, le requérant souligne, premièrement, que les mesures restrictives en cause emportent des conséquences négatives considérables sur son droit au respect de la vie privée et familiale et, deuxièmement, que lesdites mesures restreignent son droit de propriété. Ainsi, selon le requérant, le principe de proportionnalité n’a pas été respecté et, en tout état de cause, il serait difficile de comprendre comment une mesure d’interdiction d’entrée et de passage en transit sur le territoire de l’Union permettrait de contribuer à une quelconque prévention d’actes constitutifs de violation des droits de l’homme sur le territoire de la République démocratique du Congo.

151    Dans la réplique, le requérant ajoute que les mesures en cause portent atteinte à sa présomption d’innocence, étant donné que la référence, par le Conseil, à des « indices sérieux et crédibles » concernant sa responsabilité dans les faits qui soutiennent les motifs d’inscription de son nom sur les listes figurant aux annexes I et II serait de nature à faire naître, dans l’esprit du public, une présomption de culpabilité, contraire à l’article 48, paragraphe 1, de la Charte.

152    Le Conseil conteste ces arguments, et notamment leur recevabilité, en ce que les violations du droit de propriété et du droit au respect de la vie privée et familiale invoquées manqueraient de clarté et, dès lors, ne répondraient pas aux exigences requises par l’article 76, sous d), du règlement de procédure. En outre, le Conseil fait valoir que l’argument tiré d’une violation du principe de présomption d’innocence est irrecevable, au motif qu’il a été avancé pour la première fois au stade de la réplique et constitue dès lors un moyen nouveau au sens de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure.

153    D’une part, en ce qui concerne la violation alléguée du droit de propriété, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, il est prévu ce qui suit :

« Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général. »

154    En l’espèce, par l’effet des décisions attaquées, les fonds du requérant sont demeurés gelés. Ainsi, en adoptant ces décisions, le Conseil a limité l’exercice du droit visé à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte. Or, le droit de propriété, tel qu’il est protégé par cet article, ne constitue pas une prérogative absolue et peut, en conséquence, faire l’objet de limitations, dans les conditions énoncées à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte (voir arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 195 et jurisprudence citée).

155    À cet égard, l’article 52, paragraphe 1, de la Charte dispose que « toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés » et que, « dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui ».

156    Ainsi, pour être conforme au droit de l’Union, une limitation à l’exercice du droit de propriété doit, en tout état de cause, répondre à une triple condition (voir arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, points 197 à 200 et jurisprudence citée). Premièrement, la limitation doit être « prévue par la loi », c’est-à-dire que la mesure restrictive en cause doit être adoptée sur le fondement d’une disposition des traités ou résultant des traités et conférant à l’institution de l’Union la compétence pour agir de la sorte.

157    Deuxièmement, la limitation doit viser un objectif d’intérêt général, reconnu comme tel par l’Union. Au nombre de ces objectifs figurent ceux poursuivis dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et visés à l’article 3, paragraphe 5, et à l’article 21, paragraphe 2, sous b) et c), TUE, à savoir le soutien à la démocratie, à l’État de droit et aux droits de l’homme ainsi que la préservation de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale.

158    Troisièmement, la limitation ne doit pas être excessive. Ainsi, cette limitation doit être nécessaire et proportionnelle au but recherché. À cet égard, le principe de proportionnalité, en tant que principe général du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par la réglementation en cause. Dès lors, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 205 et jurisprudence citée). En outre, la limitation d’un droit garanti par la Charte ne doit pas atteindre le « contenu essentiel » du droit ou de la liberté en cause, c’est-à-dire sa substance (voir arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 200 et jurisprudence citée).

159    En l’espèce, les trois conditions visées aux points 156 à 158 ci-dessus sont satisfaites.

160    En effet, en premier lieu, la limitation à l’exercice du droit de propriété dont il s’agit doit être considérée comme étant « prévue par la loi », au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, étant donné que le Conseil avait compétence pour agir sur la base de l’article 29 TUE et de l’article 215, paragraphe 2, TFUE et qu’il a adopté les décisions attaquées sur le fondement de l’article 5, paragraphe 1, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, en respectant les critères énoncés dans cette disposition, ainsi que cela ressort de l’examen du deuxième moyen.

