Language of document : ECLI:EU:T:2002:261

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

23 octobre 2002 (1)

«Marque communautaire - Opposition - Motifs relatifs de refus - Similitude entre deux marques - Risque de confusion - Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 - Demande de marque communautaire figurative contenant le vocable ‘Matratzen’ - Marque antérieure verbale MATRATZEN»

Dans l'affaire T-6/01,

Matratzen Concord GmbH , anciennement Matratzen Concord AG, établie à Cologne (Allemagne), représentée par Me W.-W. Wodrich, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) , représenté par MM. A. von Mühlendahl, G. Schneider et E. Joly, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

l'autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) étant

Hukla Germany SA, établie à Castellbispal (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 31 octobre 2000 (affaires jointes R 728/1999-2 et R 792/1999-2), relative à une procédure d'opposition entre Hukla Germany SA et Matratzen Concord GmbH,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. M. Vilaras, président, Mme V. Tiili et M. P. Mengozzi, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 16 mai 2002,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1.
    Le 10 octobre 1996, la requérante a présenté la demande de marque communautaire n° 395632 (ci-après la «demande») à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2.
    La marque, dont l'enregistrement a été demandé, est la marque figurative reproduite ci-après:

image: matrazen

3.
    Les produits pour lesquels l'enregistrement de la marque a été demandé relèvent des classes 10, 20 et 24 au sens de l'arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante:

- classe 10:    «Coussins, oreillers, matelas, coussins d'air et lits à usage médical»;

- classe 20:    «Matelas; matelas pneumatiques; lits; caillebotis non métalliques; couvertures protectrices; literie»;

- classe 24:    «Couvertures de lit; housses d'oreillers linge de lit; édredons, coutils; enveloppes de matelas; sacs de couchage».

4.
    Le 16 février 1998, la demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires.

5.
    Le 21 avril 1998, l'autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l'OHMI a déposé un acte d'opposition au titre de l'article 42 du règlement n° 40/94.

6.
    L'opposition est fondée sur l'existence d'une marque antérieure enregistrée en Espagne. Celle-ci est une marque verbale constituée du vocable «Matratzen» (ci-après la «marque antérieure»). Les produits désignés par cette marque relèvent de la classe 20 au sens de l'arrangement de Nice et correspondent à la description suivante: «Toutes sortes de mobilier et, en particulier, mobilier de repos, tels que lits, divans, lits de camp, berceaux, canapés, hamacs, couchettes et moïses; mobilier transformable; roues pour lits et meubles; tables de chevet; chaises, fauteuils et tabourets; matelas à ressorts, paillasses, matelas et oreillers». À l'appui de l'opposition, l'autre partie à la procédure devant la chambre de recours a invoqué le motif relatif de refus visé à l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

7.
    Par décision du 22 septembre 1999, la division de l'opposition a rejeté la demande au titre de l'article 43, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, en ce qui concerne les catégories de produits relevant des classes 20 et 24. À cet égard, elle a considéré qu'il existait un risque de confusion, au sens de l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, entre la marque demandée et la marque antérieure. En revanche, elle a rejeté l'opposition, en ce qui concerne les catégories de produits relevant de la classe 10, motif pris de l'absence d'un tel risque de confusion.

8.
    Le 15 novembre 1999, l'autre partie à la procédure devant la chambre de recours a formé un recours auprès de l'OHMI, au titre de l'article 59 du règlement n° 40/94, contre la décision de la division d'opposition. Elle a demandé le rejet de la demande en ce qui concerne les catégories de produits relevant de la classe 10.

9.
    Le 23 novembre 1999, la requérante a également formé un recours auprès de l'OHMI, au titre de l'article 59 du règlement n° 40/94, contre la décision de la division d'opposition. Elle a demandé le rejet de l'opposition en ce qui concerne les catégories de produits relevant des classes 20 et 24.

10.
    Le 31 octobre 2000, la deuxième chambre de recours a statué sur les recours formés devant elle. Le dispositif de cette décision, qui a été notifiée à la requérante le 3 novembre 2000 (ci-après la «décision attaquée»), est libellé comme suit:

«[...] la chambre

1.    Accueille le recours de l'opposante.

2.    Rejette le recours de la demanderesse.

3.    Ordonne que les frais et taxes de la procédure devant la division d'opposition et dans le cadre de ces recours soient à la charge de la demanderesse.»

