Language of document : ECLI:EU:F:2014:264

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

11 décembre 2014 (*)

« Fonction publique – Représentation du personnel – Comité du personnel – Élections au comité du personnel – Réglementation relative à la représentation du personnel au Parlement européen – Compétence du collège des scrutateurs – Procédure de réclamation devant le collège des scrutateurs – Publication des résultats des élections – Réclamation introduite devant le collège des scrutateurs – Article 90, paragraphe 2, du statut – Défaut de réclamation préalable devant l’AIPN – Saisine directe du Tribunal – Irrecevabilité »

Dans l’affaire F‑31/14,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Philippe Colart, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Bastogne (Belgique), et les autres requérants dont les noms figurent en annexe, représentés par Me A. Salerno, avocat,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par M. O. Caisou-Rousseau et Mme S. Alves, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de Mme M. I. Rofes i Pujol, président, MM. K. Bradley et J. Svenningsen (rapporteur), juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 septembre 2014,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 29 mars 2014, M. Colart et les autres requérants dont les noms figurent en annexe demandent l’annulation des résultats des élections au comité du personnel du Parlement européen, tels qu’ils ont été publiés et communiqués par le collège des scrutateurs le 28 novembre 2013 et confirmés par ledit collège après rejet de leur réclamation.

 Cadre juridique

 Le statut

2        L’article 9 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne dans sa version applicable au litige (ci-après le « statut ») dispose :

« 1.      Il est institué

a)      [a]uprès de chaque institution :

–        un comité du personnel, éventuellement divisé en sections correspondant à chaque lieu d’affectation du personnel ;

[…]

qui exerc[e] les attributions prévues au présent statut.

2.      La composition et les modalités de fonctionnement de ce[t] organ[e] sont déterminées par chaque institution conformément aux dispositions de l’annexe II [du statut].

[…] »

3        L’article 1er, deuxième alinéa, de l’annexe II du statut prévoit :

« Les conditions d’élection au [c]omité du personnel non divisé en sections locales ou, lorsque le [c]omité du personnel est divisé en sections locales, à la section locale, sont fixées par l’assemblée générale des fonctionnaires de l’institution en service au lieu d’affectation correspondant. L’institution a toutefois la faculté de décider que les conditions d’élection sont arrêtées en fonction du choix exprimé par le personnel de l’institution consulté par référendum. […] »

 Le règlement relatif à la représentation du personnel au Parlement

4        En application de l’annexe II du statut, le comité du personnel du Parlement a, le 6 février 2012, adopté un règlement relatif à la représentation du personnel (ci-après le « RRRP »), lequel a, le 4 avril 2012, été adopté par référendum auprès du personnel de cette institution.

5        L’article 8, paragraphes 1 et 2, du RRRP prévoit :

« 1.      L’assemblée générale [du personnel, composée de tous les électeurs du comité du personnel,] nomme, sur proposition conjointe des listes ayant au moins un élu au comité du personnel sortant, au moins un scrutateur titulaire et trois scrutateurs suppléants par liste choisis parmi les électeurs.

2.      Les scrutateurs, titulaires et suppléants, ne peuvent être ni membres du comité du personnel ni candidats aux élections du comité du personnel. […] »

6        Aux termes de l’article 20, paragraphes 1 et 2, du RRRP, « [l]e collège [des scrutateurs] est constitué par les scrutateurs titulaires » et « est responsable de l’organisation et du déroulement des élections du comité du personnel et des autres élections et référendums et consultations organisés conformément au présent règlement ».

7        L’article 26 du RRRP dispose :

« 1.      Les opérations électorales sont organisées par le collège des scrutateurs.

2.      Le collège des scrutateurs dispose d’un délai minimum de [40] jours ouvrables pour organiser les élections.

3.      [À] la demande du collège des scrutateurs, le [s]ecrétaire général [du Parlement] peut désigner deux observateurs, dont un du [s]ervice juridique, qui assistent aux réunions du collège des scrutateurs concernant les élections au comité du personnel. »

8        L’article 39 du RRRP prévoit :

« 1.      Au terme du dépouillement, le collège des scrutateurs arrête et publie la liste des élus.

2.      Les candidats non élus de chaque liste sont inscrits au procès-verbal dans l’ordre des voix qu’ils ont obtenues.

3.      Le collège des scrutateurs établit le procès-verbal des opérations électorales dans un délai maximal de [25] jours ouvrables après la publication de la liste des élus, après avoir traité les éventuelles réclamations prévues à l’article 42 du présent règlement.

4.      Il transmet un exemplaire de ce procès-verbal et de la liste des élus au [s]ecrétaire général [du Parlement], ainsi qu’au doyen d’âge des élus et le publie sur l’[i]ntranet du collège des scrutateurs. »

9        Aux termes de l’article 41 du RRRP :

« Sous réserve d’un recours à la Cour de justice de l’Union européenne, le collège des scrutateurs est seul compétent pour trancher tout litige relatif ou toute réclamation relative à l’organisation des élections au [c]omité du personnel. Ces réclamations doivent parvenir par écrit au collège des scrutateurs dans un délai de dix jours ouvrables à partir de la notification de la décision ou de l’acte faisant grief. Le collège des scrutateurs répond à ces réclamations dans un délai de dix jours ouvrables à partir de la date de la réception. »

10      L’article 42 du RRRP dispose :

« Les réclamations concernant le déroulement des opérations électorales doivent parvenir par écrit au collège des scrutateurs, dans un délai de dix jours ouvrables à partir de la publication de la liste des élus. Le collège des scrutateurs répond à ces réclamations dans un délai de dix jours ouvrables à partir de la date de réception. »

11      Aux termes de l’article 45 du RRRP, les propositions de révision du RRRP sont présentées soit par le comité du personnel, soit par demande signée par un minimum de 200 électeurs et, si ces propositions sont approuvées par l’assemblée générale, elles sont soumises aux électeurs par référendum dans un délai de 20 jours ouvrables.

