Language of document : ECLI:EU:T:2023:222

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

26 avril 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale R.T.S. Rochem Technical Services – Marque nationale figurative antérieure ROCHEM MARINE – Cause de nullité relative – Preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure – Articles 15 et 57, paragraphe 2, du règlement (CE) no 207/2009 [devenus articles 18 et 64, paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001]  »

Dans l’affaire T‑547/21,

Rochem Group AG, établie à Zoug (Suisse), représentée par Me K. Guridi Sedlak, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme D. Walicka, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Rochem Marine Srl, établie à Gênes (Italie), représentée par Mes R. Gioia et L. Mansi, avocats,

LE TRIBUNAL (juge unique),

juge : M. U. Öberg

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure, notamment la décision du 8 octobre 2021 rejetant la demande de suspension présentée par la partie requérante,

à la suite de l’audience du 5 octobre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Rochem Group AG, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 28 juin 2021 (affaire R 1545/2019‑1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 4 novembre 2013, la société allemande R.T.S. ROCHEM Technical Services GmbH, a présenté à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal R.T.S. Rochem Technical Services, en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 1, 2, 3, 11, 37, 40 et 42 au sens de l’arrangement de Nice, concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4        Le 16 mai 2014, l’EUIPO a accueilli la demande d’inscription du changement du titulaire de la demande d’enregistrement de la marque, la requérante se substituant à R.T.S. Rochem Technical Services GmbH.

5        La marque dont l’enregistrement était demandé a été enregistrée le 10 juillet 2014, sous le numéro 012313797.

6        Le 24 février 2017, l’intervenante, Rochem Marine Srl, a formé une demande en nullité de cette marque.

7        Le motif invoqué à l’appui de la demande en nullité était l’existence d’un risque de confusion entre la marque contestée et une marque italienne enregistrée par l’intervenante au titre de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

8        La demande en nullité était fondée sur la marque italienne figurative antérieure reproduite ci-après, déposée le 11 octobre 2000, enregistrée le 12 juillet 2004 sous le numéro 933481 et dûment renouvelée le 7 octobre 2010 pour les produits relevant de la classe 11 et correspondant à la description suivante : « Installations de dessalement de l’eau de mer, stations d’épuration des eaux grises et des eaux noires » :

Image not found

9        À la demande de la requérante, l’intervenante a été invitée par l’EUIPO à apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure invoquée, conformément à l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 64, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001). Cette dernière s’est conformée à ladite demande dans le délai imparti à cette fin par l’EUIPO.

10      Par décision du 22 mai 2019, la division d’annulation a déclaré la nullité partielle de la marque contestée, à savoir pour les produits et les services en cause compris dans les classes 11 et 40, en raison de l’existence d’un risque de confusion et a rejeté le surplus de la demande en raison de la différence entre les produits en cause.

11      Le 18 juillet 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’annulation.

12      Le 22 novembre 2019, l’intervenante a présenté ses observations en réponse au recours et a produit des preuves supplémentaires de l’usage de la marque antérieure. Ces nouveaux éléments de preuve comprenaient vingt-deux factures datées du 16 avril 2009 au 27 novembre 2014, une photographie de l’espace d’exposition occupé par l’intervenante au salon Seafuture qui s’est tenu à La Spezia (Italie) en 2016, ainsi qu’une facture du 14 avril 2016 adressée à l’intervenante afférente à la location de cet espace. Le 25 novembre 2019, l’EUIPO a déclaré que la phase écrite de la procédure était close.

13      Par décision du 2 mars 2020, la première chambre de recours de l’EUIPO a entériné la décision de la division d’annulation et rejeté le recours.

14      Par une communication du 19 juin 2020, la première chambre de recours de l’EUIPO a avisé la requérante et l’intervenante que la décision du 2 mars 2020 contenait une erreur dans le calcul de la plus ancienne des deux périodes de référence de cinq ans applicables à l’espèce.

15      Par conséquent, le 17 novembre 2020, la chambre de recours a révoqué sa décision du 2 mars 2020.

16      Par la décision attaquée, la première chambre de recours a rejeté le recours contre la décision de la division d’annulation.

