Language of document : ECLI:EU:T:2003:189

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

8 juillet 2003(1)

«Dumping - Décision clôturant un réexamen de mesures venant à expiration - Intérêt communautaire - Recours en annulation»

Dans l'affaire T-132/01,

Euroalliages, établie à Bruxelles (Belgique),

Péchiney électrométallurgie, établie à Courbevoie (France),

Vargön Alloys AB, établie à Vargön (Suède),

Ferroatlántica, SL, établie à Madrid (Espagne),

représentées par Mes D. Voillemot et O. Prost, avocats,

parties requérantes,

soutenues parsoutenue par

Royaume d'Espagne , représenté par Mme L. Fraguas Gadea, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. V. Kreuschitz et Mme S. Meany, en qualité d'agents, assistés de M. A. P. Bentley, QC, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

TNC Kazchrome, établie à Almaty (Kazakhstan),

et par

Alloy 2000 SA, établie à Strassen (Luxembourg),

représentées par MM. J. Flynn, barrister, J. Magnin et S. Mills, solicitors,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande tendant à l'annulation partielle de la décision 2001/230/CE de la Commission, du 21 février 2001, clôturant la procédure antidumping concernant les importations de ferrosilicium originaires du Brésil, de la République populaire de Chine, du Kazakhstan, de Russie, d'Ukraine et du Venezuela (JO L 84, p. 36), pour ce qui est des importations originaires de la République populaire de Chine, de Russie, d'Ukraine et du Kazakhstan,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre élargie),

composé de MM. N. J. Forwood, président, J. Pirrung, P. Mengozzi, A. W. H. Meij et M. Vilaras, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 26 novembre 2002,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1.
    Depuis le début des années 80, des mesures antidumping ont été instituées contre des importations de ferrosilicium originaires de certains pays tiers. Des mesures concernant les importations originaires du Venezuela ont été instaurées en 1983. Les importations originaires du Brésil et de l'Union soviétique étaient visées par le règlement (CEE) n° 2409/87 de la Commission, du 6 août 1987, instituant un droit antidumping provisoire à l'importation du ferrosilicium originaire du Brésil et portant acceptation des engagements souscrits par Italmagnésio SA au Brésil et Promsyrio-Import en Union soviétique (JO L 219 p. 24). Par le règlement (CEE) n° 3650/87, du 3 décembre 1987, le Conseil a institué un droit antidumping définitif sur les importations de ferrosilicium originaire du Brésil (JO L 343, p. 1). Le 5 février 1990, le Conseil, par le règlement (CEE) n° 341/90, a accepté des engagements et institué un droit antidumping définitif sur les importations de ferrosilicium originaire d'Islande, de Norvège, de Suède, du Venezuela et de Yougoslavie, à l'exception de celles réalisées à partir de ventes à l'exportation à destination de la Communauté effectuées par les sociétés dont les engagements avaient été acceptés (JO L 38, p. 1). Ces mesures ont été complétées et étendues par le règlement (CE) n° 3359/93 du Conseil, du 2 décembre 1993, modifiant les mesures antidumping instituées sur les importations de ferrosilicium originaires de Russie, du Kazakhstan, d'Ukraine, d'Islande, de Norvège, de Suède, du Venezuela et du Brésil (JO L 302, p. 1). Les mesures instituées sur les importations en provenance d'Islande, de Norvège et de Suède ont été suspendues à compter du 1er janvier 1994 par le règlement (CEE) n° 5/94 du Conseil, du 22 décembre 1993, relatif à la suspension des mesures antidumping appliquées aux pays de l'AELE (JO L 3, p. 1).

2.
    Le 17 mars 1994, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 621/94 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de ferrosilicium originaire d'Afrique du Sud et de la République populaire de Chine (JO L 77, p. 48).

3.
    En outre, un droit antidumping définitif sur les importations de ferrosilicium originaires de Pologne et d'Égypte a été institué par le règlement (CE) n° 3642/92 du Conseil, le 14 décembre 1992 (JO L 369, p. 1). Ce droit est devenu caduc à la suite de la décision 1999/426/CE de la Commission, du 4 juin 1999, clôturant la procédure antidumping concernant les importations de ferrosilicium originaire d'Égypte et de Pologne (JO L 166, p. 91), la Commission ayant considéré que la réapparition du préjudice était peu probable. Le recours de la requérante Euroalliages contre cette dernière décision a été rejeté par l'arrêt du Tribunal du 20 juin 2001, Euroalliages/Commission (T-188/99, Rec. p. II-1757, ci-après l'«arrêt Euroalliages I»).

4.
    Le 10 juin 1998, la Commission a publié un avis d'expiration prochaine des mesures antidumping instaurées par les règlements nos 3359/93 et 621/94 (JO C 177, p. 4).

5.
    À la suite de la publication de cet avis, la requérante Euroalliages a déposé une demande de réexamen des mesures parvenant à expiration au titre de l'article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1, ci-après le «règlement de base»), pour ce qui est des importations originaires du Brésil, de la République populaire de Chine, du Kazakhstan, de la Russie, de l'Ukraine et du Venezuela.

6.
    Ayant conclu, après consultation du comité consultatif, à l'existence d'éléments de preuve suffisants pour justifier l'ouverture d'un réexamen au titre de l'article 11, paragraphe 2, du règlement de base, la Commission a publié un avis d'ouverture d'une telle procédure au Journal officiel des Communautés européennes (JO 1998, C 382, p. 9) et a entamé une enquête. L'enquête relative aux pratiques de dumping a couvert la période comprise entre le 1er octobre 1997 et le 30 septembre 1998 (ci-après la «période d'enquête»). L'examen du préjudice a couvert la période allant de 1993 à la fin de la période d'enquête. Aux fins de l'examen de l'intérêt communautaire, la Commission a procédé à une analyse depuis 1987 jusqu'à la période d'enquête.

7.
    Conformément à l'article 11, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de base, les mesures instaurées à l'encontre des importations visées par la demande de réexamen sont restées en vigueur en attendant le résultat du réexamen.

8.
    L'enquête a duré plus de deux ans, ce que la Commission explique par les difficultés rencontrées pour rassembler certaines informations, vu le grand nombre de pays concernés et les changements intervenus dans la composition de la Communauté en 1995, et par les délais accordés aux parties pour présenter leur point de vue, étant donné la complexité de l'analyse de l'intérêt de la Communauté.

9.
    Dans un document du 28 août 2000, la Commission a exposé les faits et éléments essentiels sur la base desquels il était envisagé de recommander que la venue à expiration des mesures soit autorisée (ci-après le «disclosure document»).

10.
    Le 21 février 2001, la Commission a adopté la décision 2001/230/CE, clôturant la procédure antidumping concernant les importations de ferrosilicium originaires du Brésil, de la République populaire de Chine, du Kazakhstan, de Russie, d'Ukraine et du Venezuela (JO L 84, p. 36, ci-après la «décision attaquée»).

11.
    Cette décision expose que le réexamen effectué a amené la Commission à conclure que, s'agissant des importations de ferrosilicium en provenance de Chine, du Kazakhstan, de Russie et d'Ukraine, l'expiration des mesures favoriserait la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice. Le considérant 129 des motifs de la décision litigieuse est ainsi formulé:

«Compte tenu des conclusions selon lesquelles il existe une probabilité de continuation et de réapparition du dumping et d'une augmentation sensible des importations faisant l'objet d'un dumping originaires de Chine, du Kazakhstan, de Russie [et d'Ukraine] en cas d'expiration des mesures, il est conclu que la situation de l'industrie communautaire risque de se détériorer. Même si l'ampleur de cette détérioration est difficile à évaluer, il est probable qu'on assistera à une réapparition du préjudice compte tenu des tendances à la baisse des prix et de la rentabilité de cette industrie. En ce qui concerne le Venezuela, on ne s'attend pas à ce que l'expiration des mesures ait un effet préjudiciable important.»

12.
    La Commission a ensuite examiné si le maintien des mesures antidumping était dans l'intérêt général de la Communauté. Dans le cadre de cette appréciation, elle a tenu compte de plusieurs éléments, à savoir, premièrement, du fait que l'industrie communautaire n'a pas été en mesure de profiter suffisamment des mesures en vigueur depuis 1987 ni n'a pu profiter, en termes de parts de marché, de la cessation d'activités d'anciens producteurs communautaires et, deuxièmement, de la circonstance selon laquelle les producteurs communautaires d'acier ont dû supporter des coûts supplémentaires liés aux mesures antidumping durant la période d'application de ces mesures.

13.
    Aux considérants 153 et 154 des motifs de la décision attaquée, la Commission a conclu comme suit:

«(153)    Dès lors, même si l'incidence précise de l'expiration des mesures sur l'industrie communautaire est incertaine et si l'expérience passée montre qu'il n'est pas sûr que le maintien des mesures aura d'importantes retombées profitables à l'industrie communautaire, il est clair que l'industrie sidérurgique a subi des effets négatifs cumulés à long terme, qui seraient indûment prolongés si les mesures étaient maintenues.

(154)     Par conséquent, après avoir apprécié l'incidence de la prorogation ou de l'expiration des mesures sur les différents intérêts en jeu, conformément aux dispositions de l'article 21 du règlement de base, la Commission peut clairement conclure que le maintien des mesures actuelles est contraire aux intérêts de la Communauté. La venue à expiration des mesures devrait donc être autorisée.»

14.
    Pour ces motifs, le dispositif de la décision attaquée porte clôture de la procédure antidumping en cause et, par voie de conséquence, expiration des mesures concernant les importations sous examen.

Procédure et conclusions des parties

15.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juin 2001, les requérantes ont formé le présent recours.

16.
    Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, elles ont également introduit une demande visant, à titre principal, à ce que soit ordonné le sursis à l'exécution de la décision litigieuse en ce qu'elle clôt la procédure antidumping concernant les importations de ferrosilicium originaires de Chine, du Kazakhstan, de Russie et d'Ukraine et à ce qu'il soit enjoint à la Commission de rétablir les droits antidumping institués par les règlements nos 3359/93 et 621/94 et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint à la Commission d'exiger des importateurs de ferrosilicium originaire de ces quatre pays qu'ils fournissent une caution correspondant aux droits antidumping institués par lesdits règlements et soumettent leurs importations à enregistrement, ou, plus subsidiairement encore, à ce qu'il soit enjoint à la Commission d'exiger desdits importateurs qu'ils soumettent leurs importations à enregistrement.

17.
    Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour également, les requérantes ont, en outre, introduit une demande de statuer selon une procédure accélérée au titre de l'article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal. Cette demande a été rejetée par décision de la deuxième chambre élargie du 12 juillet 2001.

18.
    Par ordonnance du 1er août 2001, Euroalliages e.a./Commission (T-132/01 R, Rec. p. II-2307), le président du Tribunal a ordonné que les importations de ferrosilicium originaires de Chine, du Kazakhstan, de Russie et d'Ukraine soient soumises à une procédure d'enregistrement, sans constitution de garanties par les importateurs.

19.
    Par ordonnance du 14 décembre 2001, Commission/Euroalliages e.a. [C-404/01 P(R), Rec. p. I-10367], le président de la Cour a annulé l'ordonnance du président du Tribunal du 1er août 2001 et renvoyé l'affaire devant le Tribunal.

20.
    Par ordonnance du 27 février 2002, Euroalliages e.a./Commission (T-132/01 R, Rec. p. II-777), le président du Tribunal a rejeté la demande en référé.

21.
    Par ordonnance du président de la deuxième chambre élargie du Tribunal du 6 novembre 2001, le royaume d'Espagne a été admis à intervenir au soutien des conclusions des requérantes. Par ordonnance du président de la deuxième chambre élargie du Tribunal du 7 janvier 2002, les entreprises TNC Kazchrome et Alloy 2000 SA. ont été admises à intervenir au soutien de la Commission. Les parties requérantes ont demandé, conformément à l'article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure, que certains éléments confidentiels, contenus dans leur demande de statuer selon une procédure accélérée, soient exclus de la communication aux parties intervenantes. Elles ont produit une version non confidentielle de ce mémoire. La communication aux parties intervenantes des actes de procédure a été limitée à cette version non confidentielle. Les parties intervenantes n'ont pas soulevé d'objection à ce sujet. Elles ont déposé leurs mémoires dans le délai qui leur a été imparti à cet effet.

22.
    Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée pour ce qui est des importations originaires de Chine, de Russie, d'Ukraine et du Kazakhstan;

-    condamner la Commission aux dépens.

23.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner les requérantes aux dépens.

24.
    Le royaume d'Espagne conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours recevable;

-    accueillir les conclusions formulées par les requérantes;

-    condamner la Commission aux dépens.

25.
    Les parties intervenantes TNC Kazchrome et Alloy 2000 concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner les requérantes aux dépens exposés par les parties intervenantes.

