Language of document : ECLI:EU:T:2022:565

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

21 septembre 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme d’un emballage – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑700/21,

Voco GmbH, établie à Cuxhaven (Allemagne), représentée par Mes C. Spintig et S. Pietzcker, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme E. Nicolás Gómez et M. E. Markakis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes V. Tomljenović (rapporteure), présidente, P. Škvařilová‑Pelzl et M. I. Nõmm, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Voco GmbH, demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 23 août 2021 (affaire R 117/2021‑4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 19 septembre 2018, la requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’\/EUIPO pour le signe tridimensionnel suivant :

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3        La marque demandée désignait les produits relevant des classes 5 et 16 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, qui correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 5 : « Préparations et articles dentaires » ;

–        classe 16 : « Matériaux d’emballage (papier) ; blister destiné à l’emballage ».

4        Par décision du 8 mars 2019, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

5        Le 7 mai 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 4 décembre 2019 (affaire R 978/2019‑5), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 février 2020, la requérante a introduit un recours contre cette décision de la chambre de recours.

8        Par l’arrêt du 16 décembre 2020, Voco/EUIPO (Forme d’un emballage) (T‑118/20, non publié, EU:T:2020:604), le Tribunal a annulé la décision de la cinquième chambre de recours du 4 décembre 2019.

9        Par la décision attaquée, la quatrième chambre de recours a rejeté le recours au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 pour l’ensemble des produits visés par celle-ci.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À l’appui du recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b, du règlement 2017/1001. Elle estime en substance que la marque demandée présente un caractère distinctif suffisant pour être enregistrée.

13      Dans le cadre de ce moyen, la requérante conteste, premièrement, l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la marque demandée correspondait, d’une part, à l’emballage des produits dentaires relevant de la classe 5 et, d’autre part, à la forme des produits destinés à l’emballage relevant de la classe 16. Elle soutient, deuxièmement, que l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le secteur médical était pertinent afin d’établir les formes usuelles d’emballages des produits en cause relevant de la classe 5, est erronée. Troisièmement, elle reproche à la chambre de recours d’avoir omis d’établir le caractère usuel sur le marché dentaire des blisters plats destinés à des produits dentaires, notamment à des préparations liquides. Quatrièmement, la requérante soutient que la marque demandée a une forme de base hexagonale et que cette forme est en soi distinctive. Cinquièmement, elle conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la marque demandée ne se distinguait pas de manière essentielle des formes habituelles dans le secteur des produits concernés. Sixièmement, elle estime que les éléments ainsi que la combinaison des caractéristiques de la marque demandée constituent une indication de l’origine commerciale des produits que celle-ci désigne. Enfin, septièmement, la requérante soutient que la décision attaquée procède d’une violation du principe d’égalité de traitement. »

14      L’EUIPO réfute l’argumentation de la requérante.

15      Conformément à l’article 4 du règlement 2017/1001, la forme d’un produit ou de son conditionnement est susceptible de constituer une marque de l’Union européenne, à condition que cette forme soit propre à distinguer les produits d’une entreprise de ceux d’autres entreprises. En outre, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

16      La notion d’intérêt général sous-jacente à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 se confond, à l’évidence, avec la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final de pouvoir identifier l’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance [voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 48, et du 5 février 2020, Hickies/EUIPO (Forme d’un lacet de chaussure), T‑573/18, EU:T:2020:32, point 25 (non publié)].

17      Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).

18      Les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques. Toutefois, dans le cadre de l’application de ces critères, la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle constituée par l’apparence du produit lui-même que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une telle marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (arrêts du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 30, et du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, EU:C:2011:680, points 45 et 46).

19      Seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 (arrêt du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, EU:C:2006:422, point 28). Dès lors, le consommateur moyen ne percevra la forme de l’emballage d’un produit comme une indication de l’origine commerciale du produit que si cette forme est susceptible d’être perçue d’emblée comme une telle indication [voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 2004, Deutsche SiSi-Werke/OHMI (Sachet tenant debout), T‑146/02 à T‑153/02, EU:T:2004:27, point 38.

20      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le présent moyen.

