Language of document : ECLI:EU:T:1999:139

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

8 juillet 1999 (1)

«Organisation commune des marchés dans le secteur du sucre - Régime de péréquation des frais de stockage - Recours en annulation - Personnes physiques et morales - Irrecevabilité»

Dans l'affaire T-158/95,

Eridania Zuccherifici Nazionali SpA, société de droit italien, établie à Gênes (Italie),

ISI - Industria Saccarifera Italiana Agroindustriale SpA, société de droit italien, établie à Padoue (Italie),

Sadam Zuccherifici, division de la SECI - Società Esercizi Commerciali Industriali SpA, société de droit italien, établie à Bologne (Italie),

Sadam Castiglionese SpA, société de droit italien, établie à Bologne,

Sadam Abruzzo SpA, société de droit italien, établie à Bologne,

Zuccherificio del Molise SpA, société de droit italien, établie à Termoli (Italie),

SFIR - Società Fondiaria Industriale Romagnola SpA, société de droit italien, établie à Cesena (Italie),

Ponteco Zuccheri SpA, société de droit italien, établie à Pontelagoscuro (Italie),

représentées par M. Bernard O'Connor, solicitor, et Mes Ivano Vigliotti et Paolo Crocetta, avocats au barreau de Gênes, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Arsène Kronshagen, 12, boulevard de la Foire,

parties requérantes,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par MM. Jan-Peter Hix et Ignacio Díez Parra, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Alessandro Morbilli, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie défenderesse,

soutenue par

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Eugenio de March, conseiller juridique, et Francesco Paolo Ruggeri Laderchi, membre du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande visant, en substance, à l'annulation, d'une part, du règlement (CE) n° 1101/95 du Conseil, du 24 avril 1995, modifiant le règlement (CEE) n° 1785/81 portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre et le règlement (CEE) n° 1010/86 établissant les règles générales applicables à la restitution à la production pour certains produits du secteur du sucre utilisés dans l'industrie chimique (JO L 110, p. 1), et, d'autre part, du règlement (CE) n° 1534/95 du Conseil, du 29 juin 1995, fixant, pour la campagne de commercialisation 1995/1996, les prix d'intervention dérivés du sucre blanc, le prix d'intervention du sucre brut, les prix minimaux de la betterave A et de la betterave B, ainsi que le montant du remboursement pour la péréquation des frais de stockage (JO L 148, p. 11),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, J. Pirrung et M. Vilaras, juges,

greffier: M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 26 janvier 1999,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    Le règlement (CEE) n° 1785/81 du Conseil, du 30 juin 1981, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (JO L 177, p. 4, ci-après «règlement de base»), plusieurs fois modifié, dont l'un des objectifs est de garantir aux producteurs de betteraves et de cannes à sucre de la Communauté le maintien de leur emploi et de leur niveau de vie (troisième considérant), établit à cet effet, notamment, un régime des prix, un régime des quotas et un système de compensation des frais de stockage.

2.
    Le régime des quotas comporte la fixation, pour chacune des régions de production de la Communauté, des quantités de sucre à produire, les États membres devant répartir ces quantités entre les différentes entreprises productrices de sucre établies sur leur territoire sous forme de quotas de production. Ces quotas se réfèrent à une campagne de commercialisation annuelle, qui commence le 1er juillet d'une année et se termine le 30 juin de l'année suivante.

3.
    Le régime des prix comporte un système d'intervention destiné à garantir les prix et l'écoulement des produits, les prix appliqués par les organismes d'intervention étant fixés chaque année par le Conseil.

4.
    La fabrication de sucre étant une activité soumise à des variations saisonnières, avec pour conséquence que les quantités produites au cours d'un exercice donné ne peuvent pas, habituellement, être toutes écoulées au cours de ce même exercice, l'article 8 du règlement de base a également établi «un régime de péréquation des frais de stockage comportant un remboursement forfaitaire et un financement de celui-ci au moyen d'une cotisation» (paragraphe 1). L'article 8, paragraphe 2, troisième alinéa, précise: «Le montant du remboursement est le même pour toute la Communauté. Cette règle d'uniformité s'applique également [pour la cotisation perçue par les États membres de chaque fabricant de sucre].»

5.
    Pour la campagne de commercialisation 1995/1996, le montant du remboursement forfaitaire a été «fixé à 0,45 écu par 100 kilogrammes de sucre blanc par mois», par l'article 4 du règlement (CE) n° 1534/95 du Conseil, du 29 juin 1995, fixant, pour la campagne de commercialisation 1995/1996, les prix d'intervention dérivés du sucre blanc, le prix d'intervention du sucre brut, les prix minimaux de la betterave A et de la betterave B, ainsi que le montant du remboursement pour la péréquation des frais de stockage (JO L 148, p. 11, ci-après «règlement n° 1534/95»). Ce faisant, le Conseil a, ainsi qu'il ressort du sixième considérant dudit règlement, pris en considération les frais de financement, les frais d'assurance et les frais spécifiques du stockage, «un taux d'intérêt de 6,75 %» étant pris en compte pour les frais de financement.

