Language of document : ECLI:EU:T:2014:836

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

26 septembre 2014(*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale Curve – Motif absolu de refus – Marque contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs – Article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement (CE) nº 207/2009 »

Dans l’affaire T‑266/13,

Brainlab AG, établie à Feldkirchen (Allemagne), représentée par Me J. Bauer, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 15 mars 2013 (affaire R 2073/2012‑4), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal Curve comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz et Mme V. Tomljenović (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 mai 2013,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 5 août 2013,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 23 septembre 2009, la requérante, Brainlab AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) nº 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Curve.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 10, 35, 38, 41, 42, 44 et 45 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Logiciels, logiciels de planification et programmes informatiques pour applications neurochirurgicales, orthopédiques, traumatologiques, spinales et radiothérapeutiques ou radiochirurgicales, en particulier applications assistées par robot, ainsi que pour applications utilisées dans la chirurgie oto-rhino-laryngologique et applications pour l’enregistrement ou la référenciation tridimensionnels de données sur l’état du patient par la production de marques lumineuses, en particulier de points de réflexion de la lumière par pinceaux lumineux ; logiciels, logiciels de planification et programmes informatiques de caractérisation de structures d’ensembles de données sur les patients, réalisées au moyen d’appareils de saisie de données tels que tomographes informatisés, tomographes à spin nucléaire, appareils à ultrasons et appareils de radiographie ; logiciels, logiciels de planification et programmes informatiques de traçage de contours de structures anatomiques dans des représentations imagées d’enregistrements d’images en coupe de patients, ainsi que de reconnaissance automatique de structures complètes sur la base de contours individuels ; logiciels, logiciels de planification, logiciels de reconnaissance et programmes informatiques pour l’utilisation de marques de référence ou de classements de marques de référence apposées sur des instruments médicaux et chirurgicaux ou sur les patients à des fins de référenciation ou d’enregistrement, en particulier marques de référence ou classements de marques de référence apposables avec des adaptateurs amovibles directement ou par le biais d’attaches sur des instruments ou appareils chirurgicaux ; logiciels, logiciels de planification, logiciels d’exploitation et programmes informatiques pour l’utilisation d’appareils médicaux et chirurgicaux d’indication ou de pointeurs, en particulier appareils d’indication ou pointeurs pour l’enregistrement présentant des pointes tactiles ou réactives par contact ; supports de données contenant des logiciels, logiciels de planification et programmes informatiques pour applications neurochirurgicales, orthopédiques et radiothérapeutiques ou radiochirurgicales, ainsi que des applications utilisées dans la chirurgie oto-rhino-laryngologique, en particulier applications assistées par robot et applications pour l’enregistrement ou la référenciation tridimensionnels de données sur l’état du patient par la production de marques lumineuses, en particulier de points de réflexion de la lumière par pinceaux lumineux, pointeurs lumineux, pointeurs laser, pointeurs à infrarouges, pour applications pour l’enregistrement ou la référenciation tridimensionnelle de données sur l’état du patient par la production de marques lumineuses, en particulier de points de réflexion de la lumière par pinceaux lumineux ; supports de données contenant des logiciels, logiciels de planification, logiciels de reconnaissance et programmes informatiques pour logiciels de planification et de reconnaissance et programmes informatiques pour l’utilisation de marques de référence ou de classements de marques de référence apposées sur des instruments médicaux et chirurgicaux ou sur les patients à des fins de référenciation ou d’enregistrement, en particulier marques de référence ou classements de marques de référence apposables avec des adaptateurs amovibles directement ou par le biais d’attaches sur des instruments ou appareils chirurgicaux ; supports de données contenant des logiciels, logiciels de planification, logiciels d’exploitation et programmes informatiques pour l’utilisation d’appareils médicaux et chirurgicaux d’indication ou de pointeurs, en particulier appareils d’indication ou pointeurs pour l’enregistrement présentant des pointes tactiles ou réactives par contact ; dispositifs électroniques d’identification ou d’autorisation pour l’utilisation d’appareils médicaux ou d’appareils thérapeutiques ; cartes à puce avec enregistrements d’identification, d’autorisation et de solde pour appareils de traitement technico-médicaux et pour la déconnexion d’actes d’exploitation sur des appareils ; appareils de traitement électronique de données, à savoir pour la caractérisation de structures d’ensembles de données sur les patients, réalisées au moyen d’appareils de saisie de données tels que tomographes informatisés, tomographes à spin nucléaire, appareils à ultrasons et appareils de radiographie » ;