En droit

26.
    Les requérantes articulent leurs griefs en deux moyens, tirés, d'une part, d'une violation des articles 11, paragraphe 2, 21 et 6, paragraphe 6, du règlement de base ainsi que des droits de la défense dans la détermination de l'intérêt de la Communauté et, d'autre part, d'erreurs manifestes d'appréciation dans l'analyse de l'intérêt de la Communauté. En substance, les griefs soulevés dans le cadre de ces deux moyens peuvent être répartis en cinq groupes. Premièrement, les requérantes reprochent à la Commission d'avoir, dans le cadre de son appréciation de l'intérêt communautaire, pris en considération certains éléments en violation des articles 11, paragraphe 2, et 21 du règlement de base (première à quatrième branche du premier moyen) (B). Deuxièmement, les requérantes invoquent une violation de l'article 6, paragraphe 6, du règlement de base ainsi que des droits de la défense au motif que la Commission a refusé d'organiser une réunion de confrontation avec les utilisateurs (cinquième branche du premier moyen) (C). En troisième lieu, les requérantes soutiennent que la Commission ne pouvait pas remettre en cause les conclusions sur l'intérêt de la Communauté adoptées par le Conseil lors de l'institution des mesures (première branche du deuxième moyen) (A). En quatrième lieu, les requérantes reprochent à la Commission d'avoir commis plusieurs erreurs manifestes d'appréciation dans son analyse de l'intérêt de la Communauté (deuxième à quatrième branche du deuxième moyen) (D). Enfin, sans soulever explicitement un moyen à cet égard, les requérantes reprochent à la Commission de n'avoir pas suffisamment motivé la décision attaquée à plusieurs égards (E).

27.
    Il y a lieu de traiter, tout d'abord, les principes régissant l'évaluation de l'intérêt communautaire lors d'un réexamen de mesures venant à expiration et d'examiner, dans ce contexte, la première branche du deuxième moyen.

A- Sur les principes régissant l'évaluation de l'intérêt communautaire lors d'un réexamen de mesures venant à expiration et sur la première branche du deuxième moyen

1. Arguments des parties

28.
    Pour ce qui est, d'une part, du cadre juridique général du présent litige, les parties ont exprimé, dans leur argumentation relative aux moyens des requérantes, des opinions divergentes quant à l'interprétation des dispositions régissant les pouvoirs et obligations de la Commission en l'espèce.

29.
    Le royaume d'Espagne, partie intervenante au soutien des requérantes, considère que la décision attaquée est contraire à une interprétation littérale de l'article 11, paragraphe 2, du règlement de base. Il estime que, dès lors qu'une probabilité de réapparition du dumping et du préjudice est établie, la Commission doit en tirer les conséquences prévues par cette disposition et que son pouvoir d'appréciation ne peut pas l'amener à la conclusion qu'elle a tirée en l'espèce.

30.
    S'agissant de l'examen de l'intérêt communautaire, les requérantes font valoir que l'article 21 du règlement de base entend encadrer strictement tant les conditions dans lesquelles peuvent s'exprimer les parties intéressées que les éléments que les institutions peuvent prendre en considération. Elles soulignent que cette nouvelle disposition permet aux institutions communautaires de ne pas adopter des mesures antidumping même si un dumping préjudiciable est constaté, ce qui est une décision particulièrement grave en termes d'impact sur l'industrie communautaire concernée. Selon les requérantes, une interprétation libérale de l'article 21 serait contraire aux intentions des États membres qui ont souhaité que l'analyse de l'intérêt de la Communauté dans le cadre de la procédure antidumping n'entraîne pas de «dérive» qui porterait préjudice à l'utilisation nécessaire de cet instrument. Les requérantes font valoir en ce sens le considérant 30 du règlement de base.

31.
    Les requérantes sont d'avis que l'article 21 du règlement de base n'a pas été conçu pour que la Commission procède d'elle-même à une analyse approfondie de l'intérêt de la Communauté. Selon elles, cette analyse approfondie doit découler des allégations et des éléments de preuve pertinents fournis par les parties intéressées. Elles affirment que la charge de la preuve dans ce contexte pèse notamment sur les utilisateurs. Selon les requérantes, les analyses complémentaires que peut mener la Commission ne peuvent servir qu'à vérifier les allégations et les éléments de preuve fournis par les parties intéressées.

32.
    D'autre part, au soutien de la première branche de leur deuxième moyen, les requérantes rappellent que le Conseil a conclu, lors de l'adoption des mesures faisant l'objet du réexamen litigieux, qu'il était dans l'intérêt de la Communauté d'imposer des mesures antidumping, notamment au regard de l'impact des mesures sur les utilisateurs. Elles estiment que la Commission ne pouvait remettre en cause ces conclusions que si des éléments nouveaux pouvaient permettre de penser que ces mesures avaient eu une incidence négative anormale sur la situation des utilisateurs. Les requérantes relèvent que la Commission a considéré, dans le cadre de son disclosure document du 28 août 2000, qu'une situation nouvelle existait pour les utilisateurs parce que la part du coût du ferrosilicium dans les coûts de production des utilisateurs avait augmenté, mais qu'elle n'a pas maintenu ce raisonnement à la suite des arguments développés par les requérantes à ce sujet. Les requérantes en déduisent que, la part du coût du ferrosilicium dans les coûts de production des utilisateurs étant restée la même pendant la période dans laquelle les mesures étaient en vigueur, il n'existe pas de raison valable pour que la Commission s'écarte des conclusions du Conseil. En outre, les requérantes sont d'avis que la Commission ne saurait invoquer un prétendu effet cumulatif des mesures pour justifier leur expiration.

33.
    La Commission conteste la thèse des requérantes selon laquelle elle aurait un rôle essentiellement passif, cantonné à la vérification des allégations et des éléments de preuve fournis par les parties intéressées, lorsqu'il s'agit d'analyser l'intérêt communautaire. La Commission estime qu'elle a un devoir d'objectivité et de diligence conformément aux principes de bonne administration. Elle en déduit qu'elle ne doit pas examiner uniquement les éléments de preuve qui lui seraient éventuellement apportés par les parties intéressées.

34.
    Les parties intervenantes soutiennent que la Commission bénéficie d'une marge d'appréciation considérable pour décider de l'intérêt communautaire à la continuation de droits antidumping.

35.
    En ce qui concerne la première branche du deuxième moyen, la Commission fait valoir que l'appréciation qu'elle fait lors de la mise en balance des différents intérêts en jeu doit être prospective et peut évoluer pendant les cinq années durant lesquelles les mesures restent normalement en vigueur.

2. Appréciation du Tribunal

a) Sur l'interprétation des articles 11, paragraphe 2, et 21 du règlement de base

36.
    Selon l'article 11, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de base, une mesure antidumping expire cinq ans après son institution «à moins qu'il n'ait été établi lors d'un réexamen que l'expiration de la mesure favoriserait la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice».

37.
    Il ressort de ce texte, tout d'abord, que l'expiration d'une mesure après cinq ans est la règle, alors que son maintien constitue une exception. Ensuite, il en ressort que le maintien d'une mesure dépend du résultat d'une appréciation des conséquences de son expiration, donc d'un pronostic fondé sur des hypothèses quant à des développements futurs de la situation du marché concerné. Enfin, il ressort de cette disposition qu'une simple possibilité de continuation ou de réapparition du préjudice ne suffit pas pour justifier le maintien d'une mesure, celui-ci étant subordonné à ce que la probabilité d'une continuation ou d'une réapparition du préjudice ait été constatée positivement, sur la base d'une enquête, par les autorités compétentes (arrêt Euroalliages I, points 41, 42 et 57).

38.
    L'article 11, paragraphe 2, du règlement de base ne mentionne pas explicitement l'intérêt communautaire parmi les conditions pour le maintien d'une mesure venant à expiration.

39.
    Néanmoins, l'article 11, paragraphe 5, du règlement de base prévoit que le réexamen des mesures venant à expiration doit être mené selon les dispositions pertinentes de ce règlement concernant les procédures et la conduite des enquêtes. En outre, l'article 11, paragraphe 9, du règlement de base dispose:

«Dans toutes les enquêtes de réexamen ou de remboursement effectuées en vertu du présent article, la Commission applique, dans la mesure où les circonstances n'ont pas changé, la même méthode que dans l'enquête ayant abouti à l'imposition du droit, compte tenu des dispositions de l'article 2, et en particulier de ses paragraphes 11 et 12, et des dispositions de l'article 17.»

40.
    Il peut être déduit de ces dispositions que les conditions pour le maintien d'une mesure venant à expiration sont, mutatis mutandis, les mêmes que celles pour l'institution de nouvelles mesures.

41.
    à cet égard, l'article 9, paragraphe 4, du règlement de base dispose:

«Lorsqu'il ressort de la constatation définitive des faits qu'il y a dumping et préjudice en résultant et que l'intérêt de la Communauté nécessite une action conformément à l'article 21, un droit antidumping définitif est imposé par le Conseil statuant à la majorité simple sur proposition de la Commission présentée après consultation du comité consultatif.»

42.
    Par conséquent, la condition de l'intérêt communautaire prévue par les articles 9, paragraphe 4, et 21 du règlement de base doit également être prise en considération lorsqu'il s'agit de décider du maintien des mesures venant à expiration dans le cadre d'un réexamen.

43.
    Dans ce contexte, il convient de relever que l'institution de mesures antidumping a un caractère facultatif qui résulte notamment de l'article 1er, paragraphe 1, du règlement de base, selon lequel:

«Peut être soumis à un droit antidumping tout produit faisant l'objet d'un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans la Communauté cause un préjudice.»

44.
    Il résulte de l'ensemble des dispositions susmentionnées que le règlement de base ne confère pas, à l'industrie communautaire plaignante, un droit à l'institution de mesures de protection, même lorsque l'existence d'un dumping et celle d'un préjudice ont été établies. De même, l'industrie communautaire n'a pas droit au maintien d'une mesure venant à expiration, même lorsque la probabilité de la continuation ou de la réapparition du dumping et du préjudice a été constatée. En effet, de telles mesures ne peuvent être imposées ou maintenues que lorsqu'il a été constaté, en outre, conformément aux articles 9, paragraphe 4, et 21 du règlement de base, qu'elles sont justifiées au regard de l'intérêt de la Communauté.

45.
    à cet égard, il appartient, dans un premier temps, à la Commission, conformément à l'article 9, paragraphes 2 et 4, du règlement de base, d'examiner l'intérêt communautaire et de déterminer, après avoir consulté le comité consultatif, si une action est nécessaire.

46.
    Des règles détaillées régissant l'examen de l'intérêt communautaire figurent à l'article 21 du règlement de base, dont les paragraphes 2 à 7 précisent les règles de procédure applicables, et dont le paragraphe 1 dispose:

«Il convient, afin de déterminer s'il est de l'intérêt de la Communauté que des mesures soient prises, d'apprécier tous les intérêts en jeu pris dans leur ensemble, y compris ceux de l'industrie communautaire et des utilisateurs et consommateurs, et une telle détermination ne peut intervenir que si toutes les parties ont eu la possibilité de faire connaître leur point de vue conformément au paragraphe 2. Dans le cadre de cet examen, une attention particulière est accordée à la nécessité d'éliminer les effets de distorsion des échanges d'un dumping préjudiciable et de restaurer une concurrence effective. Des mesures déterminées sur la base du dumping et du préjudice établis peuvent ne pas être appliquées, lorsque les autorités, compte tenu de toutes les informations fournies, peuvent clairement conclure qu'il n'est pas dans l'intérêt de la Communauté d'appliquer de telles mesures.»

47.
    L'examen de l'intérêt communautaire conformément à cette disposition nécessite une évaluation des conséquences probables tant de l'application que de la non-application des mesures envisagées pour l'intérêt de l'industrie communautaire et pour les autres intérêts en jeu, notamment ceux des différentes parties mentionnées à l'article 21 du règlement de base. Cette évaluation implique un pronostic fondé sur des hypothèses concernant des événements futurs qui comporte l'appréciation de situations économiques complexes.

48.
    En outre, l'appréciation de l'intérêt communautaire requiert la mise en balance des intérêts des différentes parties concernées et de l'intérêt général et procède donc de choix de politique économique. à cet égard, l'article 21, paragraphe 1, dernière phrase, selon lequel les autorités peuvent renoncer à l'application de mesures lorsqu'elles «peuvent clairement conclure qu'il n'est pas dans l'intérêt de la Communauté» de les appliquer, oblige notamment la Commission à rendre transparente cette mise en balance des intérêts et à justifier ses conclusions, en exposant les éléments de fait dont dépend la justification de sa décision et les considérations juridiques qui l'ont amenée à prendre celle-ci. La Commission est donc tenue de motiver son appréciation de manière suffisamment précise et détaillée pour mettre le Tribunal en mesure d'exercer un contrôle juridictionnel effectif de cette détermination.

49.
    Dans ces conditions, il appartient au juge communautaire, lorsqu'il est saisi d'un recours en annulation dirigé contre une décision de la Commission clôturant une procédure antidumping pour des motifs liés à l'intérêt communautaire, de vérifier le respect des règles de procédure, l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, l'absence d'erreurs de droit ou d'erreurs manifestes dans l'appréciation de ces faits ou l'absence de détournement de pouvoir (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 10 mars 1992, Sharp Corporation/Conseil, C-179/87, Rec. p. I-1635, point 58, et arrêt du Tribunal du 15 octobre 1998, Industrie des poudres sphériques/Conseil, T-2/95, Rec. p. II-3939, point 292).

50.
    En revanche, il n'appartient pas au juge communautaire de substituer son appréciation à celle des institutions compétentes pour effectuer ce choix.

51.
    Dans le cadre de son contrôle, il appartient au juge communautaire de vérifier, notamment, si la Commission a respecté les règles procédurales figurant à l'article 21, paragraphes 2 à 7, du règlement de base.