6.
    L'article 46, paragraphe 4, du règlement de base autorisait, en outre, la République italienne «durant les campagnes de commercialisation 1981/1982 à 1985/1986, lorsque le niveau du taux d'intérêt consenti en Italie au meilleur client solvable est supérieur de 3 % ou plus au niveau du taux d'intérêt utilisé pour le calcul du montant du remboursement visé à l'article 8, à couvrir l'incidence de cette différence sur les frais de stockage par une aide nationale». Cette autorisation a été reconduite une première fois par l'article 1er, point 10, du règlement (CEE) n° 934/86 du Conseil du 24 mars 1986, modifiant le règlement n° 1785/81 (JO L 87, p. 1), pour les campagnes de commercialisation 1986/1987 et 1987/1988, la disposition pertinente devenant à cette occasion l'article 46, paragraphe 5, du règlement de base, puis pour toutes les campagnes de commercialisation ultérieures et, en dernier lieu, par l'article 1er, point 26, du règlement (CE) n° 133/94 du Conseil, du 24 janvier 1994, modifiant le règlement n° 1785/81 (JO L 22, p. 7, ci-après «règlement n° 133/94») pour la campagne de commercialisation 1994/1995.

7.
    L'article 46 du règlement de base, tel que modifié par l'article 1er, point 13, du règlement (CE) n° 1101/95 du Conseil, du 24 avril 1995, modifiant le règlement n° 1785/81 (ci-après «règlement n° 1101/95») et le règlement (CEE) n° 1010/86 établissant les règles générales applicables à la restitution à la production pour certains produits du secteur du sucre utilisés dans l'industrie chimique (JO L 110, p. 1), n'autorise plus la République italienne à accorder cette aide nationale.

Procédure

8.
    C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 août 1995, les requérantes, sociétés établies en Italie et détenant ensemble 92 % des quotas de production de sucre attribués à cet État membre, ont introduit, en vertu de l'article 173, quatrième alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 230, quatrième alinéa, CE), le présent recours.

9.
    Par acte séparé, déposé le 25 octobre 1995 au greffe du Tribunal, le Conseil a soulevé une exception d'irrecevabilité, au titre de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure. Les requérantes ont déposé leurs observations sur cette exception le 11 décembre 1995.

10.
    Par ordonnance du 19 mars 1996, le président de la deuxième chambre du Tribunal a accueilli la demande d'intervention au soutien des conclusions du Conseil déposée par la Commission au greffe du Tribunal le 31 janvier 1996. Le 3 mai 1996, la Commission a déposé un mémoire en intervention. Par mémoires déposés au greffe, respectivement, les 14 et 18 juin 1996, le Conseil et les requérantes ont présenté leurs observations sur ce mémoire en intervention.

11.
    Par ordonnance du 25 juin 1997, le Tribunal (deuxième chambre) a joint l'exception au fond.

12.
    Par décision du Tribunal du 21 septembre 1998, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre, à laquelle l'affaire a, par conséquent, été attribuée.

13.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 26 janvier 1999.

Conclusions des parties

14.
    Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours recevable;

-    annuler le règlement n° 1101/95, à tout le moins dans la mesure où, modifiant le règlement de base, il ne prévoit pas la différenciation du montant du remboursement pour la péréquation des frais de stockage en fonction des charges financières supportées par les fabricants de sucre de chaque pays;

-    annuler l'article 4 du règlement n° 1534/95, en ce qu'il fixe, pour la campagne de commercialisation 1995/1996, le montant du remboursement visé à l'article 8 du règlement de base de manière uniforme, indépendamment des taux d'intérêt effectivement appliqués dans chaque pays de la Communauté;

-    annuler, le cas échéant, tous actes antérieurs ou postérieurs aux règlements n° 1101/95 et n° 1534/95 qui leur soient connexes, en ce compris le règlement de base et ses modifications successives ou, à tout le moins, ses articles 3, 5, 6 et 8 et toutes dispositions prises pour leur exécution;

-    condamner la Commission à supporter les dépens résultant du dépôt de son mémoire en intervention;

-    condamner la Conseil aux dépens.

15.
    Le Conseil conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme irrecevable et, subsidiairement, comme non fondé;

-    condamner les requérantes aux dépens.

16.
    Dans son mémoire en intervention, la Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal accueillir les conclusions du Conseil et rejeter le recours comme irrecevable.

Sur la recevabilité du recours

17.
    Au soutien de son exception d'irrecevabilité, le Conseil soulève quatre moyens. Le premier est tiré d'une violation de l'article 19, premier alinéa, du statut (CE) de la Cour et de l'article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, en ce que la requête manquerait de la précision requise par ces textes. Le deuxième moyen est pris de ce que le recours ne vise que partiellement l'annulation d'actes adoptés par le Conseil. Le troisième moyen est tiré de l'expiration du délai de recours prévu à l'article 173, cinquième alinéa, du traité en ce qui concerne certaines parties du recours. Par son quatrième moyen, le Conseil fait valoir que les requérantes ne sont pas directement et individuellement concernées par les actes attaqués, de sorte qu'elles n'ont pas qualité pour agir au titre de l'article 173, quatrième alinéa, du traité.

