Language of document : ECLI:EU:T:2014:862

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

8 octobre 2014 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale DODIE – Marque nationale verbale antérieure DODOT – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 –Pouvoir de réformation »

Dans l’affaire T‑77/13,

Laboratoires Polive, établis à Levallois-Perret (France), représentés par Me A. Sion, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. P. Geroulakos, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Arbora & Ausonia, SLU, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Me R. Guerras Mazón, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 31 octobre 2012 (affaire R 1949/2011-2), relative à une procédure d’opposition entre Arbora & Ausonia, SLU et les Laboratoires Polive,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis (rapporteur), président, O. Czúcz et A. Popescu, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 31 janvier 2013,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 21 mai 2013,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 23 mai 2013,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 24 janvier 2007, la requérante, les Laboratoires Polive, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal DODIE.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3, 5 et 10 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Produits de toilette pour bébés, shampooings et lotions pour les cheveux, lotions à usage cosmétique, produits nettoyants, savons, parfums, huiles de toilette, dentifrices, crèmes cosmétiques, produits de bain, serviettes imprégnées ou non imprégnées à usage cosmétique, pommades à usage cosmétique, coton à usage cosmétique » ;

–        classe 5 : « Produits hygiéniques pour bébés, serviettes imprégnées de lotions hygiéniques, serviettes pour bébés, sérum physiologique, produits pour la stérilisation du lait, pommades à usage médical, substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés, pansements médicaux, désinfectants à usage hygiénique, coton à usage médical » ;

–        classe 10 : « Biberons, valves de biberons, tétines de biberons, poignées de biberons, tétines pour bébés, anneaux de dentition, tire-lait, coussinets d’allaitement, thermomètres à usage médical, appareils médicaux pour bébés, articles orthopédiques pour bébés ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 34/2007, du 16 juillet 2007.

5        Le 15 octobre 2007, l’intervenante, Arbora & Ausonia, SLU, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée, notamment, sur les droits antérieurs suivants :

–        la marque espagnole verbale antérieure DODOT, enregistrée sous le numéro 2601120 le 30 août 2005 (ci-après la « marque espagnole ») désignant notamment les produits relevant des classes 3, 5, 10 et 16 qui correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Produits de parfumerie et cosmétiques, huiles essentielles, shampooings, savons et dentifrices, crèmes et lotions pour les soins corporels et capillaires, lingettes nettoyantes, lingettes imprégnées de savon liquide avec ou sans parfum et lingettes imprégnées de produits de nettoyage, produits hydratants et cosmétiques, trousses de cosmétiques » ;

–        classe 5 : « Produits hygiéniques médicaux, emplâtres, matériel pour panser, pansements, désinfectants à usage hygiénique (à l’exclusion des savons désinfectants), linges hygiéniques, serviettes périodiques, protège-slips (produits hygiéniques), tampons pour la menstruation, compresses stériles, couches hygiéniques pour incontinents, culottes hygiéniques, slips absorbants pour incontinents; aliments pour bébés ; étuis portables pour les médicaments; lingettes imprégnées de lotions pharmaceutiques » ;

–        classe 10 : « Draps pour incontinents, biberons, tétines et fermetures de biberons » ;

–        classe 16 : « Couches et couches-culottes en papier et en cellulose ; mouchoirs, serviettes, lingettes et nappes en papier et en cellulose ; bavoirs en papier, papier hygiénique ; papier et articles en papier, carton et articles en carton, brochures ; imprimés ; livres, publications imprimées en général, crayons, stylos à bille et autres articles d’écriture, calendriers, matériel d’instruction et d’enseignement » ;

–        la demande de marque communautaire verbale DODOT, déposée le 30 avril 2004 sous le numéro 3780715 (ci-après la « demande de marque communautaire DODOT ») et désignant notamment les produits relevant des classes 16, 24 et 25, qui correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 16 : « Couches et couches-culottes en papier et en cellulose ; mouchoirs, serviettes, lingettes et nappes en papier et en cellulose ; bavoirs en papier, papier hygiénique ; papier et articles en papier, carton et articles en carton, imprimés ; livres, publications imprimées en général, crayons, stylos à bille et autres articles d’écriture, calendriers, matériel d’instruction et d’enseignement » ;

