Language of document : ECLI:EU:T:2012:205

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

27 avril 2012 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Personnel de la BEI – Évaluation – Promotion – Exercice d’évaluation et de promotion de 2006 – Décision du comité de recours – Portée du contrôle – Assurance maladie – Refus de prise en charge de frais médicaux – Demande indemnitaire »

Dans l’affaire T‑37/10 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 30 novembre 2009, De Nicola/BEI (F‑55/08, non encore publié au Recueil), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

Carlo De Nicola, agent de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Strassen (Luxembourg), représenté par Me L. Isola, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée par M. G. Nuvoli et Mme F. Martin, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse en première instance

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi (rapporteur) et S. Papasavvas, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 septembre 2011,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant, M. Carlo De Nicola, demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 30 novembre 2009, De Nicola/BEI (F‑55/08, non encore publié au Recueil, ci-après l’« arrêt attaqué »), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant, premièrement, à l’annulation de la décision du comité de recours de la Banque européenne d’investissement (BEI), du 14 décembre 2007, portant rejet de sa demande de revoir, notamment, son rapport d’appréciation pour l’année 2006 (ci-après le « rapport litigieux »), des décisions de la BEI, du 13 juillet 2007, relatives aux promotions de l’année 2006, en tant qu’elles refusent sa promotion au titre de cette année, et de tous les actes connexes, consécutifs et préalables, dont le rapport litigieux, le cas échéant moyennant la constatation de l’illégalité de la règle en vertu de laquelle seulement 10 et 30 % des membres du personnel de la BEI peuvent respectivement bénéficier des notes A et B+, deuxièmement, à la constatation de l’existence d’un harcèlement moral à son égard ainsi qu’à la condamnation de la BEI à y mettre un terme et à réparer les préjudices moraux et matériels subis et futurs en résultant, troisièmement, à la condamnation de la BEI à lui rembourser la somme de 3 000 euros pour les frais de traitement par laser de sa discopathie, quatrièmement, à la prise de certaines mesures d’instruction à l’encontre de la BEI et, cinquièmement, à la condamnation de la BEI aux dépens.

 Faits à l’origine du litige, procédure en première instance et arrêt attaqué

2        Les faits à l’origine du litige sont exposés aux points 20 à 77 de l’arrêt attaqué.

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 5 juin 2008, le requérant a notamment demandé, premièrement, l’annulation de la décision du comité de recours de la BEI rejetant son recours tendant, d’une part, à la réévaluation de la note qui lui a été attribuée dans le rapport litigieux et, d’autre part, à l’annulation des décisions de la BEI, du 13 juillet 2007, relatives aux promotions de l’année 2006, en tant qu’elles omettent de le promouvoir à la fonction D, deuxièmement, l’annulation des décisions de la BEI, du 13 juillet 2007, en tant qu’elles omettent de le promouvoir à cette fonction, et de tous les actes connexes, consécutifs et préalables, dont le rapport litigieux, troisièmement, à ce que soit constaté qu’il a été victime d’un harcèlement moral, quatrièmement, à ce que la BEI soit condamnée à réparer les préjudices qu’il estime avoir subis en raison de ce harcèlement et, cinquièmement, l’annulation de la décision de refus de prise en charge de certains frais de traitement médical par laser.

4        Par l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours dans son intégralité et a condamné le requérant aux dépens.

5        Sous un titre liminaire de l’arrêt attaqué, intitulé « Sur l’objet du recours », le Tribunal de la fonction publique a considéré, notamment, qu’il ne pouvait être déduit des dispositions du point 6 de la décision de la BEI du 27 juin 2006, qui pose les règles de la procédure devant le comité de recours et qui est annexée à la communication de la BEI, du 13 juillet 2007, relative à l’exercice d’évaluation des performances 2006, que la décision du comité de recours sur la contestation formée par un membre du personnel se substituerait au rapport d’évaluation critiqué et à la décision de refus de promotion, ni que le contrôle de légalité d’un tel rapport ou d’une telle décision devrait être subsidiaire (point 83 de l’arrêt attaqué).

6        En effet, selon le Tribunal de la fonction publique, par analogie avec la procédure administrative de réclamation prévue par l’article 90 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), des conclusions dirigées contre la prise de position d’un comité d’appel institué au sein de la BEI en matière d’évaluation des membres du personnel ont pour effet de saisir le juge des rapports d’évaluation contre lesquels un tel recours administratif a été introduit (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 23 février 2001, De Nicola/BEI, T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, RecFP p. I‑A‑49 et II‑185, ci-après l’« arrêt du 23 février 2001 », point 132). Par ailleurs, selon le Tribunal de la fonction publique, il ressort des termes de la décision du comité de recours que les membres de celui-ci ont seulement vérifié, conformément aux règles régissant les compétences de cet organe de recours interne, si, en attribuant la note B au requérant et en refusant sa promotion, les autorités compétentes de la BEI avaient respecté les règles qu’elles s’étaient imposées et n’avaient pas manifestement méconnu les limites de leur pouvoir d’appréciation. Le Tribunal de la fonction publique en a conclu que « le comité de recours ne s’[étai]t donc pas livré à une nouvelle évaluation des mérites du requérant à l’égal d’un évaluateur et n’a[vait], par conséquent, pas substitué son appréciation à celle des autorités compétentes à cet effet, quand bien même la décision du 27 juin 2006 susmentionnée reconna[issai]t aux décisions du comité de recours une portée contraignante, à la différence des simples recommandations que pouvait adopter le comité d’appel dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 23 février 2001 » (points 84 et 85 de l’arrêt attaqué).

7        La décision du comité de recours ne se substituant pas au rapport litigieux et à la décision de refus de promotion, le Tribunal de la fonction publique a considéré qu’il était saisi de la légalité de trois actes, à savoir de la décision du comité de recours, du rapport litigieux et de la décision de refus de promotion. En outre, la plupart des moyens soulevés par le requérant à l’appui de ses conclusions en annulation des actes lui faisant grief se rapporteraient à la légalité du rapport litigieux et de la décision de refus de promotion et deux moyens seulement seraient spécifiquement dirigés contre la décision du comité de recours. Le Tribunal de la fonction publique en a déduit qu’il n’y avait pas lieu d’examiner seulement la légalité de la décision du comité de recours et de se borner à tirer les conséquences de cet examen sur l’analyse de la légalité des deux autres actes contestés, mais qu’il convenait d’examiner d’abord les conclusions dirigées contre ces deux actes, avant les conclusions tendant à l’annulation de la décision du comité de recours (points 86 à 88 de l’arrêt attaqué).

8        Par ailleurs, le Tribunal de la fonction publique a rejeté comme irrecevables, parce que ne répondant pas aux exigences de clarté et de précision requises par l’article 35, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure dudit Tribunal, la demande du requérant d’annuler « tous les actes connexes, consécutifs et préalables » (points 89 et 90 de l’arrêt attaqué). En tout état de cause, ces conclusions ont également été rejetées par voie de conséquence du rejet des conclusions tendant à l’annulation du rapport litigieux et de la décision du comité de recours de la BEI (points 201 à 203 de l’arrêt attaqué).

9        Ainsi, le Tribunal de la fonction publique a tout d’abord examiné les conclusions tendant à l’annulation du rapport litigieux, à l’appui desquelles le requérant a soulevé quatre moyens. Ces derniers étaient tirés, respectivement, d’irrégularités dans l’élaboration dudit rapport, de ce que le rapport litigieux serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, de l’exception d’illégalité de la règle appliquée par la BEI en vertu de laquelle seulement 10 et 30 % des membres du personnel peuvent respectivement bénéficier des notes A et B+, et d’un détournement de pouvoir (point 91 de l’arrêt attaqué).

10      Le Tribunal de la fonction publique a rejeté les premier, deuxième et troisième moyens pour les motifs exposés respectivement aux points 103 à 140, 149 à 167 et 170 à 176 de l’arrêt attaqué.

11      Le Tribunal de la fonction publique a également rejeté le quatrième moyen, tiré, de manière implicite, d’un détournement de pouvoir, pour les motifs figurant aux points 179 à 185 de l’arrêt attaqué.

12      Ensuite et en ne respectant pas fidèlement l’ordre d’examen des conclusions qui semble annoncé au point 88 de l’arrêt attaqué (point 7 ci-dessus), le Tribunal de la fonction publique a rejeté les conclusions tendant à l’annulation de la décision du comité de recours, pour les motifs exposés aux points 192 à 200 de l’arrêt attaqué, qui se lisent comme suit :

« 192            Le Tribunal ayant déjà examiné la légalité du rapport litigieux, la question se pose de savoir s’il est encore nécessaire de se prononcer sur les conclusions dirigées contre la décision du comité de recours. En effet, la mission de ce comité est précisément, comme celle du Tribunal, d’apprécier la légalité dudit rapport.

193      En premier lieu, ainsi qu’il a été jugé par le Tribunal de première instance, par analogie avec la procédure administrative de réclamation instituée par l’article 90 du statut des fonctionnaires, des conclusions dirigées contre la prise de position d’un comité d’appel institué au sein de la Banque en matière d’évaluation des membres du personnel ont pour effet de saisir le juge des rapports d’évaluation contre lesquels un tel recours administratif a été introduit (voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2001, point 132).

194      Or, rien ne s’oppose à la transposition de cette jurisprudence aux conclusions dirigées contre la décision du comité de recours de la Banque.

195      De telles conclusions ont donc pour effet de saisir le juge du rapport litigieux et doivent être analysées comme tendant à la censure dudit rapport.

196      En second lieu, ainsi qu’il a été dit au point 85 du présent arrêt, le comité de recours n’agit pas à l’égal d’un supérieur hiérarchique des autorités compétentes de la Banque. Sa décision ne se substitue pas à celle de ces autorités. Le comité exerce une mission quasi juridictionnelle de contrôle de la légalité des décisions qui lui sont soumises, sur la base de considérations comparables à celles que retient le juge communautaire. Il vérifie en particulier si la procédure d’élaboration des rapports d’appréciation a été régulière et si la Banque n’a pas manifestement méconnu les limites de son pouvoir d’appréciation, lequel est particulièrement large en matière d’évaluation et de promotion.

