Language of document : ECLI:EU:T:2020:81

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

5 mars 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale DECOPAC – Usage sérieux de la marque – Article 51, paragraphe 1, sous a)  et paragraphe 2, du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001] – Preuves – Article 75, seconde phrase, du règlement no 207/2009 (devenu article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001) – Droit d’être entendu »

Dans l’affaire T‑80/19,

Dekoback GmbH, établie à Helmstadt-Bargen (Allemagne), représentée par Me V. von Moers, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. P. Sipos, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

DecoPac, Inc., établie à Anoka, Minnesota (États-Unis),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 26 novembre 2018 (affaire R 1795/2017-5), relative à une procédure de déchéance entre Dekoback et DecoPac,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de MM. A. Kornezov, président, E. Buttigieg et G. Hesse (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 12 février 2019,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 25 juin 2019,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er avril 1996, DecoPac, Inc. a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal DECOPAC.

3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29, 30 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante 

–        Classe 29 : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles » ;

–        Classe 30 : « Décorations comestibles et non comestibles pour gâteaux et pâtisseries » ;

–        Classe 35 : « Services de marchandisage et de consultation en la matière pour boulangeries ».

4        Le 24 novembre 1997, la demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 29/1997. Le 16 juin 1998, le signe DECOPAC a été enregistré en tant que marque de l’Union européenne, sous le numéro 000160747.

5        Le 27 octobre 2015, la requérante, Dekoback GmbH, a présenté une demande de déchéance de cette marque en vertu de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001] auprès de l’EUIPO. Dans cette demande, la requérante soutenait que la marque contestée n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pendant une période ininterrompue de cinq ans pour tous les produits et services pour lesquels elle avait été enregistrée.

6        Le 9 mai 2016, DecoPac a présenté des observations et apporté des preuves visant à attester de l’usage sérieux de la marque contestée. Comme l’a indiqué, en substance, la chambre de recours dans la décision attaquée, les éléments de preuve produits se composaient des documents suivants :

–        une déclaration sous serment du directeur général de DecoPac, confirmant que DecoPac est propriétaire de la société G T Culpitt & Son (Holding Ltd.), dont la société Culpitt Ltd., établie au Royaume-Uni, est une filiale à 100 %. Cette dernière est autorisée à importer et à distribuer des produits de la marque contestée (pièce 1) ;

–        des factures émises par Culpitt entre le 24 janvier 2011 et le 16 avril 2015, mentionnant des produits livrés à des clients en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en Bulgarie, à Chypre, au Danemark, en Espagne, en Estonie, en Finlande, en France, en Grèce, en Hongrie, en Irlande, en Islande, en Italie, à Malte, aux Pays-Bas, au Portugal, en République tchèque, en Roumanie, au Royaume-Uni, en Slovaquie, en Slovénie et en Suède (pièces 2 à 5) ;

–        des photographies datées du 14 janvier 2016 et du 9 février 2016 ou non datées montrant le signe verbal DECOPAC être utilisé sur des emballages et des étiquettes, par exemple pour les produits suivants : « Decoset – little pirates », « DecoPics – sunglasses », « DecoSet – queen crown & scepter », « DecoSet – fisher with action fish », « DecoSet – soccer-kick off-boys », « DecoPics – witch and skeleton » et « rings-bunny & tails » (pièce 6) ;

–        des extraits de catalogues suivants : catalogue Culpitt 2013-2014, catalogue Culpitt 2014 « Halloween and Christmas », catalogue Culpitt 2014-2015 et catalogue Culpitt 2015 « Halloween and Christmas » et catalogue Culpitt 2016 « Party and Spring ». Parmi tous ces catalogues, la référence à DecoPac figure dans les notes de bas de page, où il est indiqué que DecoPic, DecoPlac et DecoSet, les marques qui apparaissent sur des produits tels que ceux figurant dans ces catalogues, sont des marques de DecoPac (pièces 7 à 11).

7        Par décision du 14 juin 2017, la division d’annulation a déclaré DecoPac déchue de l’intégralité de ses droits pour défaut d’usage sérieux, avec effet au 27 octobre 2015.

8        Le 14 août 2017, DecoPac a formé un recours devant la chambre de recours de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’annulation.

9        Le 16 octobre 2017, DecoPac a produit, notamment, les éléments de preuve suivants :

–        78 factures, à l’en-tête DECOPAC, émises par DecoPac, destinées à Culpitt (pièce 13) ;

–        2 factures, à l’en-tête DECOPAC, envoyées par DecoPac à la requérante (pièce 14)

–        11 factures, à l’en-tête DECOPAC, envoyées par DecoPac à des clients en Grèce (pièce 15)

–        34 factures, à l’en-tête DECOPAC, transmises par DecoPac à des clients au Royaume-Uni (pièce 16) ;

–        des captures d’écran du site Internet de DecoPac datant de 2011 à 2015 (pièce 17) indiquant, notamment, que tant DecoPac elle-même que la société Culpitt livrent des décorations au sein de l’Union ;

–        des listes d’échantillons de produits (pièces 18 et 19) ;

–        des échantillons de cartes d’instruction pour la réalisation de décorations sur des gâteaux (pièce 20) ;

–        13 photographies d’emballages (sachets en plastique) et d’étiquettes de produits non comestibles, dont deux emballages indiquant les dates du 20 décembre 2010 et du 9 septembre 2010, les autres ne portant pas de date (pièce 21) ;

–        des échantillons de cartons (produits comestibles), ne portant pas de date (pièce 22) ;

–        une capture d’écran du site Internet de l’encyclopédie Wikipédia pour l’expression « sugar paste » (pâte à sucre) (pièce 23) ;

–        une capture d’écran du site de bricolage Craftsy, concernant de la « gum paste » (pastillage) (pièce 24) ;

–        une déclaration sous serment du directeur général de DecoPac, effectuée pour cette dernière et pour Culpitt (pièces 25 et 26) ;

–        une liste des prix pratiqués par DecoPac concernant différents produits (pièce 27) ;

–        les conditions de vente à l’exportation de DecoPac (pièce 28).