–        classe 24 : « Tissus et toiles, y compris pour la confection de langes, tissus élastiques, essuie-mains en matières textiles, serviettes démaquillantes et de toilette en matières textiles » ;

–        classe 25 : « Couches et couches-culottes en matières textiles, vêtements, chaussures et chapellerie ; bavoirs non en papier, mouchoirs de poche (vêtements) ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

8        Le 2 août 2011, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son ensemble, notamment au motif qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en conflit.

9        Le 22 septembre 2011, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 31 octobre 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a annulé la décision de la division d’opposition et partiellement accueilli l’opposition sur la base de l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit s’agissant des produits mentionnés au point 3 ci-dessus, sauf les « thermomètres à usage médical, appareils médicaux pour bébés, articles orthopédiques pour bébés », relevant de la classe 10. Elle a rejeté le recours pour le surplus.

11      Aux fins de son examen du risque de confusion, la chambre de recours s’est limitée à la comparaison de la marque demandée avec la marque espagnole. À cet égard, elle a notamment constaté, en substance, que :

–        le public pertinent était le grand public espagnol, sauf pour certains produits liés à la santé relevant des classes 5 et 10, qui s’adressaient à un public plus attentif ;

–        la marque espagnole avait un caractère distinctif intrinsèque normal et pouvait bénéficier d’un caractère distinctif accru en raison de son usage uniquement en ce qui concernait les « couches et couches-culottes » ;

–        les produits visés par les marques en conflit étaient soit identiques soit similaires, et ce à des degrés variables, élevé, moyen ou faible ;

–        l’existence d’une similitude visuelle entre les signes en conflit, qui avaient la même longueur et coïncidaient par leurs trois premières lettres, ne pouvait pas être exclue même si les signes en cause présentaient des parties finales différentes et n’étaient ni très longs, ni très courts ;

–        la similitude phonétique entre lesdits signes était « légèrement inférieure à la moyenne », compte tenu notamment de leurs terminaisons différentes ;

–        les signes en conflit n’étaient pas conceptuellement similaires, dès lors qu’ils étaient dépourvus de signification pour le public pertinent ;

–        il existait un risque de confusion entre la marque demandée et la marque espagnole en ce qui concernait les produits relevant des classes 3, 5 et 10 étant identiques ou ayant un degré de similitude moyen ou élevé.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter l’opposition dans son intégralité ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

13      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en annulation dans son entièreté ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

15      La requérante conteste, notamment, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les terminaisons différentes des marques n’étaient pas suffisantes pour écarter tout risque de confusion.

16      L’OHMI et l’intervenante rétorquent, en substance, que la chambre de recours a conclu à bon droit qu’il existait un risque de confusion entre les signes en cause.

17      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

18      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

19      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

20      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, d’une part, au point 18 de la décision attaquée, que, le droit antérieur à comparer avec la marque demandée étant la marque espagnole, le territoire au regard duquel il y avait lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur était celui de l’Espagne. D’autre part, elle a relevé, au point 24 de ladite décision, que les produits visés par la marque demandée étaient destinés au grand public, composé de consommateurs censés être normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés, sauf pour certains produits liés à la santé relevant des classes 5 et 10, qui s’adressaient à un public ayant un niveau d’attention plus élevé.

21      La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le niveau d’attention du public pertinent est moyen pour la plupart des produits en cause. En effet, selon elle, s’agissant des produits de soins corporels et, plus particulièrement, des produits de soins pour bébés, le niveau d’attention des consommateurs est plus élevé.

22      S’agissant du territoire pertinent, il y a lieu de confirmer les conclusions de la chambre de recours relative à l’État membre où se situe le public pertinent, dès lors que la chambre de recours a examiné le risque de confusion sur la base de la marque espagnole.