12      L’article 47 du RRRP précise que « [ce] règlement, déposé le 20 juin 2012 auprès du [s]ecrétaire général du Parlement […], est transmis en copie au [p]résident et au [b]ureau du Parlement […] ».

 Faits à l’origine du litige

13      Les requérants étaient, en 2013, membres du syndicat « Solidarité pour les agents et fonctionnaires européens » (ci-après « SAFE »). S’agissant plus particulièrement de MM. Colart et Vienne, ceux-ci en étaient, respectivement, président et secrétaire politique.

14      À la suite de la tenue, le 21 juin 2013, d’une assemblée générale extraordinaire des adhérents de SAFE, un différend interne à ce syndicat est apparu quant à la composition de son comité exécutif, neuf membres de SAFE conduits par M. Colart (ci-après « Colart et autres ») revendiquant, au même titre qu’un autre groupe de membres de SAFE conduit par M. Ciuffreda, être les représentants légitimes dudit syndicat. Ces deux groupes de membres de SAFE se sont opposés sur la question de l’accès à la boîte de messagerie électronique mise à la disposition de SAFE par le Parlement, et ce tant devant le juge de l’Union (voir ordonnance Colart e.a./Parlement, F‑87/13, EU:F:2014:53) que devant les juridictions luxembourgeoises.

15      En vue des élections au comité du personnel du Parlement, devant se tenir au cours de l’autonome 2013, Colart et autres ont finalement décidé de ne pas se présenter sous la bannière « SAFE » tant que le différend les opposant à l’autre groupe de membres de SAFE, conduit en dernier lieu par M. Guccione (ci-après « Guccione et autres »), ne serait pas résolu. Ainsi, le 20 septembre 2013, Colart et autres ont déposé auprès du collège des scrutateurs une liste dénommée « SAFETY » (ci-après la « liste SAFETY ») en vue desdites élections, tout en mettant en garde le collège des scrutateurs, par message électronique du même jour à son président, sur les conséquences d’une éventuelle utilisation, selon eux irrégulière et frauduleuse, de la dénomination « SAFE » par la liste de candidats conduite par M. Guccione (ci-après la « liste SAFE »). Selon les requérants, Colart et autres ont eu une « attitude prudente et raisonnable [qui] visait essentiellement à ne pas ‘polluer’ le processus électoral démocratique, en confrontant le collège des scrutateurs au dépôt concurrent de deux listes prétendant chacune utiliser [légitimement] la dénomination ‘SAFE’ avec […] un risque [subséquent] de procédure[s] judiciaire[s] en cascade venant bouleverser le calendrier des opérations électorales ».

16      À la suite de la publication par le collège des scrutateurs, le 25 septembre 2013, des listes de candidats pour les élections au comité du personnel, Colart et autres ont adressé un courriel à Guccione et autres, qui s’étaient constitués candidats sur la liste SAFE, pour les informer qu’ils étaient titulaires du logo « SAFE », enregistré auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), et que, partant, si Guccione et autres devaient utiliser ce logo, Colart et autres les assigneraient en justice afin d’obtenir la réparation des préjudices liés à cette utilisation illicite.

17      Le 10 octobre 2013, le Parlement a mis à la disposition de Colart et autres une boîte de messagerie électronique dénommée « SAFETY ».

18      Un premier tour de scrutin des élections au comité du personnel a eu lieu du 14 au 23 octobre 2013. Un second tour a été organisé du 18 au 27 novembre suivant.

19      À la suite de la publication par le collège des scrutateurs, le 28 novembre 2013, des résultats des élections au comité du personnel du Parlement, M. Colart a, en qualité de « responsable de la liste SAFETY », introduit auprès de ce collège, le 12 décembre 2013, une « [r]éclamation au titre de l’article 42 du [RRRP], relative au résultat des élections […] ». Cette réclamation a également été adressée en copie notamment au président du Parlement et au secrétaire général de cette institution. Dans cette réclamation, M. Colart, s’exprimant au nom de la liste SAFETY, faisait grief au collège des scrutateurs de ne pas avoir pris de mesures, ni répondu à son message du 20 septembre 2013, ni même discuté de la question de l’utilisation du nom « SAFE » aux fins des élections. Il contestait également l’attribution à la liste SAFE, conduite par M. Guccione, de quatre sièges sur les six sièges attribués à des fonctionnaires ou agents en poste à Luxembourg (Luxembourg).

20      Dans la réclamation adressée au collège des scrutateurs au nom de la liste SAFETY, M. Colart demandait, à titre principal, à ce que « les opérations électorales [soient] purement et simplement annulées, pour cause d’absence de sincérité du scrutin et de recours à des méthodes et procédés déloyaux ». À titre subsidiaire et tout en mettant en cause le fait que le collège des scrutateurs ait été placé sous la présidence d’un membre du groupe Guccione et autres, s’étant proclamé groupe des membres légitimes du comité exécutif de SAFE, à savoir M. Tilotta, M. Colart demandait, au nom de la liste SAFETY, à ce qu’il soit procédé à un recomptage manuel des bulletins de vote. Il invoquait à cet égard des irrégularités relatives à l’ouverture des urnes à l’issue du premier tour de scrutin et au verrouillage des salles prétendument sécurisées où avait été organisé le scrutin, ainsi que ses doutes sur la réalité des résultats dans la mesure où, parmi les 29 personnes élues au comité du personnel, d’une part, ne figurait aucun des candidats travaillant à la direction générale de la traduction, laquelle représente pourtant 20 % des effectifs du Parlement, et, d’autre part, seulement six élus étaient en poste à Luxembourg.

