Language of document : ECLI:EU:T:2023:231

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

3 mai 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale GRILLOUMI – Marque collective de l’Union européenne verbale antérieure HALLOUMI – Motifs relatifs de refus – Risque de confusion – Atteinte à la renommée – Article 8, paragraphe 1, sous b), et article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) no 207/2009 [devenus article 8, paragraphe 1, sous b), et article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑168/22,

Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi, établie à Nicosie (Chypre), représentée par Mes S. Malynicz et C. Milbradt, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. D. Gája et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Fontana Food AB, établie à Tyresö (Suède),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. F. Schalin (rapporteur), président, Mme P. Škvařilová‑Pelzl et M. I. Nõmm, juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 25 janvier 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 3 janvier 2022 (affaire R 1612/2021‑5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 25 octobre 2016, Fontana Food AB a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal GRILLOUMI.

3        La marque demandée désignait les services relevant de la classe 43 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Services de restauration (alimentation) ; services de coffee-shop ; services de restauration (alimentation) ».

4        Le 2 février 2017, la requérante a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les services visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur la marque collective de l’Union européenne verbale antérieure HALLOUMI, enregistrée le 14 juillet 2000 sous le numéro 1082965, désignant les produits relevant de la classe 29 et correspondant à la description suivante : « Fromages ».

6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1) [devenus article 8, paragraphe 1, sous b), et article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

7        Le 15 mai 2018, la division d’opposition a rejeté l’opposition et condamné la requérante aux dépens.

8        Le 13 juillet 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

9        Par décision du 29 mai 2019 (affaire R 1355/2018‑4), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours et condamné la requérante à supporter les frais exposés aux fins des procédures d’opposition et de recours. La quatrième chambre de recours a considéré, d’une part, que les produits et les services couverts par les marques en conflit étaient différents, de sorte que l’opposition n’était pas fondée au regard de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et, d’autre part, que la requérante n’était parvenue à démontrer ni le caractère distinctif accru, acquis par l’usage, et, a fortiori, la renommée de la marque antérieure, ni, ne serait-ce qu’à première vue, l’existence d’un risque futur et non hypothétique de profit indu tiré de la renommée ou du caractère distinctif de la marque antérieure ou l’existence d’un préjudice porté à sa renommée ou à son caractère distinctif, de sorte que l’opposition, en ce qu’elle était fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, devait également être rejetée comme étant non fondée.

10      Le 13 septembre 2019, la requérante a formé devant le Tribunal un recours contre la décision du 29 mai 2019 de la quatrième chambre de recours.

11      Par arrêt du 21 avril 2021, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO – Fontana Food (GRILLOUMI) (T‑555/19, non publié, EU:T:2021:204), le Tribunal a annulé la décision du 29 mai 2019 de la quatrième chambre de recours. Il a considéré, en substance, que cette dernière avait commis une erreur en considérant que les produits et les services couverts par les marques en conflit n’étaient pas similaires, ce qui l’avait amenée à conclure, à tort, que l’une des conditions cumulatives de l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 n’était pas remplie. Dans ces conditions, la quatrième chambre de recours ne pouvait pas, ainsi qu’elle l’avait fait dans la décision du 29 mai 2019, s’abstenir de procéder à l’examen des autres facteurs susceptibles de concourir à l’existence d’un tel risque, avant, le cas échéant, de procéder à une appréciation globale de ce risque.

12      À la suite de l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours du 29 mai 2019, le recours auprès de l’EUIPO a été réattribué à la cinquième chambre de recours, qui a adopté la décision attaquée par laquelle elle a rejeté le recours et condamné la requérante à payer à Fontana Food la somme de 850 euros au titre des procédures d’opposition et de recours.

13      La cinquième chambre de recours a considéré, en substance, que l’arrêt du 21 avril 2021, GRILLOUMI (T‑555/19, non publié, EU:T:2021:204), avait entraîné l’annulation, avec effet ex tunc, de la décision de la quatrième chambre de recours. Elle a donc examiné à nouveau les deux moyens d’annulation de la décision de la division d’opposition, tirés, respectivement, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du même règlement.

