Language of document : ECLI:EU:T:2020:65

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

13 février 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative DELTA SPORT – Marque espagnole verbale antérieure COLCHON DELTA – Marque de l’Union européenne figurative antérieure DELTA – Motif relatif de refus– Similitude des produits – Similitude des signes – Risque de confusion –Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑387/18,

Delta-Sport Handelskontor GmbH, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par Me M. Krogmann, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Ivanauskas et H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Delta Enterprise Corp., établie à New York, New York (États-Unis), représentée par Me M. Decker, avocate,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 17 avril 2018 (affaire R 1894/2017-5) relative à une procédure d’opposition entre Delta Enterprise et Delta-Sport Handelskontor,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. J. Schwarcz (rapporteur) et C. Iliopoulos, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 25 juin 2018,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 12 septembre 2018,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 19 septembre 2018,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er juillet 2015, la requérante, Delta-Sport Handelskontor GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque figurative de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé (ci‑après la « marque demandée ») est la marque figurative, avec une revendication des couleurs (vert : Pantone 335 C, bleu : Pantone 286 C), telle que reproduite ci-après :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 10, 18, 20, 25 et 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

–        Classe 9 : « casques de cycliste, casques de ski, casques de planches à roulettes » ;

–        Classe 10 : « articles orthopédiques ; bandages orthopédiques pour les articulations ; bandes de maintien élastiques ; bandages pour les sportifs ; bandes ; bandes de kinésiologie ; rollators ; bouchons pour les oreilles (protections acoustiques) » ;

–        Classe 18 : « sacs de tous les jours ; sacs de sport ; sacs pour faire les courses ; mallettes ; articles de voyage non compris dans d’autres classes, à savoir pochettes portées au niveau de la poitrine, ceintures porte-monnaie, sacs à porter à la ceinture, sacoches banane, étuis à lunettes, sangles pour valises, housses de protection de valises, housses pour valises, trousses de voyage, trousses de toilette, pochettes de voyage » ;

–        Classe 20 : « meubles, glaces (miroirs), cadres ; produits non compris dans d’autres classes, en bois, liège, roseau, jonc, vannerie, corne, os, ivoire, fanon de baleine, écaille, ambre jaune, nacre, écume de mer et leurs succédanés ou en matières plastiques, à savoir piédestaux pour fleurs, boîtes, armoires, caisses, boîtes à médicaments, hampes, garde-robes, poufs, coussins, coussins cervicaux, traversins, corbeilles, tables, tables de camping, chaises de camping, tabourets de camping, chaises longues, sacs de couchage pour le camping, mobiles » ;

–        Classe 25 : « vêtements, chaussures, chapellerie » ;

–        Classe 28 : « jeux, jouets ; articles de gymnastique et de sport non compris dans d’autres classes ; décorations pour arbres de Noël ». 

4        La demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 25/2016, du 8 février 2016.

5        Le 28 avril 2016, l’intervenante, Delta Enterprise Corp., a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour une partie des produits visés au point 3 ci-dessus, à savoir pour l’ensemble des produits revendiqués relevant des classes 9, 18, 20, 25 et 28.

6        L’opposition était fondée, d’une part, sur la marque espagnole verbale antérieure n° 1 523 644 COLCHON DELTA, enregistrée le 2 novembre 1993, désignant des produits relevant de la classe 20 et correspondant à la description suivante : « Matelas et oreillers ».

7        L’opposition était fondée, d’autre part, sur la marque de l’Union européenne figurative antérieure enregistrée le 19 janvier 2013 sous le numéro 10 303 881, telle que reproduite ci-après :

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8        La marque de l’Union européenne antérieure désigne des produits relevant des classes 12, 16, 20 et 24 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        Classe 12 : « voitures et motos à pédales et électriques pour enfants, pièces et accessoires pour tous les articles précités compris dans cette classe, sièges de voiture pour enfants » ;

–        Classe 16 : « cartes géographiques en papier, serre-livres pour enfants, chevalets pour enfants » ;

–        Classe 20 : « chaises hautes, parcs pour bébés, parcs à jouets, berceaux, supports roulants pour la marche des bébés, lits pour tout-petits, lits d’enfants, buffets, armoires, commodes, tables à langer pour bébés, tables de changes et commodes combinées, tables, chaises, fauteuils de metteur en scène, fauteuils à bascule, pupitres, coffres à jouets (meubles), coffres à jouets, bancs, corbeilles non métalliques, tabourets, marche-pieds, vestiaires muraux, étagères, cintres, miroir, relax pour enfants, têtes de lits, tables de toilette, tabourets, matelas pour lits d’enfants et berceaux, protection de berceaux et rembourrages de protection pour berceaux » ;

–        Classe 24 : « napperons en vinyle et gants de toilette en matières textiles ; couvertures de lit et couvertures pour enfants, et draps de lit, lits d’enfant et berceaux, édredons, housses d’oreillers, ruches, baldaquins, couvertures de jeux et tentures murales en matière textiles ; tous les produits précités étant destinés à des enfants de moins de dix-huit ans ».

9        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 1, du règlement 2017/1001).

10      Le 6 juillet 2017, la division d’opposition a rejeté la demande d’enregistrement pour une partie des produits visés, relevant des classes 20 et 28 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        Classe 20 : « meubles, glaces (miroirs), cadres ; produits, non compris dans d’autres classes, en bois, liège, roseau, jonc, vannerie, corne, os, ivoire, fanon de baleine, écaille, ambre jaune, nacre, écume de mer et leurs succédanés ou en matières plastiques, à savoir piédestaux pour fleurs, boîtes, armoires, caisses, boîtes à médicaments, garde-robes, poufs, coussins, coussins cervicaux, traversins, corbeilles, tables, tables de camping, chaises de camping, tabourets de camping, chaises longues, sacs de couchage pour le camping » ;

–        Classe 28 : « jeux et jouets ».

11      Le 30 août 2017, la requérante a formé un recours, au titre des articles 58 à 60 du règlement n° 207/2009 (devenus les articles 66 à 68 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition, demandant son annulation intégrale.

12      Par décision du 17 avril 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours dans son ensemble.

 Conclusion des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure devant la chambre de recours ;

–        prendre toute autre mesure qu’il jugera appropriée.

14      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ; et

–        condamner la requérante aux dépens.

15      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme dépourvu de fondement ;

–        confirmer la décision attaquée ;

–        en tout état de cause, condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés par l’intervenante devant le Tribunal et devant la chambre de recours.

 En droit

 Sur la recevabilité du troisième chef de conclusions de la requérante

16      Par le troisième chef de conclusions, la requérante vise à ce que le Tribunal prenne « toute autre mesure qu’il jugera appropriée ».

17      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour et de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête dans le cadre du contentieux relatif aux droits de propriété intellectuelle doit contenir l’exposé sommaire des moyens invoqués et que cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. Il doit en aller de même pour tout chef de conclusions, qui doit être assorti de moyens et d’arguments permettant, tant à la partie défenderesse qu’au juge, d’en apprécier le bien-fondé. 

18      Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même [voir arrêt du 15 mars 2006, Athinaiki Oikogeniaki Artopoiia/OHMI – Ferrero (FERRÓ), T‑35/04, EU:T:2006:82, point 19 et jurisprudence citée].

19      À cet égard, la requête doit expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé. Dès lors, sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (voir arrêt du 15 mars 2006, FERRÓ, T‑35/04, EU:T:2006:82, point 20 et jurisprudence citée).

20      En l’espèce, la requérante n’avance aucun élément à l’appui de ce troisième chef de conclusions. Il résulte de la jurisprudence citée, point 19 ci‑dessus, qu’une demande tendant à obtenir que le Tribunal adopte des mesures non spécifiées, simplement désignées comme étant « appropriées », manque de précision nécessaire et doit, par conséquent, être considérée comme irrecevable.

21      En tout état de cause, il y a lieu de relever qu’il appartient à l’EUIPO d’instruire la demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne et d’en décider, le cas échéant, en appréciant les oppositions éventuellement formées contre celle-ci. Il revient, ensuite, au Tribunal, d’exercer un contrôle juridictionnel de l’appréciation faite par la chambre de recours dans la décision adoptée par l’EUIPO. Il n’appartient pas, en revanche, au Tribunal de se substituer à l’EUIPO dans l’exercice des compétences dévolues à ce dernier par le règlement 2017/1001.

 Sur le deuxième chef de conclusions de l’intervenante

22      Il y a lieu de constater que, par son deuxième chef de conclusions, l’intervenante vise à obtenir du Tribunal un jugement confirmatif.

23      Il résulte cependant de l’article 72, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001 que le recours ouvert devant le Tribunal vise à examiner la légalité des décisions des chambres de recours et à obtenir, le cas échéant, l’annulation ou la réformation de celles-ci, de sorte qu’il ne saurait avoir pour objet d’obtenir, au regard de telles décisions, des jugements confirmatifs.

24      Il s’ensuit que le deuxième chef de conclusions de l’intervenante est irrecevable. 

 Sur le fond

25      Au soutien du recours, la requérante présente un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

26      La requérante reproche, en substance, à la chambre de recours, premièrement, d’avoir commis des erreurs dans l’appréciation de la similitude des produits en cause, deuxièmement, d’avoir conclu à tort que la marque demandée, d’une part, et les marques antérieures, d’autre part, étaient similaires sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, troisièmement, d’avoir commis une erreur d’appréciation quant au caractère distinctif du terme « delta », quatrièmement, d’avoir conclu à tort que les marques antérieures possédaient un caractère distinctif normal et, cinquièmement, d’avoir erronément apprécié le risque de confusion.

