Language of document : ECLI:EU:T:2011:597

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

14 octobre 2011 (*)

« Référé – Aides d’État – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché commun et ordonnant sa récupération – Demande de sursis à exécution – Méconnaissance des exigences de forme – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑489/11 R,

Rousse Industry, établie à Rousse (Bulgarie), représentée par Mes A. Angelov et S. Panov, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. C. Urraca Caviedes et D. Stefanov, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la décision C (2011) 4903 final de la Commission, du 13 juillet 2011, déclarant incompatible avec le marché intérieur l’aide octroyée par la Bulgarie en faveur de Rousse Industry, sous la forme de créances impayées à l’État (aide d’État C 12/2010 et N 389/2009), dans la mesure où cette décision ordonne la récupération de cette aide auprès de la requérante,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Procédure et conclusions des parties

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 septembre 2011, la requérante, Rousse Industry, une société de droit bulgare, a introduit un recours visant à l’annulation de la décision C (2011) 4903 final de la Commission, du 13 juillet 2011, déclarant incompatible avec le marché intérieur l’aide octroyée par la Bulgarie en faveur de Rousse Industry, sous la forme de créances impayées à l’État (aide d’État C 12/2010 et N 389/2009), dans la mesure où cette décision ordonne aux autorités nationales la récupération de l’aide en cause auprès de la requérante (ci-après la « décision attaquée »).

2        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal d’ordonner le sursis à l’exécution de la décision attaquée.

3        Dans ses observations écrites, déposées au greffe du Tribunal le 29 septembre 2011, la Commission européenne conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé comme irrecevable ou non fondée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

4        Il ressort d’une lecture combinée de l’article 278 TFUE et de l’article 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions, organes et organismes de l’Union bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un tel acte ou prescrire des mesures provisoires (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 17 décembre 2009, Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht/Commission, T‑396/09 R, non publiée au Recueil, point 31, et la jurisprudence citée).

5        En outre, l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit (fumus boni juris) justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent.

6        Or, le non-respect du règlement de procédure constitue une fin de non-recevoir d’ordre public, de sorte qu’il appartient au juge des référés d’examiner d’office, in limine litis, si les dispositions applicables de ce règlement ont été respectées (ordonnances du président du Tribunal du 7 mai 2002, Aden e.a./Conseil et Commission, T‑306/01 R, Rec. p. II‑2387, point 43 ; du 2 août 2006, BA.LA. Di Lanciotti Vittorio e.a./Commission, T‑163/06 R, non publiée au Recueil, point 35, et du 25 avril 2008, Vakakis/Commission, T‑41/08 R, non publiée au Recueil, point 41). Eu égard au libellé de la présente demande en référé, il y a lieu d’examiner si cette dernière est conforme à l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure et peut, dès lors, être considérée comme recevable.

7        Il convient de vérifier, notamment, si la demande en référé contient un exposé suffisamment précis des éléments permettant l’examen de la condition relative à l’urgence.

8        À cet égard, il y a lieu de rappeler que le caractère urgent d’une demande en référé, énoncé à l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure, doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite des mesures provisoires. Il n’est pas suffisant pour satisfaire aux exigences de cette disposition d’alléguer seulement que l’exécution de l’acte dont le sursis à l’exécution est sollicité est imminente, mais il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure principale, sans avoir à subir un préjudice de cette nature. Pour pouvoir apprécier si le préjudice allégué présente un caractère grave et irréparable et justifie donc de suspendre, à titre exceptionnel, l’exécution de la décision attaquée, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes permettant d’apprécier les conséquences précises qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence des mesures demandées (ordonnance du président du Tribunal du 14 novembre 2008, Stowarzyszenie Autorów ZAiKS/Commission, T‑398/08 R, non publiée au Recueil, points 31 et 43). La partie qui sollicite des mesures provisoires est ainsi tenue de fournir, pièces à l’appui, des informations susceptibles d’établir une image fidèle et globale de sa situation financière [voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 7 mai 2010, Almamet/Commission, T‑410/09 R, non publiée au Recueil, points 32, 57 et 61, confirmée sur pourvoi par ordonnance du président de la Cour du 16 décembre 2010, Almamet/Commission, C‑373/10 P(R), non publiée au Recueil, point 24].

9        Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que cette image fidèle et globale de la situation financière doit être fournie dans le texte de la demande en référé. En effet, une telle demande doit être suffisamment claire et précise pour permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde devant ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la demande en référé [ordonnance du président du Tribunal du 31 août 2010, Babcock Noell/Entreprise commune Fusion for Energy, T‑299/10 R, non publiée au Recueil, point 17 ; voir, également, ordonnance du président de la Cour du 30 avril 2010, Ziegler/Commission, C‑113/09 P(R), non publiée au Recueil, point 13].

10      En l’espèce, la requérante expose, dans la demande en référé, le contenu de la décision attaquée et l’illégalité dont elle estime que cette dernière est entachée. Elle rappelle que le montant exact de la prétendue aide d’État à restituer doit être calculé par la République de Bulgarie et soutient, en substance, que, compte tenu des sommes qu’elle a déjà remboursées à l’État bulgare, il ne reste plus aucun montant important à restituer.

