Language of document : ECLI:EU:T:2020:46

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

12 février 2020 (*)

« Privilèges et immunités – Membre du Parlement – Décision de levée de l’immunité parlementaire – Erreur manifeste d’appréciation – Electa una via – Principe non bis in idem – Détournement de pouvoir »

Dans l’affaire T‑248/19,

Dominique Bilde, demeurant à Lagarde (France), représentée par Me F. Wagner, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. N. Görlitz et Mme C. Burgos, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision P8_TA(2019)0137 du Parlement, du 12 mars 2019, de lever l’immunité parlementaire de la requérante,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli (rapporteure), présidente, MM. J. Schwarcz et R. Norkus, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Mme Dominique Bilde, est députée au Parlement européen depuis l’année 2014.

2        Par lettre du 10 juillet 2015, faisant suite à différents échanges avec la requérante, le directeur général de la direction générale des finances du Parlement l’a informée de sa décision de suspendre, à compter du mois de juillet 2015, en application de l’article 67 des mesures d’application du statut des députés, le versement de la totalité des frais d’assistance parlementaire au titre du contrat de travail avec l’assistant local de l’intéressée au motif qu’elle n’avait pas apporté la preuve de l’existence d’une activité de ce dernier effectivement, directement et exclusivement liée à son mandat. Il a également informé la requérante que le secrétaire général du Parlement envisageait de procéder au recouvrement des sommes versées par le Parlement au titre des frais d’assistance parlementaire pour l’année 2014, en vertu de l’article 68 des mesures d’application du statut des députés.

3        Par lettre du 24 février 2016, le secrétaire général du Parlement a informé la requérante de l’ouverture d’une procédure visant au recouvrement de l’intégralité des frais salariaux versés au titre du contrat de travail avec l’assistant local en cause durant la période courant d’octobre 2014 à juin 2015. Après avoir recueilli les observations de la requérante, le secrétaire général du Parlement a, par décision du 23 juin 2016, ordonné la récupération desdits frais. Une note de débit a été émise en ce sens le 29 juin 2016 par le directeur général de la direction générale des finances du Parlement. Par un arrêt du 29 novembre 2017, Bilde/Parlement (T‑633/16, non publié, EU:T:2017:849), le Tribunal a rejeté le recours formé par la requérante et dirigé notamment contre la décision du secrétaire général du Parlement du 23 juin 2016 et la note de débit susmentionnée. L’arrêt a été confirmé par ordonnance du 6 septembre 2018, Bilde/Parlement (C‑67/18 P, non publiée, EU:C:2018:692).

4        Parallèlement, le 9 mars 2015, le président du Parlement a adressé une lettre au garde des Sceaux, ministre de la Justice français, concernant d’éventuelles irrégularités relatives à la prise en charge des frais d’assistance parlementaire de députés du parti politique français alors dénommé Front national.

5        À la suite de l’information du 9 mars 2015 visée au point 4 ci-dessus, les autorités françaises ont mené une enquête préliminaire. Le 5 décembre 2016, une information judiciaire des chefs d’abus de confiance, de recel d’abus de confiance, d’escroquerie en bande organisée, de faux et usage de faux et de travail dissimulé par dissimulation de salarié concernant les conditions d’emploi des assistants d’élus du Front national au Parlement a été ouverte. Dans le cadre de cette procédure, la requérante a été convoquée par les enquêteurs au cours du mois d’août 2017 concernant l’emploi d’un assistant parlementaire à temps plein entre le 1er octobre 2014 et le 31 juillet 2015. Elle a été invitée à comparaître devant les magistrats instructeurs le 24 novembre 2017, en vue de sa mise en examen pour abus de confiance. La requérante a refusé de comparaître en opposant son immunité parlementaire européenne. Le 22 décembre 2017, les magistrats instructeurs ont sollicité la levée de l’immunité de la requérante.

6        Le 19 octobre 2018, le garde des Sceaux, ministre de la Justice français, a transmis au président du Parlement la requête du procureur général près la cour d’appel de Paris (France) tendant à obtenir la levée de l’immunité parlementaire de la requérante.