27      L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

28      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

29      Selon une jurisprudence constante, le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement constitue un risque de confusion. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

30      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit ici de conditions cumulatives [voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – EasyGroup IP Licensing (EasyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée]. En outre, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast‑Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

31      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union européenne, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits ou des services en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, VENADO avec cadre e.a., T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée).

32      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier si la chambre de recours a à juste titre estimé qu’il existait, en l’espèce, un risque de confusion.

 Sur la portée du recours devant la chambre de recours et du présent recours

33      À titre liminaire, s’agissant de la portée du recours devant la chambre de recours, celle-ci a constaté, au point 14 de la décision attaquée, que, dans la mesure où l’intervenante n’a pas formé de recours contre la décision de la division d’opposition, la partie de celle-ci rejetant l’opposition pour certains produits relevant des classes 9, 18 et 25, ainsi qu’une partie des produits relevant de la classe 28, a acquis un caractère définitif. En conséquence, selon elle, la question à trancher se limitait, d’une part, à l’appréciation de la similitude entre, d’une part, les produits visés par la demande d’enregistrement pour lesquels l’opposition a été accueillie (voir au point 10 ci-dessus), relevant des classes 20 et 28 et, d’autre part, des produits couverts par les marques antérieures, ainsi que, d’autre part, à l’appréciation de la similitude des signes et à l’appréciation globale du risque de confusion. Elle a, en outre, indiqué que, tout en conservant l’approche adoptée par la division d’opposition, elle tiendrait compte des deux marques antérieures.

34      Il y a lieu de relever que le raisonnement de la chambre de recours, résumé au point 33 ci-dessus, n’a pas été contesté par les parties dans le cadre du présent recours. Ainsi, il conviendra d’en tenir compte dans l’appréciation du risque de confusion.

 Sur le territoire en cause et sur le public pertinent

35      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

36      En l’espèce, aux points 18 et 19 de la décision attaquée, s’agissant du territoire pertinent pour l’appréciation du risque de confusion, la chambre de recours a affirmé que les marques antérieures étant une marque espagnole et une marque de l’Union européenne, il convenait de tenir compte, en principe, des consommateurs de toute l’Union européenne, incluant l’Espagne. Toutefois, selon elle, il découlait du caractère unitaire de la marque de l’Union européenne que si un motif relatif de refus d’enregistrement s’appliquait uniquement à un État membre, la demande d’enregistrement devait être refusée. Ainsi, elle a estimé que, en l’espèce, la division d’opposition pouvait limiter l’examen de la similitude des marques à la partie hispanophone du public. En outre, elle a indiqué que, pour des raisons d’économie de procédure, il convenait de commencer en prenant en compte l’élément le plus significatif et qu’il n’était pas toujours nécessaire d’examiner les signes en cause dans toutes les langues (en l’occurrence, il convenait d’effectuer, tout d’abord, l’analyse par rapport à la langue espagnole).

37      Aux points 20 et 21 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que le public pertinent intéressé par les produits en cause, à savoir des « meubles, jeux et jouets », était le grand public, dont le niveau d’attention à l’égard de ces produits était moyen.

38      Dans les circonstances d’espèce, en l’absence de critiques des parties à cet égard, l’examen du risque de confusion doit être mené, ainsi que la chambre de recours l’a relevé à juste titre, au regard du grand public composé de consommateurs ayant un niveau d’attention moyen et situé sur le territoire de l’Union, ce qui inclut le public hispanophone.

 Sur la comparaison des produits

39      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

40      En outre, des produits peuvent être considérés comme identiques lorsque les produits que désigne la marque antérieure sont inclus dans une catégorie plus générale visée par la demande de marque, ou lorsque les produits visés par la demande de marque sont inclus dans une catégorie plus générale visée par la marque antérieure [voir arrêt du 7 septembre 2006, Meric/OHMI – Arbora & Ausonia (PAM-PIM’S BABY-PROP), T‑133/05, EU:T:2006:247, point 29 et jurisprudence citée].

41      Il ressort également de la jurisprudence que les produits complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication des deux produits incombe à la même entreprise [arrêt du 14 mai 2013, Sanco/OHMI – Marsalman (Représentation d’un poulet), T-249/11, EU:T:2013:238, point 22].

42      En l’espèce, la chambre de recours a estimé, aux points 26 à 36 de la décision attaquée, en substance, que les produits visés par la marque demandée relevant de la classe 20 étaient, pour certains, identiques et, pour d’autres, similaires ou à tout le moins faiblement similaires, aux divers produits couverts par les marques antérieures.

43      Aux points 37 et 38 de la décision attaquée, la chambre de recours a affirmé que les « jeux et jouets » visés par la marque demandée, relevant de la classe 28, n’étaient pas complémentaires avec les « coffres à jouets » couverts par la marque de l’Union européenne antérieure, relevant de la classe 20, contrairement à ce qu’a indiqué la division d’opposition. Cependant, selon elle, ils étaient utilisés ensemble, les jeux et jouets pouvant être stockés dans les coffres à jouets. Elle a estimé qu’ils pouvaient, en outre, être produits par les mêmes fabricants, à savoir, des fabricants de jouets, être distribués par les mêmes canaux de distribution, des magasins de jouets, et s’adresser au même public, c’est-à-dire, selon elle, aux parents. Ainsi, ils seraient similaires.

44      Selon la requérante, les « articles ménagers et de camping » relevant de la classe 20, visés par la marque demandée et les produits pour enfants relevant des classes 16 et 20, couverts par la marque de l’Union européenne antérieure, ne sont ni similaires ni complémentaires. 

45      La requérante avance, à titre d’exemple, qu’il n’y a pas de similitude entre, d’une part, les « cadres » visés par la marque demandée et, d’autre part, les « chevalets pour enfants » et les « tables », relevant, respectivement, des classes 16 et 20, couverts par la marque de l’Union européenne antérieure. Selon elle, le simple fait que ces produits puissent avoir une même finalité décorative n’est pas suffisant pour que le public pertinent puisse croire que les produits en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement.

46      En outre, selon la requérante, la chambre de recours n’a pas compris le sens du mot « tables », relevant de la classe 20, couvertes par la marque de l’Union européenne antérieure. Il résulterait du contexte et de la présence des termes « tables de change et commodes combinées » et « chaises » avant et après le mot « tables » dans la liste de biens que ledit mot devrait être compris comme un synonyme du terme « bureau ». En conséquence, il n’y aurait aucune similitude entre des « tables », ce mot étant entendu dans le sens correct de « bureau », et les « cadres » visés par la marque demandée. 

47      La requérante soutient qu’il n’y a pas non plus de similitude entre, d’un côté, les « piédestaux pour fleurs » et les « boîtes à médicaments » visés par la marque demandée et, de l’autre côté, d’autres pièces de mobilier, telles que les « étagères », relevant de la classe 20, couvertes par la marque de l’Union européenne antérieure. D’une part, ces produits seraient commercialisés et distribués par des canaux différents et auprès d’un public différent. D’autre part, le seul fait que ces produits soient un type de meubles ne serait pas suffisant pour que le public pertinent puisse croire qu’ils proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement.

48      S’agissant des « corbeilles », visées par la marque demandée et des « coffres à jouets » couverts de la marque de l’Union européenne antérieure, tous relevant de la classe 20, les premières peuvent, selon la requérante, notamment, être utilisées pour transporter des objets. La requérante prétend, toutefois, que le seul fait que ces produits aient une telle finalité n’est pas suffisant pour que le public pertinent puisse croire que les produits en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement.

49      Selon la requérante, il n’y a pas de similitude entre, d’une part, les « sacs de couchage pour le camping » visés par la marque demandée, et, d’autre part, les « matelas pour lits d’enfants et berceaux » couverts par la marque de l’Union européenne antérieure, ainsi que les « matelas » couverts par la marque espagnole antérieure, relevant de la classe 20. Elle soutient que ces produits ont une finalité complètement différente, sont commercialisés et distribués par des canaux différents et auprès d’un public différent. Même les matelas destinés à être utilisés en extérieur auraient une finalité complètement différente de celle des sacs de couchage et seraient distribués par des canaux différents.

50      Enfin, la requérante conteste également l’appréciation de la chambre de recours portant sur les produits relevant de la classe 28, c’est-à-dire, des « jeux et jouets ». Selon elle, ils ne sont ni similaires ni complémentaires aux produits ou au mobilier pour bébés ou pour enfants couverts par la marque de l’Union européenne antérieure, relevant des classes 12 et 20.

51      L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

52      Les allégations de la requérante peuvent être divisées en trois volets. En premier lieu, il s’agit des allégations spécifiques, rappelées aux points 45 à 49 ci-dessus, portant sur des catégories concrètes de produits, relevant des classes 20 et 28. En deuxième lieu, la requérante a présenté un argument général, résumé au point 44 ci-dessus, englobant l’ensemble des produits visés par la marque demandée, relevant de la classe 20. En troisième lieu, des allégations particulières portent sur les produits relevant de la classe 28, visés par ladite marque, à savoir, les « jeux et jouets ».