52.
    Les principes régissant cette procédure sont énoncés à l'article 21, paragraphe 2, du règlement de base qui dispose:

«Afin que les autorités disposent d'une base fiable leur permettant de prendre en compte tous les points de vue et tous les renseignements lorsqu'elles statuent sur la question de savoir si l'institution de mesures est dans l'intérêt de la Communauté, les plaignants, les importateurs et leur association représentative et les organisations représentatives des utilisateurs et des consommateurs peuvent, dans les délais fixés dans l'avis d'ouverture de l'enquête antidumping, se faire connaître et fournir des informations à la Commission. Ces informations ou des synthèses appropriées de ces dernières sont communiquées aux autres parties désignées dans le présent article, lesquelles sont habilitées à y répondre.»

53.
    Il résulte des termes de l'article 21, paragraphe 2, du règlement de base que les règles procédurales de cet article ont pour but de garantir une appréciation de l'intérêt communautaire sur la base d'éléments aussi complets que possible, ainsi que représentatifs et fiables, sur lesquels toutes les parties intéressées ont eu l'occasion de faire valoir leur point de vue. Ces dispositions ont notamment pour objet de définir les conditions dans lesquelles la Commission est obligée de prendre en considération les informations fournies par les parties intéressées mentionnées à ce même paragraphe.

54.
    En revanche, ces dispositions ne visent pas à interdire à la Commission la prise en considération d'autres éléments, susceptibles d'être pertinents aux fins de l'appréciation de l'intérêt communautaire, qui n'ont pas été portés à sa connaissance selon les modalités prévues par les dispositions de l'article 21 du règlement de base. En effet, il incombe à la Commission de déterminer de manière aussi objective que possible si une mesure de protection est conforme à l'intérêt communautaire. À cet égard, la Commission a non seulement le droit, mais également l'obligation de se livrer à une appréciation globale de la situation du marché concerné par les mesures et des autres marchés sur lesquels ces mesures produisent leurs effets. Cela implique que la Commission puisse prendre en considération tout élément susceptible d'être pertinent pour son appréciation, indépendamment de la source dont il provient, à condition de s'assurer de son caractère représentatif et fiable.

b) Sur la première branche du deuxième moyen

55.
    En l'espèce, l'examen de l'intérêt communautaire a eu lieu dans le cadre d'un réexamen de mesures venant à expiration. Or, une procédure de réexamen de mesures venant à expiration se distingue d'une procédure visant à l'institution de nouvelles mesures du fait que, dans le cas d'un réexamen, une appréciation de l'intérêt communautaire a déjà eu lieu lors de la première adoption des mesures, et cet examen a abouti à la constatation que leur institution était compatible avec l'intérêt communautaire.

56.
    Il n'en résulte cependant pas que les institutions sont liées, dans le cadre du réexamen, par les conclusions adoptées par le Conseil au regard de l'intérêt communautaire lors de la première institution des mesures.

57.
    En particulier, le règlement de base part du principe que la durée des mesures est limitée à cinq ans, leur maintien après l'expiration de cette période étant une exception. Cette règle ne se justifie pas seulement par le respect de l'article 11 de l'accord sur la mise en .uvre de l'article VI de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l'«accord antidumping de l'OMC»), mais également au motif qu'une nouvelle appréciation de l'intérêt communautaire peut être opportune après une certaine période. En effet, les données à la base de l'appréciation de l'intérêt communautaire sont susceptibles de changer au cours de l'application des mesures, notamment en raison des effets de celles-ci.

58.
    Une nouvelle mise en balance des intérêts pertinents pour l'appréciation de l'intérêt communautaire en vue de déterminer si des mesures peuvent être maintenues au-delà de la période de cinq ans pour laquelle elles ont été adoptées n'est pas seulement nécessaire, comme le soutiennent les requérantes, lorsque les effets des mesures pour les utilisateurs sont particulièrement négatifs ou lorsque l'évolution du marché concerné pendant l'application des mesures est différente de celle envisagée au moment de l'institution des mesures. Même lorsque les effets des mesures sont tout à fait conformes aux prévisions des institutions, il n'en reste pas moins que les différents intérêts en jeu ont été mis en balance, initialement, dans la perspective d'une durée limitée des mesures. Cette mise en balance initiale n'est donc plus directement pertinente, par définition, lorsqu'il s'agit de décider du maintien des mesures au-delà de la période initialement envisagée.

59.
    Il y a lieu d'ajouter qu'on se trouve, dans le cas d'un réexamen de mesures venant à expiration, dans une situation dans laquelle des mesures de protection sont en vigueur. Les institutions disposent donc de données concrètes et vérifiables concernant les effets que les mesures ont produits depuis leur entrée en vigueur. Ces données peuvent faciliter l'analyse de l'intérêt communautaire par rapport à l'examen qui doit être fait dans le cadre d'une enquête visant à l'institution de nouvelles mesures, dans laquelle de pareilles données ne sont pas disponibles. Néanmoins, ces données ne remplacent ni l'analyse prospective des effets du maintien des mesures, ou de leur expiration au regard de l'intérêt communautaire, ni la mise en balance des intérêts auxquelles les institutions doivent se livrer.

60.
    Il s'ensuit que la Commission était tenue de procéder à une nouvelle analyse de l'intérêt communautaire dans le cadre de la procédure de réexamen des mesures en cause. Par ailleurs, l'étendue du contrôle juridictionnel de cette appréciation de l'intérêt communautaire n'est pas modifiée par le fait que l'analyse a eu lieu dans le cadre d'un réexamen. Il résulte de tout ce qui précède que la première branche du deuxième moyen des requérantes n'est pas fondée.

B- Sur les quatre premières branches du premier moyen

1. Sur la première branche du moyen, tirée d'une violation des articles 11, paragraphe 2, et 21 du règlement de base du fait de la prise en considération de la période depuis 1987 pour l'analyse de l'intérêt communautaire

a) Arguments des parties

61.
    Les requérantes, soutenues par le royaume d'Espagne, estiment que l'analyse de la situation de l'industrie communautaire dans la décision attaquée est faussée par la prise en considération de la période de 1987 jusqu'à la période d'enquête. Selon elles, la Commission aurait dû prendre comme point de départ la situation de l'industrie communautaire au moment de l'adoption des mesures soumises à réexamen, instaurées, en l'espèce, en décembre 1993 et en février 1994.

62.
    Elles font valoir que l'utilisation de la période antérieure à l'institution des mesures est contraire à la pratique de la Commission en matière de réexamens au titre de l'article 11, paragraphe 2, du règlement de base. Elles en déduisent que la Commission a retenu intentionnellement la période de 1987 jusqu'à la période d'enquête dans le but de ne pas renouveler les mesures et de condamner ainsi l'industrie communautaire.

63.
    Dans la réplique, les requérantes ajoutent que les questionnaires adressés aux producteurs communautaires et aux utilisateurs visaient spécifiquement à obtenir des informations pour la période datant de 1994 jusqu'à la période d'enquête. Elles estiment que, la Commission ayant cherché uniquement à obtenir des informations pour la période postérieure à 1994, la prise en considération de la période antérieure dépasse le cadre d'analyse strictement délimité par l'article 21 du règlement de base.

64.
    Les requérantes sont d'avis que la Commission aurait dû examiner séparément les périodes entre 1987 et 1993 et celles entre 1993/1994 et la période d'enquête. Si elle avait procédé ainsi, la Commission aurait conclu que la situation de l'industrie communautaire s'était dégradée pendant la première de ces périodes et avait nécessité l'adoption de mesures renforcées ou complémentaires, alors qu'elle s'était améliorée à partir de l'adoption des mesures concernées par le présent réexamen.

65.
    À titre subsidiaire, les requérantes font valoir que le raisonnement de la Commission repose sur une erreur factuelle, la Commission ayant méconnu qu'en l'espèce l'année 1987 ne pouvait pas être valablement utilisée comme année de référence.

66.
    La Commission, soutenue par les parties intervenantes, fait valoir que l'article 21 du règlement de base ne fixe aucune limite temporelle aux éléments que la Commission doit prendre en compte dans la détermination de l'intérêt de la Communauté. Elle est d'avis qu'il était de son devoir d'examiner l'impact des mesures antidumping concernant le même produit, qui étaient en vigueur depuis 1987, afin de construire un raisonnement prospectif valide.

b) Appréciation du Tribunal

67.
    S'agissant de l'évaluation d'une situation économique complexe, la Commission jouit d'un large pouvoir d'appréciation dans l'évaluation de l'intérêt communautaire. Le juge communautaire doit donc limiter son contrôle à la vérification du respect des règles de procédure, l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits et l'absence de détournement de pouvoir (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 28 octobre 1999, EFMA/Conseil, T-210/95, Rec. p. II-3291, point 57).

68.
    Le pouvoir d'appréciation de la Commission porte également sur les éléments qu'elle prend en considération pour évaluer les effets des mesures pour l'industrie communautaire et pour les autres groupes dont les intérêts sont pertinents pour évaluer l'intérêt communautaire. à cet égard, on ne saurait qualifier de manifestement erronée la considération de la Commission selon laquelle il était pertinent, aux fins de son analyse, de comparer la situation pendant l'application des mesures venant à expiration avec la situation antérieure. En effet, une analyse complète des données du passé, y compris celles afférentes à la période antérieure à l'instauration des mesures, ne peut que renforcer la validité de l'appréciation prospective de l'intérêt communautaire que la Commission est tenue de mener dans le cadre du réexamen.

69.
    Dans ces conditions, le fait que la Commission a suivi une pratique divergente dans d'autres procédures de réexamen n'affecte pas la validité de l'approche utilisée par la Commission en l'espèce.

70.
    Le fait que les questionnaires adressés aux producteurs communautaires et aux utilisateurs ont concerné uniquement la période à partir de 1994 ne s'oppose pas non plus à la prise en considération des données relatives à la période antérieure, dont la Commission disposait du fait des enquêtes qu'elle avait menées aux fins de l'institution des droits concernés en l'espèce. En effet, ainsi qu'il a été indiqué au point 54 ci-dessus, les règles procédurales figurant à l'article 21 du règlement de base n'interdisent pas à la Commission de prendre en considération des éléments, susceptibles d'être pertinents aux fins de l'appréciation de l'intérêt communautaire, qui n'ont pas été portés à sa connaissance selon les modalités prévues par cet article. Elles exigent, en revanche, que toutes les parties aient l'occasion de faire valoir leur point de vue au regard de ces éléments. Or, les requérantes ne contestent pas que les parties intéressées ont pu prendre connaissance de ces éléments pendant la procédure de réexamen, et qu'elles ont eu l'occasion de les commenter.

71.
    Dans le cadre de la présente branche du moyen, les requérantes critiquent, en outre, l'analyse des éléments auxquels la Commission s'est livrée. Il y a lieu d'examiner ces reproches ci-après, avec le deuxième moyen, tiré d'erreurs manifestes d'appréciation. Sous réserve de l'examen de ces derniers éléments, la première branche du premier moyen n'est donc pas fondée.

2. Sur la deuxième branche du moyen, tirée d'une violation de l'article 21, paragraphes 2 et 5, du règlement de base par la prise en considération des soumissions des utilisateurs présentées tardivement

a) Arguments des parties

72.
    Les requérantes, soutenues par le royaume d'Espagne, reprochent à la Commission d'avoir violé l'article 21, paragraphes 2 et 5, du règlement de base en utilisant des soumissions présentées par des utilisateurs en dehors du délai imparti par l'avis d'ouverture de la procédure de réexamen. Elles rappellent que l'avis d'ouverture de la procédure de réexamen avait fixé le 19 janvier 1999 comme délai pour que les différentes parties intéressées puissent se faire connaître et fournir des informations à la Commission aux fins de l'appréciation de l'intérêt communautaire. Elles indiquent que tant les soumissions volontaires présentées par deux associations et une société que les réponses au questionnaire adressé par la Commission aux utilisateurs ont été déposées postérieurement au 19 janvier 1999, avec des retards de 23 à 87 jours. Elles estiment que la Commission ne devait donc pas tenir compte de ces soumissions et réponses dans le cadre de son analyse.

73.
    Les requérantes critiquent la Commission pour avoir envoyé son questionnaire aux utilisateurs le 9 février 1999, en fixant un délai de réponse au 11 mars 1999, alors que le délai général prévu par l'avis d'ouverture de la procédure avait été fixé au 19 janvier 1999. Elles estiment que la pratique de la Commission, selon laquelle les questionnaires des utilisateurs sont envoyés postérieurement à l'envoi des questionnaires destinés aux producteurs, exportateurs et importateurs, est contraire à l'article 21 du règlement de base qui cherche à encadrer strictement les délais de procédure. Les requérantes reprochent notamment à la Commission d'avoir fondé en grande partie la décision contestée sur les éléments fournis par l'association Wirtschaftsvereinigung Stahl. Elles soutiennent que le document envoyé par cette association dans le délai fixé par la Commission pour les réponses au questionnaire ne peut pas être considéré comme une réponse en tant que telle, mais doit être traité comme une soumission volontaire, présentée manifestement hors délai.

74.
    Les requérantes sont d'avis que le non-respect des délais stricts, fixés à l'article 21, par les utilisateurs ou les importateurs pour leurs soumissions porte préjudice aux plaignants, parce qu'il leur rend difficile de prendre connaissance, en temps utile, de ces soumissions.