 Conclusions des parties

17      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        enjoindre à l’EUIPO de rejeter intégralement la demande en nullité ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

18      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la détermination du droit matériel applicable ratione temporis

19      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 4 novembre 2013, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40 et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

20      En ce qui concerne les règles de fond, les références faites par la requérante et l’intervenante dans leurs écritures, à l’article 8, paragraphe 1, sous b), à l’article 18, à l’article 60, paragraphe 1, sous a), et à l’article 64, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001, doivent être entendues comme visant, respectivement, l’article 8, paragraphe 1, sous b), l’article 15, l’article 53, paragraphe 1, sous a), et l’article 57, paragraphes 2 et 3, d’une teneur identique du règlement no 207/2009.

21      Dans la mesure où les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001. En outre, eu égard au fait que la demande de preuve de l’usage de la marque antérieure a été déposée avant le 1er octobre 2017, les dispositions de procédure de l’article 10 du règlement délégué 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), ne s’appliquent pas en l’espèce, de sorte que ce sont les dispositions de la règle 22 du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1), tel que modifié qui s’appliquaient à l’apport de la preuve de l’usage de la marque antérieure. 

 Sur le fond

22      À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, un moyen unique tiré de la violation de l’article 15 et de l’article 57, paragraphes 2 et 3 du règlement no 207/2009.

 Sur la recevabilité des nouveaux arguments et éléments de preuve

23      À l’appui de son recours, la requérante soutient que l’EUIPO aurait commis une erreur dans l’appréciation du caractère probant des preuves de l’usage produites par l’intervenante, au motif que les vingt-deux factures, datées du 16 avril 2009 au 27 novembre 2014, jointes à ses observations du 22 novembre 2019 en réponse au recours seraient falsifiées au regard des erreurs dont elles seraient entachées concernant le capital, l’adresse et l’adresse électronique de l’intervenante. Ainsi, la requérante estime que ces factures devraient être rejetées en tant que preuve.

24      Au soutien de ses allégations, la requérante s’appuie sur des documents supplémentaires (annexes A.13 et A.14 et A.17 à A.21) qui, selon l’EUIPO et l’intervenante, seraient produits pour la première fois devant le Tribunal.

25      L’EUIPO et l’intervenante font valoir que ces arguments et éléments de preuve sont invoqués par la requérante pour la première fois devant le Tribunal et sont donc irrecevables.

26      Étant donné que l’intervenante a admis devant le Tribunal que les factures présentées devant la chambre de recours ne correspondaient pas à l’entête de ces-mêmes factures au moment de leur émission, ce fait peut être pris pour établi. Par conséquent, le Tribunal ne doit pas se prononcer sur la question de savoir si l’argument de la requérante et les éléments de preuves (annexes A.13 et A.14 et A.17 à A.21) au soutien de cet argument sont recevables.

 Sur le moyen unique tiré de la violation de l’article 15 et de l’article 57, paragraphes 2 et 3 du règlement no 207/2009

27      L’existence d’un risque de confusion n’est pas contestée par la requérante. Elle affirme seulement que la marque antérieure n’a pas été utilisée.

28      La requérante invoque, en substance, que l’EUIPO, en violation de l’article 15 et de l’article 57, paragraphes 2 et 3 du règlement no 207/2009, a commis une erreur dans l’appréciation du caractère probant des preuves de l’usage produites par l’intervenante car ces-dernières n’auraient pas prouvé l’usage sérieux de la marque antérieure. Les principaux griefs de la requérante portent sur le fait que certains documents ne sont pas fournis en italien et ne sont pas datés, que le nombre de commandes est extrêmement faible, que le signe a été utilisé en tant que dénomination sociale et non en tant que marque, qu’il n’a pas été apposé et que les éléments de preuve ne se rapportent pas aux produits pertinents.

29      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante et estiment que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que les éléments de preuve produits par l’intervenante étaient suffisants pour démontrer l’usage de la marque antérieure en Italie pour les produits couverts par celle-ci visés au cours des deux périodes de référence durant lesquelles la marque antérieure était protégée.