7        Par décision du 12 mars 2019 (ci-après la « décision attaquée »), le Parlement a levé l’immunité de la requérante. En substance, le Parlement a rappelé les éléments à charge contre celle-ci mis à jour par l’enquête menée par les autorités françaises et relevé que les magistrats instructeurs estimaient, au vu de ces éléments, que l’audition de la requérante était nécessaire. Le Parlement a ensuite rappelé l’article 9 du protocole (no 7) sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2016, C 202, p. 266, ci-après le « protocole no 7 ») ainsi que le texte de l’article 26, deuxième alinéa, de la Constitution française et a considéré qu’aucun élément ni aucune raison ne portait à soupçonner l’existence d’un fumus persecutionis.

 Procédure et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 avril 2019, la requérante a introduit le présent recours.

9        Le 27 juin 2019, le Parlement a produit le mémoire en défense.

10      Le 5 juillet 2019, le Tribunal a décidé qu’un deuxième échange de mémoires n’était pas nécessaire, en application de l’article 83, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

11      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, la juge rapporteure a été affectée à la sixième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

12      Le 31 octobre 2019, la requérante a renoncé à la demande d’audience de plaidoiries qu’elle avait formée le 8 août 2019. Le Tribunal (sixième chambre), s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier de l’affaire, a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

13      La requérante demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

14      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      À l’appui du recours, la requérante fait valoir deux moyens, tirés, le premier, d’un détournement de procédure et de la violation de l’« article 43 » du document de la commission des affaires juridiques du Parlement, intitulé « Communication aux membres no 11/2016 », du 9 mai 2016 (ci-après la « communication no 11/2016 ») et, le second, de la violation des principes ne bis in idem et electa una via et d’un détournement de procédure et de pouvoir.

16      À titre liminaire, il y a lieu de relever que l’article 9 du protocole no 7 dispose :

« Pendant la durée des sessions du Parlement européen, les membres de celui-ci bénéficient :

a)       sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du parlement de leur pays,

b)       sur le territoire de tout autre État membre, de l’exemption de toute mesure de détention et de toute poursuite judiciaire.

L’immunité les couvre également lorsqu’ils se rendent au lieu de réunion du Parlement européen ou en reviennent.

L’immunité ne peut être invoquée dans le cas de flagrant délit et ne peut non plus mettre obstacle au droit du Parlement européen de lever l’immunité d’un de ses membres. »

17      La teneur de l’inviolabilité établie à l’article 9, premier alinéa, sous a), du protocole no 7 s’analyse par renvoi aux dispositions nationales pertinentes et elle est par conséquent susceptible de varier selon l’État membre d’origine du député européen (voir arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23, point 44 et jurisprudence citée).

18      S’agissant des dispositions nationales applicables, l’article 26, deuxième alinéa, de la Constitution française dispose :

« Aucun membre du Parlement ne peut faire l’objet, en matière criminelle ou correctionnelle, d’une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu’avec l’autorisation du Bureau de l’assemblée dont il fait partie. Cette autorisation n’est pas requise en cas de crime ou délit flagrant ou de condamnation définitive. »

19      L’inviolabilité du député peut être levée par le Parlement, conformément à l’article 9, troisième alinéa, du protocole no 7. À cet égard, il y a lieu de reconnaître au Parlement un très large pouvoir d’appréciation quant à l’orientation qu’il entend donner à une décision faisant suite à une demande de levée d’immunité en raison du caractère politique que revêt une telle décision (voir, en ce sens, arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23, point 59 et jurisprudence citée).

20      L’exercice de ce pouvoir n’est toutefois pas soustrait à tout contrôle juridictionnel. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre de ce contrôle, le juge de l’Union européenne doit vérifier le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus par l’institution, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23, point 60 et jurisprudence citée).

 Sur le premier moyen

21      Au soutien du premier moyen, tiré d’un détournement de procédure et de la violation de l’« article 43 » de la communication no 11/2016, la requérante fait valoir que le Parlement a dénaturé les faits en dissimulant que, en septembre 2017, elle avait remboursé l’intégralité des frais d’assistance parlementaire litigieux, intérêts de retard compris, et, partant, en « laissant croire à la persistance d’un préjudice » pour le Parlement. Elle soutient que le Parlement n’a pas exercé le contrôle nécessaire sur le « but prédominant », « inavoué » ou « non conventionnel », au sens de l’arrêt de la Cour EDH du 23 février 2016, Navalnyy et Ofitserov c. Russie (CE:ECHR:2016:0223JUD004663213), de la demande de levée d’immunité des autorités nationales alors qu’un tel contrôle aurait dû le conduire à relever le caractère abusif de cette demande dans la mesure où la prévention d’avoir détourné des fonds au préjudice du Parlement se heurtait au fait que celui-ci ne subissait plus de préjudice depuis le mois de septembre 2017.