75.
    La Commission, soutenue par les parties intervenantes, estime qu'elle n'est nullement obligée de rejeter des soumissions déposées en dehors des délais fixés dans l'avis d'ouverture de la procédure, à condition que leur prise en considération ne nuise pas à la bonne administration de la procédure ni ne crée de discrimination entre les parties.

b) Appréciation du Tribunal

76.
    L'article 21, paragraphe 2, du règlement de base confère, notamment, aux organisations représentatives des utilisateurs et des consommateurs le droit de se faire connaître et de fournir des informations à la Commission dans les délais fixés dans l'avis d'ouverture de l'enquête antidumping.

77.
    L'article 21, paragraphe 5, dispose que «la Commission examine toutes les informations qui lui ont été correctement soumises».

78.
    Ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus aux points 53 à 54, les dispositions de l'article 21, paragraphes 2 à 5, du règlement de base obligent la Commission à prendre en considération les informations fournies par les parties intéressées dans les conditions qu'elles fixent, mais elles ne visent pas à interdire à la Commission la prise en considération d'autres éléments pertinents, même si ces derniers n'ont pas été portés à sa connaissance selon les modalités prévues.

79.
    Il s'ensuit qu'il n'est pas illégal pour la Commission d'envoyer des questionnaires à des utilisateurs et à leurs associations, même si l'article 21 ne l'y habilite pas explicitement. En effet, la pratique consistant à envoyer de tels questionnaires est conforme aux principes d'une bonne administration et à la finalité de l'article 21, paragraphe 2, du règlement de base.

80.
    En l'absence de dispositions régissant explicitement l'envoi de pareils questionnaires, la Commission dispose d'un pouvoir discrétionnaire au regard de l'opportunité d'y procéder, au regard du choix des destinataires et au regard des modalités y afférentes. Ce pouvoir discrétionnaire lui permet également de choisir le moment opportun pour l'envoi des questionnaires. Il n'est donc pas contraire au règlement de base d'y procéder à une date à laquelle le délai fixé par l'avis d'ouverture de la procédure de réexamen a déjà expiré.

81.
    S'agissant, ensuite, du fait que certaines réponses aux questionnaires ont été envoyées après l'expiration du délai de réponse fixé par la Commission, cette dernière a un très large pouvoir d'appréciation quant à l'opportunité de les prendre en considération. À ce sujet, il y a lieu de relever que la fixation d'un délai de réponse est nécessaire aux fins d'un bon déroulement de la procédure dans les délais prévus par le règlement de base. Cependant, dans la mesure où la prise en considération de réponses aux questionnaires produites postérieurement à l'expiration du délai fixé à cet effet ne risque pas de porter atteinte aux droits procéduraux des autres parties et n'a pas pour effet de prolonger indûment la procédure, elle ne saurait être considérée comme irrégulière. En l'espèce, les requérantes ne se plaignent ni d'une atteinte à leur droit de prendre position sur les soumissions ni de la durée excessive du réexamen. Par conséquent, la prise en considération des réponses tardives aux questionnaires ne rend pas illégale la décision attaquée.

82.
    S'agissant, enfin, des soumissions de la Wirtschaftsvereinigung Stahl, il y a lieu de constater que ce document contient, en substance, des réponses au questionnaire de la Commission. Le fait qu'il ne se présente pas sous la forme d'une réponse à ce questionnaire ne s'oppose pas à sa prise en considération.

83.
    Il convient d'ajouter que ni les requérantes ni le royaume d'Espagne, intervenu à l'appui de leurs conclusions, n'ont apporté d'éléments susceptibles de démontrer que la prise en considération des soumissions des utilisateurs présentées en dehors du délai imparti par l'avis d'ouverture de la procédure de réexamen a conduit la Commission à effectuer son appréciation sur une base factuelle incomplète, inexacte ou erronée.

84.
    Il s'ensuit que la deuxième branche du premier moyen n'est pas fondée.

3. Sur la troisième branche du moyen, tirée d'une violation de l'article 21, paragraphe 5, du règlement de base en raison du caractère non représentatif des soumissions des utilisateurs

a) Arguments des parties

85.
    Les requérantes, soutenues par le royaume d'Espagne, reprochent à la Commission d'avoir violé l'article 21, paragraphe 5, du règlement de base en considérant que les soumissions présentées par les utilisateurs étaient représentatives. Les requérantes indiquent que, selon le disclosure document de la Commission, les utilisateurs qui ont fourni des informations ne représentaient que 10 % de la consommation communautaire, ce qui, selon elles, n'est manifestement pas représentatif. Les requérantes critiquent le fait que la décision attaquée ne contient aucune analyse pour justifier que le très faible nombre d'utilisateurs retenu ait un caractère représentatif. Aucune justification à cet égard ne serait non plus apparue dans le disclosure document. Dans la réplique, les requérantes relèvent qu'il appartient à la Commission de prouver qu'elle a effectivement procédé à une analyse de la représentativité et du bien-fondé des informations soumises par les utilisateurs dans le cadre de la procédure administrative. Elles reprochent à la Commission de tenter de renverser cette charge de la preuve.

86.
    Les requérantes supposent, en outre, que la Commission a omis de communiquer au comité consultatif les résultats de son examen concernant la représentativité et son avis sur le bien-fondé des informations soumises à propos de l'intérêt de la Communauté. Dans la réplique, les requérantes demandent au Tribunal d'ordonner, à titre de mesure d'instruction conformément à l'article 65, paragraphe 2, du règlement de procédure, la production d'une copie du document attestant que les résultats de l'examen de la représentativité des soumissions ainsi que l'avis sur le bien-fondé de ces informations ont été transmis au comité consultatif.

87.
    Les requérantes sont d'avis que, si un examen approprié du caractère représentatif des soumissions avait eu lieu, le résultat de la procédure de réexamen en aurait été affecté.

88.
    La Commission et les parties intervenantes contestent ces reproches. Les parties intervenantes estiment qu'il convient de distinguer la notion de représentativité de celle de quantité, la première ne faisant pas référence à une mesure, mais à une analyse. Elles affirment que des projections valables pour une industrie entière peuvent être établies à partir d'un échantillon beaucoup plus réduit que 10 %. La Commission considère que les soumissions déposées étaient représentatives. Elle relève, en outre, que les requérantes ne contestent nullement les faits présentés par les utilisateurs.

b) Appréciation du Tribunal

89.
    L'article 21, paragraphe 5, du règlement de base dispose:

«La Commission examine toutes les informations qui lui ont été correctement soumises et détermine dans quelle mesure elles sont représentatives; les résultats de cet examen, ainsi qu'un avis sur le bien-fondé de ces informations, sont communiqués au comité consultatif. L'équilibre des opinions exprimées au sein du comité doit être pris en considération par la Commission dans toute proposition faite en application de l'article 9.»

90.
    En ce qui concerne le reproche selon lequel les soumissions des utilisateurs ayant fourni des informations n'étaient pas représentatives parce que ces utilisateurs ne représentaient que 10 % de la consommation communautaire, il y a lieu de relever que le caractère représentatif des soumissions ne dépend pas du nombre et des parts de marché des entreprises concernées. Pour déterminer si des informations fournies par un nombre restreint d'entreprises sont représentatives pour le secteur concerné, il importe plutôt de savoir si ces entreprises constituent un échantillon typique des différentes catégories d'opérateurs de ce secteur. Par conséquent, le seul fait que les cinq entreprises utilisatrices qui ont répondu aux questionnaires de la Commission ne représentent que 10 % de la consommation de ferrosilicium dans la Communauté ne permet pas de conclure nécessairement qu'il ne s'agit pas d'un groupe représentatif d'utilisateurs. Il en va d'autant plus ainsi que ces cinq entreprises sont établies dans quatre États membres différents (Luxembourg, Espagne, Allemagne et Belgique). En outre, la Commission a disposé des observations de la Wirtschaftsvereinigung Stahl, qui représente, quant à elle, approximativement 30 % de la production sidérurgique communautaire.

91.
    Par conséquent, les requérantes n'ont pas démontré une erreur de la Commission quant au caractère représentatif des soumissions des utilisateurs. Par ailleurs, les requérantes n'ont fourni aucun élément concret dont on pourrait déduire que les éléments avancés par les utilisateurs étaient de nature à fausser l'analyse de l'intérêt communautaire par la Commission.

92.
    Pour ce qui est du deuxième reproche, avancé dans la réplique et tiré de ce que la Commission a omis de procéder à une analyse effective du caractère représentatif de ces soumissions, il convient de relever que la Commission a indiqué, tant dans le disclosure document (point 9.4.) que dans la décision attaquée (considérant 145), qu'elle a vérifié les informations fournies par les utilisateurs. Notamment, elle affirme dans la décision attaquée, sans être contredite par les requérantes, qu'elle les a comparées avec des statistiques officielles. Cela démontre que la Commission a bien procédé à un examen du caractère représentatif desdites informations. Par conséquent, l'argument des requérantes selon lequel il appartient à la Commission de prouver la réalité d'un tel examen n'est pas pertinent pour la solution du présent litige.

93.
    En outre, les requérantes n'ont pas avancé de raisons sérieuses susceptibles de mettre en doute la représentativité des soumissions obtenues par la Commission. Dans ces conditions, on ne saurait exiger que la Commission consacre des développements détaillés à ce sujet dans le disclosure document ou dans la décision attaquée.

94.
    S'agissant, en troisième lieu, du soupçon des requérantes selon lequel la Commission a violé l'article 21, paragraphe 5, du règlement de base en omettant de transmettre, au comité consultatif, les résultats de son examen du caractère représentatif des informations soumises à propos de l'intérêt de la Communauté et son avis sur le bien-fondé de celles-ci, il y a lieu d'examiner tout d'abord la demande des requérantes visant à ce que le Tribunal ordonne la production du document transmis au comité consultatif, au titre de l'article 65, sous b), du règlement de procédure. à ce sujet, l'article 19, paragraphe 5, du règlement de base dispose que «[l]es informations échangées entre la Commission et les états membres, les informations relatives aux consultations organisées en application de l'article 15 ou les documents internes préparés par les autorités de la Communauté ou de ses états membres ne sont pas divulgués, sauf si leur divulgation est expressément prévue par le présent règlement». Certes, le caractère confidentiel ou interne d'un document ne constitue pas un obstacle absolu à ce que le Tribunal puisse ordonner sa production à titre de mesure d'instruction. Cependant, selon une jurisprudence constante, au cours de la procédure devant le juge communautaire, des documents internes des institutions ne sont pas portés à la connaissance des parties requérantes, sauf si les circonstances exceptionnelles de l'espèce l'exigent, sur la base d'indices sérieux qu'il leur appartient de fournir (ordonnance de la Cour du 18 juin 1986, BAT et Reynolds/Commission, 142/84 et 156/84, Rec. p. 1899, point 11; arrêt du Tribunal du 27 octobre 1994, John Deere/Commission, T-35/92, Rec. p. II-957, point 31). Or, les requérantes n'ont pas présenté des indices justifiant, en l'espèce, que la production de ce document soit, exceptionnellement, ordonnée.

95.
    En effet, il convient de relever que l'article 21, paragraphe 5, du règlement de base oblige la Commission à communiquer au comité consultatif les résultats de son examen des informations qui lui ont été soumises et son avis sur leur bien-fondé. Toutefois, cette obligation n'implique pas que la Commission doive présenter à ce comité une analyse exhaustive du caractère représentatif des soumissions. Dans ces conditions, il n'était pas nécessaire pour la Commission de fournir au comité consultatif des indications allant au-delà de celles que contiennent le disclosure document et la décision attaquée, aux endroits mentionnés ci-dessus au point 92. Or, il n'existe aucun élément concret susceptible de faire naître des doutes au regard de l'affirmation de la Commission selon laquelle le comité consultatif a disposé d'informations correspondant au contenu du disclosure document.

96.
    Il s'ensuit que les trois griefs soulevés dans le cadre de la troisième branche du premier moyen doivent être écartés.

4. Sur la quatrième branche du moyen, tirée d'une violation de l'article 21, paragraphe 7, du règlement de base par la prise en considération des soumissions non étayées des utilisateurs

a) Arguments des parties

97.
    Les requérantes, soutenues par le royaume d'Espagne, reprochent à la Commission d'avoir violé l'article 21, paragraphe 7, du règlement de base en tenant compte des soumissions présentées par les utilisateurs non étayées par des éléments de preuve concrets. En substance, les requérantes critiquent le contenu du considérant 146, troisième et quatrième phrases, de la décision attaquée, où il est exposé que, selon les utilisateurs, les mesures antidumping avaient limité leurs sources d'approvisionnement, maintenu les prix à un niveau artificiellement élevé et créé un désavantage concurrentiel des utilisateurs dans la Communauté par rapport à leurs concurrents extérieurs. Les requérantes sont d'avis que les réponses des utilisateurs aux questions posées à ce sujet à la section G (intitulée «other questions») du questionnaire n'étaient pas suffisantes pour fonder cette affirmation.

98.
    Dans la réplique, les requérantes font valoir que la Commission démontre, par sa propre affirmation selon laquelle les réponses des utilisateurs aux questions susmentionnées n'étaient que l'expression d'une opinion, qu'il y a eu, en l'espèce, une violation de l'article 21, paragraphe 7, du règlement de base.

99.
    Les requérantes relèvent, en outre, que la Commission elle-même reconnaît que son analyse de l'intérêt communautaire ne reposait pas sur des éléments de preuve concrets fournis par les utilisateurs, mais sur des éléments hypothétiques.