14      Premièrement, s’agissant de l’évaluation du risque de confusion en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, la chambre de recours a estimé que les services et les produits désignés par les marques en conflit s’adressaient au consommateur moyen appartenant au grand public de l’Union européenne, qui faisait preuve, lors de leur achat, d’un niveau d’attention généralement moyen. Elle a retenu que ces services et ces produits présentaient un faible degré de similitude. Par ailleurs, elle a estimé que les marques en conflit présentaient un degré de similitude inférieur à la moyenne sur les plans visuel et phonétique et un lien faible sur le plan conceptuel. Elle a estimé que la marque antérieure, en raison de son caractère fortement allusif en tant que référence à un fromage de Chypre, possédait un caractère distinctif intrinsèque faible, sans qu’il ait été démontré qu’elle disposât d’un caractère distinctif accru, acquis par l’usage. Elle a conclu que, eu égard aux facteurs pertinents en l’espèce, en particulier au caractère faiblement distinctif de la marque antérieure, il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en conflit.

15      Deuxièmement, s’agissant de l’évaluation du risque d’un profit indu tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou d’un préjudice porté à ceux-ci en vertu de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, la chambre de recours a estimé qu’il n’avait pas été démontré que la marque antérieure jouissait d’une renommée, de sorte qu’une des conditions cumulatives nécessaires à l’application de la disposition en question manquait.

 Conclusions des parties

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

17      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

18      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 25 octobre 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le présent litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

19      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties à l’instance dans leurs écritures soit à l’article 8, paragraphe 1, sous b), soit à l’article 8, paragraphe 5, soit à l’article 74, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 comme visant soit l’article 8, paragraphe 1, sous b), soit l’article 8, paragraphe 5, soit l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, d’une teneur identique.

20      Au soutien du recours, la requérante invoque, en substance, deux moyens.

21      Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et comporte deux branches.

22      Par la première branche du premier moyen, la requérante fait valoir que la chambre de recours a procédé à une appréciation erronée du caractère distinctif de la marque antérieure, à la fois parce qu’elle a commis une erreur lors de l’application dudit critère à une marque collective et parce qu’elle a traité la marque antérieure comme un simple terme générique au lieu de la considérer comme une marque collective à première vue valable et dûment enregistrée.

23      Par la seconde branche du premier moyen, la requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur en concluant à l’absence de risque de confusion entre les marques en conflit. Cette conclusion serait illogique au regard, en particulier, des constatations de celle-ci concernant la similitude des signes en conflit, s’agissant notamment de leur signification et de l’effet produit par le préfixe « grill » dans la marque demandée.

24      Le second moyen est tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009. À ce titre, la requérante se prévaut d’une violation du droit à un procès équitable et d’un défaut de motivation de la décision attaquée, dans la mesure où la chambre de recours a rejeté le recours arbitrairement et sans fournir de motifs en ce qu’il était fondé sur une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, tout en ignorant les éléments de preuve qui avaient été produits afin de démontrer la renommée de la marque antérieure.

25      L’EUIPO conclut au rejet des deux moyens du recours comme étant non fondés.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

26      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

27      Lorsque la marque antérieure est une marque collective de l’Union européenne, le risque de confusion doit s’entendre comme étant le risque que le public puisse croire que les produits ou les services visés par la marque antérieure et ceux visés par la marque demandée proviennent tous de membres de l’association qui est le titulaire de la marque antérieure ou, le cas échéant, d’entreprises économiquement liées à ces membres ou à cette association (arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, point 64).

28      En outre, en cas d’opposition formée par le titulaire d’une marque collective, s’il y a lieu de tenir compte de la fonction essentielle de ce type de marque, telle qu’énoncée à l’article 66, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (devenu article 74, paragraphe 1, du règlement 2017/1001), afin d’appréhender ce qu’il convient d’entendre par risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement, il n’en demeure pas moins que la jurisprudence établissant les critères au regard desquels il doit concrètement être apprécié si un tel risque existe est transposable aux affaires concernant une marque collective antérieure (arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, point 65).

29      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 septembre 2016, Sun Cali/EUIPO – Abercrombie & Fitch Europe (SUN CALI), T‑512/15, EU:T:2016:527, point 45 et jurisprudence citée].

30      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si la chambre de recours a estimé à juste titre qu’il n’existait pas de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

 Sur le public pertinent

31      S’agissant de la définition du public pertinent, au point 23 de la décision attaquée, en se référant aux motifs de l’arrêt du 21 avril 2021, GRILLOUMI (T‑555/19, non publié, EU:T:2021:204, point 37), la chambre de recours a relevé que la marque demandée désignait des services d’usage courant et que la marque antérieure était, quant à elle, enregistrée pour des produits de consommation courante, à savoir des fromages, et que lesdits services et produits s’adressaient tous au grand public, lequel, lors de leur achat, ferait preuve d’un niveau d’attention généralement moyen. En outre, au point 20 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté, à juste titre au regard des principes rappelés au point 27 ci-dessus et du fait que la marque antérieure était une marque collective de l’Union européenne, que le territoire pertinent était l’ensemble du territoire de l’Union.