11.
    En substance, la chambre de recours a considéré que, en Espagne, les deux marques en cause seraient perçues comme étant similaires et que, parmi les produits désignés par ces deux marques, certains sont identiques et d'autres fortement similaires. Sur la base de cette analyse, la chambre de recours a estimé qu'il existait un risque de confusion, au sens de l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, en ce qui concerne toutes les catégories de produits visées à la demande.

Procédure et conclusions des parties

12.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 janvier 2001, la requérante a introduit le présent recours. Le 25 mai 2001, l'OHMI a déposé un mémoire en réponse au greffe du Tribunal.

13.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    rejeter l'opposition introduite par l'autre partie à la procédure devant la chambre de recours;

-    condamner l'OHMI à enregistrer la marque demandée;

-    condamner l'autre partie à la procédure devant la chambre de recours à supporter l'ensemble des dépens exposés devant la division d'opposition, devant la chambre de recours et devant le Tribunal de première instance.

14.
    L'OHMI conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     rejeter le recours;

-    condamner la requérante aux dépens.

15.
    Lors de l'audience, la requérante s'est désistée du troisième chef de ses conclusions tendant à condamner l'OHMI à enregistrer la marque demandée, ce dont il a été pris acte par le Tribunal dans le procès-verbal de l'audience.

En droit

16.
    La requérante soulève, en substance, deux moyens tirés, d'une part, de la violation de l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et, d'autre part, du principe de la libre circulation des marchandises.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

Arguments des parties

17.
    La requérante soutient que les deux marques en cause ne sont pas similaires, mais, au contraire, très différentes. Dans ce contexte, elle affirme que ce n'est qu'en limitant, à tort, l'examen du risque de confusion au seul élément «Matratzen» de la marque demandée que la chambre de recours a pu parvenir à une conclusion contraire.

18.
    Or, selon la requérante, la méthode suivie par la chambre de recours est contraire aux principes qui se dégagent de l'arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL (C-251/95, Rec. p. I-6191). À cet égard, elle expose qu'il ressort de cette jurisprudence que, aux fins de l'appréciation de la similitude de deux marques et du risque de confusion, il convient de prendre en compte l'impression d'ensemble produite par celles-ci.

19.
    La requérante fait valoir que, dans l'impression d'ensemble produite par la marque demandée, l'élément figuratif est au moins aussi important que les éléments verbaux. En outre, parmi ces derniers, seul l'élément «CONCORD» présente un caractère fortement distinctif, les deux autres éléments étant purement descriptifs, constituant la dénomination d'un établissement.

20.
    En outre, la requérante soutient qu'il ressort du principe de la restriction des effets d'une marque enregistrée, tel qu'énoncé à l'article 12, sous b), du règlement n° 40/94, que la marque antérieure ne peut être opposée à l'enregistrement de la marque demandée.

21.
    L'OHMI considère que l'appréciation du risque de confusion opérée par la chambre de recours n'est entachée d'aucune erreur de droit.

Appréciation du Tribunal

22.
    Ainsi qu'il ressort de l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, une marque est refusée à l'enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée. Par ailleurs, en vertu de l'article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 40/94, il convient d'entendre par marques antérieures les marques, enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

23.
    Selon la jurisprudence de la Cour relative à l'interprétation de l'article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), dont le contenu normatif est, en substance, identique à celui de l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, Rec. p. I-5507, point 29, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-342/97, Rec. p. I-3819, point 17).

24.
    Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion dans l'esprit du public doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (arrêts de la Cour SABEL, précité, point 22; Canon, précité, point 16; Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 18, et du 22 juin 2000, Marca Mode, C-425/98, Rec. p. I-4861, point 40).

25.
    Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, la similitude des marques et celle des produits ou services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques et inversement (arrêts Canon, précité, point 17; Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 19, et Marca Mode, précité, point 40). L'interdépendance entre ces facteurs trouve son expression au septième considérant du règlement n° 40/94, selon lequel il y a lieu d'interpréter la notion de similitude en relation avec le risque de confusion dont l'appréciation, quant à elle, dépend notamment de la connaissance de la marque sur le marché et du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services désignés.