100.
    La Commission , soutenue par les parties intervenantes, fait valoir que, dans leurs réponses aux questions figurant à la section G du questionnaire, les utilisateurs expriment seulement une opinion et qu'on ne peut pas leur reprocher de ne pas avoir apporté des éléments de preuve concrets pour l'étayer.

101.
    S'agissant du reproche selon lequel ses conclusions reposent sur des éléments «hypothétiques», la Commission reconnaît qu'elle a retenu l'hypothèse d'une baisse des prix de 15 % sur le marché communautaire pour évaluer les effets de l'expiration des mesures. Selon la Commission, la nature hypothétique d'une baisse de prix de 15 % en cas d'expiration des mesures n'infirme cependant pas le fait incontestable qu'une baisse de prix profiterait aux utilisateurs.

b) Appréciation du Tribunal

102.
    L'article 21, paragraphe 7, du règlement de base dispose:

«L'information n'est prise en considération que lorsqu'elle est étayée par des éléments de preuve concrets qui fondent sa validité.»

103.
    Ce texte doit être interprété à la lumière de l'article 21, paragraphe 2, du règlement de base, qui vise à assurer que les autorités «disposent d'une base fiable leur permettant de prendre en compte tous les points de vue et tous les renseignements» lorsqu'elles statuent sur l'intérêt communautaire.

104.
    Cette disposition permet donc aux institutions non seulement la prise en considération de «renseignements» ou d'«informations», mais également de «points de vue». Dès lors, on ne saurait interpréter l'article 21, paragraphe 7, du règlement de base en ce sens qu'il s'oppose à la prise en considération des opinions des utilisateurs par la Commission ni en ce sens que cette prise en considération est conditionnée par leur corroboration par des éléments de preuve.

105.
    En effet, l'article 21, paragraphe 7, du règlement de base détermine les conditions dans lesquelles les parties intéressées peuvent se prévaloir d'un droit à ce que les informations qu'elles ont fournies soient prises en considération, mais il n'a pas pour objet de limiter les éléments dont les institutions peuvent tenir compte pour l'appréciation de l'intérêt communautaire.

106.
    En outre, la Commission n'a pas non plus violé l'article 21, paragraphe 7, du règlement de base en se fondant sur une hypothèse concernant la baisse des prix sur le marché communautaire en vue d'évaluer les effets de l'expiration des mesures sur les utilisateurs. Il est, en effet, inévitable d'avoir recours à des hypothèses lorsqu'il s'agit de prévoir les conséquences d'un événement futur. À cet égard, aucune différence n'existe entre l'examen de la probabilité d'une réapparition du dumping et du préjudice et l'examen de l'intérêt communautaire.

107.
    Par conséquent, la quatrième branche du premier moyen n'est pas fondée.

C- Sur la cinquième branche du moyen, tirée d'une violation de l'article 6, paragraphe 6, du règlement de base par le refus d'organiser une réunion de confrontation

1. Arguments des parties

108.
    Les requérantes, soutenues par le royaume d'Espagne, reprochent à la Commission d'avoir violé l'article 6, paragraphe 6, du règlement de base ainsi que les droits de la défense en refusant d'organiser une réunion de confrontation avec les utilisateurs. Les requérantes rappellent qu'elles ont demandé, dans une lettre du 30 novembre 2000, l'organisation d'une telle réunion et que cette demande a été rejetée.

109.
    Les requérantes sont d'avis que l'article 6 du règlement de base est applicable dans le cadre de l'examen de l'intérêt communautaire. Elles font valoir que la notion d'enquête au sens de l'article 6 du règlement de base ne se limite pas aux seuls aspects du dumping et du préjudice, mais couvre également les aspects liés à l'intérêt de la Communauté.

110.
    Selon les requérantes, les règles procédurales figurant à l'article 21 du règlement de base visent uniquement à conférer certains droits aux utilisateurs et aux consommateurs qui ne sont pas couverts par l'article 6 dudit règlement et à rappeler, dans certains cas, les droits procéduraux des plaignants qui résultent, quant à eux, fondamentalement de ce dernier article. Elles invoquent l'arrêt du Tribunal du 15 décembre 1999, Petrotub et Republica/Conseil (T-33/98 et T-34/98, Rec. p. II-3837), pour démontrer que l'article 21 du règlement de base n'exclut pas l'application d'autres dispositions conférant des droits procéduraux aux parties intéressées. Les requérantes sont d'avis qu'on ne saurait contester le droit des plaignants à obtenir une réunion de confrontation au motif que cela constituerait une discrimination par rapport aux utilisateurs auxquels ce droit n'est pas reconnu. Elles estiment qu'une telle «discrimination» découle déjà de l'article 6, paragraphe 6, du règlement de base.

111.
    Les requérantes ajoutent que l'interprétation qu'elles préconisent est conforme à l'accord antidumping de l'OMC, et notamment à l'article 6.2.2 de cet accord.

112.
    Le royaume d'Espagne, partie intervenante, souligne que l'article 6, paragraphe 6, du règlement de base est applicable dans le cadre des procédures de réexamen au titre de l'article 11, paragraphe 2, dudit règlement. Il estime que l'article 21 ne doit pas être isolé du contexte du règlement, étant donné que l'intérêt de la Communauté doit être apprécié pour toutes les procédures. Le royaume d'Espagne est, en outre, d'avis que les requérantes n'ont pas été en mesure de faire connaître leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances sur lesquels la Commission a fondé sa décision, parce que la réunion de confrontation a été refusée. Il estime donc que leurs droits de la défense ont été violés, d'autant plus que, en l'absence de ce refus, la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.

113.
    La Commission, soutenue par les parties intervenantes, relève que la confrontation n'est pas prévue à l'article 21 du règlement de base qui régit, selon des règles spécifiques, la manière d'évaluer l'intérêt de la Communauté. Elle indique que la confrontation n'est envisagée que dans le contexte de l'article 6 du règlement de base, qui traite des modalités de l'enquête portant uniquement sur le dumping et le préjudice. Selon la Commission et les parties intervenantes, l'interprétation extensive du droit de demander une réunion de confrontation, préconisée par les requérantes, n'est pas nécessaire afin d'assurer le respect de leurs droits de la défense.

2. Appréciation du Tribunal

114.
    L'article 6, paragraphe 6, du règlement de base dispose:

«À leur demande, des possibilités sont ménagées aux importateurs, aux exportateurs, aux représentants du gouvernement du pays exportateur et aux plaignants, qui se sont fait connaître conformément à l'article 5, paragraphe 10, de rencontrer les parties ayant des intérêts contraires pour permettre la confrontation des thèses opposées et d'éventuelles réfutations. Lorsque ces possibilités sont ménagées, il doit être tenu compte de la nécessité de sauvegarder le caractère confidentiel des renseignements ainsi que de la convenance des parties. Aucune partie n'est tenue d'assister à une rencontre et l'absence d'une partie n'est pas préjudiciable à sa cause. Les renseignements fournis oralement en vertu du présent paragraphe sont pris en compte dans la mesure où ils sont confirmés ultérieurement par écrit.»

115.
    Conformément à l'article 11, paragraphe 5, du règlement de base, l'article 6 de ce règlement s'applique aux procédures de réexamen.

116.
    En revanche, le règlement de base n'indique pas explicitement si les dispositions de son article 6, et notamment le paragraphe 6 de cet article, sont applicables dans le cadre de l'examen de l'intérêt communautaire au titre de l'article 21 de ce règlement.

117.
    Les règles de procédure relatives à l'examen de l'intérêt communautaire figurent, en principe, à l'article 21 du règlement de base. Notamment, l'article 21 prévoit, en ses paragraphes 3 et 4, le droit d'être entendu et, en son paragraphe 6, une information spécifique en faveur de certaines parties (à savoir les plaignants, les importateurs et leurs associations représentatives ainsi que les associations représentatives des utilisateurs et des consommateurs) dont les intérêts méritent d'être pris particulièrement en considération lors de l'appréciation de l'intérêt de la Communauté. L'article 21, paragraphes 3, 4 et 6, accorde donc aux parties qu'il mentionne un droit spécifique d'être entendues sur l'intérêt de la Communauté.

118.
    À l'égard de ces parties, les dispositions procédurales de l'article 21 constituent des dispositions spéciales qui garantissent pleinement leur droit d'être entendues et à côté desquelles il n'y a pas lieu d'appliquer les dispositions de l'article 6, paragraphe 6, du règlement de base.

119.
    Par ailleurs, toute autre interprétation des articles 21 et 6, paragraphe 6, du règlement de base, quant à leur champ d'application respectif, impliquerait une discrimination entre, d'une part, les importateurs et les plaignants, et, d'autre part, les utilisateurs et les associations de consommateurs qui n'y sont pas mentionnés. En effet, si l'article 6, paragraphe 6, du règlement de base était applicable à l'examen de l'intérêt communautaire, les premiers auraient le droit de demander une réunion de confrontation relative à l'intérêt communautaire, alors que les seconds n'auraient pas de droit équivalent.

120.
    Il convient d'ajouter que l'article 6, paragraphe 6, du règlement de base correspond aux obligations qui découlent de l'article 6, paragraphe 2, de l'accord antidumping de l'OMC. Or, l'accord antidumping de l'OMC concerne uniquement l'examen du dumping et du préjudice. Le législateur communautaire était donc tenu de prévoir des réunions de confrontation relatives à ces deux aspects. En revanche, aucune obligation ne découle de l'accord antidumping de l'OMC en ce qui concerne la procédure d'évaluation de l'intérêt communautaire. Dès lors, le législateur communautaire était libre de ne pas prévoir des réunions de confrontation à ce sujet.

121.
    Par conséquent, l'article 6, paragraphe 6, du règlement de base n'est pas applicable dans le cadre de l'examen de l'intérêt communautaire au titre de l'article 21, paragraphe 6, dudit règlement.

122.
    Il y a lieu d'ajouter que le reproche supplémentaire soulevé notamment par le royaume d'Espagne, selon lequel les requérantes n'auraient pas eu l'opportunité, en l'absence de réunion de confrontation, de faire connaître leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances sur lesquelles la décision attaquée a été fondée, n'est étayé par aucun élément concret. Dans ces conditions, le reproche tiré d'une violation des droits de la défense doit être écarté.

123.
    Il s'ensuit que la cinquième branche du premier moyen n'est pas fondée.

D- Sur les deuxième à quatrième branches du deuxième moyen, tirées d'erreurs manifestes d'appréciation dans l'analyse de l'intérêt de la Communauté

1. Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la situation de l'industrie communautaire, et sur l'erreur factuelle invoquée dans le cadre de la première branche du premier moyen

a) Arguments des parties

124.
    Les requérantes critiquent la description de l'évolution de la situation de l'industrie communautaire qui figure aux considérants 135 à 136 de la décision attaquée qui, selon elles, est trop négative. Elles estiment que cette analyse est faussée dans la mesure où la Commission compare la situation de l'industrie communautaire pendant la période d'enquête avec celle de l'année 1987.

125.
    Elles reprochent à la Commission, dans le cadre de la première branche du premier moyen, d'avoir commis une erreur factuelle en méconnaissant qu'en l'espèce l'année 1987 ne pouvait pas être valablement utilisée comme année de référence. À cet égard, les requérantes rappellent que les droits définitifs à l'égard des importations provenant de la Chine ont été imposés en 1994. Elles estiment que l'analyse portant sur la période entre 1987 et la période d'enquête ne peut donc pas être considérée comme valable pour ce qui est des importations chinoises. En ce qui concerne l'ex-Union soviétique, les requérantes reconnaissent que des mesures ont été imposées à partir de 1987, mais elles affirment que ces mesures ne sont devenues effectives qu'à compter de 1993/1994, parce que, entre 1987 et 1993/1994, les mesures instituées consistaient en des engagements de prix qui avaient été systématiquement violés par les exportateurs concernés. Enfin, en ce qui concerne le Venezuela et le Brésil, les requérantes rappellent que ces mesures devaient être abrogées sur la base de l'analyse du dumping et du préjudice et que leur analyse ne devait donc pas entrer en ligne de compte dans le raisonnement de la Commission sur l'intérêt de la Communauté.

126.
    Par la deuxième branche du deuxième moyen, les requérantes contestent, d'une part, les constatations de la décision attaquée quant à l'évolution de la situation de l'industrie communautaire et l'évaluation des effets des mesures faisant l'objet du réexamen pour cette industrie et, d'autre part, l'appréciation des conséquences de l'expiration des mesures.

127.
    Les requérantes exposent que, si la Commission avait analysé, comme elle devait le faire, l'évolution de l'industrie communautaire entre 1994 et la période d'enquête, c'est-à-dire l'évolution de l'industrie à la suite de l'imposition des mesures soumises au réexamen, plusieurs points positifs auraient pu être constatés, lesquels ne sont pas cités par la Commission dans la décision attaquée. Les requérantes relèvent les éléments suivants:

-    l'industrie communautaire a augmenté ses ventes de 15 %;

-    l'industrie communautaire a augmenté sa capacité de production de 6 %;

-    l'industrie communautaire a augmenté sa productivité de 21 %;

-    l'industrie communautaire est redevenue profitable avec une moyenne de 8,2 % de bénéfices pendant la période d'application des mesures (contre une perte de 34 % avant l'entrée en vigueur des mesures);

-    l'industrie communautaire a maintenu sa part de marché autour de 16,5 %.