–        classe 10 : « Appareils électriques et électroniques pour applications neurochirurgicales, orthopédiques, traumatologiques, spinales et radiothérapeutiques ou radiochirurgicales, en particulier applications assistées par robot, ainsi que pour applications utilisées dans la chirurgie oto-rhino-laryngologique et applications pour l’enregistrement ou la référenciation tridimensionnels de données sur l’état du patient par la production de marques lumineuses, en particulier de points de réflexion de la lumière par pinceaux lumineux ; robots médicaux et chirurgicaux, également pour l’utilisation avec des systèmes de localisation dirigés par l’image pour applications chirurgicales ; instruments et appareils neurochirurgicaux, orthopédiques et radiothérapeutiques ou radiochirurgicaux ; robots médicaux ou chirurgicaux pour applications neurochirurgicales, spinales, traumatologiques, orthopédiques et radiothérapeutiques ou radiochirurgicales robotisées ; installations de commande pour robots médicaux ou chirurgicaux ; adaptateurs d’instruments et supports d’outils exclusivement pour appareils et instruments médicaux ; appareils de positionnement, de guidage et de fixation pour instruments médicaux ; bras de support et appareils de réglage de précision pour instruments médicaux ; adaptateurs d’endoscopes ou de microscopes ; appareils de radiothérapie ou radiochirurgicaux ; dispositifs de saisie et de réglage de points de rayonnement à usage médical ; appareils et instruments médicaux et composants pour le positionnement précis des patients pour des applications radiothérapeutiques ou radiochirurgicales ou neurochirurgicales ; collimateurs, collimateurs à lamelles et collimateurs à microlamelles pour le réglage et la déformation de formes de rayonnement dans des applications radiothérapeutiques et radiochirurgicales ; fantômes isocentrés ; fantômes de calibrage ; supports de têtes avec adaptateurs ; pompes à vide, coussins à vide, étoiles de référence, fantômes à ultrasons et adaptateurs à ultrasons, kits d’enregistrements radiographiques ; tomographes informatisés, tomographes à spin nucléaire, appareils à ultrasons et appareils à rayons x ; systèmes de localisation intraopératifs dirigés par image pour applications chirurgicales, en particulier pour applications neurochirurgicales, orthopédiques, stéréotactiques et radiochirurgicales et pour applications dans la chirurgie oto-rhino-laryngologique ; pointeurs fantômes ; appareils et instruments médicaux de traitement de précision commandé par logiciel utilisés dans la neurochirurgie, l’orthopédie, la radiothérapie, la radiochirurgie et la chirurgie oto-rhino-laryngologique, composés de localiseurs, arcs stéréotactiques et neurochirurgicaux, kits de biopsie, adaptateurs de fixation, matrices de calibrage d’instruments et bagues de fixation, stations de planification, ordinateurs, montages de couches, collimateurs, positions cibles, supports de films, systèmes de masques, stabilisateurs de couches, adaptateurs de couches, appareils de rayonnement, accélérateurs linéaires, portiques mobiles, adaptateurs pour microscopes et endoscopes, spins de fixation, unités d’immobilisation de la tête et du cou ; instruments et appareils de caractérisation de structures d’ensembles de données sur les patients, réalisées au moyen d’appareils de saisie de données tels que tomographes informatisés, tomographes à spin nucléaire, appareils à ultrasons et appareils de radiographie ; aides médicales de caractérisation pour le traçage de contours de structures anatomiques dans des représentations imagées d’enregistrements d’images en coupe de patients, ainsi que de reconnaissance automatique de structures complètes sur la base de contours individuels ; instruments et appareils médicaux pour l’enregistrement ou la référenciation tridimensionnels de données sur l’état du patient par la production de marques lumineuses, en particulier de points de réflexion de la lumière par pinceaux lumineux, en particulier pinceaux lumineux à infrarouges ou pointeurs lumineux ou pinceaux lumineux à laser ; pointeurs lumineux à usage médical ; pointeurs lumineux laser à usage médical ; pointeurs lumineux laser à infrarouges à usage médical ; marques de référence ou classements de marques de référence à usage médical apposées sur des instruments médicaux et chirurgicaux ou sur les patients à des fins de référenciation ou d’enregistrement, en particulier marques de référence ou classements de marques de référence apposables avec des adaptateurs amovibles directement ou par le biais d’attaches sur des instruments ou appareils chirurgicaux ; appareils d’indication ou pointeurs médicaux ou chirurgicaux, en particulier appareils d’indication ou pointeurs pour l’enregistrement présentant des pointes tactiles ou réactives par contact ; appareils de représentation d’images électriques et électroniques pour applications médicales ; appareils médicaux de représentation d’images portables ou mobiles ; écrans médicaux portables ou mobiles pour la représentation de structures corporelles internes sur la base d’ensembles de données sur les patients relevées préalablement » ;