–       Observations liminaires sur la recevabilité de la demande générale de la requérante, visant l’ensemble des produits relevant de la classe 20

53      L’EUIPO soutient, aux points 12 et 13 de son mémoire en réponse, que les arguments de la requérante sont limitées aux « cadres, piédestaux pour fleurs, boîtes à médicaments, corbeilles, sacs de couchage pour le camping » compris dans la classe 20 ainsi qu’aux « jeux, jouets », compris dans la classe 28 et que, dès lors, il y a lieu de rejeter la demande de la requérante comme étant irrecevable en ce qui concerne les autres produits visés par la marque demandée, relevant de la classe 20 au, conformément à « l’article 76 du règlement de procédure ».

54      Force est de constater que, contrairement à ce que soutient l’EUIPO, l’allégation de la requérante, rappelée au point 44 ci-dessus, est suffisamment précise pour remplir les exigences de l’article 177 du règlement de procédure, conformément à la jurisprudence, suivant laquelle l’exposé des moyens dans la requête doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui [voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2002, eCopy/OHMI (ECOPY), T‑247/01, EU:T:2002:319, point 15 et jurisprudence citée]. En effet, bien que cette allégation de la requérante porte sur un ensemble de produit visés par la marque demandée et relevant de la classe 20, sans qu’une argumentation spécifique n’ait été soulevée par rapport à chacun d’entre eux, il n’en demeure pas moins qu’il en ressort que la requérante conteste les développements de la chambre de recours, par lesquels celle-ci a conclu à une identité ou à une similitude de divers degrés entre lesdits produits et les produits couverts par les marques antérieures.

55      Partant, il appartient au Tribunal de se prononcer à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, points 38 à 48).

–       Sur la comparaison des produits relevant de la classe 20 visés par la marque demandée et des produits couverts par les marques antérieures

56      En premier lieu, s’agissant des « cadres » relevant de la classe 20, visés par la marque demandée, la chambre de recours a estimé, au point 31 de la décision attaquée, qu’ils étaient faiblement similaires aux « tables » et « chevalets pour enfants » couverts par la marque de l’Union européenne antérieure et relevant, respectivement, des classes 16 et 20. Elle a tenu compte, notamment, de leur objectif, à savoir celui de décoration, par exemple pour de petites tables décoratives. Elle a également souligné qu’ils avaient les mêmes canaux de distribution et qu’ils s’adressaient au même public.

57      Cette conclusion doit être approuvée en ce qui concerne les « tables », nonobstant les allégations de la requérante, rappelées aux points 45 et 46 ci-dessus, et ce tenant compte du fait que, comme le soutient à juste titre l’EUIPO au point 16 de son mémoire en réponse, la catégorie générale susvisée, « tables », inclut des tables de décoration. Il n’est, en outre, pas possible de déduire en l’espèce le sens d’une catégorie de produits en fonction des produits précédant ou suivant cette même catégorie dans l’énumération des produits couverts par la marque de l’Union européenne antérieure, de sorte que, contrairement aux allégations de la requérante, il n’y a pas de fondement pour estimer qu’il convenait d’interpréter les « tables » en tant que « bureaux ». Dès lors, il y a lieu de relever que tant les cadres que les tables (notamment de décoration) font partie de l’agencement d’une habitation et tendent, pour l’essentiel, aux mêmes fins, dans la mesure où ils sont destinés à aménager cette habitation et à la décorer. Il convient ainsi de considérer que lesdits produits ont une même finalité, ou, à tout le moins, que leur finalité respective peut se chevaucher.

58      Cette conclusion n’est, en outre, pas infirmée par le fait que les tables ont, également, une finalité plus pratique, relevant de leur utilisation habituelle, en tant que support aux fins de déposer divers éléments de la vie courante.

59      Les produits comparés peuvent être vendus ensemble dans des magasins spécialisés dans la décoration intérieure, qui proposent des produits coordonnés permettant d’aménager une habitation de manière à obtenir une harmonie d’ensemble (voir, à cet égard, à titre d’exemple, les éléments de preuve présentés par l’intervenante durant la procédure administrative devant l’EUIPO, portant sur les ventes sur un site de commerce en ligne, de produits désignés les « chambres à coucher » et la « décoration »). Ce fait est de nature à faciliter la perception par le consommateur concerné des liens étroits existant entre eux et à renforcer l’impression que la responsabilité de leur fabrication incombe à la même entreprise (voir, par analogie, arrêt du 11 juillet 2007, PiraÑAM diseño original Juan Bolaños, T‑443/05, EU:T:2007:219, point 50 et jurisprudence citée). Dès lors, les consommateurs pourront considérer comme habituel que des cadres et des tables, notamment décoratives, soient vendus sous la même marque.

60      Par conséquent, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu, au point 31 de la décision attaquée, qu’il existait une faible similitude entre les « cadres » visés par la marque demandée, d’une part, et les « tables » couvertes par la marque de l’Union européenne antérieure, d’autre part. Dans ces circonstances, ce n’est qu’à titre surabondant qu’il convient encore de constater, s’agissant de l’existence d’une similitude entre les « cadres » et les « chevalets pour enfants » couverts par la marque de l’Union européenne antérieure et relevant de la classe 16, que lesdits « chevalets » se présentent souvent sous une forme comportant un cadre en bois, ce qui les rapproche des « cadres » visés par la marque demandée. De même, ces produits peuvent être vendus ensemble dans des magasins spécialisés dans les produits pour artistes et pour décoration. Dès lors, une similitude existe également entre ces produits, mais elle ne peut être qualifiée que comme faible.

61      En deuxième lieu, s’agissant des « piédestaux pour fleurs » et des « boîtes à médicaments » visés par la marque demandée, la chambre de recours a considéré, au point 34 de la décision attaquée, que ces produits étaient des types de meubles et qu’ils étaient donc similaires à d’autres meubles tels que les « étagères », couvertes par la marque de l’Union européenne antérieure.

62      Il y a lieu de constater que, en raison de leur nature d’articles de mobilier, de leur destination à l’aménagement d’une habitation et, notamment, de leur utilisation comme moyen de rangement, ces produits sont effectivement similaires. Cette conclusion n’est pas invalidée par le fait que les boîtes à médicaments peuvent présenter différentes formes, dès lors que, dans certains cas, il peut bien s’agir d’une armoire à pharmacie ou d’un autre espace de rangement assimilable à un meuble, pouvant être placé aux mêmes endroits que des étagères, par exemple, au-dessus de l’évier dans la salle de bain. De même, il convient de relever que les piédestaux pour fleurs peuvent, comme le soutient, à juste titre, l’EUIPO, avoir une forme très similaire à celle des étagères. En outre, il ne peut être exclu que ces produits soient vendus ensemble dans des magasins spécialisés dans la décoration et l’aménagement et qu’ils soient ainsi destinés au même public.

63      Par conséquent, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu, au point 34 de la décision attaquée, qu’il existait une similitude entre les « piédestaux pour fleurs » et « boîtes à médicaments », visés par la marque demandée et les autres meubles tels que les « étagères », couverts par la marque de l’Union européenne antérieure.

64      En troisième lieu, s’agissant des « corbeilles », visées par la marque demandée, et des « coffres à jouets » couverts par la marque de l’Union européenne antérieure, la chambre de recours a considéré, au point 34 de la décision attaquée, que ces produits étaient similaires. Contrairement à ce que soutient la requérante (voir au point 48 ci-dessus), il y a lieu de relever que lesdits produits peuvent effectivement partager la même destination, la même utilisation et ils peuvent être vendus dans les mêmes magasins de décoration intérieure, ce qui constitue des critères pertinents au sens de la jurisprudence rappelée au point 39 ci-dessus.

65      Par ailleurs, s’agissant de la comparaison entre les « corbeilles », relevant de la classe 20, telles que visées par la marque demandée et les « corbeilles non métalliques », couvertes par la marque de l’Union européenne antérieure, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 40 ci-dessus, des produits peuvent être considérés comme identiques lorsque les produits que désigne la marque antérieure sont inclus dans une catégorie plus générale visée par la demande de marque. En l’espèce, les « corbeilles » incluent ou peuvent inclure, en tant que catégorie plus générale, les « corbeilles non métalliques ». Dans ces circonstances, les produits comparés présentent une identité, et non uniquement une similitude, comme constaté par la chambre de recours.

66      En quatrième lieu, concernant, d’une part, les « sacs de couchage pour le camping », visés par la marque demandée, et, d’autre part, les « matelas pour lits d’enfants et berceaux » couverts par la marque de l’Union européenne antérieure et les « matelas » couverts par la marque espagnole antérieure, relevant tous de la classe 20, c’est également à juste titre que la chambre de recours a conclu, au point 34 de la décision attaquée, qu’il existait une similitude entre ces produits.

67      En effet, comme la chambre de recours l’expose aux points 35 et 36 de la décision attaquée, les sacs de couchage pour le camping sont des produits purement fonctionnels, consistant en un sac de protection chaud dans lequel une personne dort lorsqu’elle fait du camping. Ainsi que l’a constaté, à bon droit, ladite chambre, il existe également des matelas destinés au même usage, à savoir, pour dormir à l’extérieur. De tels matelas sont placés en dessous des sacs de couchage pour le camping, et ils ont, ainsi, la même utilité, visant à procurer un meilleur confort en camping. Ils peuvent être considérés comme étant complémentaires, en raison du lien étroit existant entre eux, les matelas devant être considérés comme importants pour l’usage des sacs de couchage pour le camping, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication des deux produits incombe à la même entreprise [voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2013, Sanco/OHMI – Marsalman (Représentation d’un poulet), T-249/11, EU:T:2013:238, point 22]. Dans ces circonstances, il convient de rejeter comme non fondée l’allégation de la requérante, suivant laquelle ces produits ont une finalité complètement différente (voir au point 49 ci-dessus).