21      En l’espèce, il ressort de la demande d’enregistrement que la marque demandée est une marque tridimensionnelle qui correspond à la forme d’un emballage, plus précisément, d’un blister, dont trois vues sont reproduites au point 2 ci-dessus.

22      En outre, s’agissant du public pertinent, il n’est pas contesté que, d’une part, les « préparations et articles dentaires » relevant de la classe 5 étaient destinés aux professionnels du marché dentaire, dont le degré d’attention était élevé, et, d’autre part, les produits en cause relevant de la classe 16, à savoir les « matériaux d’emballage (papier) » et le « blister destiné à l’emballage », étaient destinés au grand public et aux professionnels actifs sur le marché des emballages, leur degré d’attention variant de moyen à élevé.

23      Premièrement, s’agissant du grief de la requérante relatif à la représentation de la marque demandée, force est de constater que, à l’instar de la chambre de recours au point 14 de la décision attaquée, la marque demandée correspond à l’emballage des produits relevant de la classe 5 et, d’autre part, à la forme des produits relevant de la classe 16.

24      En outre, il y a lieu de relever que la marque dont l’enregistrement est demandé, en tant que forme d’un emballage, est susceptible de se rapprocher de la forme sous laquelle pourraient se présenter certains produits relevant de la classe 5, notamment des pâtes et des liquides.

25      Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que la forme constituant la marque demandée correspondait à l’emballage de certains produits en cause relevant de la classe 5, même si la requérante n’avait pas limité la liste de ces produits dans la demande d’enregistrement. Par conséquent, il a lieu d’approuver cette conclusion de la chambre de recours, contrairement à ce que fait valoir la requérante.

26      S’agissant spécifiquement des « préparations et articles dentaires » relevant de la classe 5, il y a lieu de rappeler que la chambre de recours a constaté, au point 18 de la décision attaquée, en s’appuyant sur les exemples communiqués par la rapporteuse à la requérante et reproduits au point 11 de la décision attaquée, que les blisters ayant une forme de base rectangulaire, ronde ou amorphe, selon la chambre de recours, étaient usuels dans le secteur médical pour lesdits produits couverts par la marque demandée.

27      Deuxièmement, s’agissant du grief de la requérante relatif au fait que la chambre de recours a basé son examen sur des emballages utilisés dans le secteur médical, il y a lieu de relever qu’il n’est pas nécessaire de systématiquement circonscrire le secteur dans lequel s’opère la comparaison entre une marque constituée de la forme d’un emballage et la norme ou les habitudes pertinentes aux produits mêmes pour lesquels l’enregistrement est demandé. En effet, il ne peut être exclu que les consommateurs d’un produit donné soient, le cas échéant, influencés, dans leur perception de la marque sous laquelle ce produit est commercialisé par les modalités de commercialisation développées pour d’autres produits dont ils sont également consommateurs. Ainsi, selon la nature des produits en cause et de la marque demandée, il peut être nécessaire, aux fins d’apprécier si la marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, de prendre en considération un secteur plus vaste (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, EU:C:2006:20, point 32).

28      Lorsque, comme en l’espèce, la marque dont l’enregistrement est demandé est constituée de la forme tridimensionnelle de l’emballage des produits concernés – a fortiori lorsque la commercialisation de ces produits exige, en raison de leur nature même, un emballage, de sorte que c’est l’emballage choisi qui confère sa forme au produit et, aux fins de l’examen d’une demande d’enregistrement en tant que marque, doit être assimilé à la forme du produit –, la norme ou les habitudes pertinentes peuvent être celles en vigueur dans le secteur de l’emballage des produits de même nature et destinés aux mêmes consommateurs que ceux pour lesquels l’enregistrement est demandé (arrêt du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, EU:C:2006:20, point 33).

29      En outre, s’agissant des arguments de la requérante relative au secteur pertinent, il y a lieu de rappeler que la chambre de recours a constaté au point 17 de la décision attaquée que le secteur déterminant pour les produits en cause compris dans la classe 5 est le marché dentaire. Or, le marché dentaire est compris dans le secteur médical [voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2019, Nemius Group/EUIPO (DENTALDISK), T‑278/18, non publié, EU:T:2019:86, point 46].