197      Or, lorsque le Tribunal, après avoir examiné la légalité des mêmes décisions que celles qui étaient déférées au comité de recours, parvient, comme en l’espèce, à la même conclusion que le comité, à savoir que les griefs formés contre ces décisions doivent être rejetés, il n’existe plus d’intérêt pour le Tribunal à statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du comité. Ces conclusions se confondent avec celles tendant à l’annulation des décisions de la Banque, qui constituent l’objet du litige.

198      Il en va d’autant plus ainsi dans le présent litige que le Tribunal s’est prononcé sur des griefs, tirés de l’irrégularité de la procédure d’évaluation du requérant, que le comité avait estimé ne pas devoir examiner.

199      À supposer même que la légalité de la décision du comité de recours puisse être examinée de manière autonome et que cette décision soit censurée, une telle annulation laisserait subsister le rapport litigieux, auquel cette décision ne s’est pas substituée. Elle ne pourrait avoir pour effet de contraindre la Banque à saisir à nouveau le comité de recours de la contestation formée par le requérant à l’encontre du rapport litigieux, dès lors que le Tribunal a lui-même déjà statué sur cette contestation.

200      Dès lors que les conclusions dirigées contre la décision du comité de recours se confondent avec celles visant les décisions contestées devant ce comité, elles doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ces dernières conclusions. »

13      En outre, le Tribunal de la fonction publique a rejeté les conclusions tendant à l’annulation de la décision de refus de promotion (points 201 à 203 de l’arrêt attaqué).

14      Le Tribunal de la fonction publique a également rejeté les conclusions tendant à la condamnation de la BEI à rembourser au requérant la somme de 3 000 euros au titre de frais médicaux liés à un traitement par laser (points 206 à 215 de l’arrêt attaqué).

15      De même, le Tribunal de la fonction publique a rejeté les conclusions tendant à la reconnaissance de la responsabilité de la BEI en raison du harcèlement qu’elle aurait exercé à l’encontre du requérant et de la violation répétée du devoir de sollicitude à son égard, et tendant à la réparation des préjudices allégués à ce titre (points 224 à 244 de l’arrêt attaqué) ainsi que les autres conclusions tendant à la réparation des préjudices que le requérant estime avoir subis (points 252 à 269 de l’arrêt attaqué).

16      En ce qui concerne plus particulièrement les conclusions tendant à la reconnaissance de la responsabilité de la BEI en raison du prétendu harcèlement et de la violation répétée du devoir de sollicitude, le Tribunal de la fonction publique a considéré ce qui suit :

« 224            Par les conclusions susmentionnées et l’argumentation qui vient à leur soutien, le requérant cherche, d’une part, à faire constater par le Tribunal l’illégalité d’actes de la Banque ainsi que, le cas échéant, le caractère fautif de certains comportements, illégalités et fautes qui révéleraient le harcèlement moral dont il serait victime et/ou qui seraient constitutifs d’une violation du devoir de sollicitude, d’autre part, à obtenir la condamnation de la Banque à réparer les préjudices qu’il aurait ainsi subis.

225      Toutefois, le requérant n’a, avant de saisir le Tribunal, présenté aucune demande à la Banque tendant à ce que celle-ci lui accorde sa protection contre les faits de harcèlement allégués ni aucune demande tendant à la réparation des préjudices qu’il invoque. Interrogé sur ce point lors de l’audience, le requérant n’a produit qu’un courriel du 7 octobre 2008, duquel il ressort qu’il avait contesté son évaluation annuelle pour 2007 et que, au vu de son recours devant le Tribunal et de ses accusations continues relatives au harcèlement dont il serait victime, sa hiérarchie envisageait de le réaffecter dans un autre service. Or, ce document n’est pas de nature à établir que, avant de saisir le Tribunal, le requérant aurait saisi la Banque d’une demande de protection ou de réparation des dommages dont il s’estime victime. Par ailleurs, la commission de conciliation, constituée en application de l’article 41 du règlement du personnel, n’a été saisie que du différend entre la Banque et le requérant relatif à l’évaluation et à la promotion de ce dernier. Avant l’introduction de la présente instance, la Banque n’a donc pas été amenée à prendre position sur les faits et arguments avancés à son égard par le requérant à l’appui de ses conclusions indemnitaires ni à statuer sur une quelconque demande de l’intéressé mettant en cause la responsabilité de son employeur. Par conséquent, il n’existe pas d’acte faisant grief qu’aurait adopté la Banque sur les prétentions indemnitaires de l’intéressé.

226      Dans le système des voies de droit prévues par les articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires, des conclusions indemnitaires telles que celles présentées ici par le requérant ne peuvent être recevables, quelle que soit la cause des illégalités invoquées (illégalités trouvant leur origine dans un acte faisant grief ou dans un acte préparatoire, fautes caractérisées par certains faits ou comportements non décisionnels), que si l’administration, avant la saisine du juge, a statué sur les prétentions du requérant et a ainsi adopté un acte faisant grief.

227      Il résulte en effet expressément de l’article 91, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires, que la Cour est compétente ‘pour statuer sur tout litige entre les Communautés et l’une des personnes visées au présent statut et portant sur la légalité d’un acte faisant grief’.

228      C’est la raison pour laquelle, en matière indemnitaire, lorsque le préjudice allégué a pour origine un comportement non décisionnel, le juge exige que le fonctionnaire saisisse l’administration d’une demande permettant de donner naissance à un tel acte faisant grief. En l’absence d’un tel acte, de nature à lier le contentieux, le recours ne peut qu’être rejeté comme irrecevable.

229      C’est pour la même raison qu’il est constamment jugé qu’il n’appartient pas au juge communautaire, dans le cadre du contrôle de légalité qu’il exerce sur le fondement de l’article 91 du statut des fonctionnaires, de faire des déclarations en droit (arrêt de la Cour du 13 juillet 1989, Jaenicke Cendoya/Commission, 108/88, Rec. p. 2711, points 8 et 9 ; arrêts du Tribunal de première instance du 30 novembre 1993, Vienne/Parlement, T‑15/93, Rec. p. II‑1327, point 13, et Magone/Commission, précité, point 15), ou d’adresser des injonctions à l’administration. De telles déclarations ou injonctions conduiraient en effet le juge à empiéter sur les prérogatives de l’administration, en méconnaissance des limites du contrôle juridictionnel qu’il lui revient d’exercer.

230      Le juge communautaire de la fonction publique n’est donc pas compétent pour statuer sur un recours qui n’est pas dirigé contre un acte que l’administration aurait adopté pour rejeter les prétentions de la personne concernée.

231      La question se pose donc de savoir si les recours formés par les membres du personnel de la Banque peuvent être soustraits à cette exigence, résultant de l’article 91 du statut des fonctionnaires.

232      À cet égard, il a déjà été jugé que, dans la mesure où la Banque constitue un organisme communautaire chargé, en vertu de l’article 267 CE, de contribuer au développement du marché commun dans l’intérêt de la Communauté, les recours formés contre la Banque par ses employés trouvent nécessairement leur base juridique dans l’article 236 CE (arrêt du 23 février 2001, point 93). Ainsi que la Cour l’a jugé, ‘l’article 179 [du traité CE, devenu article 236 CE,] ne se limite pas aux seules institutions de la Communauté et leur personnel, mais comprend également la Banque en tant qu’organisme communautaire institué et revêtu de [la] personnalité juridique par le traité’ (arrêt de la Cour du 15 juin 1976, Mills/BEI, 110/75, Rec. p. 955, point 14).

233      En vertu de l’article 236 CE, la Cour est ‘compétente pour statuer sur tout litige entre la Communauté et ses agents dans les limites et conditions déterminées au statut ou résultant du régime applicable à ces derniers’.

234      Habilitée à fixer le régime applicable à ses employés, en vertu du protocole sur les statuts de la Banque annexé au traité et ayant la même valeur juridique que celui-ci, la Banque est compétente pour déterminer les conditions dans lesquelles les membres de son personnel peuvent saisir la Cour.

235      En l’occurrence, le règlement du personnel se limite, en son article 41, relatif aux voies de recours, à rappeler la compétence de la Cour et à instaurer une procédure de conciliation. Il ne contient donc aucune règle spécifique qui aurait pour effet de restreindre ou d’étendre la compétence de la Cour, telle qu’elle résulte, pour les fonctionnaires, de l’article 91 du statut des fonctionnaires et d’une jurisprudence constante.

236      Or, dans le silence du règlement du personnel, le juge communautaire a déjà considéré qu’il convenait, non pas de faire directement application des règles du statut, ce qui méconnaîtrait la nature spécifique du régime applicable aux membres du personnel de la Banque, mais de s’inspirer de ces règles et d’en faire une application par analogie, en relevant que ‘les litiges purement internes entre la Banque et ses employés s’apparentent, par nature, aux litiges entre les institutions communautaires et leurs fonctionnaires ou [agents]’ (voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2001, points 100 et 101). Le Tribunal de première instance a ainsi déjà jugé, dans le silence du règlement du personnel, que le délai de recours dans les litiges entre la Banque et son personnel devait être fixé, en s’inspirant des articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires, à un délai de trois mois (arrêt du 23 février 2001, point 107).

237      Certes, ainsi que le requérant l’a fait valoir à l’audience, le Tribunal de première instance a considéré qu’il pouvait être valablement saisi avant l’issue de la procédure de conciliation prévue par l’article 41 du règlement du personnel, alors que les fonctionnaires doivent attendre la fin de la procédure précontentieuse prévue par le statut. Toutefois, cette analyse est fondée sur le libellé explicite dudit article, lequel dispose que la procédure amiable devant la commission de conciliation se déroule « indépendamment de l’action introduite devant la Cour de justice » (arrêt du 23 février 2001, point 96 ; arrêt du 16 décembre 2004, point 54 ; arrêt du Tribunal de première instance du 17 juin 2003, Seiller/BEI, T‑385/00, RecFP p. I‑A‑161 et II‑801, points 50 et 51, 65 et 73) et porte sur une question différente de celle sur laquelle le Tribunal doit statuer.

