Language of document : ECLI:EU:T:2020:543

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

18 novembre 2020 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant des installations pour la distribution de fluides – Motif de nullité – Non-respect des conditions de protection – Article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 – Caractéristiques de l’apparence d’un produit exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci – Article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 »

Dans l’affaire T‑574/19,

Tinnus Enterprises LLC, établie à Plano, Texas (États-Unis), représentée par Mes A. Odle, R. Palijama avocats, et M. J. St Ville, barrister,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Ivanauskas et A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Koopman International BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas), représentée par Mes G. van den Bergh et B. Brouwer, avocats,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Mystic Products Import & Export, SL, établie à Badalona (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’EUIPO du 12 juin 2019 (affaire R 1002/2018‑3), relative à une procédure de nullité entre, d’une part, Mystic Products Import & Export et Koopman International et, d’autre part, Tinnus Enterprises,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de MM. A. Kornezov, président, E. Buttigieg (rapporteur) et Mme K. Kowalik‑Bańczyk, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 août 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 19 novembre 2019,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 11 novembre 2019,

vu la réattribution de l’affaire à un nouveau juge rapporteur siégeant dans la dixième chambre,

vu les questions écrites du Tribunal aux parties et leurs réponses à ces questions déposées au greffe du Tribunal les 4, 9 et 10 juin 2020,

à la suite de l’audience du 10 juillet 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Tinnus Enterprises LLC, est la titulaire du dessin ou modèle communautaire déposé le 10 mars 2015 auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et enregistré sous le numéro 1 431 829‑0001 (ci-après le « dessin ou modèle contesté »), en vertu du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).

2        Le dessin ou modèle contesté est représenté comme suit :





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1.1

1.2

1.3


3        Conformément à l’article 36, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, la requérante a précisé dans la demande d’enregistrement que le dessin ou modèle contesté était destiné à être appliqué au produit « installations pour la distribution de fluides », relevant de la classe 23.01 au sens de l’arrangement de Locarno du 8 octobre 1968 instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels.

4        Le 7 juin 2016, Mystic Products Import & Export, SL, a déposé une demande en nullité relative au dessin ou modèle contesté sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu conjointement avec l’article 4, paragraphe 1, et l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement. Mystic Products Import & Export soutenait, notamment, que l’ensemble des caractéristiques du dessin ou modèle contesté étaient imposées uniquement par leur fonction technique. Par conséquent, eu égard à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, ledit dessin ou modèle ne pourrait bénéficier d’aucune protection.

5        Le 19 avril 2017, l’intervenante, Koopman International BV, a également déposé une demande en nullité relative au dessin ou modèle contesté, fondée sur les mêmes dispositions et la même argumentation, en substance, que celles mentionnées au point 4 ci-dessus. L’intervenante demandait que ledit dessin ou modèle soit déclaré nul ou, à tout le moins, qu’il ne bénéficie que d’une protection restreinte.

6        Le 30 août 2017, l’EUIPO a informé les deux demanderesses en nullité que leurs demandes seraient examinées dans le cadre d’une procédure unique en vertu de l’article 54 du règlement no 6/2002.

7        Par décision du 30 avril 2018, la division d’annulation a déclaré la nullité du dessin ou modèle contesté.

8        Le 31 mai 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 55 à 60 du règlement no 6/2002, tendant à l’annulation de la décision de la division d’annulation.

9        Par décision du 12 juin 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a confirmé la conclusion de la division d’annulation selon laquelle le dessin ou modèle contesté reposait sur des caractéristiques d’un produit, à savoir des installations pour la distribution de fluides, exclusivement imposées par la fonction technique de ce produit, de sorte que ledit dessin ou modèle devait être déclaré nul en vertu de l’application conjointe de l’article 25, paragraphe 1, sous b), et de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. Par conséquent, le recours de la requérante a été rejeté.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        réformer la décision attaquée en ce sens que, premièrement, il soit fait droit au recours, deuxièmement, les demandes en nullité tendant à l’annulation du dessin ou modèle contesté soient rejetées, troisièmement, les demanderesses en nullité soient condamnées à supporter les dépens qu’elle a exposés devant la chambre de recours et la division d’annulation et, quatrièmement, et à titre subsidiaire, l’affaire soit renvoyée devant la division d’annulation aux fins de procéder à son examen au regard de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 ;

–        lui accorder le bénéfice des dépens.

11      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      La requérante a invoqué quatre moyens à l’appui de son recours qui ont trait à l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, faite par la chambre de recours dans la décision attaquée.

13      L’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 prévoit qu’un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l’apparence d’un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique.

14      En rapport avec l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, le considérant 10 dudit règlement précise ce qui suit :

« L’innovation technologique ne devrait pas être entravée par l’octroi de la protection des dessins ou modèles à des caractéristiques imposées exclusivement par une fonction technique, étant entendu qu’il n’en résulte pas qu’un dessin ou modèle doit présenter un caractère esthétique. De même, l’interopérabilité de produits de fabrications différentes ne devrait pas être entravée par l’extension de la protection aux dessins ou modèles des raccords mécaniques. Par conséquent, les caractéristiques d’un dessin ou modèle qui sont exclues de la protection pour ces motifs ne devraient pas être prises en considération pour apprécier si d’autres caractéristiques de ce dessin ou modèle remplissent les conditions d’obtention de la protection. »

15      La Cour, dans l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172, point 31), a, notamment, conclu que l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 excluait la protection, au titre du droit des dessins ou modèles communautaires, des caractéristiques de l’apparence d’un produit lorsque des considérations d’une autre nature que la nécessité pour ledit produit de remplir sa fonction technique, en particulier celles liées à l’aspect visuel, n’ont joué aucun rôle lors du choix desdites caractéristiques, et ce même s’il existe d’autres dessins ou modèles permettant d’assurer cette même fonction.

16      La Cour a précisé que, pour apprécier si des caractéristiques de l’apparence d’un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci, il y avait lieu d’établir que cette fonction est le seul facteur ayant déterminé ces caractéristiques, l’existence de dessins ou modèles alternatifs n’étant pas déterminante à cet égard (arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, point 32).

17      Selon la Cour, l’appréciation de la question de savoir si les caractéristiques de l’apparence d’un produit relèvent de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 doit être effectuée au regard de toutes les circonstances objectives pertinentes de chaque cas d’espèce. Cette appréciation doit, notamment, être effectuée au regard du dessin ou modèle en cause, des circonstances objectives révélatrices des motifs qui ont présidé au choix des caractéristiques de l’apparence du produit concerné, des données relatives à son utilisation ou encore de l’existence de dessins ou modèles alternatifs permettant de réaliser la même fonction technique, pour autant que ces circonstances, ces données ou cette existence sont étayées par des éléments de preuve fiables (arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, points 36 et 37).

