Language of document : ECLI:EU:T:2012:107

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

6 mars 2012(*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale Highprotect – Motifs absolus de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑565/10,

ThyssenKrupp Steel Europe AG, établie à Duisbourg (Allemagne), représentée par Me U. Ulrich, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme B. Schmidt, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 30 septembre 2010 (affaire R 1038/2010‑1), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal Highprotect comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová (rapporteur), président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 21 décembre 2010,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 30 mars 2011,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 7 juin 2011,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans un délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 10 décembre 2009, la requérante, ThyssenKrupp Steel Europe AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Highprotect.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 6 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Métaux courants et leurs alliages ; aciers ; produits ouvrés en acier laminé fabriqués à partir des métaux, alliages et aciers précités, à savoir bandes et tôles laminées à chaud et à froid avec surfaces améliorées ».

4        La demande de marque ayant été rejetée par décision de l’examinateur du 8 avril 2010 au motif qu’elle n’était pas conforme à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009, la requérante a formé un recours contre ladite décision auprès de l’OHMI le 8 juin 2010.

5        Par décision du 30 septembre 2010, la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours dans son intégralité (ci-après la « décision attaquée »). Elle a considéré que le signe verbal Highprotect serait compris comme signifiant « haute protection » ou « protection intensive » et qu’il pourrait ainsi être perçu comme indiquant que les produits concernés soit disposent d’une protection élevée contre la corrosion ou contre l’usure, soit qu’ils déploient eux-mêmes un tel effet protecteur. La chambre de recours en a conclu que ce signe est une indication descriptive des caractéristiques ou de la finalité des produits concernés, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009. Elle a également considéré que ce signe était dépourvu de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 Conclusions des parties

6        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens, y compris les dépens supportés au cours de la procédure devant la chambre de recours.

7        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

8        La requérante soulève deux moyens, tirés, d’une part, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 et, d’autre part, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement. Il convient d’examiner d’abord le premier de ces moyens.

9        La requérante estime, à cet égard, que le signe Highprotect ne saurait servir pour désigner l’espèce, la qualité ou la destination des produits visés. Par conséquent, il ne serait pas descriptif des produits pour lesquels son enregistrement est demandé.

10      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

11      Il y a lieu de rappeler que l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou indications descriptifs des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que de tels signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (voir arrêt de la Cour du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, Rec. p. I‑12447, point 31, et la jurisprudence citée).

12      Un signe verbal doit ainsi se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de ladite disposition, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés. Il n’est pas non plus nécessaire, pour que l’OHMI oppose un tel refus, que le signe en cause soit effectivement utilisé à des fins descriptives, mais uniquement qu’il puisse être utilisé à de telles fins (arrêt OHMI/Wrigley, point 11 supra, point 32).

13      Il est, en outre, indifférent que les caractéristiques des produits ou des services qui sont susceptibles d’être décrites par le signe en cause soient essentielles sur le plan commercial ou accessoires, voire qu’il existe ou non des synonymes permettant de désigner les mêmes caractéristiques (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, Rec. p. I‑1619, points 101 et 102).

14      Il importe également de rappeler que l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport à la compréhension qu’en a le public concerné et, d’autre part, par rapport aux produits ou aux services concernés [voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Lancôme/OHMI – CMS Hasche Sigle (COLOR EDITION), T‑160/07, Rec. p. II‑1733, point 44, et la jurisprudence citée].

15      En l’espèce, ainsi que la chambre de recours l’a constaté à bon droit aux points 12 et 14 de la décision attaquée, sans être contestée par la requérante, les produits concernés, qui consistent essentiellement en des métaux courants, non traités et parfois traités, ainsi qu’en des produits simples fabriqués à partir de ces métaux, sont destinés à un public spécialisé, dont le degré d’attention sera moyen.

16      En revanche, contrairement à ce que la chambre de recours a considéré au point 15 de la décision attaquée, compte tenu du fait que la marque demandée se compose de mots faisant partie du vocabulaire de base de la langue anglaise, parlée par une grande partie du public pertinent, il convient de se fonder sur la compréhension du langage du public pertinent anglophone dans l’ensemble de l’Union. Toutefois, cela n’affecte pas la pertinence du raisonnement appliqué par la chambre de recours.