21      Par lettre datée du 19 décembre 2013 (ci-après la « décision du collège des scrutateurs du 19 décembre 2013 » ou la « décision de rejet de la réclamation introduite devant le collège des scrutateurs»), le collège des scrutateurs a répondu à la réclamation introduite par M. Colart, en sa qualité de responsable de la liste SAFETY, en indiquant que, en l’absence de décision judiciaire contraignante relative à l’utilisation du nom « SAFE », il avait été tenu d’accepter tous les noms des listes tels que proposés par leurs responsables, d’autant plus que, en décidant de présenter une liste dénommée « SAFETY », Colart et autres avaient levé tout risque de confusion, qui aurait pu être induit par l’existence de deux listes concurrentes de même nom, auprès des électeurs.

22      S’agissant de la réalité des suffrages exprimés, le collège des scrutateurs a indiqué à M. Colart que le nombre de bulletins de vote vierges avait été systématiquement vérifié tant à l’ouverture qu’à la fermeture des bureaux de vote, lesquels étaient d’ailleurs sécurisés par des serrures électroniques, et qu’aucune erreur n’avait été constatée, ce qui permettait d’exclure ses soupçons quant à la prétendue possibilité que les urnes aient été ouvertes et remplies de bulletins de vote en remplacement de ceux déjà déposés.

23      S’agissant de la demande de recomptage des bulletins de vote, le collège des scrutateurs a indiqué à M. Colart qu’il avait décidé à l’unanimité de ne pas procéder à un tel recomptage en l’absence du moindre argument raisonnable et probant justifiant une telle démarche.

24      S’agissant, enfin, des résultats électoraux, le collège des scrutateurs a souligné qu’il ne lui appartenait pas de mener une quelconque analyse politique et encore moins de commenter l’appartenance des élus à l’une ou l’autre des directions générales du Parlement. Quant au nombre d’élus du lieu de travail de Luxembourg, il serait parfaitement conforme au minimum requis fixé dans le RRRP.

 Conclusions des parties et procédure

25      Les requérants demandent au Tribunal :

–        d’annuler les résultats des élections au comité du personnel qui se sont déroulées à l’automne 2013 et dont les résultats ont été officiellement publiés le 28 novembre 2013 ;

–        de condamner le Parlement aux dépens.

26      Le Parlement demande au Tribunal :

–        de rejeter le recours, à titre principal, comme étant irrecevable et, à titre subsidiaire, comme étant non fondé ;

–        de condamner les requérants aux dépens.

27      Par courrier du greffe du 15 septembre 2014, le Tribunal a, au titre de mesures d’organisation de la procédure, posé des questions aux parties, auxquelles elles ont dûment répondu dans le délai imparti.

28      Les requérants ont pour leur part expliqué qu’ils n’avaient pas cherché à solliciter l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») à la suite de la proclamation des résultats des élections et qu’ils avaient mis certaines personnes, habilitées à agir au nom de l’AIPN, en copie de leur réclamation adressée au collège des scrutateurs uniquement dans un souci de transparence et de courtoisie. Ils ont également confirmé que la décision dont ils demandaient l’annulation était la décision de proclamation des résultats, étant donné que, selon eux, la décision du collège des scrutateurs du 19 décembre 2013 ne faisait que confirmer les résultats proclamés le 28 novembre précédent.

29      Par ailleurs, les requérants ont indiqué que, à la suite de la décision du collège des scrutateurs du 19 décembre 2013, ils n’avaient pas interrogé l’AIPN sur l’opportunité d’introduire une réclamation en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, car, d’une part, une telle réclamation serait un détour inutile puisque l’AIPN n’exercerait pas de pouvoir hiérarchique sur le collège des scrutateurs et ne pourrait donc pas, en principe, réformer les décisions dudit collège. D’autre part, selon leur lecture de l’article 41 du RRRP et partant du postulat que l’AIPN n’avait pas en principe vocation à s’immiscer dans le processus électoral des élections au comité du personnel, les requérants considéraient que le Tribunal était compétent, en vertu de l’article 41 du RRRP, pour apprécier directement la légalité de décisions du collège des scrutateurs.

30      Tout en reconnaissant que, en vertu de la jurisprudence, l’AIPN, bien que n’exerçant aucun pouvoir hiérarchique sur le collège des scrutateurs, peut, voire doit, intervenir pour réformer les décisions dudit collège lorsqu’elles s’avèrent illégales, les requérants ont plaidé pour une « évolution de la jurisprudence dans le sens d’une non-intervention absolue de l’AIPN dans le processus électoral ».

31      Le Parlement a, de son côté, confirmé au Tribunal qu’il n’avait délégué aucun pouvoir décisionnel au collège des scrutateurs pour adopter des décisions au nom et pour le compte de l’AIPN. En particulier, la compétence pour statuer sur des réclamations introduites au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut serait exclusivement confiée au bureau, au président et au secrétaire général de cette institution.

32      Tout en indiquant qu’il n’avait pas spécifiquement informé son personnel sur le fait que les organes représentatifs du personnel ne peuvent pas, par l’adoption d’une réglementation telle que le RRRP, déroger à une disposition statutaire telle que l’article 90, paragraphe 2, du statut, le Parlement a informé le Tribunal que, après s’être adressés au collège des scrutateurs au moyen d’une réclamation au sens de l’article 41 du RRRP, d’autres candidats aux élections du comité du personnel organisées à l’automne 2013 avaient, le 28 février 2014, introduit devant l’AIPN une réclamation en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, laquelle avait été rejetée par décision de l’AIPN du 18 juin suivant.