68      Enfin, comme l’affirme la chambre de recours, ces produits peuvent être vendus par les mêmes canaux de distribution ou encore s’adresser au même public. À cet égard, il y a lieu de constater que les différents types de matelas, tels que les matelas gonflables, en mousse ou en d’autres matériaux plus résistants, sont des produits recherchés par les personnes qui pratiquent le camping, mais aussi par un cercle de consommateurs assez large, comprenant les amateurs de certains sports, comme la randonnée, ou des voyages d’aventure. Ces consommateurs peuvent rechercher aussi, pour accomplir ces sports ou ces voyages, des sacs de couchage. Ainsi, comme ladite chambre l’a constaté, les « sacs de couchage pour le camping », visés par la marque demandée, et les « matelas », couverts par la marque espagnole antérieure, s’adressent au même public, qui peut les acquérir dans des magasins de sports ou encore dans des magasins spécialisés pour le camping, les randonnées ou, plus généralement, des voyages d’aventure.

69      Partant, sans même qu’il soit nécessaire d’évaluer l’existence d’une similitude entre les « sacs de couchage pour le camping » visés par la marque demandée et les « matelas pour lits d’enfants et berceaux » couverts par la marque de l’Union européenne antérieure, la conclusion de la chambre de recours est fondée quant à la similitude par rapport aux « matelas » couverts par la marque espagnole antérieure. Une telle conclusion suffit comme base pour l’analyse du risque de confusion en l’espèce, dans la mesure où la chambre de recours se fonde, à cet égard, indistinctement, sur chacune des deux marques antérieures (voir points 149 et suivants ci-après). Ainsi, il suffit qu’une similitude des produits soit constatée par rapport à l’une d’entre elles.

70      À ce stade il convient encore d’apprécier, conformément à ce qui a été constaté aux points 53 à 55 ci-dessus, si c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à une identité ou à une similitude pour les autres produits visés par la marque demandée, relevant de la classe 20, différents de ceux sur lesquels portaient les arguments concrets de la requérante. À cet égard, ladite chambre a affirmé, au point 26 de la décision attaquée, que la requérante se contentait de déclarer que les articles « pour le ménage et le camping » relevant de ladite classe, visés par la marque demandée, n’étaient ni similaires ni complémentaires des « produits pour enfants » relevant de cette même classe, couverts par la marque de l’Union européenne antérieure. Elle a considéré, au point 28 de ladite décision, que la comparaison des produits relevant de cette classe, telle que réalisée par la division d’opposition, ne contenait aucune erreur.

71      En l’absence de tout argument plus concret de la part de la requérante, le Tribunal considère que l’analyse de la chambre de recours est également correcte en ce qui concerne les autres produits de la classe 20, visés au point 70 ci-dessus, pour les raisons exposées ci-après.

72      Premièrement, comme indiqué au point 29 de la décision attaquée, les « miroirs » figurent tant dans les produits visés par la marque demandée que dans les produits couverts par la marque de l’Union européenne antérieure.

73      Deuxièmement, comme indiqué au point 30 de la décision attaquée, les « meubles » visés par la demande de marque englobent les « chaises hautes, buffets, armoires », couverts par la marque de l’Union européenne antérieure, et doivent donc être considérés comme identiques.

74      Troisièmement, ainsi que la chambre de recours l’a constaté notamment aux points 32 et 36 de la décision attaquée et ainsi qu’il ressort, également, de la référence faite au point 28 de celle-ci à la décision de la division d’opposition, les produits restants relevant de la classe 20 sont identiques ou similaires, bien que la marque de l’Union européenne antérieure couvre, à certains égards, des produits désignés comme étant pour enfants. En effet, les produits restants de cette classe, « non compris dans d’autres classes », dont la matière est spécifiée et qui sont énumérées après le terme introductif « à savoir », sont soit identiques, dès lors qu’ils se recoupent partiellement ou qu’ils sont repris tels quels, soit sont très similaires aux produits couverts par les marques antérieures. Comme l’indique, à bon droit, l’EUIPO au point 26 de son mémoire en réponse, les « garde-robes, poufs, tables » sont aussi bien visés par la marque demandée que couverts par la marque de l’Union européenne antérieure. Les « tables de camping » visées par la marque demandée sont englobées dans les « tables » couvertes par la marque de l’Union européenne antérieure. De même, les « chaises de camping, chaises longues » sont englobées dans les « chaises » et les « tabourets de camping » dans les « tabourets ». Les « caisses » visées par la marque demandée contiennent les « corbeilles non métalliques » couvertes par la marque de l’Union européenne antérieure, tandis que les « armoires » incluent des « coffres à jouets (meubles) ». Enfin, les « coussins, coussins cervicaux, traversins » visés par la marque demandée se recoupent avec les « oreillers » couverts par la marque espagnole antérieure et les « boîtes » visés par la marque demandée avec les « coffres à jouets (meubles) » couverts par la marque de l’Union européenne antérieure.

–       Sur la comparaison des produits relevant de la classe 28 visés par la marque demandée et des produits couverts par les marques antérieures

75      La requérante prétend que, contrairement à ce qu’a constaté la chambre de recours (voir au point 43 ci-dessus), il n’existait aucune similitude entre les « jeux, jouets » et les « coffres à jouets », au motif que ces produits pouvaient avoir les mêmes fabricants, les mêmes canaux de distribution et les mêmes publics (en référence au point 38 de la décision attaquée). Elle avance que cette constatation n’est pas étayée et que, d’ailleurs, l’intervenante n’avait pas donné d’exemple de « coffres à jouets » vendus ou commercialisés avec les « jeux, jouets » ni d’exemple d’un producteur de « coffres à jouets » qui produirait également des « jeux, jouets ». Selon elle, les coffres à jouets constituent une pièce de mobilier général et peuvent être utilisés à diverses fins de stockages, tandis que les produits « jeux, jouets » sont utilisés pour jouer comme fin en soi. Par conséquent, ces produits seraient conceptuellement différents et appartiendraient à des familles de produits différentes. Les produits en question seraient commercialisés et distribués suivant des canaux différents et à destination d’un public différent. Le consommateur moyen ne s’attendrait pas à ce qu’ils proviennent d’une même entreprise.

76      À cet égard, il convient de rappeler tout d’abord, que, selon la jurisprudence, seule la prise en compte des conditions « objectives » de commercialisation des produits désignés par les marques en conflit se justifie [voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2006, Devinlec/OHMI – TIME ART (QUANTUM), T‑147/03, EU:T:2006:10, points 104 et 105]. En outre, il a déjà été constaté dans la jurisprudence que, dans certains cas, une approche de la chambre de recours, qui se référait, en substance, à son expérience concernant de telles conditions « objectives » de commercialisation, pouvait être considérée comme relevant de la prise en considération de faits notoires [voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2012, Volkswagen/OHMI – Suzuki Motor (SWIFT GTi), T‑63/09, non publié, EU:T:2012:137, point 81 et jurisprudence citée].

77      En l’espèce, c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté que les « jeux, jouets », pouvaient être utilisés ensemble avec les « coffres à jouets », dans la mesure où ces coffres permettaient de stocker des jeux et des jouets. De même, il peut être considéré comme notoire que certains magasins de jouets distribuent également des coffres à jouets, ou encore que certains fabricants de meubles pour enfants vendent, dans la partie dédiée auxdits meubles, dont relèvent les « coffres à jouets », également certains « jouets ». Il peut s’agir, notamment, de situations, dans lesquelles des « coffres à jouets » sont prévus pour des « jouets » spécifiques, mais également de situations, où les vendeurs mettent à profit le fait que les enfants accompagnent souvent les parents lors d’achats de meubles d’enfants et d’autres éléments aménageant les pièces d’enfants. Il ressort, par ailleurs, de certains éléments de preuve présentés par l’intervenant devant l’EUIPO que les mêmes magasins peuvent proposer tant l’aménagement des chambres pour enfants que les jouets, notamment par l’intermédiaire de vitrines mises en ligne (voir, à cet égard, à titre d’exemple, les sites Internet d’un fabricant de meubles portant sur des ventes de produits tels que des « chambres pour enfants », incluant des « coffres à jouets », et des « jeux et jouets »). Dans ces circonstances, tant le public que les canaux de distribution peuvent être considérés comme étant, à tout le moins dans certains cas, identiques. Enfin, ainsi que le soutient l’intervenante au point 40 de son mémoire en réponse, les « parcs pour bébés et parcs à jouets » relevant de la classe 20 couverts par la marque de l’Union européenne antérieure, dans lesquels les enfants joueraient et utiliseraient des jouets, sont similaires ou, à tout le moins, complémentaires aux « jeux et jouets » visés par la marque demandée, en particulier dans la mesure où ils peuvent contenir des jouets.

78      Par conséquent, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu, au point 38 de la décision attaquée, que ces produits étaient similaires. Le degré de similitude doit, cependant, être qualifié de faible.