32      Il convient de confirmer les conclusions de la chambre de recours en ce qui concerne la définition du public pertinent, le Tribunal ayant déjà été amené à se prononcer sur ce point par une décision devenue définitive et ces conclusions n’étant, au demeurant, pas contestées par les parties.

 Sur la comparaison des produits et des services désignés par les marques en conflit

33      S’agissant de la comparaison des produits et des services désignés par les marques en conflit, au point 26 de la décision attaquée, en se référant aux motifs de l’arrêt du 21 avril 2021, GRILLOUMI (T‑555/19, non publié, EU:T:2021:204, point 57), la chambre de recours a considéré qu’il existait, en raison d’un lien de complémentarité, un faible degré de similitude entre les services désignés par la marque demandée et les produits désignés par la marque antérieure.

34      Il convient de confirmer les conclusions de la chambre de recours en ce qui concerne la comparaison des produits et des services désignés par les marques en conflit, dans la mesure où ces conclusions correspondent aux constatations déjà effectuées par le Tribunal et que, au demeurant, elles ne sont pas contestées par les parties.

 Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

35      Il y a lieu de rappeler que, dans l’arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO (C‑766/18 P, EU:C:2020:170, points 70, 72 et 73), la Cour a rappelé que le degré de caractère distinctif d’une marque antérieure détermine l’étendue de la protection conférée par celle-ci et que les marques collectives de l’Union européenne doivent posséder un caractère distinctif, que ce soit intrinsèquement ou par l’usage, l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 ne constituant pas une exception à cette exigence de caractère distinctif. Si cette disposition autorisait, par dérogation à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001], l’enregistrement en tant que marques collectives de l’Union européenne de signes pouvant servir à désigner la provenance géographique de produits ou de services, elle ne permettait en revanche pas que les signes ainsi enregistrés fussent dépourvus de caractère distinctif. Ainsi, lorsqu’une association demande l’enregistrement, en tant que marque collective de l’Union européenne, d’un signe pouvant désigner une provenance géographique, il lui incombe de s’assurer que ce signe est pourvu d’éléments qui permettent au consommateur de distinguer les produits ou les services de ses membres de ceux d’autres entreprises.

36      À cet égard, le Tribunal a déjà jugé que l’enregistrement d’un signe en tant que marque collective ne saurait, en lui-même, être constitutif d’une présomption d’existence d’un caractère distinctif moyen [arrêt du 13 juin 2012, Organismos Kypriakis Galaktokomikis Viomichanias/OHMI – Garmo (HELLIM), T‑534/10, EU:T:2012:292, point 52].

37      En outre, si, par analogie avec les solutions retenues dans les arrêts du 24 mai 2012, Formula One Licensing/OHMI (C‑196/11 P, EU:C:2012:314, points 43 à 47), et du 5 octobre 2020, Eugène Perma France/EUIPO – SPI Investments Group (NATURANOVE) (T‑602/19, non publié, EU:T:2020:463, point 65), à l’égard de droits antérieurs valablement enregistrés tels qu’une marque nationale ou un enregistrement international désignant l’Union européenne, il y a lieu de reconnaître un certain degré de caractère distinctif à une marque collective de l’Union européenne du seul fait qu’elle a été enregistrée, il appartient toutefois au titulaire d’une telle marque de démontrer à quel niveau ledit caractère distinctif se situe, dès lors qu’il entend se fonder sur celui-ci dans le cadre d’une procédure d’opposition, voire d’annulation. En effet, il convient également de rappeler que, conformément à l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, la charge de la preuve devant l’EUIPO pèse, à cet égard, sur l’opposant concerné [voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2017, Tulliallan Burlington/EUIPO – Burlington Fashion (BURLINGTON), T‑123/16, non publié, EU:T:2017:870, point 60 et jurisprudence citée].

38      S’agissant du caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure, aux points 46 et 52 de la décision attaquée, la chambre de recours a rappelé que le Tribunal avait itérativement jugé que le caractère distinctif intrinsèque du mot « halloumi » était faible, car il décrivait le type et l’origine d’une spécialité fromagère de Chypre, de sorte que, en substance, la marque antérieure, composée de cet unique mot, présentait un caractère fortement allusif en tant que référence à ce type de fromage et, par conséquent, un caractère distinctif intrinsèque faible.