22      Le Parlement soutient que le grief tiré du détournement de procédure est irrecevable en l’absence de toute argumentation développée par la requérante. Il relève également que la communication no 11/2016 n’est pas un texte contraignant et que, en tout état de cause, le grief tiré de la méconnaissance du point 43 de cette communication n’est pas fondé.

23      À cet égard, en premier lieu, s’agissant du grief tiré de la violation du point 43 de la communication no 11/2016, il y a lieu de relever que cette communication a été établie par la commission des affaires juridiques du Parlement, laquelle est compétente, en application de l’article 9 du règlement intérieur du Parlement (ci-après le « règlement intérieur »), pour procéder à l’examen des demandes de levée ou de défense d’immunité et présenter une proposition de décision au Parlement que celui-ci accepte ou rejette sans pouvoir l’amender. Cette communication a été adoptée en application de l’article 9, paragraphe 12, alors applicable, du règlement intérieur, selon lequel la commission compétente en matière d’immunité fixe les principes d’application de l’article 9 dudit règlement concernant les procédures relatives à l’immunité. La communication no 11/2016 identifie ainsi, au regard des dispositions pertinentes du protocole no 7 et du règlement intérieur ainsi que de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, les « principes applicables aux affaires d’immunité ». Ces derniers recouvrent les principes généraux, la procédure, les règles de confidentialité ainsi que les règles relatives à l’adoption des décisions que la commission des affaires juridiques entend appliquer dans les affaires d’immunité.

24      La communication no 11/2016 traduit ainsi l’intention de la commission des affaires juridiques du Parlement, chargée, par ce dernier, d’instruire les demandes formées en matière d’immunité, pour lesquelles il dispose d’un très large pouvoir d’appréciation, de suivre une certaine ligne de conduite dans ce domaine. Si une telle communication ne saurait être qualifiée de règle de droit que ladite commission serait tenue d’observer, elle énonce des règles de conduite indicatives de la pratique à suivre par celle-ci, notamment dans le traitement des demandes de levée d’immunité. Il s’ensuit que la commission des affaires juridiques ne saurait se départir de ces règles que si une motivation suffisante est apportée sur ce point. Dans ce contexte et alors que le Parlement peut soit adopter la proposition de décision établie par ladite commission, sans la modifier, soit la rejeter, il ne saurait être exclu que, sous certaines conditions et en fonction de leur contenu, les règles contenues dans la communication no 11/2016 puissent déployer des effets juridiques (voir, par analogie, arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex, T‑653/13 P, EU:T:2015:652, point 61 et jurisprudence citée).

25      En l’espèce, il convient toutefois de constater que, aux fins d’apprécier s’il y avait lieu de faire droit à la demande de levée d’immunité, il a été fait application du point 43 de la communication no 11/2016, selon lequel, « [l]orsque la procédure en question ne porte pas sur des opinions ou votes émis par un député dans l’exercice de ses fonctions, il convient de lever l’immunité à moins qu’il ne s’avère que la finalité qui sous-tend les poursuites soit de porter préjudice à l’activité politique du député et, partant, à l’indépendance du Parlement (fumus persecutionis) ». En effet, il résulte du point L de la décision attaquée que la levée d’immunité de la requérante a été décidée par le Parlement après qu’il eut considéré qu’aucun élément ni aucune raison ne portait à soupçonner l’existence d’un fumus persecutionis.

26      Dans ce contexte, par son argumentation, la requérante doit être regardée comme se prévalant des erreurs qui auraient été commises par le Parlement dans l’examen du fumus persecutionis.

27      À cet égard, ainsi que la requérante le relève, la décision attaquée ne fait pas état du fait qu’elle a intégralement remboursé les frais d’assistance parlementaire litigieux, par prélèvement sur les indemnités qui lui étaient versées par le Parlement. La décision attaquée fait seulement mention, en son point F, de la suspension par le Parlement du versement des frais afférents au contrat de l’assistant parlementaire en cause.