33      Le Parlement a souligné que, en vertu de la jurisprudence, l’AIPN est tenue d’intervenir, y compris d’office, en cas de doute sur la régularité des élections au comité du personnel. À cet égard, il a également fait valoir que, contrairement à ce qui est le cas concernant les décisions de jury de concours qu’elle ne peut pas réformer, l’AIPN est habilitée à intervenir auprès du collège des scrutateurs, dont les membres sont nommés par l’assemblée générale du personnel, afin de faire corriger d’éventuelles irrégularités constatées.

 En droit

 Arguments des parties

34      Ayant spontanément abordé dans leur requête la question de la recevabilité de leur recours, les requérants soulignent que celui-ci fait suite à une réclamation introduite le 12 décembre 2013, conformément à l’article 41 du RRRP, devant le collège des scrutateurs et ayant fait l’objet d’une décision de rejet de ce dernier le 19 décembre suivant. Partant, les requérants s’estiment « recevables à introduire le présent recours dans le respect des termes de l’article 91 du [s]tatut et de l’article 100, paragraphe 3, du [r]èglement de procédure » et, à cet égard, ils soutiennent, en se référant à l’arrêt Vanhellemont/Commission (T‑396/03, EU:T:2005:406), que le Parlement « ne saurait se retrancher derrière le fait que sa réglementation interne confie au collège des scrutateurs le soin de statuer sur les réclamations relatives à l’élection des membres du comité du personnel pour échapper à ses responsabilités s’agissant du contrôle de la régularité de ladite élection ».

35      En réponse aux questions du Tribunal, les requérants ont soutenu, lors de l’audience, que l’AIPN avait nécessairement eu connaissance du projet de réponse du collège des scrutateurs à leur réclamation et avait ainsi, « quelque part » entre les 12 et 19 décembre 2013, adopté une décision qui aurait consisté à rendre un avis favorable sur ce qui est devenu la décision du collège des scrutateurs du 19 décembre 2013.

36      Le Parlement excipe de l’irrecevabilité du recours en soulignant que celui-ci a été introduit sur le fondement de l’article 270 TFUE et de l’article 91 du statut. Or, cette institution rappelle que l’article 91, paragraphe 2, du statut prévoit expressément qu’« [u]n recours à la Cour de justice de l’Union européenne n’est recevable que si l’[AIPN] a été préalablement saisie d’une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2[, du statut] et dans le délai y prévu, et si cette réclamation a fait l’objet d’une décision explicite ou implicite de rejet [de l’AIPN] ».

37      À cet égard, le Parlement fait valoir que, en vertu du point X, intitulé « D[emandes et voies de recours] », de l’annexe à la décision du bureau du Parlement du 13 janvier 2014 portant délégation des pouvoirs de l’AIPN et de l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement, identique sur ce point à la décision du bureau du Parlement du 3 mai 2004 auparavant applicable, le pouvoir de l’AIPN pour décider des réclamations dirigées contre les décisions arrêtées par d’autres autorités que le bureau, le président ou le secrétaire général du Parlement, est délégué au secrétaire général. Ainsi, en l’espèce, force serait de constater que, en méconnaissance de la jurisprudence résultant notamment du point 7 de l’arrêt Diezler e.a./CES (146/85 et 431/85, EU:C:1987:457), les requérants n’ont saisi l’AIPN d’aucune réclamation. Partant, dans la mesure où les conditions de recevabilité d’un recours sont d’ordre public, le présent recours devrait être déclaré irrecevable.

38      Quant à la circonstance invoquée par les requérants selon laquelle ils ont saisi le collège des scrutateurs d’une réclamation, le Parlement objecte que la procédure de réclamation prévue par le RRRP est distincte de celle prévue à l’article 90, paragraphe 2, du statut. En effet, même si le RRRP prévoit, par son titre V intitulé « Les réclamations », une voie de recours, dénommée « réclamation », pouvant être utilisée devant le collège des scrutateurs, cette procédure aménagée par ledit règlement, à l’égard duquel l’administration n’a d’ailleurs aucun pouvoir de décision ou de codécision, ne prévoit aucune information de l’AIPN ni possibilité d’intervention de celle-ci aux fins de la formulation de la réponse aux réclamations ainsi introduites, telle que la décision de rejet de la réclamation adoptée en l’espèce par le collège des scrutateurs. En tout état de cause, le collège des scrutateurs ne serait pas une instance délégataire pour décider, au nom de l’AIPN, sur les réclamations introduites sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

39      Le Parlement relève ainsi que, en l’espèce et contrairement aux exigences de la jurisprudence, il n’a pas été, en sa qualité d’AIPN, mis en mesure de connaître les griefs ou desiderata des requérants avant l’introduction du présent recours. Cela étant, lors de l’audience, le Parlement a reconnu que la rédaction des articles 41 et 42 du RRRP pouvait potentiellement induire en erreur les fonctionnaires et agents sur la nécessité d’introduire, en matière électorale, une réclamation en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut préalablement à l’introduction d’un recours contentieux sur le fondement de l’article 270 TFUE et de l’article 91 du statut. Tout en maintenant ses conclusions principales quant à l’irrecevabilité du recours, cette institution a toutefois expliqué lors de l’audience que, dans un souci de respecter la souveraineté de l’assemblée générale des fonctionnaires et l’autonomie du comité du personnel, coauteurs du RRRP, elle n’était pas intervenue, à ce stade, sur ce texte adopté par ces deux instances incarnant la représentation du personnel.

 Appréciation du Tribunal

40      Afin d’apprécier la recevabilité du présent recours, contestée par le Parlement, il convient de préciser, premièrement, les types d’actes pouvant faire l’objet, en matière électorale, d’un contrôle juridictionnel du Tribunal, ainsi que, secondement, les exigences relatives à la phase précontentieuse dans cette matière.