23      S’agissant du niveau d’attention du public pertinent, l’argument de la requérante selon lequel celui-ci est plus élevé ne peut pas être retenu. En effet, si, comme le soutient la requérante, les parents ont un degré d’attention plus élevé lors de l’achat des produits pour les bébés et les enfants en bas âge, eu égard à l’importance que jouent l’alimentation et la santé des bébés à leurs yeux, il y a lieu, toutefois, de constater, compte tenu du large éventail des produits en cause, que le groupe de consommateurs moyens de cette catégorie de produits comprendra aussi des parents attentifs, mais ne se composera en aucun cas exclusivement de ces derniers [arrêt du 16 septembre 2009, Hipp & Co/OHMI – Laboratorios Ordesa (Bebimil), T‑221/06, EU:T:2009:330, point 40].

24      Une exception peut être faite pour certains produits visés par les marques en conflit liés à la santé et relevant des classes 5 et 10.

25      En effet, selon la jurisprudence, tant les professionnels que les consommateurs finals de produits et services liés à leur état de santé font preuve d’un niveau d’attention élevé [voir, en ce sens, arrêts du 21 octobre 2008, Aventis Pharma/OHMI – Nycomed (PRAZOL), T‑95/07, EU:T:2008:455, point 29 ; du 8 juillet 2009, Procter & Gamble/OHMI – Laboratorios Alcala Farma (oli), T‑240/08, EU:T:2009:258, point 50, et du 15 décembre 2009, Trubion Pharmaceuticals/OHMI – Merck (TRUBION), T‑412/08, EU:T:2009:507, point 28].

26      Dès lors, il convient de conclure que c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que le niveau d’attention du public pertinent était moyen pour la majorité des produits en cause et plus élevé pour les produits liés à la santé.

 Sur la comparaison des produits

27      La chambre de recours, au point 30 de la décision attaquée, a confirmé l’appréciation de la division d’opposition selon laquelle les produits visés par la marque demandée étaient partiellement identiques et partiellement semblables à ceux visés par les marques antérieures.

28      En particulier, au point 54 de la décision attaquée, la chambre de recours a classé les produits visés par la marque demandée dans les quatre groupes suivants, selon leur identité ou leur degré de similitude avec les produits désignés par la marque espagnole :

–        produits identiques, à savoir :

–         tous les produits relevant de la classe 3 ;

–        « produits hygiéniques pour bébés, sérum physiologique, aliments pour bébés, pansements médicaux, désinfectants à usage hygiénique et coton à usage médical », relevant de la classe 5 ;

–        « biberons et tétines de biberons » relevant de la classe 10 ;

–        produits hautement similaires, à savoir : « serviettes imprégnées de lotions hygiéniques, serviettes pour bébés  », relevant de la classe 5 ;

–        produits similaires à un degré moyen, à savoir :

–        « produits pour la stérilisation du lait, pommades à usage médical, substances diététiques à usage médical », relevant de la classe 5 ;

–        « valves de biberons, poignées de biberons, tétines pour bébés, anneaux de dentition, tire-lait et coussinets d’allaitement », relevant de la classe 10 ;

–        produits similaires à un faible degré, à savoir : « thermomètres à usage médical, appareils médicaux pour bébés, articles orthopédiques pour bébés », relevant de la classe 10.

29      Il convient de confirmer l’appréciation de la division d’opposition, que la chambre de recours a fait sienne et que les parties ne contestent pas.

 Sur la comparaison des signes

30      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

 Sur la similitude visuelle

31      Sur le plan visuel, la chambre de recours a considéré, aux points 40 et 41 de la décision attaquée, que, compte tenu du fait que les consommateurs accordent généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa terminaison, les marques en conflit étaient similaires dans la mesure où elles coïncidaient par leurs trois premières lettres placées au début des deux signes. Elle a en outre constaté que, si les différences découlant des deux lettres finales de ces marques ne pouvaient certes pas être négligées dans l’impression d’ensemble produite par ces dernières, elles n’étaient pas suffisantes pour exclure la similitude visuelle à l’égard de signes n’étant ni très longs ni très courts.