18      C’est à la lumière de ces éléments qu’il convient d’apprécier les moyens invoqués par la requérante.

 Sur le premier moyen, tiré du fait que la chambre de recours n’a pas adopté une approche structurée et systématique dans la décision attaquée

19      La requérante soutient que, eu égard à l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172), la chambre de recours, afin de déterminer si le dessin ou modèle contesté a été valablement enregistré, devait adopter une approche systématique et structurée consistant, premièrement, à déterminer la fonction technique du produit pour lequel l’enregistrement du dessin ou modèle contesté a été accordé, deuxièmement, à identifier les caractéristiques de l’apparence du produit lesquelles seraient exclusivement imposées par sa fonction technique, troisièmement, à rechercher si chacune desdites caractéristiques est effectivement imposée par la fonction technique dudit produit et, quatrièmement, à apprécier le dessin ou modèle contesté à la lumière des critères de nouveauté et de caractère individuel exigés par les articles 4 à 6 du règlement no 6/2002, en excluant les caractéristiques de l’apparence exclusivement imposées par la fonction technique du produit.

20      Or, selon la requérante, l’analyse de la chambre de recours dans la décision attaquée ne présentait pas une telle structure. D’après elle, la chambre de recours n’a pas commencé son analyse par la détermination de la fonction technique du produit concerné. Par ailleurs, la chambre de recours aurait identifié les quatre éléments composant le produit concerné, à savoir le raccord, les tubes, les ballons et les attaches fixant les ballons aux tubes, au lieu d’identifier et d’examiner les caractéristiques de l’apparence du produit concerné, et aurait aussi, à tort, examiné la fonction technique des quatre éléments susvisés du produit au lieu d’examiner la fonction technique du produit lui-même. Ainsi, selon la requérante, la chambre de recours, en concluant, en substance, au point 37 de la décision attaquée qu’aucune des caractéristiques du dessin ou modèle contesté n’a été choisie dans le seul but d’améliorer l’apparence du produit, a appliqué un critère juridique différent de celui exigé par l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 et, dès lors, erroné.

21      Par ailleurs, la requérante fait valoir que, en raison de l’analyse non structurée de la chambre de recours, celle-ci n’a pas examiné sur le fond le témoignage du créateur du dessin ou modèle contesté. Elle n’aurait pas non plus correctement appliqué les deuxième, troisième et quatrième étapes de l’analyse présentée au point 19 ci-dessus.

22      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

23      Il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, du considérant 10 dudit règlement et de l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172), que l’appréciation d’un dessin ou modèle communautaire au regard de la disposition susvisée comporte les étapes suivantes : en premier lieu, il convient de déterminer la fonction technique du produit concerné, en deuxième lieu, d’analyser les caractéristiques de l’apparence dudit produit au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 et, en troisième lieu, d’examiner, au regard de toutes les circonstances objectives pertinentes, si ces caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit concerné, en d’autres termes, si la nécessité de remplir cette fonction technique est le seul facteur ayant déterminé le choix par le créateur de ces caractéristiques, des considérations d’une autre nature, en particulier celles liées à l’aspect visuel dudit produit, n’ayant joué aucun rôle lors du choix de ces caractéristiques (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, points 26 et 31). Eu égard au considérant 10 du règlement no 6/2002, les caractéristiques exclusivement fonctionnelles du dessin ou modèle en cause ne doivent pas être prises en considération pour apprécier si d’autres caractéristiques dudit dessin ou modèle remplissent les conditions d’obtention de la protection, au regard, notamment, des critères de « nouveauté » et du « caractère individuel » prévus à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

24      Il ressort de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 et du considérant 10 dudit règlement que, s’il est conclu qu’au moins l’une des caractéristiques de l’apparence du produit concerné n’est pas exclusivement imposée par la fonction technique dudit produit, le dessin ou modèle en cause reste valide et confère protection à cette caractéristique.

25      En revanche, ainsi qu’il ressort également de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 et du considérant 10 dudit règlement, et ainsi que le relève à juste titre l’EUIPO, si toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné sont exclusivement imposées par sa fonction technique, le dessin ou modèle en cause ne sera pas valide, à moins qu’il apparaisse que l’agencement desdites caractéristiques a été imposé par des considérations ne relevant pas exclusivement de la nécessité de remplir la fonction technique du produit concerné, en dégageant, notamment, une impression visuelle d’ensemble allant au-delà de la simple fonction technique. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre du système prévu par le règlement no 6/2002, l’apparence constitue l’élément déterminant d’un dessin ou modèle (voir arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, point 25 et jurisprudence citée) et, par conséquent, un agencement particulier des caractéristiques pourrait être choisi à des fins autres que la nécessité de remplir une fonction technique et, notamment, à des fins ornementales et, plus généralement, à des fins visant à améliorer l’aspect visuel du dessin ou modèle.

26      Ainsi que l’EUIPO le précise à juste titre, dans l’hypothèse de l’agencement particulier susvisé, le dessin ou modèle en cause reste valide et confère protection uniquement à cet agencement particulier et non pas aux caractéristiques de l’apparence du produit exclusivement fonctionnelles qui sont concernées par cet agencement.

27      Il résulte des points 23 à 26 ci-dessus que la définition par la requérante des étapes d’analyse requises par l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, présentée au point 19 ci-dessus, est, en substance, exacte. Il convient donc d’examiner si la chambre de recours a correctement appliqué ces étapes dans la décision attaquée.

28      En ce qui concerne la première étape de l’analyse, la chambre de recours a indiqué, au point 23 de la décision attaquée, qu’il y avait lieu, tout d’abord, de déterminer la fonction technique du produit dans lequel le dessin ou modèle contesté s’intégrait. La chambre de recours a pris en compte le fait que la requérante, titulaire dudit dessin ou modèle, a décrit ce produit dans la demande qui a mené à l’enregistrement du dessin ou modèle contesté, comme des « installations pour la distribution de fluides » (point 23 de la décision attaquée). La chambre de recours a établi que ledit produit avait pour objectif de divertir les enfants en facilitant l’organisation d’une bataille d’eau (point 33 de la décision attaquée) et a précisé que la fonction technique de ce produit était de remplir simultanément un certain nombre de ballons gonflables (point 34 de la décision attaquée). Il ressort de ce qui précède que la première étape de l’analyse, relevée au point 23 ci-dessus, est présente dans la décision attaquée.

