Language of document : ECLI:EU:T:2012:419

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

12 septembre 2012 (*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire verbale erkat – Marques communautaires et nationales verbales et figuratives antérieures CAT – Motifs relatifs de refus – Risque de confusion – Atteinte à la renommée – Article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement (CE) n° 207/2009 – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑566/10,

Jutta Ertmer, demeurant à Tastungen (Allemagne), représentée par Mes A. von Mühlendahl et C. Eckhartt, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Caterpillar Inc., établie à Peoria (Illinois, États-Unis), représentée par Mes A. Renck, V. von Bomhard et E. Nicolás Gómez, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 7 septembre 2010 (affaire R 270/2010-1), relative à une procédure de nullité entre Caterpillar Inc. et Mme Jutta Ertmer,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, V. Vadapalas (rapporteur) et K. O’Higgins, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 15 décembre 2010,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 26 avril 2011,

vu le mémoire en réponse de la partie intervenante déposé au greffe du Tribunal le 21 avril 2011,

à la suite de l’audience du 21 juin 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 11 novembre 2003, la requérante, Mme Jutta Ertmer, a obtenu auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) l’enregistrement du signe verbal erkat en tant que marque communautaire sous le numéro 2787117, en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été effectué relèvent des classes 7 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 7 : « Excavateurs, machines pour l’exploitation des mines, machines pour la construction des routes ; machines pour les travaux de terrassement ; tarières de mines ; transporteurs ; fraiseuses pour la pierre et les strates de sols, en particulier fraiseuses à monter sur des excavatrices ; fossoirs [charrues] ; commandes hydrauliques pour machines et moteurs ; rouages de machines ; démultiplicateurs autres que pour véhicules terrestres » ; 

–        classe 42 : « Services d’ingénierie, conseils techniques ; services de construction (planification), en particulier de machines de construction ».

3        Le 17 octobre 2007, l’intervenante, Caterpillar Inc., a formé une demande de nullité, au titre de l’article 52 du règlement n° 40/94 (devenu article 53 du règlement n° 207/2009), à l’encontre de l’enregistrement de ladite marque pour l’ensemble des produits et des services visés au point 2 ci-dessus.

4        La demande de nullité était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        marque communautaire verbale CAT, enregistrée sous le numéro 1295310, désignant, notamment, les services relevant de la classe 42 ;

–        marque nationale verbale CAT, enregistrée au Royaume-Uni sous le numéro 678755, désignant les produits relevant de la classe 7 ;

–        marque communautaire figurative, enregistrée sous le numéro 1063296, et marques nationales figuratives, enregistrées en Allemagne sous le numéro 2103070, au Benelux sous le numéro 454436, et au Royaume-Uni sous le numéro 1368523, désignant notamment les produits et les services relevant des classes 7 et 42, lesdites marques correspondant au signe représenté ci-après :

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5        Les causes de nullité invoquées à l’appui de la demande étaient celles visées à l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5 du règlement n° 207/2009].

6        Le 8 janvier 2010, la division d’annulation a rejeté la demande de nullité, ayant conclu à l’absence de similitude entre les marques en cause et, ainsi, à l’absence de risque de confusion ou d’atteinte à la renommée.

7        Le 17 février 2010, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation.

8        Par décision du 7 septembre 2010 (ci-après la « décision attaquée »), notifiée à la requérante le 5 octobre 2010, la quatrième chambre de recours de l’OHMI a accueilli le recours de l’intervenante et a déclaré nulle la marque erkat, pour tous les produits et les services désignés. Elle a considéré que les marques en conflit étaient similaires de sorte qu’il existait un risque de confusion entre elles et, également, un risque d’atteinte à la renommée des marques figuratives antérieures, les deux causes de nullité invoquées étant donc justifiées.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        réformer la décision attaquée en rejetant le recours formé par l’intervenante contre la décision de la division d’annulation ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens.

10      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      À l’appui du recours, la requérante invoque trois moyens, tirés, premièrement, de la violation de l’obligation de motivation, deuxièmement, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et, troisièmement, des erreurs de droit et d’appréciation de fait ainsi que de la violation de l’obligation de motivation concernant l’application de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement.

12      Le Tribunal considère qu’il convient d’examiner en premier lieu le deuxième moyen et, ensuite, le troisième moyen, en ce qu’il est pris de la violation de l’obligation de motivation concernant l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

13      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a commis une erreur en constatant que les marques en conflit étaient similaires et, par suite, en ayant conclu à l’existence d’un risque de confusion entre elles.