 Sur la comparaison des signes

79      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

80      D’une façon générale, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents, à savoir les aspects visuel, phonétique et conceptuel [arrêts du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 30, et du 8 septembre 2010, Quinta do Portal/OHMI – Vallegre (PORTO ALEGRE), T‑369/09, non publié, EU:T:2010:362, point 21].

81      Par ailleurs, il convient de relever que la circonstance selon laquelle une marque est composée exclusivement de la marque antérieure à laquelle un autre mot est accolé constitue une indication de la similitude entre ces deux marques [voir arrêt du 7 mars 2013, FairWild Foundation/OHMI – Wild (FAIRWILD), T‑247/11, non publié, EU:T:2013:112, point 31 et jurisprudence citée].

82      En l’espèce, s’agissant de la comparaison des marques en conflit, la chambre de recours a considéré, aux points 39 et suivants de la décision attaquée, en substance, que, dès lors qu’elles partageaient l’élément distinctif « delta », lesdites marques présentaient un degré de similitude visuelle et phonétique moyen. De surcroît, du fait de la présence dudit élément distinctif commun à ces marques et du caractère non distinctif ou « faible » des mots « colchon », dans la marque espagnole antérieure, et « sport », dans la marque demandée, ces marques ont aussi été jugées similaires sur le plan conceptuel.

83      Selon la requérante, la chambre de recours a commis une erreur en considérant que les marques antérieures et la marque demandée étaient similaires sur les plans visuel, phonétique et conceptuel. Elle soutient d’une part, que le terme « delta », commun auxdites marques, n’avait pas de caractère distinctif et, d’autre part, que les marques antérieures avaient elles-mêmes, tout au plus, un faible caractère distinctif. 

84      L’EUIPO et l’intervenante soutiennent l’approche adoptée par la chambre de recours.

–       Sur le caractère distinctif de l’élément verbal « delta » commun aux marques en conflit

85      La chambre de recours a affirmé, au point 43 de la décision attaquée, que les marques en conflit avaient en commun l’élément verbal « delta », qui, selon le dictionnaire de la « Real Academia Espanola » (www.rae.es), a les significations suivantes en espagnol : premièrement, quatrième lettre de l’alphabet grec, qui correspond à la lettre « d », deuxièmement, symbole mathématique de la différence entre les deux valeurs proches d’une grandeur, troisièmement, terrain entre les rives d’une rivière, à l’embouchure de la rivière. Selon elle, la division d’opposition a dûment noté que le mot « delta », dans les significations susmentionnées, n’avait aucun lien avec les produits concernés et n’était donc pas descriptif, suggestif ou autrement faible pour les produits concernés. En conséquence, il s’agirait d’un élément intrinsèquement distinctif.

86      Au point 45 de la décision attaquée, la chambre de recours a réagi aux allégations de la requérante, qui avait mis en exergue, durant la procédure devant l’EUIPO, le sens du terme « delta » qui provenait des mathématiques et son utilisation dans le contexte commercial comme synonyme des concepts abstraits de « changement » ou de « différence », ce qui mènerait à son utilisation en tant que nom de sociétés commerciales. Selon elle, même s’il était perçu comme tel par le consommateur espagnol moyen, il n’avait aucun lien avec les produits en cause, des meubles et des jeux, en général. Dès lors, elle a considéré que le terme « delta », que ce soit dans sa signification mathématique, géographique ou linguistique, ne serait pas descriptif, suggestif ou faible, par rapport aux produits en cause.

87      Selon la requérante, la chambre de recours a surévalué le degré de caractère distinctif du terme « delta », commun aux marques en conflit. Elle indique que, tandis que ladite chambre a confirmé, au point 43 de la décision attaquée, son argument concernant le sens figuré du terme « delta », celle-ci s’est trompée en considérant, au point 45 de la même décision, qu’il n’avait aucun rapport avec les biens en question et qu’il n’était donc pas descriptif, allusif ou faible pour les produits en question.

88      L’affirmation de la chambre de recours selon laquelle le terme « delta » n’est pas descriptif des produits visés, ignorerait l’usage figuré croissant de ce terme dans le monde économique. Par analogie à sa signification mathématique de « différence », comme indiqué au point 43 de la décision attaquée, ledit terme serait utilisé par des entreprises désirant se présenter elles-mêmes ou présenter leurs produits comme différents ou avantageux. La requérante avance avoir démontré, durant la procédure devant l’EUIPO, que le terme en question était largement utilisé par des entreprises, notamment en Europe, par exemple en Allemagne, en Espagne, en France, au Portugal, au Royaume-Uni, mais également au niveau international, aux États-Unis d’Amérique et au Mexique. Elle renvoie, devant le Tribunal, aux exemples données durant la procédure devant l’EUIPO et elle reprend ceux-ci dans la requête.

89      Selon la requérante, cet usage commercial intensif, en tant que « signe », du terme « delta », comme synonyme pour différence, souligne la compréhension presque générique du signe en cause et empêche de le décrire comme un élément intrinsèquement distinctif. Au contraire, le caractère distinctif de ce terme figurant dans la marque demandée et dans les marques antérieures serait « sensiblement inférieur à la normale ».

90      L’EUIPO et l’intervenante soutiennent l’approche adoptée par la chambre de recours.

91      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, dans le cadre de l’examen de l’existence d’un risque de confusion, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, points 41 et 42 et jurisprudence citée ; arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, points 42 et 43).

92      Afin d’apprécier le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’examiner l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération, notamment, les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits pour lesquels la marque a été enregistrée [voir arrêt du 24 mai 2012, Grupo Osborne/OHMI – Industria Licorera Quezalteca (TORO XL), T‑169/10, non publié, EU:T:2012:261, point 24 et jurisprudence citée].

93      À cet égard, le caractère distinctif d’un élément est affecté s’il se trouve déjà communément utilisé, en tant que tel, pour le type de produits concerné. En effet, un tel élément perd, dans ce cas, son aptitude à permettre au consommateur de distinguer, de façon immédiate et certaine, les produits désignés par une marque, en tant qu’elle comporte cet élément, par rapport aux produits des autres entreprises [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 9 octobre 2002, Dart Industries/OHMI (UltraPlus), T‑360/00, EU:T:2002:244, point 48].

94      En outre, selon la jurisprudence, en règle générale, le public ne considère pas un élément descriptif ou faiblement distinctif faisant partie d’une marque complexe comme l’élément distinctif et dominant dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci [voir arrêt du 5 avril 2006, Madaus/OHMI – Optima Healthcare (ECHINAID), T‑202/04, EU:T:2006:106, point 54 et jurisprudence citée ; arrêt du 28 octobre 2009, CureVac/OHMI – Qiagen (RNAiFect), T‑80/08, EU:T:2009:416, point 49].

95      En l’espèce, s’agissant des preuves produites par la requérante pour démontrer le caractère peu distinctif, voire même « presque générique », du terme « delta » à l’égard des produits en cause, il y a lieu de procéder aux observations suivantes.

96      Premièrement, ainsi que l’a constaté, à bon droit, la chambre de recours aux points 44 et 45 de la décision attaquée, les éléments de preuve apportés par la requérante concernent des cas, dans lesquels le terme « delta » a été choisi en tant que nom de société par de multiples entreprises, sans qu’il ne soit, cependant, clarifié que celles-ci étaient actives dans le secteur auquel appartiennent les produits en cause en l’espèce. Or, dans de telles circonstances, il n’est pas possible de conclure au caractère faiblement distinctif dudit terme pour ces produits, indépendamment même de savoir si une utilisation en tant que nom commercial peut être assimilée, aux fins de démontrer le faible caractère distinctif d’un terme concret, à une utilisation en tant que marque, sur le marché pertinent. En outre, il ne saurait être exclu que les entreprises en question utilisent ce terme en tant que nom commercial ou dénomination sociale précisément pour se faire remarquer des clients et pour rester ancrées dans la mémoire de ceux-ci, c’est-à-dire, à des fins distinctives.

97      Deuxièmement, il ressort de la liste des entreprises en cause, auxquelles la requérante s’était référée devant l’EUIPO et qu’elle reprend dans la requête devant le Tribunal, que celles-ci étaient, pour la majorité, actives en Allemagne (ce qui ressort tant de la terminaison « .de » des sites Internet auxquels se réfère la requérante, que de sa propre constatation introductive). Quelques-unes étaient actives en France, au Portugal, au Royaume-Uni, aux États-Unis, ou encore au Mexique, et deux « à l’international ». Enfin, à la lecture de l’annexe n° 3 du mémoire exposant les motifs du recours devant la chambre de recours, daté du 6 novembre 2017, et du point 40 de la requête, il est possible de constater qu’uniquement six des entreprises, dont le nom commercial comporte le terme « delta », citées par la requérante, étaient désignées par la requérante comme étant actives en Espagne. Or, dans ces circonstances, et en l’absence de toutes données permettant d’évaluer si ces noms commerciaux étaient connus par une partie suffisamment importante du public pertinent en Espagne, il ne saurait en être tiré une conséquence suivant laquelle ledit terme était peu distinctif, voire même « presque générique », par rapport aux produits en cause pour le public hispanophone.