32      La requérante fait valoir que les parties finales des deux signes, composées des lettres « ot » et des lettres « ie » respectivement, sont très différentes et qu’elles ne peuvent pas être confondues par le public pertinent, compte tenu spécialement du fait que les signes en conflit sont composés de cinq lettres et sont donc courts.

33      À cet égard, si, comme le soutiennent l’OHMI et l’intervenante, le consommateur attache normalement plus d’importance aux parties initiales des mots, il convient toutefois de rappeler que cette considération ne saurait valoir dans tous les cas et remettre en cause le principe selon lequel l’examen de la similitude des marques doit prendre en compte l’impression d’ensemble produite par celles-ci [arrêts du 9 septembre 2008, Honda Motor Europe/OHMI – Seat (MAGIC SEAT), T‑363/06, Rec, EU:T:2008:319, point 38, et du 23 septembre 2011, NEC Display Solutions Europe/OHMI – C More Entertainment (see more), T‑501/08, EU:T:2011:527, point 38].

34      En l’espèce, il y a lieu de relever que la partie finale de la marque demandée, où figure la diphtongue « ie », est très inhabituelle en espagnol et attirera ainsi davantage l’attention du public pertinent. Des considérations similaires s’appliquent à la partie finale « ot » de la marque espagnole, qui n’est pas non plus commune dans cette langue.

35      Ces circonstances permettent de conclure que, à la différence de ce qu’a retenu la chambre de recours, les marques en conflit, considérées dans leur ensemble, présentent un degré de similitude visuelle assez faible.

 Sur la comparaison phonétique

36      Sur le plan phonétique, aux points 43 à 46 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit, prononcés selon les règles de la langue espagnole, présentaient une similitude « légèrement inférieure à la moyenne », ce qui doit s’entendre comme signifiant que, selon la chambre de recours, ils étaient similaires dans une certaine mesure.

37      La requérante fait valoir que la prononciation des parties finales des marques en conflit est très différente, au vu notamment des règles de prononciation de la langue espagnole.

38      L’OHMI et l’intervenante soutiennent que le raisonnement de la chambre de recours quant à la similitude phonétique est correct.

39      À cet égard, il y a lieu de relever que les marques en cause sont toutes les deux composées d’un seul mot comportant deux syllabes, à savoir « do » et « dot » pour la marque espagnole et « do » et « die » pour la marque demandée. Ainsi, c’est à tort que la requérante prétend, en substance, que la marque demandée comporte les trois syllabes « do », « di » et « ie ».

40      Cependant, la requérante est fondée à soutenir qu’il convient d’appliquer les règles de prononciation de la langue espagnole lors de la comparaison des marques en conflit sur le plan phonétique, ce que les autres parties confirment. Or, selon ces règles, lors de la prononciation du mot « dodot », l’accent tonique tombe sur la voyelle de la seconde syllabe, à savoir sur la seconde lettre « o », étant donné qu’il n’y a pas d’accent graphique et que le mot en cause se termine par une consonne autre que « n » ou « s », laquelle sera prononcée de manière plus ou moins marquée selon la région de l’Espagne concernée. En revanche, suivant ces mêmes règles, lors de la prononciation du mot « dodie », l’accent tonique tombe sur la première syllabe, à savoir sur la lettre « o », puisqu’il n’y a pas d’accent graphique et que le mot se termine par une diphtongue. Dans l’hypothèse où le consommateur espagnol, confronté au mot « dodie », qu’il ne reconnaît pas comme appartenant à sa langue, casserait la diphtongue « ie », l’accent tonique ne tomberait pas sur la dernière voyelle « e », mais sur l’avant-dernière « i ». De même, à supposer que ledit consommateur tente de prononcer le mot « dodie » comme s’il s’agissait d’un terme des principales langues étrangères qu’il connaît et que, lors de cette tentative, il place l’accent tonique sur une voyelle autre que la lettre « o », l’intonation tomberait sur la partie de la marque demandée qui diffère de la marque espagnole.