238      Le requérant est d’autant moins fondé à se prévaloir de ces derniers arrêts que, en l’absence d’indication dans le règlement du personnel relative aux conditions d’exercice de la compétence du juge, le Tribunal de première instance a déjà fait application, par analogie, de l’article 91, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires, afin de fonder sa compétence de pleine juridiction dans les litiges de caractère pécuniaire entre la Banque et son personnel (arrêt du Tribunal de première instance du 28 septembre 1999, Hautem/BEI, T‑140/97, RecFP p. I‑A‑171 et II‑897, point 77). Cette appréciation a été confirmée par la Cour dans son arrêt rejetant le pourvoi formé contre cet arrêt (arrêt de la Cour du 2 octobre 2001, BEI/Hautem, C‑449/99 P, Rec. p. I‑6733, points 90 à 95).

239      Il s’ensuit, ainsi que la Banque l’a soutenu à juste titre lors de l’audience, qu’il y a lieu d’appliquer par analogie aux recours des membres de son personnel la règle résultant de l’article 91, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires, selon laquelle le juge ne dispose d’aucun titre de compétence si le recours dont il est saisi n’est pas dirigé contre un acte que l’administration aurait adopté pour rejeter les prétentions du requérant.

240      Dans le présent litige, ainsi qu’il a été dit, la Banque n’a pu adopter aucune décision sur les prétentions du requérant à obtenir la réparation des préjudices qu’il aurait subis, en l’absence de demande présentée en ce sens par l’intéressé. D’ailleurs, ainsi que la Banque le fait valoir à juste titre, le requérant ne lui a pas davantage demandé de mettre en œuvre les procédures internes prévues dans les cas d’intimidation et de harcèlement.

241      Par les conclusions indemnitaires susmentionnées, le requérant vise donc à faire constater par le Tribunal l’illégalité de certains agissements ou le caractère fautif de certains comportements, en dehors de toute contestation d’un acte faisant grief. Par conséquent, le Tribunal n’a pas compétence pour en connaître.

242      À titre surabondant, dans l’hypothèse où l’exigence de contestation d’un acte faisant grief serait analysée comme une condition de recevabilité du recours et non comme une règle gouvernant la compétence du juge, les considérations qui précèdent resteraient pertinentes et permettraient d’aboutir à la constatation que les conclusions indemnitaires sont irrecevables.

243      À supposer même que certains des actes critiqués par le requérant puissent être considérés comme des actes faisant grief au sens de l’article 91, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires, applicable par analogie au présent litige, lesdites conclusions ne seraient pas davantage recevables. En effet, le requérant n’a pas contesté ces actes dans le délai de trois mois qui lui était imparti à cette fin (arrêt du 23 février 2001, point 107) et ne saurait, par le biais d’une action en indemnité, contourner ce délai (voir, en ce sens, par analogie, arrêt du Tribunal du 21 février 2008, Skoulidi/Commission, F‑4/07, non encore publié au Recueil, points 69 et 70, ainsi que la jurisprudence citée).

244      Il résulte de ce qui précède que les conclusions susmentionnées doivent être rejetées. »

17      Enfin, en ce qui concerne les demandes de mesures d’organisation de la procédure et d’instruction du requérant, le Tribunal de la fonction publique a répondu que, eu égard, d’une part, aux éléments du dossier et, d’autre part, aux motifs de l’arrêt attaqué, ces mesures ne présentaient pas d’utilité pour la solution du litige. Par conséquent, il n’y aurait pas eu lieu de faire droit aux demandes visant à ce que le Tribunal de la fonction publique ordonne ces mesures d’instruction et d’organisation de la procédure (points 270 et 271 de l’arrêt attaqué).

 Sur le pourvoi

 Procédure

18      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 28 janvier 2010, le requérant a formé le présent pourvoi.

19      Le 9 juin 2010, la BEI a déposé le mémoire en réponse.

20      Par lettre du 21 juin 2010, le requérant a demandé, en vertu de l’article 143 du règlement de procédure, l’autorisation de déposer un mémoire en réplique, demande à laquelle le Tribunal n’a pas fait droit.

21      Par lettre motivée déposée au greffe du Tribunal le 26 juillet 2010, le requérant a demandé, en vertu de l’article 146 du règlement de procédure, à être entendu dans le cadre de la phase orale de la procédure.

22      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (chambre des pourvois) a fait droit à la demande du requérant et a ouvert la procédure orale.

23      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 14 septembre 2011.

 Conclusions des parties

24      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’arrêt attaqué ;

–        faire droit aux conclusions en annulation et en indemnité qu’il a formulées en première instance ;

–        ordonner les mesures d’instruction demandées ;

–        condamner la BEI aux dépens des deux instances.

25      La BEI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi comme irrecevable ou non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Résumé des moyens et griefs de pourvoi

26      Le requérant remet en cause la légalité de l’arrêt attaqué dans sa totalité.

27      Par son premier moyen, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir omis de se prononcer sur la légalité de la décision du comité de recours de la BEI et d’avoir méconnu la portée du pouvoir de contrôle dudit comité lorsqu’il est appelé à examiner un recours d’un membre du personnel de la BEI visant à contester le bien-fondé de l’évaluation contenue dans son rapport d’appréciation. À cet égard, le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas pu légalement conclure que, dans le cadre de ce contrôle, ce comité ne saurait substituer sa propre appréciation à celle des supérieurs relative à l’évaluation des mérites du requérant, mais aurait dû censurer la décision dudit comité dès lors que celui-ci avait omis de se prononcer sur la totalité des griefs avancés par le requérant au soutien de son recours.

28      Par son deuxième moyen, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique plusieurs erreurs et omissions dans l’appréciation de la question de savoir si le rapport litigieux avait été établi de manière régulière, si les irrégularités constatées devaient conduire à annuler ledit rapport et si l’évaluation des mérites du requérant était fondée. En outre, à cet égard, l’arrêt attaqué serait entaché de défauts de motivation ainsi que d’une dénaturation d’éléments de fait et des conclusions avancées par le requérant en première instance.

29      Par son troisième moyen, le requérant remet en cause l’appréciation du Tribunal de la fonction publique relative à la légalité des décisions de la BEI, du 13 juillet 2007, relatives aux promotions de l’année 2006, en tant qu’elles refusent sa promotion au titre de cette année, en reprochant audit tribunal une dénaturation de ses conclusions avancées en première instance.

30      Par son quatrième moyen, le requérant soutient que c’est à tort et en dénaturant ses conclusions avancées en première instance que le Tribunal de la fonction publique a rejeté son exception d’illégalité de la règle en vertu de laquelle seulement 10 et 30 % des membres du personnel de la BEI peuvent respectivement bénéficier des notes A et B+.

31      Par son cinquième moyen, le requérant fait grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir illégalement rejeté, pour incompétence du juge de première instance et, à titre surabondant, comme irrecevable sa demande tendant à la constatation de certains comportements de la BEI qui seraient constitutifs d’un harcèlement moral en lui appliquant par analogie les articles 90 et 91 du statut.

32      Par son sixième moyen, le requérant soutient que c’est de manière illégale que le Tribunal de la fonction publique a rejeté sa demande tendant à la prise en charge de certains frais médicaux.

33      Par son septième moyen, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir illégalement rejeté sa demande indemnitaire.

34      Par son huitième moyen, le requérant conteste comme illégal le rejet par le Tribunal de la fonction publique de sa demande de mesures d’instruction.

 Sur le premier moyen, tiré d’erreurs de droit dans le cadre de l’appréciation de la légalité de la décision du comité de recours de la BEI

35      Au soutien de sa demande d’annulation de la décision du comité de recours et de son premier moyen de pourvoi, le requérant avance, en substance, que ladite décision est entachée d’illégalité dans la mesure où le comité de recours de la BEI a refusé de se prononcer sur les appréciations au fond figurant dans le rapport litigieux, alors même qu’il était compétent, en vertu du point 6 de la décision du 27 juin 2006, pour annuler la procédure d’appréciation et tout constat contenu dans le formulaire d’évaluation ainsi que pour modifier la note obtenue. Le comité de recours ne saurait se dessaisir, au détriment de l’intéressé, de son pouvoir de contrôle entier à cet égard et il aurait été tenu de se prononcer sur la totalité des griefs avancés par le requérant ainsi que sur le bien-fondé des appréciations contenues dans le rapport litigieux. Ce serait donc de manière erronée que le Tribunal de la fonction publique aurait nié l’intérêt du requérant à faire examiner la légalité de la décision dudit comité. En effet, ce tribunal aurait dû se prononcer sur le point de savoir si le comité de recours était en droit de refuser d’examiner le bien-fondé des appréciations figurant dans le rapport litigieux. Cette compréhension erronée et contradictoire des compétences de contrôle respectives du Tribunal de la fonction publique et du comité de recours aurait eu pour résultat qu’aucune instance n’aurait été appelée à examiner le bien-fondé de ces appréciations.

36      Le requérant conteste également l’affirmation du Tribunal de la fonction publique selon laquelle, par analogie à la procédure prévue à l’article 90 du statut, les conclusions dirigées contre la prise de position d’un comité d’appel institué au sein de la BEI avaient pour effet de saisir le juge des rapports d’évaluation contre lesquels un recours administratif a été introduit. Selon le requérant, cette analogie est erronée étant donné que, premièrement, la saisine du comité de recours est différente du recours administratif obligatoirement prévu pour les fonctionnaires des autres institutions, deuxièmement, le statut des membres du personnel de la BEI repose sur des contrats de droit privé, troisièmement, le recours au comité de recours n’est que facultatif pour lesdits membres et, quatrièmement, une analogie sert à combler les lacunes d’un système, alors que celui de la BEI comporte des règles claires et complètes.

37      Selon la BEI, c’est de manière légale et conforme à la jurisprudence (arrêt du 23 février 2001, point 6 supra, point 132) que le point 193 de l’arrêt attaqué constate que les conclusions tendant à contester les décisions du comité de recours doivent être considérées comme ayant pour but de contester le rapport litigieux. Le Tribunal de la fonction publique n’aurait donc pas dénié au requérant le droit de contester le rapport litigieux, ni omis de se prononcer sur ce point, mais aurait expressément souligné le fait que les conclusions tendant à contester la décision du comité de recours ont pour effet de saisir le juge dudit rapport qui était soumis à l’examen dudit comité (point 195 de l’arrêt attaqué). Ainsi, le Tribunal de la fonction publique aurait correctement estimé au point 197 de l’arrêt attaqué que l’appréciation par le juge de l’Union du travail du comité de recours, qui avait examiné tous les griefs soulevés par le requérant contre le rapport litigieux, ne présentait aucun intérêt pour le requérant. Alors même que le requérant aurait intérêt à ce que le rapport litigieux soit apprécié par le juge dans les limites de ses compétences, il ne pourrait justifier d’un « intérêt juridiquement pertinent au fonctionnement dans l’abstrait du comité de recours lors de son examen du rapport d’appréciation ». En effet, le requérant n’aurait intérêt qu’à voir annuler l’acte lui faisant grief, à savoir le rapport litigieux, et non la décision ou le refus de décision du comité de recours, dont l’annulation laisserait subsister ledit rapport (point 199 de l’arrêt attaqué). En l’espèce, il ressortirait du point 198 de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction publique a examiné l’ensemble des griefs du requérant relatifs au rapport litigieux, alors que le comité de recours ne s’était même pas prononcé sur ces griefs ou sur certains d’entre eux.