Moyens et arguments des parties

Sur le premier moyen, tiré de l'insuffisante précision de la requête

18.
    Le Conseil fait valoir que la requête ne satisfait pas aux exigences de précision établies par l'article 19, premier alinéa, du statut de la Cour et l'article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. En effet, elle ne serait recevable que pour autant qu'il est conclu à l'annulation de l'article 4 du règlement n° 1534/95 et de l'article 8 du règlement de base. Les conclusions tendant à l'annulation, d'une manière générale, du règlement de base et des règlements nos 1101/95 et 1534/95 ne permettraient pas de déterminer l'objet du recours, les requérantes omettant de préciser quelles dispositions desdits règlements leur feraient grief.

19.
    De même, les conclusions en annulation du règlement n° 1101/95, dans la mesure où «il ne prévoit pas la différenciation du montant du remboursement pour la péréquation des frais de stockage en fonction des charges financières supportées par les fabricants de sucre de chaque pays», seraient, faute de précisions, irrecevables, ledit règlement ne contenant aucune disposition relative à la péréquation des frais de stockage.

20.
    Les requérantes estiment que l'objet de leur recours est suffisamment précis. Dans leurs observations sur l'exception d'irrecevabilité, elles ont, en outre, précisé qu'elles demandaient:

-    l'annulation du règlement n° 1101/95 dans la mesure où, par son article 1er, point 13, remplaçant le texte de l'article 46 du règlement de base, il supprime la possibilité pour l'État italien d'accorder aux fabricants de sucre italiens des aides compensatoires en rapport avec les frais de stockage causés par les taux d'intérêt élevés en Italie;

-    l'annulation de l'article 4 du règlement n° 1534/95 qui, pour la campagne 1995/1996, fixe le remboursement prévu à l'article 8 du règlement de base à un montant unitaire pour l'ensemble de la Communauté;

-    la constatation, sur le fondement de l'article 184 du traité CE, (devenu article 241 CE) de l'illégalité de l'article 8 du règlement de base, en ce que celui-ci prévoit un montant de remboursement unitaire pour l'ensemble de la Communauté, sans tenir compte des circonstances particulières qui influent sur les frais de stockage dans chaque État membre.

Sur le deuxième moyen, tiré de l'absence d'acte attaquable

21.
    Le Conseil fait valoir que le recours, en ce qu'il tend à l'annulation du règlement n° 1101/95 pour autant qu'il ne prévoit pas de différenciation du montant du remboursement pour la péréquation des frais de stockage, est irrecevable. En effet, ledit règlement ne modifierait pas l'article 8 du règlement de base, instaurant le régime de péréquation des frais de stockage, et ne contiendrait aucune disposition concernant ledit régime, de sorte que le recours ne saurait être considéré comme étant dirigé contre un «acte adopté» par le Conseil au sens de l'article 173 du traité.

22.
    Il estime que les requérantes lui font, en réalité, grief d'avoir manqué d'ajouter à l'article 8 du règlement de base une disposition prévoyant une telle différenciation, de sorte qu'elles n'auraient pas dû introduire un recours en annulation, mais un recours en carence. Il ajoute que, en tout état de cause, les conditions de recevabilité du recours en carence ne sont pas réunies en l'espèce.

23.
    La Commission fait valoir que les conclusions visant à l'annulation du règlement n° 1101/95, dans la mesure où il élimine prétendument la possibilité d'accorder une aide aux producteurs italiens, sont mal dirigées. En effet, la possibilité d'accorder une aide aux producteurs italiens aurait été limitée à la campagne 1994/1995 par l'article 1er, point 26, du règlement n° 133/94. C'est en vertu de cette disposition que la possibilité d'octroi d'une aide nationale complémentaire aurait cessé d'être applicable à partir du 1er juillet 1995, et non pas en vertu d'un quelconque effet abrogatoire du règlement n° 1101/95.

24.
    Les requérantes rétorquent qu'elles n'ont pas réellement affirmé que le règlement n° 1101/95 avait modifié l'article 8 du règlement de base. Elles demanderaient l'annulation du règlement n° 1101/95 en ce que celui-ci supprime la disposition de l'article 46 du règlement de base autorisant l'Italie à accorder des aides. Leur recours viserait, ainsi, à éliminer toute discrimination causée par la péréquation des frais de stockage.

