Language of document : ECLI:EU:T:2023:372

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE
(première chambre)

18 mai 2015

Affaire F‑44/14

Jaana Pohjanmäki

contre

Conseil de l’Union européenne

« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Examen comparatif des mérites – Rôles respectifs de l’AIPN et de la CCP – Absence de rapports de notation – Défaut de consultation des rapports de notation par les membres de la CCP – Compatibilité des fonctions de rapporteur auprès de la CCP et d’ancien notateur – Erreur manifeste d’appréciation – Ancienneté dans le grade – Niveau des responsabilités exercées – Devoir de sollicitude »

Objet :      Recours, introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis, par lequel Mme Pohjanmäki a introduit le présent recours tendant à l’annulation de la décision du Conseil de l’Union européenne de ne pas la promouvoir au grade AD 13 au titre de l’exercice de promotion 2013, ainsi qu’à la condamnation du Conseil à réparer le préjudice moral prétendument subi du fait de cette décision.

Décision :      Le recours est rejeté. Mme Pohjanmäki supporte la moitié de ses propres dépens. Le Conseil de l’Union européenne supporte ses propres dépens et est condamné à supporter la moitié des dépens exposés par Mme Pohjanmäki.

Sommaire

1.      Fonctionnaires – Promotion – Examen comparatif des mérites – Modalités – Prise en considération des rapports de notation – Dossier individuel incomplet et irrégulier – Conséquences

(Statut des fonctionnaires, art. 45)

2.      Fonctionnaires – Promotion – Examen comparatif des mérites – Modalités – Prise en considération des rapports de notation – Examen préalable par des commissions consultatives de promotion – Modalités – Examen des rapports de notation par un seul membre d’une commission consultative de promotion – Admissibilité

(Statut des fonctionnaires, art. 45)

3.      Fonctionnaires – Promotion – Examen comparatif des mérites – Modalités – Prise en considération des rapports de notation – Examen préalable par des commissions consultatives de promotion – Modalités – Instruction des rapports de notation par un membre d’une commission consultative de promotion ayant été notateur du fonctionnaire concerné – Admissibilité

(Statut des fonctionnaires, art. 45)

4.      Recours des fonctionnaires – Réclamation administrative préalable – Décision de rejet – Substitution des motifs de l’acte contesté

(Statut des fonctionnaires, art. 45, 90 et 91)

5.      Fonctionnaires – Promotion – Critères – Mérites – Prise en considération de l’ancienneté dans le grade – Caractère subsidiaire – Prise en considération de la constance dans la durée des mérites – Portée

(Statut des fonctionnaires, art. 45)

6.      Fonctionnaires – Promotion – Examen comparatif des mérites – Pouvoir d’appréciation de l’administration – Contrôle juridictionnel – Limites – Erreur manifeste d’appréciation – Notion

(Statut des fonctionnaires, art. 45)

7.      Fonctionnaires – Promotion – Examen comparatif des mérites – Pouvoir d’appréciation de l’administration – Éléments susceptibles d’être pris en considération – Niveau des responsabilités exercées

(Statut des fonctionnaires, art. 5 et 45)

8.      Fonctionnaires – Promotion – Réclamation d’un candidat non promu – Décision de rejet – Obligation de motivation – Portée – Insuffisance de motivation – Régularisation au cours de la procédure contentieuse – Conditions

(Statut des fonctionnaires, art. 25 et 45)

1.      Pour annuler une décision de non-promotion, il ne suffit pas que le dossier d’un candidat soit irrégulier et incomplet, encore faut-il qu’il soit établi que cette circonstance a pu avoir une incidence décisive sur la procédure de promotion.

Ainsi, s’agissant d’une irrégularité tirée d’un défaut d’informations sur les prestations d’un fonctionnaire pendant deux périodes couvrant au total sept mois, il n’est pas établi que cette irrégularité a pu avoir une incidence décisive sur la procédure de promotion. En effet, la période de sept mois au total durant laquelle les prestations de l’intéressé n’ont pas donné lieu à une évaluation dans le cadre de rapports de notation est très courte comparée à celle de huit ans passée dans le grade concerné et l’intéressé n’a pas démontré ni même allégué que ses mérites pendant ces sept mois avaient été d’une importance telle que le résultat de l’examen comparatif aurait pu être différent si ces mérites avaient été pris en compte.

(voir points 41, 43 et 44)

Référence à :

Tribunal de la fonction publique : arrêt Sabbag Afota/Conseil, F‑9/11, EU:F:2011:196, points 42 à 44

2.      Lorsque le système de promotion mis en place par une institution permet de désigner un rapporteur au sein de chaque commission consultative de promotion, dont le rôle est d’étudier les dossiers et les rapports de notation et d’en rendre compte à la commission consultative de promotion, le fait que les rapports de notation d’un des fonctionnaires promouvables ne soient consultés que par un seul membre de la commission consultative de promotion ne permet pas de conclure à l’irrégularité de l’ensemble de l’examen comparatif des mérites. En outre, étant donné que la réglementation interne de l’institution ne prévoit pas de procédure ou de formalités particulières pour la désignation du rapporteur auprès d’une commission consultative de promotion, la consultation des rapports de notation par l’un des membres de la commission consultative de promotion suffit pour considérer que ce membre a agi en tant que rapporteur auprès de la commission consultative de promotion.