38      Le Tribunal estime que, pour répondre au présent moyen, d’une part, il convient d’examiner la portée exacte du pouvoir de contrôle attribué au comité de recours au titre du point 6 de la décision du 27 juin 2006, à savoir s’il s’agit d’un pouvoir de contrôle entier portant sur le bien-fondé de chacune des évaluations contenues dans un rapport d’appréciation d’un membre du personnel de la BEI ou d’un pouvoir de contrôle restreint limité à la recherche d’une erreur manifeste d’appréciation. D’autre part, il y a lieu de vérifier si le Tribunal de la fonction publique était en droit d’inverser l’ordre d’examen des moyens et griefs avancés par le requérant en première instance en appréciant et rejetant, d’abord, dans l’exercice de son contrôle restreint, les griefs dirigés contre le rapport litigieux et en examinant, ensuite, le moyen principal du requérant remettant en cause la légalité de la décision du comité de recours pour le rejeter, au motif que ce comité était légalement arrivé à la conclusion que le rapport litigieux n’était pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

39      S’agissant de la portée du contrôle à effectuer par le comité de recours, il y a lieu de rappeler que le point 6 de la décision du 27 juin 2006 dispose :

« Concernant l’exercice d’appréciation, le [comité de recours] a compétence pour :

i)      invalider la procédure d’appréciation ou toute affirmation contenue dans le formulaire d’évaluation et/ou

ii)      modifier les notes individuelles […] et la note de mérite résultant de l’évaluation globale de la performance de l’appelant. »

40      À cet égard, il convient de préciser que, en tant que disposition d’une décision formelle de la BEI, dûment publiée et mise en œuvre, le point 6 de ladite décision établit une règle interne de portée générale juridiquement contraignante limitant l’exercice du pouvoir d’appréciation de la BEI en matière d’organisation de ses structures et de gestion de son personnel, dont les membres de ce personnel peuvent se prévaloir devant le juge de l’Union qui en assure le respect (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du Tribunal du 10 septembre 2003, McAuley/Conseil, T‑165/01, RecFP p. I‑A‑193 et II‑963, point 44, et du 1er mars 2005, Mausolf/Europol, T‑258/03, RecFP p. I‑A‑45 et II‑189, point 25, et la jurisprudence qui y est citée).

41      Ainsi que la BEI l’a reconnu à l’audience, la possibilité d’invalider « toute affirmation contenue dans le formulaire d’évaluation », à savoir dans le rapport d’appréciation, implique que le comité de recours est habilité à réapprécier le bien-fondé de chacune de ces affirmations avant de la censurer. La portée de cette compétence dépasse ainsi clairement celle du seul pouvoir de contrôle de légalité et d’annulation du dispositif d’un acte, dans la mesure où elle englobe la possibilité d’invalider même les motifs justifiant l’adoption de son dispositif, quelle que soit leur importance dans l’économie de la motivation dudit acte. Ce pouvoir de contrôle entier du comité de recours est confirmé par la compétence qui lui est expressément reconnue pour « modifier les notes individuelles […] et la note de mérite résultant de l’évaluation globale de la performance de l’appelant ». En effet, une modification de la note de mérite de l’intéressé implique que ce comité contrôle de manière détaillée l’ensemble des appréciations des mérites figurant dans le rapport contesté quant à l’existence d’éventuelles erreurs d’appréciation, de fait ou de droit, et qu’il puisse, le cas échéant, se substituer à l’évaluateur pour procéder à une nouvelle appréciation de ces mérites.

42      Cette appréciation est corroborée par les règles procédurales prévues aux points 11 et 13 de la décision du 27 juin 2006, qui prévoient, d’une part, que le mémoire de l’appelant doit contenir, notamment, les « faits précis » sur lesquels le comité de recours doit rendre une conclusion ou une recommandation et ceux sur lesquels, le cas échéant, il y aura des témoignages et, d’autre part, la tenue d’une audience. Ces règles procédurales permettent ainsi une réappréciation complète des faits pertinents à l’origine de l’évaluation des mérites de l’appelant, notamment à la suite d’une audience et à l’aide de témoins. Enfin, si le point 7 de la décision du 27 juin 2006 autorise le comité de recours à invalider la « procédure d’appréciation annuelle » et à demander un « nouvel exercice d’appréciation » de la part de l’évaluateur, il n’en demeure pas moins que, ainsi que l’a reconnu la BEI à l’audience, il ne s’agit que d’une faculté complétant le pouvoir de ce comité de procéder lui-même à une telle appréciation des mérites de l’intéressé.

43      Eu égard à ces critères de contrôle, force est de constater que le Tribunal de la fonction publique n’était pas en droit de considérer, au point 83 de l’arrêt attaqué, qu’« il ne [pouvait] être déduit des dispositions du point 6 de la décision du 27 juin 2006 que la décision du comité de recours sur la contestation formée par un membre du personnel se substituerait au rapport d’évaluation critiqué et à la décision de refus de promotion ni que le contrôle de légalité d’un tel rapport ou d’une telle décision devrait être subsidiaire ». À plus forte raison est manifestement erronée l’affirmation exposée au point 196 de l’arrêt attaqué selon laquelle :

« [L]e comité de recours n’agit pas à l’égal d’un supérieur hiérarchique des autorités compétentes de la Banque. Sa décision ne se substitue pas à celle de ces autorités. Le comité exerce une mission quasi juridictionnelle de contrôle de la légalité des décisions qui lui sont soumises, sur la base de considérations comparables à celles que retient le juge [de l’Union]. Il vérifie en particulier si la procédure d’élaboration des rapports d’appréciation a été régulière et si la Banque n’a pas manifestement méconnu les limites de son pouvoir d’appréciation, lequel est particulièrement large en matière d’évaluation et de promotion. »

44      Par conséquent, il y a lieu de constater que le Tribunal a commis une erreur de droit en méconnaissant la portée du point 6 de la décision du 27 juin 2006.

45      Aucun des arguments avancés par la BEI n’est susceptible de remettre cette appréciation en cause.

46      Premièrement, est inopérante l’analogie faite par le Tribunal de la fonction publique avec la procédure administrative de réclamation instituée par l’article 90 du statut (voir points 84, 85, 193 et 194 de l’arrêt attaqué). En effet, même à considérer que, en raison d’une telle analogie, à la supposer admissible, les conclusions dirigées contre la prise de position d’un comité d’appel institué au sein de la BEI en matière d’évaluation des membres du personnel aient pour effet de saisir le juge du rapport d’évaluation contre lequel un tel recours administratif a été introduit (voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2001, point 6 supra, point 132), ce constat n’explique pas, à lui seul, pour quelle raison, eu égard aux critères de contrôle établis au point 6 de la décision du 27 juin 2006, le pouvoir de contrôle du comité de recours doit être limité à la recherche d’une erreur manifeste d’appréciation (voir points 83 à 85 et 196 de l’arrêt attaqué). Dans la mesure où, à cet égard, le Tribunal de la fonction publique s’appuie sur le point 132 de l’arrêt du 23 février 2001, point 6 supra, il y a lieu de préciser que cet arrêt avait pour objet d’autres règles internes de la BEI, entre-temps abrogées, dans le cadre desquelles le « comité d’appel » n’était pas habilité à adopter des décisions contraignantes, mais uniquement à émettre des recommandations (voir point 85 in fine de l’arrêt attaqué). Par conséquent, dans le cadre de cette affaire, le comité d’appel ne disposait pas de pouvoirs de contrôle comparables à ceux du comité de recours. Cela a amené le Tribunal à conclure que c’était donc en principe à l’autorité compétente qu’il appartenait d’apprécier l’opportunité de tenir compte de ces recommandations en amendant, le cas échéant, le rapport d’appréciation en cause » (arrêt du 23 février 2001, point 6 supra, point 131 in fine).

47      Deuxièmement, même à considérer que, lors de l’examen d’une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, l’autorité investie du pouvoir de nomination n’exerce pas un contrôle entier sur la décision de l’évaluateur, il n’en demeure pas moins que cette disposition ne prévoit ni de critères de contrôle comparables et aussi précis que ceux établis au point 6 de la décision du 27 juin 2006, ni la possibilité de la tenue d’une audience ou d’entendre des témoins. Dès lors, c’est à bon droit que le requérant fait valoir que la réglementation interne de la BEI n’est pas lacunaire sur ce point, ce qui est de nature à exclure l’application par analogie des règles régissant la procédure de réclamation instituée par l’article 90 du statut. En effet, même en tenant compte d’une large marge d’appréciation de l’évaluateur dans le jugement de valeur complexe qu’il porte sur le travail des personnes qu’il a la charge d’évaluer (arrêts du Tribunal du 16 mai 2006, Magone/Commission, T‑73/05, RecFP p. I‑A‑2‑107 et II‑A‑2‑485, points 25 et 29, et du 31 janvier 2007, Aldershoff/Commission, T‑236/05, non encore publié au Recueil, point 83), il n’est nullement exclu que la réglementation interne pertinente attribue aux instances d’appel une marge d’appréciation analogue à celle de l’évaluateur, ainsi que le pouvoir de se substituer, du moins partiellement, à ce dernier.