14      En vertu de l’article 53, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, la marque communautaire est déclarée nulle, sur demande du titulaire d’une marque antérieure, lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée.

15      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public pertinent puisse croire que les produits ou les services désignés par les marques en conflit proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, en tenant compte de tous les facteurs caractérisant le cas d’espèce [arrêts de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, points 17 et 18, et du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33].

16      En l’espèce, il n’est pas contesté que les produits et les services désignés par la marque litigieuse (voir point 2 ci-dessus), sont identiques à ceux visés par la marque communautaire figurative antérieure CAT, ainsi que, respectivement, aux produits de la classe 7 et les services de la classe 42 visés par les autres marques antérieures invoquées à l’appui de la demande de nullité (voir point 4 ci-dessus).

17      Il est également constant que les produits et les services visés par la marque litigieuse, s’agissant en substance de machines de construction et d’exploitation des mines et de services y relatifs, s’adressent uniquement au public professionnel dans le domaine de l’ingénierie et de la construction.

18      En ce qui concerne, ensuite, l’appréciation du degré de similitude existant entre les marques en conflit, il y a lieu de déterminer leur degré de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle et, le cas échéant, d’évaluer l’importance qu’il convient d’attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie des produits ou des services en cause et des conditions dans lesquelles ceux-ci sont commercialisés (voir, par analogie, arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 27).

19      Il y a lieu de rappeler que l’appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 23).

20      Cette appréciation globale n’exclut pas néanmoins une analyse préalable des différents éléments constitutifs d’une marque complexe, à savoir une marque composée de plusieurs éléments [voir arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Eurocermex/OHMI (Forme d’une bouteille de bière), T‑399/02, Rec. p. II‑1391, point 25, et la jurisprudence citée].

21      En l’espèce, la chambre de recours a constaté que les marques en conflit étaient similaires sur le plan visuel et phonétique, compte tenu du fait que l’élément verbal « cat » des marques antérieures était presque entièrement contenu dans la marque erkat.

22      La chambre de recours a tout d’abord relevé que les marques en conflit différaient, d’un point de vue visuel, dans la mesure où la marque litigieuse contenait les lettres « e » et « r » « devant l’élément commun ‘kat/cat’ », ainsi que, en ce qui concerne les marques figuratives antérieures, par l’élément figuratif de ces dernières. Elle a considéré que ces différences entre les marques en conflit ne l’emportaient pas sur leur similitude, compte tenu du fait que la marque litigieuse « inclu[ait] l’élément verbal antérieur dans son entièreté » et que les signes étaient assez courts (point 20 de la décision attaquée).

23      La chambre de recours a constaté que les marques en conflit étaient également similaires d’un point de vue phonétique, dans la mesure où la prononciation de la seconde syllabe de la marque litigieuse, « kat », était identique à celle de l’élément verbal « cat » des marques antérieures (point 21 de la décision attaquée). Elle a considéré qu’aucune des marques n’avait de signification pertinente qui permettrait leur comparaison conceptuelle (point 23 de la décision attaquée).

24      Ensuite, il ressort des points 31 et suivants de la décision attaquée que, dans l’appréciation globale du risque de confusion, la chambre de recours s’est appuyée sur la considération selon laquelle la marque litigieuse contient les éléments distincts « er » et « kat », ce dernier étant l’élément « commun » des marques en conflit. Elle a indiqué notamment que la marque erkat reproduit la marque CAT de façon « presque identique », que la similitude entre les marques en conflit résulte des éléments « presque identiques » « kat » et « cat » (points 31 et 33 de la décision attaquée).

25      Enfin, la chambre de recours a relevé, au point 35 de la décision attaquée, que le cas de l’espèce est similaire aux situations visées par les arrêts concernant les signes reproduisant la marque antérieure à laquelle un autre élément verbal est accolé, à savoir « vitakraft » et « krafft », « westlife » et « life », « flexi-air » et « flex » [voir arrêts du Tribunal du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, Rec. p. II‑3445, du 4 mai 2005, Reemark/OHMI – Bluenet (Westlife), T‑22/04, Rec. p. II‑1559, et du 16 mars 2005, L’Oréal/OHMI – Revlon (FLEXI AIR), T‑112/03, Rec. p. II‑949].