28      Selon la requérante, en ne relevant pas l’existence d’un tel remboursement ni son caractère préalable à la demande de levée d’immunité formée par les magistrats instructeurs, le Parlement aurait dénaturé les faits et exercé un contrôle insuffisant sur la demande de levée d’immunité. En effet, ce remboursement conférerait un caractère abusif à la demande des autorités judiciaires françaises et caractériserait un fumus persecutionis dans la mesure où l’existence d’un détournement de fonds par la requérante se heurterait à l’absence de préjudice financier subi par le Parlement.

29      L’argumentation de la requérante apparaît fondée sur la prémisse selon laquelle le remboursement des frais d’assistance parlementaire litigieux, opéré dans le cadre de la procédure de recouvrement menée par le secrétaire général du Parlement en vertu de l’article 68, paragraphe 1, des mesures d’application du statut de député, fait obstacle à la constitution d’un détournement de fonds et rend sans objet les poursuites pénales. À cet égard, il convient de rappeler que ledit article 68, paragraphe 1, dispose que toute somme indûment versée en application des mesures d’application du statut de député donne lieu à répétition. Or, la requérante, qui supporte la charge de la preuve, ne produit aucun élément en vue d’établir la réalité de son assertion et, de manière plus générale, l’incidence d’un tel remboursement sur la procédure nationale à l’origine de la demande de levée d’immunité alors même que les deux procédures en cause ont des objets distincts. Ainsi, la procédure nationale vise à constater si une infraction au sens du droit pénal français a été commise par la requérante et, le cas échéant, à réprimer cette infraction, alors que la procédure engagée par le Parlement sur le fondement de l’article 68, paragraphe 1, des mesures d’application du statut de député tend à la répétition de l’indu.

30      Il s’ensuit que la requérante n’établit pas que le Parlement aurait dénaturé les faits de l’espèce ou procédé à un contrôle insuffisant de la demande de levée d’immunité en ne prenant pas en compte le remboursement des frais d’assistance parlementaire litigieux dans le cadre de l’examen du fumus persecutionis.

31      En outre, pour les raisons exposées au point 29 ci-dessus, la requérante n’établit pas que la poursuite de la procédure pénale au niveau national alors qu’elle a procédé au remboursement des frais d’assistance parlementaire litigieux révélerait une volonté de nuire à son activité politique et que, partant, le Parlement aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’aucun élément ni aucune raison ne portait à soupçonner l’existence d’un fumus persecutionis.

32      Par ailleurs, en tant que la requérante se prévaut de l’arrêt de la Cour EDH du 23 février 2016, Navalnyy et Ofitserov c. Russie (CE:ECHR:2016:0223JUD004663213), et reproche au Parlement de ne pas avoir recherché le « but prédominant », « inavoué » ou « non conventionnel » des autorités nationales, il convient de relever qu’un tel argument tend, en substance, à reprocher au Parlement de ne pas avoir contrôlé s’il existait un fumus persecutionis et repose sur les développements rappelés au point 28 ci-dessus, lesquels n’ont pas prospéré. Il s’ensuit qu’un tel argument ne peut qu’être écarté par voie de conséquence.

33      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le grief tiré en substance des erreurs commises par le Parlement dans l’examen du fumus persecutionis doit être écarté en tant qu’il n’est pas fondé.

34      En second lieu, s’agissant du grief tiré de l’existence d’un détournement de procédure, il y a lieu de constater que ce grief n’apparaît que dans l’intitulé du premier moyen, sans être assorti d’une argumentation. Or, ainsi qu’il découle de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Par conséquent, ainsi que le fait valoir le Parlement, ce grief est irrecevable et doit être écarté pour ce motif.

35      Il s’ensuit que le premier moyen doit être écarté.

 Sur le second moyen

36      La requérante soutient que, dès lors que le Parlement avait choisi d’appliquer la procédure prévue à l’article 68 des mesures d’application du statut des députés, les adages electa una via et ne bis in idem lui interdisaient de poursuivre les mêmes fins par le biais de la procédure pénale française et de continuer à alléguer l’existence d’un préjudice.