48      Troisièmement, dans ce contexte, est dépourvu de pertinence le constat du Tribunal de la fonction publique selon lequel, aux termes de la décision du comité de recours, « les membres de celui-ci ont seulement vérifié, conformément aux règles régissant les compétences de cet organe de recours interne, si, en attribuant la note B au requérant et en refusant sa promotion, les autorités compétentes de la BEI avaient respecté les règles qu’elles s’étaient imposées et n’avaient pas manifestement méconnu les limites de leur pouvoir d’appréciation » (voir point 85 de l’arrêt attaqué). Il en va de même de l’affirmation dudit Tribunal selon laquelle « le comité [de recours] ne s’est donc pas livré à une nouvelle évaluation des mérites du requérant à l’égal d’un évaluateur et n’a, par conséquent, pas substitué son appréciation à celle des autorités compétentes à cet effet, quand bien même la décision du 27 juin 2006 susmentionnée reconnaît aux décisions du comité de recours une portée contraignante, à la différence des simples recommandations que pouvait adopter le comité d’appel dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 23 février 2001 » (point 85 de l’arrêt attaqué). En effet, le seul fait que le comité de recours a erronément estimé ne pas être compétent pour effectuer un contrôle entier en vertu du point 6 de la décision du 27 juin 2006 et a illégalement renoncé à exercer un tel contrôle est sans pertinence pour l’interprétation de la portée de cette disposition. Cette interprétation incombe, en effet, au juge de l’Union et non à l’institution dont les actes sont soumis à son contrôle.

49      Enfin, même à supposer que, en cas de contestation de la décision du comité de recours, le juge de l’Union soit automatiquement saisi tant de cette décision que du rapport litigieux, cette circonstance ne justifie pas, en elle-même, que ce juge se limite à l’examen des conclusions dirigées contre le rapport litigieux, voire renonce complètement au contrôle du bien-fondé de la décision du comité de recours, dans la mesure où ce comité est doté d’un pouvoir de contrôle entier l’autorisant à substituer ses appréciations à celles figurant dans ledit rapport, pouvoir dont le Tribunal de la fonction publique ne saurait, pour sa part, se prévaloir (voir point 52 ci-après). En effet, la renonciation erronée par le comité de recours à un tel contrôle entier équivaut à soustraire à l’intéressé une instance de contrôle prévue par la réglementation interne de la BEI et lui fait donc grief, de sorte qu’elle doit pouvoir être soumise au contrôle du juge de première instance.

50      Dès lors, contrairement à ce que prétend la BEI, le point 6 de la décision du 27 juin 2006 doit être interprété en ce sens qu’il confère un pouvoir de contrôle entier au comité de recours. Le Tribunal de la fonction publique a donc commis une erreur de droit en considérant que ce contrôle était limité à la recherche d’une erreur manifeste d’appréciation.

51      S’agissant de l’inversion de l’ordre de contrôle des moyens, il y a lieu de rappeler que, alors même que le requérant avait demandé, à titre principal, d’annuler la décision du comité de recours, le Tribunal de la fonction publique n’a rejeté les griefs dirigés contre cette décision qu’après avoir apprécié les griefs dirigés contre le rapport litigieux, en se fondant essentiellement sur les appréciations confirmant la légalité au fond dudit rapport.

52      Certes, aux points 126 et 149 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a constaté, à bon droit, qu’il ne lui appartenait pas de substituer son appréciation à celle des personnes chargées de l’évaluation, la BEI disposant d’un large pouvoir d’appréciation pour évaluer le travail des membres de son personnel. Ainsi, le contrôle de légalité effectué par le Tribunal de la fonction publique sur les appréciations contenues dans le rapport annuel d’appréciation d’un membre du personnel de la BEI est restreint et ne porte que sur les éventuelles irrégularités de forme, les erreurs de fait manifestes entachant ces appréciations, ainsi que sur un éventuel détournement de pouvoir (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 22 octobre 2002, Pflugradt/BCE, T‑178/00 et T‑341/00, Rec. p. II‑4035, point 69).

53      Toutefois, en considérant – après avoir relevé que sa mission était, comme celle du comité de recours, d’apprécier la légalité du rapport litigieux et que ledit comité n’agissait pas à l’égal d’un supérieur hiérarchique des autorités compétentes de la BEI, mais exerçait une mission quasi juridictionnelle de contrôle de la légalité des décisions qui lui étaient soumises – que, dès lors qu’il était parvenu aux mêmes conclusions que celles du comité de recours s’agissant de la légalité des décisions déférées à ce dernier, il n’existait plus d’intérêt pour lui à statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du comité de recours, le Tribunal de la fonction publique a méconnu la portée des dispositions du point 6 de la décision du 27 juin 2006, relatives à la compétence du comité de recours (voir points 39 à 50 ci-dessus). L’appréciation du Tribunal de la fonction publique, formulée au point 199 de l’arrêt attaqué, selon laquelle une éventuelle annulation de la décision du comité de recours laisserait subsister le rapport litigieux et ne contraindrait pas la BEI à saisir de nouveau le comité de recours de la contestation formée à l’encontre dudit rapport par le requérant est entachée du même vice. Dès lors, en rejetant au point 200 de l’arrêt attaqué, par voie de conséquence du rejet des conclusions de la requête dirigées contre le rapport litigieux, les conclusions de la requête tendant à l’annulation de la décision du comité de recours, au motif que ces conclusions se confondaient avec celles tendant à l’annulation des décisions qui avaient été soumises audit comité, le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit.

54      En effet, eu égard au pouvoir de contrôle entier conféré au comité de recours en vertu du point 6 de la décision du 27 juin 2006 en ce qui concerne les appréciations contenues et les notes attribuées dans le rapport litigieux (voir, notamment, points 39 à 42 ci-dessus), il était indispensable pour le juge de première instance de vérifier, certes dans le cadre de son contrôle restreint, si et dans quelle mesure ledit comité s’était acquitté de ce devoir de contrôle entier conformément aux règles applicables. C’est précisément en raison de ce contrôle entier que les effets juridiques d’une décision du comité de recours ne coïncident pas nécessairement avec ceux d’un rapport d’appréciation soumis à son contrôle et peuvent, partant, faire autrement grief, ce dont le juge doit apprécier la légalité s’il en est saisi. Par ailleurs, en telle hypothèse, pour les motifs exposés au point 49 ci-dessus, il est logiquement exclu que les griefs dirigés respectivement contre le rapport litigieux et la décision du comité de recours se confondent et requièrent une réponse identique du juge de première instance, lorsque son contrôle de légalité s’effectue, en réalité, uniquement à l’aune du contenu du rapport litigieux.

55      En l’espèce, force est de constater que le comité de recours a non seulement exercé un contrôle restreint, d’ailleurs très succinct et ne répondant pas à l’ensemble des griefs soulevés par le requérant, à l’égard du rapport litigieux, mais qu’il a également estimé que ce contrôle ne pouvait généralement pas aller au-delà de la recherche d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, le comité de recours a constaté ce qui suit :

« Le [c]omité de [r]ecours rappelle qu’une note peut être modifiée en cas d’erreur manifeste dans l’évaluation des prestations d’un noté. En l’espèce, bien que l’appelant ait procédé à un exposé relativement détaillé des divers éléments et aspects techniques de ses travaux, il n’a pas mis le [c]omité à même de constater une erreur d’appréciation, en soi ou en comparaison avec l’appréciation du travail de ses collègues. Il en résulte que la motivation par la Banque de la note de l’appelant, ayant tenu compte de ses habitudes de travail, telles qu’admises par lui-même […], ne peut être considérée comme étant entachée d’une erreur manifeste et ne peut donc pas être infirmée. »

56      Par conséquent, c’est de manière erronée que le Tribunal de la fonction publique a considéré, d’une part, que les conclusions tendant à l’annulation de la décision du comité de recours devaient être rejetées par voie de conséquence du rejet des conclusions tendant à l’annulation des décisions contestées devant ledit comité et, d’autre part, qu’une éventuelle annulation de la décision du comité de recours pour non-respect des critères de contrôle prévus au point 6 de la décision du 27 juin 2006 ne pouvait avoir pour effet, en application de l’article 233, premier alinéa, CE, lu conjointement avec l’article 236 CE, le renvoi du dossier du requérant audit comité aux fins de la réappréciation du bien-fondé de l’évaluation de ses mérites, telle qu’elle figure dans le rapport litigieux.

57      Au regard des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le premier moyen de pourvoi et d’annuler l’arrêt attaqué en tant qu’il rejette les conclusions de la requête tendant à l’annulation de la décision du comité de recours, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et arguments avancés par le requérant dans ce contexte.

 Sur le deuxième moyen de pourvoi, tiré d’erreurs et d’omissions dans l’appréciation de la légalité du rapport litigieux

58      Par le présent moyen, le requérant fait valoir, en substance, que le Tribunal de la fonction publique a commis plusieurs erreurs et omissions dans l’appréciation du point de savoir si le rapport litigieux avait été établi de manière régulière, si les irrégularités constatées auraient dû l’amener à annuler ledit rapport et si l’évaluation qui y est contenue était fondée. Dans ce contexte, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique, notamment, des défauts de motivation ainsi que la dénaturation d’éléments de fait et la dénaturation des conclusions qu’il avait avancées en première instance.

59      La BEI excipe de l’irrecevabilité du présent moyen, essentiellement au motif que les griefs invoqués à son soutien visent l’appréciation des faits par le juge de première instance dont le contrôle échappe à la compétence du juge de pourvoi. En outre, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique aurait soigneusement apprécié tous les griefs soulevés par le requérant à l’égard du rapport litigieux et les aurait rejetés de manière motivée.

60      Il ressort des considérations exposées aux points 40 à 56 ci-dessus que, en l’espèce, le comité de recours s’est illégalement abstenu d’exercer un contrôle entier sur le rapport litigieux en application du point 6 de la décision du 27 juin 2006 et que, dès lors, sa décision est viciée et susceptible d’annulation. Partant, le rapport litigieux n’est pas devenu définitif et ledit comité est tenu de procéder à un nouveau contrôle dudit rapport impliquant une réappréciation des mérites du requérant, ce que la BEI a d’ailleurs reconnu à l’audience dans l’hypothèse d’une telle annulation.

