Language of document : ECLI:EU:T:2012:523

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

5 octobre 2012 (*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire verbale COLOR FOCUS – Marque communautaire verbale antérieure FOCUS – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Similitude des marques – Article 8, paragraphe 1, sous b), et article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) nº 207/2009 – Usage sérieux de la marque antérieure – Abus de droit »

Dans l’affaire T-204/10,

Lancôme parfums et beauté & Cie, établie à Paris (France), représentée par Mes A. von Mühlendahl et S. Abel, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par M. S. Schäffner, puis par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Focus Magazin Verlag GmbH, établie à Munich (Allemagne), représentée par Mes R. Schweizer et J. Berlinger, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 11 février 2010 (affaire R 238/2009‑2), relative à une procédure de nullité entre Focus Magazin Verlag GmbH et Lancôme Parfums et beauté & Cie,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot (rapporteur), président, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. A. Popescu, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 3 mai 2010,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 2 août 2010,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 5 août 2010,

à la suite de l’audience du 26 avril 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 30 septembre 1999, la requérante, Lancôme parfums et beauté & Cie, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal COLOR FOCUS.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Produits cosmétiques et de maquillage ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 2000/45, du 5 juin 2000. La marque a été enregistrée le 30 juin 2004.

5        Le 25 août 2004, l’intervenante, Focus Magazin Verlag GmbH, a présenté auprès de l’OHMI une demande en nullité de cette marque au titre de l’article 55 du règlement n° 40/94 (devenu article 56 du règlement n° 207/2009), pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        La demande en nullité était fondée, notamment, sur la marque communautaire verbale antérieure FOCUS, déposée le 17 janvier 1997 sous le numéro 453 720 et enregistrée le 26 août 2008.

7        Cette marque désigne les produits relevant de la classe 3 et correspondant à la description suivante : « Maquillage, produits cosmétiques ».

8        La demande en nullité était fondée sur tous les produits couverts par la marque antérieure et était dirigée contre tous les produits couverts par la marque contestée.

9        Le motif invoqué à l’appui de la demande en nullité était celui visé à l’article 52, paragraphe 1, sous a) du règlement n° 40/94 [devenu article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009], lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

10      Le 12 décembre 2008, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité présentée par le titulaire de la marque antérieure, au motif qu’il existait un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, entre les marques en conflit.

11      Le 13 février 2009, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’annulation.

12      Par décision du 11 février 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Après avoir constaté que les produits couverts par les marques en conflit étaient identiques et que le public pertinent était constitué du public de l’Union européenne, elle a comparé le pouvoir distinctif respectif des marques en conflit. Elle a considéré que l’élément « focus », commun à ces marques, ne possédait pas un caractère distinctif diminué au regard des produits cosmétiques pour lesquels les marques en conflit avaient été enregistrées et que l’élément « color » était purement descriptif, dès lors qu’il faisait directement référence à l’espèce ou à la destination des produits pour lesquels la marque contestée a été enregistrée. Examinant ensuite les similitudes entre les marques en conflit, elle a considéré que l’élément « color » de la marque contestée n’était pas de nature à neutraliser les similitudes sur les plans visuel, phonétique et conceptuel existant entre lesdites marques et en a déduit l’existence d’un risque de confusion entre celles-ci. En outre, elle a rejeté l’argument du titulaire de la marque contestée selon lequel la demande en nullité présentée par le titulaire de la marque antérieure constituait un abus de droit. Elle a considéré que la demanderesse en nullité, d’une part, n’avait pas à rapporter la preuve de l’usage de la marque dont elle est titulaire, dès lors que, au jour de la présentation de la demande en nullité, ladite marque n’était pas enregistrée depuis au moins cinq ans. Elle a ajouté, d’autre part, que la demanderesse en nullité ne faisait pas un usage abusif des droits conférés par ladite marque lorsque, pendant le délai de cinq ans au cours duquel elle n’avait pas à rapporter la preuve de l’usage de cette marque, elle recherchait l’annulation d’une marque communautaire similaire ultérieure.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler la décision de la division d’annulation de l’OHMI rendue le 12 décembre 2008 dans l’affaire 990 C ;

–        rejeter la demande en nullité de la marque communautaire FOCUS enregistrée sous le n° 1327410 formée par l’intervenante, dans la mesure où cette demande est fondée sur la marque communautaire FOCUS n° 453720 ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens, y compris ceux découlant de la procédure devant la chambre de recours.