–        classe 35 : « Services de stockage pour la chirurgie dirigée par l’image pour la neurochirurgie, la chirurgie orthopédique et traumatologique, la chirurgie oto-rhino-laryngologique et pour la radiothérapie et la radiochirurgie ; compilation de rapports médicaux pour la neurochirurgie, la chirurgie orthopédique et traumatologique, la chirurgie oto-rhino-laryngologique et pour la radiothérapie et la radiochirurgie » ;

–        classe 38 : « Fourniture d’accès à des banques de données informatiques pour les données de patients » ;

–        classe 41 : « Formation, à savoir enseignement, formation et instruction par le biais de cours et de séminaires dans le domaine de la médecine et des soins de santé, en particulier dans le domaine de la chirurgie dirigée par l’image ; organisation et exploitation d’installations pour conférences, séminaires, conférences, ateliers, symposiums et expositions ; formation en rapport avec l’utilisation et l’exploitation de systèmes de la chirurgie dirigée par l’image ; production et distribution de films vidéo pour la formation en rapport avec l’utilisation et l’exploitation d’informations informatiques dans le domaine de la chirurgie dirigée par l’image ; fourniture de publications en ligne électroniques téléchargeables dans le domaine de la chirurgie dirigée par l’image ; formation, éducation et instruction en ligne proposées par une banque de données informatique ou l’internet dans le domaine de la chirurgie dirigée par l’image ; édition de matériel d’éducation et de formation dans le domaine de la chirurgie dirigée par l’image ; création de programmes de formation et d’instruction pour hôpitaux et autres firmes dans le domaine de la chirurgie dirigée par l’image ; composition de guides, manuels et supports pour la création de programmes de formation et d’instruction dans le domaine de la chirurgie dirigée par l’image ; fourniture d’informations, conseils et services de conseils concernant tous les services précités ; tous les services précités en rapport avec la prestation de services dans le domaine de la chirurgie dirigée par l’image ; services de formation et d’instruction, à savoir organisation et conduite de séminaires, ateliers, conférences, exposés et congrès, dans le domaine de la chirurgie dirigée par l’image » ;