10      Par lettre en date du 20 juillet 2018, le rapporteur de la chambre de recours a invité DecoPac, notamment, à préciser le rapport entre les produits qui figurent sur les factures soumises et les images d’emballages produites. Par lettre en date du 20 septembre 2018, DecoPac a répondu et a fourni, notamment, un tableau de correspondance indiquant le rapport entre les produits pris en compte sur les factures, les extraits de catalogue, les échantillons de cartes d’instruction et les images des emballages.

11      Par décision du 26 novembre 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a accueilli partiellement le recours introduit par DecoPac et a annulé la décision de la division d’annulation dans la mesure où cette dernière avait déclaré déchue la marque de l’Union européenne contestée pour les produits relevant de la classe 30, à savoir les « décorations comestibles et non comestibles pour gâteaux et pâtisseries ». La chambre de recours a rejeté le recours pour le surplus et condamné chaque partie à ses propres dépens afférents aux procédures devant l’EUIPO.

12      En premier lieu, la chambre de recours a considéré que DecoPac devait apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour la période allant du 27 octobre 2010 au 26 octobre 2015 (ci-après la « période pertinente »).

13      En deuxième lieu, la chambre de recours a estimé que, la plupart des éléments de preuve de l’usage produits par DecoPac relevant de la période pertinente ou indiquant une date très proche de celle-ci, ces éléments contenaient des indications suffisantes concernant la durée de l’usage.

14      En troisième lieu, en ce qui concerne le lieu de l’usage, la chambre de recours a relevé qu’il résultait des preuves apportées que la marque contestée avait fait l’objet d’un usage dans de nombreux États membres, tels que l’Autriche, la Slovaquie, la Belgique, l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, le Portugal, Malte, le Danemark, les Pays-Bas, la Hongrie, la Suède et la Grèce.

15      En quatrième lieu, la chambre de recours a considéré, en substance, que, s’agissant de l’importance de l’usage, l’analyse globale des pièces produites par DecoPac révélait que la marque contestée avait fait l’objet d’un usage suffisamment important en ce qui concerne le volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, eu égard notamment aux caractéristiques des produits concernés, à la durée de la période pendant laquelle ces actes ont été accomplis ainsi qu’à la fréquence de ceux-ci.

16      En cinquième lieu, s’agissant de la nature de l’usage, la chambre de recours a estimé que la marque contestée ne constituait pas seulement une dénomination commerciale, mais faisait également fonction de marque maison indiquant l’origine commerciale des produits concernés. En outre, la forme sous laquelle la marque a été utilisée dans les éléments de preuve, un logo légèrement différent du signe verbal DECOPAC, devrait être acceptée aux fins de l’établissement de l’usage sérieux.

 Conclusions des parties

17      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée :

–        prononcer la déchéance complète de la marque DECOPAC enregistrée au bénéfice de DecoPac sous le numéro 000160747.

18      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par l’EUIPO.

  En droit

19      Il convient de relever, d’emblée, que le règlement no 207/2009 a été modifié par le règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015 (JO 2015, L 341, p. 21), lequel est entré en vigueur le 23 mars 2016. Le règlement no 207/2009, tel que modifié, a été abrogé et remplacé, avec effet au 1er octobre 2017, par le règlement 2017/1001.

20      En outre, à titre de mesure transitoire, l’article 80 du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001 et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), prévoit que le règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement no 40/94 (JO 1995, L 303, p. 1) et le règlement (CE) no 216/96 de la Commission, du 5 février 1996, portant règlement de procédure des chambres de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (JO 1996, L 28, p. 11), continuent de s’appliquer aux procédures en cours jusqu’à leur terme lorsque le règlement 2018/625 ne s’applique pas.

21      Compte tenu de la date d’introduction de la demande en déchéance en cause, à savoir le 27 octobre 2015, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit applicable, le présent litige est régi par les dispositions du règlement no 207/2009, du règlement no 2868/95 et du règlement no 216/96.

22      À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, deux moyens tirés, le premier, de la violation du droit d’être entendu et, le second, de l’absence d’usage sérieux de la marque contestée.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu

23      Le premier moyen est divisé en deux branches, la première tirée de la non-divulgation de certaines informations confidentielles et la seconde tirée d’une violation du droit d’être entendu en ce que la requérante aurait été privée de la possibilité de prendre position sur les observations présentées par DecoPac le 20 septembre 2018.

 Sur la non-divulgation de certaines informations confidentielles

24      La requérante fait valoir, en premier lieu, que la chambre de recours a accepté, à tort et sans motivation suffisante, de traiter certaines informations commerciales présentées par DecoPac, notamment celles soumises le 20 septembre 2018, comme confidentielles. Après la prise de connaissance de ces informations, la chambre de recours aurait changé son appréciation concernant l’usage sérieux de la marque contestée, au détriment de la requérante.