61      Dès lors, il n’y a plus lieu de statuer sur le deuxième moyen et sur la légalité du contrôle exercé à cet égard par le Tribunal de la fonction publique.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’appréciation erronée de la légalité des décisions de la BEI, du 13 juillet 2007, relatives aux promotions de l’année 2006, en tant qu’elles refusent la promotion du requérant au titre de cette année, et de la dénaturation des conclusions avancées en première instance

62      Par le présent moyen, le requérant fait valoir que l’annulation du rapport litigieux entraîne l’obligation de procéder à une nouvelle appréciation de ses mérites et d’en tirer les conséquences nécessaires pour son éventuelle promotion. Or, le Tribunal de la fonction publique aurait dénaturé les conclusions de sa requête tendant à cette fin, lesquelles étaient subordonnées au fait qu’il soit fait droit aux conclusions tendant à l’annulation, notamment, de la décision du comité des recours et du rapport litigieux (point 201 de l’arrêt attaqué). Partant, les décisions du 13 juillet 2007 seraient illégales.

63      La BEI conclut au rejet de ce moyen, qui serait incompréhensible.

64      Il ressort des points 201 à 203 de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction publique, après avoir constaté que les conclusions de la requête tendant à l’annulation de la décision de refus de promotion, ainsi que de tous les actes connexes, consécutifs et préalables à cette décision, n’étaient pas assortis de moyens, s’est borné à rejeter lesdites conclusions par voie de conséquence du rejet des conclusions tendant à l’annulation du rapport litigieux et de la décision du comité de recours. Dans la mesure où l’arrêt attaqué doit être annulé en tant qu’il rejette ces dernières conclusions, il y a donc lieu, par voie de conséquence, d’annuler également ledit arrêt en tant qu’il rejette les conclusions tendant à l’annulation de la décision de refus de promotion du requérant au titre de l’année 2006, ainsi que de tous les actes connexes, consécutifs et préalables à cette décision.

65      Par conséquent, le présent moyen doit être accueilli, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le grief tiré d’une éventuelle dénaturation.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur de droit et de la dénaturation des conclusions avancées en première instance, en ce que le Tribunal de la fonction publique a rejeté l’exception d’illégalité de la règle en vertu de laquelle seulement 10 et 30 % des membres du personnel de la BEI peuvent respectivement bénéficier des notes A et B+

66      Par le présent moyen, le requérant soutient que c’est à tort et en dénaturant ses conclusions avancées en première instance que le Tribunal de la fonction publique a rejeté son exception d’illégalité de la règle en vertu de laquelle seulement 10 et 30 % des membres du personnel de la BEI peuvent respectivement bénéficier des notes A et B+. Il précise que, même à considérer qu’un tel constat d’illégalité n’amènerait pas nécessairement la BEI à lui accorder une meilleure note, il aurait néanmoins droit à un réexamen de ses mérites susceptible de conduire la BEI à lui attribuer un B+. La motivation illogique exposée au point 176 de l’arrêt attaqué ne répondrait pas aux conclusions du requérant. En outre, le Tribunal de la fonction publique aurait dû expliquer les raisons pour lesquelles, d’une part, aucune inégalité de traitement entre les membres du personnel de la BEI ne pouvait être constatée (point 171 de l’arrêt attaqué) et, d’autre part, l’appréciation de son évaluateur n’était pas conditionnée par la nécessité de respecter les limites imposées de 10 et 30 %.

67      La BEI conclut au rejet du présent moyen.

68      Force est de constater que, au point 172 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique s’est correctement référé, pour rejeter les conclusions tendant à l’annulation du rapport litigieux, à la jurisprudence ayant reconnu que la recevabilité d’une exception d’illégalité dépendait de la double condition, d’une part, que la décision individuelle contestée ait été adoptée en application directe des règles de portée générale visées par cette exception d’illégalité (arrêt de la Cour du 5 octobre 2000, Conseil/Chvatal e.a., C‑432/98 P et C‑433/98 P, Rec. p. I‑8535, point 33) et, d’autre part, que cette dernière soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a soulevée (arrêt du Tribunal du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, RecFP p. I‑A‑2‑297 et II‑A‑2‑1527, point 132).

69      En outre, est dépourvue d’erreur de droit l’appréciation du Tribunal de la fonction publique selon laquelle, d’une part, le requérant n’a pas démontré si et dans quelle mesure l’application de la règle, en vertu de laquelle seulement 10 et 30 % des membres du personnel de la BEI peuvent respectivement bénéficier des notes A et B+, était susceptible d’avoir un impact sur son évaluation et sur la note qui lui avait été attribuée (point 173 de l’arrêt attaqué) et, d’autre part, une éventuelle déclaration d’illégalité de cette règle n’aurait pas pour effet de contraindre la BEI à reconnaître au requérant le bénéfice d’une note supérieure (point 174 de l’arrêt attaqué). Par ailleurs, si le requérant affirme que cette appréciation est viciée en raison d’une « dénaturation » de ses conclusions, le seul fait pour le Tribunal de la fonction publique de ne pas avoir accueilli lesdites conclusions n’est pas de nature à le démontrer.

70      Enfin, dans la mesure où le Tribunal de la fonction publique a rejeté, à titre surabondant, l’exception d’illégalité sur le fond (point 176 de l’arrêt attaqué), il suffit de constater que le grief du requérant consistant à contester ce point de l’arrêt attaqué est inopérant, dès lors que, même à le supposer fondé, il n’est pas de nature à entraîner l’annulation dudit arrêt (voir ordonnance de la Cour du 9 décembre 2009, Marcuccio/Commission, C‑528/08 P, non publiée au Recueil, point 51, et la jurisprudence qui y est citée).

71      Dans ces conditions, le présent moyen doit être rejeté dans sa totalité.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur de droit en ce que le Tribunal de la fonction publique a rejeté comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître et, à titre surabondant, comme irrecevable la demande du requérant tendant à la constatation de certains comportements de la BEI qui seraient constitutifs d’un harcèlement moral

72      Par son cinquième moyen, le requérant fait grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir illégalement rejeté, pour incompétence du juge de première instance et, à titre surabondant, comme irrecevable sa demande tendant à la constatation de certains comportements de la BEI qui seraient constitutifs d’un harcèlement moral en procédant à une interprétation erronée de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI (point 225 de l’arrêt attaqué) et en lui appliquant par analogie les articles 90 et 91 du statut (points 226 et 227 de l’arrêt attaqué). Selon le requérant, la BEI n’est pas une administration publique agissant au moyen d’actes administratifs et, partant, son contrat de travail est un contrat de droit privé régi par les règles portant sur les rapports entre particuliers. Il ne serait, dès lors, pas possible d’interpréter l’article 41 du règlement du personnel de la BEI à la lumière des principes applicables aux « contrats de travail de droit public », y compris de la règle consacrant un délai de trois mois pour introduire un recours. La BEI aurait délibérément choisi de ne pas adopter une règle analogue à celle visée par l’article 91, paragraphe 1, du statut. Ainsi, le Tribunal de la fonction publique aurait dû se considérer comme compétent pour trancher tout différend au sens de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI et déclarer recevables les contestations du requérant. Cette disposition prévoirait la compétence exclusive du juge de l’Union et une procédure de conciliation facultative concernant tout différend entre la BEI et les membres de son personnel, de sorte qu’il ne serait pas possible de qualifier ce recours interne facultatif de condition préalable pour agir en justice.

73      Selon la BEI, l’arrêt attaqué s’appuie sur une jurisprudence établie ayant reconnu, d’une part, que la BEI est un organisme communautaire chargé, aux termes de l’article 267 CE, de contribuer au développement du marché commun dans l’intérêt de la Communauté et que les recours formés contre elle par ses employés trouvent nécessairement leur base juridique dans l’article 236 CE (point 232 de l’arrêt attaqué et arrêt du 23 février 2001, point 6 supra, point 93) et, d’autre part, que, puisque le règlement du personnel de la BEI ne prévoit aucune disposition à cet égard, par analogie aux articles 90 et 91 du statut, le délai de recours dans les litiges entre la BEI et son personnel doit être de trois mois (point 237 de l’arrêt attaqué et arrêt du 23 février 2001, point 6 supra, point 107). Ce serait donc à bon droit que le Tribunal de la fonction publique a déclaré irrecevables les demandes du requérant, celui-ci n’ayant ni suivi la procédure au titre de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI, ni respecté le délai de trois mois pour contester les actes ou comportements prétendument préjudiciables. En conséquence, dans la mesure où le présent moyen de pourvoi vise ces actes ou comportements, il devrait être rejeté comme irrecevable (points 236, 238, 242 et 243 de l’arrêt attaqué).

74      Le Tribunal rappelle que, aux termes de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI, en substance, tout différend entre la BEI et les membres de son personnel est susceptible d’un recours juridictionnel devant le juge de l’Union. Un tel recours peut cependant être précédé « d’une procédure amiable devant la commission de conciliation de la Banque, et ce indépendamment de l’action introduite devant la Cour ».

75      Le Tribunal a déjà jugé qu’il ressortait clairement de cet article, qui prévoit une procédure de conciliation se déroulant indépendamment du recours formé devant la Cour, que la recevabilité d’un tel recours n’était nullement subordonnée à l’épuisement de cette procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2001, point 6 supra, point 96). En outre, si le Tribunal a, certes, relevé une lacune importante dans le régime contentieux de la BEI en ce qu’il ne prévoit pas de délai de recours – lacune qu’il y a lieu de combler en s’inspirant des conditions relatives au délai de recours définies par les articles 90 et 91 du statut pour maintenir un juste équilibre entre le droit à une protection juridictionnelle effective et l’exigence de la sécurité juridique qui constituent des principes généraux de droit –, il a également souligné le caractère particulier de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI et de la procédure facultative qui y est prévue ainsi que sa différence par rapport à la procédure précontentieuse obligatoire prévue par les articles 90 et 91 du statut. En effet, la circonstance que le règlement du personnel de la BEI, qui définit les voies de recours administratives, ne prévoit pas, à la différence desdits articles, de procédure précontentieuse obligatoire, fait obstacle à une transposition pure et simple du régime contentieux statutaire, même modulée par une application souple de ce régime en vue d’assurer la sécurité juridique, eu égard à l’incertitude s’attachant aux conditions de recevabilité des recours de personnel de la BEI (voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2001, point 6 supra, points 97 à 101).