29      En ce qui concerne la deuxième étape de l’analyse, il convient de constater qu’au point 34 de la décision attaquée, la chambre de recours a clairement identifié et analysé les caractéristiques de l’apparence du produit concerné, celles-ci étant : premièrement, le raccord avec une ouverture et un certain nombre de trous, deuxièmement, un certain nombre de tubes attachés au raccord, troisièmement, un certain nombre de ballons gonflables fixés à l’extrémité des tubes et, quatrièmement, un certain nombre d’attaches fixant les ballons aux tubes. Il s’ensuit que la deuxième étape de l’analyse, relevée au point 23 ci-dessus, est également présente dans la décision attaquée.

30      Aux points 33 à 36 de la décision attaquée, la chambre de recours a effectué la troisième étape de l’analyse, en examinant si chacune des caractéristiques de l’apparence du produit était exclusivement imposée par sa fonction technique. En particulier, au point 34 de la décision attaquée, la chambre de recours, aux fins d’examiner les fonctions des quatre caractéristiques identifiées, a pris en compte la présentation suivante sur Internet du produit de la requérante et titulaire du dessin ou modèle contesté, dénommé « Bunch O Balloons » :

« [U]n raccord pour tuyau d’arrosage avec 37 ballons préattachés qui se nouent automatiquement une fois qu’ils sont remplis d’eau. […] Les ballons, non gonflés, sont emmanchés sur 37 tiges. Autour du col de chaque ballon, un petit élastique fixe fermement le ballon sur la tige. Les tiges sont reliées à un embout unique qui peut être raccordé à un tuyau d’arrosage pour le remplissage. Ce système permet de remplir simultanément tous les ballons avec de l’eau. Une fois les ballons remplis, il suffit alors de couper l’arrivée d’eau et de secouer délicatement les ballons pour les libérer et les intégrer à votre arsenal. »

31      Par ailleurs, la chambre de recours, aux points 35 et 36 de la décision attaquée et en réponse aux arguments de la requérante tirés du témoignage du créateur du dessin ou modèle contesté, a constaté que l’aspect visuel du dispositif résultait de sa fonction technique et que, s’il était vrai qu’il existait, en principe, des dessins ou modèles alternatifs par la taille, la forme et la disposition des caractéristiques de l’apparence du produit concerné, il convenait toutefois en l’espèce de tenir compte du fait que les caractéristiques et la manière dont elles étaient conçues garantissaient des effets techniques qui permettaient au produit de fonctionner parfaitement. Par ailleurs, au point 28 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté et approuvé l’analyse de la division d’annulation consistant à examiner le dessin ou modèle contesté dans son ensemble. Il ressort ainsi des points 28, 35 et 36 de la décision attaquée que la chambre de recours a examiné la question de savoir si l’agencement des caractéristiques individuelles de l’apparence du produit concerné produisait une impression visuelle d’ensemble dont il pouvait être déduit que cet agencement n’était pas dicté exclusivement par des considérations relatives à la nécessité que ledit produit remplisse sa fonction technique.

32      Aux points 37 et 38 de la décision attaquée, la chambre de recours a, ainsi, conclu, en substance, que toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné étaient exclusivement imposées par sa fonction technique et, au point 39 de la décision attaquée, que le dessin ou modèle contesté devait, par voie de conséquence, être déclaré nul.

33      Il résulte des points 30 à 32 ci-dessus que la troisième étape de l’analyse, relevée au point 23 ci-dessus, est présente dans la décision attaquée.

34      En ce qui concerne la quatrième étape de l’analyse identifiée par la requérante et présentée au point 19 ci-dessus, force est de constater que, la chambre de recours ayant considéré que toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné étaient imposées par sa fonction technique et ayant, dès lors, conclu à la nullité du dessin ou modèle contesté sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, pris conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement, il n’y avait pas lieu qu’elle examine la nouveauté et le caractère individuel du dessin ou modèle susvisé.

35      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de conclure que la chambre de recours a effectué toutes les étapes nécessaires à l’examen de l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. La question relative au bien-fondé des appréciations de la chambre de recours relève d’une problématique distincte et sera abordée dans le cadre de l’examen des autres moyens soulevés par la requérante.

36      En ce qui concerne le grief de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas examiné sur le fond le témoignage du créateur du dessin ou modèle contesté, il convient de relever que ledit témoignage est présenté au point 14 de la décision attaquée. Au point 35 de la décision attaquée, la chambre de recours répond au fond à l’argumentation de la requérante fondée sur ledit témoignage. Plus spécifiquement, au point 35 susmentionné, la chambre de recours répond à l’argument selon lequel le dessin ou modèle contesté se rapporte à un produit destiné à être vendu aux consommateurs, à l’argument selon lequel il y a plusieurs autres manières pour obtenir le même résultat technique que celle qui est représentée sur le dessin ou modèle contesté et plusieurs variations possibles dudit dessin ou modèle, et à l’argument selon lequel le dessin ou modèle contesté présente une « apparence simple, nette et élégante ». La chambre de recours rejette ces arguments en affirmant que ceux-ci ne modifient pas le fait que l’aspect visuel du dispositif résulte bien de sa fonction technique et que, conformément à l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172), le simple fait qu’un dessin ou modèle alternatif existe ne signifie pas que l’apparence d’un produit a été imposée par d’autres considérations que des considérations techniques. La chambre de recours développe davantage cette analyse au point 36 de la décision attaquée.

37      Il s’ensuit que le grief de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas examiné sur le fond le témoignage du créateur du dessin ou modèle contesté doit être rejeté.

38      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure au rejet du premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré du fait que la chambre de recours n’a pas analysé les caractéristiques de l’apparence du produit concerné et sa fonction technique et qu’elle a utilisé un seuil erroné d’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002

39      La requérante fait grief à la chambre de recours, premièrement, d’avoir analysé les caractéristiques techniques du produit en cause ou les éléments le composant, au lieu d’avoir analysé les caractéristiques de son apparence (premier grief) et, deuxièmement, d’avoir analysé les fonctions desdites caractéristiques techniques ou desdits éléments, au lieu d’avoir analysé la fonction technique du produit (deuxième grief). Selon la requérante, il résulte de ces erreurs que la chambre de recours a adopté un critère préliminaire différent et moins exigeant que celui requis par l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, tel qu’il est interprété par l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172), consistant à rechercher si chacune des caractéristiques de l’apparence du produit était exclusivement imposée par sa fonction technique (troisième grief).