41      Il s’ensuit que, en dépit de la présence dans les marques en conflit de la même séquence initiale de lettres « d », « o » et « d », le rythme dans la prononciation de l’une ou de l’autre marque est différent ou, à tout le moins, l’intonation tombe sur les parties des marques en conflit qui diffèrent. Ces circonstances réduisent très sensiblement la similitude créée par ladite séquence initiale de lettres. Au demeurant, il convient de tenir également compte du fait que, lors de la prononciation du mot « dodie », le consommateur espagnol sera particulièrement mis en difficulté par la présence, très inhabituelle, d’une diphtongue à la fin du mot, alors que tel n’est pas le cas du mot « dodot ».

42      Par conséquent, contrairement à ce qu’a retenu la chambre de recours, il y a lieu de conclure que, sur le plan phonétique, les marques en conflit sont faiblement similaires, voire très faiblement similaires.

 Sur la comparaison conceptuelle

43      Au point 47 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré qu’aucun des signes en conflit n’avait de signification pour le public sur le territoire pertinent et que les deux marques n’avaient pas de concept en commun.

44      Il y a lieu de confirmer ces conclusions de la chambre de recours, que les parties ne remettent d’ailleurs pas en cause.

 Conclusion sur la similitude des signes

45      Au vu des considérations qui précèdent, il doit être conclu que les signes en conflit ne sont que faiblement similaires, et ce sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question, qui fait l’objet d’un désaccord entre les parties, de savoir si ces signes sont particulièrement courts, ce qui, selon la requérante, impliquerait une plus grande importance de leurs différences, ou sur la pertinence des décisions de l’OHMI et de la décision d’un tribunal espagnol, invoquées par la requérante.

 Sur le risque de confusion

46      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec, EU:T:2006:397, point 74].

47      En l’espèce, la chambre de recours a considéré qu’il existait un risque de confusion en ce qui concerne les produits visés par la marque demandée relevant des trois premiers groupes qu’elle a identifiés (voir point 28 ci-dessus), compte tenu de la similitude des signes et de l’identité ou de la similitude existante entre lesdits produits et ceux désignés par la marque espagnole.

48      La requérante fait valoir qu’il n’existe pas de risque de confusion, les signes étant suffisamment différents.

49      À cet égard, il y a lieu de constater que, en effet, le faible degré de similitude des signes ne permet pas de considérer qu’il existe en l’espèce un risque de confusion, en dépit de la similitude, voire de l’identité, des produits que la chambre de recours a relevé à juste titre, et ce même eu égard au public qui ne présente pas un degré d’attention particulièrement élevé.

50      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments de l’intervenante.

51      À cet égard, en premier lieu, l’intervenante fait valoir que le caractère distinctif intrinsèque de la marque DODOT est élevé et qu’il ne ressort pas clairement de la décision attaquée si la chambre de recours a pris en compte les éléments de preuve supplémentaires qu’elle a présentés au moment de son recours contre la décision de la division d’opposition pour démontrer le caractère distinctif accru de la marque espagnole en raison de la connaissance qu’en avait le public.

52      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, ainsi qu’il découle du considérant 8 du règlement n° 207/2009, l’appréciation du risque de confusion dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance qu’a le public de la marque sur le marché en cause. Comme le risque de confusion est d’autant plus étendu que le caractère distinctif de la marque s’avère important, les marques qui ont un caractère distinctif élevé soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance qu’en a le public, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (voir, par analogie, arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec, EU:C:1997:528, point 24 ; Canon, point 46 supra, EU:C:1998:442, point 18, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec, EU:C:1999:323, point 20).

53      Cependant, en l’espèce, premièrement, il y a lieu de confirmer la conclusion de la chambre de recours, présentée au point 26 de la décision attaquée, selon laquelle la marque espagnole a un caractère distinctif intrinsèque normal, puisqu’elle est dépourvue de signification au regard des produits qu’elle vise. D’ailleurs, l’intervenante ne soulève aucun argument spécifique pour remettre en cause ladite conclusion de la chambre de recours.