26      Il convient d’observer que ledit raisonnement de la chambre de recours repose en substance sur la considération selon laquelle la marque litigieuse erkat est constituée d’éléments distincts, dont l’un est similaire à l’élément verbal « cat » des marques antérieures.

27      Il convient de rappeler, à cet égard, qu’il se peut que, en percevant un signe, un consommateur le décompose en des éléments verbaux qui, pour lui, suggèrent une signification concrète ou qui ressemblent à des mots qu’il connaît [voir arrêt VITAKRAFT, précité, point 51, ainsi que arrêts du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 57, et du 19 mai 2011, PJ Hungary/OHMI – Pepekillo (PEPEQUILLO), T‑580/08, non encore publié au Recueil, point 74].

28      Or, il convient de constater que la marque litigieuse est constituée du signe verbal « erkat », lequel, eu égard à son contenu sémantique et à sa structure grammaticale, est susceptible d’être perçu comme un seul mot. En effet, ledit signe est court et ne contient pas d’éléments verbaux qui seraient susceptibles de suggérer au consommateur une signification concrète ou qui ressembleraient à des mots connus.

29      Dès lors, contrairement à ce qu’il ressort du raisonnement figurant au point 35 de la décision attaquée, la marque erkat ne saurait être considérée comme contenant l’élément distinct « kat » auquel un autre élément serait accolé.

30      Par le raisonnement en cause, qui résulte essentiellement d’une décomposition artificielle de la marque litigieuse en des éléments distincts, la chambre de recours s’est distanciée, à tort, de la règle qui exige de se fonder sur l’impression d’ensemble produite par la marque en cause, en ce qui concerne notamment ses aspects visuel et phonétique (voir point 19 ci-dessus).

31      S’agissant de la constatation de la chambre de recours selon laquelle le risque de confusion est « encore plus probable » dans le cas où « le professionnel pertinent ou le public ciblé hautement spécialisé reconnaissent l’élément ‘er’ de la marque litigieuse comme faisant référence à ‘érosion’ ou à ‘érodé’ » et, ainsi, à la finalité des machines en cause (point 34 de la décision attaquée), il convient d’observer que celle-ci repose sur une hypothèse où « l’élément ‘er’ » est considéré comme « fortement allusif » aux produits et aux services en cause.

32      Or, ainsi qu’il ressort du mode conditionnel employé au point 34 de la décision attaquée, cette hypothèse ne saurait être considérée comme étant démontrée en l’espèce. Elle est, en outre, contredite par le fait que la chambre de recours a rejeté l’argument en ce sens de l’intervenante, en constatant, au point 23 de la décision attaquée, qu’il est peu probable que la marque litigieuse soit identifiée par ses deux premières lettres « e » et « r », mais qu’elle sera plutôt perçue comme un mot fantaisiste.

33      Il s’ensuit que la chambre de recours a commis une erreur en ayant constaté que la marque litigieuse est composée des éléments distincts « er » et « kat » et, ensuite, en ayant procédé à la comparaison des éléments « cat » et « kat » des marques en conflit, au lieu de considérer lesdites marques dans leurs ensembles respectifs.

34      Ainsi, s’agissant de l’aspect visuel des marques en conflit, la chambre de recours a constaté, à tort, aux points 20, 31, 33 et 35 de la décision attaquée, que « les signes sont visuellement similaires en ce qui concerne leurs lettres ‘c’ et ‘k’ », et que la marque erkat inclut « dans son entièreté » l’élément verbal des marques antérieures.

35      En effet, d’une part, en ayant retenu la similitude du prétendu élément commun «kat/cat», la chambre de recours a omis de considérer le fait que l’élément « erkat » de la marque litigieuse sera perçu comme un tout par le public pertinent. D’autre part, la chambre de recours laisse entendre, à tort, par cette même considération, que les lettres « c » et « k » sont identiques d’un point de vue visuel.

36      Or, il y a lieu de relever que les signes verbaux « erkat » et « cat » sont de longueur différente et coïncident uniquement en leurs deux dernières lettres. Compte tenu de la considération selon laquelle le consommateur attache normalement plus d’importance à la partie initiale d’un signe, les marques en conflit doivent être considérées comme étant différentes d’un point de vue visuel.

37      En outre, la distance visuelle entre les marques en conflit, en ce qui concerne les marques figuratives antérieures, est confortée par le graphisme original des marques figuratives antérieures CAT, dont les trois lettres sont représentées dans une police épaisse, et dont la lettre « a » est partiellement cachée par un triangle coloré.