40      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

 Sur le premier grief, relatif au défaut d’analyse par la chambre de recours des caractéristiques de l’apparence du produit concerné

41      À titre liminaire, il y a lieu de noter que le règlement no 6/2002 ne fournit pas de définition précise des « caractéristiques de l’apparence d’un produit ». Dans la définition d’un dessin ou modèle figurant à l’article 3, sous a), dudit règlement, le terme « caractéristiques » est utilisé de manière large, englobant tous les aspects possibles de l’apparence d’un produit, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit. Ainsi que l’EUIPO le relève à juste titre, l’identification de ces caractéristiques doit être effectuée au cas par cas et dépend du produit concerné [voir, par analogie, arrêt du 24 septembre 2019, Roxtec/EUIPO – Wallmax (Représentation d’un carré noir contenant sept cercles bleus concentriques), T‑261/18, EU:T:2019:674, points 51 et 55].

42      Ainsi, l’identification des caractéristiques de l’apparence d’un produit peut, selon le cas, et en particulier eu égard au degré de complexité de celui-ci, être effectuée par une simple analyse visuelle du dessin ou modèle ou, au contraire, être fondée sur un examen approfondi dans le cadre duquel sont pris en compte des éléments utiles à l’appréciation, tels que des enquêtes et des expertises, ou encore des données relatives à des droits de propriété intellectuelle conférés antérieurement en rapport avec ce produit concerné [voir, par analogie, arrêt du 19 septembre 2012, Reddig/OHMI – Morleys (Manche de couteau), T‑164/11, non publié, EU:T:2012:443, point 38 et jurisprudence citée].

43      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a commencé son analyse en relevant que la requérante, dans la demande qui a mené à l’enregistrement du dessin ou modèle contesté, a décrit le produit auquel ledit dessin ou modèle s’appliquait, comme des « installations pour la distribution de fluides » (point 23 de la décision attaquée).

44      Ensuite, la chambre de recours a, en substance, noté qu’elle tiendrait compte de la demande de brevet européen EP 3 005 948 A 2, déposée au nom de la requérante le 3 octobre 2015, afin d’obtenir des informations et des éléments de preuve plus précis portant sur la nature du produit susvisé et les caractéristiques fonctionnelles du dessin ou modèle contesté (point 25 de la décision attaquée).

45      La chambre de recours a, ainsi, identifié, au point 34 de la décision attaquée, les caractéristiques de l’apparence du produit comme étant, premièrement, le raccord avec une ouverture et un certain nombre de trous, deuxièmement, un certain nombre de tubes attachés au raccord, troisièmement, un certain nombre de ballons gonflables fixés à l’extrémité des tubes et, quatrièmement, un certain nombre d’attaches fixant les ballons aux tubes. La chambre de recours a considéré que toutes ces caractéristiques étaient nécessaires au fonctionnement de la solution technique permettant de remplir simultanément un certain nombre de ballons gonflables.

46      Il est vrai que, selon l’analyse de la chambre de recours, les quatre caractéristiques de l’apparence du produit susvisées correspondent aux éléments individuels qui composent ce produit. En effet, au point 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que le produit « installations pour la distribution de fluides » consistait en un raccord qui pouvait être connecté à un dispositif d’arrivée d’eau tel qu’un robinet ou un tuyau d’arrosage, que l’eau était distribuée au moyen de multiples tiges (tubes) fixées au raccord par des trous et qu’elle remplissait les ballons gonflables maintenus à l’extrémité des tiges (tubes) par des élastiques. D’après la chambre de recours, une fois que les ballons sont suffisamment remplis d’eau, le poids du liquide leur permet de se détacher des tiges, et les élastiques viennent les clore, retenant ainsi l’eau à l’intérieur de ceux-ci, de sorte que ces ballons peuvent être utilisés dans le contexte de batailles d’eau.

47      Toutefois, la circonstance qu’il y ait une coïncidence entre les caractéristiques de l’apparence du produit concerné et les éléments individuels qui le composent ne signifie pas que la chambre de recours a commis une erreur dans l’identification desdites caractéristiques. Conformément aux considérations contenues aux points 41 et 42 ci-dessus, il convient de noter, d’une part, que l’identification de ces caractéristiques dépend du produit concerné. En l’espèce, compte tenu du caractère complexe de ce produit, qui est composé de plusieurs éléments individuels, il est logique que les caractéristiques de son apparence coïncident avec ces éléments individuels. D’autre part, sur le plan de la méthode, la chambre de recours était en droit, eu égard à la complexité du produit concerné, de ne pas se limiter à une simple analyse visuelle de celui-ci, mais de procéder à un examen approfondi et d’identifier comme caractéristiques de son apparence les éléments visibles qui le composent et qui forment cette apparence.

48      Sur le fondement de ces considérations, il convient de rejeter le grief de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas analysé les caractéristiques de l’apparence du produit concerné. Cette conclusion est corroborée par le fait que, au cours de la procédure devant l’EUIPO, la requérante elle-même avait convenu que les quatre éléments individuels du produit concerné constituaient bien les caractéristiques de son apparence.

 Sur le deuxième grief, relatif au défaut d’analyse par la chambre de recours de la fonction technique du produit concerné

49      À titre liminaire, il y a lieu d’observer que la chambre de recours a bien pris en compte la fonction technique du produit concerné, ayant constaté que celui-ci avait pour objectif de divertir les enfants en facilitant l’organisation d’une bataille d’eau (point 33 de la décision attaquée) et pour fonction technique de remplir simultanément un certain nombre de ballons gonflables (point 34 de la décision attaquée).

50      Ensuite, la chambre de recours, après avoir identifié les caractéristiques de l’apparence du produit concerné, a conclu que toutes ces caractéristiques étaient exclusivement imposées par la fonction technique dudit produit, relevant ainsi du champ d’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 (points 38 et 39 de la décision attaquée).

51      Il convient, dès lors, de rejeter le grief de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas analysé la fonction technique du produit concerné.