25      En outre, selon la jurisprudence de la Cour, notamment l’arrêt du 19 juin 2018, Baumeister (C‑15/16, EU:C:2018:464), la confidentialité des documents d’affaires expirerait après un délai de cinq ans. De ce fait, toutes les données datant d’avant 2015 auraient donc dû être divulguées en tout état de cause. La requérante estime, en substance, que, du fait de l’acceptation par la chambre de recours de la confidentialité de certaines informations, ses droits de la défense ont été violés.

26      L’EUIPO rétorque, en substance, que la confidentialité des documents n’est pas de nature à désavantager la requérante, étant donné que tous les documents en provenance de DecoPac, y compris les observations en date du 20 septembre 2018, lui ont été signifiés dans leur intégralité.

27      Il convient de relever, d’emblée, que l’article 88, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 (remplacé par l’article 114, paragraphe 4, du règlement 2017/1001), lu en combinaison avec la règle 88, sous c), du règlement (CE) no 2868/95, prévoit que les dossiers peuvent contenir certaines pièces qui sont exclues de l’inspection publique, notamment si la partie concernée a fait valoir un intérêt particulier à les garder confidentielles.

28      En l’occurrence, il ressort de la décision attaquée que, aux fins de conserver le caractère confidentiel de certaines données et de certaines informations relatives aux clients de DecoPac, conformément aux dispositions citées au point 27 ci-dessus, la chambre de recours, dans la décision attaquée, n’a décrit certains éléments de preuve présentés par DecoPac qu’en des termes généraux. À cet égard, il convient, premièrement, de relever que ces dispositions concernent la non-divulgation de certaines pièces ou de certaines informations commerciales considérées comme confidentielles vis-à-vis des tiers et non pas vis-à-vis des parties à une procédure pendante devant l’EUIPO. Par conséquent, la confidentialité accordée par la chambre de recours dans la décision attaquée n’était pas de nature à empêcher la requérante d’avoir accès aux pièces et aux informations commerciales versées par DecoPac au dossier. En effet, en l’espèce, l’EUIPO relève que l’ensemble des documents soumis par DecoPac, y compris ceux considérés comme confidentiels vis-à-vis les tiers et notamment les observations du 20 septembre 2018, auraient été signifiés à la requérante dans leur intégralité, ce qui n’a pas été contesté par celle-ci. Deuxièmement, pour ce qui concerne la description en des termes généraux des preuves présentées par DecoPac dans la décision attaquée, la requérante n’a pas non plus précisé quels aspects ou quels passages de celle-ci seraient concernés par ce grief, ni exposé de quelle façon ce traitement confidentiel lui aurait porté préjudice.

29      Par conséquent, la première branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur la violation du droit d’être entendu en ce que la requérante aurait été privée de la possibilité de prendre position sur les observations présentées par DecoPac le 20 septembre 2018

30      La requérante soutient, en second lieu, qu’elle n’a pas été entendue, à tort, par la chambre de recours à la suite de la présentation des informations et des observations soumises par DecoPac le 20 septembre 2018.

31      L’EUIPO confirme que la requérante n’a pas eu l’opportunité de réagir aux observations soumises par DecoPac du 20 septembre 2018. Toutefois, celles-ci ne contiendraient que des clarifications demandées par le rapporteur de la chambre de recours par rapport aux informations et aux preuves qui figuraient déjà dans le dossier.

32      Force est de constater que la requérante n’a pas été mis en mesure de répondre aux observations soumises par DecoPac du 20 septembre 2018.

33      S’agissant, plus particulièrement, du droit des marques de l’Union européenne, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 75, seconde phrase, du règlement no 207/2009, les décisions de l’EUIPO ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position. En vertu de l’article 63, paragraphe 2, du même règlement, la chambre de recours invite les parties, au cours de l'examen du recours, aussi souvent qu'il est nécessaire, à présenter, dans un délai qu'elle leur impartit, leurs observations sur les notifications qu'elle leur a adressées ou sur les communications qui émanent des autres parties. Ces dispositions consacrent le principe général de protection des droits de la défense. Ce principe inclut le droit d’être entendu, qui est énoncé à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2017, VM/EUIPO – DAT Vermögensmanagement (Vermögensmanufaktur), T‑374/15, EU:T:2017:589, points 119 et 120 (non publiés) et jurisprudence citée, et du 20 mars 2019, Prim/EUIPO – Primed Halberstadt Medizintechnik (PRIMED), T‑138/17, non publié, EU:T:2019:174, points 24 et 25].

34      En vertu de ce principe, toute personne à qui une décision d’une autorité publique fait grief doit avoir été mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue avant l’adoption de ladite décision. Le droit d’être entendu s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de ladite décision, mais non à la position finale que l’autorité publique entend adopter [voir arrêt du 1er juin 2016, Grupo Bimbo/EUIPO (Forme d’une barre avec quatre cercles), T‑240/15, non publié, EU:T:2016:327, point 61 et jurisprudence citée].

35      Il convient de relever, tout d’abord, que, en l’occurrence, les documents du 20 septembre 2018 ont été soumis par DecoPac à la suite d’une lettre émanant du rapporteur de la chambre de recours en date du 20 juillet 2018. Par cette lettre, le rapporteur a demandé à DecoPac de fournir à la chambre de recours des explications concernant le lien entre les factures et les images des emballages des produits concernés pourvus de la marque contestée déposées le 5 mai 2016 et le 16 octobre 2017 comme preuves de l’usage sérieux de cette marque. En outre, le rapporteur a relevé dans ladite lettre que certaines des images déposées ne faisaient pas mention d’une date, ou bien faisaient mention d’une date postérieure à la période pertinente.