14      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      La requérante invoque deux moyens, respectivement tirés de la violation, par la chambre de recours, de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement, et d’une erreur de droit, commise par la même chambre, lors de l’appréciation du caractère abusif de la demande en nullité présentée par l’intervenante.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement

16      La requérante soutient que c’est à tort que la chambre de recours a considéré qu’il existait un risque de confusion entre les marques en conflit dans l’esprit du public pertinent.

17      En vertu de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 2007/2009, une marque communautaire est déclarée nulle sur demande présentée auprès de l’OHMI lorsqu’il existe une marque antérieure au sens de l’article 8, paragraphe 2, du même règlement et que, notamment, les conditions énoncées à l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement sont remplies.

18      Aux termes de l’article 8, paragraphe 2, sous a), i), du même règlement, il convient d’entendre par « marque antérieure » les marques communautaires dont la date de dépôt est antérieure à celle de la marque communautaire dont la nullité est demandée.

19      En application de l’article 53, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, une marque communautaire est donc déclarée nulle lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

20      La cause de nullité relative énoncée à l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, combiné avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, correspond au motif relatif de refus d’enregistrement consacré par cette dernière disposition. Partant, la jurisprudence relative au risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, est également pertinente dans le présent contexte [arrêt du Tribunal du 15 avril 2010, Cabel Hall Citrus/OHMI – Casur (EGLÉFRUIT), T‑488/07, non publié au Recueil, point 25].

21      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public pertinent puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs caractérisant le cas d’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BERVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et EGLÉFRUIT, point 20 supra, points 26 et 27, et la jurisprudence citée].

22      Il résulte également d’une jurisprudence constante que, en vue de déterminer l’existence d’un risque de confusion, il convient de comparer les marques en procédant à une évaluation globale de leur similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle. La comparaison doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants de celles-ci (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35).

23      Selon la jurisprudence, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une identité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 30].

 Sur le public pertinent et la comparaison des produits

24      Il résulte de la décision attaquée, qui, sur ce point, n’est pas contestée et doit être approuvée, que, dans la mesure où la marque antérieure est une marque communautaire et où les produits visés par les marques en conflit, à savoir les produits cosmétiques et de maquillage, sont des produits de consommation courante, le territoire pertinent pour l’analyse du risque de confusion est celui de l’Union et le public pertinent est constitué par le grand public, c’est-à-dire le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [voir arrêt du Tribunal du 14 avril 2011, Lancôme/OHMI – Focus Magazin Verlag (ACNO FOCUS), T-466/08, non encore publié au Recueil, point 49, et la jurisprudence citée].

25      Il y a lieu également d’approuver la constatation, non contestée par les parties, de l’identité des produits désignés par les marques en conflit, à savoir des produits cosmétiques et de maquillage.

 Sur la comparaison des marques

26      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas la constatation, opérée par la chambre de recours aux points 23 et 24 de la décision attaquée et devant être approuvée, de la similitude globale des marques en conflit sur les plans visuel et phonétique.

27      Par un premier grief, elle soutient que la chambre de recours s’est bornée, contrairement à ce qu’impose l’examen de l’existence d’un risque de confusion, à constater, aux points 23 et 26 de la décision attaquée, l’existence de similitudes entre les marques en conflit, sans analyser le degré de ces similitudes. En conséquence, le contenu du point 26 de ladite décision ne serait pas de nature à satisfaire à l’obligation de motivation prévue à l’article 75 du règlement n° 207/2009.