52      Il est vrai que, pour arriver à la conclusion visée au point 50 ci-dessus, la chambre de recours a également analysé, aux points 33 et 34 de la décision attaquée, la fonction technique de chacune des quatre caractéristiques de l’apparence du produit concerné, à savoir du raccord, des tubes, des ballons et des attaches, et la contribution de chacune d’elles à l’obtention de la fonction technique dudit produit, à savoir du remplissage simultané d’un certain nombre de ballons gonflables qui pourraient être utilisés dans une bataille d’eau. Par exemple, ainsi qu’il est mentionné au point 30 ci-dessus, la chambre de recours évoque, au point 34 de la décision attaquée, les fonctions de ces caractéristiques telles qu’elles sont présentées sur Internet par la requérante.

53      Cette approche de la chambre de recours n’est pas entachée d’erreur.

54      En effet, lorsque le dessin ou modèle en cause est appliqué à un produit complexe, comme le produit concerné en l’espèce, dont les caractéristiques de l’apparence coïncident avec les éléments individuels qui le composent, la réponse à la question de savoir si lesdites caractéristiques sont « exclusivement imposées par la fonction technique du produit », au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, requiert, au préalable, l’examen de la fonction technique de chacune de ces caractéristiques et l’examen de la relation causale entre la fonction technique de chacune de ces caractéristiques et la fonction technique du produit concerné. Lorsqu’il n’y a pas de relation causale entre la fonction technique de la caractéristique et la fonction technique du produit, c’est-à-dire lorsque cette caractéristique ne contribue pas à la fonction technique du produit, il ne peut pas être soutenu que cette caractéristique est « exclusivement imposée » par la fonction technique du produit. En revanche, si une telle relation causale existe, celle-ci permet de conclure que la caractéristique de l’apparence du produit est « exclusivement imposée » par la fonction technique dudit produit, à condition que des considérations d’une autre nature que la nécessité pour ledit produit de remplir sa fonction technique, en particulier celles liées à l’aspect visuel, n’aient joué aucun rôle dans le choix de cette caractéristique, au sens de l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172, point 31).

55      Pour illustrer les considérations susvisées, il est opportun de se référer à l’exemple du raccord aperçu sur le dessin ou modèle contesté. Le raccord, selon l’analyse précédente, constitue une caractéristique de l’apparence du produit complexe concerné en l’espèce, mais également un élément individuel, en d’autres termes, une composante, dudit produit. Ce raccord a pour fonction de connecter le produit concerné à la source d’eau, le robinet par exemple. Ainsi, il est clair que même si le raccord, pris isolément, a une fonction différente du produit concerné, ce dernier servant au remplissage simultané d’eau de plusieurs ballons, il contribue néanmoins à la fonction technique de ce dernier. Cette relation causale peut conduire à la conclusion que ledit raccord est « exclusivement imposé » par la fonction technique du produit concerné, à condition que des considérations d’une autre nature que la nécessité pour ledit produit de remplir sa fonction technique, en particulier celles liées à l’aspect visuel, n’aient joué aucun rôle dans le choix du raccord.

56      Il s’ensuit que, comme l’EUIPO le relève à juste titre, le fait que le produit concerné comporte plusieurs caractéristiques, dont chacune remplit une fonction différente, n’exclut pas l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. Cette disposition n’exige pas que les caractéristiques de l’apparence fassent référence à un seul et unique résultat technique. Les caractéristiques peuvent engendrer plusieurs résultats techniques, pour autant qu’elles contribuent à l’obtention du résultat technique visé par le produit.

57      Comme le fait observer l’EUIPO, ne pas admettre une telle interprétation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 aboutirait à ce que cette disposition ne soit pas appliquée à un certain nombre de caractéristiques exclusivement fonctionnelles du seul fait qu’elles ne remplissent pas directement la fonction du produit concerné. De même, l’application de cette disposition serait exclue pour les dessins ou modèles comportant une partie seulement d’un produit ou d’un élément de celui-ci, dès lors que ces derniers ne rempliraient que rarement la fonction du produit en tant que tel. Une telle situation n’est pas conforme à l’objectif poursuivi par la disposition susvisée.

58      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter le grief de la requérante relatif à la méthode d’analyse suivie par la chambre de recours afin de conclure que toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné sont exclusivement imposées par sa fonction technique.

 Sur le troisième grief, relatif au critère d’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, utilisé par la chambre de recours dans la décision attaquée

59      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir retenu un critère d’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, qui est moins exigeant que celui prévu par cette disposition, selon lequel les caractéristiques de l’apparence d’un produit doivent être « exclusivement imposées par sa fonction technique ». À l’appui de son grief, la requérante invoque les affirmations suivantes de la chambre de recours : l’affirmation, au point 34 de la décision attaquée, selon laquelle « toutes ces caractéristiques sont nécessaires au fonctionnement de la solution technique » ; l’affirmation, au point 35 de la décision attaquée, selon laquelle « l’aspect visuel du dispositif résulte bien de sa fonction technique » ; l’affirmation, au point 36 de la décision attaquée, selon laquelle « il convient toutefois en l’espèce de tenir également compte du fait que les caractéristiques, et la manière dont elles sont conçues, garantissent également des effets techniques qui permettent au produit de fonctionner parfaitement » ; les affirmations, au point 37 de la décision attaquée, selon lesquelles « [t]outes les caractéristiques essentielles du [dessin ou modèle] contesté ont été choisies en vue de concevoir un produit qui remplit sa fonction » et qu’« [a]ucune de ces caractéristiques n’a été choisie dans le seul but d’améliorer l’apparence du produit ».

60      Or, force est de constater que, certes, les termes susvisés employés par la chambre de recours dans la décision attaquée ne coïncident pas toujours avec ceux figurant à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. Toutefois, placée dans le contexte de cette décision et lue à la lumière de son économie, la terminologie critiquée par la requérante ne démontre pas, en tant que telle, que la chambre de recours ait appliqué de façon erronée cet article. En effet, de manière non équivoque, la chambre de recours, en se référant à la disposition susvisée, conclut, au point 38 de la décision attaquée, que toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné remplissent uniquement sa fonction technique.

61      Il s’ensuit que le présent grief de la requérante doit être rejeté et, par voie de conséquence, le deuxième moyen dans son intégralité.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur commise par la chambre de recours dans l’analyse des autres dessins ou modèles communautaires détenus par la requérante et de sa demande de brevet européen

62      La requérante fait grief à la chambre de recours de ne pas avoir remis en cause l’analyse de la division d’annulation selon laquelle le seul fait qu’elle est la titulaire de plusieurs dessins ou modèles communautaires appliqués au produit « installations pour la distribution de fluides », visuellement différents, permet de déduire que toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné sont exclusivement imposées par sa fonction technique.