25.
    Elles ajoutent que la possibilité d'accorder des aides nationales complémentaires n'a pas été supprimée par le règlement n° 133/94, car ce dernier n'aurait fait que proroger, pour la campagne 1994/1995, les dispositions du règlement de base, y compris celles de l'article 46. Elles soulignent, à cet égard, que, au contraire, le règlement n° 1101/95 a prorogé l'applicabilité du règlement de base pour les campagnes 1995/1996 à 2000/2001, sans proroger cependant l'applicabilité de la disposition susmentionnée de l'article 46. Ainsi, le règlement n° 1101/95 aurait supprimé ladite disposition à partir de la campagne 1995/1996, ce qui modifierait leur situation juridique.

Sur le troisième moyen, tiré de l'expiration du délai de recours

26.
    Le Conseil soutient que, pour autant que le recours vise à l'annulation de l'article 8 du règlement de base, il a été formé après l'expiration du délai de deux mois prévu à l'article 173, cinquième alinéa, du traité, et est donc irrecevable. En effet, le règlement de base aurait été adopté le 30 juin 1981 et le texte actuel de l'article 8, paragraphe 2, troisième alinéa, de ce règlement, relatif au montant du remboursement, aurait été introduit en 1985.

27.
    Les requérantes font valoir qu'elles excipent de l'illégalité de l'article 8 du règlement de base sur le fondement de l'article 184 du traité, de sorte que leurs conclusions sur ce point seraient recevables.

28.
    La Commission fait valoir que l'exception d'illégalité soulevée par les requérantes est tardive et en contradiction avec le contenu de leur requête, dans laquelle elles n'auraient formellement demandé que l'annulation de l'article 8 du règlement de base. Par conséquent, la requalification de cette demande en annulation en exception d'illégalité, formulée par les requérantes dans leurs observations sur l'exception d'irrecevabilité, devrait être déclarée irrecevable en vertu de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, qui interdit la production de nouveaux moyens en cours d'instance.

29.
    Les requérantes rétorquent qu'elles se sont plaintes de l'illégalité de tous les actes en indiquant les règlements qu'elles contestaient, dont le règlement de base et, en particulier, son article 8. Les actes attaqués dans leur recours seraient les règlements n°s 1101/95 et 1534/95. En revanche, elles n'auraient pas demandé l'annulation du règlement de base. Leur troisième moyen aurait eu pour objet de soulever la question de l'illégalité éventuelle des règlements susmentionnés. Ce faisant, elles n'auraient pas soulevé un moyen nouveau au sens de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, mais auraient simplement précisé un moyen antérieur.

Sur le quatrième moyen, tiré du défaut de qualité pour agir des requérantes

30.
    Le Conseil soutient que les requérantes ne sont ni directement ni individuellement concernées par les actes attaqués. En particulier, le Conseil s'oppose à la thèse défendue par les requérantes, selon laquelle elles appartiendraient à un cercle restreint d'opérateurs économiques individualisés et identifiables, à savoir les fabricants italiens de sucre titulaires d'un quota de production, ce cercle n'étant justement pas restreint.

31.
    Il précise que le régime des quotas de production dans le secteur du sucre prévoit la possibilité d'attribuer des quotas à des «new comers» («nouveaux entrants»). En effet, l'article 25 du règlement de base permettrait aux États membres d'effectuer des transferts de quotas entre entreprises sans limites sur la base de plans de restructuration. Par conséquent, le cercle potentiel de fabricants italiens de sucre titulaires d'un quota de production ne serait pas déterminable a priori. Il ajoute que les dispositions établissant le régime de péréquation des frais de stockage ne concernent pas seulement les fabricants italiens de sucre, mais également tous les autres fabricants de sucre dans la Communauté. Le cercle des personnes concernées par les actes attaqués ne serait donc pas fermé et pourrait s'étendre à l'avenir. Par conséquent, les conditions de recevabilité établies par les arrêts de la Cour du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission (C-152/88, Rec. p. I-2477), et du 6 novembre 1990, Weddel/Commission (C-354/87, Rec. p. I-3847), ne seraient pas réunies en l'espèce.

32.
    Le Conseil se réfère également à la jurisprudence selon laquelle la portée générale, et, partant, la nature normative d'un acte, n'est pas mise en cause par la possibilité de déterminer le nombre ou même l'identité des sujets de droit auxquels il s'applique à un moment donné, tant qu'il est constant que cette application s'effectue en vertu d'une situation objective de droit ou de fait définie par l'acte en relation avec la finalité de ce dernier (arrêt de la Cour du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil, C-309/89, Rec. p. I-1853, point 18, et ordonnance du Tribunal du 29 juin 1995, Cantina cooperativa fra produttori vitivinicoli di Torre di Mosto e.a./Commission, T-183/94, Rec. p. II-1941, point 48). Or les actes attaqués s'appliqueraient en vertu d'une telle situation objective de droit et de fait.

33.
    A cet égard, d'une part, le Conseil souligne que le régime de péréquation des frais de stockage prévu par l'article 8 du règlement de base est applicable dans toute la Communauté et le remboursement des frais de stockage prévu par le paragraphe 1 du même article s'effectue sur une base forfaitaire. Par conséquent, l'article 8 ne viserait pas spécifiquement le remboursement des frais effectivement supportés pas les fabricants italiens de sucre.