–        classe 42 : « Conception, planification, configuration, développement, mise en œuvre, intégration et commissionnage de matériel informatique, micrologiciels, logiciels, systèmes informatiques, périphériques d’ordinateurs, appareils et instruments de traitement de l’information et appareils et instruments électroniques et électriques ; installation, mise à jour et maintenance de logiciels ; conception de bases de données informatiques ; crédit-bail, location d’ordinateurs, matériel informatique, micrologiciels, logiciels et systèmes informatiques ; fourniture d’hébergements en ligne pour banques de données pour des tiers ; services de conseil et d’information concernant les services précités ; tous les services précités concernant la fourniture d’informations personnelles et médicales dans des bases informatiques de données de patients ; création de logiciels, logiciels de planification et programmes informatiques pour applications neurochirurgicales, orthopédiques, traumatologiques, spinales et radiothérapeutiques ou radiochirurgicales et pour applications utilisées dans la chirurgie oto-rhino-laryngologique pour le compte de tiers, en particulier applications assistées par robot dans ce domaine, et pour applications pour l’enregistrement ou la référenciation tridimensionnels de données sur l’état du patient par la production de marques lumineuses, en particulier de points de réflexion de la lumière par pinceaux lumineux, en particulier pinceaux lumineux à infrarouges ou pointeurs laser ou pinceaux lumineux laser ; création de logiciels, logiciels de planification et programmes informatiques de caractérisation de structures d’ensembles de données sur les patients, réalisées au moyen d’appareils de saisie de données tels que tomographes informatisés, tomographes à spin nucléaire, appareils à ultrasons et appareils de radiographie ; création de logiciels, logiciels de planification et programmes informatiques de traçage de contours de structures anatomiques dans des représentations imagées d’enregistrements d’images en coupe de patients, ainsi que de reconnaissance automatique de structures complètes sur la base de contours individuels ; création de logiciels, logiciels de planification, logiciels de reconnaissance et programmes informatiques pour l’utilisation de marques de référence ou de classements de marques de référence apposées sur des instruments médicaux ou chirurgicaux ou sur les patients à des fins de référenciation ou d’enregistrement, en particulier marques de référence ou classements de marques de référence apposables avec des adaptateurs amovibles directement ou par le biais d’attaches sur des instruments ou appareils chirurgicaux ; création de logiciels, logiciels de planification, logiciels d’exploitation et programmes informatiques pour l’utilisation d’appareils médicaux et chirurgicaux d’indication ou de pointeurs, en particulier appareils d’indication ou pointeurs pour l’enregistrement présentant des pointes tactiles ou réactives par contact ; développement de logiciels, logiciels de planification, logiciels d’exploitation et programmes informatiques pour installations intégrées de blocs opératoires avec appareils thérapeutiques médicaux et appareils de soutien thérapeutique ; planification et développement d’installations intégrées de blocs opératoires avec appareils de traitement médicaux et appareils de soutien thérapeutique » ;

–        classe 44 : « Services d’aide ou d’assistance pour spécialistes dans le domaine de la médecine et des soins de santé ; fourniture d’informations de localisation pour établissements médicaux de traitement d’urgence et médical dans le domaine des soins de santé ; réalisation d’analyses médicales » ;

–        classe 45 : « Octroi de licences pour ordinateurs, matériel informatique, micrologiciels, logiciels et systèmes informatiques pour applications neurochirurgicales, orthopédiques, traumatologiques, spinales et radiothérapeutiques ou radiochirurgicales, en particulier applications assistées par robot, ainsi que pour applications utilisées dans la chirurgie oto-rhino-laryngologique et applications pour l’enregistrement ou la référenciation tridimensionnels de données sur l’état du patient par la production de marques lumineuses, en particulier de points de réflexion de la lumière par pinceaux lumineux ».

4        Par décision du 17 septembre 2012, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement de marque communautaire pour tous les produits et les services, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement nº 207/2009. Ainsi, il a observé que le mot constituant la marque demandée est le pluriel du mot roumain « curvă », signifiant à peu près en français « prostituée », « putain », qui dans le discours direct transmet un contenu très vulgaire à l’interlocuteur et qui sera perçu par le public comme une déclaration insultante et obscène. Il a donc considéré que le signe en cause blessait la sensibilité morale d’un large public.

