Language of document : ECLI:EU:T:2009:411

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA SEPTIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

26 octobre 2009(*)

« Mesures restrictives prises à l’encontre de personnes liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban – Gel des fonds – Recours en annulation – Aide judiciaire – Accord du Conseil de sécurité des Nations unies »

Dans l’affaire T‑127/09 AJ,

Abdulbasit Abdulrahim, demeurant à Londres (Royaume‑Uni), représenté par M. J. Jones, barrister, et Mme M. Arani, solicitor,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme E. Finnegan et M. R. Szostak, en qualité d’agents,

et

Commission des Communautés européennes, représentée par M. P. Aalto, en qualité d’agent,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande d’aide judiciaire,

LE PRÉSIDENT DE LA SEPTIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête dont une copie de l’original signé est parvenue au greffe du Tribunal par télécopieur le 16 mars 2009, dont les copies certifiées conformes sont parvenues au greffe le 26 mars 2009 et dont l’original signé est parvenu au greffe le 15 avril 2009, M. Abdulbasit Abdulrahim a introduit, contre le Conseil et la Commission, un recours ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation partielle du règlement (CE) n° 1330/2008 de la Commission, du 22 décembre 2008, modifiant pour la cent-troisième fois le règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al‑Qaida et aux Taliban (JO L 345, p. 60), et, d’autre part, une demande en réparation du préjudice prétendument causé par cet acte.

2        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 mars 2009, M. Abdulrahim a introduit une demande d’aide judiciaire au titre de l’article 94 du règlement de procédure du Tribunal.

3        À l’appui de cette demande, il fait notamment valoir, en produisant certaines pièces justificatives : que lui-même perçoit un salaire net de 400 GBP par mois et son épouse des allocations familiales d’un montant mensuel de 500 GBP ; qu’il a trois enfants à charge ; que son commerce de pizzas a été interrompu et est en déficit du fait de l’adoption du règlement attaqué ; et qu’il a obtenu le bénéfice de l’aide judiciaire (Legal Aid) en Angleterre.

4        Par lettre du greffe du 25 mai 2009, le Tribunal a invité les parties défenderesses à déposer des observations sur la demande d’aide judiciaire de M. Abdulrahim.

5        Dans ses observations, déposées au greffe le 8 juin 2009, le Conseil fait valoir, à titre principal, que le recours en annulation formé par M. Abdulrahim est manifestement irrecevable en raison de sa tardiveté et que, conformément à l’article 94, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’aide judiciaire devrait dès lors être refusée. Selon le Conseil, en effet, le délai de recours en annulation contre le règlement n° 1330/2008 a expiré le 16 mars 2009, compte tenu du délai de distance, alors que l’original de la requête a été déposé au greffe le 15 avril 2009 et qu’il n’existe aucune preuve de sa transmission par télécopieur à une date antérieure. Quant à la demande d’aide judiciaire, elle aurait été introduite le 20 mars 2009, soit quatre jours après l’expiration du délai imparti.

6        À titre subsidiaire, le Conseil relève qu’aucun élément n’a été fourni à l’appui de l’affirmation de M. Abdulrahim selon laquelle celui-ci aurait été admis au bénéfice de l’aide judiciaire en Angleterre. Le Conseil se demande, en conséquence, si un certificat d’une autorité nationale compétente, au sens de l’article 95, paragraphe 2, du règlement de procédure, a bien été fourni. Le Conseil déclare néanmoins s’en remettre à l’appréciation du Tribunal sur le point de savoir si les renseignements et pièces justificatives fournis par M. Abdulrahim prouvent à suffisance qu’il a besoin de l’aide judiciaire et ajoute qu’il ne soulève aucune objection à cet égard.

7        Quant à la forme de l’aide judiciaire sollicitée, le Conseil estime que la demande de M. Abdulrahim tend à ce qu’un seul solicitor soit désigné pour le représenter au titre de l’aide judiciaire. Cette demande est, selon lui, acceptable.

8        Quant au montant approprié de l’aide judiciaire à octroyer à M. Abdulrahim, le Conseil regrette que celui-ci n’en ait produit aucune estimation. Le Conseil relève, par ailleurs, que la présente affaire porte sur des questions analogues à celles ayant fait l’objet de l’ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 3 février 2003, Ayadi/Conseil (T‑253/02 AJ, non publiée au Recueil), qui a limité le montant de l’aide judiciaire octroyée à 10 000 euros. En conséquence, le Conseil considère que, si l’aide judiciaire devait être octroyée en l’espèce, elle devrait être d’un montant inférieur à 10 000 euros.