28      Il convient de relever que, au point 23 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, sur le plan visuel, les marques en conflit présentaient une « similitude globale résultant de la présence dans les deux signes de l’élément verbal distinctif FOCUS », dont découle la constatation d’un degré moyen de similitude entre les marques en conflit. Dès lors, le grief de la requérante relatif à l’absence d’évaluation du degré de similitude entre lesdits marques doit être rejeté.

29      En conséquence, le grief pris d’une violation de l’obligation de motivation résultant de l’absence d’évaluation du degré de similitude entre les marques en conflit doit également être rejeté.

30      Par un deuxième grief, la requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les marques en conflit sont similaires sur le plan conceptuel, dès lors que l’élément « color », en raison de son caractère descriptif, ne confère pas à la marque contestée une signification différente de celle de la marque antérieure, qui serait susceptible de neutraliser les similitudes visuelles et phonétiques entre ces marques.

31      Elle soutient, au contraire, que les marques en conflit ne sont pas similaires sur le plan conceptuel, au motif que la combinaison « color focus » serait porteuse d’un « message de marque […] totalement distinct du message porté par les mots ‘color’ seul ou ‘focus’ seul ». Au soutien de cet argument, elle invoque l’arrêt du Tribunal du 22 juin 2005, Plus/OHMI – Bälz et Hiller (Turkish Power) (T‑34/04, Rec. p. II‑2401).

32      Il y a lieu de constater que, ainsi que le fait valoir à juste titre l’OHMI, la requérante, d’une part, ne décrit pas le « message de marque » que véhiculerait la marque COLOR FOCUS et, d’autre part n’indique pas en quoi ce message se différencierait de celui que véhiculent les mots « color » et « focus » envisagés séparément.

33      Ce faisant, la requérante a privé l’OHMI et la partie intervenante de la possibilité de répondre à cette allégation et le Tribunal de se prononcer sur ce point. Dès lors, ce grief ne répond pas aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure et, partant, doit être rejeté comme irrecevable [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 juillet 2010, Grain Millers/OHMI – Grain Millers (GRAIN MILLERS), T-430/08, non publié au Recueil, point 38].

34      En outre, l’invocation, par la requérante, de l’arrêt Turkish Power, point 31 supra, n’est pas de nature à pallier l’insuffisance de son argumentation. Dans l’affaire qui a donné lieu à cet arrêt, le Tribunal a jugé que, dans son ensemble, la signification du signe Turkish Power s’écartait du message contenu dans le seul élément verbal « power » de la marque nationale antérieure, au motif, notamment, que l’élément figuratif de la marque demandée ajoutait une connotation distincte au seul concept de puissance véhiculé par l’élément verbal « power » de la marque antérieure. Il a relevé également des différences sensibles aux niveaux visuel et phonétique entre la marque figurative demandée et la marque verbale antérieure. Or, en l’espèce, comme il est indiqué ci-dessus, non seulement la marque demandée et la marque antérieure sont purement verbales, de sorte qu’elles ne peuvent pas se distinguer par l’existence, chez l’une d’elles, d’un élément figuratif, mais, de plus, il n’est pas contesté qu’elles sont globalement similaires sur les plans visuel et phonétique.

35      Dès lors, l’argument de la requérante visant à démontrer que les marques en conflit n’étaient pas similaires sur le plan conceptuel doit être rejeté.

36      Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que les marques en conflit étaient similaires sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

 Sur le risque de confusion

37      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74].

38      Ainsi qu’il a été jugé aux points 25 et 36 ci-dessus, la chambre de recours a constaté à bon droit que les produits visés par les marques en conflit étaient identiques et que les marques en conflit étaient similaires sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

39      C’est également à bon droit que la chambre de recours a considéré, au point 21 de la décision attaquée, sans que les parties le contestent, que l’élément « color » de la marque contestée était purement descriptif, ce dont elle a déduit, au point 23 de ladite décision, que cet élément ne laisserait pas une impression durable dans l’esprit des consommateurs.