30      Par ailleurs, il y a lieu de relever que les préparations ou les produits médicaux sont des produits de même nature et sont destinés aux mêmes consommateurs que les produits relevant de la classe 5 visés par la marque demandée. De plus, ces produits sont commercialisés sur le marché souvent sous la même forme de comprimés, de capsules, de pâtes et de liquides. Partant, compte tenu de la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus, le secteur médical, en tant que secteur plus vaste que le marché dentaire, peut être pertinent afin de déterminer la norme ou les habitudes pour la commercialisation des produits relevant de la classe 5 pour lesquels l’enregistrement est demandé.

31      Dans ces conditions, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en prenant en considération les emballages utilisés dans le secteur médical, afin d’établir la norme ou les habitudes pertinentes en ce qui concerne les formes sous lesquelles se présentent sur le marché les produits visés par la marque demandée relevant de la classe 5.

32      Troisièmement, s’agissant du grief relatif à l’absence d’établissement du caractère usuel des blisters plats sur le marché dentaire, il y a lieu de relever que la chambre de recours a correctement constaté, en s’appuyant sur les exemples reproduits au point 11 de la décision attaquée, qu’il existait dans le secteur médical des blisters pour des produits tels que des comprimés, des capsules et des liquides présentant des formes rectangulaire, ronde ou amorphe. Par conséquent, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation lorsqu’elle a conclu que, pour les blisters, la forme de base rectangulaire, ronde ou amorphe s’était établie en tant que norme dans le secteur médical, et, partant, également en ce qui concerne les blisters plats destinés à emballer les produits relevant de la classe 5 désignés par la marque demandée.

33      Selon la chambre de recours, d’une part, l’agencement des blisters sur un tel emballage plat était habituellement symétrique, bien qu’il différât d’un produit à l’autre, et, d’autre part, les blisters étaient fermés par un film lisse ou en relief sur leur face supérieure. Ce dernier élément a été considéré comme un fait notoire par la chambre de recours, en l’absence d’exemples de la face supérieure de blisters. Il y a lieu d’approuver ces appréciations, au demeurant non contestées par les parties.

34      S’agissant plus particulièrement des préparations liquides, il peut être considéré, eu égard à la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus, que la marque demandée, constituée de deux blisters ronds ou légèrement ovalisés, agencés sur la \/face inférieure de la forme de base rectangulaire, doit être assimilée, en l’espèce, à la forme de tels produits. Or, il ne saurait être exclu que la norme ou les habitudes pertinentes en ce qui concerne des produits liquides dans le marché dentaire peuvent être celles en vigueur dans le secteur médical.

35      En outre, même à supposer que les blisters de base amorphe ressemblant à une forme de bouteille et consistant en un applicateur puissent servir à emballer des préparations liquides, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant, au point 25 de la décision attaquée, que les formes rondes de blisters destinés à emballer les pâtes ou les liquides étaient courantes pour ces produits afin d’empêcher une perte de substance.

36      Par ailleurs, s’agissant de l’allégation de la requérante énoncée au point 24 de la requête, selon laquelle la chambre de recours a constaté à tort, au point 18 de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas prouvé que les blisters pour les produits dentaires divergeaient de manière sensible des exemples mentionnés au point 11 de cette décision, il y a lieu de relever que, en toute hypothèse, la chambre de recours a bien établi, par ces exemples, que ces blisters étaient usuels dans le marché dentaire. Par conséquent, il y a lieu d’écarter le grief de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas établi le caractère usuel des emballages plats sur le marché dentaire, notamment pour les préparations liquides.

37      Quatrièmement, la requérante fait valoir que, en tout état de cause, même à supposer que la chambre de recours ait correctement établi que les formes usuelles dans le secteur médical étaient pertinentes pour les produits dentaires désignés par la marque demandée, celle-ci diverge significativement des blisters usuels présents sur le marché par sa forme de base hexagonale, qui serait distinctive.

38      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, certes, afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit. Cela ne saurait toutefois impliquer qu’il n’y ait pas lieu de procéder, dans un premier temps, à un examen successif des différents éléments de présentation utilisés pour cette marque. En effet, il peut être utile, au cours de l’appréciation globale, d’examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée (arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, EU:C:2007:635, point 82).