98      Troisièmement, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que des preuves provenant de sites Internet ne faisant aucune référence aux dates et aux lieux où les produits ont été commercialisés et utilisés ne permettent pas de démontrer la manière dont le public pertinent perçoit la marque apposée sur ces produits [voir, en ce sens, arrêt du 16 mars 2016, The Body Shop International/OHMI – Spa Monopole (SPA WISDOM), T‑201/14, non publié, EU:T:2016:148, point 34 et jurisprudence citée]. Ce même principe est applicable, a fortiori, lorsqu’il s’agit uniquement de référence aux sites Internet d’entreprises dont le nom commercial contient le terme « delta ». À cet égard, outre le fait qu’il ne ressort pas des pages Internet en cause si des produits visés par la marque demandée, relevant des classes 20 et 28, qui font l’objet de la présente procédure, ont été effectivement vendus, notamment en Espagne, ces preuves ne montrent pas non plus que ledit terme a été utilisé pour la raison invoquée par la requérante, à savoir, pour renvoyer aux « changements » ou aux « différences ».

99      Partant, la requérante n’a pas démontré que l’élément « delta » est dépourvu de caractère distinctif, voire même « presque générique », en raison de l’association, dans l’esprit du public pertinent, de ce terme avec les produits concernés.

100    De manière plus générale, même en admettant qu’une des perceptions possibles du terme « delta » soit le symbole mathématique de la différence entre les deux valeurs proches d’une grandeur, il n’est pas établi que ledit terme est compris par une partie suffisamment importante du public pertinent comme une allusion à quelque chose de différent ou avantageux, de sorte que cet élément revêt un caractère laudatif. En effet, le dossier ne contient aucun élément permettant d’établir qu’une partie significative du public pertinent, et plus particulièrement encore du public en Espagne, comprenne ce sens allusif, relevant d’une interprétation du langage mathématique (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 23 octobre 2002, MATRATZEN, T‑6/01, EU:T:2002:261, point 38). Ainsi, pour une partie substantielle du public pertinent, le terme « delta » garde un caractère distinctif normal.

101    Il convient de conclure que c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que le terme « delta » n’était ni descriptif, ni suggestif, ni « faible », en ce qui concerne les produits en cause.

–       Sur le caractère distinctif de l’élément verbal « colchon » dans la marque espagnole antérieure

102    La chambre de recours a affirmé, au point 46 de la décision attaquée, que l’élément verbal « colchon » de la marque espagnole antérieure était le mot espagnol « colchón », mal orthographié, qui signifie, selon le dictionnaire de la « Real Academia Espanola » (www.rae.es) un « morceau rectangulaire d’un matériau souple ou élastique qui est placé sur le cadre du lit ou sur un autre support, pour y être posé », autrement dit, selon elle, un « matelas ». Elle a conclu que, étant donné que la marque espagnole antérieure était enregistrée pour des « matelas et oreillers », l’élément « colchon » devait être considéré comme un élément non distinctif pour les « matelas » et comme présentant un caractère distinctif inférieur à la moyenne en ce qui concerne les « oreillers », en raison du lien existant avec la destination générale de ces produits, à savoir des éléments permettant de faire ou de décorer un lit.

103    À cet égard, la requérante se limite à soutenir, devant le Tribunal, que dans la marque espagnole antérieure, le public prête davantage attention au terme « colchon » en raison du fait qu’il se situe au début de cette marque, « indépendamment du fait de savoir s’il s’agit du mot espagnol [désignant les] “matelas” ».

104    Ainsi, la requérante ne critique pas l’analyse de la chambre de recours, résumée au point 102 ci-dessus, en ce qui concerne l’absence de caractère distinctif du terme « colchon » pour les « matelas » et le caractère distinctif inférieur à la moyenne en ce qui concerne les « oreillers ». Dans ces circonstances, il convient de se baser sur cette analyse de ladite chambre, au demeurant fondée en raison des références concrètes au dictionnaire de la « Real Academia Espanola ».

–       Sur le caractère distinctif de l’élément verbal « sport » dans la marque demandée

105    La chambre de recours a affirmé, au point 49 de la décision attaquée, que l’élément verbal « sport » de la marque demandée était un mot anglais qui serait associé par le public pertinent au sport. Compte tenu du fait que les produits en cause incluaient, notamment, les jeux et les jouets, relevant de la classe 28, cet élément était, selon elle, faible pour ces produits.

106    La requérante avance que le « terme “sport” n’est pas non distinctif ».

107    À cet égard, l’affirmation de la chambre de recours, résumée au point 105 ci-dessus, doit être comprise comme visant uniquement les produits « jeux et jouets », spécifiquement mentionnés. Ainsi, il n’en ressort pas que ladite chambre a estimé que l’élément verbal « sport » présenterait un faible caractère distinctif ou serait dépourvu de caractère distinctif par rapport à l’ensemble des produits en cause autres que les « jeux et jouets ».

–        Sur le caractère distinctif relatif des éléments composant chacune des marques en conflit et sur le caractère distinctif global des marques antérieures

108    Au point 47 de la décision attaquée, la chambre de recours a affirmé que le caractère distinctif global de la marque espagnole antérieure, composée de l’élément distinctif « delta » et de l’élément « faible » « colchon », devait être considéré comme normal. Puisqu’il s’agissait d’une marque verbale, aucun élément ne pouvait être considéré comme étant nettement plus dominant que l’autre.

109    Au point 48 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que la marque de l’Union européenne antérieure était composée d’un élément verbal distinctif et d’un élément figuratif moins distinctif, à savoir d’un cœur, utilisé comme élément décoratif de la lettre initiale « D ». En outre, l’élément verbal « delta » devait, selon elle, être considéré comme dominant. À cet égard, elle se réfère à la jurisprudence selon laquelle les éléments verbaux, dans le cas d’une marque composée tant d’éléments verbaux que d’éléments figuratifs, devaient être considérés comme étant plus distinctifs que les éléments figuratifs, voire comme dominants, dès lors que le public pertinent garderait en mémoire les éléments verbaux pour identifier la marque concernée, les éléments figuratifs étant plutôt perçus comme des éléments décoratifs [arrêt du 6 décembre 2013, Premiere Polish/OHMI – Donau Kanol (ECOFORCE), T‑361/12, non publié, EU:T:2013:630, point 32].

110    La requérante soutient, en substance, que la marque de l’Union européenne antérieure contient un cœur proéminent dans la lettre « D », lequel constituerait un élément attirant l’attention et serait distinctif et dominant en ce qu’il créerait immédiatement une impression émotionnelle auprès du public. Cet effet émotionnel serait encore renforcé par le fait que ladite marque antérieure est écrite en noir, en lettres majuscules et minuscules et dans une police de caractère plutôt arrondie. S’agissant de la marque espagnole antérieure, la requérante souligne que ladite marque antérieure commence par le terme « colchon », auquel le public accorderait ainsi plus d’attention, indépendamment du fait qu’il s’agit du mot espagnol désignant les « matelas »

111    Selon la requérante, les marques antérieures ont, tout au plus, un caractère distinctif faible. Elle soutient que, pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait, l’autorité compétente doit apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à identifier le produit concerné comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (arrêt du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, points 49 et suivants).

112    En l’espèce, selon la requérante, il résulte de l’absence totale d’informations sur l’usage des marques antérieures, sur leur importance éventuelle, sur des indices en faveur d’un caractère distinctif éventuellement accru, sur le degré de notoriété sur le marché et sur d’autres informations analogues, qu’il convenait de partir du principe d’un caractère distinctif « encore tout juste suffisant, donc plutôt faible ».

113    L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

114    En premier lieu, s’agissant de la question de savoir quel était le degré de caractère distinctif relatif des divers éléments des marques en conflit, il convient de constater, premièrement, concernant la marque espagnole antérieure, que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, en substance, au point 47 de la décision attaquée, qu’aucun de ses deux éléments verbaux ne pouvait être considéré comme étant dominant. À cet égard, nonobstant le fait que, pour les consommateurs hispanophones, le terme « colchon » était soit dépourvu de caractère distinctif, pour les « matelas », soit présentait un caractère distinctif seulement faible, pour les « oreillers », il ne saurait être jugé ni négligeable ni accessoire dans l’impression d’ensemble de ladite marque, en raison de sa position au début de celle-ci et de sa longueur. En revanche, les consommateurs pertinents percevraient également le terme « delta » de cette marque, celui-ci présentant un caractère distinctif moyen, et le retiendraient en mémoire.

115    Deuxièmement, s’agissant de la marque de l’Union européenne antérieure, il y a lieu de souligner que le terme « delta » est présenté en caractère gras, noirs et stylisés, et qu’en raison de sa taille, il est dominant dans ladite marque. Contrairement à ce que soutient la requérante, l’élément graphique consistant en une représentation d’un cœur, penché vers la gauche, à l’intérieur de la lettre initiale « D », est, comme l’a affirmé la chambre de recours au point 48 de la décision attaquée, d’ordre décoratif et, en raison de sa petite taille ainsi que du caractère très commun d’une telle représentation, négligeable. En outre, les allégations de la requérante, tirées du fait qu’il s’agirait d’un élément créant une impression émotionnelle chez le public, sont exagérées par rapport à la taille minime de cet élément graphique et son absence d’originalité, voire même de tout caractère frappant dans sa représentation.