40      Au point 25 de la requête, la requérante soutient que la décision attaquée ne contient pas de « conclusions particulières » concernant le caractère distinctif de la marque antérieure FOCUS. Par cette allégation, la requérante, ainsi qu’elle l’a confirmé lors de l’audience, reproche à la chambre de recours de ne pas avoir examiné le caractère distinctif de la marque antérieure FOCUS.

41      Il y a lieu de constater que, ainsi que la requérante le relève elle-même, la chambre de recours a, d’une part, au point 20 de la décision attaquée, rejeté l’argument de celle-ci selon lequel la marque antérieure FOCUS « posséd[ait] un caractère distinctif diminué eu égard aux produits cosmétiques » et, d’autre part, au point 23 de ladite décision, considéré que l’élément « focus » était « parfaitement distinctif » au regard des produits pour lesquels lesdites marques avaient été enregistrées. À la fin du même point, elle a en outre affirmé que cet élément constituait un « élément verbal distinctif ».

42      Dès lors, la décision attaquée fait apparaître que, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours a évalué le caractère distinctif de la marque antérieure FOCUS.

43      Ainsi qu’il ressort du point 26 de la requête et des arguments développés devant la chambre de recours, que la requérante déclare réitérer dans le cadre du présent recours au point 24 de la requête, la requérante conteste également le bien-fondé de cette évaluation.

44      Elle soutient que la marque antérieure FOCUS présente un caractère distinctif très faible et que, partant, il n’existe pas de risque de confusion entre les marques en conflit.

45      Elle rappelle avoir produit devant la chambre de recours, au soutien de cette allégation, le résultat d’une recherche des marques contenant l’élément « focus », effectuée dans le registre des marques communautaires, ainsi que dans les registres français et allemand des marques, en incluant les enregistrements internationaux. Il ressortirait du résultat de cette recherche, présenté sous la forme d’un tableau, qu’il existe de nombreuses marques, visant des produits divers, y compris les produits pour lesquels les marques en conflit avaient été enregistrées, qui consistent dans l’élément « focus » ou qui comportent cet élément. Cette circonstance aurait pour conséquence de ne conférer qu’un caractère distinctif très faible à la marque FOCUS.

46      Il convient de rappeler que, certes, selon la jurisprudence, il n’est pas exclu que, dans certains cas, la coexistence de marques antérieures sur le marché puisse amoindrir le risque de confusion constaté par les instances de l’OHMI entre deux marques en conflit. Cependant, une telle éventualité ne saurait être prise en considération que si, à tout le moins, au cours d’une procédure concernant des motifs relatifs de refus devant l’OHMI, le titulaire de la marque communautaire contestée a dûment démontré que ladite coexistence reposait sur l’absence de risque de confusion, dans l’esprit du public pertinent, entre les marques antérieures dont il se prévaut et la marque de l’intervenante qui fonde la demande en nullité et sous réserve que les marques antérieures dont il se prévaut et les marques en conflit soient identiques [voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 11 mai 2005, Grupo Sada/OHMI – Sadia (GRUPO SADA), T‑31/03, Rec. p. II‑1667, point 86, et du 14 novembre 2007, Castell del Remei/OHMI – Bodegas Roda (CASTELL DEL REMEI ODA), T-101/06, non publié au Recueil, point 76].

47      Il ressort de ce qui précède que, afin d’établir le bien-fondé de son allégation, la requérante doit apporter la preuve que, d’une part, des marques identiques aux marques en conflit, à savoir FOCUS et COLOR FOCUS, coexistent déjà sur le marché et, d’autre part, il n’existe pas de risque de confusion entre ces marques. À ces fins, la seule production d’extraits de bases de données d’enregistrement de marques est insuffisante [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal GRUPO SADA, point 46 supra, point 87, et du 16 décembre 2008, Torres/OHMI – Navisa Industrial Vinícola Española (MANSO DE VELASCO), T–259/06, non publié au Recueil, point 77].