63      La requérante fait également grief à la chambre de recours d’avoir considéré que, du fait qu’elle ait déposé une demande de brevet pour le même produit que celui auquel le dessin ou modèle contesté s’applique, contenant une description détaillée des caractéristiques de l’apparence de ce produit, ces caractéristiques sont exclusivement imposées par sa fonction technique. Selon la requérante, cette demande de brevet ne peut être qu’une source d’informations sur les raisons ayant dicté le choix des caractéristiques de l’apparence du produit concerné et ne peut pas constituer un raccourci permettant de faire l’économie de l’analyse structurée exigée par l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172), et décrite dans le cadre du premier moyen.

64      L’EUIPO et l’intervenante contestent le bien-fondé des griefs de la requérante.

65      Il y a lieu de noter que, dans l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172, point 32), la Cour a précisé que l’existence de dessins ou modèles alternatifs n’était pas déterminante en ce qui concernait la question de savoir si la fonction technique du produit concerné était le seul facteur ayant déterminé les caractéristiques de son apparence.

66      De même, il convient de rappeler que la Cour, dans l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172, points 36 et 37), a considéré que l’existence de dessins ou modèles alternatifs permettant de réaliser la même fonction technique constituait une circonstance objective pertinente qui devait être prise en considération lors de l’appréciation de la question de savoir si les caractéristiques de l’apparence du produit concerné étaient exclusivement imposées par sa fonction technique (voir point 17 ci-dessus).

67      C’est à la lumière de ces précisions qu’il convient d’apprécier les deux griefs de la requérante.

 Sur le grief relatif à l’existence des autres dessins ou modèles communautaires détenus par la requérante

68      Pour apprécier le grief de la requérante relatif au fait qu’elle est la titulaire d’autres dessins ou modèles appliqués au produit « installations pour la distribution de fluides », il est opportun de se référer tout d’abord à la décision de la division d’annulation.

69      La division d’annulation a relevé que, même si la procédure en cause concernait la validité du dessin ou modèle contesté, il était pertinent, eu égard à l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172), de tenir compte des autres dessins ou modèles communautaires détenus par la requérante et qui ont fait l’objet, avec le dessin ou modèle contesté, d’une demande d’enregistrement multiple (page 8 de la décision de la division d’annulation).

70      La division d’annulation a relevé que, au moins quatre dessins ou modèles parmi ceux visés dans la demande multiple de la requérante illustraient des alternatives possibles afin d’obtenir une même solution technique, laissant peu d’espace pour d’autres alternatives. Selon la division d’annulation, les différentes configurations des tubes et des ballons illustrées ne sont que différentes manières de permettre qu’un grand nombre de ballons soient remplis d’eau simultanément et qu’en obtenant l’enregistrement de ces formes, la requérante ne laisse à ses concurrents que peu de possibilités de parvenir au même résultat (page 9 de la décision de la division d’annulation).

71      Ainsi, la division d’annulation, en se référant à la nécessité de prise en compte des circonstances objectives pertinentes en vue de l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, a considéré qu’une telle circonstance objective en l’espèce pouvait être le fait que toutes les formes alternatives présentées en l’espèce étaient protégées par le biais de leur enregistrement en tant que dessin ou modèle communautaire, comme c’était le cas pour le modèle ou dessin contesté, et ne pouvaient donc pas être considérées comme des alternatives disponibles pour les concurrents (page 9 de la décision de la division d’annulation). Il est également important de relever que, ainsi qu’il ressort de la décision de la division d’annulation, celle-ci ne s’est pas limitée à cette considération pour conclure à l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, mais a pris en compte d’autres facteurs également et, notamment, la demande de brevet de la requérante et la nature du produit concerné qui serait destiné à un usage unique et jetable (pages 9 et 10 de la décision de la division d’annulation).

72      Il s’ensuit que l’existence des autres dessins ou modèles communautaires détenus par la requérante a été prise en compte par la division d’annulation, en tant qu’un facteur parmi d’autres, pour apprécier si les caractéristiques de l’apparence du produit concerné en l’espèce étaient exclusivement imposées par sa fonction technique au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

73      Cette approche de la division d’annulation a été validée par la chambre de recours. Celle-ci a constaté, au point 29 de la décision attaquée, que la division d’annulation était parfaitement fondée à tenir compte des autres dessins ou modèles communautaires de la requérante, dans la mesure où, en vertu de l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172), toutes les circonstances objectives du cas d’espèce devaient être prises en compte et une de ces circonstances était constituée par les informations qui pouvaient être induites des autres enregistrements de la requérante qui concernaient le même produit.

74      Ainsi qu’il est constaté au point 81 ci-après, la chambre de recours a également pris en compte d’autres « circonstances objectives pertinentes », au sens de l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172), pour arriver à la conclusion que toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné étaient exclusivement imposées par sa fonction technique.

75      Il résulte de ce qui précède que le premier grief de la requérante est fondé sur une compréhension erronée de la décision attaquée, dans la mesure où la chambre de recours ne s’est pas appuyée sur la seule existence des autres dessins ou modèles communautaires de la requérante pour conclure à l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. Sur ce fondement, le premier grief doit être rejeté.

 Sur le grief relatif à la demande de brevet européen de la requérante

76      Il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a utilisé la demande de brevet européen de la requérante comme une importante source d’informations pour apprécier le dessin ou modèle contesté au regard de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

77      Ainsi, la chambre de recours a constaté, en substance, que la demande de brevet portait exactement sur le même produit que celui auquel le dessin ou modèle contesté s’appliquait (voir points 30 à 32 de la décision attaquée).

78      La chambre de recours a utilisé les informations contenues dans la demande de brevet pour déterminer les éléments composant le produit auquel le dessin ou modèle contesté s’appliquait, ainsi que son objectif, à savoir le divertissement des enfants en facilitant l’organisation d’une bataille d’eau (point 33 de la décision attaquée).

79      La chambre de recours a également utilisé les informations contenues dans la demande de brevet pour établir la fonction technique des quatre caractéristiques de l’apparence du produit concerné, à savoir du raccord, des tubes, des ballons et des attaches, ainsi que le rapport causal entre la fonction technique de ces quatre caractéristiques et la fonction technique du produit concerné. La chambre de recours a constaté que les caractéristiques susvisées étaient décrites de manière plus détaillée dans la demande de brevet et que ces deux instruments (le dessin ou modèle contesté et le brevet demandé) concernaient le même produit (point 34 de la décision attaquée).