39      Il convient de constater que, en l’espèce, seules les trois vues d’emballage sous la forme d’un blister gris, reproduites au point 2 ci-dessus ont été présentées dans la demande d’enregistrement, à savoir une vue de la face supérieure, une vue de la face inférieure et une vue latérale, sans aucune description. Il convient donc, à l’instar de la chambre de recours, d’apprécier le caractère distinctif de la marque demandée en tenant compte uniquement des caractéristiques reconnaissables sur ces trois vues, et pas des caractéristiques non reconnaissables sur celles-ci.

40      Dans ces circonstances, il y a lieu de vérifier si la marque demandée composée de plusieurs caractéristiques s’éloigne de façon significative de la norme. Il convient donc, aux fins de l’appréciation de son caractère distinctif, de la considérer dans son ensemble. Toutefois, cela n’est pas incompatible avec l’examen successif des différents éléments qui la composent [voir arrêt du 24 février 2016, Coca-Cola/OHMI (Forme d’une bouteille à contours sans cannelures), T‑411/14, EU:T:2016:94, point 44 et jurisprudence citée].

41      La requérante fait valoir que les éléments constitutifs de la marque demandée, à savoir la base hexagonale allongée ainsi que les blisters ronds et les lignes en relief agencés sur la face inférieure, de même que la combinaison de ses caractéristiques, constituent une indication de l’origine commerciale des produits qu’elle désigne.

42      Plus particulièrement, s’agissant de la forme de base de la marque demandée, la requérante soutient que, contrairement à l’appréciation de la chambre de recours figurant au point 22 de la décision attaquée, ladite forme est non pas rectangulaire mais hexagonale.

43      À l’égard de l’argument de la requérante relatif à la forme de la marque demandée, eu égard à la définition d’un hexagone, à savoir un polygone avec six angles et six côtés, la requérante a, à juste titre, considéré que l’une des extrémités de la forme de la base de la marque demandée est hexagonale.

44      Néanmoins, compte tenu des trois vues de la marque demandée reproduites au point 2 ci-dessus, la forme de base de la marque demandée ressemble fortement à un rectangle allongé ayant des angles chanfreinés sur l’un des deux côtés étroits.

45      De ce fait, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant, en substance, aux points 19 et 20 de la décision attaquée, que les vues des faces supérieure et inférieure de la marque demandée révélaient un blister plat dont la forme de base correspondait globalement à un rectangle.

46      Tout d’abord, la forme de base allongée aux angles chanfreinés sur l’un des côtés étroits ne constituant qu’une variante de la forme ressemblant fortement à un rectangle, le consommateur ne percevra pas immédiatement la marque demandée, comme ayant une base hexagonale à l’une de ses extrémités, contrairement à ce que prétend la requérante. Ensuite, cette forme de base, qui est un des éléments constitutifs de la marque demandée, n’est pas à elle seule à même d’attirer l’attention du consommateur en tant que telle et ne lui permet donc pas d’identifier l’origine commerciale des produits que cette marque désigne. Enfin, à l’instar de la chambre de recours, il y a lieu de considérer que la forme de base peut servir à des fins techniques permettant de distinguer le côté de l’emballage qui est tenu en main de celui sur lequel se trouve le blister contenant le produit.

47      Il y a donc lieu de rejeter les arguments de la requérante contestant l’appréciation de la chambre de recours relative à la forme de base rectangulaire de la marque demandée.

48      Cinquièmement, s’agissant du grief de la requérante fondé sur l’allégation selon laquelle la marque demandée diverge des formes habituelles dans le secteur pertinent, il y a lieu d’approuver la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la forme de base de la marque demandée ne divergeait pas de manière essentielle des emballages usuels sur le marché dentaire. Cette conclusion est fondée sur les appréciations figurant aux points 19 et 20 de la décision attaquée. En effet, d’une part, la marque demandée présentait une forme de base ressemblant fortement à un rectangle, les angles étant chanfreinés sur l’un des deux côtés étroits. Or, contrairement à l’affirmation de la requérante, cette forme ne saurait être perçue comme s’inspirant de la lettre majuscule « V », qui est la première lettre de sa dénomination sociale. D’autre part, des emballages se présentant sous une forme de base rectangulaire étaient utilisés pour divers produits dentaires, afin de les protéger des contraintes extérieures, ainsi qu’il ressortait des exemples retenus par la chambre de recours reproduits au point 11 de la décision attaquée.