26.
    En outre, la perception qu'a le consommateur moyen des produits ou services en cause joue un rôle déterminant dans l'appréciation globale du risque de confusion. Or, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (arrêts SABEL, précité, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 25). Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Par ailleurs, il convient de tenir compte de la circonstance selon laquelle le consommateur moyen n'a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l'image imparfaite de celles-ci qu'il a gardée en mémoire. Il y a lieu également de prendre en considération le fait que le niveau d'attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 26).

27.
    En l'espèce, la marque antérieure est enregistrée en Espagne. Partant, il convient de prendre en considération, aux fins de l'appréciation des circonstances visées au point précédent, le point de vue du public en Espagne. Ce public, les produits désignés par les marques en cause étant destinés à la consommation générale, est composé des consommateurs moyens qui sont, pour l'essentiel, hispanophones. Or, comme l'OHMI l'a exposé à juste titre, la détermination du public pertinent comme étant hispanophone n'est pas infirmée par le fait, à le supposer avéré, qu'un certain nombre de personnes germanophones sont établies en Espagne de façon temporaire ou même permanente.

28.
    Dans sa requête, la requérante ne conteste pas que les produits désignés par les deux marques en cause sont identiques ou, à tout le moins, similaires. Elle prétend, en revanche, que ces deux marques ne sont pas similaires ni, a fortiori, identiques et qu'il n'existe pas de risque de confusion entre elles. Dès lors, il convient de limiter l'examen à ces deux points.

29.
    En ce qui concerne la relation entre les deux marques en cause, la chambre de recours a considéré, au point 26 de la décision attaquée, que celles-ci sont similaires.

30.
    À cet égard, il y a lieu de relever, de façon générale, que deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents. Ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour, sont pertinents les aspects visuel, auditif et conceptuel (arrêts SABEL, précité, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 25).

31.
    En l'espèce, le vocable «Matratzen» constitue, à la fois, la marque antérieure et un des signes composant la marque demandée. Dès lors, il y a lieu de considérer que la marque antérieure est identique, sur le plan visuel et auditif, à un des signes composant la marque demandée. Cependant, cette constatation n'est pas suffisante en elle-même pour considérer que les deux marques en cause, considérées chacune dans leur ensemble, sont similaires.

32.
    Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que la Cour a énoncé que l'appréciation de la similitude entre deux marques doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants (arrêts SABEL, précité, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 25).

33.
    Dès lors, il y a lieu de considérer qu'une marque complexe ne peut être considérée comme étant similaire à une autre marque, identique ou similaire à un des composants de la marque complexe que si celui-ci constitue l'élément dominant dans l'impression d'ensemble produite par la marque complexe. Tel est le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l'image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l'impression d'ensemble produite par celle-ci.

34.
    Il convient de préciser que cette approche ne revient pas à prendre en considération uniquement un composant d'une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d'opérer une telle comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans leur ensemble. Cependant, cela n'exclut pas que l'impression d'ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants.

35.
    Quant à l'appréciation du caractère dominant d'un ou plusieurs composants déterminés d'une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe.

36.
    En l'espèce, il convient de vérifier si la chambre de recours a examiné lequel, ou lesquels, des composants de la marque demandée est susceptible (ou sont susceptibles) de dominer à lui seul (ou à eux seuls) l'image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que les autres composants de celle-ci sont négligeables à cet égard.

37.
    Dans le contexte du cas d'espèce, la chambre de recours devait examiner ces composants en leur caractéristiques visuelles, auditives et, le cas échéant, conceptuelles. Elle l'a fait en parvenant au point 24 de sa décision à la conclusion que le vocable «Matratzen» constitue l'«élément le plus proéminent» de la marque demandée.