48      En l’espèce, la requérante se réfère au tableau, daté du mois de février 2009, qu’elle a produit devant la chambre de recours et qui dresse une liste des marques consistant dans l’élément « focus » ou comportant cet élément. Pour chaque marque sont précisés le registre dans lequel cette marque est enregistrée, le numéro sous lequel cette marque a été enregistrée, l’année de l’enregistrement, le numéro de volume et la page du registre à laquelle cet enregistrement figure, ainsi que les classes de produits et de services, au sens de l’arrangement de Nice, pour lesquels cette marque a été enregistrée.

49      Il ressort de ce tableau qu’une marque FOCUS et deux marques COLOR FOCUS figurent dans le registre français des marques.

50      Toutefois, dès lors qu’il ne démontre l’existence que de l’enregistrement de ces marques, ce tableau, seul élément de preuve au soutien de l’allégation de la requérante, ne constitue pas une preuve de l’usage desdites marques, comme l’a admis la requérante devant la chambre de recours et dans le cadre du présent recours, au point 24 de la requête, et ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 20 de la décision attaquée. Partant, ledit tableau ne démontre pas leur coexistence sur le marché, ni l’absence de risque de confusion entre ces marques.

51      Dans ces conditions, il convient de considérer que la requérante n’a pas démontré que, conformément à la jurisprudence visée au point 46 ci-dessus, des marques identiques aux marques en conflit coexistaient sur le marché sans qu’il existe un risque de confusion entre elles ni, partant, qu’une telle coexistence avait affaibli le caractère distinctif de la marque FOCUS.

52      Dès lors, l’appréciation de la chambre de recours relative au caractère distinctif de la marque antérieure FOCUS doit être approuvée.

53      Au demeurant, il y a lieu de rappeler que la seule circonstance que plusieurs marques désignant des produits similaires contiennent le mot « focus » ne suffit pas à établir que cet élément soit devenu faiblement distinctif en raison de son usage fréquent dans le domaine concerné [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 septembre 2009, Zero Industry/OHMI – zero Germany (zerorh+), T‑400/06, non publié au Recueil, point 73, et la jurisprudence citée].

54      En tout état de cause, la reconnaissance d’un caractère faiblement distinctif de la marque antérieure n’empêcherait pas de constater l’existence d’un risque de confusion en l’espèce. En effet, si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion, il n’est qu’un élément parmi d’autres intervenant lors de cette appréciation. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment, en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services visés [voir arrêt du Tribunal du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, Rec. p. II‑5213, point 70, et la jurisprudence citée].

55      Il résulte des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que la chambre de recours a déduit de l’identité des produits en cause, de la similitude des marques en conflit et du caractère distinctif de la marque antérieure l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit dans l’esprit du public pertinent.

56      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de droit lors de l’appréciation du caractère abusif de la demande en nullité

57      La requérante soutient que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que l’intervenante n’était pas tenue de prouver l’usage de la marque FOCUS, dont elle est titulaire, et a, en conséquence, rejeté son argument selon lequel la demande en nullité présentée par l’intervenante constituait un abus de droit, au motif que la marque FOCUS n’avait pas été enregistrée depuis cinq ans au moins au jour de la présentation de ladite demande en nullité.

58      L’intervenante aurait, en effet, fait enregistrer de nombreuses marques nationales ou communautaires consistant dans l’élément verbal « focus » ou comportant cet élément, pour désigner une large gamme de produits et de services, sans jamais avoir eu l’intention de faire usage de ces marques et sans jamais en avoir fait usage, en particulier pour désigner des produits de la classe 3. Ce faisant, elle empêcherait d’autres opérateurs économiques de faire enregistrer, avec l’intention d’en faire usage, des marques comportant l’élément « focus ». Dès lors, la demande en nullité présentée par l’intervenante à l’encontre de la marque COLOR FOCUS, en ce qu’elle n’est fondée que sur la faculté dont elle dispose de ne pas faire usage de la marque FOCUS pendant cinq années à compter de l’enregistrement de celle-ci, alors qu’elle n’a aucune intention d’utiliser cette marque, irait à l’encontre de la justification économique qui sous-tend le régime de la marque communautaire et empêcherait la marque de remplir sa fonction essentielle. Pour ces raisons, cette demande en nullité constituerait un abus de droit.