17      La chambre de recours a en effet correctement constaté, en substance, que le public pertinent saisira la signification des termes anglais « high » et « protect », qu’il comprendra le concept global de la marque, combinaison de ces termes, comme signifiant « haute protection » ou « protection intensive », qu’il n’y a pas d’écart perceptible entre le néologisme constitué par la juxtaposition des deux termes « high » et « protect » et la simple somme de ses deux éléments, que la marque demandée sera donc perçue comme indiquant que les produits concernés disposent d’une protection élevée contre la corrosion ou l’usure ou déploient une telle protection et que, par conséquent, le contenu sémantique du signe est directement descriptif pour tous les produits en cause.

18      Il convient de souligner, à cet égard, que ni le fait, à le supposer avéré, que le terme « highprotect » soit doté d’une structure grammaticalement incorrecte, ni le fait qu’il soit un terme de fantaisie ne permettent de considérer qu’il crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les mots « high » et « protect », de sorte qu’il primerait sur la somme de ces deux mots et exclurait ainsi l’existence d’un caractère descriptif [voir arrêts du Tribunal du 7 juin 2005, Münchener Rückversicherungs-Gesellschaft/OHMI (MunichFinancialServices), T‑316/03, Rec. p. II‑1951, point 36 et la jurisprudence citée, et du 9 juin 2010, Hoelzer/OHMI (SAFELOAD), T‑315/09, non publié au Recueil, point 28].

19      Ces constatations ne sauraient être remises en cause par les arguments de la requérante.

20      Premièrement, la requérante fait valoir que l’expression « protéger haut » ne fournit aucune indication déterminante sur la qualité ou les propriétés des produits en cause, notamment sur la question de savoir ce qui serait « protégé haut ». En particulier, elle estime qu’il convient d’apprécier séparément, d’une part, les « métaux courants et leurs alliages, aciers » et, d’autre part, les « produits ouvrés en acier laminé fabriqués à partir des métaux, alliages et aciers précités, à savoir bandes et tôles laminées à chaud et à froid avec surfaces améliorées ». Alors que le premier groupe de produits n’aurait précisément pas la propriété de fournir une protection particulière contre la corrosion et l’usure, les surfaces améliorées dont sont dotés les produits du second groupe n’auraient pas toujours pour effet d’en augmenter le protection contre la corrosion et l’usure et elles auraient même, parfois, un effet contraire. Selon la requérante, le public spécialisé a connaissance de ces particularités techniques. Enfin, globalement, la marque demandée se distinguerait nettement des modalités habituelles de désignation des produits concernés.

21      À cet égard, il convient, tout d’abord, de relever que les allégations de la requérante quant aux propriétés du premier groupe de produits ne sont pas de nature à exclure que, précisément en raison du fait que, normalement, les métaux courants et leurs alliages sont vulnérables à la corrosion ou à l’usure, le terme « highprotect » pourrait être compris en ce sens que les produits ainsi désignés sont plus résistants à cet égard. En outre, s’agissant des « aciers », les produits compris dans cette désignation générale sont susceptibles d’inclure également des alliages disposant de capacités anticorrosives et résistant à l’usure. Par conséquent, il convient de rejeter l’argument de la requérante à l’égard du premier groupe de produits identifié par elle.

22      En ce qui concerne le second groupe de produits, la requérante admet implicitement qu’au moins certaines des surfaces améliorées dont disposent les produits de ce groupe peuvent avoir pour effet d’en augmenter la résistance contre la corrosion ou l’usure. Par conséquent, l’argument de la requérante ne saurait non plus prospérer à l’égard du second groupe de produits identifié par elle.

23      Il convient de rappeler, par ailleurs, que le fait qu’un signe soit descriptif par rapport à une partie seulement des produits ou des services relevant d’une catégorie mentionnée en tant que telle dans la demande d’enregistrement n’empêche pas que ce signe soit refusé à l’enregistrement. En effet, si, dans un tel cas, le signe en question était enregistré en tant que marque communautaire pour la catégorie visée, rien n’empêcherait son titulaire de l’utiliser également pour les produits ou les services de cette catégorie pour lesquels il est descriptif [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, Rec. p. II‑1927, point 92, et la jurisprudence citée].