54      Deuxièmement, il doit être relevé que, au point 29 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est placée dans l’hypothèse où il serait tenu compte des éléments de preuve supplémentaires, produits devant elle par l’intervenante, afin de démontrer que la marque espagnole jouissait d’un caractère distinctif accru en raison de son usage. À cet égard, la chambre de recours a estimé que, même dans cette hypothèse, un tel caractère distinctif accru n’existerait que pour les « couches et couches-culottes », relevant de la classe 16. Or, il y a lieu de relever que ces produits n’ont pas été pris en compte dans le cadre de la comparaison des produits effectuée par la chambre de recours, que l’intervenante ne remet pas en cause et que le Tribunal a confirmée.

55      Troisièmement, et en tout état de cause, il y a lieu d’observer que, quand bien même la marque espagnole serait pourvue d’un caractère distinctif accru, cette circonstance ne saurait contrebalancer le fait qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les signes en conflit au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, compte tenu des différences sur les plans visuel et phonétique [voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2012, Consorzio vino Chianti Classico/OHMI – FFR (F.F.R.), T‑143/11, EU:T:2012:645, point 59]. En effet, si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion, il n’est qu’un élément parmi d’autres intervenant lors de cette appréciation [voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, Rec, EU:T:2007:387, point 70].

56      En second lieu, l’intervenante soutient que, l’opposition ayant été fondée également sur la demande de marque communautaire DODOT (voir point 6 ci-dessus), le public pertinent pourrait aussi être composé par les consommateurs d’autres États membres que le Royaume d’Espagne, ce qui pourrait permettre de constater un degré de similitude phonétique plus élevé.

57      À cet égard, il y a lieu de relever que l’intervenante semble demander au Tribunal de tenir compte également, aux fins du rejet du recours, d’un droit antérieur autre que la marque espagnole, alors même que cette dernière a été le seul droit antérieur par rapport auquel la chambre de recours a examiné le risque de confusion. En effet, au point 79 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est limitée à relever que les produits désignés par la demande de marque communautaire DODOT étaient, tout au plus, faiblement similaires aux « thermomètres à usage médical, appareils médicaux pour bébés, articles orthopédiques pour bébés », visés par la marque demandée, au sujet desquels l’opposition fondée sur la marque espagnole devait être rejetée.

58      Il s’ensuit que, quel que soit le niveau de similitude, notamment phonétique, entre la marque demandée et le signe visé par la demande de marque communautaire DODOT, toute considération sur ce point serait dépourvue d’influence sur la légalité de la décision attaquée. Dès lors, le Tribunal ne peut donner aucune suite au présent argument de l’intervenante.

59      En tout état de cause, il convient d’observer que ladite demande de marque communautaire concerne des produits autres que ceux désignés par la marque espagnole.

 Conclusions sur l’issue du recours

60      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’annuler la décision attaquée, conformément au premier chef de conclusions de la requérante.

61      En ce qui concerne le deuxième chef de conclusions de celle-ci, qui tend au rejet de l’opposition dans son intégralité, il convient d’observer qu’il s’agit d’une demande de réformation.

62      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le pouvoir de réformation, reconnu au Tribunal en vertu de l’article 65, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de procéder à une appréciation sur laquelle ladite chambre n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit, par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par ladite chambre, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, Rec, EU:C:2011:452, point 72).

63      En l’espèce, force est de constater que les conditions pour l’exercice du pouvoir de réformation du Tribunal ne sont pas réunies. En effet, la chambre de recours n’a pas examiné la question de savoir s’il existait un risque de confusion entre la marque demandée et l’un des autres droits antérieurs que l’intervenante a invoqués. Dès lors, il y a lieu de rejeter ledit chef de conclusions.

 Sur les dépens

64      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

65      L’OHMI ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de décider qu’il supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière. L’intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 31 octobre 2012 (affaire R 1949/2011-2) est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par les Laboratoires Polive.

4)      Arbora & Ausonia, SLU supportera ses propres dépens.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 octobre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.