128.
    Les requérantes reprochent à la Commission d'avoir commis une erreur manifeste d'appréciation en concluant que l'industrie communautaire n'avait pas su tirer profit des mesures antidumping. Elles rappellent que la situation de l'industrie communautaire s'est considérablement améliorée entre 1994 et la période d'enquête.

129.
    Elles critiquent la Commission pour avoir invoqué, au considérant 139 de la décision attaquée, une «chute» des bénéfices de l'industrie communautaire à la fin de la période analysée dans le but d'affirmer que les mesures n'ont pas produit les effets escomptés. La diminution des bénéfices évoquée par la Commission s'explique, selon les requérantes, par l'évolution des prix du ferrosilicium dans la Communauté. Les requérantes rappellent que l'industrie communautaire avait affiché des pertes de 34 % en 1993/1994. Les mesures lui auraient permis de devenir profitable et d'atteindre même des bénéfices de 11,2 % en 1996, alors que les institutions avaient estimé, lors de l'adoption du règlement n° 3359/93, qu'une marge de profit de 6 % était raisonnable pour l'industrie.

130.
    Les requérantes contestent également l'affirmation, figurant au considérant 139 de la décision attaquée, selon laquelle les parts de marché de l'industrie communautaire auraient baissé depuis 1994. Selon les requérantes, la part de marché de l'industrie communautaire était de 16,9 % en 1994 et non de 17,3 %, comme indiqué au considérant 99 de la décision attaquée. Elles sont d'avis que cette part de marché n'a pas diminué entre 1994 et la période d'enquête, pendant laquelle elle était de 16,5 %, mais qu'elle est restée relativement stable. Les requérantes estiment qu'on ne saurait déduire du fait que la part de marché de l'industrie communautaire n'a pas augmenté que cette dernière n'a pas profité des mesures. Selon les requérantes, la stabilisation de la part de marché de l'industrie communautaire signifie que celle-ci a, au moins, suivi l'évolution de la consommation communautaire, ce qui se traduit par l'augmentation de la production et des ventes sur ce marché.

131.
    Selon les requérantes, l'augmentation des importations en provenance de la Norvège ne peut pas être invoquée pour démontrer que l'industrie communautaire n'a pas bénéficié des mesures. Elles relèvent que la décision attaquée contient une erreur en ce qu'elle indique que les importations originaires de Norvège ont gagné, entre 1987 et la période d'enquête, une part de marché d'environ 20 points de pourcentage, alors que cette augmentation n'était, selon les chiffres contenus dans la décision attaquée elle-même, que d'environ 11 points de pourcentage. L'augmentation de la part de marché des importations norvégiennes s'explique, selon les requérantes, par le fait que les mesures antidumping à l'égard de ces importations, imposées depuis 1983, ont été suspendues en 1993 en préparation de l'entrée en vigueur de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE). Elles reprochent à la Commission de ne pas avoir tenu compte de ce facteur essentiel.

132.
    Les requérantes soulignent que le but des mesures antidumping n'est pas de protéger l'industrie communautaire contre des importations loyales, mais seulement contre les importations déloyales en restaurant, notamment, un niveau de prix normal sur le marché communautaire. Les requérantes estiment que les mesures antidumping concernées en l'espèce ont rempli cet objectif.

133.
    Les requérantes sont d'avis que, dans ces conditions, ni la fermeture de deux sociétés entre 1994 et la période d'enquête ni la réduction de l'emploi dans les sociétés restantes ne permettent d'infirmer la conclusion selon laquelle l'industrie communautaire a profité des mesures en cause.

134.
    Pour ce qui est de l'incidence de l'expiration des mesures sur l'industrie communautaire, les requérantes reprochent à la Commission d'avoir commis une erreur manifeste d'appréciation lors de son analyse, figurant au considérant 141 de la décision attaquée. Elles relèvent une divergence entre le point 9.2.3 du disclosure document et la décision attaquée à ce sujet, pour en déduire que le raisonnement de la Commission ne repose sur aucune base sérieuse. Elles estiment en outre qu'il existe une contradiction au sein de la décision attaquée entre le considérant 141, où il est affirmé que les utilisateurs souhaitent bénéficier de sources d'approvisionnement sûres dans la Communauté, et le considérant 146, selon lequel les utilisateurs se seraient plaints d'une limitation des sources d'approvisionnement.

135.
    La Commission relève, à titre liminaire, que les requérantes ne contestent pas les éléments de fait constatés aux considérants 135 et 136 de la décision attaquée. Elle estime avoir constaté à juste titre que l'industrie communautaire n'a pas profité suffisamment des mesures. Elle met en exergue le fait que, malgré une augmentation de sa production, de sa capacité de production et de sa productivité, l'industrie communautaire n'a pas pu augmenter sa part de marché et relève que ce sont, en revanche, les importations originaires de Norvège qui ont augmenté leur part de marché sous la protection des mesures antidumping.

136.
    La Commission conteste le reproche des requérantes selon lequel elle aurait simplement comparé la situation pendant la période d'enquête avec la situation en 1987, et non pas avec la situation en 1993/1994. Elle critique à plusieurs égards la comparaison effectuée par les requérantes entre la situation de l'industrie communautaire en 1994 et la situation de celle-ci pendant la période d'enquête. Tout en reconnaissant que l'industrie communautaire a augmenté sa rentabilité, elle relève que les mesures n'ont pas permis à cette industrie de maintenir une marge bénéficiaire raisonnable d'au moins 6 % pendant la période d'enquête.

137.
    S'agissant de l'incidence de l'expiration des mesures, la Commission estime que les requérantes n'ont pas établi que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste. Elle estime qu'il n'existe pas de contradiction entre la décision attaquée et le «disclosure document».

b) Appréciation du Tribunal

138.
    S'agissant de l'erreur factuelle alléguée par les requérantes dans le cadre de leur premier moyen, il résulte des considérants 133 et 134 de la décision attaquée que la Commission a tenu compte aussi bien du fait que les droits définitifs à l'égard de la Chine ont été imposés seulement en 1994 que du fait que les mesures concernant l'Union soviétique n'avaient pas été effectives avant 1993/1994, en raison de la violation des engagements par les exportateurs, qui avait été invoquée par les requérantes pendant la procédure administrative. La décision attaquée n'est donc entachée d'aucune erreur factuelle à ce sujet.

139.
    En outre, la prise en considération des effets des mesures concernant le Venezuela et le Brésil, visées par le même réexamen, ne saurait être qualifiée de manifestement erronée. En effet, ces mesures sont susceptibles d'avoir produit des effets aussi bien sur l'industrie plaignante que sur les utilisateurs, et de tels effets sont pertinents pour l'appréciation globale de la situation sur les marchés concernés que la Commission est tenue de mener dans le cadre de l'examen de l'intérêt de la Communauté.

140.
    Pour ce qui est du reproche selon lequel l'analyse de l'évolution de l'industrie communautaire serait faussée parce que la Commission se serait bornée à comparer cette situation en 1987 à celle qui existait pendant la période d'enquête, il ressort des considérants 130 à 136 de la décision attaquée que la Commission a bien tenu compte de l'évolution de cette situation pendant toute la période entre 1987 et la période d'enquête. Notamment, la Commission reconnaît, au considérant 134 de la décision attaquée, que la situation de l'industrie communautaire s'était détériorée entre 1987 et 1993/1994, et, contrairement à ce que prétendent les requérantes, elle reconnaît également, aux considérants 99 et 105 de la décision attaquée, que l'évolution de l'industrie communautaire entre 1994 et la période d'enquête a été positive à plusieurs égards, notamment en ce qui concerne le volume des ventes, la capacité de production, la productivité et les bénéfices. Par conséquent, ce reproche des requérantes est sans fondement.

141.
    Dans le cadre de la deuxième branche du deuxième moyen, il convient de vérifier, dans un premier temps, si la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en concluant, malgré les éléments positifs qu'elle avait constatés, que l'industrie communautaire n'avait pas suffisamment profité des mesures antidumping. La Commission a appuyé cette appréciation, au considérant 139 de la décision attaquée, sur quatre circonstances, à savoir la fermeture de deux sociétés, la réduction de l'emploi dans les trois sociétés restantes, une baisse de la part de marché de l'industrie communautaire et une chute des bénéfices à la fin de la période analysée.

142.
    Il y a lieu d'examiner, en premier lieu, les griefs des requérantes concernant l'évolution des bénéfices, en deuxième lieu, ceux concernant l'évolution des parts de marché, en troisième lieu, leurs arguments concernant la fermeture de deux sociétés et, en quatrième lieu, la réduction de l'emploi.

143.
    S'agissant, en premier lieu, de l'évolution des bénéfices de l'industrie communautaire, il y a lieu de relever, à titre liminaire, que les données figurant à ce sujet au considérant 105 de la décision attaquée ne sont pas contestées par les requérantes. Il résulte de la décision attaquée que l'industrie communautaire avait subi des pertes de 34 % avant l'institution des mesures venant à expiration, qu'elle a réalisé, entre 1994 et 1997, des bénéfices qui se situaient entre 8,1 % et 11,2 % et que, pendant la période d'enquête, les bénéfices se sont réduits à 4,1 %. Pendant la période d'enquête, les bénéfices de l'industrie communautaire n'ont donc pas atteint la marge de profit de 6 % que les institutions avaient considérée comme raisonnable pour l'industrie lors de l'adoption du règlement n. 3359/93.

144.
    Il n'est donc pas manifestement erroné que la Commission constate, au considérant 139 de la décision attaquée, une chute des bénéfices à la fin de la période analysée.

145.
    L'argument des requérantes, selon lequel cette diminution des bénéfices s'explique par l'évolution du prix du ferrosilicium dans la Communauté, ne s'oppose pas à ce que la Commission la prenne en considération, parmi d'autres éléments, en vue de déterminer si l'industrie communautaire avait profité des mesures. En effet, les bénéfices de l'industrie communautaire dépendent toujours des variations que le prix du produit peut subir, indépendamment des pratiques de dumping auxquelles se livrent les producteurs de certains pays, sur les marchés communautaires et internationaux, et les mesures antidumping devraient permettre à cette industrie d'améliorer durablement sa position sur le marché, ce qui implique la capacité de faire face à de telles variations de prix. Certes, une diminution passagère des bénéfices en raison des variations du prix du produit ne saurait suffire, à elle seule, pour justifier la conclusion de la Commission selon laquelle l'industrie communautaire n'a pas suffisamment profité des mesures. En l'espèce, la baisse des bénéfices n'est cependant qu'un des éléments examinés dans le cadre d'une appréciation globale de la situation de cette industrie. À ce titre, il n'est pas manifestement erroné pour la Commission de la prendre en considération.

146.
    Pour ce qui est, en deuxième lieu, de l'évolution des parts de marché de l'industrie communautaire, il convient de rappeler que la décision attaquée relève à ce sujet, au considérant 136, que les parts de marché de l'industrie communautaire ont manifesté une tendance à la baisse entre 1987 et 1994 et que cette tendance s'est poursuivie au cours de la période analysée, alors que les importations originaires de Norvège ont gagné une part de marché d'environ 20 points de pourcentage de 1987 jusqu'à la période d'enquête. Au considérant 139, la décision attaquée se réfère à la baisse de la part de marché de l'industrie communautaire pour conclure que les mesures instaurées en 1993 et 1994 n'ont pas produit les effets correctifs escomptés. Au considérant 151 de la décision, il est exposé que l'industrie communautaire a été incapable de renforcer, voire de maintenir, sa position sur le marché de la Communauté malgré l'application des mesures, et qu'elle n'a pas non plus pu profiter, en termes de parts de marché, de la cessation des activités d'anciens producteurs communautaires.

147.
    S'agissant, tout d'abord, de l'argument des requérantes, selon lequel la part de marché de l'industrie communautaire n'avait pas continué à baisser après l'institution des mesures en 1993/1994, mais qu'elle était restée stable, il convient de relever que, selon les requérantes, cette part de marché était passé de 16,9 en 1994 à 16,5 % pendant la période d'enquête. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, ces chiffres ne démontrent pas le caractère erroné de la constatation de la Commission, selon laquelle la tendance à la baisse de la part de marché de l'industrie communautaire s'est poursuivie malgré l'institution des mesures de défense supplémentaires. En effet, les chiffres avancés par les requérantes révèlent également une baisse, même si elle est moins importante que celle calculée par la Commission, de leur part de marché et, en tout état de cause, ils démontrent que l'industrie communautaire n'a pas pu renforcer sa position sur le marché.

148.
    En ce qui concerne, ensuite, les importations en provenance de Norvège, la Commission reconnaît que le considérant 136 de la décision attaquée contient une erreur en indiquant que la part de marché de ces importations a augmenté de 20 % entre 1987 et la période d'enquête, alors que cette augmentation n'était, en réalité, que de 11 %. L'explication de la Commission selon laquelle il s'agit d'une erreur de plume qui n'a pas influencé son appréciation est confirmée par le disclosure documen» qui indique, au point 9.2.1, que cette part de marché est passée de 40 % en 1987 à 52 % pendant la période d'enquête. Le fait que l'augmentation de la part de marché résultant de ces chiffres soit proche de celle de 11 % résultant des données que contient la décision attaquée démontre que les conclusions tirées par la Commission de l'augmentation des importations norvégiennes ne sont pas affectées par l'erreur relevée par les requérantes. Partant, cette erreur, pour regrettable qu'elle soit, n'est pas susceptible de remettre en cause la validité de la décision attaquée.