161    En deuxième lieu, les décisions attaquées, qui ont, en substance, prolongé les mesures restrictives imposées au requérant par la décision 2010/788, telle que modifiée par la décision d’exécution 2017/905, poursuivent les mêmes objectifs que cette dernière, à savoir le soutien à la démocratie, à l’État de droit et aux droits de l’homme ainsi que la préservation de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale, objectifs mentionnés à l’article 21, paragraphe 2, sous b) et c), TUE. Partant, il convient de considérer que les décisions attaquées contribuent effectivement à la réalisation d’objectifs d’intérêt général.

162    En troisième lieu, la restriction à l’exercice, par le requérant, du droit de propriété n’apparaît pas disproportionnée, contrairement à ce que celui-ci fait valoir dans le cadre de son troisième moyen. En effet, les mesures que les décisions attaquées ont, en substance, prorogées et que le Conseil a prises sur le fondement de l’article 5, paragraphe 1, de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, sont appropriées pour atteindre les objectifs rappelés au point 160 ci-dessus.

163    À cet égard, tout d’abord, en ce qui concerne le caractère adéquat des mesures en cause au regard d’objectifs d’intérêt général aussi fondamentaux pour la communauté internationale que la protection des droits de l’homme, le maintien de la paix et la protection de l’État de droit, il apparaît que le gel de fonds, d’avoirs financiers et d’autres ressources économiques ainsi que l’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union concernant des personnes identifiées comme ayant contribué, en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits en République démocratique du Congo, étant notamment impliquées dans le recours disproportionné à la force et dans des exécutions extrajudiciaires, ne sauraient, en tant que tels, passer pour inadéquats (voir, par analogie, arrêts du 30 juillet 1996, Bosphorus, C‑84/95, EU:C:1996:312, point 26, et du 30 novembre 2016, Rotenberg/Conseil, T‑720/14, EU:T:2016:689, points 9, 176 et 180 et jurisprudence citée).

164    Ensuite, en ce qui concerne le caractère nécessaire des mesures en cause, il convient de constater que des mesures alternatives et moins contraignantes, telles qu’un système d’autorisation préalable ou une obligation de justification a posteriori de l’usage des fonds versés, ne permettent pas aussi efficacement d’atteindre l’objectif poursuivi, à savoir l’exercice d’une pression sur les responsables du régime congolais ayant contribué, en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits en République démocratique du Congo, étant notamment impliqués dans le recours disproportionné à la force et dans des exécutions extrajudiciaires, eu égard en particulier à la possibilité de contourner les restrictions imposées (voir, par analogie, arrêt du 30 novembre 2016, Rotenberg/Conseil, T‑720/14, EU:T:2016:689, point 182 et jurisprudence citée).

165    Enfin, les inconvénients générés par les mesures de gel d’avoirs litigieuses ne sont pas démesurés au regard des objectifs poursuivis. À cet égard, il convient en particulier de noter que ces mesures présentent, par nature, un caractère réversible et ne portent, dès lors, pas atteinte à la substance même du droit de propriété. De plus, conformément à l’article 5, paragraphe 3, sous a), b) et d), et paragraphe 5, sous a), b) et d), de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2016/2231, il peut, en particulier, être dérogé aux mesures en cause afin de couvrir les besoins fondamentaux et les frais de justice ou bien encore les « dépenses extraordinaires » des personnes visées et des membres de la famille de ces personnes.

166    Il s’ensuit que les mesures restrictives frappant concrètement le requérant constituent des restrictions qui n’ont ni violé son droit de propriété ni méconnu, à cet égard, le principe de proportionnalité.

167    D’autre part, s’agissant de la violation alléguée du droit au respect de la vie privée et familiale du requérant, il convient de relever que ce dernier se limite à faire valoir qu’« [i]l est indéniable qu’une mesure restrictive emporte des conséquences négatives considérables et une incidence importante sur le droit à la protection de la vie privée et familiale », sans toutefois apporter aucun élément susceptible d’étayer l’existence d’une telle violation.

168    Ainsi, le requérant n’étant pas en mesure d’établir une quelconque atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale, le présent grief ne peut prospérer et doit être rejeté. En outre, le requérant ne peut davantage soutenir, comme il l’a fait, en substance, dans la réplique, que la violation du droit au respect de la vie privée et familiale découlerait d’une atteinte à la présomption d’innocence.