38.
    Avant tout, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que prétend la requérante, le vocable «Matratzen» n'est pas descriptif, du point de vue du public pertinent, des produits désignés par la marque demandée. En effet, ainsi qu'il vient d'être relevé au point 27 ci-dessus, ce public est pour l'essentiel hispanophone. Or, le vocable «Matratzen» n'a pas de signification en langue espagnole. À cet égard, il convient de signaler que, certes, ce vocable signifie «matelas» en langue allemande et que, sur la base de cette signification, il est descriptif d'au moins une partie des produits désignés par la marque demandée. Toutefois, force est de constater que le dossier ne contient aucun élément permettant d'établir qu'une partie significative du public pertinent dispose de connaissances de la langue allemande suffisantes pour comprendre cette signification. En outre, le vocable «Matratzen» ne présente aucune similitude avec le mot «matelas» en espagnol, à savoir «colchón». Enfin, le vocable «Matratzen» est, certes, similaire au mot anglais «mattresses», signifiant «matelas». Cependant, à supposer même que le public pertinent dispose de certaines connaissances de la langue anglaise, il convient de constater que le mot «mattresses» ne fait pas partie du vocabulaire de base de cette langue et que, malgré la similitude existant entre ce mot et le vocable «Matratzen», il existe également des différences entre ces deux mots.

39.
    En ce qui concerne le vocable «Concord», il n'y a pas lieu de considérer que le degré du caractère distinctif de ce vocable serait amoindri en raison de son utilisation fréquente, sur le marché espagnol, dans le cadre de la présentation de produits ou de services destinés aux consommateurs moyens. En effet, dans sa réponse à une question du Tribunal, l'OHMI n'a pas fait état d'une telle utilisation. Par ailleurs, le vocable «Concord» n'est pas non plus descriptif, du point de vue du public pertinent, des produits désignés par la marque demandée.

40.
    Quant au vocable «Markt», il occupe, dans la marque composée, une place marginale, sinon tout à fait négligeable, par rapport aux vocables «Matratzen» et «Concord».

41.
    Concernant, enfin, le signe figuratif contenu dans la marque demandée, il convient de constater que celui-ci est descriptif par rapport aux produits désignés par cette marque. Or, un élément d'une marque complexe qui est descriptif des produits désignés par cette marque ne peut pas être considéré, en principe, comme étant l'élément dominant de celle-ci.

42.
    Quant à la configuration de la marque demandée, il faut relever que les vocables «Matratzen» et «Concord» y occupent une position centrale.

43.
    Il s'ensuit que les vocables «Matratzen» et «Concord» peuvent être considérés comme les composants les plus importants de la marque demandée. Toutefois, le premier vocable, ainsi que l'OHMI l'a exposé dans son mémoire en réponse, est caractérisé par une prépondérance de consonnes à prononciation dure et, ne présentant aucune ressemblance avec un quelconque mot espagnol, apparaît, plus que le second vocable, susceptible d'être gardé en mémoire par le public pertinent. Dès lors, il y a lieu de considérer que le vocable «Matratzen» constitue l'élément dominant de la marque demandée.

44.
    La chambre de recours a donc, à bon droit, considéré que, pour le public pertinent, il existe une similitude visuelle et auditive entre les deux marques. En outre, aucune différence conceptuelle entre la marque antérieure et l'élément dominant de la marque demandée ne peut être relevée, étant donné l'absence de signification du vocable «Matratzen» en langue espagnole. Il en découle que la chambre de recours a correctement établi que la marque demandée est similaire à la marque antérieure.

45.
    Concernant le risque de confusion, il y a lieu de considérer qu'il existe un tel risque lorsque, cumulativement, le degré de similitude des marques en cause et le degré de similitude des produits ou services désignés par ces marques sont suffisamment élevés.

46.
    En l'espèce, il a été jugé au point 44 ci-dessus que la marque demandée est similaire à la marque antérieure.

47.
    Quant au degré de similitude des produits désignés par les deux marques en cause, la chambre de recours, au point 25 de la décision attaquée, ainsi que l'OHMI, dans son mémoire en réponse, ont exposé à juste titre et sans être contredits sur ce point par la requérante que ces produits sont en partie identiques et en partie hautement similaires.

48.
    Il s'ensuit que, considérés de façon cumulative, le degré de similitude des marques en cause et le degré de similitude des produits désignés par celles-ci sont suffisamment élevés. Partant, c'est à bon droit que la chambre de recours a considéré qu'il existe un risque de confusion entre les marques en cause.