11      Ensuite, afin de souligner l’urgence du sursis à exécution demandé, la requérante indique ce qui suit :

« […] il y a également un élément d’urgence, dans la mesure où, compte tenu des versements que nous avons effectués et en pratique, du fait qu’actuellement il n’y a pas de dette (hormis les contributions à payer non échues), alors qu’il y a une obligation de rembourser l’aide et des délais courts imposés à la Bulgarie, la réparation du dommage causé à la société peut être difficile. Il convient de considérer que l’État a pris en compte cette circonstance puisque, dans la lettre susmentionnée du 2 septembre 2011, il est demandé à la Commission un avis sur les questions suivantes : 1. est-ce qu’il convient d’exiger de Rousse Industry le paiement des intérêts supplémentaires conformément au règlement nº 794/2004 [de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO L 140, p. 1)] étant donné que les contributions en retard sont intégralement remboursées avant la prise de la décision [attaquée] ? 2. En cas de réponse positive à la question nº 1, il est proposé à la Commission d’approuver une méthode de calcul des intérêts dus. 3. Inversement, il est aussi demandé si les pénalités payées doivent être déduites du montant de la restitution. En d’autres termes, au regard de ce qui précède, il est clair que la décision [attaquée] illégale et non fondée […] en pratique ne peut pas être mise en œuvre sans interprétation, ce qui démontre tout à fait qu’elle a été prise en violation du règlement nº 659/1999 [du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO L 83, p. 1)] et du TFUE. Ainsi le besoin de sécurité dans notre affaire est évident. »

12      À cet égard, force est de constater que la requérante, s’opposant à la restitution d’une prétendue aide d’État, allègue un préjudice purement financier qu’elle subirait en cas d’exécution immédiate de la décision attaquée. Toutefois, elle n’a produit aucun élément susceptible d’établir que ce préjudice ne pourrait pas faire l’objet d’une compensation financière ultérieure, étant entendu que, selon une jurisprudence constante, la seule possibilité de former un recours en indemnité au titre des articles 268 TFUE et 340 TFUE suffit à attester du caractère en principe réparable d’un tel préjudice. Or, de tels éléments auraient été d’autant plus nécessaires que, selon une jurisprudence bien établie, il n’y a pas lieu de tenir compte de l’incertitude du succès d’un tel recours en indemnité [voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 14 décembre 2001, Commission/Euroalliages e.a. C‑404/01 P(R), Rec. p. I‑10367, points 70 à 75, et du président du Tribunal du 24 avril 2009, Nycomed Danmark/EMEA, T‑52/09 R, non publiée au Recueil, points 72 et 73].

13      La requérante s’est également abstenue de fournir des éléments de nature à établir qu’une exécution immédiate de la décision attaquée serait de nature à mettre en péril sa viabilité financière avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure principale ou à entraîner une modification irrémédiable et importante, au regard de la taille de son entreprise, de ses parts de marché. De plus, elle a omis de fournir la moindre indication concrète relative à sa situation financière permettant au juge des référés d’apprécier la gravité du préjudice financier allégué, alors qu’elle aurait dû démontrer cette gravité dans la demande en référé elle-même (voir points 8 et 9 ci-dessus).

14      Enfin, la requérante n’a produit aucun élément susceptible d’établir qu’elle serait empêchée de contester devant le juge national les mesures de récupération, une fois qu’elles seraient adoptées par les autorités nationales, et d’exciper, devant ce juge, de l’illégalité de la décision attaquée. En effet, selon une jurisprudence bien établie, le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que le juge national ordonne un sursis à l’exécution de la demande de recouvrement en attendant le règlement de l’affaire au fond devant le Tribunal ou de déférer une question préjudicielle à la Cour au titre de l’article 267 TFUE. Compte tenu de cette jurisprudence, la requérante aurait été tenue de démontrer en quoi les voies de recours internes que lui offre le droit bulgare pour s’opposer à une restitution immédiate de l’aide litigieuse ne lui permettraient pas d’éviter de subir un préjudice grave et irréparable (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 3 décembre 2002, Neue Erba Lautex/Commission, T‑181/02 R, Rec. p. II‑5081, points 105 à 109, et la jurisprudence citée).

15      Il s’ensuit que la requérante est restée en défaut de présenter les éléments nécessaires pour permettre au juge des référés d’apprécier l’urgence du sursis à exécution sollicité.

16      Cette appréciation n’est pas infirmée par la télécopie que la requérante a spontanément envoyée le 5 octobre 2011. En effet, selon une jurisprudence bien établie, une demande en référé ne saurait être utilement complétée, en vue de remédier à des déficiences, par un mémoire postérieur, déposé par la partie requérante, le cas échéant, en réponse aux observations de la partie adverse, du fait que l’ouverture d’une telle possibilité de « rattrapage » serait incompatible non seulement avec la célérité requise en matière de référé, mais aussi, et surtout, avec l’esprit de l’article 109 du règlement de procédure en vertu duquel, en cas de rejet d’une demande en référé, la partie requérante ne peut présenter une autre demande que si cette dernière est « fondée sur des faits nouveaux » [ordonnances Almamet/Commission, T‑410/09 R, précitée, point 55, Almamet/Commission, C‑373/10 P(R), précitée, point 21, et Ziegler/Commission, C‑113/09 P(R), précitée, point 14]. Or, dans sa télécopie du 5 octobre 2011, la requérante ne se prévaut d’aucun fait, relatif à sa situation financière ou aux voies de droit bulgares, qu’elle aurait été dans l’impossibilité d’invoquer lors de l’introduction de sa demande en référé et qui serait pertinent pour apprécier le cas en cause (voir, en ce sens, ordonnance Almamet/Commission, T‑410/09 R, point 55, et la jurisprudence citée).

17      Par conséquent, la présente demande en référé doit être rejetée comme irrecevable en ce que l’exposé des motifs qu’elle contient n’est pas conforme aux exigences de l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 14 octobre 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le bulgare.