49      S’agissant de la vue de la face supérieure de la marque demandée, consistant en un film lisse opaque dont la forme de base ressemblait fortement à un rectangle, il y a lieu de relever, à l’instar de la chambre de recours, que ce film servait à recouvrir le blister destiné à accueillir le produit. En outre, ainsi que l’a retenu à juste titre la chambre de recours au point 23 de la décision attaquée, la surface lisse ainsi que le renfoncement en forme de cercle situé à proximité du côté dont les bords sont chanfreinés ne sont pas de nature à permettre au consommateur d’identifier la marque demandée comme l’indication de l’origine commerciale des produits en cause relevant de la classe 5.

50      S’agissant de la vue de la face inférieure de la marque demandée, celle-ci révèle deux blisters opaques agencés sur la surface de l’emballage dont l’un est de forme ronde et l’autre de forme légèrement ovalisée ainsi qu’une bordure périphérique et trois bandes parallèles de longueurs différentes. Il y a lieu d’approuver les appréciations de la chambre de recours figurant aux points 24 et 25 de la décision attaquée, selon lesquelles, premièrement, les blisters étaient destinés à contenir les produits, deuxièmement, la bordure périphérique était décorative et, troisièmement, les formes en relief consistant en trois bandes parallèles de longueurs différentes étaient décoratives et fonctionnelles en tant qu’indication tactile du côté de l’emballage devant être tenu en main.

51      S’agissant de la vue latérale de la marque demandée, à l’instar de la chambre de recours, il y a lieu de constater que cette vue ne révèle que le fait que les lignes en relief sont plus plates, c’est-à-dire moins proéminentes, que les blisters. Il y a lieu d’ajouter, ainsi que la requérante le fait observer, que cette vue latérale révèle également que les alvéoles des deux blisters étaient plus aplaties que celles qui apparaissent sur les exemples de blisters reproduits au point 11 de la décision attaquée. Toutefois, la prise en considération de cet élément, à lui seul, ne permet pas de considérer que la marque demandée divergeait de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur des produits dentaires et était, partant, susceptible d’être perçue comme une indication de l’origine commerciale des produits qu’elle désigne.

52      Sixièmement, s’agissant du grief de la requérante fondé sur l’affirmation selon laquelle la marque demandée serait susceptible de renseigner sur l’origine commerciale des produits qu’elle désigne, il convient de relever que la chambre de recours a correctement considéré, au point 27 de la décision attaquée, que ces différents éléments pris ensemble ainsi que les caractéristiques de la marque demandée, contrairement à ce que fait valoir la requérante, ne permettraient pas de retenir l’attention du consommateur de sorte que celui-ci perçoive la marque demandée comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause relevant de la classe 5.

53      En outre, il ressort de la jurisprudence que le fait qu’une marque complexe n’est composée que d’éléments dépourvus de caractère distinctif par rapport aux produits concernés permet, en règle générale, de conclure que cette marque, considérée dans son ensemble, est dépourvue de caractère distinctif. Une telle conclusion ne saurait être infirmée que dans l’hypothèse où des indices concrets, tels que la manière dont les différents éléments sont combinés, indiqueraient que la marque complexe, considérée dans son ensemble, représente davantage que la somme des éléments dont elle est composée (voir arrêt du 24 février 2016, Forme d’une bouteille à contours sans cannelures, T‑411/14, EU:T:2016:94, point 49 et jurisprudence citée).