34.
    D'autre part, le règlement n° 1101/95, modifiant le règlement de base, reconduirait le système d'autofinancement du secteur et le régime des quotas pour six campagnes de commercialisation en tenant compte des engagements internationaux de la Communauté et de la situation économique du secteur du sucre dans la Communauté.

35.
    Le Conseil souligne, par ailleurs, que le règlement n° 1534/95 fait partie du «paquet prix» qu'il adopte chaque année pour la campagne de commercialisation suivante dans les différents secteurs agricoles. Il ressortirait des considérants de ce règlement que le Conseil, afin de déterminer le montant du remboursement, s'est fondé sur des critères objectifs, prenant en considération - conformément aux critères énumérés à l'article 5 du règlement (CEE) n° 1358/77 du Conseil, du 20 juin 1977, établissant les règles générales de compensation des frais de stockage dans le secteur du sucre et abrogeant le règlement (CEE) n° 750/68 (JO L 156, p. 4) - les frais de financement, comprenant la prise en compte d'un taux d'intérêt de 6,75 %, les frais d'assurance et les frais spécifiques du stockage.

36.
    Il en déduit que les dispositions réglementaires litigieuses ne comportent aucun élément concret permettant de conclure que le régime de péréquation des frais de stockage, et notamment la fixation du montant de remboursement, vise spécifiquement la situation des requérantes. Ces dernières ne seraient donc concernées qu'en leur qualité objective de fabricants de sucre.

37.
    En tout état de cause, la seule circonstance que les requérantes soient titulaires de quotas de production ne serait pas suffisante pour établir, comme l'exige la jurisprudence, qu'elles sont atteintes dans leur position juridique (arrêt Codorniu/Commission, précité, point 20). A la différence du règlement en cause dans l'affaire Codorniu, la fixation du montant de remboursement ne porterait pas atteinte à la «position juridique» des requérantes et n'affecterait pas non plus leurs «droits spécifiques» (ordonnance du Tribunal du 20 octobre 1994, Asocarne/Conseil, T-99/94, Rec. p. II-871, point 20).

38.
    Dans son mémoire en intervention, la Commission se rallie à l'argumentation du Conseil. Elle souligne que les dispositions réglementaires attaquées établissent le montant du remboursement forfaitaire des frais de stockage, sur la base d'une appréciation globale de la situation objective du marché, et ne concernent pas uniquement les fabricants italiens de sucre, mais tous les fabricants de la Communauté, sans accorder aucune protection spécifique à certains d'entre eux.

39.
    Les requérantes estiment, tout d'abord, être directement atteintes, en leur qualité de titulaires de quotas de production, par les règlements attaqués, en ce que le remboursement des frais de stockage est directement lié à la possession de ces quotas. En effet, les actes litigieux, en ne prenant pas en considération les frais de stockage d'un niveau plus élevé pesant sur les producteurs italiens, créeraient une discrimination à leur détriment. Les actes litigieux auraient donc une incidence directe sur la situation patrimoniale des requérantes, qui seraient obligées d'exercer leur activité dans des conditions de marché défavorables et en supportant des coûts supérieurs à ceux supportés par les opérateurs étrangers.

40.
    Cette constatation n'est pas remise en cause par la circonstance que les autorités italiennes disposaient d'une marge d'appréciation dans l'octroi des aides nationales. Se référant à l'arrêt de la Cour du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission (11/82, Rec. p. 207), les requérantes rappellent que ces aides ont toujours été accordées en pratique, de sorte que le règlement n° 1101/95, en ce qu'il supprime la possibilité d'accorder de telles aides, produit des effets directs à leur égard.

41.
    Les requérantes font ensuite valoir qu'elles sont individuellement concernées par les dispositions réglementaires attaquées, dans la mesure où elles appartiennent à un cercle restreint d'opérateurs économiques individualisés et identifiables, à savoir les fabricants de sucre italiens titulaires de quotas de production. La possession d'un quota serait la condition permettant à un fabricant de sucre de se définir effectivement comme tel au sens de la réglementation communautaire. Seuls les fabricants de sucre titulaires d'un quota pourraient bénéficier du remboursement des frais de stockage. Or, il serait constant que les requérantes étaient titulaires de quotas de production pour la campagne de commercialisation 1995/1996.

42.
    Dans ce contexte, elles soulignent que les institutions avaient connaissance de leur identité et renvoient à l'obligation incombant aux États membres d'informer les autorités communautaires de la répartition des quotas entre les entreprises productrices, ainsi qu'il ressort des articles 25, paragraphe 2, et 39 du règlement de base ainsi que du règlement (CEE) n° 787/83 de la Commission, du 29 mars 1983, relatif aux communications dans le secteur du sucre (JO L 88 p. 6). Le Conseil aurait eu connaissance, lors de l'adoption des règlements n°s 1101/95 et 1534/95, de l'identité des entreprises productrices italiennes qui seraient titulaires de quotas pour la campagne 1995/1996. Il aurait été constant que les requérantes en faisaient partie et qu'il était exclu que d'autres titulaires de quotas puissent s'ajouter.