36      Dans sa lettre de réponse, en date du 20 septembre 2018, DecoPac a relevé quelques exemples des produits figurant sur les images déjà contenues dans le dossier et leur mention sur les factures qui y sont relatives. Pour les autres produits, elle a soumis un tableau de correspondance dans l’objectif de démontrer le rapport entre les produits pris en compte sur les factures, les images des emballages, les extraits de catalogue et les échantillons de cartes d’instruction. Ensuite, DecoPac a expliqué que les dates indiquées sur certaines photos n’étaient pas pertinentes. Les produits photographiés existeraient et auraient été vendus avant la date de prise des photos et pendant la période pertinente.

37      Or, force est de constater que ladite lettre et le tableau joint ne contiennent pas de nouveaux éléments de preuve par rapport aux preuves déjà présentées et figurant dans le dossier de l’EUIPO, ce qui est mentionné également par DecoPac à la page 4 de cette lettre, et sur lesquelles la requérante a donc pu prendre position, mais seulement des explications visant, notamment, à démontrer le lien entre les éléments de preuve déjà versés au dossier auparavant. En effet, les numéros des produits figurant sur les factures sont également visibles sur les images des produits correspondants figurant dans les extraits de catalogues, dans les échantillons de cartes d’instruction ou sur les photos de leurs emballages contenues dans le dossier. Le tableau représente donc uniquement un aperçu de la correspondance entre les produits pris en compte sur les factures soumises et les produits photographiés, toutes les images et factures évoquées dans la lettre du 20 septembre 2018 figurant déjà dans le dossier.

38      Par ailleurs, il ressort du dossier de l’EUIPO qu’il aurait été possible, en principe, pour la chambre de recours d’établir elle-même les liens entre les différents éléments de preuve tels qu’ils ont été établis par DecoPac dans ses observations du 20 septembre 2018, les mêmes numéros de série des produits concernés figurant sur les différents éléments de preuve et liant ceux-ci.

39      Ainsi, la requérante a été en mesure de prendre position sur tous les éléments de fait et de droit qui constituent le fondement de la décision attaquée, y compris tous les éléments de preuve figurant dans le dossier de l’EUIPO, et les observations du 20 septembre 2018 ne sont pas décisives pour l’issue de la procédure pour les raisons expliquées aux points 37 et 38 ci-dessus. À cet égard et en tout état de cause, la requérante n’a aucunement démontré et il n’est pas établi, dans le cas où celle-ci aurait été mise en mesure de formuler des observations en réaction à la lettre du 20 septembre 2018 de DecoPac, qu’elle aurait pu mieux assurer sa défense et influencer l’appréciation de la chambre de recours [voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2014, Still/OHMI (Fleet Data Services), T‑534/12 et T‑535/12, non publié, EU:T:2014:157, point 35], et encore moins qu’elle aurait pu apporter des arguments susceptibles de modifier l’issue de la procédure [voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2017, Vermögensmanufaktur, T‑374/15, EU:T:2017:589, point 133 (non publié) et jurisprudence citée]. Il s’ensuit que le droit d’être entendu de la requérante lors de la procédure de recours n’a pas été violé.

40      Il s’ensuit que la seconde branche du premier moyen doit également être rejetée comme étant non fondée et, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le second moyen, tiré de l’absence d’usage sérieux de la marque contestée

41      La requérante invoque un second moyen, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009. Ce moyen s’articule en quatre branches concernant, respectivement, la valeur probante des factures pour prouver un usage sérieux de la marque contestée pendant la période pertinente, l’usage de la marque contestée en tant que marque maison établi à tort par la chambre de recours, le manque de preuves que les produits concernés aient atteint les consommateurs finaux et l’absence de distinction entre l’usage sérieux de la marque contestée pour les décorations comestibles et non comestibles pour gâteaux et pâtisseries, les preuves portant uniquement sur les décorations non comestibles.

 Observations liminaires

42      Il convient de relever, d’emblée, que l’article 51, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 prévoit, notamment, que le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.

43      Selon une jurisprudence constante, une marque fait l’objet d’un usage sérieux, au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages à caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir arrêt du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 38 et jurisprudence citée). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque contestée exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 39 ; voir également, en ce sens, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 37].

44      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (voir ordonnance du 11 septembre 2019, Camomilla/EUIPO, C‑68/19 P, non publiée, EU:C:2019:711, point 12 et jurisprudence citée).

45      Conformément à la règle 22, paragraphe 2, du règlement no 2868/95, les indications et les preuves à produire afin de prouver l’usage de la marque comprennent des indications sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque pour les produits et services pour lesquels elle est enregistrée.

46      Toutefois, cette règle n’indique nullement que chaque élément de preuve doit nécessairement contenir des informations sur chacun des quatre éléments sur lesquels doit porter la preuve de l’usage sérieux. Il ne peut être exclu qu’un faisceau d’éléments de preuve permette d’établir l’usage sérieux, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait insuffisant [voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, Intas Pharmaceuticals/EUIPO – Laboratorios Indas (INTAS), T‑380/18, EU:T:2019:782, point 62 (non publié) et jurisprudence citée].

47      Par ses différents arguments avancés dans le cadre de son second moyen, résumés au point 41 ci-dessus, la requérante conteste, en substance, les conclusions de la chambre de recours concernant l’importance, la nature et le lieu de l’usage qui a été fait de la marque contestée.