149.
    Enfin, l'argument des requérantes selon lequel l'augmentation de la part de marché des importations norvégiennes s'explique par la suspension, en raison de l'entrée en vigueur de l'accord sur l'EEE, des droits antidumping auxquels ces importations étaient soumises entre 1983 et 1993 ne s'oppose pas à la prise en considération de cette augmentation par la Commission. S'il est vrai qu'on ne peut pas exclure d'emblée que la disparition de ces droits ait pu contribuer à l'augmentation de la part de marché des importations en provenance de Norvège, il s'agissait d'une concurrence à laquelle l'industrie communautaire devait faire face à la suite de l'entrée en vigueur de l'EEE. à cet égard, les requérantes ne contestent pas la constatation de la Commission figurant au considérant 95 de la décision attaquée, selon laquelle les prix des importations originaires de Norvège étaient, pendant la période de l'enquête, comparables à ceux de l'industrie communautaire, et elles ont reconnu elles-mêmes qu'elles considéraient que ces importations font partie d'une concurrence loyale.

150.
    Il s'ensuit que les griefs soulevés par les requérantes ne sont pas de nature à affecter la validité des constatations de la Commission relatives à l'évolution de la part de marché de l'industrie communautaire.

151.
    S'agissant, en troisième lieu, de la fermeture de deux sociétés, apparaît certes plausible l'explication des requérantes selon laquelle ces sociétés avaient trop souffert des importations en provenance d'Union soviétique et de Chine, effectuées à des prix de dumping ou en violation des engagements, pour pouvoir redresser leur situation après l'institution, en 1993/1994, des mesures visées par le présent litige. Il n'en résulte cependant pas que la Commission a commis une erreur manifeste en concluant, après avoir pris en considération cette circonstance dans le cadre d'une évaluation globale de la situation de l'industrie communautaire, que cette dernière n'avait pas suffisamment profité des mesures antidumping.

152.
    Pour ce qui est, en quatrième lieu, de la réduction de l'emploi dans l'industrie communautaire, il y a lieu de relever que les mesures antidumping visent à donner à l'industrie communautaire la possibilité de se restructurer et de devenir plus efficace. Une réduction de l'emploi, accompagnée d'une augmentation de la production et de la productivité, n'est donc pas nécessairement un facteur permettant de conclure, à lui seul, que les mesures n'ont pas produit les effets escomptés. Néanmoins, la réduction de l'emploi est une circonstance qui, parmi d'autres, peut être prise en considération pour conclure, dans le cadre d'une évaluation globale de la situation de l'industrie communautaire, que celle-ci s'est détériorée pendant l'application des mesures.

153.
    S'agissant, en dernier lieu, de la question de savoir si la conclusion tirée par la Commission de l'ensemble de ces éléments, selon laquelle l'industrie communautaire n'a pas suffisamment profité des mesures, est entachée d'une erreur manifeste, on ne peut certes pas exclure que les éléments de fait à la base de cette conclusion soient susceptibles de faire l'objet d'évaluations divergentes. Cependant, aucune de ces évaluations ne s'impose de façon absolue, ni n'apparaît comme manifestement erronée. Dans ces conditions, il n'appartient pas au juge communautaire de substituer son appréciation des effets des mesures à celle de la Commission.

154.
    Partant, les requérantes n'ont pas démontré que la Commission a commis une erreur manifeste en concluant que les mesures antidumping concernées n'ont pas produit les effets escomptés.

155.
    Dans le cadre de la deuxième branche du deuxième moyen, il convient encore d'examiner, dans un second temps, la thèse des requérantes selon laquelle la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation concernant l'incidence de l'expiration des mesures sur l'industrie communautaire. Au considérant 141 de la décision attaquée, la Commission indique à ce sujet qu'une détérioration de la situation de l'industrie communautaire est probable, mais que l'importance de cette détérioration est difficile à évaluer. Il résulte en outre de ce considérant que la Commission est de l'avis que la disparition complète de l'industrie communautaire n'est pas probable parce que les utilisateurs souhaitent conserver des sources d'approvisionnement fiables dans la Communauté.

156.
    La divergence, critiquée par les requérantes, entre cette dernière affirmation et les termes utilisés au point 9.2.3 du disclosure document, selon lesquels «[l]es conséquences susceptibles de résulter pour l'emploi d'une cessation éventuelle de cette production ne sont cependant pas si claires, étant donné que les fourneaux pourraient soit être démantelés, soit être utilisés pour la production d'autres ferro-alliages» («[t]he impact on employment that would result from a possible stop in this production is not so clear, however, as furnaces could either be decommissioned or switched to the production of other ferro-alloys») n'affecte cependant pas la substance du raisonnement de la Commission, qui est similaire aux deux endroits. Le fait qu'elle a omis de reproduire, dans la décision attaquée, les termes précités et qu'elle les a remplacés par des considérations figurant dans le paragraphe précédent du disclosure document ne démontre pas que l'affirmation figurant dans la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste.

157.
    En outre, il n'existe pas de contradiction entre l'affirmation figurant au considérant 141 de la décision attaquée, selon lequel les utilisateurs souhaitent disposer de sources d'approvisionnement fiables dans la Communauté, et celle figurant au considérant 146 de cette décision, selon laquelle les utilisateurs se sont plaints d'une limitation de leurs sources d'approvisionnement. En effet, le souhait des utilisateurs de pouvoir disposer de nombreuses sources d'approvisionnement dans différents pays n'est pas incompatible avec leur souhait de conserver également des sources d'approvisionnement sûres dans la Communauté.

158.
    Par conséquent, la première branche du premier moyen, dans la mesure où elle est tirée d'une erreur factuelle, et la deuxième branche du deuxième moyen, tirée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la situation de l'industrie communautaire, ne sont pas fondées.

2. Sur la troisième branche du moyen, tirée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'impact des mesures sur les utilisateurs

a) Arguments des parties

- Sur le coût des mesures pour les utilisateurs

159.
    Les requérantes relèvent que la part du coût du ferrosilicium dans le coût de la production d'acier n'a pas évolué pendant les années 90. Elles en déduisent que les mesures antidumping n'ont pas pu accroître sensiblement les coûts de production des utilisateurs et que, dans ces conditions, la Commission n'avait même pas à analyser l'impact des mesures antidumping sur les utilisateurs dans le cadre du réexamen. Les requérantes estiment que cela suffit pour démontrer une erreur manifeste d'appréciation des faits quant à l'impact des mesures sur les utilisateurs.

160.
    Les requérantes affirment que l'impact des mesures sur les coûts de production des utilisateurs correspond à 0,1 % de ces coûts, ce qui doit être considéré comme négligeable. Elles invoquent la pratique des institutions communautaires en se référant à plusieurs affaires dans lesquelles un impact plus important n'a pas été considéré comme suffisant pour s'opposer à l'adoption ou au maintien de mesures de protection.

161.
    Les requérantes reprochent à la Commission d'avoir fondé son calcul de l'impact de la suppression des mesures antidumping sur l'industrie sidérurgique, figurant au considérant 147 de la décision attaquée, sur l'hypothèse d'une baisse des prix de 15 % sans jamais avoir vérifié ce chiffre par une analyse économique approfondie.

162.
     La Commission estime qu'elle n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en choisissant de présenter l'impact des mesures sur les coûts de production des utilisateurs en termes absolus, soit 60 millions d'euros par an. Elle rappelle qu'elle a estimé que la prorogation des mesures pour une durée supplémentaire de cinq années aurait fait peser sur les utilisateurs un coût économiquement injustifiable (c'est-à-dire 60 millions d'euros par an), aussi minime fût-il en termes de pourcentage (c'est-à-dire 0,1 % du coût de fabrication).

163.
    En ce qui concerne l'hypothèse d'une baisse des prix de 15 % en cas de suppression des mesures, la Commission estime que le montant exact de cette baisse est peu important, étant donné qu'une baisse des prix du ferrosilicium réduirait, en tout état de cause, les coûts des utilisateurs.

- Sur l'impact des mesures sur la concurrence

164.
    Les requérantes sont d'avis que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en acceptant les affirmations des utilisateurs selon lesquelles les mesures limitent sensiblement les sources d'approvisionnement et maintiennent les prix sur le marché de la Communauté à un niveau artificiellement élevé, de sorte que les producteurs communautaires d'acier se trouvent dans une position concurrentielle désavantageuse par rapport aux producteurs d'acier extérieurs à la Communauté.

165.
    Pour ce qui est des sources d'approvisionnement, les requérantes reconnaissent que les mesures ont limité les importations des pays concernés par celles-ci. Elles font cependant valoir, en invoquant les chiffres contenus à ce sujet dans la décision attaquée, qu'il existe d'importantes sources d'approvisionnement en dehors de l'industrie communautaire et que les importations provenant des pays concernés par les mesures antidumping ont été, en grande partie, remplacées par d'autres importations qui s'effectuent à des prix qui ne sont pas la conséquence d'un dumping préjudiciable.

166.
    Les requérantes contestent l'affirmation de la Commission selon laquelle le prix du ferrosilicium dans la Communauté est artificiellement élevé. Selon elles, le prix du ferrosilicium dans la Communauté a suivi l'évolution du prix mondial, ce que la Commission a elle-même mentionné au considérant 104 de la décision attaquée.

167.
    Pour ce qui est, enfin, de la position concurrentielle des utilisateurs, les requérantes reprochent à la Commission de n'avancer aucun élément concret à l'appui de son raisonnement. Elles invoquent une lettre de la Commission du 13 septembre 2000, dans laquelle il est indiqué que les coûts de production de l'industrie sidérurgique par rapport au chiffre d'affaires sont passés de 80 à 70 % au début des années 90. Les requérantes déduisent de ces chiffres que l'industrie sidérurgique a amélioré sa position concurrentielle au niveau international. Selon les requérantes, l'impact de 0,1 % des mesures sur les coûts de production d'acier ne changera rien quant à cette amélioration.

168.
    Les requérantes rappellent que les mesures antidumping ont pour objectif de restaurer une concurrence loyale sur le marché communautaire. Elles estiment qu'il est normal que ces mesures aient augmenté les prix des importations en provenance des pays tiers reconnus coupables de dumping. La position de la Commission contribuerait à légitimer une baisse de prix qui est due aux importations déloyales, au seul profit de l'industrie utilisatrice et au détriment de l'industrie communautaire. Elles soutiennent que le raisonnement de la Commission est contraire à la logique, à l'esprit et à la lettre de l'article 21 du règlement de base, parce qu'il aboutit à la condamnation d'une industrie au profit d'une autre industrie qui souhaite bénéficier de prix réalisés en dumping.

169.
    La Commission estime qu'il est évident qu'une augmentation des prix des matières premières constitue un désavantage concurrentiel pour les utilisateurs. Selon elle, la question n'est pas de déterminer si ce désavantage est marginal, mais s'il est justifié compte tenu du fait que l'industrie communautaire n'a pas montré qu'elle est capable de renverser la situation désavantageuse dans laquelle elle se trouvait avant le renforcement des mesures en 1993 et 1994.

- Sur l'effet cumulatif du coût des mesures

170.
    Les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en invoquant un effet cumulatif des mesures sur les utilisateurs. Elles font valoir que cet argument n'a jamais été utilisé par la Commission dans le cadre des réexamens effectués au titre de l'article 11, paragraphe 2, du règlement de base. Les requérantes ajoutent que la Commission n'a pas quantifié dans la décision attaquée le soi-disant effet cumulatif des mesures antidumping. Selon les requérantes, valider l'effet cumulatif dans le cadre de la détermination de l'intérêt dans la Communauté ouvrirait une brèche sérieuse dans l'application effective de la législation antidumping communautaire.

171.
    La Commission rétorque que les requérantes n'expliquent pas pourquoi les utilisateurs devraient supporter l'effet cumulatif des mesures si celles-ci n'apportent pas les bienfaits escomptés du côté de l'industrie communautaire. S'agissant du reproche selon lequel l'effet cumulé n'avait pas été quantifié dans la décision attaquée, la Commission relève qu'il est aisément possible d'estimer cet effet d'après les chiffres fournis dans la décision.

b) Appréciation du Tribunal

172.
    Il convient d'examiner ensemble les arguments des requérantes concernant le coût des mesures pour les utilisateurs, y compris l'effet cumulatif de celles-ci, avant d'aborder les griefs concernant la situation concurrentielle des utilisateurs.

173.
    Dans le cadre d'un réexamen de mesures venant à expiration, la prise en considération, aux fins de l'évaluation de l'intérêt communautaire, de l'effet cumulatif des mesures n'est pas seulement justifiée, mais également nécessaire. En effet, la diminution des bénéfices de l'industrie utilisatrice, causée par des matières premières plus chères, a des répercussions sur la valeur des actions de ces entreprises et sur les conditions auxquelles elles peuvent trouver le capital nécessaire pour faire des investissements. Ces paramètres sont influencés par les perspectives de rentabilité de l'industrie utilisatrice à moyen et à long terme, et il est évident que des mesures antidumping peuvent produire un effet cumulatif à cet égard.

174.
    Dès lors, il convient d'écarter l'argument des requérantes selon lequel, étant donné que la part du coût du ferrosilicium, dans le coût de la production d'acier, est restée stable, la Commission ne devait pas analyser l'impact des mesures antidumping sur les utilisateurs en l'espèce. De même, l'effet cumulatif des mesures est un élément susceptible de justifier que les conclusions sur l'intérêt communautaire dans le cadre du présent réexamen soient différentes de celles auxquelles le Conseil a abouti lors de l'institution des mesures.