38      S’agissant de l’aspect phonétique, la marque litigieuse est constituée des deux syllabes « er » et « kat », alors que l’élément verbal des marques antérieures peut être prononcé soit comme le sigle « c – a – t », soit en une seule syllabe « cat ». Il y a lieu de relever que, dans plusieurs langues, les syllabes « kat » et « cat » se prononcent de manière similaire. Malgré ce trait de similitude, les signes se distinguent d’un point de vue phonétique, compte tenu du nombre différent des syllabes, la première syllabe du signe erkat étant un facteur de différenciation.

39      S’agissant de l’aspect conceptuel, il y a lieu de considérer, à l’instar de ce qu’a constaté la chambre de recours au point 23 de la décision attaquée, que les marques en cause n’ont aucune signification pertinente.

40      Ainsi, compte tenu de l’impression d’ensemble des marques en conflit, il y a lieu de constater que les différences entre elles, à savoir leur longueur différente, la différence de leurs parties initiales, ainsi que les différences résultant du graphisme des marques figuratives CAT, l’emportent sur leur élément de similitude, à savoir la coïncidence de leurs deux lettres finales et la prononciation similaire des syllabes « kat » et « cat ».

41      Enfin, s’agissant de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de rappeler que les aspects visuel, phonétique ou conceptuel des signes en conflit n’ont pas toujours le même poids et qu’il importe, dans le cadre de cette appréciation globale, de tenir compte de la nature des produits en cause ainsi que d’analyser les conditions objectives dans lesquelles les marques peuvent se présenter sur le marché [voir arrêt du Tribunal du 26 juin 2008, SHS Polar Sistemas Informáticos/OHMI – Polaris Software Lab (POLARIS), T‑79/07, non publié au Recueil, point 49, et la jurisprudence citée].

42      Il y a lieu de relever que les produits en cause, tels que les excavateurs, les tarières de mines, les fraiseuses, s’adressent à un public professionnel spécialisé dans le domaine de l’ingénierie et de la construction (voir point 17 ci-dessus).

43      Il convient d’observer, à cet égard, que le public pertinent composé de professionnels du domaine concerné par les produits en cause est susceptible de manifester un degré élevé d’attention lors du choix de ces produits [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 juillet 2005, Reckitt Benckiser (España)/OHMI – Aladin (ALADIN), T‑126/03, Rec. p. II‑2861, point 96, et la jurisprudence citée]. En outre, quant au degré d’attention du public pertinent lors de l’achat, il convient de prendre en compte le prix élevé et le fort caractère technologique des produits concernés [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, Rec. p. II‑1739, point 59].

44      En l’espèce, le public susceptible de commettre une confusion entre les marques en cause est uniquement constitué par des professionnels, susceptibles de manifester un degré élevé d’attention lors du choix des produits et des services. Ce degré élevé d’attention est d’ailleurs conforté par la considération liée à la nature des produits et des services en cause, retenue par la chambre de recours au point 15 de la décision attaquée, selon laquelle il s’agit d’outils et de machines onéreux et hautement spécialisés, ainsi que des services connexes, pour lesquels le consommateur se concentre particulièrement sur les questions de qualité, sur les domaines d’application, sur les prix ou sur les marques. Il convient de relever également que le choix de tels produits et des services connexes implique un processus de sélection scrupuleux, au cours duquel le consommateur concerné examinera différents produits et différents prestataires de services présents sur le marché, compte tenu du caractère spécialisé des produits et des services concernés et de leur coût important.

45      Or, compte tenu du degré d’attention élevé du public professionnel concerné, de même que des conditions d’achat des produits un cause, lesquelles requièrent également un degré d’attention élevé, une certaine similitude phonétique entre les marques en conflit, même à la supposer constatée, ne suffirait pas pour créer un risque de confusion. En effet, les consommateurs concernés seront informés non seulement des caractéristiques des produits, mais également de l’identité des producteurs et des marques présentes sur le marché, et seront donc très attentifs aux différences entre les marques.

46      Cette considération n’est pas remise en cause par l’argument de l’intervenante, selon lequel le public professionnel est susceptible de faire preuve d’un degré d’attention plus faible dans certaines circonstances, à savoir lors de la commande orale des machines de construction devant être fournies rapidement sur le chantier.