9        Dans ses observations, déposées au greffe le 9 juin 2009, la Commission expose qu’elle n’a pas d’objection de principe à l’octroi de l’aide judiciaire demandée, étant entendu que celui-ci devrait être subordonné à l’obtention par M. Abdulrahim d’une dérogation au titre de l’article 2 bis du règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban et abrogeant le règlement (CE) n° 467/2001 du Conseil, interdisant l’exportation de certaines marchandises et de certains services vers l’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidées à l’encontre des Taliban d’Afghanistan (JO L 139, p. 9).

10      Dans ses observations en réplique, parvenues au greffe le 22 juillet 2009, M. Abdulrahim conteste que le recours en annulation soit irrecevable.

11      Dans ces mêmes observations, il fournit une évaluation des débours et honoraires d’avocats exposés à ce jour, qui s’élèvent selon lui à 10 550 euros. Il fait valoir qu’une estimation des frais futurs est impossible, mais s’oppose à ce que le montant de l’aide judiciaire soit limité à 10 000 euros.

12      En outre, il ressort desdites observations que M. Abdulrahim demande que la défense de ses intérêts soit assurée, au titre de l’aide judiciaire, par le barrister et le solicitor qui l’ont assisté jusqu’à présent. L’intervention d’un barrister et d’un solicitor serait conforme au système anglais de représentation en justice et serait pleinement justifiée, en l’espèce, par la complexité de l’affaire.

13      À ces observations était jointe une lettre de la Legal Services Commission du 14 juillet 2009, confirmant que M. Abdulrahim est éligible au bénéfice de l’aide judiciaire en Angleterre et au Pays de Galles.

14      Sous couvert d’une lettre parvenue au greffe le 1er septembre 2009, M. Abdulrahim a par ailleurs produit, sous la forme d’une « Licence » délivrée le 21 août 2009 par la Asset Freezing Unit du HM Treasury, la notification d’une autorité compétente visée à l’article 2 bis, paragraphe 2, du règlement n° 881/2002, établissant qu’il avait introduit une demande de dérogation à l’article 2 de ce règlement, en vue d’obtenir le bénéfice de l’aide judiciaire dans le cadre de la présente procédure, et que cette dérogation avait été accordée dans le respect des mêmes dispositions.

15      À cet égard, le président de la septième chambre du Tribunal rappelle que, aussi longtemps qu’il n’aura pas été statué au fond ou sursis à l’exécution des actes attaqués en l’espèce au principal, les dispositions de l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 881/2002, adoptées conformément aux résolutions 1267 (1999), 1333 (2000), 1390 (2002) et 1822 (2008) du Conseil de sécurité des Nations unies, interdisent en principe au Tribunal de verser une quelconque somme d’argent aux avocats de M. Abdulrahim au titre de l’aide judiciaire, à moins qu’il ne soit formellement établi qu’une dérogation lui a été accordée à cette fin au titre de l’article 2 bis du règlement n° 881/2002, adopté conformément à la résolution 1452 (2002) du Conseil de sécurité des Nations unies (voir, en ce sens, ordonnances du président de la deuxième chambre du Tribunal du 3 avril 2006, Hassan/Conseil et Commission, T‑49/04 AJ, non publiée au Recueil, et du 27 octobre 2006, Othman/Conseil et Commission, T‑318/01 AJ, non publiée au Recueil).

16      Le document visé au point 14 ci-dessus permettant toutefois d’établir que les dispositions de l’article 2 bis du règlement n° 881/2002 ont été dûment respectées, il convient de statuer sur la demande d’aide judiciaire.

17      À cet égard, il ressort de l’article 94, paragraphe 1, du règlement de procédure que, pour assurer un accès effectif à la justice, l’aide judiciaire accordée pour les procédures devant le Tribunal couvre, totalement ou en partie, les frais liés à l’assistance et à la représentation en justice devant le Tribunal. Ces frais sont pris en charge par la caisse du Tribunal.

18      En vertu de l’article 94, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure, l’octroi de l’aide judiciaire est subordonné à la double condition que, d’une part, le requérant soit, en raison de sa situation économique, dans l’incapacité totale ou partielle de faire face aux frais liés à l’assistance et à la représentation en justice devant le Tribunal et, d’autre part, que son action ne paraisse pas manifestement irrecevable ou manifestement mal fondée.

19      En vertu de l’article 95, paragraphe 2, du règlement de procédure, la demande d’aide judiciaire doit être accompagnée de tous renseignements et pièces justificatives permettant d’évaluer la situation économique du demandeur, tel qu’un certificat d’une autorité nationale compétente justifiant cette situation économique.