43.
    Dans la mesure où le Conseil se réfère à l'article 25 du règlement de base pour soutenir que le nombre des fabricants de sucre n'est pas fixe, mais ouvert à des «new comers», les requérantes soulignent que la possibilité pour les États membres de transférer des quotas pour la campagne 1995/1996 ne pouvait être utilisée qu'avant le 1er mars 1995. En effet, le règlement (CEE) n° 193/82 du Conseil, du 26 janvier 1982, arrêtant les règles générales relatives aux transferts de quotas dans le secteur du sucre (JO L 21, p. 3), prévoit à son article 7 que, lorsqu'un État membre applique l'article 25, paragraphe 2, du règlement de base, il attribue les quotas modifiés avant le 1er mars pour son application pendant la campagne de commercialisation suivante. Elles en concluent que, à la date de l'adoption des règlements n°s 1101/95 et 1534/95 - les 24 avril et 29 juin 1995 -, l'article 1er, sous f), du règlement n° 1534/95 ne pouvait concerner que le cercle restreint des producteurs de sucre italiens déterminés à la date du 1er mars précédent.

44.
    Les requérantes renvoient également au rapport spécial n° 4/91 de la Cour des comptes, concernant l'activité de l'organisation commune des marchés dans le secteur du sucre et de l'isoglucose, selon lequel la longue durée d'application du système des quotas a créé des droits de production en faveur des titulaires de quotas, ces quotas de production ayant abouti à de véritables droits individuels. La Commission n'ayant pas formulé d'objections sur ce point dans sa réponse officielle à ces déclarations, elle aurait implicitement admis que les quotas de production sont devenus de véritables droits individuels et que, dès lors, toute mesure prise par les autorités communautaires au sujet de tels droits produit des incidences directes et individuelles à l'égard des titulaires desdits droits.

45.
    Se référant, notamment, aux arrêts Sofrimport/Commission, Piraiki-Patraiki e.a./Commission et Weddel/Commission, précités, ainsi qu'aux arrêts de la Cour du 1er juillet 1965, Töpfer e.a./Commission (106/63 et 107/63, Rec. p. 525), et du 13 mai 1971, International Fruit Company e.a./Commission (41/70, 42/70, 43/70 et 44/70, Rec. p. 411), les requérantes affirment constituer un groupe suffisamment caractérisé par rapport aux producteurs d'autres zones de la Communauté. En effet, elles seraient victimes d'une discrimination causée par l'incidence particulière des frais financiers sur le marché italien, incidence dont les actes attaqués n'auraient pas tenu compte, alors que les institutions communautaires avaient connaissance du problème.

46.
    Ainsi, selon les requérantes, le Conseil aurait adopté les actes attaqués en réaction à la quantité de sucre que les requérantes se voyaient autorisées à produire par les quotas attribués à l'Italie. Il aurait agi sur la base de cette donnée et aurait décidé que le chiffre de la production coïncidait avec celui de la consommation et qu'une aide supplémentaire n'était donc pas nécessaire, de sorte qu'il existerait une corrélation claire entre leur situation et les mesures prises par le Conseil.

    Appréciation du Tribunal

Sur l'objet du litige, l'insuffisante précision de la requête et la forclusion (premier et troisième moyens)

47.
    Les requérantes ont précisé dans leurs observations sur l'exception d'irrecevabilité qu'elles demandaient l'annulation du règlement n° 1101/95, dans la mesure où son article 1er, point 13, en remplaçant le texte de l'article 46 du règlement de base, a supprimé la possibilité pour l'État italien d'accorder aux fabricants de sucre italiens des aides en rapport avec les frais de stockage, et du règlement n° 1534/95, dans la mesure où son article 4 fixe le remboursement pour la péréquation des frais de stockage à un montant unitaire pour l'ensemble de la Communauté.

48.
    Il est vrai qu'elles ont indiqué, dans ce même contexte, qu'elles demandaient en outre «la constatation, y compris sur le fondement de l'article 184 du traité, de l'invalidité et de l'illégalité de l'article 8 du règlement n° 1785/81», ce qui revient à soulever une exception d'illégalité à l'appui des conclusions du recours. Sur ce dernier point, elles ont toutefois précisé dans leurs observations sur le mémoire en intervention de la Commission que les actes attaqués dans leur recours sont les règlements n°s 1101/95 et 1534/95 et que, en tout cas, elles n'ont pas demandé l'annulation du règlement de base.

49.
    Le Tribunal en conclut que les requérantes se bornent à demander l'annulation de l'article 1er, point 13, du règlement n° 1101/95 et de l'article 4 du règlement n° 1534/95, de sorte qu'il n'est plus besoin d'examiner la recevabilité du recours en ce qui concerne les autres éléments.