47      Il convient de rappeler, à cet égard, que la contestation d’une marque communautaire liée au risque de confusion avec une marque antérieure est justifiée au motif qu’une telle confusion est susceptible d’influencer indûment les consommateurs concernés lorsqu’ils exercent un choix au regard des produits ou services visés. Il s’ensuit qu’il y a lieu de tenir compte, aux fins de l’appréciation du risque de confusion, du niveau d’attention du consommateur moyen concerné au moment où il prépare et exerce son choix entre différents produits ou services relevant de la catégorie pour laquelle la marque est enregistrée [voir, en ce sens, arrêt PICARO, précité, point 59].

48      À cet égard, exiger la prise en compte du degré d’attention le plus faible dont le public est susceptible de faire preuve en présence d’un produit et d’une marque reviendrait à nier toute pertinence, aux fins de l’appréciation du risque de confusion, au critère tiré du degré d’attention variable en fonction de la catégorie du produit (arrêt de la Cour du 12 janvier 2006, Ruiz-Picasso e.a./OHMI, C‑361/04 P, Rec. p. I‑643, point 42).

49      De même, il convient de rejeter l’argument de l’intervenante, selon lequel le risque de confusion des marques en cause résulterait du fait que, lorsqu’un chef de travaux s’adressera à son fournisseur oralement en lui commandant une fraiseuse de la marque CAT, cette commande peut très facilement être comprise comme se rapportant à la marque erkat, de sorte que, au lieu d’un produit de la société Caterpillar, une fraiseuse de la marque erkat sera livrée.

50      Il suffit d’observer que ledit argument repose sur un prétendu risque d’erreur lors de la commande de matériel. Il ne saurait donc conduire à constater le risque de confusion, à savoir le risque qu’un consommateur puisse être attiré par le produit désigné par la marque litigieuse en considérant qu’il s’agit d’un produit ayant la même origine commerciale que celui désigné par la marque antérieure (voir, en ce sens, arrêt POLARIS, précité, point 33, et la jurisprudence citée).

51      La conclusion portant sur l’absence du risque de confusion en l’espèce n’est d’ailleurs pas remise en cause par le caractère distinctif élevé de certaines marques antérieures.

52      L’étendue du caractère distinctif des marques antérieures doit, certes, être pris en compte lors de l’appréciation globale du risque de confusion (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, points 22 et 23).

53      Toutefois, malgré le caractère distinctif élevé des marques figuratives antérieures CAT, constaté aux points 24 à 26 de la décision attaquée, le risque de confusion peut être exclu, en l’espèce, eu égard aux différences visuelles et phonétiques entre les marques en conflit, ainsi qu’aux conditions de commercialisation des produits et des services en cause, lesquelles requièrent un degré d’attention élevé.

54      Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de constater que la chambre de recours a retenu, à tort, l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.

55      En effet, les différences existant entre lesdites marques permettent d’écarter, en l’espèce, le risque que le consommateur concerné, lequel est d’ailleurs particulièrement attentif, puisse croire que les produits ou les services désignés par celles-ci proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises économiquement liées.

56      Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, est fondé.

 Sur le troisième moyen, en ce qu’il est pris de la violation de l’obligation de motivation concernant l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009

57      Il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 que son application est soumise aux conditions suivantes : premièrement, l’identité ou la similitude des marques en conflit, deuxièmement, l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition et, troisièmement, l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porte préjudice. Ces conditions sont cumulatives et l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition.

58      Il convient de relever que le but de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 n’est pas d’empêcher l’enregistrement de toute marque similaire à une marque renommée. L’objectif de cette disposition est, notamment, de permettre au titulaire d’une marque antérieure renommée de s’opposer à l’enregistrement de marques susceptibles soit de porter préjudice à la renommée ou au caractère distinctif de la marque antérieure, soit de tirer indûment profit de cette renommée ou de ce caractère distinctif. Ainsi, l’existence d’un lien entre la marque demandée et la marque antérieure est une condition essentielle de l’application de la disposition en cause. En effet, les atteintes visées par cette disposition, lorsqu’elles se produisent, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre les marques antérieure et postérieure, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre ces deux marques, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, Rec. p. I‑8823, point 30, et la jurisprudence citée).