39      Par ailleurs, au point 44 de la décision attaquée, la chambre de recours a énuméré l’ensemble des éléments de preuve produits par la requérante devant la division d’opposition, destinés à démontrer le caractère distinctif accru de la marque antérieure, acquis par l’usage, ainsi que sa renommée. Aux points 48 à 51 de la décision attaquée, la chambre de recours a procédé à une analyse de ces éléments de preuve et constaté que la plupart d’entre eux renvoyaient au fromage halloumi, mais très peu à la marque antérieure, et que, par conséquent, la requérante n’avait pas démontré un caractère distinctif accru, acquis par l’usage, de la marque antérieure, ni même une renommée de cette dernière.

40      En l’espèce, tout d’abord, il est constant que la marque antérieure est constituée exclusivement du terme « halloumi ». Or, ce terme correspond au nom générique d’un type de fromage produit à Chypre. Partant, compte tenu du caractère descriptif de l’unique terme dont elle est composée, la marque antérieure présente un caractère distinctif intrinsèque qui doit être considéré comme étant faible.

41      À cet égard, au point 71 de l’arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO (C‑766/18 P, EU:C:2020:170), la Cour a rappelé que le caractère distinctif de la marque collective de l’Union européenne verbale HALLOUMI, qui correspond également à la marque antérieure en l’espèce, ne devait pas être apprécié de façon particulière au motif qu’il s’agissait d’une marque collective et, au point 76 dudit arrêt, qu’il n’y avait pas lieu de remettre en cause l’évaluation faite par le Tribunal dans l’arrêt du 25 septembre 2018, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO – M. J. Dairies (BBQLOUMI) (T‑328/17, non publié, EU:T:2018:594), du degré de caractère distinctif de cette marque, qui avait été considéré comme faible. Dans ces conditions, la chambre de recours, lors de l’évaluation du caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure, s’est référée à juste titre à des décisions du Tribunal qui concernaient des droits antérieurs également constitués du seul terme « halloumi », dans des procédures d’opposition ou d’annulation, dès lors que l’évaluation du caractère distinctif des droits en question répondait à des critères qui pouvaient parfaitement être transposés en l’espèce.

42      Contrairement à ce que soutient, en substance, la requérante, la démarche de la chambre de recours ne revient pas à dénier l’existence même du caractère distinctif d’une marque valablement enregistrée, ni à méconnaître les droits qu’elle confère à son titulaire, en faisant indûment peser sur ce dernier la charge de la preuve du caractère distinctif intrinsèque de ladite marque, mais simplement à constater qu’elle ne peut conférer davantage de droits que ceux qu’elle tire objectivement de son caractère distinctif. Il convient d’ailleurs de rappeler que, même en présence d’une marque antérieure ayant un caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment lorsque les produits ou les services en cause sont identiques et les signes en conflit similaires [voir arrêt du 13 avril 2011, Sociedad Agricola Requingua/OHMI – Consejo Regulador de la Denominación de Origen Toro (TORO DE PIEDRA), T‑358/09, non publié, EU:T:2011:174, point 45 et jurisprudence citée].

43      Ensuite, s’il est exact que, comme l’expose la requérante, la chambre de recours a mentionné, au point 29 de la décision attaquée, qu'« [a]ux fins d’apprécier le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a[vait] lieu d’examiner l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits pour lesquels la marque a[vait] été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée, et donc à distinguer ces produits de ceux d’autres entreprises », il y a lieu de constater que ces développements s’inscrivent dans la comparaison analytique des éléments composant les marques en conflit.

44      Il s’agit ainsi d’évaluer le caractère distinctif des éléments qui, pris individuellement, composent une marque, afin d’identifier, parmi ces derniers, ceux qui jouent un rôle prépondérant lors de la comparaison avec une autre marque. Contrairement à ce que soutient la requérante, cette démarche consiste uniquement à comparer les marques en conflit au regard de l’ensemble des éléments qui les composent (voir point 48 ci-après), mais aucunement à dénier la spécificité des marques collectives de l’Union européennes en ce que, conformément à l’article 66, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, leur fonction consiste à distinguer les produits ou les services des membres de l’association qui en est le titulaire de ceux d’autres entreprises. À cet égard, il doit être rappelé que la jurisprudence établissant les critères au regard desquels il doit être apprécié concrètement si un risque de confusion existe est transposable aux affaires concernant une marque collective antérieure (voir point 27 ci-dessus).