116    Troisièmement, en ce qui concerne la marque demandée, comme la chambre de recours l’a constaté au point 42 de la décision attaquée, elle est composée de l’élément verbal « delta », écrit en lettres majuscules bleues, légèrement inclinées et de l’élément verbal « sport » écrit en lettres majuscules vertes, légèrement inclinées. Entre ces mots se trouve un carré divisé en deux parties verticales par une fine ligne blanche. La moitié droite est de couleur bleu clair au sommet et bleu foncé dans sa partie inférieure, tandis que la moitié gauche est de couleur vert clair au sommet et vert foncé dans sa partie inférieure.

117    S’agissant de l’élément figuratif de la marque demandée, il importe de relever, tout d’abord, qu’un signe d’une simplicité excessive et constitué d’une figure géométrique de base, telle qu’un cercle, une ligne, un rectangle, ou un pentagone conventionnel, n’est pas susceptible, en tant que tel, de transmettre un message dont les consommateurs peuvent se souvenir, de sorte que ces derniers ne le considéreront pas comme une marque, à moins qu’il ait acquis un caractère distinctif par l’usage [voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, EU:C:2005:547, points 72 et 74, et arrêt du 3 décembre 2015, Omega International/OHMI (Représentation d’un cercle et d’un rectangle blancs dans un rectangle noir), T-695/14, non publié, EU:T:2015:928, point 18]. Cette jurisprudence est applicable, par analogie, lors de l’appréciation d’un élément graphique d’une marque complexe, quant à son caractère distinctif.

118    Ensuite, en l’espèce, l’élément graphique en cause, en forme de losange, ne présente pas de détails ou d’anomalie facilement mémorisables, mais consiste en une représentation conventionnelle d’un losange, bien qu’en différentes couleurs. Ainsi, il pourrait être perçu comme un élément purement décoratif qui ne serait pas mémorisé.

119    La requérante fait valoir que l’élément graphique en cause crée un effet tridimensionnel. Toutefois, une telle allégation ne saurait infirmer le fait que cet élément n’est doté, ni par sa forme, ni par sa couleur, d’une complexité particulière et qu’il n’est donc pas, en tant que tel, susceptible de revêtir un caractère distinctif élevé.

120    Enfin, s’agissant des éléments verbaux composant la marque demandée, il convient de tenir compte, d’une part, du fait que l’élément « delta » a un caractère distinctif moyen, alors même que le terme « sport » est faiblement distinctif pour certains des produits en cause et, tout au plus, moyennement distinctif pour les autres (voir aux points 105 à 107 ci-dessus). D’autre part, le terme « delta », présenté en des caractères de police facilement lisibles, est placé au début de cette marque, c’est-à-dire dans la partie de celle-ci à laquelle le consommateur prête généralement une plus grande attention [voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2009, Offshore Legends/OHMI – Acteon (OFFSHORE LEGENDS en noir et blanc et OFFSHORE LEGENDS en bleu, noir et vert), T‑305/07 et T‑306/07, non publié, EU:T:2009:335, point 92].

121    En second lieu, s’agissant du caractère distinctif global des marques antérieures, il convient de constater que l’argumentation de la requérante visant les marques antérieures dans l’ensemble porte uniquement sur un caractère distinctif acquis par l’usage, qui n’est pas en cause en l’espèce. À cet égard, la jurisprudence distingue le caractère distinctif acquis par usage, c’est-à-dire, lié à la connaissance d’une marque par le public, du caractère distinctif inhérent d’une marque (arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 24 ; du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 18, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 20).

122    En l’espèce, les marques antérieures doivent être considérées comme ayant un caractère distinctif intrinsèque normal. En effet, s’agissant de la marque de l’Union européenne antérieure, il a déjà été constaté que le terme « delta » n’était ni descriptif, ni suggestif, ni « faible », en ce qui concerne les produits en cause (voir point 101 ci-dessus). Partant, dans la mesure où ladite marque antérieure était composée uniquement de ce terme et d’une image d’un cœur, rien ne permet de constater qu’elle aurait un caractère distinctif en dessous de la moyenne.

123    S’agissant de la marque espagnole antérieure, composée des termes « colchon » et « delta », c’est également à juste titre que la chambre de recours a constaté, au point 47 de la décision attaquée, que son caractère distinctif global devait être jugé comme « normal », nonobstant le fait que le terme « colchon » puisse présenter un caractère distinctif inférieur à la moyenne, s’agissant des « oreillers », et qu’il puisse être considéré comme non distinctif pour les « matelas ». En effet, l’appréciation globale du caractère distinctif intrinsèque de cette marque doit, également, tenir compte de l’élément « delta » qui en fait partie.

–       Sur la similitude visuelle

124    Ainsi qu’il ressort des points 50 et suivants de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, en substance, d’une part, s’agissant de la comparaison de la marque demandée et de la marque espagnole antérieure, que le consommateur ciblé reconnaîtrait immédiatement dans les deux marques l’élément verbal « delta ». D’autre part, elle a indiqué que ce même élément verbal figurant dans la marque de l’Union européenne antérieure était reproduit dans la marque demandée, où il se distinguerait clairement dans l’impression d’ensemble, notamment en raison de la différence de couleurs par rapport au terme « sport » de cette même marque. Dans les deux cas de comparaison, il y aurait, ainsi, un degré moyen de similitude visuelle.

125    La requérante soutient que les différences entre les marques en conflit étaient suffisantes pour produire une impression générale différente auprès d’un consommateur moyen. En ce qui concerne la marque demandée, elle fait observer premièrement que celle-ci était formée de deux éléments verbaux entourant un « losange » d’une manière équilibrée. Deuxièmement, ladite marque se terminerait avec le mot « sport », lequel ne serait pas descriptif pour les produits en question. Troisièmement, cette marque était écrite en gras et en majuscules. Quatrièmement, la même marque se composerait de deux couleurs, à savoir le bleu et le vert, la moitié supérieure du « losange » au milieu étant en bleu et vert clair et la moitié inférieure en bleu et vert foncé, ce qui créerait une impression de tridimensionnalité. Selon la requérante, au regard des caractéristiques précitées, il y aurait un équilibre entre les deux éléments verbaux et l’élément figuratif, sans qu’aucun élément ne soit clairement dominant ou, au contraire, clairement non distinctif.

126    En ce qui concerne la marque de l’Union européenne antérieure, la requérante estime que, en revanche, c’est l’élément consistant dans la représentation du cœur qui est « proéminent ». S’agissant de la marque espagnole antérieure, elle souligne l’importance primordiale de l’élément « colchon », en raison de son emplacement au début de la marque.

127    Enfin, la requérante avance que le terme « sport » de la marque demandée est différent du terme « colchon » de la marque espagnole antérieure, ce qui doit être pris en considération dans l’appréciation globale. À cet égard, la chambre de recours aurait affirmé « de manière surprenante », au point 60 de la décision attaquée, qu’il ne serait pas justifié d’invoquer un risque de confusion lorsque les signes n’ont en commun que des éléments non distinctifs. Cela n’est clairement pas le cas ici, selon la requérante.

128    Par conséquent, les éléments mentionnés aux points 125 à 127 ci-dessus empêcheraient d’établir une similitude visuelle entre les marques en conflit. En tout état de cause, la requérante estime que, même si cette similitude visuelle n’était pas complètement écartée, ladite similitude serait d’un degré sensiblement plus faible que celui établi par la chambre de recours.

129    L’EUIPO et l’intervenante soutiennent l’approche adoptée par la chambre de recours.

130    Aucun des arguments de la requérante ne permet d’invalider l’appréciation de la chambre de recours portant sur l’existence d’un degré moyen de similitude entre les marques en conflit.

131    En effet, s’agissant de la marque antérieure espagnole, dans la mesure où il a été constaté que le caractère distinctif du terme « colchon » était absent ou faible, les consommateurs porteraient effectivement leur attention, également, sur le terme « delta » de cette marque, nonobstant le fait qu’il soit situé en seconde place. Dans ces circonstances, ils percevraient la similitude avec le premier terme de la marque demandée, « delta », alors même que les deux autres éléments de cette marque ne seraient pas négligeables dans l’appréciation d’ensemble (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 septembre 2009, OFFSHORE LEGENDS en noir et blanc et OFFSHORE LEGENDS en bleu, noir et vert, T‑305/07 et T‑306/07, non publié, EU:T:2009:335, points 81 à 83).

132    S’agissant de la comparaison avec la marque de l’Union européenne antérieure, le fait que le terme « delta » figure au début de la marque demandée, de surcroît avec une police de caractères clairement lisible, comme dans ladite marque antérieure, crée une similitude visuelle de degré moyen, qui ne saurait être amoindri ou écarté ni en raison de la présence de la petite représentation d’un cœur dans cette marque antérieure ou du losange et du terme « sport » dans la marque demandée, ni en raison des couleurs utilisées dans cette dernière marque.

–       Sur la similitude phonétique

133    La chambre de recours a constaté, au point 57 de la décision attaquée, que les signes comparés étant identiques en ce qui concerne le terme « delta » et différenciées par le terme « sport » présent dans la marque demandée et par le mot « colchon » présent dans la marque espagnole antérieure, la division d’opposition était fondée à conclure à l’existence d’un degré moyen de similitude phonétique entre eux.

134    Selon la requérante, la comparaison phonétique des marques en conflit révèle également des différences substantielles. Bien qu’elles concordent en ce qui concerne la prononciation du terme « delta », le terme supplémentaire « sport » serait phonétiquement différent du terme « colchon » et créerait une différence phonétique substantielle par rapport au terme « delta » de la marque de l’Union européenne antérieure. De plus, le fait que le terme « delta » n’apparaisse pas dans le même ordre dans les signes en cause créerait une différence phonétique additionnelle.