5        Le 9 novembre 2012, la requérante a formé un recours contre cette décision auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 65 du règlement nº 207/2009.

6        Par décision du 15 mars 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En premier lieu, elle a observé que le signe en cause constituait le pluriel du mot roumain « curvă », qui, comme il ressort de l’examen des différents dictionnaires, peut être écrit avec ou sans accent sur la voyelle « u » et qui a un contenu sémantique clair, signifiant, dans les deux cas, à peu près « prostituée », « putain », en français En deuxième lieu, la chambre de recours a considéré que ledit signe, en l’absence d’autres mots, ne saurait être perçu par le public roumain, même spécialisé, comme le mot anglais non offensant « curve », signifiant en français « courbe ». En troisième lieu, elle a observé que, aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement nº 207/2009, il convenait de tenir compte de toutes les personnes qui seront confrontées à la marque demandée, comme c’est notamment le cas du personnel de nettoyage des hôpitaux, des patients ou, dans le cas de certains services visés par la marque demandée, du grand public. Enfin, en quatrième lieu, la chambre de recours a relevé que, dans la mesure où la marque demandée s’adressait directement à tous ceux qui la lisent en tant qu’elle est apposée sur les produits visés par elle ou utilisée en association avec les services revendiqués par elle, son contenu sémantique est non seulement indécent, mais également offensant et dégradant pour eux.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ainsi que la décision de l’examinateur du 17 septembre 2012 dans la procédure d’enregistrement nº 008608473 ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        La requérante soulève un seul moyen à l’appui de son recours, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement nº 207/2009.

10      Par son argumentation, la requérante avance, en substance, deux griefs, relatifs, le premier, au public pertinent et, le second, à la contrariété à l’ordre public et aux bonnes mœurs.

11      L’OHMI conteste l’ensemble des arguments de la requérante.

12      À titre liminaire, il convient de relever que, selon l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement nº 207/2009, les marques qui sont contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs sont refusées à l’enregistrement. Selon le paragraphe 2 du même article, le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

13      Il résulte de la jurisprudence que l’intérêt général sous‑tendant le motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement nº 207/2009 est d’éviter l’enregistrement de signes qui porteraient atteinte à l’ordre public ou aux bonnes mœurs lors de leur utilisation sur le territoire de l’Union [arrêt du 20 septembre 2011, Couture Tech/OHMI (Représentation du blason soviétique), T‑232/10, Rec, EU:T:2011:498, point 29].

14      L’examen du caractère contraire d’un signe à l’ordre public ou aux bonnes mœurs doit être opéré par référence à la perception de ce signe, lors de son usage en tant que marque, par le public pertinent situé dans l’Union ou dans une partie de celle‑ci. Cette partie peut être constituée, le cas échéant, d’un seul État membre [arrêts Représentation du blason soviétique, EU:T:2011:498, point 50, et du 9 mars 2012, Cortés del Valle López/OHMI (¡Que buenu ye! HIJOPUTA), T‑417/10, EU:T:2012:120, point 12].

15      En l’espèce, il résulte du dictionnaire de la langue roumaine cité par la chambre de recours que la marque demandée est le pluriel du mot roumain « curvă », dont le premier sens est, dans un registre populaire ou vulgaire, « prostituée », « putain ». La marque demandée étant un mot de la langue roumaine, il y a lieu de considérer que le public pertinent par référence auquel il convient d’examiner l’existence du motif absolu de refus prévu dans l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement nº 207/2009 est le public roumanophone de l’Union.

16      En premier lieu, s’agissant du grief relatif au public pertinent, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir pris en considération un public trop large et conteste les considérations de celle-ci, selon lesquelles des personnes ne faisant pas partie du public pertinent pourraient être confrontées à la marque demandée.