76      Ces principes ont été confirmés dans l’arrêt du Tribunal du 17 juin 2003, Seiller/BEI (T‑385/00, RecFP p. I‑A‑161 et II‑801, points 50 à 52, 65 et 73). Dans cet arrêt, le Tribunal a, notamment, rappelé que la jurisprudence subordonnant la recevabilité de recours introduits par des fonctionnaires contre leur institution d’emploi à la condition du déroulement régulier et complet de la procédure administrative préalable prévue par les articles 90 et 91 du statut n’était pas transposable au règlement du personnel de la BEI, qui ne contenait aucune disposition imposant une procédure de conciliation en préalable à un recours contentieux. En effet, si l’article 41 du règlement du personnel de la BEI se réfère à une procédure de règlement amiable en énonçant que « [l]es différends […] font l’objet d’une procédure amiable devant la commission de conciliation de la B[EI] », c’est en précisant immédiatement qu’une telle procédure se déroule « indépendamment de l’action introduite » devant la juridiction de l’Union.

77      Il s’ensuit que le règlement du personnel de la BEI et, en particulier, son article 41 constituent une réglementation interne, en principe, complète de la BEI, dont la nature et la ratio sont très différentes de celle du statut, y compris de ses articles 90 et 91. Par conséquent, l’existence même de cette réglementation interne interdit – sauf en cas de lacune manifeste contraire à des règles supérieures de droit qu’il faut impérativement combler, telle que celle du délai de recours (voir point 75 ci-dessus) – de procéder à des analogies par rapport audit statut. Par conséquent, il est impossible de procéder à une interprétation contra legem des conditions régissant la procédure interne facultative de règlement amiable prévu à l’article 41 du règlement du personnel de la BEI pour la convertir en une procédure obligatoire, à l’instar de celle visée aux articles 90 et 91 du statut. En effet, à cet égard, l’article 41 du règlement du personnel de la BEI ne souffre précisément pas de lacunes devant être comblées par d’autres règles pour satisfaire aux exigences découlant des principes supérieurs de droit.

78      C’est dès lors de manière erronée que, aux points 236 à 241 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a fait une application par analogie des articles 90 et 91 du statut au cas d’espèce. En particulier, en affirmant, en substance, aux points 236 et 237 dudit arrêt, que l’analogie reconnue exceptionnellement – au regard de la nécessité de maintenir un juste équilibre entre le droit à une protection juridictionnelle effective et l’exigence de la sécurité juridique qui constituent des principes généraux de droit – pour combler la lacune tenant à l’absence de règle sur le délai de recours justifiait une application par analogie des règles régissant la procédure administrative obligatoire précontentieuse visée aux articles 90 et 91 du statut, le Tribunal de la fonction publique a méconnu la jurisprudence du Tribunal qui s’est prononcé précisément dans le sens contraire. À cet égard, l’affirmation du Tribunal de la fonction publique, exposée au point 237 in fine de l’arrêt attaqué, selon laquelle cette jurisprudence « porte sur une question différente de celle sur laquelle le Tribunal [de la fonction publique] doit statuer » ne saurait fonder en droit son approche par analogie erronée dans le cas d’espèce.

79      Enfin, cette appréciation n’est pas non plus infirmée par la référence à l’arrêt de la Cour du 2 octobre 2001, BEI/Hautem (C‑449/99 P, Rec. p. I‑6733, points 90 à 95) (voir point 238 de l’arrêt attaqué), dans lequel la Cour, conformément aux principes énoncés ci-dessus, n’a reconnu une application par analogie de l’article 91, paragraphe 1, du statut au régime contentieux de la BEI que dans la mesure où il consacrait un pouvoir de pleine juridiction du juge de l’Union dans les litiges de caractère pécuniaire entre les institutions et leurs agents. En effet, selon la Cour, qui a confirmé l’approche du Tribunal à cet égard, la nature particulière du régime du personnel de la BEI n’exclut pas la reconnaissance au Tribunal et à la Cour d’une compétence de pleine juridiction dans les litiges de caractère pécuniaire entre la BEI et ses agents, mais la corrobore, la règle générale de compétence de pleine juridiction du juge du contrat ne se heurtant pas à une limitation expressément prévue dans la réglementation applicable (voir, en ce sens, arrêt BEI/Hautem, précité, point 94). En revanche, l’exigence de la conduite d’une procédure préalable aboutissant à l’adoption d’un acte de l’administration ne constitue précisément pas une telle règle générale, ce que le Tribunal de la fonction publique n’a d’ailleurs pas remis en cause dans l’arrêt attaqué, et elle se heurte au libellé précis et contraire de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI que cette dernière a adopté dans l’exercice de son autonomie organisationnelle.

80      Par conséquent, l’appréciation du Tribunal de la fonction publique exposée aux points 236 à 241 de l’arrêt attaqué est entachée d’une erreur de droit. Dès lors, il convient d’accueillir le présent moyen de pourvoi et d’annuler l’arrêt attaqué en tant qu’il rejette les conclusions de la requête tendant à ce que soit constaté que le requérant a été victime d’un harcèlement moral et à ce que la BEI soit condamnée à réparer les préjudices que le requérant estime avoir subis du fait de ce harcèlement, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et arguments que le requérant a avancés dans ce contexte.

81      Enfin, s’agissant de l’affirmation à titre surabondant exposée au point 243 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, en substance, ces conclusions de la requête ne seraient pas davantage recevables si elles devaient être considérées comme étant dirigées contre certains actes faisant grief au sens de l’article 91, paragraphe 1, du statut, au motif qu’elles n’ont pas été introduites dans le délai de trois mois imparti à cette fin (arrêt du 23 février 2001, point 6 supra, point 107) et que le requérant ne saurait, par le biais d’une demande indemnitaire, contourner ce délai, il suffit de constater que le Tribunal de la fonction publique n’y identifie ni les comportements litigieux qui seraient susceptibles de constituer de tels actes, ni ceux donnant lieu à un litige à caractère purement pécuniaire et donc non soumis au même délai.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une erreur de droit en ce que le Tribunal de la fonction publique a rejeté la demande de prise en charge de certains frais médicaux

82      Par le présent moyen, le requérant soutient que le Tribunal de la fonction publique a illégalement rejeté sa demande de prise en charge de certains frais médicaux.

83      Le requérant rappelle que la BEI n’a pas motivé son refus de prendre en charge les frais médicaux concernés et qu’il a demandé au Tribunal de la fonction publique d’établir son droit au remboursement de la somme en question. Le Tribunal de la fonction publique serait toutefois parti de la prémisse que la BEI pouvait demander l’avis de son médecin-conseil, lequel pouvait consulter le médecin traitant de l’assuré et que c’était seulement en cas de désaccord entre eux que l’avis d’un médecin désigné par l’ordre des médecins était nécessaire (points 15 et 16 de l’arrêt attaqué). En outre, il aurait « tronqué la conclusion, jugé non pertinent [c]e manque de motivation (point 209 [de l’arrêt attaqué]) et rejeté le moyen (point 210 [de l’arrêt attaqué]) en présumant que le requérant avait été suffisamment informé ».

84      Le refus de remboursement de la BEI étant motivé, dans un courriel du 27 février 2008, par le fait que le médecin-conseil aurait ‘confirmé que ce traitement n’avait pas été validé scientifiquement’, le Tribunal de la fonction publique aurait dû répondre à la question de savoir par qui ce traitement aurait dû être validé, vu qu’il était prescrit régulièrement en Italie et qu’il était prévu par le service national de santé. À la suite de ce refus, le requérant aurait étayé le caractère scientifique de l’intervention en envoyant un livre et divers articles extraits de revues médicales spécialisées, mais il n’aurait jamais reçu de réponse de la BEI. Par ailleurs, le Tribunal de la fonction publique, d’une part, aurait erronément tenu pour acquise l’existence d’un entretien entre le docteur M. et le requérant, qui n’a jamais eu lieu, et d’un avis prétendument exprimé par d’autres médecins des institutions (point 213 de l’arrêt attaqué) et, d’autre part, aurait omis de tenir compte du fait que le vrai motif du refus n’était pas le défaut de validation scientifique du traitement, mais le prétendu fait que ce traitement semblait trop cher et qu’il eût été préférable de disposer d’un avis préalable de la caisse de maladie. Or, en vertu du point III de l’annexe II des dispositions internes sur l’assurance maladie, il n’y aurait lieu de demander l’avis du praticien désigné par l’ordre des médecins qu’en cas de désaccord entre le médecin-conseil de la BEI et le médecin traitant de l’assuré (point 211 de l’arrêt attaqué), alors qu’il n’apparaît pas que le médecin de la BEI se soit jamais adressé au médecin traitant du requérant.

85      Enfin, le Tribunal de la fonction publique aurait illégalement considéré que le requérant aurait dû suivre la procédure interne au titre de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI comme condition préalable à la recevabilité du recours juridictionnel.

86      La BEI conclut au rejet du présent moyen.

87      Le Tribunal rappelle, d’une part, qu’il résulte de l’article 11 de l’annexe I du statut de la Cour que le pourvoi devant le Tribunal est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal de la fonction publique, d’irrégularités de procédure devant celui-ci portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du droit communautaire par ce dernier (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 16 mars 2000, Parlement/Bieber, C‑284/98 P, Rec. p. I‑1527, point 30 ; ordonnances de la Cour du 10 mai 2001, FNAB e.a./Conseil, C‑345/00 P, Rec. p. I‑3811, point 28, et du 9 novembre 2007, Lavagnoli/Commission, C‑74/07 P, non publiée au Recueil, point 20). D’autre part, il découle de cette disposition ainsi que de l’article 138, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, point 34 ; du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, Rec. p. I‑2125, point 15, et ordonnance Lavagnoli/Commission, précitée, point 21).

88      Ainsi, ne répond pas à ces exigences le pourvoi qui se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal de la fonction publique, y compris ceux fondés sur des faits expressément écartés par cette juridiction. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée en première instance, ce qui échappe à la compétence du Tribunal (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 30 septembre 2003, Eurocoton e.a./Conseil, C‑76/01 P, Rec. p. I‑10091, point 47 ; du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission, C‑131/03 P, Rec. p. I‑7795, point 50, et ordonnance de la Cour du 20 mars 2007, Kallianos/Commission, C‑323/06 P, non publiée au Recueil, point 12).