45      Enfin, il y a lieu de constater que rien dans l’argumentation de la requérante ne permet de remettre en cause la constatation, qui figure au point 50 de la décision attaquée, selon laquelle, parmi les éléments de preuve qu’elle a produits, seuls quelques-uns renvoient à la marque antérieure en tant que marque collective, sans d’ailleurs mentionner la requérante ou l’un de ses membres. L’examen du dossier devant la chambre de recours permet en effet de constater que les autres éléments de preuve qui ont été produits comportent presque uniquement des références au terme « halloumi » en tant que spécialité fromagère de Chypre. Ils ne permettent donc pas de constater que les consommateurs, mis en présence de la marque antérieure, l’associeront à autre chose qu’au fromage halloumi, eu égard au fait qu’elle renvoie au nom générique de ce type de fromage plutôt qu’à l’origine commerciale des produits en ce qu’ils proviendraient des membres de l’association titulaire de ladite marque ou, le cas échéant, d’entreprises économiquement liées à ces membres ou à cette association.

46      Il doit également être souligné, s’agissant de la nécessaire protection des marques collectives de l’Union européenne qui, en vertu des dispositions de l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, sont expressément autorisées à désigner la provenance géographique des produits ou des services qu’elles visent, que la Cour a relevé, au point 74 de l’arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO (C‑766/18 P, EU:C:2020:170), que, à supposer même que la marque collective de l’Union européenne HALLOUMI renvoie implicitement à l’origine géographique chypriote des produits visés, elle n’en doit pas moins remplir sa fonction essentielle, à savoir distinguer les produits ou les services des membres de l’association qui en est la titulaire de ceux d’autres entreprises. Or, le caractère générique du terme « halloumi », dès lors que ce terme constitue à lui seul la marque antérieure, limite nécessairement les effets de ladite marque en ce qui concerne cette fonction.

47      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen comme étant non fondée et de constater que la chambre de recours a conclu à juste titre que, en raison de sa signification descriptive, la marque antérieure possédait un caractère distinctif intrinsèque faible et que rien ne permettait de considérer qu’elle aurait acquis un caractère distinctif accru, par l’usage, en raison de l’ancienneté de son usage.

 Sur la comparaison des signes en conflit

48      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

49      Il y a lieu de rappeler que la marque antérieure est composée du mot « halloumi », alors que la marque demandée est composée du mot « grilloumi ».

50      En ce qui concerne la comparaison des signes en conflit sur le plan visuel, il est indiqué, au point 34 de la décision attaquée, que, bien que le mot « grilloumi » corresponde effectivement à une combinaison du mot « grill » et du groupe de lettres « oumi », qui est également présent à la fin du mot « halloumi », il s’agit d’un mot présentant un certain degré d’originalité, bien que faible, mais dans lequel le mot « grill » ne sera pas ignoré par le public, notamment parce que le début d’une marque verbale est plus susceptible d’attirer l’attention du consommateur que le reste de la marque. Au point 35 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que les signes en conflit présentaient, sur le plan visuel, un degré de similitude inférieur à la moyenne.

51      En l’espèce, il y a lieu de confirmer l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le terme « grilloumi » correspond à une combinaison du mot « grill » et du groupe de lettres « oumi », ce groupe de lettres étant également présent à la fin du mot « halloumi ».

52      De même, il y a lieu de confirmer l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le terme « grilloumi » présente un faible degré d’originalité, dans la mesure où il est composé à partir du mot « grill », qui sera reconnu par l’ensemble du public pertinent, dans la mesure où il s’agit d’un terme qui existe, en tant que tel ou sous une forme proche, dans de nombreuses langues de l’Union pour décrire un appareil ou un mode de cuisson sur une grille, et dont l’usage est très répandu sur l’ensemble du territoire de l’Union. De plus, l’attention du public pertinent sera principalement dirigée vers le mot « grill », figurant en position initiale dans la marque demandée, étant rappelé que le début d’une marque verbale est susceptible de retenir davantage l’attention du consommateur que le reste de cette marque [voir, en ce sens, arrêt du 8 décembre 2021, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO – Fontana Food (GRILLOUMI BURGER), T‑595/19, non publié, EU:T:2021:866, point 88]. Au regard de ces considérations, et nonobstant la présence du groupe de lettres « oumi » dans chacun des signes en conflit, il y a lieu de considérer que le degré de similitude visuelle entre lesdits signes est faible.