 Sur l’importance de l’usage

48      En premier lieu, la requérante conteste la force probante des factures présentées par DecoPac pour établir l’usage de la marque contestée. La requérante fait valoir, d’une part, que, parmi les 47 factures envoyées par DecoPac, portant l’en-tête « DECOPAC », et destinées à des clients externes (pièces 14 à 16), seules 33 factures relèveraient de la période pertinente. Ces factures auraient été envoyées uniquement à des clients établis en Grèce et au Royaume-Uni et représenteraient des montants insignifiants. D’autre part, les 78 factures portant l’en-tête « DECOPAC » envoyées par DecoPac à Culpitt (pièce 13) devraient être considérées comme des documents internes et non pertinents, étant donné que cette société est une filiale détenue à 100 % par DecoPac.

49      S’agissant de l’importance de l’usage, en l’occurrence remise en cause par la requérante par son argument relatif aux factures, il convient de rappeler que la question de savoir si un usage est quantitativement suffisant pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque dépend de plusieurs facteurs et d’une appréciation au cas par cas. Les caractéristiques de ces produits ou de ces services, la fréquence ou la régularité de l’usage de la marque, le fait que la marque est utilisée pour commercialiser l’ensemble des produits ou des services identiques de l’entreprise titulaire ou simplement certains d’entre eux, ou encore les preuves relatives à l’usage de la marque que le titulaire est à même de fournir, sont au nombre des facteurs qui peuvent être pris en considération (voir arrêt du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 71 et jurisprudence citée).

50      Il s’ensuit qu’il n’est pas possible de déterminer a priori, de façon abstraite, quel seuil quantitatif devrait être retenu pour déterminer si l’usage a ou non un caractère sérieux. Une règle de minimis, qui ne permettrait pas à l’EUIPO ou, sur recours, au Tribunal d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui leur est soumis ne peut, dès lors, être fixée. Ainsi, lorsqu’il répond à une réelle justification commerciale un usage même minime peut être suffisant pour établir l’existence d’un caractère sérieux (voir arrêt du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 72 et jurisprudence citée).

51      En l’occurrence, s’agissant de la fréquence et de la durée de l’usage de la marque contestée, il convient de relever, tout d’abord, que le dossier de l’EUIPO contient, premièrement, un total de 47 factures portant l’en-tête « DECOPAC » et envoyées par DecoPac à des clients externes , à savoir à trois clients différents, établis en Allemagne, en Grèce et au Royaume-Uni (pièces 14 à 16, voir point 9 ci-dessus). S’il est vrai que ces factures ne datent pas toutes de la période pertinente, 33 de ces 47 factures ont été émises pendant et tout au long de celle-ci, ce qui démontre, en tout état de cause, que l’usage de la marque antérieure s’est fait à de multiples reprises, publiquement et vers l’extérieur.

52      Ensuite, ainsi que le fait valoir à juste titre l’EUIPO, l’usage de la marque contestée régulier et vers l’extérieur est également démontré par les factures de Culpitt envoyées tout au long de la période pertinente à divers clients externes établis dans différents États membres (pièces 2 à 5, voir point 6 ci-dessus). Si lesdites factures ne font pas mention de la marque contestée, il est vrai qu’y figurent, notamment, des produits vendus sous les marques DecoPics, DecoPic, DecoPlac et Decoset. Une partie considérable de ces produits ont été exposés dans les divers catalogues de Culpitt dont des extraits ont été soumis par DecoPac portant sur les années 2013 à 2015 inclus (pièces 7 à 11). Par rapport aux marques mentionnées ci-dessus, il est précisé en bas de page des catalogues qu’elles sont des marques appartenant à DecoPac. En outre, il ressort des numéros des produits indiqués tant sur les factures que sur les emballages photographiés (pièces 6, 21 et 22) que certaines des décorations facturées correspondent aux produits exposés sur les photos. Sur ces emballages figure la marque contestée d’une manière claire sous la forme du signe DECOPAC.

53      Enfin, les 78 factures portant l’en-tête « DECOPAC » envoyées par DecoPac à Culpitt (pièce 13, voir point 9 ci-dessus) permettent de déduire, à la lumière des autres éléments de preuve soumis, dont les extraits des catalogues de Culpitt cités au point 52 ci-dessus, les déclarations sous serment du directeur général de DecoPac (pièces 1, 25 et 26) et les photos des emballages des décorations comestibles et non comestibles (pièces 6, 21 et 22), que les produits concernés, livrés par DecoPac et facturés par elle à la société de distribution faisant partie du même groupe, sont écoulés par cette dernière sur le marché de l’Union. Il s’agit là d’un mode d’organisation commerciale courant dans la vie des affaires, impliquant un usage de la marque qui ne saurait être considéré comme étant un usage purement interne par un groupe de sociétés, dès lors que la marque est également utilisée vers l’extérieur et publiquement. C’est donc à bon droit que la chambre a également pris en compte les factures émises par DecoPac destinées à Culpitt.

54      Quant au volume commercial, plus spécifiquement, il convient de considérer lesdites factures en combinaison avec d’autres éléments de preuve présentés devant la division d’annulation et devant la chambre de recours. À cet égard, il ressort, notamment, de la déclaration sous serment du directeur général de DecoPac signée le 16 octobre 2017 (pièces 25 et 26) que, pendant la période pertinente, DecoPac elle-même, à son propre nom, a vendu plus de [confidentiel] (1) décorations DECOPAC au sein de l’Union, pour un montant de plus de [confidentiel] dollars des États-Unis (USD) (environ [confidentiel] euros). La plupart de ces ventes, à savoir plus de [confidentiel] décorations DECOPAC, vendues pour un montant de plus de [confidentiel] USD (environ [confidentiel] euros), ont été vendues directement par DecoPac à des clients externes en Allemagne, en Grèce et au Royaume-Uni.