89      Par ailleurs, étant donné que, au titre de l’article 11 de l’annexe I du statut de la Cour, le pourvoi devant le Tribunal est limité aux questions de droit, le Tribunal de la fonction publique est seul compétent pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal de la fonction publique, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle du juge du pourvoi (voir, par analogie, arrêts de la Cour BEI/Hautem, point 79 supra, point 44 ; du 5 juin 2003, O’Hannrachain/Parlement, C‑121/01 P, Rec. p. I‑5539, point 35, et ordonnance de la Cour du 27 avril 2006, L/Commission, C‑230/05 P, non publiée au Recueil, point 45).

90      Force est de constater que, dans le cadre du présent moyen, le requérant se limite à remettre en cause l’appréciation des faits et des preuves par le Tribunal de la fonction publique et à réitérer les griefs et arguments déjà soulevés en première instance à cet égard (voir points 204 et 205 de l’arrêt attaqué concernant le prétendu défaut de motivation ainsi que la prétendue erreur de fond entachant le refus du remboursement), sans pour autant identifier une erreur de droit, susceptible d’un pourvoi, dans le cadre de l’appréciation desdits griefs et moyens dans les points 206 à 215 de l’arrêt attaqué. Par ailleurs, dans ce contexte, le requérant ne reproche pas au Tribunal de la fonction publique d’avoir dénaturé des éléments de fait ou de preuve. Enfin, contrairement à ce que prétend le requérant, il ne ressort pas des points 206 à 211 de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction publique aurait considéré, à cet égard, qu’il aurait dû suivre la procédure interne au titre de l’article 41 du règlement du personnel de la BEI comme condition préalable à la recevabilité du recours en première instance.

91      Dans ces circonstances, les griefs et arguments avancés par le requérant dans le cadre du présent moyen doivent être rejetés comme irrecevables.

92      Dès lors, le présent moyen ne saurait prospérer.

 Sur le septième moyen, tiré d’une erreur de droit en ce que le Tribunal de la fonction publique a rejeté la demande indemnitaire

93      Par le présent moyen, le requérant reproche, en substance, au Tribunal de la fonction publique de n’avoir pas fait droit à sa demande indemnitaire. Au soutien de ce moyen, il rappelle, de manière détaillée, les raisons pour lesquelles tant la BEI que le Tribunal de la fonction publique ont rejeté ses demandes indemnitaires (points 247 à 268 de l’arrêt attaqué) et conclut au caractère erroné de ce rejet.

94      La BEI conclut au rejet du présent moyen.

95      Force est de relever que l’exposé de ce moyen se limite à paraphraser longuement les écritures du requérant en première instance et les motifs contestés de l’arrêt attaqué ainsi qu’à reprocher au Tribunal de la fonction publique une appréciation erronée des faits et des preuves pertinents, qui justifieraient la demande indemnitaire du requérant. Toutefois, le requérant ne précise aucune éventuelle erreur de droit susceptible de pourvoi que ledit Tribunal aurait commise dans ce contexte.

96      Dès lors, conformément aux principes jurisprudentiels exposés aux points 87 à 89 ci-dessus, ce moyen doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur le huitième moyen, tiré d’une erreur de droit en ce que le Tribunal de la fonction publique a rejeté la demande de mesures d’instruction

97      Par le présent moyen, le requérant reproche, en substance, au Tribunal de la fonction publique de n’avoir examiné que certaines de ses demandes de mesures d’instruction (point 270 de l’arrêt attaqué), tout en les rejetant dans leur totalité au motif qu’elles n’étaient pas utiles à la solution du litige (point 271 de l’arrêt attaqué).

98      La BEI conclut au rejet du présent moyen.

99      À cet égard, il suffit de rappeler que, conformément à la jurisprudence visée aux points 87 à 89 ci-dessus, le Tribunal de la fonction publique est en principe seul compétent pour constater les faits et pour examiner les preuves. À plus forte raison, aux fins de cette appréciation des faits et preuves, il incombe au seul juge de première instance de décider si et dans quelle mesure il est nécessaire de procéder à des mesures d’organisation de la procédure ou à des mesures d’instruction. Ainsi, le Tribunal de la fonction publique est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi et de choisir les mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction aptes à cet effet (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 319, et ordonnance de la Cour du 10 juin 2010, Thomson Sales Europe/Commission, C‑498/09 P, non publiée au Recueil, point 138).

100    En l’espèce, le Tribunal de la fonction publique a rejeté l’ensemble des demandes de mesures d’instruction du requérant, au motif qu’elles ne présentaient pas d’utilité pour la solution du litige (point 271 de l’arrêt attaqué), appréciation qui échappe à la compétence du juge de pourvoi. Par ailleurs, le requérant n’avance aucun argument susceptible de faire apparaître que, à cet égard, le Tribunal de la fonction publique aurait commis une erreur de droit, le seul fait que le point 270 de l’arrêt attaqué ne reproduit pas la totalité des mesures d’organisation de la procédure et d’instruction demandées par le requérant en première instance n’étant pas suffisant pour démontrer une telle erreur.

101    Par conséquent, le présent moyen doit être rejeté comme manifestement irrecevable.

102    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent et en particulier des erreurs de droit commises par le Tribunal de la fonction publique, telles que constatées aux points 38 à 57, 65 et 74 à 80 ci-dessus, il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué, sauf en ce qui concerne l’appréciation dudit tribunal exposée aux points 103 à 140, 149 à 167, 170 à 176, 179 à 185, 206 à 215, 252 à 269 et 270 à 272 de l’arrêt attaqué.

 Sur le renvoi de l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique

103    Conformément à l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé, le Tribunal annule la décision du Tribunal de la fonction publique et statue lui-même sur le litige. Toutefois, il renvoie l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique pour qu’il statue, lorsque le litige n’est pas en état d’être jugé.

104    Il y a lieu de rappeler que le Tribunal a accueilli le cinquième moyen de pourvoi du requérant, au motif que l’appréciation du Tribunal de la fonction publique, exposée aux points 236 à 241 de l’arrêt attaqué, était entachée d’une erreur de droit. Or, en ce que le Tribunal de la fonction publique a illégalement rejeté, pour incompétence du juge de première instance et, à titre surabondant, comme irrecevables les conclusions indemnitaires du requérant, qui étaient liées aux griefs tirés d’un harcèlement moral et de la violation du principe de sollicitude à son égard (points 241 et 242 de l’arrêt attaqué), ce tribunal a omis de se prononcer, de manière complète, sur lesdites conclusions indemnitaires.

105    À cet égard, il convient de préciser que, au point 243 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a constaté, dans le cadre d’un obiter dictum, que ces conclusions ne seraient pas davantage recevables si les actes critiqués par le requérant constituaient des actes faisant grief au sens de l’article 91, paragraphe 1, du statut, puisqu’il avait omis de les contester dans le délai de trois mois qui lui était imparti à cette fin (arrêt du 23 février 2001, point 6 supra, point 107 ; voir point 81 ci-dessus). Toutefois, dans la mesure où les conclusions avancées par le requérant en première instance visaient à obtenir, surtout, un dédommagement des préjudices prétendument causés par les différents comportements illégaux allégués (voir points 216 et 217 de l’arrêt attaqué), il importe de relever que le Tribunal de la fonction publique n’a pas examiné si la demande indemnitaire en cause était susceptible de se heurter, s’agissant de chacun de ces comportements et préjudices, au principe général du délai raisonnable ou, par analogie, au délai de prescription de cinq ans prévu en matière d’action en responsabilité non contractuelle par l’article 46 du statut de la Cour (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 18 juillet 2011, Marcuccio/Commission, T‑450/10 P, non encore publiée au Recueil, points 26 à 29).

106    Dès lors, l’affaire n’est pas en état d’être jugée et il y a lieu de la renvoyer devant le Tribunal de la fonction publique, afin qu’il statue de nouveau sur celle-ci, et de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      L’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 30 novembre 2009, De Nicola/BEI (F‑55/08, non encore publié au Recueil) est annulé, en ce qu’il rejette, premièrement, les conclusions de M. Carlo De Nicola tendant à l’annulation de la décision du comité de recours de la Banque européenne d’investissement (BEI), deuxièmement, ses conclusions tendant à l’annulation de la décision de refus de sa promotion au titre de l’année 2006, ainsi que de tous les actes connexes, consécutifs et préalables à cette décision, et, troisièmement, ses conclusions tendant à la reconnaissance de la responsabilité de la BEI en raison du harcèlement qu’elle aurait exercé à son égard et tendant à la réparation des préjudices allégués à ce titre.

2)      Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

3)      L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de la fonction publique.

4)      Les dépens sont réservés.

Jaeger

Azizi

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 avril 2012.

Signatures

Table des matières


Faits à l’origine du litige, procédure en première instance et arrêt attaqué

Sur le pourvoi

Procédure

Conclusions des parties

En droit

Résumé des moyens et griefs de pourvoi

Sur le premier moyen, tiré d’erreurs de droit dans le cadre de l’appréciation de la légalité de la décision du comité de recours de la BEI

Sur le deuxième moyen de pourvoi, tiré d’erreurs et d’omissions dans l’appréciation de la légalité du rapport litigieux

Sur le troisième moyen, tiré de l’appréciation erronée de la légalité des décisions de la BEI, du 13 juillet 2007, relatives aux promotions de l’année 2006, en tant qu’elles refusent la promotion du requérant au titre de cette année, et de la dénaturation des conclusions avancées en première instance

Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur de droit et de la dénaturation des conclusions avancées en première instance, en ce que le Tribunal de la fonction publique a rejeté l’exception d’illégalité de la règle en vertu de laquelle seulement 10 et 30 % des membres du personnel de la BEI peuvent respectivement bénéficier des notes A et B+

Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur de droit en ce que le Tribunal de la fonction publique a rejeté comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître et, à titre surabondant, comme irrecevable la demande du requérant tendant à la constatation de certains comportements de la BEI qui seraient constitutifs d’un harcèlement moral

Sur le sixième moyen, tiré d’une erreur de droit en ce que le Tribunal de la fonction publique a rejeté la demande de prise en charge de certains frais médicaux

Sur le septième moyen, tiré d’une erreur de droit en ce que le Tribunal de la fonction publique a rejeté la demande indemnitaire

Sur le huitième moyen, tiré d’une erreur de droit en ce que le Tribunal de la fonction publique a rejeté la demande de mesures d’instruction

Sur le renvoi de l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique


* Langue de procédure : l’italien.