49.
    Par ailleurs, cette conclusion n'est pas infirmée par les arguments de la requérante tirés de l'article 12, sous b), du règlement n° 40/94. En effet, il y a lieu de relever que, à supposer même que cette disposition puisse avoir une incidence dans la procédure d'enregistrement, cette incidence se limiterait, en ce qui concerne l'appréciation du risque de confusion, à exclure la possibilité de considérer un signe descriptif faisant partie d'une marque complexe comme un élément distinctif et dominant dans l'impression d'ensemble produite par celle-ci. Or, ainsi qu'il ressort du point 38 ci-dessus, en l'espèce, le mot «Matratzen» n'est pas descriptif, du point de vue du public pertinent, des produits désignés par la marque demandée. Partant, l'argument tiré de l'article 12, sous b), du règlement n° 40/94 est dépourvu de pertinence.

50.
    Dès lors, c'est à bon droit que la chambre de recours, considérant que la marque demandée tombe sous le coup de l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, a rejeté la demande en ce qui concerne les catégories de produits relevant de la classe 10, réformant ainsi la décision de la division d'opposition, et qu'elle a rejeté le recours formé par la requérante contre le rejet, par la division d'opposition, de la demande en ce qui concerne les autres catégories de produits.

51.
    Il résulte de ce qui précède qu'il convient de rejeter le moyen tiré de la violation de l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

Sur le moyen tiré de la violation du principe de la libre circulation des marchandises

Arguments des parties

52.
    La requérante est d'avis qu'il serait contraire au principe de la libre circulation des marchandises (article 28 CE) qu'une marque nationale constituée d'un vocable descriptif dans une autre langue que celle de l'État membre de l'enregistrement puisse être opposée à une demande de marque communautaire consistant en une combinaison de vocables descriptifs et d'un élément distinctif tel que le vocable «concord». Dans ce contexte, la requérante affirme que, en l'état actuel du droit communautaire des marques, la marque antérieure, étant descriptive des produits concernés dans une partie substantielle de la Communauté, ne pourrait être enregistrée en Espagne.

53.
    L'OHMI rétorque que, dans le cadre de la procédure d'opposition, il n'est possible ni d'attaquer une marque antérieure nationale ni de remettre en question sa validité. En outre, l'OHMI considère qu'en vertu du principe de coexistence de la marque communautaire avec les marques nationales il est parfaitement concevable qu'une marque soit enregistrée dans un État membre alors qu'elle est descriptive dans une autre langue que celle de cet État membre.

Appréciation du Tribunal

54.
    Il convient de souligner, premièrement, qu'il n'apparaît nullement que le principe de la libre circulation des marchandises interdise à un État membre d'enregistrer, en tant que marque nationale, un signe qui, dans la langue d'un autre État membre, est descriptif des produits ou services concernés et qui ne peut, partant, être enregistré en tant que marque communautaire. En effet, un tel enregistrement national ne constitue pas en lui-même une entrave à la libre circulation des marchandises. En outre, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le traité n'affecte pas l'existence des droits reconnus par la législation d'un État membre en matière de propriété intellectuelle, mais limite seulement, selon les circonstances, l'exercice de ces droits (arrêts de la Cour du 22 juin 1976, Terrapin, 119/75, Rec. p. 1039, point 5, et du 22 janvier 1981, Dansk Supermarked, 58/80, Rec. p. 181, point 11).

55.
    Par ailleurs, aucune interdiction, pour un État membre, d'enregistrer un signe en tant que marque nationale qui, dans la langue d'un autre État membre, est descriptif des produits ou services concernés ne résulte non plus des dispositions du droit dérivé. En effet, ainsi que l'OHMI l'a relevé dans son mémoire en réponse, le législateur communautaire a instauré un système basé sur la coexistence de la marque communautaire avec les marques nationales (voir, à cet égard, cinquième considérant du règlement n° 40/94). En outre, l'OHMI a également relevé à juste titre dans son mémoire en réponse que la validité de l'enregistrement d'un signe en tant que marque nationale ne peut pas être mise en cause dans le cadre d'une procédure d'enregistrement d'une marque communautaire, mais uniquement dans le cadre d'une procédure d'annulation entamée dans l'État membre concerné.