175.
    Le grief tiré dans ce contexte du fait que la Commission n'a indiqué ni dans ses conclusions finales ni dans la décision attaquée que l'impact des mesures sur les coûts de production des utilisateurs correspond à 0,1 % de ces coûts concerne une question de présentation qui n'est pas susceptible d'avoir affecté le fond de la décision. Il doit donc être écarté.

176.
    En ce qui concerne, en outre, les critiques dirigées par les requérantes contre le choix de la Commission de retenir l'hypothèse d'une baisse des prix de 15 % pour évaluer les effets probables d'une expiration des mesures pour les utilisateurs, d'une part, il y a lieu de rappeler que l'évaluation de ces effets est de nature prospective, de sorte qu'il est normal qu'elle soit fondée sur des hypothèses. D'autre part, les requérantes ne contestent pas qu'une baisse des prix du ferrosilicium à la suite de l'expiration des mesures soit probable. Or, le montant exact de cette baisse n'est pas susceptible d'affecter la validité du raisonnement de la Commission.

177.
    Il s'ensuit que les requérantes n'ont pas démontré une erreur manifeste de la Commission quant au coût des mesures pour les utilisateurs.

178.
    S'agissant de la situation concurrentielle des utilisateurs, aucune erreur manifeste n'apparaît dans les affirmations de la décision attaquée selon lesquelles les mesures litigieuses limitent sensiblement les sources d'approvisionnement et maintiennent les prix sur le marché de la Communauté à un niveau artificiellement élevé. Le fait de devoir payer des prix plus élevés que leurs concurrents dans les pays tiers place, en outre, l'industrie sidérurgique communautaire dans une position désavantageuse sur le plan de la concurrence. Ce désavantage n'est pas affecté par le fait que la part des coûts de production dans le chiffre d'affaires de l'industrie sidérurgique communautaire a diminué. En effet, si cette industrie a réussi à réduire ses coûts de production malgré les prix élevés de certaines matières premières, la conséquence normale de l'expiration des mesures serait que cette réduction deviendrait encore plus importante et que la position concurrentielle de cette industrie s'améliorerait en conséquence.

179.
    Par conséquent, la thèse des requérantes selon laquelle la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation quant à l'impact des mesures sur les utilisateurs n'est pas fondée.

3. Sur la quatrième branche du moyen, tirée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la mise en balance des intérêts

a) Arguments des parties

180.
    Les requérantes, soutenues par le royaume d'Espagne, rappellent que l'impact des mesures en pourcentage des coûts de production des utilisateurs, à savoir 0,1 %, doit être considéré comme négligeable. Elles estiment, en outre, qu'il est clairement démontré que la situation de l'industrie utilisatrice ne s'est pas dégradée et s'est même améliorée depuis l'institution des mesures. Les requérantes soulignent que la baisse alléguée de 15 % des prix dans la Communauté, si elle se réalisait, réduirait les coûts de production de 0,1 % pour les utilisateurs, alors qu'elle entraînerait une perte en chiffre d'affaires de 15 % pour l'industrie communautaire, ce qui, économiquement, revient à sa condamnation. Les requérantes estiment que, dans ces conditions, la Commission ne pouvait pas clairement conclure qu'il n'est pas dans l'intérêt de la Communauté d'appliquer des mesures antidumping.

181.
    La Commission est d'avis que l'approche proposée par les requérantes est beaucoup trop simpliste, car elle ne permet pas de juger l'efficacité des mesures en cours de réexamen. Elle conteste l'allégation des requérantes selon laquelle une baisse de prix de 15 % sur le marché condamnerait l'industrie communautaire.

b) Appréciation du Tribunal

182.
    À titre liminaire, il convient de rappeler que les requérantes n'ont pas démontré que l'appréciation de la Commission, selon laquelle la disparition de l'industrie communautaire en cas d'expiration des mesures n'est pas probable, est manifestement erronée. En revanche, la Commission elle-même part de l'hypothèse que l'expiration des mesures est susceptible d'entraîner une détérioration importante de la situation de l'industrie communautaire.

183.
    Cependant, comme la Commission le relève à juste titre, il n'est pas suffisant, pour la mise en balance des intérêts de l'industrie communautaire et de l'industrie utilisatrice, de comparer les désavantages susceptibles de résulter, pour chacune d'entre elles, d'une décision contraire à ses intérêts. Il est en outre légitime, et même nécessaire, de prendre en considération le point de savoir si les mesures ont produit les effets souhaités pour ce qui est de la compétitivité de l'industrie protégée et de ses perspectives d'avenir.

184.
    Or, la Commission ayant constaté, sans avoir commis d'erreur manifeste d'appréciation, que les mesures dont il s'agit en l'espèce n'ont pas produit les effets escomptés, elle n'a pas non plus commis une telle erreur en estimant qu'elle pouvait clairement conclure qu'il n'était pas dans l'intérêt de la Communauté de continuer d'appliquer lesdites mesures, malgré la circonstance selon laquelle l'impact des mesures sur les coûts des utilisateurs n'était pas important en termes de pourcentage.

185.
    Par conséquent, la quatrième branche du deuxième moyen n'est pas fondée. Il y a donc lieu de rejeter ce moyen dans son ensemble.

E- Sur la motivation de la décision attaquée

1. Arguments des parties

186.
    Sans soulever explicitement de moyen à ce sujet, les requérantes considèrent que la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée à plusieurs égards. En premier lieu, elles soutiennent que la Commission a omis d'expliquer les raisons pour lesquelles elle n'a pas tenu compte de la violation systématique des engagements par l'Union soviétique. En deuxième lieu, elles critiquent le fait que la décision attaquée ne contient pas d'analyse pour justifier que les utilisateurs ayant fourni des informations à la Commission étaient représentatifs. En troisième lieu, les requérantes considèrent comme une violation de l'obligation de motivation le fait que la Commission n'a pas utilisé, dans la décision attaquée, le chiffre de 0,1 % pour indiquer l'impact des mesures sur les coûts de production des utilisateurs. En quatrième lieu, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir mentionné quelle a été l'augmentation «artificielle» du prix du ferrosilicium dans la Communauté en raison des mesures antidumping. En cinquième lieu, les requérantes font valoir que la Commission n'avance pas d'éléments concrets à l'appui de son raisonnement relatif à l'impact des mesures sur la position concurrentielle des utilisateurs. En sixième et dernier lieu, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir quantifié l'effet cumulatif des mesures pour les utilisateurs.

2. Appréciation du Tribunal

187.
    Quand bien même les requérantes n'auraient pas soulevé de moyen autonome à cet égard, il y a lieu d'examiner les différents griefs soulevés par les requérantes, dans le cadre des moyens examinés ci-dessus, en ce qui concerne la motivation de la décision attaquée.

188.
    Le premier grief soulevé dans ce contexte, selon lequel la Commission aurait omis d'expliquer les raisons pour lesquelles elle n'a pas tenu compte de la violation systématique des engagements par l'Union soviétique, est cependant sans objet. Il résulte des considérants 133 et 134 de la décision attaquée que la Commission a examiné les effets de la violation des engagements sur la situation de l'industrie communautaire.

189.
    S'agissant, en deuxième lieu, de l'absence d'un exposé des raisons ayant amené la Commission à considérer que les utilisateurs ayant fourni des informations étaient représentatifs, il résulte du point 93, ci-dessus, que des développements détaillés à ce sujet n'étaient pas nécessaires dans la décision attaquée.

190.
    En troisième lieu, le fait que la Commission n'ait pas utilisé, dans la décision attaquée, le chiffre de 0,1 % pour indiquer l'impact des mesures sur le coût de production des utilisateurs, mais qu'elle ait choisi de le présenter en termes absolus, à savoir 60 millions d'euros par an, ne saurait être qualifié de violation de l'obligation de motivation. En effet, il s'agit d'une question de présentation sans incidence pour le fond de la décision, qui contient, aux considérants 145 à 147, des données chiffrées quant à l'impact estimé de l'expiration des mesures pour les utilisateurs qui permettent de suivre intégralement le raisonnement de la Commission. Dans ces conditions, la présentation choisie par la Commission n'est pas susceptible d'affecter la compréhension des motifs de la décision attaquée par les requérantes, ni la défense de leurs intérêts. Elle ne porte pas non plus atteinte au contrôle juridictionnel de la décision attaquée.

191.
    En quatrième lieu, la Commission n'avait pas besoin d'expliquer, dans la décision attaquée, que le prix du ferrosilicium dans la Communauté était plus élevé, en raison des mesures antidumping, qu'il ne l'aurait été en leur absence, et donc dans des conditions de libre concurrence. En effet, cette constatation résulte nécessairement de celle qu'une réapparition du préjudice était probable en cas d'expiration des mesures. Partant, les requérantes ne sauraient reprocher à la Commission de ne pas avoir mentionné quelle a été l'augmentation «artificielle» du prix du ferrosilicium dans la Communauté en raison des mesures antidumping.

192.
    Au sujet du cinquième grief, selon lequel la Commission n'aurait pas avancé d'éléments concrets à l'appui de son raisonnement relatif à l'impact des mesures sur la position concurrentielle des utilisateurs, il est évident que des prix plus élevés des matières premières dans la Communauté affectent la position concurrentielle des utilisateurs communautaires par rapport à leurs concurrents dans des pays tiers dans lesquels des mesures antidumping ne sont pas en vigueur. Dès lors, des explications sur ce point ne sauraient être exigées de la Commission.

193.
    Enfin, s'agissant du reproche selon lequel la Commission n'a pas quantifié l'effet cumulatif des mesures pour les utilisateurs, il y a lieu de relever que la validité du raisonnement de la décision attaquée au regard de cet effet cumulatif ne dépend pas de l'importance quantitative de celui-ci. Il n'est donc pas nécessaire de l'indiquer pour permettre aux requérantes de connaître les raisons de la décision attaquée, ni pour permettre au Tribunal d'exercer son contrôle.

194.
    Par conséquent, les griefs des requérantes concernant la motivation de la décision attaquée ne sont pas fondés.

195.
    Il résulte de ce qui précède que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés. Il convient donc de rejeter leur recours.

Sur les dépens

196.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.

197.
    Les requérantes ayant succombé en leurs conclusions, il y a lieu de les condamner à supporter solidairement les dépens de la Commission et des parties intervenantes, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions de ces parties.

198.
    Conformément à l'article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les états membres qui sont intervenus au litige supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    Les parties requérantes supporteront leurs propres dépens, ainsi que, solidairement, ceux exposés par la Commission et par les parties intervenantes TNC Kazchrome et Alloy 2000, y compris les dépens afférents à la procédure de référé.

3)    Le royaume d'Espagne, partie intervenante, supportera ses propres dépens.

Forwood
Pirrung

Mengozzi

Meij

Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

N. J. Forwood

Table des matières

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

    A - Sur les principes régissant l'évaluation de l'intérêt communautaire lors d'un réexamen de mesures venant à expiration et sur la première branche du deuxième moyen    

        1. Arguments des parties

        2. Appréciation du Tribunal

            a) Sur l'interprétation des articles 11, paragraphe 2, et 21 du règlement de base

            b) Sur la première branche du deuxième moyen

    B - Sur les quatre premières branches du premier moyen

        1. Sur la première branche du moyen, tirée d'une violation des articles 11, paragraphe 2, et 21 du règlement de base du fait de la prise en considération de la période depuis 1987 pour l'analyse de l'intérêt communautaire

            a) Arguments des parties

            b) Appréciation du Tribunal

        2. Sur la deuxième branche du moyen, tirée d'une violation de l'article 21, paragraphes 2 et 5, du règlement de base par la prise en considération des soumissions des utilisateurs présentées tardivement

            a) Arguments des parties

            b) Appréciation du Tribunal

        3. Sur la troisième branche du moyen, tirée d'une violation de l'article 21, paragraphe 5, du règlement de base en raison du caractère non représentatif des soumissions des utilisateurs

            a) Arguments des parties

            b) Appréciation du Tribunal

        4. Sur la quatrième branche du moyen, tirée d'une violation de l'article 21, paragraphe 7, du règlement de base par la prise en considération des soumissions non étayées des utilisateurs

            a) Arguments des parties

            b) Appréciation du Tribunal

    C - Sur la cinquième branche du moyen, tirée d'une violation de l'article 6, paragraphe 6, du règlement de base par le refus d'organiser une réunion de confrontation

        1. Arguments des parties

        2. Appréciation du Tribunal

    D - Sur les deuxième à quatrième branches du deuxième moyen, tirées d'erreurs manifestes d'appréciation dans l'analyse de l'intérêt de la Communauté

        1. Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la situation de l'industrie communautaire, et sur l'erreur factuelle invoquée dans le cadre de la première branche du premier moyen

            a) Arguments des parties

            b) Appréciation du Tribunal

        2. Sur la troisième branche du moyen, tirée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'impact des mesures sur les utilisateurs

            a) Arguments des parties

                - Sur le coût des mesures pour les utilisateurs

                - Sur l'impact des mesures sur la concurrence

                - Sur l'effet cumulatif du coût des mesures

            b) Appréciation du Tribunal

        3. Sur la quatrième branche du moyen, tirée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la mise en balance des intérêts

            a) Arguments des parties

            b) Appréciation du Tribunal

    E - Sur la motivation de la décision attaquée

        1. Arguments des parties

        2. Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


1: Langue de procédure: le français.