53      Ce constat est cohérent avec celui de la chambre de recours selon lequel les signes en conflit présentent, sur le plan visuel, une similitude qui est inférieure à la moyenne. En effet, le degré de similitude entre des signes pouvant être faible, moyen ou élevé, il y a lieu d’entendre le fait que les signes en conflit présentent sur le plan visuel un « degré de similitude inférieur à la moyenne » comme renvoyant nécessairement à un degré de similitude inférieur à moyen, c’est-à-dire faible. Les motifs figurant au point 34 de la décision attaquée permettent de comprendre le raisonnement ayant abouti à ce constat. À cet égard, il y a lieu de relever que la chambre de recours s’est expressément référée au point 59 de l’arrêt du 25 septembre 2018, Chypre/EUIPO – M. J. Dairies (BBQLOUMI) (T‑384/17, non publié, EU:T:2018:593), dans lequel le Tribunal avait estimé que, dans une marque figurative, constituée notamment de l’élément verbal « bbqloumi », il y avait lieu d’accorder davantage de poids à la partie initiale de cet élément, en l’occurrence « bbq », plutôt qu’à sa partie finale « loumi », de sorte que le signe en question, qui ne coïncidait avec le signe HALLOUMI que par cette partie finale, présentait avec ce dernier un faible degré de similitude sur le plan visuel.

54      En ce qui concerne la comparaison des signes en conflit sur le plan phonétique, la chambre de recours a également considéré, aux points 36 et 37 de la décision attaquée, qu’ils présentaient un degré de similitude inférieur à la moyenne, dans la mesure où ils comportaient chacun trois syllabes, dont les deux dernières étaient identiques, mais dont la première était très différente, et que, sur le plan phonétique, l’attention du public pertinent se dirigeait, normalement, surtout sur le début d’un signe verbal.

55      L’analyse de la chambre de recours, qui repose sur une décomposition syllabique des signes en conflit, apparaît comme étant correctement motivée et bien fondée. En effet, l’identité induite par la présence de deux syllabes identiques à la fin des mots composant les signes en conflit est très fortement atténuée par la présence d’une première syllabe différente au début de chacun desdits signes, dont la prononciation permettra de les distinguer très nettement.

56      Par conséquent, à l’instar de la comparaison sur le plan visuel, il y a lieu de considérer que le constat d’un degré de similitude inférieur à la moyenne, tel qu’effectué par la chambre de recours, doit s’entendre comme renvoyant à un faible degré de similitude entre les signes en conflit.

57      Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a considéré, aux points 38 et 39 de la décision attaquée, que les signes en conflit présentaient un lien faible, dans la mesure où la marque demandée pouvait, à tout le moins pour une partie du public pertinent, faire allusion au fromage halloumi grillé et que, pour ces consommateurs, ils présentaient un certain lien conceptuel, qui était néanmoins considérablement atténué par le fait que la référence au fromage produit à Chypre était fortement allusive et faible en ce qui concernait les produits et les services en cause.

58      Il y a lieu de relever que, conformément au constat de la chambre de recours, la marque demandée est susceptible, à tout le moins pour les consommateurs familiarisés avec ce produit, de renvoyer à la notion de fromage halloumi grillé. La marque antérieure, quant à elle, est composée uniquement du terme « halloumi », qui est le nom générique d’un type de fromage produit à Chypre. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la chambre de recours a valablement exposé les motifs lui permettant de conclure que les signes en conflit, en ce qu’ils étaient susceptibles de renvoyer au fromage halloumi, présentaient un faible lien sur le plan conceptuel, ce qui correspond au constat d’un faible degré de similitude sur ledit plan.

59      Au regard des constatations qui précèdent, il apparaît que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant que les signes en conflit devaient être considérés, en substance, comme présentant un faible degré de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, les motifs exposant le constat opéré à ce titre ont été clairement exposés par la chambre de recours à qui il ne saurait être reproché d’avoir failli à son obligation de motivation de la décision attaquée.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

60      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés par celles-ci. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

61      En l’espèce, il convient de rappeler que, aux points 56 et 58 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu à l’absence de risque de confusion entre les marques en conflit, au motif que leur similitude n’était pas suffisamment importante pour compenser la faible similitude des produits et des services qu’elles désignaient et, ainsi, créer un risque de confusion. À cet égard, la chambre de recours a insisté sur le faible degré de caractère distinctif de la marque antérieure et sur le fait que, s’agissant de la marque demandée, les consommateurs se concentreraient sur le jeu de mots tenant à la présence de l’élément « ll » du mot « grilloumi », qui renvoyait à la fois aux mots « grill » et « halloumi ».

62      Premièrement, s’agissant du facteur tenant à la similitude des signes en conflit, celle-ci tient à la présence dans chacun desdits signes du groupe de lettres « loumi », qui est à l’origine d’un faible degré de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

63      Ces considérations doivent toutefois être mises en perspective avec le fait que, lorsque le public pertinent sera confronté à la marque demandée, il comprendra ladite marque comme étant une combinaison du mot « grill » et du groupe de lettres « oumi » (voir point 52 ci-dessus), son attention étant davantage attirée par l’élément « grill », placé en début de signe, plutôt que par la partie finale « oumi ».