55      Certes, il ressort de la jurisprudence que les déclarations sous serment émanant d’une personne qui a des liens étroits avec la partie concernée telles que celle mentionnée au point 54 ci-dessus sont d’une valeur probante de moindre importance que celles des tiers et que, de ce fait, elles ne peuvent pas, à elles seules, constituer une preuve suffisante de l’usage de la marque (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2016, Naazneen Investments/OHMI, C‑252/15 P, non publié, EU:C:2016:178, point 61). Il n’en demeure pas moins que, en l’occurrence, ladite déclaration est corroborée, notamment, par les 47 factures portant l’en-tête « DECOPAC » envoyées par DecoPac à des clients externes (pièces 14 à 16). Ainsi, à titre d’exemple, la facture no 8383422 en date du 16 mars 2011 était émise pour un montant de 58 800 USD (environ 52 850 euros) et la facture no 52285609 du 2 septembre 2015 l’était pour un montant de 2 130,55 USD (environ 1 916 euros).

56      Il résulte de ce qui précède que la chambre de recours a conclu, à juste titre, que les factures précitées, conjointement avec les autres éléments de preuve, établissent un usage de la marque contestée objectivement propre à créer ou à préserver un débouché. En effet, le volume commercial, par rapport à la durée et la fréquence de l’usage, n’est pas si faible qu’il amène à conclure qu’il s’agit d’un usage purement symbolique, minime ou fictif, dans le seul but de maintenir la protection du droit à la marque.

57      L’argument avancé par la requérante portant sur la valeur probante des factures, pour ce qui concerne l’importance de l’usage, doit donc être rejeté comme étant non fondé.

 Sur la nature de l’usage

58      Concernant la nature de l’usage de la marque contestée, la requérante fait valoir, premièrement, que la chambre de recours a considéré, à tort, que la marque contestée faisait fonction de marque maison lors de la période pertinente, deuxièmement, que DecoPac n’a pas prouvé l’usage sérieux de la marque contestée auprès des consommateurs finaux et, troisièmement, que la chambre de recours a eu tort de ne pas avoir distingué l’usage sérieux de la marque contestée visant les décorations comestibles de celui visant les décorations et non comestibles.

–       Usage de la marque contestée en tant que marque maison

59      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré à tort que la marque contestée faisait fonction de marque maison lors de la période pertinente. Selon elle, DecoPac est seulement une dénomination sociale, qui n’est pas de nature à distinguer des produits. En outre, le préfixe « deco » ne serait pas suffisamment distinctif. Par ailleurs, le lien entre la marque verbale DECOPAC et les autres marques utilisées pour les produits concernés commençant par « deco », tels que DecoPic, DecoSet ou DecoPlac, ne serait pas clairement exposé.

60      Certes, s’agissant de l’usage d’un signe à la fois comme une dénomination commerciale et en tant que marque, la Cour a jugé qu’une dénomination sociale, un nom commercial ou une enseigne n’a pas, en soi, pour finalité de distinguer des produits ou des services. En effet, une dénomination sociale a pour objet d’identifier une société, tandis qu’un nom commercial ou une enseigne a pour objet de signaler un fonds de commerce. Dès lors, lorsque l’usage d’une dénomination sociale, d’un nom commercial ou d’une enseigne se limite à identifier une société ou à signaler un fonds de commerce, il ne saurait être considéré comme étant fait « pour des produits ou des services » (voir arrêt du 11 septembre 2007, Céline, C‑17/06, EU:C:2007:497, point 21 et jurisprudence citée).

61      En revanche, il y a usage « pour des produits » lorsque le titulaire de la marque appose le signe constituant sa dénomination sociale, son nom commercial ou son enseigne sur les produits qu’il commercialise ou sur les emballages. En outre, même en l’absence d’apposition, il y a usage « pour des produits » lorsque le signe est utilisé de telle façon qu’il s’établit un lien entre le signe constituant la dénomination sociale, le nom commercial ou l’enseigne et les produits commercialisés. Dans la mesure où cette condition est remplie, le fait qu’un élément verbal soit utilisé en tant que nom commercial de l’entreprise n’exclut pas qu’il puisse être utilisé en tant que marque pour désigner des produits ou des services [voir arrêt du 30 novembre 2009, Esber/OHMI – Coloris Global Coloring Concept (COLORIS), T‑353/07, non publié, EU:T:2009:475, point 38 et jurisprudence citée ; arrêt du 18 juillet 2017, Savant Systems/EUIPO – Savant Group (SAVANT), T‑110/16, non publié, EU:T:2017:521, point 26].

62      Par ailleurs, l’usage effectif d’une marque se rapporte au marché sur lequel le titulaire de la marque de l’Union européenne exerce ses activités commerciales et sur lequel il espère exploiter sa marque. Ainsi, aux fins de l’appréciation de l’usage vers l’extérieur d’une marque, le public pertinent auquel les marques ont vocation à s’adresser ne comprend pas uniquement les consommateurs finaux, mais également des spécialistes, des clients industriels et d’autres utilisateurs professionnels [voir, en ce sens, arrêt du 7 juillet 2016, Fruit of the Loom/EUIPO – Takko (FRUIT), T‑431/15, non publié, EU:T:2016:395, point 49 et jurisprudence citée].

63      En l’espèce, tout d’abord, l’analyse des factures produites par DecoPac révèle que le public pertinent était, majoritairement, une clientèle constituée de professionnels de la pâtisserie c’est-à-dire un public éclairé, plus facilement à même d’établir un lien entre les signes utilisés et les produits fournis par DecoPac. De plus, le détail des différents produits commercialisés était diffusé auprès de ce public pertinent, ce qui ressort notamment des catalogues de Culpitt (pièces 7 à 11) dans lesquels figurent des images des produits en rapport avec le signe DECOPAC, qui couvrent une partie considérable de la période pertinente.