54      En l’espèce, il n’existe pas de tels indices. En effet, la marque demandée ne représente pas davantage que la somme des éléments dont elle est composée, à savoir un blister plat dont la forme ressemblant fortement à un rectangle est assortie de la bordure en relief ainsi que les trois lignes parallèles en relief et de deux blisters, rond et ovalisé, agencés sur la face inférieure. En effet, ces éléments ne divergent pas de manière significative des formes rectangulaires et rondes habituelles dans ce secteur. La manière dont les éléments de la marque demandée, identifiables sur la représentation graphique reproduite au point 2 ci-dessus, sont combinés n’est pas non plus susceptible de lui conférer un caractère distinctif. Par conséquent, il y a lieu de rejeter les arguments de la requérante selon lesquels, eu égard à leur combinaison, les éléments de la marque demandée, à savoir la forme de base rectangulaire et les blisters ronds et opaques, leur agencement symétrique sur ladite forme et les lignes en relief sur la face inférieure, étaient, dans leur ensemble, susceptibles d’être perçus comme une identification de l’origine commerciale des produits dentaires visés par ladite marque.

55      Dans ces conditions, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en concluant, au point 27 de la décision attaquée, que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif en ce qui concerne les produits en cause relevant de la classe 5 destinés à des professionnels faisant preuve d’un niveau d’attention élevé.

56      S’agissant des « matériaux d’emballage (papier) » et du « blister destiné à l’emballage » relevant de la classe 16 et visés par la marque demandée, dans la mesure où les arguments de la requérante pourraient être compris comme faisant valoir que la marque demandée présenterait un caractère distinctif par rapport à ces produits, du fait de ses caractéristiques particulières, notamment la face sur laquelle sont disposés les blisters destinés aux liquides, à savoir à l’inverse de ceux destinés aux autres produits, ils doivent être également rejetés.

57      En effet, il ressort de la jurisprudence que, dans le cas où une forme d’emballage qui est associée aux produits emballés, en l’espèce les produits visés par la marque demandée relevant de la classe 5, est dépourvue de caractère distinctif, il ne saurait être conclu que cette même forme possède un caractère distinctif en tant qu’emballage vide [voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2019, Fränkischer Weinbauverband/EUIPO (Forme d’une bouteille ellipsoïdale), T‑68/18, non publié, EU:T:2019:677, point 56].

58      En effet, le secteur des emballages englobe les emballages dans lesquels les produits en cause relevant de la classe 5 sont conditionnés. Par conséquent, si la marque demandée ne diverge pas de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur des produits dentaires en ce qui concerne les emballages dans lesquels lesdits produits sont conditionnés, il est logiquement exclu qu’elle diverge de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur de l’emballage (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 septembre 2019, Forme d’une bouteille ellipsoïdale, T‑68/18, non publié, EU:T:2019:677, point 57).

59      Dans ces conditions, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant que la marque demandée n’était pas susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine en ce qui concerne les produits en cause relevant de la classe 16 et, partant, était dépourvue de caractère distinctif pour ces produits.

60      Enfin, septièmement, s’agissant du grief relatif à la violation du principe d’égalité de traitement, eu égard aux enregistrements antérieurs invoqués au point 38 de la requête, il ressort de la jurisprudence que l’EUIPO est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe d’égalité de traitement et le principe de bonne administration. Eu égard à ces deux derniers principes, l’EUIPO doit, dans le cadre de l’appréciation de preuves visant à démontrer l’usage sérieux d’une marque antérieure, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens. Or, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration doivent se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne faisant valoir l’absence d’usage sérieux d’une marque antérieure, invoquée à l’appui d’une opposition, ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique [arrêts du 26 juin 2019, Agencja Wydawnicza Technopol/EUIPO (200 PANORAMICZNYCH e.a.), T‑117/18 à T‑121/18, EU:T:2019:447, points 110 à 114 et du 30 janvier 2020, Grupo Textil Brownie/EUIPO – The Guide Association (BROWNIE), T‑598/18, EU:T:2020:22, point 93)].

61      En l’espèce, la chambre de recours s’est dûment interrogée, au point 30 de la décision attaquée, sur la pertinence de la pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO invoquée par la requérante, en concluant à bon droit qu’elle n’était pas liée par les enregistrements antérieurs relatifs à des cas qui n’étaient pas comparables au cas d’espèce.

62      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le moyen unique comme non fondé et, partant, de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Voco GmbH est condamnée aux dépens.

Tomljenović

Škvařilová-Pelzl

Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 septembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.