17      Ainsi, la requérante fait valoir, premièrement, que les produits et les services en cause s’adressent à un public spécialisé, composé des médecins, du personnel des salles d’opération ainsi que du personnel administratif des hôpitaux chargé de l’acquisition desdits produits et services. Étant donné que, selon elle, d’une part, lesdits produits et services ne font pas l’objet de publicité à la télévision ni dans les journaux et revues habituellement lus par le consommateur moyen et que, d’autre part, ils ne sont proposés que dans le cadre de foires spécialisées, séminaires et conférences, le consommateur moyen ne sera confronté à la marque demandée qu’en tant que patient, dans la salle d’opération, dans un état qui ne lui permettra pas de la percevoir.

18      La chambre de recours a considéré, aux points 17 et 18 de la décision attaquée, que le public pertinent ne saurait être limité au public auquel sont directement adressés les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé, mais qu’il convient également de tenir compte du fait que la marque demandée peut choquer d’autres personnes susceptibles de lui être confrontées.

19      À cet égard, il convient d’observer que, conformément à la jurisprudence, le public pertinent ne saurait être limité, aux fins de l’examen du motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement nº 207/2009, au public auquel sont directement adressés les produits et les services pour lesquels l’enregistrement est demandé. Il convient, en effet, de tenir compte du fait que les signes visés par ce motif de refus choqueront non seulement le public auquel les produits et services désignés par le signe sont adressés, mais également d’autres personnes qui, sans être concernées par lesdits produits et services, seront confrontées à ce signe de manière incidente dans leur vie quotidienne [arrêts du 5 octobre 2011, PAKI Logistics/OHMI (PAKI), T‑526/09, EU:T:2011:564, point 18, et du 14 novembre 2013, Efag Trade Mark Company/OHMI (FICKEN), T‑52/13, EU:T:2013:596, point 19].

20      Contrairement à ce que prétend la requérante, dans le cas d’espèce, rien dans les caractéristiques des produits et des services visés ainsi que dans leurs modalités de commercialisation ne permet de considérer que des personnes autres que celles auxquelles les produits et les services visés sont adressés directement, qui constituent en l’espèce un public spécialisé, ne seront pas exposées à la marque demandée lors de son utilisation sur le marché.

21      En effet, s’agissant des produits et des services utilisés dans le milieu hospitalier, il y a lieu d’observer, d’abord, que, comme la chambre de recours l’a indiqué, au point 18 de la décision attaquée, le personnel du nettoyage de l’hôpital et les patients, qui, contrairement à ce que prétend la requérante, ne sont pas nécessairement toujours inconscients quand ils font l’objet d’un examen ou d’un traitement avec certains des appareils visés par la marque demandée, comme c’est notamment le cas des appareils à rayon x, à ultrason, ou les appareils de précision utilisés dans la radiothérapie, compris dans la classe 10, seront confrontés à ladite marque. De plus, seront confrontés à celle-ci les techniciens de l’hôpital chargés d’assurer l’entretien des différents appareils et installations ainsi que les informaticiens chargés d’assurer le bon fonctionnement des services et des équipements informatiques dans lesquels sont installés les logiciels. S’agissant des services qui peuvent être fournis hors du milieu hospitalier, dans des locaux comme des hôtels ou des universités, comme c’est notamment le cas des services de formation relevant de la classe 41, il y a lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours, au point 18 de la décision attaquée, que le grand public est susceptible d’être confronté à ladite marque.

22      Deuxièmement, les arguments de la requérante, selon lesquels, d’une part, il est douteux que le personnel du nettoyage de l’hôpital puisse porter son attention sur ladite marque et, d’autre part, dans le cas des logiciels, compris dans la classe 9, et des services liés à ceux-ci, compris dans la classe 42, le risque que des personnes ne faisant pas partie du public pertinent pourraient être confrontées à la marque demandée n’existe pas, ne sauraient convaincre.