 Sur les types d’actes pouvant faire l’objet, en matière électorale, d’un contrôle juridictionnel

41      En premier lieu, il convient de rappeler que, en matière de contentieux électoral concernant notamment les comités du personnel, le juge de l’Union a compétence pour statuer, sur la base des dispositions générales du statut relatives aux recours des fonctionnaires, établies en vertu de l’article 270 TFUE. Ce contrôle juridictionnel est exercé dans le cadre des recours dirigés contre l’institution intéressée et ayant pour objet les actes ou les omissions de l’AIPN auxquels donne lieu l’exercice du contrôle administratif qu’elle assure en la matière (voir arrêts de Dapper e.a./Parlement, 54/75, EU:C:1976:127, points 8 et 24 ; Diezler e.a./CES, EU:C:1987:457, point 5, et Grynberg et Hall/Commission, T‑534/93, EU:T:1994:86, point 20).

42      En effet, selon une jurisprudence constante, les institutions ont le devoir d’assurer à leurs fonctionnaires la possibilité de désigner leurs représentants en toute liberté et dans le respect des règles établies (voir, en ce sens, arrêts de Dapper e.a./Parlement, EU:C:1976:127, point 22, et Maindiaux e.a./CES, T‑28/89, EU:T:1990:18, point 32). Par conséquent, elles ont le devoir de prévenir ou de censurer des irrégularités manifestes de la part des organes en charge de la tenue des élections, tels qu’un comité du personnel ou, comme en l’espèce, un collège des scrutateurs.

43      À cet égard, l’administration, d’une part, peut être tenue de prendre des décisions à caractère obligatoire (voir, en ce sens, arrêts Maindiaux e.a./CES, EU:T:1990:18, point 32, et Milella et Campanella/Commission, F‑71/05, EU:F:2007:184, point 71), et, d’autre part, demeure en tout état de cause tenue de statuer sur les réclamations qui pourraient lui être adressées à ce sujet dans le cadre de la procédure fixée par les articles 90 et 91 du statut (arrêt de Dapper e.a./Parlement, EU:C:1976:127, point 23).

44      Le contrôle exercé par l’administration en matière électorale, lequel donne lieu, tel que cela a été rappelé au point 41 du présent arrêt, à des actes ou omissions de l’AIPN dont la légalité peut faire l’objet d’un contrôle juridictionnel du juge de l’Union, ne se borne pas au droit d’intervenir dans des situations où les organes statutaires ou administratifs en charge de l’organisation des élections ont déjà violé les règles électorales ou menacent concrètement de ne pas les respecter. Au contraire, les institutions ont le droit d’intervenir d’office, y compris à titre préventif, au cas où elles éprouveraient un doute sur la régularité des élections (arrêt Maindiaux e.a./CES, EU:T:1990:18, point 32).

45      Parmi les décisions relevant des prérogatives de l’AIPN en matière électorale pouvant faire l’objet d’un recours en vertu de l’article 270 TFUE et de l’article 91 du statut figurent notamment celles relatives à une abstention de l’AIPN de contrôler la régularité des décisions adoptées par des organes statutaires (voir arrêt White/Commission, T‑65/91, EU:T:1994:3, point 91), celles consistant à enjoindre à une section locale d’un comité du personnel d’adopter un comportement donné (voir arrêt Milella et Campanella/Commission, EU:F:2007:184, points 62 et 70, ainsi que ordonnance Klar et Fernandez Fernandez/Commission, F‑114/13, EU:F:2014:192, point 66, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑665/14 P), celles visant à annuler des décisions d’organes en charge des élections, y compris les proclamations des résultats des élections, ou encore celles tendant à contraindre un collège des scrutateurs à corriger des erreurs (voir arrêt Loukakis e.a./Parlement, F‑82/11, EU:F:2013:139, point 94), voire celles consistant à dissoudre de tels organes (voir arrêt White/Commission, EU:T:1994:3, point 100). Ont toutefois été exclus du contrôle juridictionnel du juge de l’Union les refus d’agir de l’AIPN lorsque cette dernière n’est pas compétente pour prendre les mesures qui lui sont demandées, tel que cela est le cas s’agissant de la régularité des décisions d’un comité local du personnel relatives à la composition de son bureau (voir arrêt Hecq et SFIE/Commission, T‑35/98, EU:T:1999:23, points 28 à 41) ou encore des décisions qui ne sont pas imputables à l’AIPN, mais au comité du personnel ou à un autre organe (arrêt Milella et Campanella/Commission, EU:F:2007:184, point 43).

46      Le juge de l’Union n’est ainsi compétent qu’à l’égard d’actes faisant grief émanant de l’AIPN (voir, à titre d’exemple, arrêt Venus et Obert/Commission et Conseil, 783/79 et 786/79, EU:C:1981:245, point 22). En particulier, dans le contentieux électoral concernant la désignation des comités du personnel, il convient de rappeler que les actes adoptés par un organe, statutaire ou non et qui n’est pas délégataire des pouvoirs de l’AIPN, tel qu’un comité du personnel, un bureau électoral ou un collège des scrutateurs, ne sont pas, en principe, des actes émanant à proprement parler de l’AIPN et pouvant, à ce titre, faire l’objet d’un recours autonome devant le juge de l’Union (voir arrêt Milella et Campanella/Commission, EU:F:2007:184, points 42 et 43).