30      À titre liminaire, il importe de rappeler que selon l’article 57, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, sur requête du titulaire d’une marque de l’Union, le titulaire d’une marque de l’Union européenne antérieure, partie à la procédure de nullité, apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la date de la demande en nullité, la marque de l’Union européenne antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels la demande en nullité est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date la marque de l’Union européenne antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins. Selon l’article 57, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, ledit paragraphe 2 s’applique également pour ce qui est des marques nationales antérieures.

31      Il y a lieu de relever que, en vertu de la règle 22, paragraphes 3 et 4, du règlement (CE) no 2868/95(devenu article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2018/625), la preuve de l’usage d’une marque antérieure doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui en a été fait et se limite, en principe, à la production de pièces justificatives comme, par exemple, des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009 [devenu article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001].

32      Dans l’interprétation de la notion d’usage sérieux, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [arrêts du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 38, et du 2 février 2016, Benelli Q. J./OHMI – Demharter (MOTOBI B PESARO), T‑171/13, EU:T:2016:54, point 68].

33      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, afin de créer ou de conserver un débouché pour ces produits ou ces services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (arrêts du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43, et du 8 juin 2017, W. F. Gözze Frottierweberei et Gözze, C‑689/15, EU:C:2017:434, point 37).

34      Pour examiner le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque, et inversement. En outre, le chiffre d’affaire réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous la marque antérieure ne sauraient être appréciés dans l’absolu mais doivent l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché concerné (voir arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 42 et jurisprudence citée).

35      Par ailleurs, l’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêt du 16 juin 2015, Polytetra/OHMI – EI du Pont de Nemours (POLYTETRAFLON), T‑660/11, EU:T:2015:387, point 47].

36      L’usage sérieux de la marque suppose que celle-ci soit utilisée publiquement et vers l’extérieur, et pas seulement au sein de l’entreprise concernée (voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 37). Cependant, l’usage extérieur d’une marque n’équivaut pas nécessairement à un usage orienté vers les consommateurs finaux. L’usage effectif de la marque se rapporte au marché sur lequel le titulaire de celle-ci exerce ses activités commerciales et sur lequel il espère exploiter sa marque. Ainsi, considérer que l’usage extérieur d’une marque, au sens de la jurisprudence, consiste nécessairement à un usage orienté vers les consommateurs finaux reviendrait à exclure les marques utilisées dans les seuls rapports entre sociétés de la protection du règlement no 207/2009. En effet, le public pertinent auquel les marques ont vocation à s’adresser ne comprend pas uniquement les consommateurs finaux, mais également des spécialistes, des clients industriels et d’autres utilisateurs professionnels [voir arrêt du 4 avril 2019, Hesse et Wedl & Hofmann/EUIPO (TESTA ROSSA), T‑910/16 et T‑911/16, EU:T:2019:221, point 38 et jurisprudence citée].

37      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le moyen unique de la requérante.

38      Il y a lieu de relever d’emblée, à l’instar de la chambre de recours, que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement de la marque contestée, à savoir le 4 novembre 2013, et la date de dépôt de la demande en nullité dirigée contre la marque contestée, à savoir le 24 février 2017, il résulte de l’article 57, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 lu en combinaison avec l’article 42, paragraphe 2, dudit règlement que les périodes de référence s’étendent du 4 novembre 2008 au 3 novembre 2013 et du 24 février 2012 au 23 février 2017, ce que la requérante ne conteste pas.

39      En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 4 de la décision attaquée, l’intervenante a produit, devant la division d’opposition, les éléments suivants pour prouver l’usage sérieux de la marque antérieure :

–        un extrait du site Internet www.rochem.dk relatif à son histoire ainsi qu’à ses activités principales ;

–        cinq factures et un bon de livraison émis durant la période allant du 9 décembre 2010 au 29 janvier 2016 ;

–        une documentation sur les foires et expositions commerciales auxquelles elle a participé, à savoir Ecomondo Rimini (Italie) 2007, 2008, 2009, 2010 ; Navdex Abu Dhabi (Émirats arabes unis) 2011 et Sea Trade Gênes (Italie) 2002 et 2004 ;

–        du matériel publicitaire ;

–        un article relatif au projet ERSAI 400 provenant de la publication Technologie e trasporti Mare mai-juin 2008 ;

–        des fiches techniques et un manuel d’installation de 2015 concernant le produit Bio-Filt Rochem destiné à la marine italienne ;

–        des dessins techniques de produits datant de 2008, 2010 et 2012.