59      Il convient de rappeler, en outre, que, afin de bénéficier de la protection instaurée par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, le titulaire de la marque antérieure doit rapporter la preuve que l’usage de la marque dont l’enregistrement est demandé tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice. À cette fin, le titulaire de la marque antérieure n’est pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle à sa marque. En effet, lorsqu’il est prévisible qu’une telle atteinte découlera de l’usage que le titulaire de la marque postérieure peut être amené à faire de sa marque, le titulaire de la marque antérieure ne saurait être obligé d’attendre la réalisation effective de celle-ci pour pouvoir faire interdire ledit usage. Le titulaire de la marque antérieure doit toutefois établir l’existence d’éléments permettant de conclure à un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur (arrêt Intel Corporation, précité, points 37 et 38, et arrêt de la Cour du 10 mai 2012, Rubinstein et L’Oréal/OHMI, C‑100/11 P, non encore publié au Recueil, point 93).

60      L’existence d’une atteinte à la marque antérieure ou d’un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêt Intel Corporation, précité, point 68).

61      En l’espèce, la requérante soutient, notamment, que la chambre de recours n’a pas suffisamment motivé sa décision au regard desdites conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

62      Il convient d’observer, à cet égard, que, aux points 36 à 42 de la décision attaquée, la chambre de recours a procédé, tout d’abord, à un rappel des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, en indiquant notamment qu’elles sont indépendantes de l’existence ou de l’absence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement. Ensuite, elle a constaté la renommée des marques figuratives antérieures, laquelle n’a pas été contestée par les parties.

63      S’agissant des deux autres conditions d’application de la disposition concernée, à savoir l’existence d’un lien entre les marques en conflit et la probabilité d’une atteinte à la renommée, la chambre de recours a indiqué que le domaine visé par les marques en conflit était le même, à savoir le domaine de la construction et de l’ingénierie, que lesdites marques ne différaient pas significativement pour exclure que le public pertinent établisse un lien entre elles, et qu’il « sembl[ait] hautement plausible » que la marque litigieuse tentait de se placer dans le sillage de la marque antérieure renommée afin de bénéficier du pouvoir d’attraction, de la réputation et du prestige de cette dernière, et d’exploiter l’effort commercial déployé par son titulaire (point 43 de la décision attaquée).

64      Or, ces motifs, se limitant essentiellement à des affirmations en ce qui concerne l’existence d’un lien entre les marques en cause et la probabilité de l’atteinte à la renommée, ne suffisent pas pour expliciter le raisonnement juridique qui conduit à constater que les conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 sont réunies en l’espèce, et ce indépendamment de l’existence ou non d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

65      En effet, la chambre de recours ne fait valoir aucun élément concret, invoqué par le titulaire des marques antérieures, quant au risque de profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de ces marques, en dehors d’un simple lien entre les domaines de produits et de services concernés.

66      En outre, il ne ressort aucunement des motifs de la décision attaquée que la chambre de recours aurait procédé à une appréciation globale des éléments pertinents du cas d’espèce afin de conclure que, indépendamment de l’existence ou non d’un risque de confusion entre les marques en conflit, il existe un risque sérieux et non hypothétique que la marque litigieuse entend profiter du caractère distinctif et de la renommée acquise par les marques antérieures.

67      Il en résulte que la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée en ce qui concerne l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

68      Le troisième moyen est donc fondé, pour autant qu’il est tiré de la violation de l’obligation de motivation.

69      Le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, et le troisième moyen, pour autant qu’il est tiré de la violation de l’obligation de motivation concernant l’application de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement, étant fondés, il y a lieu d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le premier moyen.

70      Concernant les conclusions en réformation formulées par la requérante, tendant au rejet du recours introduit devant la chambre de recours de l’OHMI, ainsi que son argumentation visant à établir que les conditions posées par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 ne sont pas réunies en l’espèce, il suffit d’observer qu’il n’appartient pas au Tribunal de procéder à l’appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas pris position dans le cadre de la procédure d’opposition ou de nullité en cause. L’exercice du pouvoir de réformation doit par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, non encore publié au Recueil, point 72).

71      Or, dans la mesure où il ressort des considérations qui précèdent que la chambre de recours n’a pas pris une position circonstanciée sur les conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, faute d’expliciter suffisamment le raisonnement juridique suivi et d’indiquer les éléments précis sur lesquels elle a entendu se fonder, il n’appartient pas non plus au Tribunal se prononcer sur la demande de réformation formulée par la requérante en procédant à l’appréciation desdites conditions. Cette demande doit donc être rejetée.

 Sur les dépens

72      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI et l’intervenante ayant succombé en l’essentiel de leurs conclusions, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 7 septembre 2010 (affaire R 270/2010-1) est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      L’OHMI et Caterpillar Inc. sont condamnés aux dépens.

Papasavvas

Vadapalas

O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 septembre 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.