50.
    Il s'ensuit que les premier et troisième moyens d'irrecevabilité, tirés du caractère imprécis de la requête et de l'expiration du délai de recours, sont devenus sans objet.

Sur le deuxième moyen, tiré de l'absence d'acte attaquable

51.
    Selon une jurisprudence constante, ne constituent des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation, au sens de l'article 173 du traité, que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts des requérantes, en modifiant de façon caractérisée leur situation juridique (ordonnance du Tribunal du 24 juin 1998, Dalmine/Commission, T-596/97, Rec. p. II-2383, point 29).

52.
    Or, ainsi que la Commission et le Conseil l'ont relevé à juste titre, l'article 1er, point 13, du règlement n° 1101/95 ne contient aucune disposition concernant le régime de péréquation des frais de stockage, en général, ou la possibilité pour l'État italien d'accorder une aide aux producteurs italiens en rapport avec ces frais, en particulier. La possibilité d'accorder une telle aide a été prévue pour la dernière fois par le règlement n° 133/94, dont l'article 1er, point 26, a prorogé la disposition correspondante de l'article 46, paragraphe 5, du règlement de base tout en limitant cette possibilité d'aide à la campagne de commercialisation 1994/1995. Il s'ensuit que, en ce qui concerne la campagne de commercialisation litigieuse, à savoir celle de 1995/1996, la situation juridique des requérantes n'a pas été affectée de façon caractérisée par le règlement n° 1101/95.

53.
    Il en résulte que, pour autant qu'il vise à l'annulation de l'article 1er, point 13, du règlement n° 1101/95, le recours doit être déclaré irrecevable.

Sur la qualité pour agir des requérantes (quatrième moyen)

54.
    En vertu de l'article 173, quatrième alinéa, du traité, la recevabilité d'un recours en annulation introduit contre un règlement par une personne physique ou morale est subordonnée à la condition que le règlement attaqué soit, en réalité, une décision qui la concerne directement et individuellement. Le critère de distinction entre un règlement et une décision doit être recherché dans la portée générale ou non de l'acte en question. Un acte a une portée générale s'il s'applique à des situations déterminées objectivement et s'il produit des effets juridiques à l'égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (ordonnance de la Cour du 24 avril 1996, CNPAAP/Conseil, C-87/95 P, Rec. p. I-2003, point 33; arrêt du Tribunal du 10 juillet 1996, Weber/Commission, T-482/93, Rec. p. II-609, point 55, et ordonnance du Tribunal du 8 décembre 1998, Sadam Zuccherifici e.a./Conseil, T-39/98, Rec. p. II-4207, point 17).

55.
    En l'espèce, l'article 4 du règlement n° 1534/95 fixe «à 0,45 écu par 100 kilogrammes de sucre blanc par mois» le «montant du remboursement visé à l'article 8» du règlement de base, cet article 8 prévoyant un «remboursement forfaitaire» dont le montant «est le même pour toute la Communauté». Il ressort des considérants du règlement n° 1534/95 que le Conseil, afin de déterminer le montant du remboursement, a pris en considération les frais de financement, tenant compte d'un taux d'intérêt global de 6,75 %, les frais d'assurance et les frais spécifiques du stockage. Ainsi, la disposition en cause instaure un taux de remboursement forfaitaire et s'applique à un nombre indéfini d'opérations de stockage dans la Communauté, effectuées par l'ensemble des fabricants de sucre communautaires. Il s'ensuit que l'article 4 du règlement n° 1534/95, replacé dans le contexte du règlement de base, s'applique à des situations déterminées objectivement et s'adresse, en termes généraux, à des catégories de personnes envisagées de manière abstraite. Par conséquent, cette disposition se présente comme une mesure de portée générale.

56.
    Toutefois, il n'est pas exclu qu'une disposition qui, par sa nature et sa portée, a un caractère général puisse concerner individuellement une personne physique ou morale, lorsqu'elle atteint celle-ci en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d'une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l'individualise d'une manière analogue à celle dont le destinataire d'une décision le serait (arrêt de la Cour du 15 février 1996, Buralux e.a./Conseil, C-209/94 P, Rec. p. I-615, point 25).

57.
    L'argument des requérantes, selon lequel elles seraient individualisées du fait que, en tant que titulaires de quotas de production de sucre, elles feraient partie d'un «cercle fermé», ne peut être accueilli. En premier lieu, à supposer même que, au moment de l'adoption du règlement litigieux, le Conseil ait eu connaissance de l'identité des requérantes, il ressort d'une jurisprudence constante que la portée générale d'un acte n'est pas mise en cause par la possibilité de déterminer avec plus ou moins de précision le nombre ou même l'identité des sujets de droit auxquels il s'applique à un moment donné, tant qu'il est constant que cette application s'effectue en vertu d'une situation objective de droit ou de fait, définie par l'acte en cause (ordonnance de la Cour du 18 décembre 1997, Sveriges Betodlares et Henrikson/Commission, C-409/96 P, Rec. p. I-7531, point 37). Or, force est de constater que les requérantes n'ont pas apporté d'éléments de nature à démontrer que les fabricants de sucre italiens se trouvaient dans une situation spécifique telle que la fixation par le Conseil du prix d'intervention dérivé du sucre blanc pour l'Italie n'avait pas une portée générale, mais les visait individuellement.