80      Par ailleurs, au point 35 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué qu’elle confirmait l’analyse de la division d’annulation qui était fondée sur la demande de brevet de la requérante. En particulier, la division d’annulation avait observé que l’apparence du produit auquel le dessin ou modèle contesté s’appliquait n’était pas améliorée par rapport à l’austère exemple de réalisation présenté dans la demande de brevet et que cet exemple était quasiment identique au dessin ou modèle contesté (page 11 de la décision de la division d’annulation).

81      En outre, il convient de relever que la chambre de recours ne s’est pas appuyée uniquement sur la demande de brevet de la requérante pour conclure que les caractéristiques de l’apparence du produit concerné étaient exclusivement imposées par sa fonction technique. Elle a, également, pris en compte d’autres « circonstances objectives pertinentes » au sens de l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172), à savoir le dessin ou modèle contesté (point 35 de la décision attaquée), la nature et l’utilisation du produit concerné (point 33 de la décision attaquée), des données objectives indiquant les raisons ayant dicté le choix des caractéristiques de l’apparence du produit concerné, à savoir la fonction desdites caractéristiques (point 34 de la décision attaquée), et les autres dessins ou modèles de la requérante (point 29 de la décision attaquée).

82      Il résulte des considérations qui précèdent que la chambre de recours ne s’est pas fondée uniquement sur la demande de brevet de la requérante ainsi que cette dernière le fait valoir (point 63 ci-dessus). Il en résulte également que l’analyse de la chambre de recours n’a pas constitué un « raccourci » de l’analyse exigée par l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172).

83      Dès lors, il convient de rejeter le deuxième grief de la requérante et, par conséquent, le troisième moyen dans son intégralité.

 Sur le quatrième moyen, tiré des erreurs d’appréciation commises par la chambre de recours

84      La requérante soutient, d’une part, que les quatre caractéristiques de l’apparence du produit concerné, identifiées par la chambre de recours, ne sont pas exclusivement imposées par la fonction technique dudit produit et, d’autre part, que ces quatre caractéristiques ne constituent pas l’ensemble des caractéristiques de l’apparence du produit concerné. Il s’ensuivrait que le dessin ou modèle contesté n’aurait pas dû être annulé sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, sans qu’une analyse en vertu des articles 4 à 6 dudit règlement soit effectuée.

85      La requérante, en se référant au point 35 de la décision attaquée, identifie, en tant que caractéristiques de l’apparence du produit concerné non exclusivement imposées par sa fonction technique, les caractéristiques suivantes : l’« apparence sobre et nette » du dessin ou modèle contesté, qui serait identique ou similaire à une « fleur avec sa tige » grâce au choix de la longueur des tiges par rapport à la longueur des ballons et les « proportions du[dit] dessin ou modèle dans son ensemble [qui présenteraient] une longueur environ 18 fois supérieure à la largeur, conférant ainsi au[dit] dessin ou modèle une apparence fine et élégante, attrayante pour l’utilisateur ». Selon la requérante, aucune de ces caractéristiques n’est exclusivement imposée par la fonction technique du produit.

86      À l’appui de son argumentation, la requérante invoque le témoignage du créateur du dessin ou modèle contesté, soumis lors de la procédure devant la chambre de recours.

87      Dans le témoignage susvisé, le créateur du dessin ou modèle contesté a expliqué qu’il y avait d’autres manières que celle montrée par le dessin ou modèle contesté pour aboutir à la même fonction technique. Par exemple, « les tubes pourraient être reliés en ligne droite le long d’un tuyau ou être disposés en spirale autour de la longueur du tuyau ou être disposés de manière radiale à partir d’un point central » (point 6 du témoignage).

88      Dans le même sens, selon le créateur, divers aspects du dessin ou modèle contesté pourraient être différents comme la forme du raccord, le nombre, l’espacement et la longueur des tubes ainsi que la combinaison de plusieurs tubes ayant des longueurs différentes (point 7 du témoignage).

89      Le créateur a affirmé que le dessin ou modèle contesté était plus esthétique que tout dessin ou modèle répondant à la fonction technique selon une des manières alternatives énumérées au point 6 de son témoignage, dans la mesure où il a une forme allongée, avec une longueur qui représente approximativement quatre fois sa largeur. Le dessin ou modèle contesté aurait, dès lors, une apparence simple, nette et élégante (point 8 du témoignage). Le créateur a soutenu que le choix de l’arrangement des aspects mentionnés au point 7 de son témoignage avait été dicté par le fait que cet arrangement constituait un des arrangements possibles permettant au dessin ou modèle contesté d’avoir une forme allongée qui lui conférait une apparence simple, nette et élégante (point 9 du témoignage).

90      Le créateur a invoqué également le succès commercial du produit concerné (sous la dénomination commerciale « Bunch O Balloons ») et les récompenses qu’il a obtenues, lesquelles étaient fondées sur des critères comprenant le degré de l’attirance des consommateurs par le design du produit (points 10 et 11 du témoignage).

91      La requérante invoque également des arguments pour soutenir le caractère individuel du dessin ou modèle contesté et conteste l’application, en l’espèce, de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 6/2002.

92      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

93      En premier lieu, il convient de noter que la requérante n’avance aucune argumentation pour étayer son affirmation selon laquelle les quatre caractéristiques de l’apparence du produit concerné, identifiées par la chambre de recours au point 34 de la décision attaquée, à savoir le raccord avec une ouverture et un certain nombre de trous, un certain nombre de tubes attachés au raccord, un certain nombre de ballons gonflables fixés à l’extrémité des tubes et un certain nombre d’attaches fixant les ballons aux tubes, ne sont pas exclusivement imposées par la fonction technique dudit produit. Cette affirmation doit, dès lors, être rejetée.

94      En deuxième lieu, il convient de relever que la requérante, dans son argumentation, invoque, en substance, l’agencement des caractéristiques de l’apparence du produit concerné et l’impression d’ensemble du dessin ou modèle contesté, laquelle serait « sobre et nette », pareille à « une fleur avec sa tige ». Le créateur du dessin ou modèle contesté, dans son témoignage, se réfère également à l’agencement spécifique des caractéristiques de l’apparence, qui serait dicté par des considérations esthétiques, ainsi qu’à l’impression d’ensemble dudit dessin ou modèle.