47      En effet, ce n’est qu’à titre éventuellement incident, dans le cadre du contrôle juridictionnel des actes ou omissions de l’AIPN au regard de son obligation d’assurer la régularité des élections, que le juge de l’Union peut, eu égard à la cohésion des actes successifs composant les opérations électorales et à la procédure complexe dans laquelle ils interviennent, être amené à examiner si les actes adoptés par un collège de scrutateurs, qui sont étroitement liés à la décision attaquée émanant de l’AIPN, sont éventuellement entachés d’illégalité (arrêts Marx Esser et del Amo Martinez/Parlement, T‑182/94, EU:T:1996:130, point 37, et Chew/Commission, T‑28/96, EU:T:1997:97, point 20). Un tel contrôle juridictionnel présuppose toutefois l’existence d’une décision de l’AIPN.

 Sur les exigences relatives à la phase précontentieuse en matière électorale

48      En second lieu, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, la recevabilité d’un recours introduit devant le Tribunal, au titre de l’article 270 TFUE et de l’article 91 du statut, tel que cela est le cas en l’espèce, est subordonnée au déroulement régulier de la procédure précontentieuse (arrêt Van Neyghem/Comité des régions, T‑288/04, EU:T:2007:1, point 53, et ordonnance Lebedef/Commission, F‑60/13, EU:F:2014:6, point 37).

49      S’agissant des actes pris dans le cadre de l’obligation incombant à toute institution de l’Union d’assurer la régularité des élections des organes représentatifs du personnel et de la composition subséquente desdits organes, ceux-ci constituent des décisions propres à cette institution en présence desquelles les fonctionnaires et agents peuvent introduire directement une réclamation auprès de l’AIPN, sans être tenus de respecter la procédure prévue à l’article 90, paragraphe 1, du statut et d’inviter préalablement l’AIPN à prendre à leur égard une décision (voir, en ce sens, arrêts de Dapper e.a./Parlement, EU:C:1976:127, point 23 ; Milella et Campanella/Commission, EU:F:2007:184, point 54, et ordonnance Klar et Fernandez Fernandez/Commission, EU:F:2014:192, points 58 et 59).

50      Le juge de l’Union reconnaît également la possibilité d’agir directement par la voie d’une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, même lorsque l’AIPN n’a pas encore adopté de décision, implicite ou explicite, de s’abstenir de contrôler la régularité d’une décision adoptée par un organe chargé d’organiser les élections, pour autant que, dans une telle réclamation, l’intéressé précise les mesures qu’impose le statut et que l’AIPN se serait prétendument abstenue de prendre (arrêt White/Commission, EU:T:1994:3, points 91 et 92).

51      Cela étant, en matière de contentieux électoral concernant la désignation des comités du personnel des institutions de l’Union, l’introduction préalable d’une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut demeure en toute hypothèse nécessaire pour tout recours introduit en vertu de l’article 270 TFUE et de l’article 91 du statut (voir arrêt Diezler e.a./CES, EU:C:1987:457, point 7).

 Sur la recevabilité du présent recours

52      En l’espèce, le Tribunal constate que l’AIPN n’a pas adopté de décision dans le cadre de l’obligation incombant à toute institution d’assurer la régularité des élections du personnel et de la composition subséquente des organes représentatifs du personnel et n’a pas non plus été directement saisie par les requérants ni d’une invitation à contrôler la régularité des élections au comité du personnel du Parlement tenues à l’automne 2013 ni d’une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduite contre une décision qu’elle aurait adoptée, implicitement ou explicitement, refusant de contrôler soit la régularité du déroulement desdites élections, soit la régularité des décisions prises par le collège des scrutateurs, telles que la décision de rejet de la réclamation introduite devant le collège des scrutateurs, soit encore la régularité des résultats proclamés par ledit collège.

53      À cet égard, contrairement à ce qu’ont soutenu les requérants lors de l’audience, l’AIPN n’a pas adopté de décision, sous la forme d’un avis favorable, qui serait intervenue entre les 12 et 19 décembre 2013 au seul motif qu’elle a été mise en copie de leur réclamation présentée, en vertu de l’article 41 du RRRP, devant le collège des scrutateurs. D’ailleurs, les requérants n’ont nullement visé une telle décision, implicite ou explicite, de l’AIPN dans leur petitum ni, d’une manière générale, dans leur requête.

54      Or, dans les circonstances de la présente affaire, le Tribunal relève qu’il était loisible aux requérants, postérieurement à la décision de rejet de la réclamation adoptée par le collège des scrutateurs en vertu de l’article 41 du RRRP, de saisir l’AIPN afin qu’elle adopte une décision prenant position sur la régularité des élections au comité du personnel litigieuses, voire qu’elle annule les résultats desdites élections, et, en cas de refus implicite ou explicite, d’introduire une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut (voir, en ce sens, arrêts de Dapper e.a./Parlement, EU:C:1976:127, points 28 et 29 ; Grynberg et Hall/Commission, EU:T:1994:86, point 23 ; Marx Esser et del Amo Martinez/Parlement, EU:T:1996:130, points 17 à 22 et 33, et Loukakis e.a./Parlement, EU:F:2013:139, points 25, 29 et 46). Au regard de la jurisprudence rappelée au point 50 du présent arrêt, les requérants auraient également pu, à la suite du refus du collège des scrutateurs d’accéder à leur demande formulée conformément aux articles 41 et 42 du RRRP, introduire directement une réclamation, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, auprès de l’AIPN.

55      Cependant, les requérants n’ont introduit qu’une seule réclamation, non pas une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, mais une réclamation telle que prévue aux articles 41 et 42 du RRRP, à savoir devant le collège des scrutateurs. Or, la décision de rejet de cette réclamation a été adoptée par le collège des scrutateurs et non par l’AIPN, laquelle n’avait été mise qu’en copie de la réclamation ainsi introduite et, ainsi que l’a fait valoir le Parlement, n’est ni auteur ni coauteur de la décision du collège des scrutateurs du 19 décembre 2013.