23      À cet égard, d’une part, s’agissant du premier argument, il convient d’observer que la requérante n’a fourni aucun élément permettant d’étayer ses doutes quant au fait que le personnel de nettoyage de l’hôpital puisse porter attention à ladite marque. De plus, étant donné la signification choquante en langue roumaine de la marque demandée (voir point 15 ci-dessus), il y a lieu de supposer que celle-ci attirera immédiatement l’attention de toute personne qui sera confrontée à celle-ci. D’autre part, concernant le second argument, il suffit de relever que, même dans le cas des logiciels, compris dans la classe 9, et des services liés à ceux-ci, compris dans la classe 42, des personnes autres que le public auquel sont adressés lesdits services sont susceptibles d’être confrontées à la marque demandée. Comme il a été indiqué au point 21 ci-dessus, cela est notamment le cas des informaticiens chargés d’assurer le bon fonctionnement des services et des équipements informatiques de l’hôpital et qui seront donc en contact soit avec les équipements où sont chargés lesdits logiciels, soit avec les fournisseurs des services liés à ceux-ci.

24      Troisièmement, en ce qui concerne l’argument de la requérante, selon lequel, à supposer même qu’un collaborateur ou un patient puissent percevoir ladite marque, ils estimeront que celle-ci est constituée d’un mot étranger, de la même façon que le feront les professionnels auxquels les produits et les services sont adressés, il convient de l’écarter comme dépourvu de fondement. À cet égard, il suffit d’observer que, comme l’OHMI l’a fait valoir, la requérante n’a fourni aucun indice permettant de considérer que, en l’absence de tout élément en langue étrangère accompagnant le signe en cause, le public général roumanophone percevra ce dernier comme un mot étranger, notamment comme le mot anglais « curve » signifiant « courbe », et non comme ce qu’il désigne de manière évidente et habituelle (voir, en ce sens, arrêt FICKEN, EU:T:2013:596, point 22). En outre, le fait que, comme la requérante le fait valoir, son site web soit présenté exclusivement en anglais, à la différence des sites des concurrents, est dépourvu de pertinence afin d’établir la perception par le public dudit signe, apparaissant seul, généralement sous une forme écrite, et apposé directement sur les produits en cause ou utilisé en relation avec les services en cause.

25      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la requérante ne saurait faire grief à la chambre de recours d’avoir pris en considération un public trop large. Il convient donc d’écarter les arguments de la requérante à cet égard.

26      En second lieu, s’agissant du grief relatif au caractère contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir procédé à une interprétation trop large du caractère contraire aux bonnes mœurs et soulève des doutes quant au fait que le mot roumain « curve » atteigne le degré de mépris ou d’insulte nécessaire pour refuser son enregistrement en tant que marque communautaire. Ainsi, selon elle, dans les dernières années, ledit mot a perdu en obscénité, notamment en Allemagne, où différentes associations utilisent l’équivalent allemand dans leur dénomination.

27      La chambre de recours a considéré, au point 19 de la décision attaquée, que le contenu sémantique de la marque demandée, qui est le pluriel du mot roumain « curvă », signifiant « putain », « prostituée », est non seulement indécent, mais également offensant et dégradant pour le lecteur, de sorte que le grand public ne souhaiterait pas être qualifié de « prostituée » ou de « putain ».

28      À cet égard, il convient de relever que, conformément à la jurisprudence, l’appréciation de l’existence de ce motif de refus ne saurait être fondée sur la perception de la partie du public pertinent qui peut être très facilement offensé, ni sur celle que rien ne choque, mais doit être faite sur la base des critères d’une personne raisonnable ayant des seuils moyens de sensibilité et de tolérance (arrêts PAKI, EU:T:2011:564, point 12 ; ¡Que buenu ye! HIJOPUTA, EU:T:2012:120, point 12, et FICKEN, EU:T:2013:596, point 18).