58.
    En second lieu, et en tout état de cause, ainsi que le Conseil l'a souligné lors de l'audience, sans être contredit sur ce point par les parties requérantes, s'il est vrai que les États membres communiquent à la Commission, avant la fixation des différents prix de sucre pour chaque campagne annuelle de commercialisation, des informations concernant l'évolution de la production et de la consommation du sucre sur leur territoire et les quotas de production de sucre déjà attribués (voir ci-dessus point 44), il n'en reste pas moins que le Conseil, lorsqu'il a adopté le règlement litigieux, ne disposait pas d'informations particulières sur chacune des entreprises italiennes titulaires des quotas de production de sucre pour la campagne de commercialisation 1995/1996.

59.
    La jurisprudence invoquée à cet égard par les requérantes au soutien de la recevabilité de leur recours n'est pas non plus pertinente en l'espèce. En effet, cette jurisprudence se réfère à certaines situations spécifiques concernant des demandes individuelles de licences d'importation, introduites pendant une courte période donnée et pour des quantités déterminées (voir arrêts Töpfer e.a./Commission, International Fruit Company e.a./Commission et Weddel/Commission, précités) ou impliquant l'obligation imposée aux institutions communautaires de tenir compte des conséquences de l'acte qu'elles envisagent d'adopter sur la situation de certains particuliers (voir arrêts Sofrimport/Commission et Piraiki Patraiki e.a./Commission, précités). Or, de telles circonstances font défaut dans le cas d'espèce. En particulier, les requérantes n'ont ni invoqué ni, a fortiori, établi l'existence d'une obligation imposée au Conseil d'assurer aux producteurs italiens, dans le cadre du régime de péréquation des frais de stockage, une protection particulière qui dépasserait celle assurée aux autres producteurs communautaires ayant, eux-aussi, procédé au stockage de leurs produits (voir aussi arrêt Buralux e.a./Conseil, précité, points 32 à 34).

60.
    Dans la mesure où les requérantes reprochent au Conseil d'avoir fixé par la disposition attaquée le montant du remboursement de manière uniforme et d'avoir ainsi introduit une discrimination au détriment des producteurs de sucre italiens, dont les charges financières de stockage seraient particulièrement élevées, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la circonstance qu'un acte puisse avoir des effets concrets différents pour les divers sujets de droit auxquels il s'applique ne contredit pas son caractère réglementaire, dès lors que cette situation est objectivement déterminée (ordonnance du Tribunal du 4 octobre 1996, Sveriges Betodlares et Henrikson/Commission, T-197/95, Rec. p. II-1283, point 29). Or, il résulte de ce qui précède que la disposition réglementaire attaquée a une portée générale.

61.
    Les requérantes font, en outre, valoir que la disposition réglementaire attaquée porte atteinte aux droits individuels de production dont elles bénéficient en leur qualité de titulaires des quotas de production attribués en vertu du règlement de base. Il y a donc lieu d'examiner si elles peuvent néanmoins être considérées comme individualisées au sens de l'arrêt Codorniu/Conseil, précité, en vertu duquel une disposition de portée générale peut, dans certaines circonstances, concerner individuellement un opérateur économique dans la mesure où elle porte atteinte à des droits spécifiques de celui-ci (voir arrêt Weber/Commission, précité, point 67, et la jurisprudence citée).

62.
    A cet égard, il suffit de constater que l'attribution aux requérantes de quotas de production n'était pas, avant l'adoption du règlement litigieux, assortie d'un droit acquis à la fixation d'un montant de remboursement qui eût tenu compte des charges financières de stockage effectivement supportées par les seuls producteurs de sucre italiens. La situation juridique des requérantes n'était donc pas différente de celle des autres titulaires de quotas de production qui devaient tous s'accommoder du montant de remboursement fixé par le Conseil, sur une base forfaitaire et uniforme, pour chaque campagne de commercialisation (arrêt de la Cour du 24 avril 1980, Commission/Italie, 72/79, Rec. p. 1411, point 16).

63.
    Il s'ensuit que les requérantes ne sont pas individuellement concernées par l'article 4 du règlement n° 1534/95, de sorte que le recours, en tant qu'il vise à l'annulation de cette disposition, n'est pas recevable.

64.
    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté comme irrecevable dans son ensemble.

Sur les dépens

65.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé en leurs conclusions et le Conseil ayant conclu en ce sens, il y a lieu de les condamner à supporter solidairement leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil. Conformément à l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)    Les requérantes sont condamnées à supporter solidairement leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil.

3)    La Commission supportera ses propres dépens.

Vesterdorf
Pirrung
Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: l'italien.