64      De surcroît, il convient de relever que plus de 100 des factures produites contiennent la marque contestée ainsi que l’adresse du site Internet dans lequel apparaît également cette marque. En outre, la configuration visuelle des factures met en valeur la marque contestée, par son apposition systématique en en-tête, et au milieu, sous la forme d’un logo en majuscules gras blancs sur une bande noire avec le symbole ® en bas à droite, comme premier élément, à côté de la mention de la dénomination sociale en caractères normaux « DECOPAC, INC.». Les autres marques, notamment DecoPic, DecoPics et DecoSet dont relèvent certains produits commercialisés sous la marque contestée, qui reflètent le détail de ces produits, figurent, quant à elles, en face du prix facturé. Une telle configuration confirme que l’utilisation qui est faite du signe DECOPAC va au-delà de la seule identification de la société et indique, en sus, en tant que marque, l’origine commerciale des produits fournis. La configuration des factures est donc de nature à permettre l’établissement d’un lien étroit entre le signe DECOPAC et les produits facturés.

65      En outre, ainsi que la chambre de recours et l’EUIPO l’ont relevé, le signe DECOPAC figure sur les différents emballages des produits commercialisés sous l’enseigne de DecoPac. Comme preuves ont été produites dix-neuf photos d’emballages en plastique des produits commercialisés sur lesquelles figure le signe DECOPAC (pièce 21), qui permettent également d’établir un lien entre les autres marques et la marque contestée, ainsi que des emballages cartonnés revêtus dudit signe et contenant deux sortes de décorations comestibles (pièce 22) . Le signe figure également dans les catalogues (pièces 7 à 11) en rapport avec les autres marques, notamment DecoPic, DecoPics et DecoSet.

66      Par ailleurs, s’agissant du fait que certaines images d’emballages des produits concernés portent des dates situées quelques mois après la fin de la période pertinente – elles ont été prises respectivement le 14 janvier 2016 et le 9 février 2016 (pièce 6) – il ressort de la jurisprudence qu’il n’est pas exclu que l’appréciation du caractère sérieux de l’usage au cours de la période pertinente puisse, le cas échéant, tenir compte d’éventuelles circonstances postérieures à cette période. De telles circonstances peuvent permettre de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de la marque au cours de la période pertinente [voir, en ce sens, ordonnance du 27 janvier 2004, La Mer Technology, C‑259/02, EU:C:2004:50, point 31, et arrêt du 19 avril 2013, Luna/OHMI – Asteris (Al bustan), T‑454/11, non publié, EU:T:2013:206, point 45].

67      En l’occurrence, les images en cause postérieures à la période pertinente confirment l’usage de la marque contestée tel qu’il résulte des factures (pièces 2 à 5 et 13 à 16), des extraits de catalogues (pièces 7 à 11) et des images qui relèvent de cette période (pièce 21), ainsi que de la déclaration sous serment du directeur général de DecoPac (pièces 25 et 26) selon laquelle le signe DECOPAC figurait sur tous les emballages en plastique des décorations non comestibles et sur tous les emballages cartonnés des décorations comestibles.

68      Il s’ensuit que l’argument tiré d’une appréciation erronée de la chambre de recours concernant l’usage de la marque contestée comme marque maison doit être rejeté comme étant non fondé.

–       Usage de la marque contestée vis-à-vis des consommateurs finaux

69      La requérante fait valoir que DecoPac n’a pas prouvé l’usage sérieux de la marque contestée auprès des consommateurs finaux. Il n’aurait pas été prouvé que les factures représentent des ventes réelles et que les produits ont été livrés par DecoPac elle-même, du fait que les livraisons qui y sont afférentes vis-à-vis des consommateurs finaux auraient tout aussi bien pu être effectuées par Culpitt sous sa propre enseigne. Cette possibilité serait étayée par la photo de l’emballage du produit no 6959 (pièce 18) sur lequel figure le signe Culpitt et pas la marque contestée. En outre, il résulterait d’une consultation du site Internet de Sugar World, destinataire de certaines factures de DecoPac, que l’emballage de certaines décorations comestibles porte le signe Culpitt.

70      Cela étant, il convient de relever que la chambre de recours et l’EUIPO précisent à bon droit qu’un « usage extérieur » ne signifie pas nécessairement un usage orienté vers les consommateurs finaux. En effet, l’usage effectif de la marque se rapporte au marché sur lequel le titulaire de la marque de l’Union européenne exerce ses activités commerciales et sur lequel il espère exploiter sa marque sur le territoire de l’Union, en l’occurrence, ainsi qu’il résulte notamment des factures produites, un public de professionnels de la pâtisserie (voir également point 63 ci-dessus). Le raisonnement proposé par la requérante se fonde sur l’hypothèse erronée selon laquelle les marques utilisées dans les seuls rapports entre professionnels ne sauraient bénéficier de la protection du règlement no 207/2009. En effet, il convient de relever à cet égard que le public pertinent auquel les marques ont vocation à s’adresser ne comprend pas uniquement des consommateurs finaux, mais également des spécialistes, des clients industriels et d’autres utilisateurs professionnels [voir arrêt du 21 novembre 2013, Recaro/OHMI – Certino Mode (RECARO), T‑524/12, non publié, EU:T:2013:604, point 25 et jurisprudence citée].