95      À cet égard, il importe de rappeler que, afin de déterminer si les caractéristiques concernées de l’apparence d’un produit relèvent de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, il convient de tenir compte de toutes les circonstances objectives pertinentes de chaque cas d’espèce et qu’une telle appréciation doit notamment être effectuée au regard du dessin ou modèle en cause, des circonstances objectives révélatrices des motifs qui ont présidé au choix des caractéristiques de l’apparence du produit concerné, des données relatives à son utilisation ou encore de l’existence de dessins ou modèles alternatifs permettant de réaliser la même fonction technique, pour autant que ces circonstances, ces données ou cette existence sont étayées par des éléments de preuve fiables (arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, points 36 et 37).

96      En l’espèce, force est de constater que la chambre de recours, validant la décision de la division d’annulation, a pris en compte des circonstances objectives, étayées par des éléments de preuve fiables, invoquées par les deux demanderesses en nullité, pour apprécier le dessin ou modèle contesté à l’aune de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. La chambre de recours a, notamment, pris en compte la demande de brevet de la requérante et a constaté que cette demande portait exactement sur le même produit que le dessin ou modèle contesté (point 32 de la décision attaquée). En effet, cette demande de brevet a aidé la chambre de recours à analyser le produit auquel le dessin ou modèle contesté s’appliquait et à constater que les quatre éléments individuels composant le produit et contribuant à sa fonction technique correspondaient aux caractéristiques de son apparence (points 33 et 34 de la décision attaquée). C’est ainsi que la chambre de recours a conclu, à juste titre, que le dessin ou modèle contesté n’était pas différent du brevet déposé antérieurement (point 34 de la décision attaquée) et que tous les éléments individuels composant l’apparence visuelle du produit concerné remplissaient une fonction technique (point 35 de la décision attaquée).

97      La chambre de recours a également validé la conclusion de la division d’annulation, résultant de l’examen d’ensemble du dessin ou modèle contesté, selon laquelle il n’a pas été établi que des considérations liées à l’aspect visuel étaient intervenues dans le processus de conception du dessin ou modèle contesté (point 28 de la décision attaquée). La chambre de recours a ainsi validé l’appréciation de la division d’annulation selon laquelle celle-ci ne pouvait voir aucune amélioration dans l’apparence du produit, protégée par le dessin ou modèle contesté, par rapport au mode de réalisation austère présenté dans la demande de brevet.

98      L’argumentation de la requérante ne remet pas en cause les appréciations susvisées de la chambre de recours. En effet, l’affirmation de la requérante relative à l’apparence « sobre et nette » du dessin ou modèle contesté et sa ressemblance à une « fleur avec sa tige » (voir point 85 ci-dessus) est contredite, à titre d’exemple, et ainsi qu’il ressort du dossier administratif devant l’EUIPO, par l’auteur de l’article « Bunch O Balloons will revolutionize water fights » (Bunch O Balloons va révolutionner les batailles d’eau) qui a décrit l’apparence du produit concerné comme des « grappes de raisins dégonflées ». L’impression visuelle du produit avancée par la requérante paraît ainsi arbitraire ou, à tout le moins, trop incertaine, et n’est pas étayée par des données objectives.

99      Il convient dès lors d’approuver la conclusion de la chambre de recours, au point 35 de la décision attaquée, selon laquelle l’allégation de la requérante, présentée au point 85 ci-dessus, ne change rien au fait que l’aspect visuel du dispositif se trouve imposé exclusivement par sa fonction technique.

100    En troisième lieu, en ce qui concerne le témoignage du créateur du dessin ou modèle contesté invoqué par la requérante, il convient de relever, à titre liminaire, que ce témoignage a une force probante limitée dans la mesure où il présente l’opinion personnelle et subjective dudit créateur et où ce créateur, en tant que président et propriétaire de la requérante, a un intérêt personnel à la validité du dessin ou modèle contesté. Il s’ensuit que ce témoignage, dans la mesure où il évoque l’apparence « simple, nette et élégante » du dessin ou modèle contesté et où il n’est corroboré par aucun autre élément de preuve provenant de sources fiables et impartiales, n’emporte pas la conviction du Tribunal à propos du fait que des considérations esthétiques auraient été prises en compte lors de la création du dessin ou modèle contesté.

101    Ensuite, il convient de relever que le créateur témoigne en substance qu’il est possible de concevoir des dessins ou modèles alternatifs par la taille, la forme et les proportions de leurs caractéristiques, qui remplissent la même fonction technique que celle du produit concerné. Or, à cet égard, et à l’instar de la chambre de recours (voir points 35 et 36 de la décision attaquée), il y a lieu de rappeler que, selon la Cour, l’existence de dessins ou modèles alternatifs n’est pas déterminante en ce qui concerne la question de savoir si la fonction technique du produit concerné est le seul facteur ayant déterminé les caractéristiques de son apparence (arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, point 32). En l’espèce, compte tenu des éléments objectifs pris en compte par la chambre de recours pour conclure à l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, le Tribunal considère que les affirmations du créateur du dessin ou modèle contesté ne sont pas suffisantes pour remettre en cause cette conclusion de la chambre de recours.

102    Par ailleurs, il y a également lieu de rejeter les affirmations du créateur du dessin ou modèle contesté relatives au succès commercial du produit auquel ledit dessin ou modèle s’applique ainsi qu’aux récompenses qu’il avait obtenues. Le succès commercial du produit susvisé ne signifie pas que des considérations qui ne sont pas purement liées à la nécessité de remplir sa fonction technique ont été prises en compte lors de la conception du dessin ou modèle contesté. En ce qui concerne l’argument relatif aux récompenses obtenues, il ressort du dossier que les critères sur la base desquels ces récompenses étaient décernées ne concernaient pas uniquement le design des produits en cause et il n’en ressort pas que le produit concerné ait été primé en raison de son design. Il s’ensuit que l’argument susvisé ne corrobore pas la thèse de la requérante.

103    En quatrième lieu, il convient de rejeter les arguments de la requérante relatifs au caractère individuel du dessin ou modèle contesté et à l’application, en l’espèce, de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 (voir point 91 ci-dessus), dans la mesure où la chambre de recours ne s’est pas prononcée sur ces aspects du litige et a statué uniquement sur la base de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. Par conséquent, le Tribunal n’a pas le pouvoir de statuer sur ces aspects que ce soit dans le cadre du recours en annulation ou dans le cadre de la demande de réformation (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, points 71 et 72).

104    Eu égard aux considérations qui précèdent, le quatrième moyen doit être rejeté et, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

105    En application de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’EUIPO et l’intervenante, conformément à leurs conclusions.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Tinnus Enterprises LLC supportera ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et par Koopman International BV.

Kornezov

Buttigieg

Kowalik-Bańczyk

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 novembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.