20      En vertu de l’article 96, paragraphe 2, du règlement de procédure, la décision sur la demande d’aide judiciaire est prise par le président par voie d’ordonnance, celle-ci devant être motivée en cas de refus.

21      En l’occurrence, sans préjudice de la décision du Tribunal sur la recevabilité du recours dans l’affaire principale T‑127/09, le président de la septième chambre du Tribunal considère que l’action pour laquelle l’aide judiciaire est demandée n’apparaît pas manifestement irrecevable, contrairement à ce que soutient le Conseil. En conséquence, il n’y pas lieu de refuser l’aide judiciaire sur la base de l’article 94, paragraphe 3, du règlement de procédure.

22      En effet, s’il est constant que le délai de recours au principal a expiré le 16 mars 2009 et s’il est vrai que l’original signé de la requête n’est parvenu au greffe que le 15 avril 2009, il convient également de rappeler qu’une copie de cet original signé est parvenue au greffe par télécopieur le 16 mars 2009 et que les copies certifiées conformes dudit original sont parvenues au greffe le 26 mars 2009.

23      Par ailleurs, M. Abdulrahim a fourni, dans une lettre adressée au greffe le 8 mai 2009, certaines informations, étayées par des pièces justificatives produites en annexe à cette lettre, dont il ne saurait être exclu qu’elles établissent l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure, au sens de l’article 45 du statut de la Cour de justice, ou d’une erreur excusable l’ayant empêché de déposer l’original signé de la requête au greffe dans le délai de dix jours après l’envoi de la copie de cet original signé par télécopieur, prescrit par l’article 43, paragraphe 6, du règlement de procédure.

24      L’aide judiciaire ayant pour but d’assurer un accès effectif à la justice, conformément à l’article 94, paragraphe 1, du règlement de procédure, il convient, dans ces conditions, d’assurer à M. Abdulrahim la garantie d’une représentation juridique adéquate dans le cadre de l’action principale, y compris pour ce qui concerne la contestation de l’exception d’irrecevabilité du recours soulevée par le Conseil.

25      Pour le surplus, le président de la septième chambre du Tribunal constate, au vu des renseignements et pièces justificatives fournis par M. Abdulrahim, et sans opposition du Conseil ni de la Commission, que les autres conditions relatives à l’octroi de l’aide judiciaire sont remplies.

26      S’agissant du montant de l’aide judiciaire à octroyer à M. Abdulrahim, il convient de relever que, dans les ordonnance Ayadi/Conseil, Hassan/Conseil et Commission et Othman/Conseil et Commission, précitées, qui concernaient des procédures très semblables à la présente procédure, le président de la deuxième chambre du Tribunal a estimé que, compte tenu de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit ainsi que des difficultés prévisibles de la cause, de l’ampleur prévisible du travail que la procédure contentieuse allait causer aux avocats et de l’intérêt que le litige représentait pour les parties, les débours et honoraires des avocats désignés au titre de l’aide judiciaire ne pourraient, en principe, dépasser un montant de 10 000 euros pour l’ensemble de la procédure.

27      Il convient en outre de relever que le recours en annulation introduit par M. Abdulrahim paraît soulever des questions de droit identiques, en substance, à celles tranchées par la Cour dans l’arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351).

28      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accorder à M. Abdulrahim le bénéfice de l’aide judiciaire, en réservant la décision sur le montant des débours et honoraires. Compte tenu de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit ainsi que des difficultés prévisibles de la cause, de l’ampleur prévisible du travail que la procédure contentieuse causera aux avocats et de l’intérêt que le litige représente pour les parties, il y a toutefois lieu de préciser dès à présent, conformément à l’article 96, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement de procédure, que les débours et honoraires des avocats désignés au titre de l’aide judiciaire ne pourront, en principe, dépasser un plafond de 10 000 euros.

29      Enfin, en application de l’article 96, paragraphe 3, du règlement de procédure et conformément à la demande de l’intéressé, il y a lieu de désigner les actuels barrister et solicitor de M. Abdulrahim, M. J. Jones et Mme M. Arani, pour représenter celui-ci dans le cadre du litige principal.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA SEPTIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      M. Abdulbasit Abdulrahim est admis au bénéfice de l’aide judiciaire.

2)      M. John Jones et Mme Muddassar Arani sont désignés comme avocats pour assister M. Abdulrahim.

3)      Les débours et honoraires des avocats désignés seront pris en charge par la caisse du Tribunal. La décision sur le montant de ces débours et honoraires est réservée. Toutefois, ces débours et honoraires ne pourront, en principe, dépasser un montant de 10 000 euros.

Fait à Luxembourg, le 26 octobre 2009 .

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      N. J. Forwood


* Langue de procédure : l’anglais.