56.
    Deuxièmement, le législateur communautaire n'a pas méconnu les articles 28 CE et 30 CE en disposant, à l'article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 40/94, qu'une demande de marque communautaire est refusée à l'enregistrement lorsqu'il existe un risque de confusion entre cette marque et une marque antérieure enregistrée dans un État membre, indépendamment de la question de savoir si cette dernière marque a un caractère descriptif dans une autre langue que celle de l'État membre de l'enregistrement.

57.
    En effet, ni cette disposition ni l'application qui peut en être faite par l'OHMI ne constituent une entrave à la libre circulation des marchandises. À cet égard, il y a lieu de relever qu'il ressort de l'article 106, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 que ce règlement n'affecte pas le droit, existant en vertu de la loi des États membres, d'intenter des actions en violation de marques antérieures nationales contre l'usage d'une marque communautaire postérieure. Dès lors, si, dans un cas d'espèce, il existe un risque de confusion entre une marque antérieure nationale et un signe dont l'enregistrement en tant que marque communautaire est demandé, l'utilisation de ce signe peut être interdite par le juge national dans le cadre d'une procédure en contrefaçon. Il n'est pas fait de différence, à cet égard, selon que ce signe a été effectivement enregistré ou non en tant que marque communautaire. Partant, ni l'enregistrement d'un signe en tant que marque communautaire ni le refus d'un tel enregistrement n'ont d'incidence sur la possibilité, pour le demandeur de marque communautaire, de commercialiser ses produits sous ce signe dans l'État membre dans lequel la marque antérieure est enregistrée.

58.
    Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l'article 30 CE n'admet les dérogations au principe de la libre circulation des marchandises découlant de l'exercice des droits conférés par une marque nationale que dans la mesure où ces dérogations sont justifiées par «la sauvegarde des droits qui constituent l'objet spécifique de la propriété industrielle concernée» (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Dansk Supermarked, précité, point 11, et du 23 avril 2002, Boehringer Ingelheim e.a., C-143/00, Rec. p. I-3759, point 12). Quant à cet objet spécifique, la Cour a jugé qu'il convient de tenir compte de la fonction essentielle de la marque consistant à garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit marqué, en lui permettant de le distinguer sans confusion possible de ceux qui ont une autre provenance (arrêt Boehringer Ingelheim e.a., précité, point 12). Or, le droit du titulaire de la marque de s'opposer à toute utilisation de cette marque susceptible de fausser la garantie de provenance ainsi comprise relève de l'objet spécifique du droit de marque (arrêts de la Cour du 11 juillet 1996, Bristol-Myers Squibb, C-427/93, C-429/93 et C-436/93, Rec. p. I-3457, point 48, et Boehringer Ingelheim e.a., précité, point 13).

59.
    Enfin, il convient de rappeler que la marque communautaire revêt un caractère unitaire [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 mars 2000, Ford Motor/OHMI (OPTIONS), T-91/99, Rec. p. II-1925, points 23 à 25]. Dès lors, ainsi qu'il ressort, respectivement, de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 et de l'article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement, la demande de marque communautaire est rejetée lorsqu'il existe un motif de refus absolu ou relatif dans une partie de la Communauté. Si, dès lors, il est plus difficile, pour un opérateur économique, d'obtenir l'enregistrement d'un signe en tant que marque communautaire que d'obtenir l'enregistrement du même signe en tant que marque nationale, cela ne constitue que la contrepartie de la protection uniforme dont jouit la marque communautaire sur tout le territoire de la Communauté.

60.
    Il s'ensuit que le moyen tiré d'une violation du principe de la libre circulation des marchandises doit également être rejeté.

61.
    Il résulte de tout ce qui précède qu'il convient de rejeter le recours.

Sur les dépens

62.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l'OHMI, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La partie requérante est condamnée aux dépens.

Vilaras
Tiili
Mengozzi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 octobre 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

V. Tiili


1: Langue de procédure: l'allemand.