29      En l’espèce, comme il a été indiqué au point 15 ci-dessus, la marque demandée est composée du seul mot « curve », qui, en langue roumaine, est le pluriel du mot « curvă », dont le sens premier, dans un registre populaire ou vulgaire, est « putain », « prostituée », et qui est donc intrinsèquement injurieux et obscène, et pas seulement de mauvais goût, comme le soutient la requérante. En l’absence de circonstances particulières, ledit mot a la capacité intrinsèque de choquer toute personne normale qui l’entendra ou le lira et comprendra son sens (voir, en ce sens, arrêt FICKEN, EU:T:2013:596, point 22).

30      Par ailleurs, le fait, à le supposer vrai, que, en Allemagne, le mot équivalent « Hure » ait perdu en obscénité est dépourvu de pertinence pour établir la perception du signe en cause par le public pertinent, qui, comme il a été indiqué au point 15 ci-dessus, est le public roumanophone de l’Union.

31      En tout état de cause, l’utilisation de l’équivalent allemand du mot roumain en tant que dénomination d’une association de prostituées ou de la journée internationale de celles-ci est sans conséquence dans l’appréciation du caractère choquant et injurieux de la marque demandée, dans la mesure où l’utilisation dans la société du mot en question, même dans la presse ou dans la littérature, ne permet pas de minimiser son caractère intrinsèquement injurieux et obscène (voir, en ce sens, arrêt FICKEN, EU:T:2013:596, point 29).

32      Dès lors, en estimant que la marque demandée pouvait être considérée comme relevant du motif absolu du refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement nº 207/2009, la chambre de recours n’a pas procédé à une interprétation trop large de cette disposition.

33      Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’argument de la requérante selon lequel il ne pourrait être exclu que le public perçoive la marque demandée comme un mot anglais, au vu des produits et des services visés par ladite marque.

34      Certes, il résulte de la jurisprudence que c’est la marque elle-même, à savoir le signe en relation avec les produits ou les services tels qu’ils figurent à l’enregistrement de la marque, qu’il convient d’examiner aux fins d’apprécier si elle est contrarie à l’ordre public ou aux bonnes mœurs (arrêt FICKEN, EU:T:2013:596, point 20).

35      Cependant, la nature des produits et des services visés par la marque demandée, liés, en substance, au domaine de la technologie et de l’informatique appliquées à la médecine, ne saurait suffire en l’espèce à remettre en question la perception de ladite marque, qui est composée du seul mot « curve » et qui apparaîtra normalement sous une forme écrite, par le public roumanophone pertinent comme un mot en langue roumaine, qu’il connaît et comprend, et dont le contenu est injurieux et obscène. En outre, comme il a été indiqué au point 24 ci-dessus, aucun autre élément ne permet d’établir que le public général roumanophone percevra le signe en cause comme un mot exclusivement étranger, notamment comme le mot anglais « curve », et non comme ce qu’il désigne en roumain de manière évidente et habituelle.

36      Il ressort de ce qui précède qu’aucun argument présenté par la requérante n’est de nature à remettre en cause l’appréciation de la marque demandée faite par la chambre de recours dans la décision attaquée, au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement nº 207/2009. C’est donc à juste titre que celle-ci a conclu que le mot « curve », constituant la marque dont l’enregistrement a été demandé, serait perçu par le public roumain pertinent comme étant contraire aux bonnes mœurs dans une partie de l’Union.

37      En conséquence, le moyen relatif à la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement nº 207/2009 doit être rejeté ainsi que le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du premier chef de conclusions de la requérante, pour autant qu’il vise également à l’annulation de la décision de l’examinateur du 17 septembre 2012, dans la procédure d’enregistrement nº 008608473.

 Sur les dépens

38      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’OHMI, conformément aux conclusions de celui-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Brainlab AG est condamnée aux dépens.

Dittrich

Schwarcz

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 septembre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.