64      Le groupe de lettres « loumi », principal élément à l’origine de la similitude des signes en cause, ne sera donc pas perçu par le public pertinent comme un élément distinctif de la marque demandée, puisque l’attention dudit public sera principalement dirigée vers le mot « grill », figurant en position initiale dans ladite marque, tandis que le groupe de lettres « oumi » ne contribuera que faiblement au caractère distinctif de cette même marque, alors que la marque antérieure ne jouissait, quant à elle, que d’un faible caractère distinctif intrinsèque.

65      Or, si la reconnaissance du caractère faiblement distinctif de la marque antérieure n’empêche pas, en elle-même, de constater l’existence d’un risque de confusion (voir, en ce sens, ordonnance du 27 avril 2006, L’Oréal/OHMI, C‑235/05 P, non publiée, EU:C:2006:271, points 42 à 45), notamment en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services visés (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2016, BSH/EUIPO, C‑43/15 P, EU:C:2016:837, point 44), il apparaît toutefois que lorsque les éléments de similitude existant entre deux signes tiennent au fait que, comme en l’espèce, ils partagent un composant présentant un faible caractère distinctif intrinsèque, l’impact de tels éléments de similitude sur l’appréciation globale du risque de confusion est lui-même faible [voir, en ce sens, arrêts du 22 février 2018, International Gaming Projects/EUIPO – Zitro IP (TRIPLE TURBO), T‑210/17, non publié, EU:T:2018:91, point 73 et jurisprudence citée, et du 20 septembre 2018, Kwizda Holding/EUIPO – Dermapharm (UROAKUT), T‑266/17, EU:T:2018:569, point 79].

66      Dans ces conditions, le faible degré de similitude des signes en conflit est peu susceptible de contribuer à l’existence d’un risque de confusion, puisqu’ils n’ont en commun que le groupe de lettres « loumi » qui, en tant que tel, n’est pas perçu par le public pertinent comme un élément distinctif de la marque demandée et que, de plus, le groupe de lettres « oumi » sera perçu dans la marque demandée par une grande partie dudit public comme étant intrinsèquement peu distinctif, dans la mesure où ce même public le comprendra comme une référence possible au fromage halloumi.

67      En outre, il y a lieu de constater que la présence du terme « grill » dans la marque demandée a bien été prise en compte lors de la comparaison des signes en conflit, mais que, à elle seule, elle ne constitue pas un facteur susceptible de modifier les conclusions de la chambre de recours au titre de l’évaluation du risque de confusion.

68      Deuxièmement, selon la jurisprudence, le degré de caractère distinctif de la marque antérieure, qui détermine l’étendue de la protection conférée par celle-ci, figure parmi les facteurs pertinents qui doivent être pris en compte en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, point 70 et jurisprudence citée).

69      En ce qui concerne le caractère distinctif de la marque antérieure, celui-ci ne doit pas être apprécié de façon particulière au motif qu’il s’agit d’une marque collective et il n’y a pas lieu de remettre en cause l’évaluation de la chambre de recours selon laquelle le degré de caractère distinctif intrinsèque de cette marque est faible (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, points 71 et 76).

70      À cet égard, il y a lieu de relever, ainsi que cela a été mentionné au point 48 ci-dessus, que la plupart des éléments de preuve produits par la requérante ne permettent pas de constater que les consommateurs, confrontés à la marque antérieure, l’associeront à autre chose qu’au fromage halloumi.

71      Ainsi, le degré de protection conféré par la marque antérieure, eu égard à son faible degré de caractère distinctif intrinsèque, ne peut lui-même qu’être faible.

72      Troisièmement, il y a lieu de prendre en considération le facteur tenant au fait que les services désignés par la marque demandée ne présentent qu’un faible degré de similitude avec les produits désignés par la marque antérieure. À ce titre, il convient de rappeler que ces produits et ces services sont des produits et des services de consommation courante lors de l’achat desquels le public pertinent fera preuve d’un niveau d’attention moyen.

73      Il ne pourrait être conclu à l’existence d’un risque de confusion que si le public pertinent était susceptible d’être induit en erreur sur l’origine commerciale des services désignés par la marque demandée.