40      En outre, ainsi qu’il a été rappelé au point 12 ci-dessus, l’intervenante a produit, devant la chambre des recours, les preuves supplémentaires suivantes de l’usage de la marque antérieure :

–        vingt-deux factures datées du 16 avril 2009 au 27 novembre 2014 ;

–        une photographie de l’espace d’exposition occupé par l’intervenante au salon Seafuture qui s’est tenu à La Spezia en 2016 ;

–        une facture du 14 avril 2016 pour la location de cet espace d’exposition.

41      Il est constant entre les parties que les copies des vingt-deux factures datées du 16 avril 2009 au 27 novembre 2014 produites par l’intervenante devant l’EUIPO font état des données relatives à la société de l’intervenante au moment où les factures ont été extraites du système de gestion et non de celles en vigueur au moment de l’émission des documents originaux. Il y a donc une différence entre les factures telles qu’elles ont été émises et les factures telles qu’elles ont été soumises à l’EUIPO.

42      L’ensemble des vingt-deux factures telles que soumises à l’EUIPO reproduisent la marque antérieure dans le coin supérieur droit en gros caractères.  Toutefois, les parties s’accordent à dire que seules seize des factures originelles reproduisent la marque antérieure dans le coin supérieur droit. Les six autres factures originelles datées du 31 janvier 2014 au 27 novembre 2014, comportent les signes APTwater ou ULTURA dans le coin supérieur droit, le terme « Rochem » figurant uniquement en petits caractères en bas de la page.

43      En premier lieu, s’agissant du lieu de l’usage, la chambre de recours a relevé, au point 37 de la décision attaquée, qu’il ressortait clairement des factures, adressées pour la plupart à des entreprises italiennes, que le lieu de l’usage de la marque antérieure était l’Italie. Elle a précisé que les adresses figurant sur lesdites factures corroboraient les indications provenant du matériel publicitaire, des commentaires sur le projet ERSAI 400 dans la publication Technologie e trasporti Mare, des dessins techniques et du manuel d’installation de 2015, ainsi que des preuves de sa participation à des salons professionnels en Italie, telles que la facture relative à la participation au salon Seafuture qui s’est tenu à La Spezia en 2016, rédigée en italien.

44      La requérante estime que les pages du site Internet de l’intervenante et les dessins techniques destinés aux clients ne s’adressent pas particulièrement au consommateur italien, étant donné que leur contenu n’est pas rédigé en italien.

45      À cet égard, il est constant que les factures produites à titre d’éléments de preuve de l’usage de la marque antérieure devant la division d’annulation et devant la chambre de recours étaient destinées à différents clients détaillants établis en Italie. Ces éléments de preuve sont corroborés, comme l’a souligné à juste titre la chambre de recours, par l’existence de nombreux autres éléments de preuve rédigés en italien. Il est vrai que sur les pages du site Internet de l’intervenante, les dessins techniques ne sont pas reproduits en italien. Néanmoins, cela ne permet pas de douter du fait que le marché visé est bien l’Italie.

46      Par conséquent, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, au point 37 de la décision attaquée, que les éléments de preuve portaient sur un usage de la marque antérieure en Italie.

47      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante relatif au fait que les éléments de preuve ne seraient pas datés ou ne relèveraient pas de la période pertinente, il est vrai, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, que certains documents sur lesquels la chambre de recours a fondé son appréciation selon laquelle l’usage sérieux de la marque antérieure avait été prouvé ne relèvent pas de la période pertinente. Il s’agit de l’extrait d’une page du site Internet de l’intervenante, de la documentation sur les foires et les expositions commerciales auxquelles l’intervenante a participé, de matériel publicitaire et de fiches techniques.

48      Si ces pièces ne permettent pas, à elles seules, de conclure à un usage sérieux de la marque antérieure, les preuves de ce type, loin d’être dépourvues d’intérêt, doivent, en l’espèce, être prises en compte et évaluées conjointement avec d’autres éléments, car elles peuvent apporter la preuve a posteriori d’une exploitation commerciale réelle et sérieuse de la marque (voir arrêt du 16 juin 2015, POLYTETRAFLON, T‑660/11, EU:T:2015:387, point 54 et jurisprudence citée).