56      Dans ces conditions, contrairement à ce qu’exige l’article 91, paragraphe 2, du statut, lequel a pour objet de permettre et de favoriser un règlement amiable du différend surgi entre les fonctionnaires ou agents et l’administration, l’AIPN n’a pas, en l’espèce, été directement saisie d’une demande ou d’une réclamation l’invitant à contrôler la décision du collège des scrutateurs du 19 décembre 2013 ou les élections au comité du personnel en général. De surcroît, le Tribunal relève que, ainsi qu’ils l’ont admis, les requérants n’ont aucunement cherché à vérifier auprès de l’AIPN s’il était encore nécessaire, après le rejet d’une réclamation par le collège des scrutateurs en vertu de l’article 41 du RRRP, de saisir l’AIPN conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut afin de pouvoir introduire subséquemment un recours sur le fondement de l’article 270 TFUE et de l’article 91 du statut.

57      Il en résulte que le présent recours, dirigé contre le Parlement, mais visant la légalité du résultat des élections proclamé par le collège des scrutateurs et confirmé en dernier lieu le 19 décembre 2013, et non une décision de l’AIPN, est irrecevable au regard des exigences jurisprudentielles spécifiques à la matière électorale, telles que rappelées précédemment.

58      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’arrêt Vanhellemont/Commission (EU:T:2005:406) invoqué par les requérants. En effet, les circonstances factuelles et juridiques de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt se distinguent nettement de celles en cause dans la présente affaire. En l’occurrence, au point 27 de l’arrêt en question, le Tribunal de première instance des Communautés européennes avait expressément relevé que, s’agissant des élections au comité du personnel de la Commission européenne, le bureau électoral n’était pas compétent pour trancher une contestation relative à la validité des élections, mais devait, en application de l’article 20 de la réglementation électorale adoptée par l’assemblée générale du personnel de la Commission, transmettre sans délai cette contestation à la Commission. Le Tribunal de première instance a alors constaté, au point suivant du même arrêt, que, par conséquent, l’acte faisant grief contre lequel le recours était dirigé était la décision implicite de la Commission de ne pas intervenir, qui avait été prise dans le courant du mois de janvier 2003, après que le bureau électoral eut transmis à l’AIPN de cette dernière, en application de l’article 20 de la réglementation électorale applicable, les contestations du requérant, en date du 23 décembre 2002. Le Tribunal de première instance en a conclu que le recours n’était recevable qu’en ce qu’il était dirigé contre l’acte faisant grief susvisé de l’AIPN.

59      Ainsi, le recours dans l’affaire Vanhellemont/Commission (EU:T:2005:406) n’a été déclaré recevable qu’en ce qu’il visait un acte émanant de l’AIPN. Cependant, en l’espèce, force est de constater que non seulement l’AIPN n’a jamais été directement saisie par les requérants, mais qu’en outre le RRRP ne prévoit pas, contrairement à la réglementation électorale mentionnée au point précédent, que le collège des scrutateurs transmet à l’AIPN les réclamations introduites devant lui afin que celle-ci statue en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Par ailleurs, s’il est vrai que l’article 41 du RRRP prévoit que « le collège des scrutateurs est seul compétent pour trancher tout litige relatif ou toute réclamation relative à l’organisation des élections au [c]omité du personnel », il n’en demeure pas moins que, au regard de la jurisprudence rappelée précédemment, lorsqu’un tel organe décide, comme en l’espèce, de ne pas faire droit à la réclamation d’un candidat ou d’un électeur, la régularité d’une telle décision, y compris sa motivation, de même que celle des opérations électorales en général peuvent toujours faire l’objet du contrôle administratif incombant à l’AIPN en matière électorale, étant précisé, à cet égard, que ce sont les actes ou omissions de l’AIPN dans l’exercice de ce pouvoir de contrôle de la régularité des élections qui peuvent faire l’objet d’un recours en vertu de l’article 270 TFUE (voir, en ce sens, arrêt Loukakis e.a./Parlement, EU:F:2013:139, point 101).

60      En particulier, l’obligation d’introduire, également en matière électorale, une réclamation prévue à l’article 90, paragraphe 2, du statut, préalablement à l’introduction d’un recours sur le fondement de l’article 270 TFUE à l’égard d’un acte ou d’une omission de l’AIPN dans le cadre de son obligation de contrôler la régularité des élections au comité du personnel, ne saurait s’effacer au motif qu’un organe, en l’occurrence le collège des scrutateurs, auquel l’AIPN n’a d’ailleurs pas délégué sa compétence pour statuer en la matière, est compétent, en vertu d’un texte adopté par le comité du personnel et le personnel de l’institution lui-même, pour statuer sur des contestations en lien avec le déroulement des élections et les résultats de ces élections.

61      En effet, d’une part, si, certes, le statut, notamment l’article 1er, deuxième alinéa, de son annexe II, a investi l’assemblée générale des fonctionnaires d’un pouvoir normatif en la matière afin de compléter, à l’intérieur de chaque institution, le cadre réglementaire instauré par le statut pour la représentation du personnel (voir arrêt Maindiaux e.a./CES, EU:T:1990:18, point 45), le Tribunal se doit de rappeler que, à l’instar des institutions elles-mêmes, l’assemblée générale des fonctionnaires et les organes statutaires, tel que le comité du personnel, n’ont toutefois pas compétence, dans le cadre des « conditions d’élection au [c]omité du personnel », telles que le RRRP, qu’ils sont amenés à adopter en vertu de l’article 1er, deuxième alinéa, de l’annexe II du statut, pour déroger à une règle explicite du statut, en l’occurrence l’article 90, paragraphe 2, du statut (voir, en ce sens, arrêt Schneider/Commission, T‑54/92, EU:T:1994:283, point 19).