169    À cet égard, il doit être rappelé que le principe de présomption d’innocence, énoncé à l’article 48, paragraphe 1, de la Charte, constitue un droit fondamental qui confère aux particuliers des droits dont le juge de l’Union garantit le respect [voir arrêt du 21 juillet 2016, Hassan/Conseil, T‑790/14, EU:T:2016:429, point 73 (non publié) et jurisprudence citée].

170    Ce principe, qui exige que toute personne accusée d’une infraction soit présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie, ne s’oppose pas à l’adoption de mesures conservatoires de gel de fonds, dès lors que celles-ci n’ont pas pour objet d’engager une procédure pénale à l’encontre de la personne visée. De telles mesures doivent cependant, compte tenu de leur gravité, satisfaire à trois critères, à savoir, premièrement, être prévues par la loi, deuxièmement, être adoptées par une autorité compétente et, troisièmement, présenter un caractère limité dans le temps [voir arrêt du 21 juillet 2016, Hassan/Conseil, T‑790/14, EU:T:2016:429, point 74 (non publié) et jurisprudence citée].

171    Or, il résulte du point 160 ci-dessus que les deux premiers critères sont satisfaits.

172    En outre, s’agissant du caractère limité dans le temps, il convient de constater, que, s’agissant des personnes dont le nom est inscrit sur la liste figurant à l’annexe II, il est prévu, aux termes de l’article 9 de la décision 2010/788, tel que modifié par la décision 2017/2282, que les mesures restrictives adoptées à leur égard s’appliquent pendant douze mois, font l’objet d’un réexamen et peuvent être prorogées ou modifiées, le cas échéant, si le Conseil estime que leurs objectifs n’ont pas été atteints.

173    S’agissant des personnes dont le nom est inscrit sur la liste figurant à l’annexe I, il ressort d’une lecture combinée de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 9, paragraphe 1, de la décision 2010/788, tels que modifiés par la décision 2016/2231, que le Conseil doit modifier et mettre à jour cette liste sur la base des décisions prises par le Conseil de sécurité ou par le comité des sanctions. Or, les décisions prises par le Conseil de sécurité ou par le comité des sanctions sont également limitées dans le temps, ainsi que cela ressort du paragraphe 1 de la résolution 2360 (2017) du Conseil de sécurité, dont il résulte que les mesures restrictives dont le requérant a fait l’objet, que le Conseil a, en application des dispositions susvisées, mises en œuvre dans la décision d’exécution 2018/202, s’appliquent jusqu’au 1er juillet 2018 (voir point 8 ci-dessus).

174    Partant, les mesures imposées au requérant, par l’inscription de son nom tant sur la liste figurant à l’annexe II que sur la liste figurant à l’annexe I, ont bien un caractère limité dans le temps (voir, par analogie, arrêt du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil, T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427, point 41).

175    De plus, il y a lieu de relever que les mesures restrictives litigieuses n’entraînent pas une confiscation des avoirs des intéressés en tant que produits du crime, mais un gel à titre conservatoire. Ces mesures ne constituent donc pas une sanction et n’impliquent par ailleurs aucune accusation de cette nature [voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2016, Hassan/Conseil, T‑790/14, EU:T:2016:429, point 77 (non publié) et jurisprudence citée]. En effet, les actes du Conseil en cause ne constituent pas une constatation du fait qu’une infraction pénale a été effectivement commise, mais sont adoptés dans le cadre et aux fins d’une procédure de nature administrative ayant une fonction conservatoire et ayant pour unique but de permettre au Conseil de garantir la protection des populations civiles [voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2016, Hassan/Conseil, T‑790/14, EU:T:2016:429, point 78 (non publié)].

176    Dans ces conditions, il ne peut être soutenu que le maintien de l’inscription du nom du requérant sur la liste figurant à l’annexe II et, ensuite, sur la liste figurant à l’annexe I violent le principe de présomption d’innocence [voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2016, Hassan/Conseil, T‑790/14, EU:T:2016:429, point 79 (non publié)].

177    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter comme non fondé le troisième moyen, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par le Conseil.