24      Enfin, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 n’exige pas que les signes ou les indications pouvant servir à désigner des caractéristiques des produits ou des services concernés soient le mode exclusif de désignation desdites caractéristiques (voir, par analogie, arrêt Koninklijke KPN Nederland, point 13 supra, point 57). Par conséquent, le fait, fût-il démontré, que le terme « Highprotect » ne correspond pas à la manière habituelle, dans les cercles professionnels, de désigner les caractéristiques ou la finalité des métaux courants et des aciers n’empêche pas de qualifier ledit terme de descriptif de ces caractéristiques ou de cette finalité. Par conséquent, il n’y a pas lieu de trancher la question de savoir si, ainsi que l’OHMI le fait valoir, cet argument ainsi que les annexes K 12 à K 15 de la requête, censés le démontrer, sont irrecevables pour ne pas avoir fait l’objet de la procédure devant la chambre de recours.

25      Il s’ensuit que le premier argument de la requérante doit être rejeté.

26      Deuxièmement, étant donné que, ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, le terme « highprotect » est descriptif des caractéristiques des produits concernés, les concurrents de la requérante ont un intérêt digne de protection à pouvoir utiliser ce terme pour décrire les qualités de leurs produits, contrairement à ce qu’affirme la requérante. En effet, tout opérateur proposant actuellement, ainsi que tout opérateur susceptible de proposer dans l’avenir, des produits concurrents de ceux pour lesquels l’enregistrement est demandé doit pouvoir utiliser librement les signes ou les indications pouvant servir à décrire des caractéristiques de ses produits (voir, par analogie, arrêt Koninklijke KPN Nederland, point 13 supra, point 58).

27      Troisièmement, s’agissant de l’enregistrement de la marque demandée par les offices de marques des États-Unis et du Royaume-Uni, invoqués par la requérante, il y a lieu d’observer que le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national. Par conséquent, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation communautaire pertinente, de sorte que l’OHMI et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue dans un État membre admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale. Il en est ainsi même si une telle décision a été prise en application d’une législation nationale harmonisée avec la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1) (arrêt du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 47).

28      S’il est vrai que les enregistrements d’ores et déjà effectués dans des États membres constituent un élément qui, sans être déterminant, peut être pris en considération aux fins de l’enregistrement d’une marque communautaire [arrêts du Tribunal du 16 février 2000, Procter & Gamble/OHMI (Forme d’un savon), T‑122/99, Rec. p. II‑265, point 61 ; du 31 janvier 2001, Sunrider/OHMI (VITALITE), T‑24/00, Rec. p. II‑449, point 33, et du 19 septembre 2001, Henkel/OHMI (Tablette ronde rouge et blanc), T‑337/99, Rec. p. II‑2597, point 58], de tels enregistrements ne sauraient lier la chambre de recours dans des circonstances dans lesquelles elle considère que le signe demandé est en conflit avec les motifs absolus de refus énoncés dans le règlement n° 207/2009.

29      Dès lors, le fait que la marque demandée ait pu être enregistrée aux États-Unis ou au Royaume-Uni n’est pas susceptible de démontrer une erreur de la chambre de recours dans l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, même s’il était avéré que, ainsi que le fait valoir la requérante, les offices de marques dans lesdits États sont connus pour soumettre les demandes d’enregistrement à un examen strict.

30      Il découle de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009.

31      Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire d’examiner le second moyen de la requérante, concernant le caractère distinctif de la marque demandée au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. En effet, il ressort du libellé de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 qu’il suffit que l’un des motifs absolus de refus énumérés dans cette disposition s’applique pour que le signe en cause ne puisse être enregistré en tant que marque communautaire (arrêt de la Cour du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, Rec. p. I‑7561, point 29).

32      Partant, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

33      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      ThyssenKrupp Steel Europe AG est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 mars 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.