62      D’autre part, il importe de souligner qu’une réclamation, telle que visée par l’article 41 du RRRP, vise à obtenir du collège des scrutateurs, organe non habilité à engager l’AIPN, qu’il réexamine les résultats des élections tels que proclamés par cet organe. La décision ainsi rendue par le collège des scrutateurs, en l’occurrence dans des délais brefs prévus par le RRRP, n’est finalement qu’une décision de confirmation ou, le cas échéant, d’infirmation des résultats des élections, ainsi que l’ont reconnu les requérants. Dans cette hypothèse, ainsi qu’il a été rappelé aux points 46 et 47 du présent arrêt, le Tribunal n’est pas compétent pour statuer directement, en l’absence de toute décision de l’AIPN de l’institution partie défenderesse, sur la légalité d’une décision du collège des scrutateurs.

63      En revanche, en ce qui concerne une décision de l’AIPN statuant sur une réclamation introduite en matière électorale en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, une telle décision consiste pour l’AIPN, au vu des résultats des élections et au regard de son devoir d’assurer à ses fonctionnaires et agents la possibilité de désigner leurs représentants en toute liberté et dans le respect des règles établies, à faire le choix d’agir ou de s’abstenir d’agir dans le processus électoral. C’est dans une telle situation que, en matière électorale, le Tribunal est compétent pour contrôler la légalité d’une décision de l’AIPN afin, notamment, de déterminer si « [l’AIPN] s[’est] abstenue de prendre une mesure imposée par le statut » au sens de l’article 90, paragraphe 2, premier alinéa, du statut.

64      À cet égard, le Tribunal ne saurait infléchir la teneur et la logique sous-tendant la jurisprudence constante relative aux élections du personnel organisées au sein des différentes institutions de l’Union au motif que, s’agissant du Parlement, d’un côté, le libellé de l’article 41 du RRRP, adopté par le comité du personnel et l’assemblée générale des fonctionnaires, peut laisser penser aux électeurs et candidats que le juge de l’Union serait compétent pour statuer directement sur la légalité des décisions arrêtées par le collège des scrutateurs et que, d’un autre côté, le Parlement a renoncé, à ce stade, à user de son pouvoir d’intervention pour obtenir une modification de ce libellé dans un sens reflétant davantage les exigences précontentieuses en matière électorale. Ceci vaut d’autant plus dans une situation telle que celle de l’espèce où, ainsi qu’ils l’ont expliqué lors de l’audience, les requérants, d’une part, ont délibérément décidé d’introduire directement le présent recours, sans saisir au préalable l’AIPN, au motif qu’ils ne considéraient pas souhaitable une intervention de cette dernière dans le processus électoral, et, d’autre part, se prévalent expressément de l’article 41 du RRRP et de l’article 91 du statut comme fondement juridique de leur recours et non des articles 90 et 91 du statut.

65      Enfin, la circonstance que, dans l’arrêt Sabbatucci/Parlement (T‑42/98, EU:T:1999:247), le Tribunal de première instance a rejeté au fond un recours qui avait été précédé uniquement d’une réclamation portée devant le collège des scrutateurs du Parlement, et non d’une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, n’est pas davantage pertinente notamment parce que, dans cette affaire, un règlement amiable était intervenu entre la requérante et l’AIPN, après, précisément, que cette dernière eut décidé, dans le cadre d’une instance aux fins de mesures provisoires introduite selon la procédure spécifique de l’article 91, paragraphe 4, du statut, de procéder au recomptage des voix, c’est-à-dire de prendre une mesure imposée par le statut.

66      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le présent recours doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur les dépens

67      Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 2, de ce règlement, une partie gagnante peut toutefois être condamnée à supporter ses propres dépens et à prendre en charge partiellement ou totalement les dépens exposés par l’autre partie si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance, en particulier si elle a fait exposer à l’autre partie des frais qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.

68      Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que les requérants ont succombé en leur recours. En outre, le Parlement a, dans ses conclusions, expressément demandé qu’ils soient condamnés aux dépens. Cependant, le Tribunal relève que, ainsi qu’il a été constaté au point 64 du présent arrêt, le libellé des articles 41 et 42 du RRRP pouvait laisser penser aux électeurs et candidats, tels que les requérants, que le juge de l’Union serait compétent pour statuer directement sur la légalité des décisions arrêtées par le collège des scrutateurs. Or, le Parlement a reconnu l’existence de cette ambigüité, mais a indiqué au Tribunal avoir renoncé à intervenir pour faire modifier ce libellé et ne pas avoir non plus dûment informé son personnel à cet égard.

69      Compte tenu de cette attitude de la partie défenderesse et tout en tenant compte du fait que, de leur côté, les requérants n’ont pas cherché à s’adresser à l’AIPN pour lui demander si, après le rejet d’une réclamation par le collège des scrutateurs en vertu de l’article 41 du RRRP, comme celui qui venait de leur être opposé, il était nécessaire d’introduire une réclamation préalable en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, le Tribunal considère qu’il y lieu de faire application des dispositions de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure et, par conséquent, décide que le Parlement doit supporter ses propres dépens et être condamné à prendre en charge la moitié des dépens exposés par les requérants.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      M. Colart et les autres requérants dont les noms figurent en annexe supportent la moitié de leurs propres dépens.

3)      Le Parlement européen supporte ses propres dépens et est condamné à prendre en charge la moitié des dépens exposés par les requérants.

Rofes i Pujol

Bradley

Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 décembre 2014.

Le greffier

 

      Le président

W. Hakenberg

 

      K. Bradley

ANNEXE

Compte tenu du nombre de requérants dans cette affaire, leurs noms ne sont pas repris.


* Langue de procédure : le français.