74      Or, en l’espèce, ce risque n’apparaît pas démontré, dans la mesure où, confronté à la marque demandée, le public pertinent ne percevra pas le groupe de lettres « loumi », mais seulement « oumi » en tant que l’un des éléments constitutifs de ladite marque, lequel retiendra peu son attention compte tenu de la position secondaire qu’il occupe dans cette même marque. Par conséquent, le public pertinent n’établira pas de lien entre les marques en conflit car, d’une part, il établira tout au plus un lien entre la marque antérieure et les produits qu’elle désigne, à savoir du fromage halloumi et, d’autre part, les marques en conflit ne présentent, globalement considérées, qu’un faible degré de similitude.

75      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que, en l’espèce, la chambre de recours a conclu à bon droit à l’absence de risque de confusion. Il convient donc de rejeter la seconde branche et, partant, le premier moyen.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009

76      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2 du même article, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque de l’Union européenne antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’Union et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, lorsqu’elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné, et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice.

77      La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 présuppose donc la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Deuxièmement, la marque antérieure doit jouir d’une renommée dans l’Union, dans le cas d’une marque de l’Union européenne antérieure, ou dans l’État membre concerné, dans le cas d’une marque nationale antérieure. Troisièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [voir arrêt du 31 mai 2017, Alma-The Soul of Italian Wine/EUIPO – Miguel Torres (SOTTO IL SOLE ITALIANO SOTTO il SOLE), T‑637/15, EU:T:2017:371, point 29 et jurisprudence citée].

78      Au point 62 de la décision attaquée, la chambre de recours a exposé que la requérante n’avait pas démontré que la marque antérieure jouissait d’une renommée, de sorte que l’une des conditions cumulatives nécessaires à l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 n’était pas remplie et qu’il y avait lieu de rejeter l’opposition, en ce qu’elle était fondée sur cette disposition.

79      En l’espèce, il convient de relever d’emblée que si la requérante invoque une violation du droit à un procès équitable, tel qu’il pourrait résulter de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le Tribunal a exclu l’application d’un tel droit aux chambres de recours de l’EUIPO, la procédure devant les chambres de recours ne revêtant pas une nature juridictionnelle, mais administrative [voir arrêt du 29 juin 2022, Hochmann Marketing/EUIPO (bittorrent), T‑337/20, non publié, EU:T:2022:406, point 55 et jurisprudence citée].

80      Il y a donc lieu d’entendre le second moyen comme étant uniquement tiré d’un défaut de motivation de la décision attaquée, dans la mesure où la chambre de recours aurait rejeté sans aucun motif le recours, en ce qu’il était fondé sur une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, et où elle se serait abstenue de prendre en considération les éléments de preuve produits par la requérante afin de démontrer la renommée de la marque antérieure.

81      Or, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours a conclu, à juste titre, au rejet du recours sur le fondement de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, en estimant que la condition tenant à la renommée de la marque antérieure n’était pas remplie, après avoir examiné et analysé dans le détail, aux points 44 et 48 à 51 de la décision attaquée, les éléments de preuve produits par la requérante afin de démontrer à la fois le caractère distinctif accru de la marque antérieure, acquis par l’usage, et sa renommée (voir point 39 ci-dessus).

82      À cet égard, la chambre de recours a relevé que, parmi les nombreuses pièces qui avaient été produites, très peu se rapportaient à HALLOUMI en tant que marque collective de l’Union européenne. Elle a constaté que tous les autres documents se rapportaient au fromage halloumi en tant que spécialité fromagère produite à Chypre et prouvaient simplement un usage du terme « halloumi » en rapport avec ledit fromage, sans qu’il fût possible d’en déduire que le public pertinent l’aurait perçu autrement que comme une description des caractéristiques d’un type particulier de fromage.

83      Il y a également lieu de relever, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, que la présence dans des éléments de preuve du mot correspondant à la marque antérieure ne signifie pas nécessairement que ce mot correspond à l’usage de la marque [voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2016, Henkell & Co. Sektkellerei/EUIPO – Ciacci Piccolomini d’Aragona di Bianchini (PICCOLOMINI), T‑20/15, EU:T:2016:218, points 42 à 50].

84      Au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater que la chambre de recours a dûment motivé la décision attaquée lorsqu’elle a considéré, après avoir examiné l’ensemble des éléments de preuve produits par la requérante, que la marque antérieure ne jouissait pas d’une renommée dans l’Union, de sorte que l’une des conditions cumulatives nécessaires à la mise en œuvre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 faisait en l’espèce défaut.

85      Il y a donc lieu de rejeter le second moyen comme étant non fondé et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

86      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

87      En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’EUIPO, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi est condamnée aux dépens.

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 mai 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.