135    L’EUIPO et l’intervenante soutiennent l’approche adoptée par la chambre de recours.

136    Il convient de constater que la similitude phonétique entre la marque demandée et la marque de l’Union européenne antérieure doit être considérée comme étant de degré moyen, ainsi qu’a conclu la chambre de recours, en raison de la présence du même terme « delta » prononcé en leurs débuts respectifs. En revanche, contrairement à ce qui a été retenu dans la décision attaquée par la chambre de recours, la similitude phonétique entre la marque demandée et la marque espagnole antérieure ne saurait être qualifiée que de faible, en raison de la présence des termes « sport » dans l’une et « colchon » dans l’autre, qui seraient prononcés et fonderaient une certaine différenciation additionnelle, à l’instar de ce que soutient la requérante.

–       Sur la similitude conceptuelle

137    Aux points 58 à 61 de la décision attaquée, la chambre de recours constate, en substance, que, la seule différence conceptuelle créée par les éléments « colchon » et « sport » ne peut neutraliser la similitude conceptuelle résultant de la présence de l’élément distinctif « delta » commun aux marques en conflit. Selon elle, puisque lesdites marques renvoient à un mot « delta », avec les trois significations alternatives résumées au point 85 ci-dessus, elles sont similaires sur le plan conceptuel.

138    Selon la requérante, l’appréciation conceptuelle des signes en cause révèle une signification différente de la marque demandée par rapport à celle des marques antérieures. Alors même que la marque demandée indiquerait qu’elle concernait « des produits et des services liés au domaine du sport et de l’art de vivre », la marque espagnole antérieure renverrait à des articles pour chambre, en raison du terme « colchon », et la marque de l’Union européenne antérieure à des produits associés à l’amour et à l’harmonie, en raison de la forme du cœur, ou encore de la police de caractères aux formes arrondies. En outre, même l’argument selon lequel la différence conceptuelle entre les mots « sport » et « colchon » ne pourrait neutraliser la similitude conceptuelle résultant de la présence de l’élément commun « delta » serait erroné. En effet, le mot « sport » ne serait pas non-distinctif, de sorte que la différence entre « sport » et « colchon » devrait être prise en compte dans l’appréciation globale.

139    L’EUIPO et l’intervenante soutiennent l’approche adoptée par la chambre de recours.

140    À cet égard, le simple fait que les marques en conflit contiennent un terme identique, « delta », dont le public percevrait la signification et ce sans lien par rapport aux produits visés (voir au point 85 ci-dessus), permet déjà de conclure à une similitude au niveau conceptuel. Contrairement aux allégations de la requérante, l’ajout du terme « sport » dans la marque demandée ne saurait modifier cette conclusion, voire neutraliser cette similitude, dès lors qu’il s’agit d’un terme habituellement utilisé pour cibler le domaine d’usage de certains produits, mais qui ne contient pas un sens sémantique tellement fort qu’il mènerait à rendre la perception du mot « delta » négligeable sur ce plan, de sorte que le public pertinent ne le mémorise plus. De surcroît, en ce qui concerne la référence au concept ressortant de la représentation du cœur dans la marque de l’Union européenne antérieure, il a déjà été constaté au point 115 ci-dessus que cet élément était négligeable dans l’impression d’ensemble et que les allégations de la requérante à son égard étaient exagérées.

141    S’agissant de la marque espagnole antérieure, il convient de constater, dans un sens similaire, que l’ajout du terme « colchon », descriptif par rapport à certains des produits couverts par ladite marque, les « matelas », et présentant un lien par rapport aux autres, les « oreillers », ne modifie en rien l’appréciation de chambre de recours pour un public hispanophone, dans la mesure où une telle référence ne saurait neutraliser le concept commun aux marques ni diminuer sa pertinence.

142    Dans ces circonstances, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu à une similitude sur le plan conceptuel, qui doit être qualifiée de moyenne.

 Sur le risque de confusion

143    Compte tenu de la similitude entre les marques en conflit, prises dans leur globalité, ainsi que de l’identité ou de la similitude, de divers degrés, entre les produits couverts par celles-ci, du caractère distinctif normal des marques antérieures et du public général faisant preuve d’un niveau d’attention moyen, auquel étaient destinés les produits en cause, la chambre de recours a conclu, aux points 62 et suivants de la décision attaquée, à l’existence d’un risque de confusion, englobant l’association dans l’esprit du public pertinent.

144    Plus particulièrement, au point 69 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que le critère pertinent pour déterminer l’existence d’un risque de confusion était a minima l’existence d’un risque que les consommateurs pertinents puissent confondre les marques, en particulier lorsque la comparaison ne portait pas directement sur les signes en question, mais plutôt sur l’image non parfaite qu’ils gardaient en mémoire des signes en question. Selon elle, les marques en conflit sont susceptibles d’être associées dans l’esprit des consommateurs, car, en raison de l’élément verbal commun « delta », les consommateurs pourront percevoir la marque demandée comme une variante des marques antérieures et, par conséquent, comme une marque provenant de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement.

145    Selon la requérante, la chambre de recours a correctement affirmé que l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public devait être appréciée globalement en prenant en considération tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cependant, ladite chambre serait arrivée à des conclusions erronées et aurait mal apprécié le risque de confusion. Compte tenu de l’interdépendance des facteurs pertinents, cette chambre aurait incorrectement apprécié, premièrement, l’absence, ou tout au plus le faible degré, de similitude entre les produits en cause, deuxièmement, l’absence de similitude entre les signes en cause et, troisièmement, le faible degré de caractère distinctif des marques antérieures de l’intervenante.

146    En outre, selon la requérante, aucun de ces facteurs ne pourrait être « compensé par un degré élevé d’un autre facteur ». Au contraire, même si certains des produits en cause devaient être considérés comme similaires, les différences visuelles, phonétiques et conceptuelles entre les marques en conflit pèseraient nettement plus lourd que ne l’a estimé la chambre de recours et suffiraient pour créer une impression globale différente.

147    L’EUIPO et l’intervenante soutiennent l’approche adoptée par la chambre de recours.

148    À cet égard, et au regard de la jurisprudence rappelée aux points 29 à 31 ci-dessus, il convient de rejeter les allégations de la requérante portant sur l’erreur de la chambre de recours dans l’appréciation du risque de confusion, englobant l’association dans l’esprit du public pertinent, comme étant non fondées.

149    En effet, premièrement, comme cela a été constaté aux points 39 à 78 ci-dessus, c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que les produits en cause étaient, pour certains, identiques, et, pour d’autres similaires à divers degrés.

150    Deuxièmement, il a été constaté que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur dans l’évaluation du caractère distinctif des diverses composantes des marques en conflit (voir points 85 à 107 ci-dessus), de leurs caractères distinctifs réciproques dans lesdites marques, ni quant au caractère distinctif des marques antérieures, prises dans leur globalité (voir points 108 à 123 ci-dessus).

151    Troisièmement, à part l’erreur portant sur l’appréciation de la similitude moyenne sur le plan phonétique entre la marque demandée et la marque espagnole antérieure (voir au point 136 ci-dessus), c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté l’existence de similitudes sur les autres plans, à savoir, visuel et conceptuel, par rapport à cette marque, ainsi que les similitudes d’un degré moyen, sur tous les trois plans, par rapport à la marque de l’Union européenne antérieure (voir aux points 124 à 136 ci-dessus). Dans ces circonstances, l’erreur portant sur le degré de similitude phonétique de la marque demandée avec la marque espagnole antérieure ne saurait avoir de conséquences sur l’appréciation d’ensemble du risque de confusion, incluant celui d’association, tenant compte, en particulier, des similitudes visuelles entre la marque demandée et la marque espagnole antérieure, ainsi que d’autres facteurs à prendre en considération, tels que la similitude des produits en cause.

152    Enfin, tenant compte du public pertinent et de son degré d’attention (voir aux points 35 à 38 ci-dessus), il convient de conclure que la chambre de recours a pu estimer à bon droit qu’un tel public pourrait percevoir la marque demandée comme une variante des marques antérieures et, par conséquent, comme une marque provenant des mêmes entreprises ou d’entreprises liées économiquement.

153    Partant, il convient de rejeter le moyen unique de la requérante, ainsi que le recours dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité des éléments de preuve que l’intervenante joint en tant qu’annexes A 4 à A 7 de son mémoire en réponse, qui portent sur des exemples concrets de la manière de commercialiser certains des produits en cause.

 Sur les dépens

154    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

155    En ce qui concerne les conclusions de l’intervenante ayant trait aux dépens exposés dans la procédure devant l’EUIPO, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, seuls les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. À cet égard, il suffit de constater que ceux-ci restent régis par la décision attaquée [voir arrêt du 3 avril 2019, NSC Holding/EUIPO – Ibercondor (CONDOR SERVICE, NSC), T‑468/18, non publié, EU:T:2019:214, point 91 et jurisprudence citée].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.



2)      Delta-Sport Handelskontor GmbH est condamnée aux dépens de l’EUIPO et de Delta Enterprise Corp. afférents à la présente procédure.

Marcoulli

Schwarcz

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 février 2020.

Signatures



*      Langue de procédure : l’anglais.