(voir point 46)

3.      Lorsque le système de promotion mis en place par une institution permet de désigner un rapporteur au sein de chaque commission consultative de promotion, dont le rôle est d’étudier les dossiers et les rapports de notation et d’en rendre compte à la commission consultative de promotion, et prévoit dans le cas où le premier notateur d’un des fonctionnaires promouvables est membre d’une commission consultative de promotion, ce membre doit s’abstenir de participer au débat sur le fonctionnaire concerné. Il n’y a toutefois pas de raison d’étendre la portée de cette dernière règle jusqu’à y inclure aussi la fonction de rapporteur que le membre en question est invité à accomplir au sein de la commission consultative de promotion, dans la phase d’instruction des dossiers et rapports pertinents.

(voir point 49)

4.      Le caractère évolutif de la procédure précontentieuse permet à l’administration, au stade de la réclamation, de réexaminer l’acte attaqué en fonction d’éléments de fait et de droit nouveaux et, si nécessaire, de modifier ou de compléter les motifs sur le fondement desquels elle l’avait adopté.

(voir point 52)

Référence à :

Tribunal de l’Union européenne : arrêt Mocová/Commission, T‑347/12 P, EU:T:2014:268, points 34, 35 et 45

Tribunal de la fonction publique : arrêts AZ/Commission, F‑26/10, EU:F:2011:163, point 38, et BD/Commission, F‑36/11, EU:F:2012:49, point 47

5.      L’article 45 du statut impose que la promotion se fasse exclusivement au choix parmi les fonctionnaires promouvables les plus méritants. Par conséquent, aux fins de la promotion d’un fonctionnaire, l’ancienneté dans le grade et dans le service ne peut intervenir qu’en tant que critère subsidiaire, en cas d’égalité des mérites avec d’autres fonctionnaires promouvables.

Le critère de la constance dans la durée des mérites ne constitue pas un critère distinct des trois critères énumérés à l’article 45 du statut, mais relève directement du premier d’entre eux, fondé sur les rapports de notation dont les fonctionnaires font l’objet, et permet à l’autorité investie du pouvoir de nomination de trouver un juste équilibre entre l’objectif d’assurer une progression de carrière rapide aux fonctionnaires brillants qui se distinguent par un niveau de prestations exceptionnellement élevé et celui d’assurer une carrière normale aux fonctionnaires qui ont fait preuve, au cours d’une longue période, d’un niveau de prestations constamment élevé.

(voir points 57 et 58)

Référence à :

Tribunal de l’Union européenne : arrêt Stols/Conseil, T‑95/12 P, EU:T:2014:3, points 40 à 45

Tribunal de la fonction publique : arrêts Barbin/Parlement, F‑68/09, EU:F:2011:11, point 91, et Nieminen/Conseil, F‑81/12, EU:F:2014:50, points 43 et 44, faisant l’objet d’un pourvoi devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑464/14 P

6.      Aux fins de l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires candidats à une promotion, l’autorité investie du pouvoir de nomination dispose d’un large pouvoir d’appréciation et le contrôle du juge de l’Union doit, dans ce contexte, se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l’administration à son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le juge ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications et mérites des candidats à celle de l’autorité investie du pouvoir de nomination.

À cet égard, une erreur est manifeste lorsqu’elle est aisément perceptible et peut être détectée à l’évidence, à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner les décisions en matière de promotion. En conséquence, afin d’établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits qui soit de nature à justifier l’annulation d’une décision, les éléments de preuve, qu’il incombe à la partie requérante d’apporter, doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut être admise comme étant vraie ou valable.

(voir points 61 et 62)

Référence à :

Tribunal de la fonction publique : arrêts AC/Conseil, F‑9/10, EU:F:2011:160, points 22 à 24, et Nieminen/Conseil, EU:F:2014:50, point 59

7.      Selon le principe de l’équivalence du grade et de la fonction établi par l’article 5 du statut, les fonctionnaires et agents d’un même grade sont censés occuper des fonctions de responsabilités équivalentes. Par conséquent, lorsqu’elle procède à l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables, l’administration doit tenir compte du niveau des responsabilités exercées par un fonctionnaire promouvable lorsque celles-ci excèdent celles normalement dévolues à un fonctionnaire de son grade.

(voir point 66)

Référence à :

Tribunal de la fonction publique : arrêt Merhzaoui/Conseil, F‑18/09, EU:F:2011:180, point 59

8.      Si l’autorité investie du pouvoir de nomination n’est pas tenue de motiver les décisions de promotion à l’égard des candidats non promus, elle est, en revanche, tenue de motiver sa décision portant rejet de la réclamation d’un candidat non promu à l’encontre de la décision de non-promotion le concernant, la motivation de cette décision de rejet étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée.

Dans ce cadre, le caractère suffisant de la motivation doit être apprécié au regard des éléments essentiels de l’argumentaire auquel l’institution répond. Les promotions se faisant, conformément à l’article 45 du statut, au choix parmi les fonctionnaires concernés, il suffit que la motivation de la décision portant rejet de la réclamation se rapporte à l’application des conditions légales et statutaires de promotion qui a été faite à la situation individuelle du fonctionnaire.

De plus, pour autant qu’un début de motivation ait été fourni par l’autorité investie du pouvoir de nomination, des précisions complémentaires peuvent être apportées en cours d’instance.

(voir points 79, 80 et 83)

Référence à :

Tribunal de l’Union européenne : ordonnance Van Neyghem/Conseil, T‑113/13 P, EU:T:2013:568, point 17

Tribunal de la fonction publique : arrêts AC/Conseil, EU:F:2011:160, point 29 ; Sabbag Afota/Conseil, EU:F:2011:196, point 65, et Bouillez e.a./Conseil, F‑11/11, EU:F:2012:8, point 22