4.      Sur le quatrième moyen, tiré de l’illégalité, d’une part, de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et de l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005 et, d’autre part, de l’article 3, paragraphe 1, sous e), de la décision 2010/788 et de l’article 2 bis, paragraphe 1, sous e) du règlement no 1183/2005

178    Par le quatrième moyen, afin de contester le bien-fondé du critère sur le fondement duquel les mesures restrictives le visant ont été adoptées, défini dans ces dispositions, le requérant soulève, sur le fondement de l’article 277 TFUE, une exception d’illégalité contre :

–        en ce que son recours est dirigé contre la décision 2017/2282, d’une part, l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et, d’autre part, l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005 ;

–        en ce que son recours est dirigé contre la décision d’exécution 2018/202, d’une part, l’article 3, paragraphe 1, sous e), de la décision 2010/788 et, d’autre part, l’article 2 bis, paragraphe 1, sous e), du règlement no 1183/2005.

179    Dans une première branche, le requérant allègue que, par leur formulation très large, les critères prévus dans ces dispositions méconnaissent le principe de prévisibilité des actes de l’Union et le principe de sécurité juridique en conférant au Conseil un pouvoir d’appréciation arbitraire et discrétionnaire. Il considère que de tels critères ne visent pas, de manière objective, une catégorie circonscrite de personnes et d’entités susceptibles de faire l’objet de mesures de gel de fonds. Dans une seconde branche, le requérant fait valoir que de tels critères méconnaissent également le principe de proportionnalité, dans la mesure où, eu égard aux objectifs poursuivis dans le cadre de la PESC, les atteintes à son droit au respect de la vie privée et familiale et à son droit de propriété seraient démesurées.

180    Le Conseil conteste ces arguments.

181    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’article 277 TFUE est l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester par voie incidente, en vue d’obtenir l’annulation d’une décision individuelle, la validité des actes institutionnels antérieurs, constituant la base juridique de cette décision individuelle (voir arrêt du 19 juin 2015, Italie/Commission, T‑358/11, EU:T:2015:394, point 180 et jurisprudence citée).

182    En l’espèce, le requérant excipe de l’illégalité tant de l’article 2 bis, paragraphe 1, sous e), du règlement no 1183/2005 que de l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du même règlement. Or, la décision 2017/2282 et la décision d’exécution 2018/202 ont été adoptées uniquement sur le fondement des critères prévus, respectivement, à l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et à l’article 3, paragraphe 1, sous e), de la même décision. Partant, l’exception d’illégalité soulevée par le requérant à l’encontre de l’article 2 bis, paragraphe 1, sous e), du règlement no 1183/2005 et à l’encontre de l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du même règlement doit être écartée comme irrecevable, faute de lien entre ces dernières dispositions et les décisions attaquées.

183    Il convient, à ce stade, d’examiner la légalité des critères d’inscription définis, respectivement, à l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et à l’article 3, paragraphe 1, sous e) de la même décision (ci-après, pris ensemble, les « critères litigieux »).

184    À cet égard, selon une jurisprudence constante, les juridictions de l’Union doivent, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité FUE, assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union. Cette exigence est expressément consacrée à l’article 275, second alinéa, TFUE (voir arrêts du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 58 et jurisprudence citée, et du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 65 et jurisprudence citée).

185    Il n’en demeure pas moins que le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la définition générale et abstraite des critères juridiques et des modalités d’adoption des mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 41 et jurisprudence citée). Par conséquent, les règles de portée générale définissant ces critères et ces modalités, telles que les dispositions de la décision 2010/788 et du règlement no 1183/2005 prévoyant les critères litigieux visés par le présent moyen, font l’objet d’un contrôle juridictionnel restreint se limitant à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur de droit ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir. Ce contrôle restreint s’applique, en particulier, à l’appréciation des considérations d’opportunité sur lesquelles les mesures restrictives sont fondées (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 et T‑332/08, EU:T:2009:266, points 44 et 45).

186    En premier lieu, s’agissant de la première branche du quatrième moyen, il convient de rappeler que le principe de sécurité juridique, qui constitue un principe général du droit de l’Union, exige notamment que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2015, Bank of Industry and Mine/Conseil, T‑10/13, EU:T:2015:235, point 77 et jurisprudence citée).

187    Un tel principe est applicable en ce qui concerne les mesures restrictives telles que celles en cause en l’espèce qui affectent lourdement les droits et libertés des personnes concernées (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2015, Bank of Industry and Mine/Conseil, T‑10/13, EU:T:2015:235, point 77 et jurisprudence citée).