59      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes communautaires (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 février 2006, Halifax e.a., C‑255/02, Rec. p. I‑1609, point 68, et la jurisprudence citée).

60      La preuve d’une pratique abusive nécessite, d’une part, un ensemble de circonstances objectives d’où il résulte que, malgré un respect formel des conditions prévues par la réglementation communautaire, l’objectif poursuivi par cette réglementation n’a pas été atteint et, d’autre part, un élément subjectif consistant en la volonté d’obtenir un avantage résultant de la réglementation communautaire en créant artificiellement les conditions requises pour son obtention (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 21 juillet 2005, Eichsfelder Schlachtbetrieb, C‑515/03, Rec. p. I‑7355, point 39, et la jurisprudence citée).

61      En l’espèce, il convient de constater que la requérante se borne à soutenir que la demande en nullité présentée par l’intervenante constitue un abus de droit, sans toutefois produire d’élément de preuve susceptible d’établir que cette dernière a fait enregistrer la marque FOCUS dans l’intention frauduleuse de ne pas en faire usage, afin d’empêcher d’autres opérateurs économiques d’enregistrer certaines marques.

62      Il s’ensuit que la requérante n’a pas apporté la preuve de l’élément subjectif, au sens de la jurisprudence visée au point 60 ci-dessus, de l’abus de droit qu’elle allègue à l’encontre de l’intervenante.

63      Il y a lieu, dès lors, de considérer qu’elle n’a pas démontré que la demande en nullité présentée par l’intervenante présentait un caractère abusif.

64      Au demeurant, il convient de rappeler que l’article 57, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 dispose que, « [s]ur requête du titulaire de la marque communautaire, le titulaire d’une marque communautaire antérieure, partie à la procédure de nullité, apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la date de la demande en nullité, la marque communautaire antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels la demande en nullité est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date la marque communautaire antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins ».

65      Il ressort de cette disposition que le titulaire d’une marque communautaire antérieure, partie à une procédure de nullité, n’est tenu de prouver l’usage de cette marque que pour autant que, à la date de la demande en nullité, la marque communautaire antérieure a été enregistrée depuis cinq ans au moins.

66      En l’espèce, il est constant que l’intervenante a présenté une demande en nullité de la marque COLOR FOCUS le 25 août 2004 et que la marque antérieure FOCUS, dont elle est titulaire, a été enregistrée le 26 août 2008.

67      Il s’ensuit que la période de cinq ans, visée à l’article 57, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, n’a commencé à courir qu’à la date de l’enregistrement de la marque FOCUS, à savoir le 26 août 2008. Dès lors, ainsi que la chambre de recours l’a relevé à bon droit, l’intervenante n’était pas tenue, à la date de la demande en nullité, présentée le 25 août 2004, d’apporter la preuve de l’usage sérieux de cette marque, qui n’était alors pas encore enregistrée en tant que marque communautaire et, partant, ne bénéficiait pas de la protection conférée par le règlement n° 40/94.

68      En conséquence, le deuxième moyen doit être rejeté.

69      Aucun des moyens invoqués par la requérante n’étant fondé, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité, contestée par l’OHMI, des deuxième et troisième chefs de conclusions de la requérante, visant respectivement l’annulation de la décision de la division d’annulation et le rejet de la demande en nullité présentée par l’intervenante.

 Sur les dépens

70      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

71      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Lancôme parfums et beauté & Cie est condamnée aux dépens.

Truchot

Martins Ribeiro

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 octobre 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.