49      Il s’ensuit que, dans la mesure où la chambre de recours n’a pas fondé son appréciation de l’usage sérieux de la marque antérieure sur les seuls documents mentionnés au point 47 ci-dessus, mais a pris ces éléments en considération conjointement avec d’autres éléments de preuve datés et relevant des périodes de référence afin de constater que l’usage sérieux de ladite marque avait été prouvé, elle n’a pas commis d’erreur de droit en prenant en compte les éléments de preuve mentionnés au point 47 ci-dessus.

50      Par ailleurs, la manière dont la requérante a analysé les preuves n’est pas compatible, d’une part, avec le principe selon lequel les preuves doivent être appréciées globalement, et, d’autre part, avec le fait qu’il convient de prendre en considération, lors de l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque, l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de son exploitation commerciale [arrêts du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 38, et du 16 novembre 2011, Buffalo Milke Automotive Polishing Products/OHMI – Werner & Mertz (BUFFALO MILKE Automotive Polishing Products), T‑308/06, EU:T:2011:675, point 60].

51      Il s’ensuit que l’argument de la requérante selon lequel certains éléments de preuve ne peuvent pas être pris en compte au motif qu’ils ne mentionnent pas de date ou ne concernent pas les périodes de référence ou ne font pas mention de la marque antérieure, ne saurait prospérer.

52      En troisième lieu, s’agissant de l’importance de l’usage, la requérante prétend que le nombre de commandes serait extrêmement faible, alors même que les périodes pertinentes vont de 2008 à 2017. Quant aux cinq factures présentées devant la division d’annulation, la requérante conteste leur force probante au motif qu’elles ne portent que sur deux commandes facturées par l’intervenante.

53      Comme l’a souligné à juste titre l’intervenante, cet argument est avancé pour la première fois devant le Tribunal et ne saurait donc être pris en compte (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2009, Fiorucci/OHMI – Edwin (ELIO FIORUCCI), T‑165/06, EU:T:2009:157, point 22 et jurisprudence citée).

54      En tout état de cause, s’agissant des cinq factures présentées devant la division d’annulation, la chambre de recours a considéré, à juste titre, au point 39 de la décision attaquée, que lesdites factures constituent un usage qui, objectivement, est de nature à créer ou à conserver un débouché pour les produits en cause, et entraîne un volume de ventes qui, par rapport à la période et à la fréquence de l’usage, n’est pas faible au point qu’il puisse être conclu que l’usage est de caractère purement symbolique, minime ou fictif dans le seul but de préserver les droits conférés par la marque.

55      Par ailleurs, ces factures ont été complétées par les vingt-deux factures produites devant la chambre de recours, dont seize comportent la marque antérieure dans le coin supérieur droit.

56      Lors de l’audience, la requérante a fait valoir que le fait que les six factures datées du 31 janvier 2014 au 27 novembre 2014 ne comportent pas la marque antérieure dans le coin supérieur droit serait significatif, étant donné que, dans la décision attaquée, l’EUIPO s’est spécifiquement référé à trois de ces six factures à l’appui de son affirmation selon laquelle l’intervenante avait émis des factures pour des montants élevés au cours de la seconde période de référence.

57      Même si les six factures datées du 31 janvier 2014 au 27 novembre 2014, qui ne comportent pas la marque antérieure dans le coin supérieur droit, ne sont pas prises en compte, le Tribunal constate que la preuve de l’importance de l’usage est apportée par d’autres factures attestant de ventes de produits couverts par la marque antérieure pour des montants élevés au cours de la seconde période de référence, par exemple la facture no 298 du 21 août 2012, la facture no 484 du 7 décembre 2012 et la facture no 1 du 29 janvier 2016. Dès lors, le fait que les six factures datées du 31 janvier 2014 au 27 novembre 2014 ne comportent pas la marque antérieure dans le coin supérieur droit est à cet égard sans incidence.