37      Le Parlement fait valoir que le grief tiré du détournement de procédure est irrecevable en l’absence de toute argumentation développée par la requérante. Il soutient également que le grief tiré de la violation de l’adage electa una via est inopérant et que les griefs tirés de la violation du principe non bis in idem et de l’existence d’un détournement de pouvoir ne sont pas fondés.

38      À cet égard, en premier lieu, s’agissant du grief tiré de la violation du principe electa una via, il y a lieu de relever que ce principe, qui découle des ordres juridiques nationaux, impose en particulier que la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut plus la porter devant la juridiction pénale, et inversement.

39      En l’espèce, il convient de constater, d’emblée, que rien ne permet de considérer que le principe electa una via s’applique dans l’ordre juridique de l’Union aux actions entreprises par les institutions de l’Union. Cela ne ressort d’aucune disposition du droit de l’Union, ni d’aucune jurisprudence du Tribunal ou de la Cour (arrêt du 29 novembre 2017, Bilde/Parlement, T‑633/16, non publié, EU:T:2017:849, point 76). D’ailleurs, la requérante ne se réfère à aucune source de droit consacrant ce principe dans cet ordre juridique.

40      En tout état de cause, à le supposer applicable en droit de l’Union, le principe electa una via ne saurait trouver à s’appliquer dans les circonstances de l’espèce. En effet, d’une part, contrairement à ce que prétend en substance la requérante, la procédure mise en œuvre par le secrétaire général du Parlement sur le fondement de l’article 68 des mesures d’application du statut de député est une procédure interne de nature purement administrative et non une procédure de nature civile devant une juridiction. D’autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le Parlement aurait exercé une action pénale. En effet, par l’adoption de la décision attaquée, le Parlement s’est borné à statuer sur la demande de levée d’immunité qui avait été formée par les autorités françaises. Par ailleurs, il résulte du point C de la décision attaquée et de la demande de levée d’immunité que le président du Parlement a informé le ministre de la Justice français des faits susceptibles de contrevenir aux lois françaises dont il avait eu à connaître. Une telle information ne saurait être considérée comme relevant de la mise en œuvre d’une procédure pénale (voir, en ce sens, arrêt du 29 novembre 2017, Bilde/Parlement, T‑633/16, non publié, EU:T:2017:849, point 77).

41      En deuxième lieu, s’agissant du grief tiré de la violation du principe ne bis in idem, il convient de rappeler que ce principe, qui constitue un principe général du droit de l’Union dont le juge assure le respect, interdit de sanctionner une même personne plus d’une fois pour un même comportement illicite afin de protéger un même bien juridique (voir, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 338).

42      D’emblée, il convient de relever qu’un tel principe s’applique uniquement en cas d’imposition de sanctions. Or, la décision attaquée, laquelle ne saurait préjuger de la suite de la procédure pénale engagée au niveau national à l’égard de la requérante, ne constitue pas une sanction infligée à la requérante par le Parlement. Il en est de même, contrairement à ce que la requérante prétend en substance, de la mise en œuvre, par le secrétaire général du Parlement, d’une procédure de répétition de l’indu en application de l’article 68 des mesures d’application du statut de député.

43      Il s’ensuit que le principe ne bis in idem ne saurait trouver application en l’espèce. Partant, le grief tiré de sa violation ne peut qu’être écarté.

44      En troisième lieu, s’agissant du grief tiré du détournement de pouvoir, il convient de relever que la requérante ne développe aucune argumentation autonome, distincte de celle présentée au soutien des griefs tirés de la violation des principes electa una via et ne bis in idem. Cette argumentation n’ayant pas prospéré, il y a lieu d’écarter, par voie de conséquence, le grief tiré de l’existence d’un détournement de pouvoir.

45      En quatrième lieu, pour les motifs exposés au point 34 ci-dessus, il y a lieu d’écarter comme irrecevable le grief tiré de l’existence d’un détournement de procédure, lequel n’apparaît que dans l’intitulé du second moyen, sans être assorti d’une quelconque argumentation.

46      Il s’ensuit que le second moyen doit être écarté.

47      Partant, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

48      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Dominique Bilde supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Parlement européen.

Marcoulli

Schwarcz

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 février 2020.

Le greffier

 

La présidente

E. Coulon

 

V. Tomljenović


* Langue de procédure : le français.