71      En outre, et ainsi qu’il ressort des points 51 à 53 ci-dessus, la chambre de recours a relevé, à bon droit, que l’usage de la marque contestée a été fait vers l’extérieur, comme l’exige la jurisprudence.

72      S’agissant de l’image mise en exergue par la requérante d’un emballage sur laquelle figure uniquement le signe de Culpitt, l’EUIPO argue à juste titre que ce seul exemple ne porte pas atteinte à la force probante des autres preuves avancées par DecoPac, notamment aux images, d’un nombre bien plus important, des emballages portant le signe DECOPAC.

73      Par ailleurs, s’agissant des captures d’écran du site Internet de Sugar World, une cliente de DecoPac établie en Grèce, que la requérante a produites pour la première fois devant le Tribunal, il y a lieu de rappeler qu’un recours porté devant ce dernier vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 65 du règlement no 207/2009. Il découle de cette disposition que des faits non invoqués par les parties devant les instances de l’EUIPO ne peuvent plus l’être au stade du recours introduit devant le Tribunal et que le Tribunal ne saurait réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, la légalité d’une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont elle pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (voir arrêt du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, points 136 à 138 et jurisprudence citée).

74      En tout état de cause, ainsi qu’il a été considéré au point 70 ci-dessus, l’usage sérieux d’une marque de l’Union européenne ne concerne pas uniquement son usage envers les consommateurs finaux, mais également celui effectué vis-à-vis des parties professionnelles ou intermédiaires, telles que Sugar World. Étant donné qu’il ressort de tout ce qui précède que l’usage sérieux a été prouvé à suffisance de droit en ce sens, les captures d’écran du site Internet de Sugar World, présentant des décorations dont l’emballage porte le signe Culpitt et pas celui de DECOPAC, ne sont pas de nature à affaiblir les preuves produites par DecoPac examinées ci-dessus.

75      Par conséquent, l’argument de la requérante selon lequel l’usage sérieux ne serait établi du fait que cet usage n’aurait pas été prouvé vis-à-vis des consommateurs finaux des décorations doit être rejeté comme étant non fondé.

–       Distinction entre l’usage pour décorations non comestibles et comestibles

76      Selon la requérante, la chambre de recours a eu tort de ne pas avoir distingué l’usage sérieux de la marque contestée visant les décorations comestibles de celui visant les décorations non comestibles, deux sous-catégories différentes qui répondaient à des besoins spécifiques et distincts des consommateurs. DecoPac n’aurait produit aucune preuve pour ce qui concerne la sous-catégorie des décorations comestibles.

77      À cet égard, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve apportés attestaient l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits « décorations comestibles et non comestibles pour gâteaux et pâtisseries ».

78      S’il est vrai qu’il ressort du dossier de l’EUIPO que le volume des ventes de décorations comestibles était moins élevé que celui des décorations non comestibles, force est de constater que ce dossier contient néanmoins des éléments de preuve suffisants relatifs à l’usage de la marque contestée pour des décorations comestibles. Ainsi, sur plus d’une vingtaine de factures émises par Culpitt et par DecoPac, figurent des décorations faites de pastillage et de pâte de sucre, par exemple des décorations en forme de nœuds (gumpaste bows), imprimées de dessins différents. Il s’agit, par exemple, des factures OP/1773370 en date du 1er juin 2015 et OP/1775742 du 19 juin 2015. Ces mêmes décorations comestibles figurent également sur les photos soumises en tant que pièce 22, dans leur emballage cartonné portant le signe DECOPAC. En outre, les quantités vendues ne sont pas négligeables, comme le montrent par exemple les 200 emballages de décorations contenant de la pâte de sucre « gumpaste » figurant sur la facture no 50442864. Enfin, en tant que pièce 20, DecoPac avait produit des copies des recettes faisant référence à DecoPac, recettes sur lesquelles figurent également des décorations comestibles, par exemple en forme de succulents qui figurent à leur tour sur les factures émises par DecoPac.

79      Il s’ensuit que, tel qu’il ressort des preuves versées au dossier de l’EUIPO, l’usage de la marque contestée en ce qui concerne les décorations comestibles ne peut pas être caractérisé comme étant un usage purement symbolique, minime ou fictif, dans le seul but de maintenir la protection du droit à la marque.

80      Par conséquent, l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a eu tort de ne pas avoir distingué l’usage sérieux de la marque contestée visant les décorations comestibles de celui visant les décorations non comestibles doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le lieu de l’usage

81      Enfin, dans la mesure où la requérante, en faisant valoir que les factures émises par DecoPac sous son propre nom ne concernent que des clients établis en Grèce et au Royaume-Uni, conteste la conclusion de la chambre de recours pour ce qui concerne le lieu d’usage de la marque contestée (voir point 14 ci-dessus), son argument ne saurait être retenu. En effet, il résulte, notamment, du point 52 ci-dessus que c’est à bon droit que la chambre de recours a pris en considération les factures de Culpitt envoyées à divers clients externes établis dans vingt-quatre États membres (voir point 6 ci-dessus et pièces 2 à 5). Il s’ensuit que l’usage dans l’Union de la marque contestée a été prouvé à suffisance de droit.

82      Partant, c’est à bon droit que la chambre de recours a établi, sur le fondement des preuves présentées, l’usage sérieux de la marque contestée pour les décorations comestibles et non comestibles pour gâteaux et pâtisseries, relevant de la classe 30.

83      Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le second moyen comme étant non fondé et, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

84      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Dekoback GmbH est condamnée aux dépens.

Kornezov

Buttigieg

Hesse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 mars 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1 Données confidentielles occultées.