58      Il s’ensuit que l’argument de la requérante selon lequel le nombre de commandes serait extrêmement faible, doit, en tout état de cause, être rejeté. Au demeurant, il convient d’ajouter que l’exigence d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise, ni encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes, ainsi qu’il a été rappelé, en ce sens, au point 32 ci-dessus.

59      En quatrième lieu, s’agissant de la nature de l’usage, la requérante ne conteste pas la présence de la marque antérieure dans le coin supérieur droit de la majorité des factures, sur les photographies des stands à des foires commerciales, sur les fiches techniques et dans le manuel d’installation. Toutefois, d’après la requérante, ce signe ferait référence au nom de l’intervenante et ne constituerait pas un usage d’une marque pour les produits protégés. La requérante ajoute également que les factures désigneraient des produits et des installations portant non pas sur la marque antérieure, mais sur la marque BIO-FILT.

60      À cet égard, lorsqu’une marque constitue également une dénomination sociale, il n’est pas exclu que la dénomination sociale soit utilisée en tant que marque [voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2007, La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER), T‑418/03, non publié, EU:T:2007:299, point 74]. Cependant, il convient de rappeler qu’une dénomination sociale a pour objet d’identifier une société et n’a pas, en soi, pour finalité de distinguer des produits ou des services. Dès lors, il est considéré qu’il y a usage pour des produits ou des services lorsqu’un tiers appose le signe constituant sa dénomination sociale sur les produits qu’il commercialise ou lorsque même en l’absence d’apposition, le tiers utilise ledit signe de telle façon qu’il s’établit un lien entre le signe constituant la dénomination sociale et les produits commercialisés ou les services fournis par le tiers (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2007, Céline, C‑17/06, EU:C:2007:497, points 21 à 23).

61      Il convient d’observer que la marque antérieure est apposée, en grands caractères, dans le coin supérieur droit sur la plupart des factures. Ces factures établissent donc un lien clairement perceptible entre la marque antérieure et les produits mentionnés dans les factures. En outre, d’autres éléments de preuve établissent également un tel lien. Par exemple, la marque antérieure apparaît également en haut des fiches techniques sur le dessalement de l’eau et sur le traitement des eaux usées ainsi que dans le manuel d’installation de 2015 pour les produits BIO-FILT.

62      Quant à l’argument de la requérante selon lequel le défaut d’apposition de la marque antérieure sur les produits fait obstacle à la démonstration de l’usage de la marque antérieure pour lesdits produits, il convient de rappeler le principe énoncé au point 60 ci-dessus, selon lequel il n’est pas nécessaire que la marque antérieure soit apposée sur des produits pour que cette dernière fasse l’objet d’un usage sérieux par rapport à ces produits. En effet, il suffit que l’utilisation de la marque antérieure établisse un lien entre la marque et la commercialisation de ces produits. La présence de la marque antérieure dans les factures, des fiches techniques et le manuel d’installation de 2015 établit en l’espèce un tel lien.

63      En cinquième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’intervenante aurait, au cours de la période pertinente, fait usage de la marque BIO-FILT pour identifier ses produits, il y a lieu de constater, à l’instar de l’intervenante, que la marque antérieure désigne toute la ligne d’installations de dessalement et de traitement des eaux grises et noires de l’intervenante, tandis que BIO-FILT est une marque qui ne convient que pour la désignation de certains des produits proposés.

64      Or, l’article 22, paragraphes 2 et 3, du règlement no 2868/95 n’impose pas à l’intervenante de prouver l’usage de la marque antérieure seule, indépendamment de toute autre marque. Il n’est donc pas pertinent que l’intervenante ait utilisé la marque antérieure et la marque BIO-FILT conjointement pour identifier ses produits dans les factures.

65      Il découle de l’ensemble de ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure avait été apportée en l’espèce.

66      Par conséquent, le moyen unique doit être rejeté et, partant, le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des annexes A.15 et A.16.

 Sur les dépens

67      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’EUIPO et par l’intervenante, conformément aux conclusions de ceux-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté

2)      Rochem Group AG est condamnée aux dépens.

 

      Öberg

 

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 avril 2023.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. van der Woude


*      Langue de procédure : l’anglais.