188    Or, les critères litigieux visent une catégorie bien précise de personnes, à savoir, d’une part, les personnes ayant contribué, en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits et, d’autre part, les personnes désignées par le comité des sanctions qui contribuent, en les planifiant, en les dirigeant ou en les commettant, à des actes en République démocratique du Congo qui constituent des violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits ou des violations du droit international humanitaire, selon le cas, notamment des actes dirigés contre les civils, y compris des meurtres et des mutilations, des viols et d’autres violences sexuelles, des enlèvements, des déplacements forcés et des attaques contre des écoles et des hôpitaux.

189    Si de tels critères confèrent une certaine marge au Conseil dans l’appréciation de ce que recouvre la notion de « contribution à des actes constituant de graves violations des droits de l’homme ou des atteintes à ces droits », il ne peut être considéré, contrairement à ce que soutient le requérant, qu’une telle marge confère au Conseil un pouvoir d’appréciation arbitraire.

190    En effet, les critères litigieux s’inscrivent dans un cadre juridique clairement délimité par les objectifs poursuivis par la réglementation régissant, en général, les mesures restrictives, et en particulier celles instituées à l’encontre de la République démocratique du Congo.

191    À cet égard, d’une part, les objectifs du traité UE concernant la PESC sont notamment ceux visés à l’article 3, paragraphe 5, et à l’article 21, paragraphe 2, sous b) et c), TUE, à savoir le soutien à la démocratie, à l’État de droit et aux droits de l’homme ainsi que la préservation de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale.

192    D’autre part, il résulte des considérants 3 et 4 de la décision 2016/2231, reproduits au point 14 ci-dessus, que, en recourant à des mesures restrictives à l’encontre de certaines catégories de personnes, et notamment de celles qui contribuent à de graves violations des droits de l’homme ou qui ont été désignées par le comité des sanctions en raison de violations du même ordre, le Conseil a poursuivi l’objectif consistant à inciter le gouvernement de la République démocratique du Congo à assurer un climat propice à la tenue d’un dialogue et d’élections, à veiller au respect des droits de l’homme et de l’État de droit et à cesser toute instrumentalisation de la justice.

193    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la règle instituée par les critères litigieux est claire, précise et prévisible dans ses effets, et de rejeter la première branche du quatrième moyen.

194    En second lieu, s’agissant de la seconde branche du quatrième moyen, il convient de constater que, par cette branche, le requérant ne fait pas valoir que les critères litigieux seraient contraires au principe de proportionnalité, mais conteste la proportionnalité des mesures restrictives dont il a fait l’objet par l’effet des décisions attaquées, en ce que ces mesures porteraient une atteinte démesurée à son droit au respect de la vie privée et familiale ainsi qu’à son droit de propriété. Ce faisant, le requérant réitère l’argumentation qu’il a déjà présentée au soutien du troisième moyen et qui a été écartée par le Tribunal pour les motifs exposés aux points 153 à 177 ci-dessus.

195    Partant, aucune des deux branches du quatrième moyen n’est fondée.

196    Il y a donc lieu de rejeter l’exception d’illégalité soulevée par le requérant dans le quatrième moyen et, dès lors, le présent recours dans son intégralité.

III. Sur les dépens

197    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.


2)      M. Muhindo Akili Mundos est condamné aux dépens.

Gervasoni

Madise

Da Silva Passos

Kowalik-Bańczyk

 

Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 février 2020.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Gervasoni


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Mesures imposées par les Nations Unies

B. Mesures imposées par l’Union

C. Procédure et conclusions des parties

II. En droit

A. Sur la recevabilité de l’adaptation des conclusions

B. Sur le fond

1. Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et du droit d’être entendu

a) Sur la première branche du premier moyen

b) Sur la seconde branche du premier moyen

1) Considérations liminaires

2) En ce qui concerne la décision 2017/2282

3) En ce qui concerne la décision d’exécution 2018/202

2. Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation

a) Sur la première branche du deuxième moyen

b) Sur la seconde branche du deuxième moyen

3. Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du droit au respect de la vie privée et familiale, du droit de propriété et du principe de proportionnalité

4. Sur le quatrième moyen, tiré de l’illégalité, d’une part, de l’article 3, paragraphe 2, sous b), de la décision 2010/788 et de l’article 2 ter, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1183/2005 et, d’autre part, de l’article 3, paragraphe 1, sous e), de la décision 2010/788 et de l’article 2 bis, paragraphe 1, sous e) du règlement no 1183/2005

III. Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.